Alg Lin 2016 Poly Semaine 4
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La base B recherchée sera une base qui respecte la construction ci-haut. On commence
par prendre n’importe quelle base de Fp , disons {ej,p }16j6mp . On applique f à cette base
pour trouver une famille de vecteurs {ej,p−1 }16j6mp , où on a posé ej,p−1 = f (ej,p ). On
constate que les vecteurs ej,p−1 sont libres; en effet, la restriction de f à Fk pour chaque
2 6 k 6 p est injective, car Fk ∩ ker f = 0. On peut donc compléter cette famille libre
en une base {ej,p−1 }16j6mp +mp−1 de Fp−1 , en rajoutant mp−1 = dim Fp−1 − dim Fp > 0
vecteurs linéairement indépendents. (Que dim Fk−1 soit au moins dim Fk , pour tout
1 6 k 6 p, est conséquence du fait que les écarts entre les noyaux itérés forment une
suite décroissante.)
On continue ainsi de suite. On obtient à la fin une base ej,k de E. On ordonne les
éléments selon l’ordre lexicographique pour obtenir une base de Jordan B de E comme
décrite dans la proposition.
1.4. Tableaux de Young. Soit n > 1 et p1 > p2 > · · · > pk avec p1 + p2 + . . . +
pk = n une partition de n. Le Tableau de Young associé à cette partition, notée
TY(p1 , . . . , pk ) est un tableau à k lignes (alignées à gauche), constituées de cases dont
le nombre est p1 , p2 , . . . , pk .
A toute forme réduite de Jordan diag(Jd1 , . . . , Jdr ) on peut associer le tableau de
Young TY(d1 , . . . , dr ). L’intérêt des tableaux de Young dans notre context est le résultat
suivant, qui est une simple reformulation du corollaire 1.
Corollaire 2. Les classes de conjugaison des éléments nilpotents de L(E) sont en
bijection avec les tableaux de Young.
2. Réduction de Frobenius
On arrive maintenant à l’analogue chez les endomorphismes de la décomposition d’un
groupe abélien fini en facteurs invariants. Rappelons l’un des exemples de l’introduction
du cours. On a un isomorphisme
(Z/2Z × Z/4Z) × (Z/3Z)2 × Z/5Z ' Z/60Z × Z/6Z.
La décomposition à gauche est celle des diviseurs élémentaires (analogue à la réduction
de Jordan) et celle à droite est celles des facteurs invariants (analogue à la réduction
de Frobenius).
2.1. Énoncé et preuve. Notons que le théorème suivant n’exige aucune hypothèse que
l’existence d’un polynôme annulateur scindé. Ainsi, on peut l’appliquer à tout f ∈ L(E)
défini sur tout corps K. En anglais, cette décomposition est parfois nommée “rational
canonical form”.
Théorème 2.1 (Réduction de Frobenius). Soit f ∈ L(E). Alors il existe une unique
suite finie de polynômes unitaires Pr | Pr−1 | · · · | P1 dans K[T ] (appelés facteurs
invariants ou facteurs de similitude) et une décomposition en sous-espaces cycliques
stables
E = E1 ⊕ · · · ⊕ Er ,
tels que le polynôme minimal de Ei est Pi .
Autrement dit (en vue du chapitre sur les espaces cycliques), il existe une unique
suite finie de polynômes unitaires Pr | Pr−1 | · · · | P1 dans K[T ] et une base de E dans
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Posons π = Pj (f ).
Or chaque Fi est stable par f , et donc par π, car polynôme en f . Ainsi
π(E) = π(F1 ⊕ · · · ⊕ Fr ) = π(F1 ) ⊕ · · · ⊕ π(Fr ).
De la même façon,
π(E) = π(G1 ⊕ · · · ⊕ Gs ) = π(G1 ) ⊕ · · · ⊕ π(Gs ).
Notons, par contre, que pour tout i ≥ j on a Pj (fFi ) = 0, car Pi = µfFi et Pi | Pj .
Cela implique π(Fi ) = Pj (fFi )(Fi ) = 0E pour i ≥ j et donc, en fait,
π(E) = π(F1 ) ⊕ · · · ⊕ π(Fj−1 ).
