L'enseignement en Algérie

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L’ENSEIGNEMENT EN ALGÉRIE

Dany-Robert Dufour

La Documentation française | « Maghreb - Machrek »

1978/2 N° 80 | pages 33 à 53
ISSN 1241-5294
DOI 10.3917/machr1.080.0033
Article disponible en ligne à l'adresse :
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https://www.cairn.info/revue-maghreb-machrek1-1978-2-page-33.htm
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33

ETUDES

L'ENSEIGNEMENT EN ALGI!RIE

Les Impératifs d'éducation répondent en général à deux contradictoires. Nous essaierons, pour chacun d'eux, d'en
types de demandes : l'une sociale, et l'autre écono- préciser les enjeux, avant d'examiner les structures qui
mique. La demande sociale désigne l'ensemble des ont été mises en place pour ·la réalisation de 1a réforme
besoins d'éducation d'une population. Eloie permet de fixer scolaire.
des objectifs quantitatifs : généralisation de l'enseigne-
ment, ·réduction du taux d'analphabétisme, réduction des
différences de taux de scolarisation (entre filles et gar-
çons, entre jeunes ruraux et jeunes urbains, entre jeunes
originaires de catégories socio-professionnelles ou socio-
cu'lturelles différentes ... ). Elle exprime également les
Le système éducatif algérien
besoins qualitatifs des populations : orientations politique,
Idéologique, culturelle, choix linguistiques du système et ses référents
d'enseignement.
Avant toute évaluation des rés·ultats, il convient de
La demande économique module les besoins sociaux
repérer les grandes lignes selon lesquelles s'ordonnait
pour qu'ils correspondent aux contraintes et aux Impé-
l'enseignement en Algérie, jusqu'à .Ja mise en place pro-
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ratifs du développement : ainsi le budget d'éducation fixe
gressive du nouveau système scolaire.
le rythme des constructions scolaires et par conséquent,
-la proportion d'enfants qui peuvent être accueillis ; d'autre
part, le système scolaire doit tenir compte de la demande
des différents secteurs économiques et ajuster ·la quan-
tité d'éléments formés aux débouchés offerts par le L'ORGANISATION DE L'ENSEIGNEMENT
marché du travail. EN ALGERIE
Des méthodes élaborées par les planificateurs de 'l'édu-
cation permettent de ca lculer les besoins sociaux d'une L'enseignement préscolaire
part, les besoins économiques d'autre part. L'ajustement
Il a été supprimé en 1964 pour que les moyens humains
des besoins renvoie évidemment à des choix politiques
et matériels disponibles dans ce secteur puissent être
douloureux où se dosent en raison inverse les principes
utilisés au profit de l'enseignement élémentaire.
d'équité et d'effica·cité.
t'Algérie comme pays .neuf ayant opéré la rupture avec L'enseignement élémentaire
l'ancienne puissance coloniale, en pleine mutation socio-
économique, n'échappe pas à l'obligation de choisir entre La durée de scnlarisation à ce niveau est de six ans.
·les réalisations nécessaires ·à la satisfaction des besoins Une année supplémentaire reçoit les élèves préparant le
immédiats des populations et la mise en place d'une so- certificat d'études primaires. L'accès en première année
ciété nouvelle dont les bases ont été établies par 'les trois est réservé aux enfants de 6 ans révolus . Les 6 années
grandes réformes de 1971 : révolution agraire, gestion so- de scolarité élémentaire vont de la première année élé-
cialiste des entreprises, réforme de l'enseignement supé- mentaire (1" AE) à la sixième année élémentaire (6' AE).
rieur. L'Algérie est en effet engagée dans • l'édification
des bases matérielles et spirituelles du socialisme par un L'enseignement moyen (ex pre.nier cycle du second degré)
développement économique, social et culturel, planifié,
harmonieux et puisant ses sources dans .les valeurs de • L'enseignement moyen général :
l'arabo-islamisme ... , l'édification d'un socialisme dont les
finalités extérieures demeurent la libération de .J'homme Les collèges d'enseignement général (CEG) ont été trans-
de toutes les formes d'exploitation et la promotion globale formés en 1971 en collèges d'enseignement moyen (CEM)
de sa personnalité • (1). délivrant en Hn de cycle un Brevet d'enseignement moyen
(BEM) option • enseignement général •.
Les quatre grands principes qui servent de -référents au
système éducatif algérien - généralisation, unification, ta durée de la scolarité dans l'enseignement moyen est
algérianisation, arabisation - apparaissent ainsi plutôt de 4 ans, de la première année moyenne (1" AM) à la
comme des points d'équilibre entre des exigences souvent quatrième année moyenne (4' AM) .
34 ETUDES

L'accès en 1" année moyenne est permis aux élèves de 90 %, il décroît rapidement; en 1975, 68 % des jeunes de
6" année é'lémentaire qui ont été admis à un examen na- 6 à 14 ans sont scolarisés, 80 % des jeunes de cette
tional. Les élèves de 7" année élémentaire peuvent pré- tranche d'âge doivent ·l'être en 1985. Cette prévision qui
senter un concours d'entrée en 2" année moyenne ou en peut sembler prudente s'explique par la forte pression
1" année des établissements d'enseignement technique démographique (3,5 % par an) : 522 000 jeunes de 6 ans
ou agricole. se présentaient pour 'la première fois à l'école en 1975,
725 000 s'y présenteront en 1985.
• L'enseignement technique et agricole :
Mais les écarts entre taux de scolarisation en milleu
Les Collèges d'enseignement technique (CET) et les rural et en milieu urbain subsistent, de même qu'entre
Collèges d'enseignement agricole (CEA) ont été généra- taux de scola risation des garçons et des fi!.!es.
·l ement transformés en Collèges d'enseignement moyen
polytechnique (CEMP) délivrant en fin d'études un BEM Le tableau 1 i•ndique les taux de scolarisation ventilés
option • technique • ou • agricole • (2). par sexe et wilaya pour l'enseignement élémentaire (ta-
bleau 1) .
Les Collèges nationaux d'enseignement technique (CNET)
ont été transformés en • Technicums •. qui comportent
deux paliers : le premier est à l'image des CEMP, le
second d'une durée de deux ans, est sanctionné par un
TAB LEAU 1. - TAUX DE SCOLARISATION DANS L'ENSEIGNEMENT
diplôme de technicien. ELEM ENTA IRE, VENTILE PAR SEXE ET PAR WILAYA .
Ces transformations sont progressives, elles n'affectent
pas encore tous ·les établissements d'enseignement moyen. Total Filles Garçons
En 1975, les structures de l'enseignement moyen étaient 7. % %
constituées de 354 CEM, 173 CEMP, 3 CET et 7 Technicums.
Total Algérie 66,2 55,2 60,8
L'enseignement secondaire (ex second cycle du second
degré) · Région d'Alger
Alger 91 '1 66,3 95,8
L'enseignement secondaire est dispensé par les lycées ; Al-Asnam 51,1 36,1 65,9
il comporte différentes options. La durée de la scolarité Mede a 50,2 32,8 66,9
est de 3 ans. Elle est sanctionnée par un baccalauréat. Tizi-Ou zou 77,7 59,6 95,0
L'accès en 1" année secondaire (ex classe de seconde) Région de Constantine
Constantine 68,7 54,8 62,0
est réservé aux élèves qui, ayant accomp·li une 4• année Annaba 66,6 54,2 78,5
moyenne, remplissent les conditions requises. Les élèves Ba tna 60,0 42,4 76,0
ayant terminé le 1" niveau de technicum peuvent égale- Sé tif 64,1 47,1 80,5
ment en principe y accéder. Les élèves sont orientés,
selon les résultats obtenus dans l'enseignement moyen, Région d'Oran
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Oran 80,0 72,8 86,3
vers l'option lettres - divisée en 'l ettres langues et lettres Mostaganem 53,0 37,3 68,3
arabes -, l'option sciences, l'option technique T - divi- Sai da 62,0 50,5 73,0
sée à partir de la 2' AS en technique mathématique et en Tiaret 52,0 39,8 63,8
technique industrielle - , l'option technique T' - divisée Tlemcen 70,0 57,7 81,2
à partir de la 2' AS en technique économique et en tech-
Région du Sahara
nique commerciale. Oa sis 70,5 51,9 87,6
Saoura 60,2 45,0 74,5
Depuis 1971, l'éducation est partagée administrativement
entre l'enseignement élémentaire moyen et secondaire
qui relève de la compétence du ministère des Enseigne- Source : • Informations statistiques • du MEPS, juin 1975, p. 40 .
ments primaire et secondaire (MEPS) [3] et l'enseignement
supérieur sous l'autorité du ministère de l'Enseignement
supérieur et de la recherche scientifique (MESRS) .
Les taux de scolarisation révèlent une double l·n égallté :
L'enseignement supérieur, réformé en 1971 (voir infra),
était jusqu'alors très . peu modifié par rapport au système - entre wilayate (entités territoriales et administratives
légué par la France en 1962. assimi'lables à nos préfectures) urbaines et wilayate rura-
les: 91,1 % de scolarisés dans la tranche d'âge 6-14 ans
à Alger, 51,1 % à EI-Asnam . Il faut toutefois souligner que
l'école n'existait pratiquement pas il y a 15 ans en milieu
rural et que la sco·l arisation est difficile à mener dans un
milieu à l 'habitat très dispersé, voire où le nomadisme
LA GENERALISATION ET LA DEMOCRATISATION domine.
DE L'ENSEIGNEMENT - entre garçons et filles : 80,8 % des garçons de 6 à 14
ans sont scolarisés contre 55,2 % des filles .
L'objectif visé est la scolarisation de tous les jeunes de Le graphique 1 montre qu'en dépit de la progression des
6 à 14 ans. Il répond évidemment à la volonté de démo- effectifs scolarisés dans 1'enseignement élémentaire,
cratiser l'enseignement. l'écart entre la scolarisation des garçons et celle des
filles augmente en valeur absolue même s'il baisse en
valeur relative (graphique 1) .
L'ENSEIGNEMENT ELEMENTAIRE
La valorisation des hommes dans la civilisation arabo-
Des progrès considérables ont été réalisés . Au 'lende- musulmane s'enracine dans les comportements des fa-
main de l'indépendance, le taux d'analphabétisme égalait milles qui hésitent à envoyer leur fille à l'école. Il faut à
L'ENSEIGNEMENT EN ALGERIE 35

ce propos souligner que le très faible taux d'occupation (4) au moins affaibli·es dans l'empreinte qu 'elles laissent dans
des femmes (moins de 5 %) n'incite pas les pères à la vie sociale.
changer d'attitude à l'égard de la scolarisation de ·l eur fil·le.
La généralisation progressive de l 'enseignement élémen·
Enfin, remarquons (tableau 1) que l'écart entre scolarl· ta ire suppose le développement des structures d'accueil.
sation des filles et scolarisation des garçons est plus Depuis 1965, date de mise en œuvre d'un programme de
important dans les wilayate rurales que dans les grandes constructions sco1aires en zone rurale portant sur la cons-
vi'lles, où les valeurs traditionnelles sont sinon contestées, truction d'unités pédagogiques de 3 classes, 2 logements,
et une salle polyvalente , le nombre de salles de classe
a pratiquement doublé , passant de 27 000 à 50 000, pro-
gressant dans les mêmes proportions que .J'effectff é'lèves;
GRAPHIQUE 1. - EVOLUTION DES EFFECTIFS EN ELEVES DE L'ENSEI· la surcharge des classes reste donc un problème : en
GNEMENT ELEMENTAIRE PUBLIC . divisant le nombre total d'élèves du primaire par le
iln m i ll i ers nombre de salles, on obtient une moyenne de 58 élèves
3 000 par classe. La réalisation des programmes de construction
de l'enseignement élémentaire ·est confiée aux Assem-
blées populaires communales (assimilables à nos mai·

/
/ ries) [5].

CHIFFRES FIGURES PAR LE GRAPHIQUE 1

- Total
1
--- Garçons
Année scolaire Total Filles Garçons

-·- Filles
1 1962-63
1963-64 1
777
039
636
435
282
388
842
871
494
650
794
564

1
1964-65 1 215 037 463 130 751 907
1965-66 1 322 203 504 552 827 651
1966-67 1 370 357 513 115 857 242
1967-68 1 461 776 544 776 917 000

2 000 L 1968-69
1969-70
1970-71
1971-72
1
1
1
2
551
689
851
018
489
023
416
091
575
630
700
771
379
870
924
516
1
1
1
976
058
150
246
110
153
492
575

1 1972-73
1973-74
1974-75
2
2
2
206
376
499
893
344
605
855
928
984
031
143
991
1
1
1
351
448
514
862
201
614
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1975-76 2 624 000 + +

// ~'""
1976-77
1977-78
2 755
2 900
000
000
+
+
+
+

~/ /
1 /
v/ L'ENSEIGNEMENT MOYEN ET SECONDAIRE

J 1/
Les effectifs des enseignements moyen et secondaire
ont progressé plus vite que ceux de l'enseignement élé-
mentaire (graphique Il).
1 _,•
,/
... !

Le rendement interne du système légué par l'école


1 000

v r-- ...
/, ... ~ française est amélioré . La démocratisation effective de
l'enseignement secondaire repose sur un programme dont
/
~-
~ ..... les dispositions principal·es sont l 'attribution de bourses

,./ ..... ~/
et l'extension du nombre des cantines scolaires .
Le nombre des boursiers est passé de 61 000 en 1965 à

l J.-•" 1-.'
..... "" ~.-·"'
... 360 000 en 1977 (soit 56 % des élèves scolarisés en ensei·
gnement moyen et secondaire). Il convient de signaler
l'effort particulier entrepris en faveur des enfants de mr
,·' .
mades dans les zones sahariennes (2 000 boursiers
complets) et en faveur des enfants d'Algériens émigrés
t/' (2 500 boursiers).
Les cantines scolaires (4 000 pour les trois cycles d'en·
saignement), dont l'objectif dépasse la simple distribution
des repas, sont devenues des centres de lutte contre la
malnutrition qui affecte encore un grand nombre d'élèves.
0 Le nombre des rationnaires est passé de 400 000 en 1965
19 62 6 3 6 4 65 66 6 7 68 69 70 71 72 73 74 75 76 77 à 1 000 000 en 1977. Mais la démocratisation en cours
196 3 64 65 66 67 6 8 69 70 71 7 2 73 74 75 76 77 78 comporte des inégalités: l 'écart entre filles et garçons
Source des graphiques 1, Il et Ill : • Informations statlatlquaa • du
baisse faiblement en valeur comparée et s'accroît en va·
MEPS, complétées par les données de la presse locale. 'leur absolue . On pourrait également constater des écarts
36 ETUDES

GRAPHIQUE Il . - EVOLUTION DES EFFECTIFS EN ELEVES DES assez considérabl·es entre le taux de participation des
ENSEIGNEMENTS MOYEN ET SECONDAIRE.
élèves de l'~mseignement moyen et secondaire selon qu'ils
en milliers habitent en milieu rural ou en milieu urbain.·

500 L'amélioration générale du rendement trouve une ·limite

1
externe dans la capacité d'absorption par 'les différents
· secteurs économiques des diplômés produits par le sys-
tème scolaire. Or ·le taux moyen d'occupation de la popu-
lation active .(de l 'ordre de 22 % en comptant les femmes)
- Total impose au système scolaire un rendement externe relati-
vement faible et en conséquence des normes de sélection
---
j
Garçons sévères.
-·- Fi ll es Un second facteur - le nombre de places dispo•nibles
- concourt au renforcement des normes de sélection. Le
pourcentage d'élèves du primaire admis en 1" année
moyenne oscille autour de 40 % . Il devait être porté à
50 % en 1975-76, mais a dû être maintenu à 45 % en
400
raison .des retards enregistrés dans la réalisation des

1 programmes de construction d'unités pédagogiques. L'exa-


men du BEM (assimilable à notre BEPC) illustre bien cette
sélectivité : 45 % seulement des candidats sont reçus.
Il est vrai que l·e BEM ne conditionne pas 1'entrée en 1"
année secondaire, mais le taux de promotion de la 4' année

1
moyenne à ·la 1" année secondaire n'est guère plus élevé ;
selon les années, de 40 à 50 % des élèves de 4' AM ne
sont pas admis dans 'le secondaire .

