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Nous sommes très reconnaissants à M.

Gaston Clerc, le premier qui ait


Tous droits réservés. fait connaître en Suisse le Scouting for Boys et qui ait fait des démar-
Copyright 1946 by Delachaux 1 Nestlé S.A., Neuchàtel (Switzerland) ches pour le mettre en français. C'est à lui que le lecteur doit la traduc-
tion du beau chapitre sur la Chevalerie.
Comme dans l'édition anglaise, tous les passages en italique, d'un bout
à l'autre du livre, sont spécialement destinés aux chefs.

Genève, mai 1914. Pierre Bovet


AVANT-PROPOS DU TRADUCTEUR
A LA DEUXIÈME ÉDITION
POUR LA DIXIEME EDITION
L'œuvre de Baden-Powell n'a pas besoin d'être présentée au pu-
blic de langue française, mais le traducteur doit au lecteur quelques
La neuvième édition française, publiée en mars 1939, avait été
mots d'explication sur la façon dont il a compris sa tâche.
établie d'après la dix-huitième édition anglaise, en tenant compte, en
Il a tenu à ce que cette édition eût une valeur documentaire. Le
une vingtaine d'endroits, des suppressions ou des adjonctions, toujours
livre qu'on va lire est de Baden-Powell. Il n'a pas été adapté pour la
significatives, de l'auteur.
Suisse, pour la France ou pour la Belgique.
Le même texte est à la base de cette dixième édition, mais il a été
On n'a pas essayé d'accommoder aux traditions d'un pays ou d'un
très minutieusement revu par M. Basdevant, secrétaire général du
autre ce qu'il peut y avoir de déconcertant dans certaines recommanda-
scoutisme français, qui a bien voulu nous aider à en mettre la terminolo-
tions du livre anglais. Le programme d'instruction civique qui y est pro-
gie en accord avec celle qui est aujourd'hui usitée en France, et nous
posé a paru digne d'être connu et étudié pour lui-même, sans qu'on se
proposer aussi nombre d'améliorations de détail. Nous lui en sommes
hâtât de l'altérer.
très reconnaissants. Quand ce livre a paru pour la première fois en fran-
La première édition française de ce livre a paru au moment où les
çais, le scoutisme de langue française en était à ses débuts. Depuis
Éclaireurs de France et de Suisse faisaient leurs premières armes. Il a
lors, il a si bien prospéré qu'il a créé une langue dont il est tout indiqué
servi à les présenter au public. Maintenant les Scouts sont connus par-
de tenir compte.
tout; et pourtant ce livre leur est peut-être plus indispensable encore
Il est particulièrement indiqué de le faire en ce moment de l'histoi-
qu'à la première heure. Il contient en effet — c'est notre conviction —
re où le rôle éminent que la France confie au scoutisme dans la forma-
de quoi donner au mouvement qui, si rapidement, a pris tant d'étendue,
tion de sa jeunesse, consacre en quelque sorte la valeur de ce Manuel.
plus de force et plus de profondeur. On y trouve la réponse à la plupart
Cette édition est la première qui paraisse depuis que Baden-
des objections qui sont couramment faites parmi nous à certaines fa-
Powell nous a quittés. Son œuvre demeure ; elle n'est jamais apparue
çons de comprendre le scoutisme ; c est en revenant toujours de nou-
plus grande ; jamais on n'a senti davantage, en tous pays, dans les mi-
veau à la pensée initiale de Baden-Powell, telle qu'elle est formulée
lieux scouts, la nécessité de rester fidèle à son inspiration et de relire
dans ce volume, que ceux qui ont la charge des troupes d'Eclaireurs
ses livres.
échapperont le plus sûrement aux dangers qui menacent leur belle en-
treprise — ceux-là mêmes que Baden-Powell a signalés d'avance avec
Grandchamp, juillet 1941. P. B.
tant de perspicacité. Plus ils étudieront ce livre, plus ils goûteront en
Baden-Powell un merveilleux connaisseur de l'âme juvénile et dans son
programme d'éducation civique quelque chose de génial.