Par ailleurs, pour tout i = 1, . . . , j − 1, on a une égalité Pi = Qi . Pour ces indices, les
induites fFi et fGi sont semblables, car des endomorphismes cycliques avec les mêmes
polynômes minimaux. Par conséquence, Pj (fFi ) et Pj (fGi ) sont semblables – et en par-
ticulier, dim π(Fi ) = dim π(Gi ) – pour i = 1, . . . , j −1. On en déduit que dim π(Gi ) = 0,
c’est-à-dire π(Gi ) = 0, pour tout i ≥ j.
En particulier, π = Pj (f ) annule Gj , ce qui veut dire que Qj divise Pj . Par symétrie
Pj divise Qj , et donc Pj = Qj , une absurdité.
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2.2. Passage entre les deux formes canoniques. Expliquons maintenant comment
passer de la forme canonique de Jordan à celle de Frobeunius, et réciproquement.
Exemple 2.2.1 (De Frobenius à Jordan pour les nilpotents). On commence par les
endomorphismes nilpotentes. Soit f ∈ L(E) nilpotent d’indice p1 . Ainsi µf (T ) = T p1
et il existe une base de E dans laquelle la matrice de f est diag(CX p1 , CX p2 , . . . , CX pr ),
où p1 ≥ p2 ≥ · · · ≥ pr et p1 + p2 + · · · + pr = dim E. En remarquant que le transposé
de CX k est Jk , on voit qu’en inversant l’ordre de la base, on obtient la forme canonique
de Jordan diag(Jp1 , Jp2 , . . . , Jpr ).
Exemple 2.2.2 (Le passage dans les deux sens pour les cycliques). Inspirons-nous du
cadre des groupes abéliens finis. Un groupe de la forme
Z/pr11 Z × · · · × Z/prkk Z,
où les pi sont deux à deux distincts, est isomorphe à Z/nZ avec n = pr11 · · · prkk . De la
même façon, la matrice en forme de Jordan réduite
A = diag(λ1 Ir1 + Jr1 , . . . , λk Irk + Jrk ),
où les λi Qsont deux à deux distincts, est sembable à la matrice compagnon CP avec
P (T ) = i (T − λi )ri . En effet, χA (T ) = P (T ) = µA (T ), donc A est cyclique. En
tant que matrice cyclique, elle est semblable à matrice compagnon de son polynôme
caractéristique. Réciproquement, si on se donne CP la forme réduite de Jordan est
décrite ci-dessus.
Ces exemples nous aideront à formuler une stratégie générale.
(1) Supposons donnée une matrice A en forme réduite de Frobenius, qui admet un
polynôme annulateur scindé. Trouvons sa forme réduite de Jordan.
On a donc A = diag(CP1 , . . . , CPr ) avec Pr | · · · | P1 , et comme P1 = µA et
que A est supposé admettre un polynôme annulateur scindé, on en déduit que
µA est scindé, et du coup chaque Pi est scindé. Pour chaque bloc CPi on peut
appliquer l’exemple ci-dessus pour trouver une matrice sembable en forme réduite
de Jordan.
Disons que les facteurs de similitude de A sont P1 = X 2 (x−2)2 , P2 = X(X −2),
et P3 = X. Alors les blocs de Jordan seraient
J2 , 2I2 + J2 , J1 , 2I1 + J1 , J1 .
(Même si J1 = 0, on l’écrit ci-dessus pour clarté.)
(2) Supposons donnée une matrice A (admettant un polynôme annulateur scindé) en
forme réduite de Jordan. Posons λ1 , . . . , λr les valeurs propres. Pour chaque valeur
propre λi soit d1,i la taille du plus grand bloc de Jordan associé à λi . Formons la
matrice cyclique
diag(λ1 Id1,i + Jd1,i , . . . , λr Id1,r + Jd1,r ).
L’exemple ci-dessus montre que cette matrice est semblable à CP1 , où
Y
P1 (T ) = (T − λi )d1,i .
i
Disons que
A = diag(2I3 + J3 , 2I3 + J3 , I3 + J3 , I3 + J3 , I1 + J1 , J2 , J1 ).
Les valeurs propres sont donc 2, 1, 0 avec les blocs (3, 3), (3, 3, 1), (2, 1). Les inva-
riants de similitudes seraient donc
P1 (T ) = (T − 2)3 (T − 1)3 T 2 , P2 (T ) = (T − 2)3 (T − 1)3 T, P3 (T ) = T − 1.