300
·; Bien qu 'important, le programme de construction sco-
laire concernant l'enseignement moyen et secondaire reste
insuffisant. On comptait en 1965, 478 établissements ; il en
existe pl-us de 900 aujourd 'hui. Le rythme des construc-

1 t ions dans les cycles moyen et secondaire s'est accéléré


ces dernières années à la faveur de la création de bureaux
d'études nationaux et de la signature de conventions entre

1
le ministère des Enseignements prim aire et secondaire et
/ les entrepris·es nationales (notamment avec les coopéra-
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tives de l'armée). Des études de normalisation des cons-
il tructions scolaires et des équipements devraient per-

il
/ mettre d'améliorer les coûts et les délais. L'infrastructure
d'accueil comprend aujourd'hui 806 collèges d'enseigne-
ment moyen et technique, 125 lycées (dont 16 lycées

200 1/ techniques et technicums) et 36 instituts de technologie


de l'éducation.
Ces constructions scolaires n'ont été rendues possibles
1 qu'en ra ison de l'augmentation du budget général alloué

1 1
au ministère des Enseignements primaire et secondaire
(MEPS) . Ce budget (fonctionnement et équipement) repré-

1 1
1
TABLEAU Il. -
SECONDAIRE.
EVOLUTION DES EFFECTIFS DE L'ENSEIGNEMENT

// / 't/

Enseien cment En seignemen t

100
1 ~,.
/ ./.
Année

1962- 1963
général

31
Indice
t echn iqu e
Indi ce

1
900 100 18 600 100
,; / 19 63-1964 56 100 17 6 16 400 88

v ,·_Y
1 196 4-1965 71 800 225 30 400 163
1
,/ i965-i966 94 700 297 34 700 187
i 966-i967 96 800 303 34 400 185
Ir
/ ,.~ i967-i968 105 900 33 1 37 400 201
i %8-i%9 i2i 400 380 39 600 2i3
1
li ......... j.o•" i j6 9-i970
i 970-197l
i46
i BO
600
BOO
459
564
44
47
40 0
700
238
256

~o-·.
...... loo • •
1 ~7 1- 19 72
i972-19 73
229
269
600
600
719
845
50
55
300
600
27 0
29 9
~·~ 1973-· i974
1974-1975
293
3 96
800
800
92 1
-
72
15
600
000
390
- +
0
1962 63 64 65 66 6 7 6 8 69 70 71 72 73 74 75 76 (' ) .Intégrati on d'une partie de l 'enseignement technique dans l'ensel.
1963 64 65 66 67 68 6 9 70 71 72 73 74 75 76 77 gnement général (reconversion des CNET).
L'ENSEIGNEMENT EN ALGERIE 37

TABLEAU Ill.- SORTIES DE L'EDUCATION ET DE LA FORMATION POUR LA PERIODE 1974-1977 SELON LE NIVEAU ET LA SPECIALITE.

Niveau t e chnique
Niveau BAC Niveau 3è TOTAL '
supérieur

Ed uca - Fo rma- So rti e Educa- Forma- Sortie Educa- Forma- Sortie Educa- Forma- Sortie
ti on ti on total tien tian total ti on ti on total tien ti on tot.al

Agric o l e
Technique industri e
350 ( 1)
8 16 (2 )
1
1
800
800
2 !50
2 616
-
1 200
4 700
6 500
4 700
7 700
-
9 000
Il 400
20 900
Il 400
29 900
350
Il 016
17
29
900
200
18
40
250
216
Gé ni e civ il 250 (5 ) 500 (3 ) 75 0 100 1 700 1 800 1 000 19 500 20 500 1 350 21 700 23 05.0
Transp o rt s -
155 2 (6)
290
2
(4)
600
29 0
4 15 2
- 200
1 200 .3 700(5)
200
4 900
-
6 000
2
7
200
800
2
13
200
800
-
8 752
2
14
690
100
2
22
690
852
Admini s tr a tion é c onomie
Juri.d i q ue
Coinmer c ia l ·
2 548
- -
64 0
2 548
640 -
~
-680 -
680
~

- 2 000
- 2 000
... 2 548
- -
3 320
2
3
548
32C
Le ttres pédago gie
Hé dical pa r amé dica l
9 230
2 624
9 800
1 199
19 030
3 82 3
-- -
6 330
-
6 .330
-.. -
1 000 1 000
- 9 230
2 624
9 800
8 529
19 03C
Il 153
Autre s
Sans forma ti o n sp é ci a l e
541

-
-
-
54 1

-
-
- -
- -
-
3 250
25 500
-
-
3 250
25 500
3. 791
25 . 5oo
-
,..
3 191
25 500

TOTAUX 17 911 18 629 36 540 2 500 23 810 26 310 44 750 64 800 109 550 65 161 107 239 172 400
- '
..
(1) Formation vétérinaire non comprise . (5) Y compris ITS, formation des professeurs d'enseignement moy~n .
(2) Ventilation entre technlco-lndustrlel et génie civil non Ind iquée . (6) Une partie de la formation commerciale est comprise dans ce groupe .
(3) Non ·compris· hydraulique·. Sources : Dany DUFOUR : • Formation et développement : 1'Algérie
(4) Y compris une partie de la formation à l'étranger. Etude socio-pédagoglque ' • thèse de 3• cycle, Paris VIII, juin 1976.

sente environ 20 % du budget général de l'Etat. Il faudrait En outre, les centres dépendant directement de sociétés
ajouter dans les budgets d'équipement la part des budgets nationales sont chargés de l'étude de la situation actuelle
des « programmes spéciaux ,. consacrés au développement et prévisionnelle de l'emploi (répartition des besoins de
de régions déshéritées (programme spécial pour l'Aurès main-d'œuvre par unités de production, selon le niveau
en 1969, pour la Kabylie en 1970) et affectés à l'éducation. et la spécialité).
Enfin, ces centres doivent former pour des profils cor-
respondant à des postes de travail bien déterminés. Le
tableau Ill permet de mesurer l'importance de l'appareil
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LA FORMATION TECHNIQUE
de formation par rapport au système relevant du MEPS.
Il est un élément très significatif de l'adaptation du Pour la période 1974-1977 (celle du Il' plan quadrienna1),
système d'enseignement aux besoins d'un pays qui se près des deux tiers des sortants de ·niveau égal ou supé-
dote d'instal-lations industrielles, c'est la part relative rieur à la 4' année moyenne, étaient issus de centres de
des enseignements général et technique (tableau Il). formation étrangers au MEPS. Le tableau Ill donne en
outre une indication de la sélectivité du système scolaire
Les effecti-f s de l'enseignement général grossissent pour l'ensemble de la période 1974-1977: 65 161 individus
plus rapidement que ceux de l'enseignement technique. seulement sont sortis du système scolaire avec un niveau
Ce déséquilibre est compensé par -la prolifération d'insti- égal ou supérieur à celui de troisième (4' AM), l'énorme
tuts de formation professionnelle ne dépendant pas du majo rité des sorties se fait au-dessous du niveau de 4'
MEPS. année moyenne et surtout au niveau primaire. Ces jeunes
L'enquête du secrétariat d'Etat au Plan dénombrait en sortants n'ont que très peu de chances d'être intégrés
1975 plus de 200 centres de .formation produisant chaque dans les circuits économiques modernes.
année 50 000 diplômés ou sortants, tous niveaux et spé- C'est au niveau de -la 4' AM (ouvrier professionnel) que
cialités confondus , dépendant de différentes tutelles. les sorties sont les plus importantes: 63,5 %. Les sorties
Chaque ministèr-e et organisme national sous tutelle d'un au niveau baccalauréat (agents de maîtrise, agents tech-
ministère , applique à l'intention de ses agents le décret niques) ne représentent que 15,8 % de l'ensemble des
du 3 août 1964 qui fait obligation aux organismes et entre- sorti-es contre 21,2 % au niveau supé rieur. Enfin, la spécia-
prises pub'lics de créer un se rvice de formation profes- lité « technico-industrielle • - très demandée en cette
sionnelle. phase d'industrialisation - ne représente que 23,3 % de
A l'ensemble des centres produisant directement pour l'ensemble des sorties.
leurs ministères de tutelle respectifs, il faut ajouter les
instituts de technologie créés au · cours du 1" plan qua-
driennal 1970-73 et rattachés depuis aux ministères utili- L'ENSEIGNEMENT SUPERIEUR
sateurs et les centres de formation professionnelle des
adultes (CFPA) dépendant du ministère du Travail et des
Affair-es sociales (6). Depuis 1963, les effectifs de l'enseignement supérieur
ont suivi une progression comparable à celle du secon-
Ces centres de formation doivent faire porter leurs dair-e et en sont le ·reflet. De 5 700 étudiants inscrits à la
efforts sur la recherche de formules susceptibles de lever rentrée de 1964, on est passé à 60 000 en 1976-1977.
les contraintes liées à l'insuffisance de moyens humains
d'encadrement. La formule d'alternance production-ensei- Jusqu'à la rentrée 1974-75, deux modes d'accès à l'uni-
gnement est déjà appliquée dans certains centres. versité étaient possib'les : l'obtention du baccalauréat et
38 ETUDES

la réus site à l'examen des centres préparatoires à l'ensei- d'étudiants. Toutefois, le transfert escompté des inscrip-
gnement supérieur (CPES). Les CPES préparaitmt les tra- tions vers la filière " sciences et technologie " ne s'est
vai ll eurs en deux années à cet examen spécial ·grâce à un pas pl ei nement réalisé ; les • sciences juriéliques • sem-
enseignement dispensé en cours du soir; de 8 à 10 % blent avoir joué un rôle de refuge pour les étudiants qui
des inscrits à l'université l'étaient grâce aux succès à s'inscrivaient autrefois en " lettres et sciences humai-
l'examen du CPES. la suppression de ce moyen d'accès nes" ·
à l'université réserve désormais l'enseignement supérieur
aux élèves ayant suivi le cursus scolaire normal et réussi
à l'examen du baccalauréat. On retrouve dans le taux
d'admission au bac souvent inférieur à 40 % - sauf pour TABLEAU V. - REPARTITION DES ETUDIANTS SELON LA SPECIALITE.
le bac technique où la réussite est souvent proche de
60 % - les indices de sélectivité du système scolaire. 197ü-71 1971-72 1972-73 1973-74 1974-75
Spécialité
% % % % %
L'accès à l'enseignement supérietlr est facilité grâce
aux bourses pour les étudiants dont les .parents ont un Sciences humai-
revenu insuffisant pour financer leur formation supérieure. nes et Lettres 28,3 27,6 22,4 17,5 17,3
Le tableau IV indique le nombre des boursiers et la pro-
gression de leur proportion par rapport au nombre total Sciences
d'étudiants. juridiques 16 19 22,7 25,2 .24,4

Sciences
économiques 10 9 9,5 8,8 9,5
TABLEAU IV.- PROPORTION DES ETUDIANTS BOURSIERS.
Sciences et
technologie 19,7 18,8 18,8 21 21,7
Année scolaire
Etudiants Etudiants
~
inscrits boursiers Sciences
médi cales 18,8 17 16,3 17,4 16,4
1965-1966 7 590 2 874 38
1966-1967 8 300 3 335 40 Biologie 6,7 8,1 10,3 9,9 10
1967-1968 9 181 3 894 42
1968-1969 10 868 5 203 48 Toutes spé-
1969-1970 12 Il 0 7 036 58 cialités 100 100 10.0 100 100
1970-1971 19 311 9 538 49
19 71-1972 24 333 12 505 51
1972-1973 27 122 15 155 56
1973-1974 30 070 Ill 740 62
1974-1975 35 739 24 681 69 Le budget de l'enseignement supérieur
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'---·
On constate que 1e taux de progression du budget de
fonctionnement du ministère de l'Enseignement supérieur
et de la Recherche scientifique (MESRS) est plus Impor-
La proportion d'étudiants boursiers est globalement eo tant que celui du budget de fonctionnement de l'Etat. Le
augmentation. Bien que ·les bourses allouées soient rela- taux de progression du budget d'équipement du même
tivement faibles (environ 350 DA [7] par mois) el'les per- ministère a suivi le taux de croissance du nombre d'étu-
mettent aux étudiants issus de milieux socio-profession- diants. Les investissements ont permis de construire ou
nels défavorisés de poursuivre des études pourvu qu'ils d'aménager des cités et des restaurants universitaires, des
réussissent à leurs examens . En outre, les étudiants qui établissements d'enseignement, d'équiper en matériel les
acceptent de s'engager dans certaines formations béné- différentes universités.
ficient d'un pré-salaire.
Les opérations les plus importantes de ces dernières
Concernant l'accès des femmes à l'université - elles années sont les suivantes :
représentent environ ·le 1/3 des effectifs - 'les tendances
observées dans les enseignements élémentaires et secon- - achèvement de la construction de l'université de
daires restent valides: l'écart augmente en valeur absolue Constantine dont les travaux ont commencé en 1968,
et baisse en valeur relative. C 'est dans les filières de - construction et équipement de l'Ecole nationale supé-
médecine et de lettres que les femmes occupent 1a plus rieure vétérinaire d'El Harrach,
grande place ; ces deux fil ières se partagent plus des 2/3
- construction et équipement de l'Ecole polytechnique
des étudiantes.
d'architecture et d'urbanisme d'El Harrach,
L'université joue un rôle prépondérant dans la formation - construction et équipement de l'Ecole polytechnique
des cadres supérieurs dans les différentes spécialités de d'architecture et d'urbanisme d'Oran,
formation. Le tableau V montre l'évolution de la répartition
(en pourcentage) des étudiants entre les différentes - construction de 'l 'université des Sciences et techniques
branches scientifiques. d'Alger,
- construction d'une université des Sciences et techni-
On observe depuis 1970-71 un net -renversement dans ques et d'un centre hospitalo-universitaire à Oran.
les pourcentages d'étudiants inscrits en • ·lettres et scien-
ces humaines •, ils passent de 28,3 à 17,3 %. La chute du En outre, dans le cadre de la politique de décentrali-
pourcentage d'étudiants i·n scrits est moins sensible en sation, visant .à désengorger .fes universités d'Alger, d'Oran
• médecine •. Ces baisses se font surtout au profit des et de Constanti·ne, ·1'université de Tlemcen (ouverte en
• sciences juridiques • et secondairement de ·la filière 1974-75), l'université d'Annaba (ouverte en 1975·76). celles
• sciences et technologie •. Il semble que la politique de Tizi Ouzou et de Batna (ouvertes en 1977) ont été
d'orientation en vigueur ait réussi à détourner des filières créées. B'lida, Bei-Abbès, Tiaret et Mostaganem auront
littéraires, re·lativement pléthoriques, un nombre important dans un proche avenir leurs universités.
L'ENSEIGNEMENT EN ALGERIE 39