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EXPLICATIONS1 4. Le service du pays: en qualité de pompier, ambulancier, commissionnaire,
marin, secouriste, ou tels autres services collectifs que peut rendre une troupe.
Par Éclaireurs (scouts) nous entendons les explorateurs, les pionniers, les Les Éclaireurs intéressent les garçons de toutes les classes. On peut faire du
défricheurs de forêts. scoutisme en ville aussi bien qu'à la campagne.
En les faisant connaître à nos garçons nous leur offrons un ensemble de Un chef qui n'a pas dans un sujet donné des connaissances suffisantes trou-
jeux et d'activités qui répond à leurs goûts et à leurs instincts et qui a en mê- ve généralement parmi ses amis quelqu'un d'expert en la matière qui peut ve-
me temps une valeur éducative. nir donner à sa troupe les renseignements désirés.
Ce que les garçons y voient surtout, c'est que les Éclaireurs les groupent en Quant aux fonds, ils doivent être trouvés par les Éclaireurs eux-mêmes, en
une bande d'amis, qui est la forme d'organisation naturelle à cet âge, qu'il travaillant non en mendiant. Ce livre indique plusieurs façons de gagner de
s'agisse de jouer, de Vagabonder, ou de faire des niches ; ils leur fournissent l'argent.
une tenue et un équipement qui ont de l'allure ; ils font appel à leur imagina- Louveteaux. L'éducation des Louveteaux est basée sur le symbolisme de la
tion et à leur goût de l'aventure et les engagent dans une vie d'activité et de jungle. Nous nous appliquons à ce qu'elle soit aussi peu semblable que possi-
plein air. ble à celle des Éclaireurs. D'une part, il faut éviter que ceux-ci aient l'impres-
Quant aux parents, ils verront que les Éclaireurs favorisent la santé et le sion qu'on leur fait faire « des jeux de gosses », et, d'autre part, il faut que les
développement physique ; ils enseignent l'énergie, apprennent à se tirer d'af- Louveteaux regardent avec envie les activités et le milieu nouveaux auxquels
faire et à se servir de ses doigts, ils donnent aux jeunes gens de la discipline, ils accéderont quand leur âge et leurs capacités leur permettront de « monter
du courage, quelque chose de chevaleresque, et de l’amour pour leur patrie ; » dans les troupes d'Éclaireurs.
en un mot ils développent ce «caractère* qui est plus indispensable que toute Pour les détails de l'organisation et du programme des Louveteaux voir Le
autre chose à un garçon qui veut faire son chemin dans la vie. Livre des Louveteaux (Delachaux & Niestlé S. A.).
Le principe directeur de notre effort consiste à étudier les idées de l'enfant Routiers. Les Routiers sont des Éclaireurs de plus de 17 ans
pour l'encourager à prendre lui-même en main son éducation plutôt qu'à at- (exceptionnellement, ils peuvent être plus jeunes). Ils sont organisés en «
tendre des autres on instruction. équipes ».
Ce principe est en accord avec ceux des éducateurs les plus modernes. Ils ont pour but de compléter les Éclaireurs en amenant le jeune garçon de
L'éducation est progressive et adaptée à la psychologie changeante du gar- l'enfance à la virilité à travers les trois étapes de Louveteau, d'Éclaireur et de
çon qui grandit. Routier.
Les Louveteaux, de 8 à 12 ans, tendent à se développer individuellement La formation des Louveteaux et des Éclaireurs est en grande partie une pré-
pour le corps et pour l'esprit. paration aux services qui sont effectivement rendus par les Routiers. Dans la
Les Éclaireurs, de 11 à 17 ans, développent leur caractère et leur sens du plupart des cas ce service prend la forme d'une aide donnée à l'administration
service qu'ils doivent à leur prochain. du mouvement et à la formation des groupes. Le cycle est ainsi complet du
Les Routiers au-dessus de 17 ans, pratiquent leur idéal d'Éclaireurs dans Louveteau au chef. Le chef, tout en maintenant le jeune homme sous une bon-
leurs fonctions de citoyens. ne influence à ce moment critique de sa vie, s'assure une aide précieuse dans
Au point de vue national notre seul but est défaire de bons citoyens des son travail ; dans les cas favorables, il prépare des recrues pour le corps des
jeunes gens de la génération qui monte. chefs, tout en fournissant à la nation des jeunes hommes entraînés et qualifiés
Nous n'intervenons pas dans la religion de nos garçons, quelle qu'elle soit, pour faire de bons citoyens utiles.
mais nous les encourageons à mettre en pratique celle dont ils font profes- Les détails de cette organisation des Routiers se trouvent dans un livret pu-
sion. blié par le quartier général: Rovering; l'esprit et l'idéal moral des Routiers sont
exposés dans un livre de Baden-Powell : Rovering to Success (La Route du
Notre programme vise quatre buts :
succès).
L'éducation du caractère individuel: savoir se tirer d'affaire, savoir observer,
compter sur soi — pour gagner l'insigne d'Éclaireur. Éclaireuses. L'association des Éclaireuses est une organisation sœur desti-
née aux jeunes filles, suivant les mêmes principes et les mêmes lignes directri-
L'habileté manuelle et les petits métiers qui peuvent aider un garçon à faire
ces, quoique les détails diffèrent, naturellement. (Voir Le Livre des Éclaireu-
son chemin dans le monde ; — cela lui vaudra des « insignes de capacité ».
ses, par Baden- Poteell, trad. K. Jentzer, Delachaux & Niestlé S. A.)
La santé physique, en encourageant les garçons à faire beaucoup d'exerci-
ces et à prendre soin de leur corps.
Voir ainsi le chapitre X.

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Promesse de l'Éclaireur1

Avant d'être reçu Éclaireur, un jeune garçon doit prendre l'engage-


ment suivant :
Je promets sur mon honneur que je ferai de mon mieux :
Pour accomplir mon devoir envers Dieu et le roi.
Pour aider autrui en tout temps. Pour obéir à la loi de l'Éclaireur.

