Lecture Linéaire Nana de Zola

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Lecture linéaire : Nana (1880)de Emile Zola chapitre VII, (Parcours associé Manon Lescaut :

Personnages en marges

Le roman décrit l'ascension et la chute de la courtisane Nana, fille de Gervaise et de


Coupeau (L’Assommoir), pendant les trois dernières années du Second Empire. Femme
fatale et « mangeuse d'hommes », celle-ci les collectionne (hauts dignitaires, aristocrates,
bourgeois...) et les mène immanquablement à leur perte (faillite, suicide…). L'extrait proposé
met en scène, dans la chambre de Nana, le comte Muffat et son amante. Celui-ci lit un article
de Fauchery, journaliste au Figaro, qui attaque violemment la courtisane.

Et, lâchant la chemise, attendant que Muffat eût fini sa lecture, elle resta nue. Muffat
lisait lentement. La chronique de Fauchery, intitulée la Mouche d'or, était l'histoire d'une
fille, née de quatre ou cinq générations d'ivrognes, le sang gâté par une longue hérédité de
misère et de boisson, qui se transformait chez elle en un détraquement nerveux de son
sexe de femme. / Elle avait poussé dans un faubourg, sur le pavé parisien ; et, grande,
belle, de chair superbe ainsi qu'une plante de plein fumier, elle vengeait les gueux et les
abandonnés dont elle était le produit. Avec elle, la pourriture qu'on laissait fermenter dans
le peuple, remontait et pourrissait l'aristocratie. Elle devenait une force de la nature, un
ferment de destruction, sans le vouloir elle-même, corrompant et désorganisant Paris
entre ses cuisses de neige, le faisant tourner comme des femmes, chaque mois, font
tourner le lait. Et c'était à la fin de l'article que se trouvait la comparaison de la mouche,
une mouche couleur de soleil, envolée de l'ordure, une mouche qui prenait la mort sur les
charognes tolérées le long des chemins, et qui, bourdonnante, dansante, jetant un éclat de
pierreries, empoisonnait les hommes rien qu'à se poser sur eux, dans les palais où elle
entrait par les fenêtres. […]

Chef de fil du naturalisme, Émile Zola expose ses théories sur l’hérédité dans les 20 romans de sa
saga Les Rougon-Macquart retraçant le destin d’une famille durant 4 générations. Ses romans sont
aussi l'occasion de dessiner un portrait saisissant de la France sous le Second Empire. Dans Nana,
l'écrivain choisit d'entrer dans l’univers des demi-mondaines à travers l'ascenseur et la chute de la
courtisane Nana, fille de Gervaise et de Coupeau. L’extrait proposé met en scène dans la chambre de
Nana le comte Muffat et son amant. Celui-ci lit un article de Fauchery, journaliste de Figaro, qui attaque
violemment la courtisane.

Lecture du texte

Projet de lecture : Dans quelle mesure ce texte associe-il un portrait de personnage en marge avec
le plaisir du romanesque ?

En quoi le portrait de nana est-il représentatif de la fin du XIXe siècle ?

En quoi le personnage de Nana est-il révélateur de la corruption des mœurs à la


fin du XIXe siècle ?

Mouvements :
- l.1-4 : un portrait quasi scientifique
Un portrait retranscrivant les lois de l’hérédité

- l.4-14 : un portrait fantasmatique


Un portait imaginaire et à visée critique
Un personnage fantasmagorique
Procédés Citation Interprétation

l.1-2 Les 2 premières phrases de l’extrait mettent en place le


décor et l'action ce qui permet au lecteur de visualiser la
scène. Ce dernier est placé en position de voyeur et plonge
dans une scène d’intimité.

Temps verbaux « Eu fini », « resta » (passé La variation des temps verbaux rend compte des actions des
simple) personnages. Chacun s’adonne à une activité récréative et
intimiste : Muffat lit le journal tandis que Nana se dénude.
(Imparfait)

Participe présent « Lâchant », « attendant » L’usage des participes présents permet de décomposer
chaque mouvement du personnage. L'absence de parole fait
de cette scène un tableau silencieux auquel s’ajoute le
pouvoir érotique de l’évocation. En effet, on suppose que
Muffat est habillé tandis que Nana est nue. Ce décalage
créant un érotisme scandaleux évoque la peinture
impressionniste et en particulier le déjeuner sur l’herbe de
Manet, tableau peint en 1863.