JI faut ajouter à cet ensemble, les établissements et la présence dans ces établissements d'enfants algériens
écoles d'ingénieurs dépendant de ministères de tutelles (environ 50 % des effectifs) dont les parents sont souvent
différents et formant des ingénieurs dans les spécialités des couples mixtes ·et/ ou appartenant aux catégories
suivantes : chimie, génie mécanique, pétrole, industries socio-professionnelles supérieures créait une discriml·
légères, industries électriques et électroniques. La plupart nation à laquelle a mis fin l'ordonnance du 16 avril 1976
des instituts sont regroupés à Bou Merdès dans un vaste qui intègre tous les élèves algériens dans le système
campus qui pourra accueillir 30 000 étudiants vers 1980. éducatif rénové et déclare • du ressort exclusif de l'Etat •
toute s les activités d'éducation et de formation .

L'UNIFICATION
L'ALGERIANISATION ET L'ARABISATION
Le développement, à côté et parfois en marge du sys-
tème sco'lair·e d'un réseau d'enseignement technique, est La régénération, la prise en charge et la diffusion par
révélateur ·des désadaptations d'un système dont les struc- des nationaux de l'enseignement fondé sur une culture
tures et le fonctionneme.n t étaient encore très influencés nationale puisant ses sources dans .J'arabe-islamisme
par l'école française et marqués par l'élitisme et la désar- constituent le substrat sur lequel les politiques d'arabi-
ticulation entre les produits du système scolaire et les sation et d'algérianisation sont menées.
besoins du pays.
La mu'ltiplication des centres et Instituts sans structure
L'ALGERIANISATION
coordinatrice était ·Une conséquence du pragmatisme du
début de l'industrialisation où il fallait parer au plus
pressé. Mais il est ·résulté de la prolifération des centres Enseignement élémentaire
une grande disparité dans les modes de recrutement, les
durées ou ·les contenus de formation, les systèmes d'éva- La politique d'algérianisation peut être appréciée en
·luation, les modes de fonctionnement administratifs et fonction de .J'évolution du rapport entre les effectifs d'en-
pédagogiques des établissements, les programmes de seignants algériens et d 'enseignants étrangers (8). Si dans
formation de formateur. l'enseignement élémentaire le nombre des maîtres s'est
accru dans la même proportion que le nombre d'élèves,
Cette diversité juridique, institutionnelle, administrative la composition du corps enseignant a été profondément
et pédagogique ne pouvait qu'engendrer des difficultés transformée . Depuis 1973, il n'existe plus, dans le cycle
de planification et ne pouvait satisfaire ni la demande primaire, d'enseignants francisants étrangers . Sur les
sociale ·ni la demande économique. En outre, le manque 70 498 enseignants r(année 1976-77) du primaire, on ne
d'élaboration des outils permettant la traduction des be- compte que 1 614 coopérants étrangers (du Moyen-Orient,
soins de main-d'œuvre en besoins de formation, des ques- pour ·la plupart) .
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tions de prééminence entre les -diverses instances ont ta pénurie d'enseignants au ·lendemain de l'indépen-
retardé la création des structures de coordination pro- dance avait conduit à recruter des maîtres dont les diplô-
jetées. mes ou le niveau étaient inférieurs au baccalauréat. La for-
En 1971, un comité permanent de coordination et de mation professionnelle des enseignants sous-qualifiés
planification de la formation était créé sous ·l'égide du (moniteurs, instructeurs auxiliaires) a subi plusieurs modl·
secrétariat d'Etat au Plan. Le comité devait mettre fin à fications. En 1965, un certificat de culture générale et
l'anarchie régnante et remodeler l'ensemble formation afin professionnelle est créé. En outre, 'les moniteurs et Ins-
d'améliorer l 'adéquation formation/emploi et d'intégrer à tructeurs auxiliaires peuvent désormais accéder par étapes
moyen terme l'appareil de formation sur les plans fonc- à la qualité d'instructeurs titulaires. La résorption de ce
tionnel et organique au système éducatif. Cet objectif corps d'enseignants est en cours.
avec la mise en place des réformes éducatives (réforme Le relèvement du niveau de qualification des maîtres
.cJe l'enseignement supérieur, Ecole fondamentale) est au- déjà en activité et la formation de nouvelles promotions
jourd 'hui plus clair. Il reste que l'intégration de l'appareil de maîtres sont les buts assignés aux Instituts de techno-
de formation au système éducatif demeure un projet dont logie de l'éducation (!TE) créés en 1970. Ces JTE rem·
les modalités pratiques sont à peine ébauchées. placent les anciennes écoles normales . Leur création
L'unification du système éducatif porte sur deux autres répond aux besoins d'adaptation des structures de forma-
sous-systèmes qui doivent être mentionnés : l 'enseigne- tion. Les ITE recrutent parmi les élèves ayant suivi une
ment originel et l'enseignement assuré par les missions classe de 4• AM (formation d'instructeurs) . En cas de
culturelles étrangères . nécessité , un recrutement en année préparatoire se fait
parmi les élèves ayant achevé une 3• AM. Ces instituts
Le ministère des Affaires religieuses (l'Islam est décla- assurent également la formation d'instituteurs recrutés
ré religion d'Etat dans la constitution algérienne) gère parmi les élèves de 2' AS. Pour l 'année 1976-77, l'effectif
une vingtaine d'instituts islamiques. Environ 10 000 élèves des arabisants était de 7 217 élèves sur 8 230, soit
recevaient un enseignement traditionnel couronné, pour 87,7%.
les meilleurs, par le dip'lôme de l'• Ahliya • . Avec la mise
en place des réformes des systèmes éducatifs algériens,
l'enseignement originel est en voie d'intégration dans le Enseignement moyen et secondaire
système éducatif ·rénové. Les établissements d'enseigne-
ment originel ·n'ont pas subi toutefois de profondes modi·
fications de structures. Dans les cycles moyen et secondaire, l'augmentation
globale du nombre d'enseignants est également très pro-
Parmi les missions culture'lles étrangères, l'Office uni- che de l'accroissement de l'effectif des élèves. Grâce à
versitaire et culturel français occupait une place privilé· 'l'action des Instituts de technologie de l'éducation (ITE)
giée. Il gérait 5 lycées, 4 CEG, 40 écoles primaires. Mais qui forment les professeurs de l'enseignement moyen, le
40 ETUDES

GRAPHIQUE Ill. - EVOLUTION DES EFFECTIFS ET ENSEIGNANTS. CHIFFRES FIGURES PAR LE GRAPHIQUE Ill.
ENSEIGNEMENTS MOYEN ET SECONDAIRE.
Année scolaire TOTAL Algériens Etrangers

1962-63 3 704 1 769 1 935


1963-64 4 520 2 063 2 457
20 000 1964-65 4 171 1 846 2 325

1
1965-66 5 567 1 319 4 248
1966-67 7 303 3 377 3 926
1967-66 7 704 3 325 4 379
1966-69 6 516 3 614 4 702
1969-70 9 914 4 165 5 729
1970-71 Il 467 4 653 6 634
-
---
---
Total
Etrangers
Algériens
1 1971-72
1972-73
1973-74
1974-75
1975-76
1976-77
12
13
14
16
16
20
305
625
950
656
476
661
5
6
6
9
152
650
191
910

14 906
7
7
6
6

5 953
153
175
759
746

15 000 1
1 nombre d'enseignants algériens a connu une rapide aug-
mentation (graphique Ill). En 1976-77, sur 15 744 profes-
seurs de l'enseignement moyen, on comptait 12 709 Algé-

1
riens et 3 035 étrangers (dont environ 450 coopérants
l français). Dans l'enseignement secondaire général, l'algé-
rianisation ne touche pas encore la moitié du corps pro-
.1 fessoral : 2 199 Algériens pour 2 918 étrangers (un peu
plus de mille Français). Dans l'enseignement secondaire

1 .1 technique, on trouve 394 professeurs algériens pour 449


étrangers (dont 200 Français) [9] .

. Les futurs enseignants sont recrutés parmi .les élèves

1
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ayant suivi une classe de terminale (3' AS). La durée des
1 études dans les ITE en année de formation aussi bien
10 000
1 qu'en année préparatoire est de 11 mois. Une petite partie
de ces enseignants peuvent accéder à l'Ecole normale
/ .1 supérieure et devenir ainsi profess·eurs de l'enseignement
secondaire. Les autres enseignants du secondaire sont

1
1 .1
i
.'
1
ceux qui ont suivi la filière universitaire jusqu'à la 1icence
et réussi au CAPES.
t'algérianisation, dans l'appareil de formation, n'est ni
aussi importante, ni aussi uniforme (certains établisse-
ments sont totalement pris en charge par une mission de
coopération étrangère) ; en moyenne, en 1975 40 % des
enseignants étaient algériens, 37 % français, 10 % sovié-

5 000 1
1 1
/
1
/ '· .1... .......
1
.'
t-,
1',
tiques .

Enseignement supérieur

/~/ .. _
1 De 1966 à 1975, les effectifs enseignants dans le supé-
.~ rieur ont progressé deux fois plus vite que les effectifs
.,. ...
/ ~-~ étudiants (graphique IV).

1 ~·"
.... ,·'
La densité de 'l'encadrement a donc évolué dans un sens
favorable : on compte un enseignant pour 9 étudiants. Le
1 tableau indique que ·la composition du corps enseignant

/
......... 1 1 . dans le supérieur, contrairement à celle du secondaire et
du primaire, a peu évolué. L'effectif des enseignants
...... '•.,1'. •1 étrangers (près de la moitié sont français, présents au
titre de la coopération) progresse aussi rapidement que

1 000
·..... l'effectif d'enseignants algériens. Une ventilation par
année et par spécialité indiquerait que la proportion d'en-
1962 63 64 65 66 67 68 69 70 71 72 73 74 75 76 seignants étrangers baisse dans les matières ·littéraires
1963 64 65 66 67 6 8 69 70 71 72 73 74 75 76 77
et augmente en droit et sciences économiques et dans
les filières scientifiques et techniques. La -répartition des
L'ENSEIGNEMENT EN ALGERIE 41

GRAPHIQUE IV. - EVOLUTION DES EFFECTIFS EN ENSEIGNANTS. refusent toute affectation hors des grandes vil·les.
ENSEIGNEMENT SUPERIEUR.
Les progrès de l'algérianlsatlon se mesurent également
4500~--------------------~ par l'importance du remodelage des programmes. En his·
taire, en géographie, ceux-ci sont réorientés en vue de la
connaissance du milieu national et local. En littérature,
4000+---------------------~ prédominent désormais les écrivains algériens, qu'l·ls
soient d'expression française ou arabe (10).
- Total

--- Cette réflexion sur les valeurs traditionnelles de la civi-

3 000
-·-
Etrangers
Algériens
1 lisation maghrébine et du monde arabe est évidemment
très liée à la promotion de la po·litlque d'arabisation.

L'ARABISATION

2 000

/
1 /
//
Programmée dès l'indépendance, la politique d'arabi·
sation de l'enseignement a été mise en place d'une ,façon
progressive.
t'enseignement primaire a vu sa .première année ara-
bisée en 1964, la seconde ·en 1967. Par la suite, le schéma

1 .J .1 retenu consistait à avoir, dans un tiers de l'enseignement


primaire, une filière arabisée comportant ·les quatre pre·

1 000 J "~~ mières années en arabe, avec une initiation au français


dans les deux dernières années, tandis que pour les deux
~/ ~:. tiers de ce même enseignement, était maintenue une

~,....... ~;; b~ ~-·"


filière dite bilingue, comportant les deux premières années

. . en arabe et les quatre dernières bilingues. Toutefois


l'application de ce schéma a été influencé par di.fférentes
mesures, de sorte qu'il n'a pas été possible de fournir les
enseignants algériens francisants en nombre suffisant. En
o~~--~~--~~--~~~
1966 67 68 69 70 71 72 73 74 effet, dès 1974, les Ecoles ·normales (ou ITE primaire)
1967 68 69 70 71 72 73 74 75 formaient principalement des enseignants arabisants, et il
en fut de même, en 1976, pour ·la formation d'enseignants
Sources : • Visages de l'Algérie : L'enseignement supérieur •. ministère du premier cycle. Ainsi, du fait de la carence d'enseignants
de J'Information et de la Culture, Alger, sept. 1973; complété par des
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francisants, à laquelle s'ajoutait parfois l'initiative de
données du ministère de J'Education.
certains directeurs de l'enseignement et de la culture (ex-
Inspecteurs d'académie) le secteur arabisé s'est trouvé
représenter, jusqu'à 1977, une proportion nettement plus
large que celle du tiers initialement prévu.
enseignants étrangers et algériens n'est pas homogène :
c'est dans le corps des maîtres assistants que les Algé- L'arabisation de l'enseignement secondaire, dans ·le pre-
riens sont les plus nombreux (environ 60 %). les propor- mier et le second cycle, a été effectuée pour environ 1/3
tions s'inversent dans le corps des assistants ·(60 % des cla sses , entre 1971 et 1973. Il s'agit de classes où la
d'enseignants étrangers) et dans celui des professeurs et totalité de l'enseignement est donnée en arabe, mals qui
maîtres de conférence (70 % d'enseignants étrangers). Il comporte un enseignement de français comme langue
semble que l'algérianisation du corps enseignant se heur_te étrangère. Dans les classes restées bilingues, les matières
aux conditions encore difficiles de la recherche : les assis- ·l ittéraires sont enseignées en arabe, tandis que les discl-
tants désirant préparer une thèse doivent souvent se ré- pHnes mathématiques et scientifiques le sont en français .
soudre à partir à l'étranger. Des bourses de doctorat sont
accordées à certains candidats ·à l'enseignement supérieur.
L'algérianisation du personnel e~seignant. trouve _un_e EFFECTIF DES SECTIONS ARABISEES
autre limite dans les résistances d une part1e des diplo- ANNEE SCOLAIRE 1976-1977
més qui préfèrent s'engager dans des secteurs d'activité
plus lucratifs que l'enseignement (.les sociétés nationales E l è v e s
sont réputées offrir des salaires 2 à 3 fois supérieurs à Enseignement
ceux de l'enseignement). Les disparités à l'intérieur du total arabis é s %
secteur public et para-public ont fait l'objet de mesures
de réajustement en faveur des enseignants applicables Moyen 480 646 225 314 46,9
dès la rentrée 1977. Secondaire 108 581 61 590 56,7
Technique 11 806 1 008 8,5
Les professeurs titulaires de l'enseignement supérieur ITE primaire 8 230 7 217 87,7
sont augmentés de 86 %, les maîtres de co~fére~~e et ITE moyen 2 966 2 276 76,7
maître-assistants de 75 %, les professeurs licencies du
secondaire et les professeurs d'enseignement profes- Source : La Documentation française, à partir d'Informations communi-
sionnel de 90 %, les PEM, les instituteurs et les lnten· quées par les services du ministère de l'Education, Alger.
dants de 20 %, les moniteurs de 18 %.
U.ne autre limite à l'algérianisation du personnel ensei-
gnant, beaucoup plus délicate à l~ver ~ue la premi_ère, Dans l'enseignement supérieur, ·l'arabisation a été effec-
tient à ce qu'un grand nombre d enseignants algénens tuée à partir de 1967, .par la création à Alger de sections
42 ETUDES

DONNEES RELATIVES AU CORPS ENSEIGNANT EN ALGERIE


ANNEE SCOLAIRE 1976-1977

A1 g é r i e n s EtrangeJ;s ( i:)
Total
Ensei gnement
enseignants Arabisants Fr ancis ants
Total % Total %
7. %

Primaire (Fondamental) 70 498 68 884 97,7 69,4 30,6 1 614 2,3


Moyen 15 74 4 12 709 80,7 44,5 55,5 3 035 19,3
Secondaire général 5 11 7 2 199 /.,3 50 50 2 918 57
Se condaire technique 843 394 46,7 20 80 449 53,3
Instituts de technologie de
l' éducation 901 430 47,7 70 30 471 52, 3

(") Les coopérants français sont environ 450 dans l'enseignement moyen , 1 050 dans le secondaire général et 200 dans le secondaire technique. Ils repré-
sentent environ 4 % de l'ensemble des enseignants des ITE.
Source : La Documentation française , à partir d'Informations communiquées par les services du ministère de l'Education, Alger .

arabisées en faculté de droit. En 1968, une ordonnance a une administration et surtout des entreprises qui utili-
imposé une épreuve de langue arabe à tous les examens saient principalement la langue .française : on ne saurait
des facultés de lettres et sciences humaines. L'arabisation dire que ces difficultés soient résolues dans la période
s'y est poursuivie par la création de sections arabisées actuelle.
dans les départements d'histoire, de philosophie, de géo-
graphie, de sociologie et de pédagogie. Après une coexis- Enfin, à la suite du changement en 1977, des titulaires
tence de ces doubles sections (en français et en arabe) des deux ministères de l'enseignement, il semble que la
on a vu la suppression de l'enseignement en langue fran- réflexion sur les problèmes d'arabisation et de bilinguisme
çaise dans certaines sections, telles que l'histoire et la se soit renouvelée, dans le sens d'une doctrine tendant
philosophie, tandis que la dualité se maintenait dans à privilégier le contenu de l'enseignement et son niveau
d'autres secteurs. Toutefois les sections arabisées ont par rapport à la langue dans laquelle j.J peut être
tendance à devenir prévalentes du fait de la suppression donné (11). Toutefois , aucune mesure n'est intervenue à
du baccalauréat bilingue pour les options littéraires, qui ce jour dans les structures de l'enseignement, qui concré-
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sont les pourvoyeuses habituelles du département de tise ce qui serait une nouvelle orientation .
sci·ences humaines.
Par contre, les sections scientifiques et mathématiques,
ainsi que l'enseignement de la médecine ne sont prati-
quement pas touchées par l'arabisation, hormis l'adjonc-
Les réformes du système
tion aux programmes de cours de langue ou de termino-
logie arabes .
éducatif algérien
Un certain nombre d'établissements d'enseignement
secondaire purement arabe (enseignement originel) avaient Dans le cadre des principes retenus - généralisation
été ouverts à partir de 1965, prolongeant des établisse- et démocratisation de J'.enseignement, unification, algéria-
ments primaires privés totalement arabisés. Ces divers nisation et arabisation - se manifestent ·les tensions nées
établissements ont été rattachés à ·l 'enseignement public du mouvement de transformation de la société algérienne,
en 1976, par une ordonnance qui supprimait également où le système éducatif a la charge de répondre aux
l'enseignement privé de type bilingue. Cette ordonnance • trois objectifs que représentent les trois révolutions
marquait l 'aboutissement d'un processus de dépolitisation industrielle, agraire et culturelle •.
de l'arabisation, consécutif à des incidents qui, à plusieurs Cette recherche d'une articulation entre système édu-
reprises, en 1971 , puis en 1974 et 1975, avaient agité les
catif et développement de la société devait déboucher
U'liversités sur le thème - ou le prétexte - de l'arabi- sur une proposition de réforme globale destinée à débar-
sation . rasser ce système des séquelles d'un enseignement
Outre les difficultés habituelles rencontrées en tout périmé. L'école fondamentale polytechnique et la réforme
pays par l'arabisation (au plan des instruments pédago- de l'enseignement supérieur constituent les deux mesu-
giques et des enseignants_- il faut remarquer ici que res réorientant totalement le système d'enseignement.
l 'Algérie a fait une large utilisation de la coopération
orientale -), celle-ci a trouvé en Algérie des obstacles
spécifiques liés au manque de coordination entre les deux L'ECOLE FONDAMENTALE
ministères des Enseignements primaire et secondaire et [POLYTECHNIQUE] (12)
de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scienti-
fique d'une part, et entre le système d'enseignement et
les structures socio-professionnelles d'autre part. Les L'école fondamentale polytechnique (EFP) doit assurer
sections arabisées ne trouvaient pas toujours leur dé- la transmission des valeurs idéologiques de référence :
bouché naturel - arabisé- dans le cadre de l'Université. • le socialisme et les valeurs arabe-islamiques ainsi que
Par ailleurs, les arabisants formés dans le secondaire ou les connaissances qui imposent l'option de développement
le supérieur trouvaient difficilement à s'employer dans industrie'! • .
L'ENSEIGNEMENT EN ALGERIE

TABLEAU VI

âge

C . E . A

Sec o nd a i r .e Supérieu:r

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UlO
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C.E.M . :Collège d'Enseignemen t Moyen


C.E.T . :Collège d'Enseignement Technique
C.E.A . : Coll ège d'Enseign eme nt Agricole
Sigles T.P . : Techniqu e Profess ionnel
I.T .E. : Institut de Techno log ie de l'Education
P.E.M. : Professeur d'Enseigneme nt Moyen Source :Bilan des activités du M.E.P.S., juillet 1965- juin 1975, p. 14

L'EFP doit -répondre à la double exigence de demande - le cycle terminal ou d'orientation, de 12 à 15 ans.
sociale (un enseignement de masse obligatoire concernant
tous les enfants -de 6 à 14 ans) et de demande économique Le cycle de base est consacré à .J'apprentissage des
(amélioration du rendement interne et du rendement langages fondamentaux (lecture, écriture, calcul), à l'Ini-
exteme). Le tableau VI .permet de comparer les deux sys- tiation polytechnique, à l'éducation morale et religieuse
tèmes, actuel et projeté. exclusivement en langue nationale. Le cycle d'éveil ren-
force les acquisitions de base dans les trois langages
Aux ensembles autonomes qui forment l'ancien sys- fondamentaux et tend à élargir ·la connaissance du milieu.
tème : école primaire, école secondaire (CEM ou CEG), Le cycle termina·J et d'orientation porte l'effort sur les
i'EFP substitue une structure unique. disciplines scientifiques, l'enseignement polytechnique et
Le .nouveau cursus s-colaire de 9 années devrait se dé- les sciences sociaJ.es. Dans ce cycle, les connaissances
rouler sans obstacles au long de trois cycles de trois acquises lors des précédentes a-nnées doivent s'intégrer
années ·Chacun correspondant à ce qu'il est convenu de de façon à • former le citoyen à un véritable humanisme
r-epérer comme âges du développement psycho-physio- scientifique et technique •, à établir la liaison entre le
logique de .J'enfant : travail manuel et le travail i·ntellectuel en associant la
formation à un travail producti.f. Ce cycle a pour objectif
le cycle de base, de 6 à 9 ans, enfin d'orienter l'élève dans les sections prolongeant
le cycle d'évei'l, de 9 à 12 ans, I'E!FP qui correspondent à ses aptitudes.
44 ETUDES

UNE PEDAGOGIE RENOVEE - l'autre développant les • potentialités des individus


les plus doués ... •.
Les méthodes préconisées sont inspirées d'une péda- L'EFP a été mise à l'épreuve en 1975·76 au niveau du
gogie active partant de l'observation et de la manipulation cycle terminal dans p'lusieurs wilayate avant d'être mise
et favorisant la formation d'un esprit scientifique. Cinq en œuvre progressivement en 1976·77. L'évaluation péda-
idées président à cette rénovation pédagogique : Inter- gogique de cette première année de mise en œuvre de
disciplinarité, promotion de l'Unité . pédagogique, Instru- I'EFP est difficile à faire, compte tenu des déficits enre-
ment pédagogique de base, enseignement thématique, gistrés dans la création de places qui n'atteint pas cette
rythmes individualisés (13). · année la moitié de ce qu'il aurait fallu. Les solutions de
fortune adoptées - densi.fication des classes (p'lus de
• Les instructions recommandent un enseignement 40 élèves), utilisation intensive des locaux, rotation des
synthétique u ignorant les cloisonnements artificiels des équipes (classe à mi-temps dans la majorité des cas) -
disciplines •. Les enseignants sont appelés à constituer de if.lustrent bien cette situation de crise, sensible surtout
• véritables équipes pédagogiques solidaires •. Dans le dans les grandes agglomérations et les centres de déve-
premier cycle, l'interdisciplinarité est réalisée par une loppement économique.
exploration de l'environnement. Cette méthode est reprise
dans le second cycle en des centres d'intérêt pour se
concrétiser dans le troisième cyc'le sous la forme de
l'Unité pédagogique, en un véritable • enseignement thé- LA REFORME DE L'ENSEIGNEMENT SUPERIEUR
matiquE>, par discipline théorique •.

• Une Unité pédagogique coordonne étroitement des Au sortir de 'l'école fondamentale, l'élève est orienté en
disciplines proches ; par exemple, en cycle terminal, formation professionnelle (longue ou courte) ou en secon-
- l'unité pédagogique· socio-économique intègre : la daire général conduisant après Je baccalauréat à l'ensei-
socio-économie, l'éducation politique, civique·, mora'le et gnement supérieur.
religieuse, en partie l'histoire et la géographie ; L'enseignement supérieur a été réformé en 1971. .Cette
-l'unité pédagogique de sciences industrielles intègre: réforme supprimait l'année propédeutique, responsable
la technologie agricole, la biologie, la géologie, la chimie, principale des retards ou abandons. L'année universitaire
les travaux agricoles. (Les langues et les mathématiques était divisée en deux semestres (les cursus s'échelonnent
considérées comme ·langages fondamentaux ne sont pas de 4 semestres - diplôme de technicien supérieur - à
intégrées dans les unités pédagogiques.) 12 semestres - diplôme de docteur en médecine).
• Cette interdisciplinarité organisée en Unités pédago- L'enseignement d'une discipline est découpé en élé-
giques se retrouve au niveau de la méthode par l'utili- ments appelés modules (l'échec à un module n'empêche
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sation de • l'instrument pédagogique de base •. Ce peut plus l'étudiant de s'inscrire au semestre supérieur, il a
être un objet, un document, un outil qui fixe l'intérêt de simplement dette de ce module, dette qu'il doit éponger).
l'élève et fournit un support concret à sa réflexion.
Cette organisation modulaire doit permettre d'appliquer
• L'enseignement thématique s'organise autour de les principes de l'enseignement intégré où les modules
thèmes ou de problèmes choisis dans l'environnement des s'articulent autour d'un champ d'études. L'enseignement
élèves. Par exemple, toujours en cycle terminal, on pourra doit, dans la perspective de la formation rapide des cadres
rattacher les divers travaux au thème fondamental de nécessaires au pays, u chercher constamment à être lié
• l'homme •: à la pratique •. Les programmes sont rationalisés de
- en socio-économie : façon à éviter de donner à l'étudiant une • formation
encyclopédique inefficace •.
- l'homme vit en société (famille, commune, entreprise,
Nation) : aspect socio-économique, La participation étudiante à la vie universitaire est maté-
- l'homme vit dans un certai·n cadre: aspect géogra- rialisée par la présence de délégués étudiants à une ins-
phique, tance paritaire : le comité pédagogique.
- la condition de 'l'homme varie dans le temps : aspect Il faut indiquer que la réforme de l'enseignement supé-
historique ; ri€ur s'est heurtée à des difficultés d'application comme
- en sciences industrielles : en témoignent les mouvements sporadiques qui agitent
-l'université algérienne. Ces difficultés concernent géné-
- l'homme agit sur son cadre national et le modifie: ralement Je poids relatif accordé aux sections arabisantes
aspect industriel, ou francisantes. Elles sont créées également par Je senti-
- l'homme utilise un langage graphique normalisé : ment répandu chez les étudiants que des autorités univer-
aspect dessin technique ; sitaires et des professeurs appliquent la réforme de façon
- en sciences agricoles : limitative et restrictive.
- l'homme est un être bio'logique : aspect biologique,
- l'homme doit assurer sa subsistance : aspect produc-
tion agricole. STRUCTURES DE SOUTIEN
• Les textes officiels indiquent que chaque élève pourra ET EXTRA-SCOLAIRES
progresser à son rythme sans toutefois que les modalités
soient précisées. Seule est définie l'existence d'un ensei- Ces nouvelles structures d'éducation scolaire sont com-
gnement en deux voies possibles : plétées par des structures de soutien et extra-scolaires.
- l'une de rattrapage pour les • élèves en difficulté et Les cadres structure·Js de la recherche scientifique ont
ayant un rythme inférieur à la moyenne •, été mis en place peu après la réforme de l'enseignement
L'ENSEIGNEMENT EN ALGERIE
45