Mise en abyme l.2 à 4 Nous passons du récit cadre au récit encadré qui se
construit dans l'article de journal. Ce répit consiste en la
restitution indirecte d’un premier portrait de Nana dans un
processus de mise en abyme. Nana y est présentée comme
un phénomène de société, un véritable objet de trouble à
l’ordre du groupe.

Champ lexical du « Chronique », « article », Le lexique associé à l'univers journalistique rappelle


journalisme « intitulé », « histoire » l’inscription de l’extrait dans un contexte réaliste. Le lecteur
est plongé au cœur de l’univers de la presse et du
journalisme au 19ème siècle.

Théorie naturaliste : « Le détraquement nerveux » Ce portrait présente d’abord les origines de Nana sous
Zola est l’un des chefs l’angle de la théorie naturaliste développée par Zola. En
de file de ce effet, on retrouve le concept avancé par l’auteur selon lequel
mouvement. les « tard » se transmettent de génération en génération par
le sang : les lois de l’hérédité. L'équation biologique est la
Champ lexicale de la « Ivrogne », « boisson », « le suivante “le détraquement nerveux” de Nana est la
boisson sang gâté » conséquence de l'alcoolisme de ses parents, Gervaise et
Coupeau. Le lexique de la boisson se substitue dans la
syntaxe à celui de la sexualité faisant ainsi directement écho
à la nudité exposée du corps de Nana dans le récit cadre de
l’extrait.

Série de périphrases à « Une fille », On trouve également une forme de mépris de la part du
connotation négative « Quatre ou cinq générations journaliste avec l’emploi de périphrase péjorative pour
d’ivrognes » ; « une longue désigner Nana ou encore sa famille. Les substantifs
hérédité de misère et employés désignent uniquement les personnages à travers
de boisson » leur rapport à l’alcool, les réduisant à des êtres misérables.
De même, l'emploi de la conjonction de coordination “ou”
“quatre ou cinq” donne un effet d'approximation généalogique méprisant.

Oxymore “la Mouche d'or” L’expression oxymorique cristallise le portrait du personnage


tout en sous-entendant qu’il s’agit ici d’une chronique
satirique. Cette dernière présente Nana comme un
personnage marqué par l'ambiguïté : d’apparence éclatante,
riche, enviable et désirable, elle serait intérieurement
détestable et corrompue.

MOUVEMENT 2 : un portrait fantasmatique/irréel


Procédés Citation Interprétation

Temps verbaux « Avait poussé » (plus-que- La lecture de l’article et du portrait se poursuit. L’usage du
parfait) plus que parfait montre que la chronique suit un ordre
chronologique précis depuis le passé lointain de Nana
jusqu’à l’époque actuelle. On passe donc ici sous forme
d’une métaphore filée au parcours plus personnel de la
jeune femme.

Compléments « Dans un faubourg, sur le Le déterminisme biologique est cette fois remplacé par un
circonstanciels de lieu, pavé parisien » déterminisme social. Ce dernier est introduit par des
Métonymie du pavé compléments circonstanciels de lieu donc désignant l’endroit
où Nana a grandi. Ces indices spatiaux temporels
s'enchaînent du plus large au plus précis, ils témoignent
aussi de la réalité urbaine du XIXème siècle marquée par la
création d’espace périphérique à Paris, espace dans lequel
les misérables se trouvent relégués. Ce dernier indice
évoque explicitement le trottoir, la rue comme lieu de
l’enfance et associe Nana à l’univers de la misère et de la
prostitution. La métonymie du pavé renvoie clairement à la
rue. Nana est donc enracinée dans un univers social précis
qui détermine ce qu’elle est. C’est alors qu’au portait
presque scientifique se superpose celui fantasmatique du
personnage qui apparente Nana à une véritable femme
fatale voire une créature monstrueuse.

Adjectifs mélioratifs « Grande », « belle », « de Ces adjectifs mettent d’abord l’accent sur le caractère
chaire superbe » esthétique et sensuel de son apparence physique. Mais sont
aussitôt associés dans une comparaison au lexique de la
décomposition rappelant à nouveau son origine misérable.
Lexique de la « Plante rempli de fumier » Enfin la proposition principale semble faire de Nana une
décomposition figure épique, héroïque se dressant seule contre le reste du
monde. Le discours naturaliste de l'auteur se définit ici
également par un langage social. En effet l’article présente
Nana comme si elle vengeait les “gueux et les abandonnés
dont elle est le produit”. En “pourrissant” l’aristocratie, la
prostituée instaure donc un nouvel ordre dans l’anarchie
qu’elle sème sur son passage.