supérieur {Cons·eil national de la recherche et Organisme gresslon dans le secteur agricole contraignent au chômage
-national de ·la recherche scientifique). Les programmes les jeunes que ·le système scolaire rejette au nlve!JU élé-
de recherche doivent servir de soutien aux enseignemènts mentaire. 1'1 faudrait ajouter à cette masse de jeunes tous
universitaires et post universitaires. ceux qui n'ont pu accéder même à l'école élémentaire.
- L'Institut .pédagogique national réalise et diffuse la
totalité des documents pédagogiques et des manuels On peut alors se demander si, en dépit des efforts
sco'laires algériens utilisés dans le cycle primaire et une manifestes de démocratisation, le système éducatif ne
partie importante de ceux en usage dans le cycle secon- reste pas reproducteur des inégalités sociales : une étude
daire. récente (14) montrait que les fils d'employés ont 15 fols
plus de chance que les fils d'ouvriers agricoles d'accéder
- L'action du Centr-e national d'alphabétisation devrait à l'université d'Arlger et 5 fois plus de chance que les fils
i·ntéresser annuellement 350 000 personnes (80 000 au de chômeurs. tes patrons de · l'agriculture ont 30 fois plus
titre de ·l'alphabétisation fonctionnelle et 270 000 pour de chance de voir leurs fils à la faculté que les ouvriers
l'alphabétisation de masse). Pour le 1" p'lan quadriennal agricoles. Les techniciens et agents de maîtrise ont, eux,
1970-74, l'objectif ne s'est réalisé qu 'à 40 % pour ce qui 285 fois plus de chance d'envoyer ·leur fils à l'université
conc-erne J.es inscriptions et à 46 % en matière d'alphabé- que ·les ouvriers agricoles.
tisation effective.
- Le Centre national d'enseignement généralisé agit La prégnan-ce des formes élitistes risque ainsi de grever
dans quatre directions : la :promotion d'une pédagogie progressiste d'autant plus
qu'au centre des choix pédagogiques les options llnguls·
- la mise sur pied d'un enseignement par correspon- tiques retenues ne vont pas sans soulever quelques Inter·
dance en option • arabe » (1 488 ins<erits en 1971, 9 966 en rogations.
1976) et en option • bi·lingue • (1 066 inscrits en 1971, 5 431
en 1976) ; La coexistence de deux réseaux linguistiques dans
- le ·lancement d'actions d'enseignement d'appui, par l'enseignement se retrouve dans les activités socio-écono-
radiodiffusion et télédiffusion ; miques et socio-culturelles : un réseau francisant prépon-
dérant dans les échanges économiques, S"Cientifiques et
- l'e lancement d'a'ctions de promotion sociale pour les techniques, un réseau arabisant important dans les échan·
cadres· de l'éducation et ceux des secteurs industriels et ges idéologiques ·et culturels. La compétition entre ces
agricoles; deux réseaux - non étanches 'l'un à l'autre - prend
- la prise en charge d'actions de formation du corps parfois des formes assez vives. On peut toutefois se
enseignant. demander si les oppositions entre ces deux réseaux ne
masquent pas une réalité plus complexe : l'opposition
entre lettrés - tant francisants qu'arabisants - et mas·
ses populaires, parlant la langue popu·laire - arabe ou
berbère .:...._, différente de la • langue nationale •, et qui n'a
pas droit de cité dans le système éducatif. Le risque de
*
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** voir ainsi se créer une culture des • clercs •, combiné aux
effets produits par la sélectivité du système scolaire, est
au centre des enjeux actuels et futurs de l'enseignement
en Algérie, dont la vocation socialiste est par ai-lleurs
constamment réaffirmée.
Quelques interrogations peuvent être formulées en guise
de conclusion. L'efficacité économique recherchée passe (Décembre 1977)
.par la mise à disposition des différents secteurs indus-
triels, uti'lisant souvent une technologie de pointe, de la Dany DUFOUR
main-d'œuvre qualifiée nécessaire. Mais un système édu- CNAM
catif qui choisirait d'abandonner les éléments les moins Université de Paris VIII
doués irait à l'encontre du principe d'équité contenu dans
l'option socialiste où l'Algérie s'est engagée. Les réformes
scolaires en cours sont bien le reflet de ces contradic-
tions : promotion d'une pédagogie rénovée aux accents
progressistes et maintien d'une sélection sévère . . C'est NOTES
ainsi qu'en neuf années d'école fondamentale, la déper-
dition (du fait de la quasi interdiction de redqubler, impo·
sée par ·les contraintes matérielles) serait, avec un taux
de passage de 90 % d'une classe à l'autre, de l'ordre de (1) • La réforme scolaire, objectif de l'enseignement •,
60 % : en clair, sur 100 élèves entrant en 1" année du ministère des Enseignements primaire et secondaire
cyc·le d'éveil, un peu plus de 40 termineraient la troisième (MEPS), Alger, avril 1974, p. 9.
année du cycle d'orientation, 20 passeraient en secondaire (2) Les CET non transformés délivrent un CAP.
général. ..
(3) Devenu en avril 1977 le ministère de l'Education.
La majorité des sorties se font encore actuellement en (4) Rapport de la population occupée, travaillant, à la
cycle primaire. Ces sortants n'ont que peu de chance population active.
d'embauche dans les secteurs demandeurs de main·
(5) Pour l'année 1976-1977, on dénombrait 8182 écoles.
d'œuvre, leur niveau de formation est trop bas. ils n'ont
pas davantage de chance d'entrer en centre de formation (6) Cf. • Maghreb-Machrek •, n• 58, p. 27-36.
professionnelle, de façon à rehausser leur niveau et lnté· (7) 1 dinar = 1,2 FF environ.
resser ainsi l'industrie, le niveau minimum d'accès en
centre se situant dans les meilleurs cas à la dernière (B) Voir tableau p. 42.
année de primaire. L'implantation d'unités de production (9) Dans l'enseignement technique, 681 professeurs
·l argement automatisées utilisant peu de personnel, mais (algériens et étrangers) sur les 843, soit 80,8 %, utilisent
de haut degré de qualification et la stagnation ou la ré- le français comme langue de travail .; voir Infra, p.
46 ETUDE$

(10) Voir Abdelkader DJEGHLOUL, • Etude critique des • déterminante : la dimension de l'enfance à laquelle on
programmes français au niveau du 2' cycle •. [n • Revue " ne s'intéressait jusque-là que sur tle plan d'une éducatio11
algérienne des sciences juridiques , économiques et poli· • p•lus morale que véritablement scolaire, et davantage
tiques •, vol. Xlii , no 2, juin 1976, p. 400-418. • dans Je sens de l'accumulation des connaissances (en
(11) Voir infra, p . 49 et p. 46. • disproportion brutale avec les limites objectives du su-
• jet scolarisé, d'où l'apprentissage • par cœur • et le
( 12) Ce qualificatif a été récemment abandonné: voir • gavage), que dans celui du jeu fécond et agile des
infra , p. 49 . La réforme ell-e-même· sembl·e devoir faire • facultés lntellectuel•les aux différents • âges • ou micro.
l 'objet d'un profond remaniement. • âges si nuancés et divers de J'enfant, et de son patient
(13) Voir J'article de R. MARTINEZ : • En Algérie, l'école • développement psychologique et mental dans le même
fondamentale po·Jytechnique • , ln • Pédagogie •. no 6, juin • cadre puéril ou pré-juvénile. Une autre dimension non
1976, p. 57-64. • moins importante, parce qu'elle se référait à l'ensei-
(14) Alain COULON, • La réforme de l'enseignement • gnement des sciences exactes, a contribué, du même
supérieur en Algérie •, thèse de :r cycle, Université de • coup, à reposer t)e problème de l'expression linguistique
Paris VIII, juin 1975. • en tant qu 'instrument neutre et fonctionnel de l'acqui-
• sition du savoir et à changer d'optique vis·à-vis des
• langues étrangères considérées, désormais, comme un
• adjuvant complémentaire indispensable dans le domaine
• éducatif national de chaque pays, surtout pour l'échange
• des expériences scientifiques et ~a diversification des
Annexes • sources d'information les concernant par Je biais de bi-
• bliographies et de références multilingues .

Langue et culture
LE POINT DE VUE DES RESPONSABLES
• ... Une autre constatation s'impose à nous et par le
• biais de t)aquelle nous rejoindrons le propos de la révo-
• lution pédagogique ici traité . .c'est que la culture n'est
DECLARATIONS DE MOSTEFA LACHERAF, • pas nécessairement l'éducation, chose déjà prouvée à
• l'évidence et qui a trait à la précarité de la tlangue
MINISTRE DE l'EDUCATION. • quand elle n'est pas travaillée pour atteindre cet objec-
• tif, pouvant même rétrograder comme c'est 1)e cas de
Après son entrée en fonction comme ministre de • l'arabe par rapport à des langues nouvelles sans passé
l'Education (nouvelle dénomination du MEPS), M. MoS- • notoire de fonction culturelle ou de civl·iisation mais
tefa Lacheraf, dans une série d'interventions dans tla • dont J'avènement et l'efficacité se sont imposés à point
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presse, s'est attaché à préciser les nouvelles orien- • nommé à travers une audacieuse et radicale transfor-
tations de la politique de l'enseignement que souhaite • mation de la substance et des méthodes de tJ'enseigne-
mener Je gouvernement algérien. • ment. En effet, une langue aussi prestigieuse soit-elle
• n'est jamais Infaillible ou permanente dans sa fonction
Dans la mesure où ces déclarations impliqueraient • nourricière de bon a<loi, ni dans sa disponibilité à jouer
une volonté de réforme profonde de cette politique - • un rôle civilisateur conforme aux impératifs du siècle .. .
le ministre ayant affirmé qu'H fallait que J'enseigne-
... JI existe un autre préjugé assez courant et qui
ment reparte à zéro - elles ont trouvé un large écho
• fausse les données exactes du problème. On prétend,
dans J'opinion publique et suscité la controverse (") .
• en effet, que seule t)a langue est en cause, se suffisant
On en trouvera ci-après de ·larges extraits. • toujours à elle· même et sans aucun lien dialectique avec
• l'environnement humain qui est censé tla nourrir et l'uti·
• liser. Et l'on s'interroge alors naïvement sur le fait de
• savoir pourquoi telle langue est capable d'assumer une
Education et culture • fonction culturelle d'avant-garde plus que teJ.Je autre,
• laissant entendre par-là, qu'elles ont, dans l'absolu, la
• ... S'il y a une vérité dont il faut se pénétrer et que • même capacité d'impact et de progrès. Mais, ce faisant,
• des pays frères, pourtant. libérés avant nous de la doml- • on n'incrimine jamais ·les tenants de la tlangue la plus
• nation étrangère occidentale et sur lesquels nous comp- • défavorisée, c'est-à-dire les responsables directs de ses
• tions pour promouvoir notre jeune enseignement à • retards et de ses échecs !...
• l 'indépendance, n'ont pas appliqué à leurs systèmes
• éducatifs, c'est précisément ceNe de la révolution péda- ... Pour ce qui est de l'Algérie ou de tout autre pays
• gogique dans le monde, qui bouleverse depuis plus d'un • arabophone, i'l est Indéniable que ·la langue arabe est
• siècle toutes les données du genre et toutes les idées • innocente des méfaits et de la criminelle inertie des
• reçues. En effet, la première révolution de J'enseigne- • siens . Ce n'est pas elle qui est en retard sur le siècle,
• ment, il y a environ un siècle, qui ne cesse de se • ce sont eux qui l'ont rétrogradée et maintenue, parfois,
• chercher et de se réajuster durant ces trois dernières • dans tl'infantilisme, et en font un objet de chantage
• décennies, est, à proprement parler, une des plus gran- • inadmissible ...
• des conquêtes de l'esprit humain dans les temps moder-
• nes parce qu'eJ.Ie a introduit une dimension rationnelle Arabisation et pédagogie
• ... S'il nous fallait tirer les leçons de tout ce qui pré-
(') Voir en oartlculler la série d'articles du docteur Abdallah CHERIET, • cède pour les ramener à notre cas propre et au monde
parus dans le quotidien • Ech Chaab • du 29 août au 6 septembre 1977. • auquel nous appartenons culturellement parlant, nous
Traduction Intégrale dans un supplément au numéro de janvier 1978 de • dirions sans acrimonie, mais avec un sens aigu du réa·
la • Revue de Presse. Maghreb, Proche et Moyen-Orient • 'éditée à
Alger. Ce supplément présente également l'ensemble des déclarations • lisme et de la modestie, que, chez nous, J'enjeu est de
et articles de M . Lacheraf. • taHie. La récupération est faite, et pour toujours. Ce
L'ENSEIGNEMENT EN ALGERIE 47

,. qu'on peut appeler du nom de • restauration nationale • • mentalités quant à l'évaluation sincère de nos carences
• en lieu et place d'une nécessaire révolution axée sur • et des moyens susceptibles de les résorber par des
'"l'authenticité épurée et en progrès, s'est opérée en vrac • emprunts de contenus scientifiques et de méthodés édu-
• dans différents secteurs indistinctement confondus : édu- • catives appelés à être augmentés de nos acquis anciens
.. cation, culture, érudition pseudo-historique, tradition re- • et nouveaux, et, cela, dans un propos ni sectaire ni chau-
·" ·ligieuse, folklore, avant-goût des sciences et techniques, • vin, et une visée ouverte, tout ensemble, à •la créativité,
• maîtrise certaine du savoir à côté d'un océan de pré- • aux échanges, aux nécessaires remises en cause, afin
• jugés, de malentendus et d'ignorances abusées : toutes "d'atteindre, sans paradoxe aucun, un objectif authentl-
• choses qui gagneraient à être décantées, redéfinies, • quement national. Sinon, ne nous le dissimulons pas,
.. soumises à d'impitoyables réajustements. Sinon, jamais • l'arabisation improvisée et sentimentale ne parvenant
• la scolastique insidieuse ou notoire dans laquelle bai- • pas à maîtriser l'enseignement et à faire corps avec
• gnent toutes ces valeurs mêlées ne se dissipera pour • lui, risquera d'être, tôt ou tard, •l'objet d'une injuste
• permettre l'émergence d'une rationalité fonctionnelle et • désaffection de la part des siens. Ce qui est en jeu,
• • désirable •. Il y a un abîme entre l'amour-propre cha- • ce n'est pas seulement ·le fait de récupérer un patrl-
• toui·l•leux et la dignité bien comprise. S'il y a un pro· • moine aussi vénérable soit-il, c'est, en même temps,
• blème de l'arabisation, il existe aussi celui, plus général, • celui de rendre à l'héritage perdu et retrouvé, sa fonc-
• de l'enseignement. Les deux ne sont pas et ne peuvent, • tion pédagogique, sa fonction socio-cu-lturelle la plus
"à aucun moment, être inconci•liables à condition que l'un • conforme aux besoins d'un peuple engagé dans la vole
• ne soit pas sacrifié à l'autre dans la double échelle des • du progrès, soucieux de donner à ses enfants un en-
• priorités et des valeurs. Le contenu d'une langue, sa • saignement concret, substantiel, solide, anti-obscuran-
• sensibilité nationale ne peuvent être transformés, amé- • tiste, capable d'exprimer notre univers algérien, arabe
• liorés que de l'intérieur, en toute connaissance de cause • et africain et le monde tout court avec ses conquêtes
• et sans passions mauvaises .... • techniques, ses découvertes, ses expériences, ensemble
• de valeurs auxquelles nous avons nous-mêmes participé
... La forme (l'arabisation), si elle doit se réaliser iné- • par le travail créateur dans un lointain passé.
• luctablement comme une priorité, un impératif et plus
• qu'un choix, puisqu'elle est la base même et ·la raison
• d'être de •la récupération de notre culture et de notre Bilinguisme : une nécessité temporaire
" identité nationales, ne saurait, à aucun moment, et dans
• ... On aura vu, dans ce qui précède, - le contraste
"l'intérêt de tous, constituer un alibi susceptible de corn-
• aidant - , la tâche qu'il nous reste à accomplir en
" promettre le fond du problème, à savoir: l'enseigne-
• Algérie, non seulement pour rattraper des retards sé-
• ment et •le cours normal de son existence évolutive en
• culaires, mais pour changer les mentalités, dissiper
• tant qu'institution moderne, réponse à l'attente du pays
• de graves préjugés et malentendus •longtemps nourris
" et contrainte aussi inéluctable. Cette forme - au niveau
• dans une perspective obscurantiste par des gens lnté-
• de l'éducation structurée et rationnelle, qui n'est pas,
• ressés à perpétuer l'équivoque en faisant croire que
• répétons-le, celui d'une vague culture de caste ou d'agré-
• l'arabisation, valeur immuable et sacra-sainte, d'après
• ment - est en train, certes, de se dépouiller de ses
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• eux, ne devrait avoir de finalité et se justifier aux yeux
• scories, de sa portée approximative et parfois nébuleuse.
• des siens que par sa seule présence, même inerte,
• Au prix d'efforts gigantesques, elle proposera demain à
• même préjudiciable à •l'école et à l'enfance scolarisée,
• l'enfance scolaire le • langage • à travers lequel elle • en poussant les choses au pire ! Ce faisant, ils mépri-
• résorbera, petit à petit, les traumatismes de l'étrangeté • sent sans le savoir ·leur langue nationale, et, la • dé-
• et de l'isolement vis-à-vis de la matière enseignée et du • fendant • contre •les langues étrangères par un refus
• milieu famiolial qui aura réalisé lui-même son initiation à • hautain et superstitieux de ces dernières, ils l'embras-
• une langue arabe fonctionnelle dont la connaissance, • sent jalousement pour mieux l'étouffer au lieu de la
" plus ou moins suffisante dans un premier temps, ne le • travailler, de •la stimuler dans le sens d'une féconde
• dépaysera pas et •lui donnera, au contraire, le sentiment • émulation avec d'autres. Heureusement que certains
• de sa responsabilité engagée aux côtés des éducateurs. • parmi ceux qui se sont succédé à divers paliers de la
• En un mot, cette forme, travaillée, enrichie de concepts • décision, à la tête ou à •la base des responsabilités
• nouveaux, de notions précises, débarrassée de ses re- • éducatives de la nation depuis l'indépendance, n'ont pas
• lents oratoires et lyriques, de son vocabulaire barbare, • toujours écouté ces fossoyeurs inconscients de l'arabe.
• des mécanismes superficiels adoptés aujourd'hui dans • Le cadre institutionnel de l'enseignement de notre ·Jan-
• renseignement des sciences (et surtout des mathéma- • gue - sinon les moyens humains qualifiés - existe,
• tiques) et qui font appel à la mémoire plus qu'au rai- • ainsi que toutes les structures scolaires dont H reste,
• sonnement, cette forme, arabisée, donc, débouchera sur • cependant, à remodeler •l'usage et la destination, à amé-
• sa véritable finalité en dehors de laquefole elle agira • liorer l'objectif pour lesquelles elles ont été créées. La
• toujours en vain, c'est-à-dire sur l'expression. Alors, la • Charte nationale fixe les choix irréversibles d'un projet
• forme et ·le fond se confondront intimement dans une • historique dont personne ne peut douter qu'il sera mené
• harmonie agissante qui sera le propre d'un enseigne- • à son terme. Si les bonnes volontés et les esorits éclai-
• ment arabisé digne de ce nom : valeur sans complexes • rés de notre pays se mobilisent pour son exécution, ils
• ni lacunes, dimension algérienne répondant aux vœux • sauront, sur le terrain, dans of'effort entrepris et à la
• séculaires de la .nation et à ses ·exigences actuelles en " lumière des expériences radicales qui transforment au-
• la matière. • jourd'hui l'enseignement et la culture rationnelle dans •le
Mais, en attendant, et comme au siècle passé à tra- .. monde entier, qu'il ne suffit pas d'hériter paresseuse-
• vers le monde évolué et jusqu'à nos jours dans des • ment d'une langue au passé prestigieux pour que cel-le-ci
" sociétés conscientes de la grandeur de of'enjeu, nos éco- • devienne, par un vœu pieux, un instrument de pro~rès
• les deviendront autant de champs d'expérimentation et • et de promotion socio-économique. Si, comme nous
• de changement qualitatif pour renouer avec une révolu- • l'avons déià dit, le contenu national d'une langue et sa
• tion pédagogique dont nous avons été frustrés en même • sensibilité ne peuvent être perçus et affinés que de l'in-
"temos que les autres pays arabes. Cette révolution à • térie11r, c'est bien à -J'aide d'exoériences concrètes et de
• rattraoer imolique - disons-le avec autant de modestie • modèles réussis venus de l'extérieur qu'on doit trans-
• que de réalisme - un bouleversement radical de nos • former pédagogiquement et dans le domaine scientifique
48 ETUDES

• cette langue quand elle n'a pas été travaillée dans cette • faut-il le répéter, ce n'est pas le français en tant que
• double perspective. Aussi, un certain bllingul~me tempo- • te•l et par l'effet d'une prédestination de nature qui
• raire est-il peut-être imposé par la nécessité plus que • donne son niveau à l'enseignement, c'est l'abondante
• par un choix délibéré pour réaliser une accumulation de • information scolaire et universitaire qu'il diffuse à grand
• moyens rationnels et de faits éducatifs qui seront appe- • renfort d'ouvrages scientifiques, de revues spécialisées,
• lés à être intégrés et • nationalisés •. Il reviendra peut- • de travaux de recherche, de mise à jour constante des
• être à l'Algérie, loin de toute auto7satisfaction et de tout • connaissances humaines et du savoir moderne dans son
• misérabilisme - puisque beaucoup de nos compatriotes • acception la plus large et la plus actualisée. Et le fran-
• soi-disant • arabisés • semblent se contenter du déchet, • çais n'a pas le monopole de cette production dont
• du savoir approximatif, de l'alibi et des signes extérieurs • !('enseignement, de nos jours, ne peut se passer au ris-
• de •la modernité au nom même d'une récupération plus • que de se scléroser.
• sentimentale que concrète - , il reviendra peut-être à
• l'Algérie l'honneur d'assigner à l'arabe la place qu'i<i mé- D'autres langues de l'ère industrielle jouent le même
• rite d'avoir parmi les grandes langues de wlture du • rôle à l'échelle internationale et dans des pays de main-
• temps présent, et, d'abord, au service de ses propres • dre importance. La Yougoslavie, pays socialiste de 30 mil-
• enfants. Car, l'enseignement donné aux tout petits doit • lions d'habitants environ, produit, annuellement, près de
• rester notre souci constant, et ce n'est pas avec les • 7 000 titres. L'Argentine, pays latino-américain en voie de
• carences évoquées plus haut, l'esprit conservateur, les • développement de 24 mi•llions d'habitants, produit, cha-
• graves malentendus relatifs aux concepts et aux normes • que année, plus de 4 500 titres dont la majorité repré-
• de l'éducation scolaire, les blocages Inhérents à ce sys- • sentent des ouvrages scientifiques et des traductions de
• t~me actuellement mal conçu et à contretemps de la • haut niveau. Quant au monde arabe qui totalise 120 mil-
• pédagogie moderne, que nous Inculquerons à nos enfants • lions d'habitants, il détient l'un des indices •les plus bas
• un goût salubre et fructueux pour :leur ·langue nationale, • de la production dans ce domaine, ne pouvant aligner
• et des habitudes intellectuelles autres que mécaniques, • environ que 2 000 titres par an. Conscients de cette ca-
• comme c'est le cas, aujourd'hui, dans le domaine des • renee, les responsables des pays arabes qui veulent
• sciences, en particulier .... • avoir accès à cette irremplaçable information scolaire et
• universitaire largement véhiculée par les grandes et pe-
... A propos de 'l'école qui détourne l'enfant des pro-
• tites langues de civilisation des temps modernes, encou-
• blèmes et phénomènes environnants familiers à son âge
• ragent chez leurs concitoyens l'apprentissage organisé
• à travers leur perception progressive et non prématurée • de langues étrangères et envoient même de nombreux
• ou violente et draconienne, Il convient de mettre le doigt
• experts en pédagogie se former en Europe et en Amérl-
• sur l'une des tares les plus désastreuses du système
• que, tout en nous cédant •les • laissés pour compte •.
• éducatif arabe en général, qui pratique une sorte de
• doping au moyen de notions et de structures grammati-
• cales abstraites, insaisissables, très vite oubliées, ou Or, ces coopérants qu'ils veulent bien nous envoyer
• apprises par cœur, au lieu de tirer parti graduellement, • parce que, après tout, nous en avons le plus grand be-
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• et à bon escient, de la fraîcheur de l'enfance, de son • soin dans le cadre de l'arabisation à tout prix, malgré
• vif intérêt pour les objets concrets et la découverte du • leurs insuffisances, c'est auprès de nos bilingues à nous
• monde ambiant .... • qu'ils reçoivent leur formation pédagogique, et ne man-
• quent pas de nous en remercier avec une vive recon-
• El Moudjahid • des 9, 10 et 11 aoOt 1977. • naissance. En acceptant de s'initier auprès de certains
• de nos enseignants bilingues, ils font preuve de plus dA
• modestie et de conscience professionnelle que nos pro-
• pres arabisants intégraux qui répugnent à se recycler et
Efficacité pédagogique et qualité • ne réalisent pas toujours qu'en apprenant une seconde
• langue ils doublent ou triplent même leurs possibilités
• ... Personne dans ce pays n'est contre l'arabisation, à • d'accès à des sources diversifiées d'information protes-
• commencer par 1le ministre de l'Education, mais tout le • sionnelle, éducative ou scientifique, devenues, auJOUr-
• monde est pour un enseignement arabisé digne de ce • d'hui, l'une des bases indispensables de l'enseignement
• nom et conforme aux critères de sérieux, de discipline • moderne. Sur un autre plan, et compte tenu de css
• intellectuelle, de travail, d'adaptation à l'esprit du siècle, • carences ja•lousement cultivées chez certains qui ne s'in-
• aux exigences de . •la formation scientifique la plus en ri- • forment pas et lisent très peu ou ne lisent jamais et
• chissante et la plus rigoureuse possible. L'arabisation se • croient que l'acquis professionnel est réalisé une fois
• mérite par l'effort et la qualité. Toutefois, tant que l'ara- • pour toutes comme une réserve inépuisable, nous som-
• bisation ne remplira pas toutes ces conditions pour ré- • mes contraints, pour étudier et approfondir le projet de
• pondre aux impératifs d'une féconde rationalité et d'une • l'école fondamentale, de faire appel, précisément, à ces
• création en perpétuel dépassement, elle risquera de de- • bilingues dont l'espèce s'amenuise, malheureusement, de
• meurer vulnérable, décriée même, et ne sera pas en me- • jour en jour, mais aussi à des francisants algériens, insti-
• sure de • déloger • la langue étrangère d'appoint de ses • tuteurs et inspecteurs des enseignements primaire et
• positions numériquement très réduites mais qualitative- • moyen, hommes et femmes très qualifiés et rompus aux
• ment plus fonctionnelles. Il ne dépend que des tenants • méthodes pédagogiques les plus rationnelles, travaillant
• de la langue arabe de faire en sorte, par des actes • sur le terrain et se trouvant constamment en contact
• créateurs, que cette forme de bilinguisme temporaire qui • avec les réalités scolaires et le milieu socia•l ambiant.
• existe bel et bien et n'ose pas dire son nom (en dépit • Et tous et toutes réalisent ce travail colossal pour le
• d'une appellation dûment contrôlée en haut lieu et à • bien de l'arabisation afin de faire profiter les enseignants
• l'échelle des structures scolaires de l'ensemble du terri· • de ce secteur d'une expérience et d'une recherche mises
• taire national, et d'une pratique assez courante dans les • au service de l'école algérienne tout entière, sans sec-
• faits éducatifs officie·ls), ne se perpétue pas chez nous, • taris me ni préjugé Hnguistique, animés par le seul souci
• quitte à continuer à utiliser le français et les autres • de ·l'efficacité pédagogique et de la qualité. • ...
• langues étrangères pour l'indispensable Information pro-
• fessionnelle des maîtres et des élèves et étudiants. Car, • Révolution africaine •, n• 709, 21·27 sept. 1977.
L'ENSEIGNEMENT EN ALGERIE 49