Métaphore filée de la « Force de la nature » La métaphore filée de la plante se poursuit et trouve son
plante paroxysme dans la métaphore qui associe Nana à une force
de la nature. On retrouve le grandissement épique
précédemment amorcé comme si elle parvenait à soulever
le monde comme un phénomène météorologique. D’ailleurs
son apparition est associée à des images de séisme. Tout
un lexique du désordre lui est associé dans l’emploi de
participe présent :

Lexique du désordre “corrompant” ; Nana semble donc comparée à une bombe qui fait exploser
associés à des ”désorganisant” ; ”ferment de le monde. C’est toute la société qu’elle détruit de manière
participes présent destruction” ; ”faisant tourner” verticale. Paris apparaît comme la métonymie de la société
aristocratique du Second Empire de l’époque.

Une image “entre ses cuisses de neige” L’image hyperbolique de Nana désorganisant Paris, “entre
hyperbolique ses cuisses de neige” donne de son corps non plus
seulement une image majestueuse mais là une image
divine, démesurément grande : le corps de Nana semble
saturer tout l’espace. Elle incarne la prostitution qui semble
être le fléau ravageant la société du Second Empire. La
comparaison du mouvement du corps de nana à la façon
des femmes de tourner le lait rappelle aussi l’image de la
tempête incontrôlable, le séisme évoqué plus haut et qui
évoque sur un mode figuré cette idée des hommes dont elle
fait tourner les têtes par sa séduction. L’écho est d'ailleurs
renforcé par l’image de “ferment de destruction” et le choix
de la boisson “le lait” qui renvoie par association à la
maternité, au sein donc à la féminité, à la sensualité.

Lexique de l’épidémie « Pourriture », « fermenté », La dernière phrase du mouvement correspond à la fin de


« mort », « empoisonné » l’article. Par sa syntaxe rythmée par de nombreuses
virgules, elle mime le parcours de la mouche à travers la
société qu’elle contamine progressivement. Les indices de
lieu ainsi que les verbes de mouvement qui leur sont
associés montrent le chemin emprunté par le vol de la
mouche. Le mouvement de Nana sur l’aristocratie est
associé à une sorte d'épidémie. Les lieux dans lesquels elle
s’insinue se multiplient dans ce passage. Il est question
d’entrer dans les “palais” et par les fenêtres. La fille mouche
d’or est tenue responsable de la décadence de la société
sans jamais que soit envisagé dans l’article l’éventuelle
responsabilité des hommes de la haute société. Au
contraire, les hommes sont implicitement en posture de
victimes et par là déculpabilisés. Ils sont trompés par la
beauté de la mouche d’or, “couleur de soleil” “jetant des
éclats de pierreries” dont ils émanent trompeusement un
rayonnement positif masquant l’ordure d’où elle vient et la
mort qu’elle transporte. Mais surtout ils sont empoisonnés
par elle et c'est-à-dire contaminés sans s’en apercevoir. Ce
qui laisse entendre une forme d’irresponsabilité.

Multiples participes « Bourdonnante », Les multiples participes présents ainsi que les termes
présents ainsi que les « dansante », « jetante » associés au bruit montrent à nouveau qu’elle crée le
termes associés au désordre par où elle passe (“bourdonnante” ; ”dansante”).
bruit Dans ce dernier verbe de mouvement on retrouve le
caractère séducteur du personnage.

CONCLUSION
Le personnage de Nana vénale et cynique appartient bien à cette famille de personnages en
marge ne serait-ce que par le métier qu’elle exerce et qu’il lui vaut la réprobation sociale, morale et
religieuse de son temps. Mais surtout elle incarne et concentre les vices d’une société où tout
s’achète, où les fortunes immenses permettent des trains de vie inimaginable auparavant. Dès lors,
elle revendique le droit de tirer profit de sa valeur, de sa liberté et de choisir ses amants. Elle incarne
également la revanche de ses parents, Gervaise et Coupeau, vaincus par la pauvreté.
OUVERTURE : Le destin du roman Nana n’est pas sans rappeler celui de Manon Lescaut de l’abbé
Prévost qui connut une destinée semblable au 18ème siècle.

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