L'école fondamentale • L'unification de -l'enseignement stipulée par la Charte


• nationale relève avant tout du bon sens. Nos 'J)ays en
- Monsieur •le Ministre, l'école fondamentalè poly- • voie de développement ne peuvent pas s'offrir le luxe
technique est une aspiration des masses populaires. • de disperser •leurs moyens qui sont déjà limités et de
Des expériences pilotes sont en cours dans certaines • créer, par la force des choses et à la longue, des idéo-
wi•layate. Quels sont les enseignements que l'on peut • logies sinon contradictoires du moins divergentes quant
tirer pour l'instituer? • à la nécessaire vision d'un monde et d'une société qui
• L'école fondamentale est, comme vo~s le dites si bien, • doit être commune aux enfants d'une même nation en-
• une des aspirations du ·peuple algérien dans le domaine • gagée dans une lutte identique pour l'édification et le
• de l'éducation et dans •le sens d'une démocratisation et • progrès. Le principe intangible de l'unité de ·l'enseigne-
• d'une efficacité plus poussées. Assurer pendant neuf ans • ment commence aujourd'hui à être appliqué dans les
• un enseignement global bien conçu et de qualité à notre • faits, et le sera définitivement dans les deux années à
• enfance scolarisée, c'est, du même coup. la mettre à • venir au niveau des classes terminales, et, cela, sans
• même, au cours d'un âge difficile mais très réceptif, • animosité contre quiconque ni dépréciation des efforts
• d'acquérir une dimension autonome susceptible de la • déployés dans •le passé. D'autre part, il nous paraissait
• préparer à la vie et au travail créateur en fortifiant peu • intolérable que puisse exister un double baccalauréat,
• à peu son sens de ·la responsabilité et en l'armant d'un • négation même des chances que doivent légitimement
• savoir irremplaçable qu'eNe pourra compléter à l'issue • détenir des jeunes gens devant les mêmes débouchés
• de ce parcours, soit par une formation technologique adé- • offerts à leur bonne valonté. •
• quate, soit par des études orientées vers l'enseignement
• universitaire. Seulement, et afin de rendre à cette école Interview à • Algérie-Actualité •.
• fondamentale toute •la signification rationnelle qu'elle doit
• avoir en dehors de toute démagogie facile et de toute
• tendance à l'immodestie, nous avons décidé qu'elle re- INTERVIEW DE MA RAHAL,
• noncerait, à l'avenir, à son adjectif de • polytechni- MINISTRE DE L'ENSEIGNEMENT SUPERIEUR
• que • .... ET DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE.
La réorganisation de l'enseignement La situation de l'enseignement supérieur
- Partant de la qualité de l'enseignement, vous • ... A travers ses divers établissements, l'Université a
avez déclaré à "Révolution Africaine" : " ... il faudrait • compté près de 65 000 étudiants au cours de ce premier
donner à notre ministère tous les moyens humains, • semestre. Ce chiffre témoigne du développement de
matériels et même juridiques, sans oublier la colla- • notre système d'éducation et permet de mesurer le
boration effective des parents et des autorités loca- • chemin parcouru durant les quelques années qui nous
les, pour que l'enseignement reparte de zéro dans • séparent de •l'Indépendance. Il faut cependant ne pas se
ses orientations et les tâches à entreprendre. " Vou-
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• cacher que cet effectif d'étudiants implique également
lez-vous nous dire quelles sont •les conditions prati- • de sérieuses distorsions pour ·l'Enseignement supérieur.
ques, humaines, matérielles et juridiques à réunir et • Malgré les énormes moyens mobilisés par l'Etat, le dé-
à mettre en œuvre pour que "l'enseignement reparte • vouement et •la bonne volonté déployés par tous, Il était
de zéro ... "? • en effet quasiment impossible en si peu d'années de
• J'ai bien parlé de ces moyens multiples, sans omettre • faire face au niveau des structures d'accueil, à un gon-
• les moyens juridiques que trop souvent nous disputent • flement aussi rapide de la masse estudiantine.
• des bureaucrates prématurément encroûtés ou enclins à Les difficultés que connaît le secteur de la construc-
• ne retenir des dispositions légales que ce ,qui favorise • tion, submergé par l'ampleur de nos programmes natio-
• leur conservatisme et leur peur des initiatives. Si 'les • naux en la matière, ont multiplié les retards pour la
• obstacles matériels existent, si les carences en moyens • réalisation des infrastructures qui nous concernent: lo-
• humains nous paralysent, il ne faut pas oublier non plus • caux pédagogiques, cités universitaires, équipements
• que les mesures administratives adéquates, les ressour- • divers.
• ces de la loi pour les réduire, •les mécanismes juridiques Les besoins énormes en personnel enseignant, un mo-
• susceptibles de nous aider à résorber très vite toutes • ment palliés par le biais de la coopération, retrouvent
• ces contraintes, constituent aussi une somme d'entraves • leur acuité avec la restriction progressive de nos recru-
• et nous font perdre beaucoup de temps. Aussi bien sur • tements à l'étranger, en raison de la situation politique
• le plan du relèvement des salaires des enseignants • que nul n'ignore. Cette régression de la coopération est
• nationaux et étrangers coopérants que sur celui des • d'autant plus durement ressentie que le faible attrait de
• constructions scolaires ou des logements, du statut de • la fonction enseignante, jusqu'à cette année, a empêché
• tel·le ou telle catégorie d'agents de ·l'éducation, des avan. • de préparer dans •l'intervalle la relève algérienne.
• tages sociaux à accorder à bon droit aux maîtres et
• inspecteurs de l'enseignement, etc., etc., nous sommes A ces difficultés majeures, s'ajoutent les distorsions
• chaque fois bridés par des textes juridiques qu'il faut • liées à l'engouement de nos étudiants pour certaines
• chanqer, des chicanes financières dont il convient d'as- • carrières particulières : les sciences médicales ou juri-
• souplir ·ta conception • .... • diques ainsi que la sociologie exercent un attrait sans
• doute excessif sur les étudiants, alors que d'autres dis-
• ciplines, y compris celles de technologie, sont dédal-
L'unification • gnées, ce qui ne peut qu'être préjudiciable à très court
• terme, aux besoins économiques du pays et à •la réal!-
- La Charte nationale souligne "tle principe intan-
• sation de nos objectifs de développement.
gible de l'unité de l'enseignement et de l'orientation
idéologique commune de la jeunesse ". EHe préco- Cette situation perturbe évidemment le fonctionne-
nise, pour cela, l'intégration de l'enseignement ori- • ment de l'Université et risque même, si nous n'y pre-
ginel à l'enseignement général. Pouvez-vous nous dire • nons garde, de remettre en cause la révolution de notre
où en est !('application de ce principe ? • système universitaire, développée à travers tla réforme
50 ETUDES

• de l'Enseignement supérieur: nous constations d'ores et • du simple point de vue de la démocratie et de la justice,
• déjà des lacunes et des insuffisances quant à son appli- • une sérieuse sélection préalable des candid,:'lts.
• cation, après six années d'une expérience certainement
• très riche en enseignements. Cette post-graduation doit en outre être -liée à des exl-
• genees qualitatives exceptionnelles, car elle a pour voca-
C'est en fonction de ces considérations que nous • tion fondamentale de former les cadres qui devront doré-
• avons décidé en premier lieu, l'établissement d'un bilan • navant prendre en charge t(a formation d'un nombre tou-
• de •la mise en application de cette réforme à travers les • jours croissant de jeunes Algériens, répartis dans l'en-
• universités. Ce travail qui mobilisera aussi bien les res- • semble des unités universitaires dont la création est
• ponsables des établissements que les enseignants et les • prévue pour l'ensemble du territoire national. • 000

• étudiants, permettra, nous l'espérons, à travers un débat


• ouvert et objectif, de mettre en évidence ·les imperfec-
• tians qui subsisteraient dans notre système de forma· La recherche scientifique
• tion, et d'envisager les solutions qui s'imposent pour
• en accroître l'efficacité. • En matière de recherche scientifique, il est lndé-
oo,

Parallèlement à ce travail de fond qui s'étendra sur • niable que l'élimination de la tutelle étrangère, •la créa-
• plusieurs mois, nous avons mis à ,J'étude au niveau • tion du Conseil national de •la Recherche, de l'Organisme
• même du ministère, toute une série de mesures visant • national de la Recherche scientifique et de ses divers
•à: • centres de recherche, ont doté le pays des outils néces-
• saires au développement d'une recherche scientifique
- Améliorer et accélérer la formation de nos ensei- • que nous voulons à tla hauteur de nos ambitions.
• gnants.
- Assurer une meil·leure rentabilisation des moyens Ces outils sont cependant comme vous le savez de
• humains et matériels dont nous disposons, en éliminant • création récente et demandent donc pour leur plein épa-
• les doubles emplois, la dispersion et les concurrences • nouissement, une certaine période de maturation.
• inuti·les.
Les centres de recherche que j'ai mentionnés précé-
- Mieux répartir les flux d'étudiants entre les diver- • demment et dont certains n'ont vu le jour que depuis à
• ses formations assurées, en tenant compte de leurs apti- • peine une année, sont en train de s'organiser sur la
• tudes respectives et des objectifs de notre planification • base d'axes de recherche assez larges, tels qu'ils ont
• nationale. • été définis lors de la première session du Conseil natio-
• nal de la Recherche en 1975.
Un dernier paramètre, celui de l'élargissement de nos
• infrastructures, échappe à la seule compétence de notre il s'agit bien entendu pour la plupart de ces centres
• département ministériel. Il relève d'une coordination au • d'un démarrage avec des moyens de fortune, un équipe-
• niveau national qui devra avoir pour but, non seulement • ment incomplet et des objectifs encore à préciser. Dans
• le renforcement de nos capacités de réalisation, mais • bien des cas, les activités de ces centres ont été en
• aussi l'utilisation rationnelle et solidaire de toutes •les
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• outre orientées par la demande des secteurs utilisa-
• structures de formation supérieure déjà disponibles. 000
• teurs, que ce soit en agriculture, en hydraulique ou dans
• l 'industrie.
Les résultats sont d'ailleurs plutôt satisfaisants, mals
Le système de formation post-graduée • il nous faut maintenant tenir compte de l'expérience de
• ces dernières années, pour préciser l'orientation et le
•L'Université algérienne ne peut effectivement être
000 • niveau de notre recherche scientifique.
• construite que par des Algériens, dans •la mesure où il
• n'est pas uniquement question, en ce domaine, d'ensei- En plus des études que je viens de mentionner, nos
• gner, mais également et surtout de créer l'atmosphère, • efforts dans le domaine de la recherche scientifique se
• la culture et la tradition universitaire authentiquement • sont concentrés sur l'installation des centres, l'acqulsi-
• algériennes. • ti on des équipements indispensables et la formation ra-
• tionnelle de nos chercheurs. En ce sens la recherche a
Les mesures à prendre pour répondre à cette néces- • constitué le complément indispensab-le de la formation
• sité relèvent essentiellement d'une politique de forma- • dispensée dans les universités. Elle sera en outre l'outil
• tion efficace d'enseignants algériens de haut niveau. • privilégié de 'la formation en post-graduation.
Le système de formation post-graduée, envisagé dans Parallèlement chaque centre de recherche est mieux
• le cadre de la réforme de l'Enseignement supérieur, ré- • en mesure, maintenant, après cette période de rodage,
• pond en principe à ce souci. Il est constitué par le magis- • de préciser les objectifs de sa recherche, selon ses
• ter qui permet à l'étudiant diplômé d'accéder en deux • possibilités en personnel et en moyens matériels. JI res-
• années au grade de maître-assistant, et le doctorat en • tera bien sûr à planifier l'ensemble de ces perspectives
• sciences ou seconde post-graduation, qui lui permettra • pour les inscrire dans le cadre du développement du
• quelques années plus tard d'accéder au grade de maître • pays, conformément à notre planification nationale.
• de conférence, puis à celui de professeur.
Je dols signaler à ce sujet que le Conseil national de
Ce système qui est progressivement mis en place • la Recherche doit tenir une session vers le mols de mal
• depuis l'année dernière avec •l'ouverture du magister, • de cette année pour examiner l'évolution de ·la recherche
• mérite cependant toute notre attention si nous voulons • scientifique dans notre pays depuis son lnstltutionallsa-
• lui assurer l'efficacité et la qualité qui doivent être • tion, et pour préciser les axes selon lesquels eJ.Ie devra
• siennes. C'est une formation qui exige en effet, un • se développer dans les années à venir. •
• encadrement important et de haut niveau, elie Imposera
• ainsi de très ·lourdes charges tant humaines que finan-
• cières, et ne pourra en principe supporter aucune dé-
• perdition. Cette exigence implique donc obligatoirement • Algérie-Actualités •, 26 janv. - 1er fév. 1978.
l ' ENSEIGNEMENT EN ALGERIE 51

TEMOIGNAGE D'ENSEIGNANTS à la base. Cette rapide évolution tend natureJ.Jement à se


répercuter graduellement sur J'ensemble des effectifs
étudiants inscrits dans ·les quatre années de .Jicence au
LA POLITIQUE D'ARABISATION A L'INSTITUT DE DROIT sein de 'l'une ou de l 'autre section: en 1972-73, la filière
DE CONSTANTINE. ETUDE DE CAS. francophone compte 450 étudiants tandis que les arabo·
phones sont au nombre de 465 (51 %) ; en 1974-75, le
Elément-clé de la culture • arabo-islamique, nationale, rapport entre ·les deux sections est de 933 contre 1 463
révolutionnaire et scientifique • dans . le discours des (63 %) ; en 1976-77, il s'établit à 612 contre 1 837 (71 %) .
élites politiques, volet central du triptyque • démocrati- Si ces chiffres, aussi 11lmités soient-ils, dessinent claire-
sation-arabisation-option scientifique et technique • dans ment la nouvelle structure linguistique de l'Institut de
. la politique culturelle des autorités politiques (1), Je pro- droit et donnent 'la mesure quantitative de l'ampleur et de
cessus d'arabisation affecte au premier chef. dans la dé- la rapidité des effets de l'arabisation, il convient de les
cennie 1970, les institutions universitaires destinées à co':"pléter et de les préciser par l'examen des traits quali·
former les cadres d'une nation qui entend se construire tatlfs du groupe désormais prépondérant. De ce point de
en • (étant) chaque jour un peu plus (elle)-même (2) et vue, la section arabophone présente en 1976-77 un en·
donc rompre avec la langue de J'ex-colonisateur ( ... ), sup- semble de particu-larités qui permettent de mettre en lu-
port de l'impérialisme linguistique et culturel , voire Idéo- mière une autre dimension de la politique d'arabisation :
logique • (3). ouvrant plus largement l'Univers ité à la population non-
Mesurer ·les dimensions et évaluer les effets de cette francophone, elle la rapproche aussi du • pays réel •, dont
politique au niveau de l'Institut de droit et des sciences certains traits socio-culturels caractéristiques se ref,Jètent
administratives de l'Université de Constantine peut per- p'lus nettement dans l·e microcosme universitaire. Ainsi,
mettre de mieux cerner les réalités locales que recouvre par rapport à leurs camarades de la section francophone,
sa mise en œuvre. de mieux discerner ses implications les étudiants arabophones sont plus rarement... des étu-
pratiques dans .Jes structures et ·les milieux où elle s'ap- diantes (1 0) ; ils sont également plus âgés , plus nombreux
plique. Au sein de cette Université, 'la troisième du pays à exercer une activité professionnelle régulière (11) et
par ses effectifs (4) mais la première par le nombre de généralement d'origine sociale plus modeste, ces trofs
ses sections uniquement arabophones (5). l'Institut de dernières caractéristiques étant évidemment liées. Mais
droit constitue en effet un intéressant • observatoire des cette liaison entre arabisation et démocratisation de
l'~niv~rsité, fonctionnelle pour l'intégration nationale, re·
changements multiples provoqués par la politique d'ara·
c~le d autre part des aspects dysfonctionnels pour Je sys-
bisation : sa communauté étudiante est numériquement
importante (2 450 inscrits dans les 8 semestres de la teme d'enseignement : si fa section arabophone de flns-
licence, soit près de 1/6' des effectifs de ·l 'Université) [6], titut de droit offre une représentation plus fidèle - et
sociologiquement diverse (13 % d'étudiantes, contre 18 % plus légitime - de la société algérienne, elle présente en
pour l'ensemble de l'Université, environ 40 % d'employés , contrepartie un • profil • universitaire qualitativement
inférieur à celui de son homologue francophone (12) lié
fonctionnaires ou cadres du secteur public) et naturelle-
aussi à la faiblesse de son taux d'encadrement (13).
ment portée à manifester un vif intérêt aux problèmes
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politiques nationaux : elle a réagi avec une sensibi-lité Faut-il voir dans ces insuffisances conjoncturelles, en·
toute particulière aux effets mesurables comme aux gendrées par l'effet rapide et massif de l'arabisation sur
conséquences perçues de la • révolution culture'lle • de des structures universitaires à l'adaptation malaisée
ces dernières années (7) . l'explication du trouble plus profond dans lequel la
communauté étudiante arabophone parait accueillir l'évo-
lutoin qui a consacré sa prépondérance quantitative à
Mesure du changement : une évolution irréversible.
l'Institut de droit? Car tout semble se passer comme si
le processus d'arabisation était perçu par les premiers
Si l'on considère d'abord la politique d'arabisation du bénéficiaires de son succès, non pas en termes de pro-
strict point de vue de son efficacité comme moyen de motion socio-culturelle, mais plutôt sous l'aspect de la
réaliser l'objectif d'un enseignement totalement véhiculé discrimination social-e, de la frustration individuelle, dé·
par la langue nationale, son succès se lit en chiffres : de terminant de sporadiques réactions d'agressivité, de
manière éloquente, ceux dont nous disposons témoignent brusques accès protestataires.
de la transformation rapide et radicale de la structure
• linguistique • de l 'Institut de droit depuis l'ouverture en
1970-71 d'une section arabophone et la séparation corré- Perception du changement : une mutation difficile.
lative de sa communauté étudiante et enseignante en deux
.Oes symptômes variés, à intervalles réguliers, révèlent
groupes dont l'évolution respective sera désormais rigou·
l'étendue d'un malaise persistant parmi les arabophones.
reusement opposée.
Un conflit en apperence mineur peut revêtir les propor-
Cette double tendance s'inscrit en premier lieu dans la tions d'une crise locale à implication politique plus ou
comparaison des effectifs étudiants de première année moins nette. Ainsi, l'automne 1976 a vu se déclencher
de licence dans chacune des deux sections (8) : en 1971" un·e grève des sections arabophones : mécontents de se
72 (9), 261 étudiants s'inscrivent en section francophone voir refuser les équivalences de diplômes pour l'accès
et 312, soit 54 % de l'ensemble des effectifs de première au troisième cycle, les grévistes vont jusqu'à réclamer la
année, choisissent la section arabophone; en 1972-73, les suppression de ·l'ensemble des filières francophones. Ce
nombres respectifs demeurent du même ordre (266 contre mouvement d'humeur représente chronologiquement le
292) et J'écart, en chiffres absolus comme en pourcentage, dernier maillon d'une chaine de manifestations de même
entre les deux sections ne se creuse de façon décisive nature. Au printemps de 1975, l'Université de Constantine
qu'à partir de 1974-75 (329 contre 607, soit 64 %) pour était le théâtre d'affrontements violents opposant des
s'amplifier ensuite régulièrement {en 1975-76, 197 contre groupes arabophones et francophones, au sujet de l'élec-
450, soit 69 % ; en 1976-77, 98 contre 655, soit 86 %) . tion des • comités -de volontariat de la Révolution agraire •.
Ainsi, sept années après son ouverture, la filière d'ensel· En avril 1974, un séminaire portant sur • la famille et le
gnement ·en 'langue nationale attire plus des 4/5' des droit en Algérie dans le contexte maghrébin • (14) avait
candidats à la licence en droit, condamnant à court terme fourni l'image d'un di-f,ficile - voire impossible - dialo-
son homologue francophone en tarissant son recrutement gue entre les tenants du droit musulman traditionnel et
52 ETUDES

les partisans d'un statut juridique moderne, dont l'oppo- mateurs de ·la dynamique socialiste algérienne le croient
sition correspondait pr-esque exactement au clivage lin- et l·e veulent : • .JI n'y a pas d'université francophone, il
guistique. C'est dans ce contexte que peut se cFistalliser n'y a pas d'université arabophone, mais une Université
dans le milieu arabophone une réaction de • refus de révolutionnaire. J'envisage, dans un futur proche, avec
l'autre "• considéré comme obstacle à la récupération de l'accord du ministre, d'instaurer un cadre universitaire
l'identité culturelle de la communauté nationale, qui ex- dans lequel chaque enseignant sera en mesure de dis·
plique la récurrence et la violence des crises qui secouent penser une matière aussi bien en langue française qu'en
le microcosme universitaire; les difficultés de l'enseigne- langue arabe • (23).
ment et les faiblesses de l'encadrement en section arabo- Ce plaidoyer pour le bilinguisme de fait constitue-t-il la
phone en constituent les détonateurs. Si les étudiants nouvelle définition du • compromis arabisant • par lequel
des sections arabophones éprouvent le besoin d'occuper l'Algérie pourrait se construire sans se trahir?
le devant de la scène universitaire de leur propre initia-
tive, n'est-ce pas parce qu'ils n'y sont guère conviés par Juin 1977.
les autorités en place? Ils désirent exercer un rôle effec- Jean-Patrick LECLAS
tif, et non une figuration de second plan, • faire-valoir •
de ·la politique officielle d'arabisation.

Plus profondément, les tensions à l'Université reflètent


sans doute les ambiguïtés de la politique d'arabisation,
dont -les objectifs et les perspectives ne peuvent être NOTES
considérés hors du dessein plus vaste de construction
d'une nation • algéri·enne • et d'édification d'une économie (1) Voir à ce propos : J. LECA, B. ETIENNE, • La politique
• moderne " qui constitue le double projet des autorités culturelle de .J'Algérie • in • Annuaire de l'Afrique du
politiques actuelles. Nord • , Xll-1973, pp. 45 à 76.
Or, -de ce .point de vue, les éléments arabophones ne (2) Cité par J.-P. PERONCEL-HUGOZ. • L'enseignement
paraissent guère en position de force pour participer acti- en Algérie •. in • Revue Française d'Etudes .Politiques
vement au processus de développement économique, et Africaines •, avril 1970, p. 23.
pourraient même se sentir exclus du pouvoir politique. (3) • Cette langue (qui véhicule l'enseignement) non
En effet, 'les affirmations du régime mettent en première seulement véhicule la ou les matières enseignées, mais
ligne la • compétence des éléments révolutionnaires • (15) à travers elles et au-delà, elle introduit des formes de
pour contrôler -les secteurs économiques, sociaux, admi- pensée, une culture et même , insidieusement et au corps
nistratifs; mais, héritage de l'histoire coloniale, les élé- défendant de l'enseignant, ·l'idéologie dominante dans le
ments • -compétents et expérimentés • se recrutent encore pays assistant (l'ex-colonisateur) ou au moins une ouver-
aujourd'hui pour l'essentiel hors de la communauté arabo- ture vers cette idéologie. • P. JALEE, in • Tempêtes "• 1973.
phone ; ils bénéficient d'une formation technologique qui (4) En 1976-77, l 'Université de Constantine compte plus
leur permet d'accéder aux leviers de commande écono- de 11 500 étudiants : sauf indication contraire, tous les
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mique où leur position privilégiée contribue à perpétuer éléments de l'analyse présentée ici ont été recueillis
la prééminence d'une langue • étrangère • (16). En outre, directement auprès des admi-nist-rateurs, des enseignants
le pari algérien du décollage rapide implique le resser- et des étudiants de l'Université; les difficultés de fonc·
rement des liens de l'économie nationale avec la sphère tionnement administratif inhérentes à une institution en
occidentale (17). Dès ·lors, la langue française se pré- voie d'organisation e~pliquent les lacunes et les impré-
sente non plus seulement négativement comme la langue cisions que .J'on ne manquera pas de relever dans les
du colonisateur, mais positivement comme instrument informations chiffrées.
indispensable des échanges internationaux, octroyant un
statut privilégié aux éléments qui l'utilisent. Dans la ba- (5) Selon N. SRAIEB, • La politique scolaire de l'Algérie
taill·e du développement, la langue arabe se tient sur la indépendante •, in • Revue Française d'Etudes Politiques
défensive et ne semble pas en mesure de conquérir à Méditerranéennes •, janvier 1975, p. 66.
moyen terme des positions plus avantageuses, en dépit (6) Nous n'avons pu obtenir communication du nombre
du privilège de légitimité que lui confère le discours idéo- des étudiants inscrits dans les quatre semestres de capa-
logique du pouvoir (18). cité, ni de celui des étudiants admis à s'inscrire au troi-
sième cycle, ouvert au début de l'année 1977. Notre ana·
Par ailleurs, à tort ou à raison, ·J'arabisation demeure lyse ne prend donc en compte que les candidats à la
identifiée à l'islamisation. Or, malgré -les dénégations licence, à l'exclusion d'une i·n fime proportion d'étudiants
officielles (19), la religion est encore perçue comme sup- étrangers.
port de tradition. Et il est vrai que • l'Islam-vécu • dans
l 'Algérie contemporaine prend souvent l'aspect d'un (7) Selon l'expression d'A. REMILI, • Mutations de l'ap-
conservatisme religieux et social, freinant l'émancipation pareil d'éducation et de formation pendant le plan qua-
féminine, l'évolution des mœurs. Au moment précis où le driennal •, in • France-Algérie •, octobre 1971.
pouvoir affirme sa volonté de modernité, dans le secteur (8) A l'exclusion des redoublants, ce qui permet de
socio-fami.Jial en particulier (20), cette affirmation est ·res- mieux distinguer le sens et la portée du processus de
sentie par bon nombre d'arabophones comme une remise changement.
en cause implicite des valeurs fondamentales de la (9) Aucun chiffre n'a pu nous être fourni pour la pre-
communauté nationale (21 ). Volontiers qualifiée de • réac- mière année de fonctionnement de la section arabophone,
tionnaire • par les francophones, une telle attitude ne peut qui coïncide avec l'installation de 'l'Université dans ses
manquer d'apparaître, en tout cas, malaisément compa- nouveaux ·locaux : le second fait contribue sans doute à
tible avec les exigences du projet progressiste officiel. expliquer le premier.
Ces ambiguïtés, voire ces contradictions, que met à jour (10) Celles-cl représentent environ 15 % des franco-
ou qu'exacerbe la mutation socio-culturelle de l'arabi- phones, contre 11 % des arabophones.
sation peuvent-elles se fondre - à plus ou moins long (11) Environ 50 % des arabophones sont dans ce cas,
terme - dans le vaste creuset révolutionnaire ? Les ani· ·contre 30 % des francophones.
l'ENSEIGNEMENT EN ALGERIE 53

(12) Aussi suspecte que cette image puisse apparaître (17) Les principaux partenaires économiques de l'Algé-
aux yeux de l'observateur soucieux d'objectivité, force lui rie se situent dans le camp occidental : R.F.A., ~apon,
est de reconnaître l'abondance et la concordance -des Etats-Unis, .Italie, France, Espagne, Canada, Suède.
témoignages qui semblent l'accréditer: indiscipline et
désintérêt des étudiants, laxisme et insuffisances des (18) • ... l'arabisation réalise de jour en jour des pro-
enseignants se voient confirmés par l'un des vice-recteurs grès considérables en Algérie et permet à de larges sec-
de l'Université appelant tout récemment à plus de rigueur teurs de se révéler dans leur pratique de ·la langue na-
dans l'enseignement et la collation des grades, et i·llustrés tionale. • • Charte ·nationale •. titre Ill, • La Révolution
avec éclat par divers mouvements de contestation étu· culturelle •, op. cit.
diante (sur lesquels nous ·reviendrons). (19) • Il est faux de dire que l'arabe n'est pas une lan-
( 13) Un enseignant pour 39 étudiants, contre un pour 7 gue adaptée à notre époque ; toutes ·les langues sont
en section francophone. Les enseignants arabophones de susceptibles d'être enrichies •, H. BOUMEDIENE, discours
nationalité algérienne ne sont que 17 (30 en section fran- du 28 avril 1970.
cophone) ; presque tous les autres sont de nationalité (20) • Notre désir est de voir la femme algérienne jouir
égyptienne et ont été recrutés très récemment. de la liberté et de tous ses droits et ce, à l'instar de son
époux, de son frère et de son fils, tout en demeurant la
(14) Dont les actes ont été publiés in • Revue Algé- femme arabe et musulmane. • H. BOUMEDIENE, discours
rienne de Sciences juridiques, politiques, économiques •, au 3' congrès de I'UNFA, avril 1974, in • Révolution Afri·
septembre 1974. caine •, no 528, 11 - 18 avril 1974.
(15) • Choisir des cadres qualifiés, c'est aussi déceler (21) • L'Algérie c'est l'Islam, l'Islam c'est le Coran; li
les éléments qui ont les compétences techniques et n'y a donc pas lieu de discuter de la famille et du droit en
l'expérience nécessaire, qui ont le sens de l'organisation Algérie .• Déclaration d'un étudiant arabophone lors d'une
et de la conduite des affaires publiques. • • Charte natio- séance de préparation du séminaire précité à l'Institut de
nale •. titre Il, 1, 4, • Les cadres du .Parti et de l'Etat •, droit de Constantine.
Alger, 1976. ·
(22) Intervention (non prévue à l'origine) de M. le Rec-
(16) De source crédible, nous a été révélé ce fait signi- teur, pendant le déroulement du séminaire précité. L'orga-
ficatif : les ministères de 'l'Industrie et de 'l'Equipement nisation des enseignements de 3' cycle (post-graduation)
ont demandé au chef de l'Etat une dérogation à l'appli- pourrait constituer une amorce de réalisation de cette
cation de l'arabisation au sein de leurs services . Satis- intention, dans la mesure où elle prévoit le bilinguisme
faction leur fut donnée. des enseignants comme des étudiants (voir supra, p. 47).
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