Loi de l'Éclaireur
CHAPITRE PREMIER
1- On peut compter sur l'honneur d'un Éclaireur.
2- Un Éclaireur est loyal envers le roi et ses officiers, envers ses pa- LE MÉTIER D'ÉCLAIREUR
rents, son pays, ses employeurs et ses employés.
POUR LES CHEFS
3- C'est le devoir de l'Éclaireur d'être utile aux autres et de leur venir
en aide. L'instruction des Éclaireurs se fera, autant que possible, par des
4- Un Éclaireur est l'ami de tous, et le frère de tous les Éclaireurs à activités, des jeux et des concours.
quelque classe sociale qu'ils appartiennent. Les jeux doivent être surtout organisés par équipes rivales, la pa-
trouille formant équipe, chacun prenant au jeu une part active.
5- Un Éclaireur est courtois. On insistera sur la stricte observation des règles du jeu comme un
exercice de discipline. Celles qui sont données dans ce livre pourront
6- Un Éclaireur est un ami des animaux.
être modifiées par les chefs quand cela sera exigé par les circonstan-
7- Un Éclaireur obéit aux ordres de ses parents, de son chef de pa- ces locales.
trouille ou de son instructeur, sans poser de questions. Ce que l'on suggère n'a pas d'autre but que d'aider les chefs à
imaginer d'autres jeux, concours, et représentations.
8- Un Éclaireur sourit et siffle quand il rencontre une difficulté. Voici comment on peut distribuer le travail de la première semai-
9- Un Éclaireur est économe. ne. (Il ne faut voir dans ce qui suit qu'une suggestion sans rien d'obliga-
toire.)
10. Un Éclaireur est propre dans ses pensées, dans ses paroles et Les garçons qui viennent à Vous désirent faire tout de suite le mé-
dans ses actes. tier d'Éclaireurs ; ne refroidissez pas leur ardeur par trop d'explications
préliminaires. Donnez-leur les jeux et les exercices qui répondent à
1
Les textes de la Promesse et de la Loi «ont ceux de l'original anglais. Le« leurs vœux ; les détails viendront peu à peu à mesure que Vous avan-
cerez. (Ces lignes sont restées lettre morte pour beaucoup de chefs ;
diverses associations d'Éclaireurs les ont adaptés d'après leurs caractères
en y prenant garde ils eussent évité plus d'un échec.)
propres. N, d. T.
Rappelez-vous aussi qu'il faut commencer en petit. Six ou huit
garçons soigneusement choisis suffiront pour le début. Après avoir

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reçu une formation d'Éclaireurs pendant un ou deux mois, ils seront à mê- PREMIER BIVOUAC
me de guider et d'instruire des novices au fur et à mesure qu'ils seront admis.
PREMIER SOIR. En chambre. TRAVAUX D'ÉCLAIREURS
Parlez aux garçons de l'art de l'Eclaireur, en leur donnant d'après ce chapi-
tre un aperçu, illustré de projections, de tonte l'entreprise. Éclaireurs pacifiques
Formez les patrouilles et distribuez les nœuds d'épaule.
Il n'est pas de jeune garçon, j'imagine, qui ne désire être utile à
LES JOURS SUIVANTS son pays d'une manière ou d'une autre. Une manière facile c'est de de-
venir un Éclaireur.
Activité, en plein air si possible, comme suit. (Variantes suivant qu'on est en
ville ou à la campagne, en chambre ou en plein air.) Comme vous savez, on appelle généralement Éclaireur un soldat
Salut au drapeau.
qui a été choisi pour son intelligence et son courage et qui, en temps
de guerre, précède l'armée pour découvrir où se tient l'ennemi et rap-
Jeu. Par exemple : « Éclaireurs contre Éclaireur » (IVe bivouac). porter à son chef tout ce qu'il a su voir. -
Saluts, signes de reconnaissance, cri de la patrouille, chants scouts, etc. Mais, outre les Éclaireurs de guerre, il y a aussi des Éclaireurs de
Dessiner sur le sol avec un bâton, ou sur les murs avec de la craie, les si- paix, des hommes qui en temps de paix font une besogne qui exige le
gnes de piste des Éclaireurs. Les effacer ensuite. même genre d'habileté. Les trappeurs de l'Amérique du Nord, les chas-
Faire des nœuds. seurs de l'Afrique centrale, les pionniers, les explorateurs, les mission-
naires en Asie et dans toutes les parties du monde, les hommes des
Fabriquer des sacs à ration, des boutons de cuir, etc. bois en Australie, et bien d'autres, tous ceux-là sont des Éclaireurs pa-
Faites mesurer à chaque Éclaireur son empan, sa longueur de doigt, son cifiques, des hommes dans toute l'acception du mot, rompus aux arts
bras, son pas, etc. (VIII me bivouac.) de l'Eclaireur, sachant vivre dans la jungle, capables de retrouver tou-
Envoyer les Éclaireurs isolément ou deux à deux pour « rendre un service» jours leur chemin, en donnant un sens aux moindres pistes et à toutes
et en rendre compte (XXe bivouac). les empreintes. Ils savent prendre soin de leur santé sans docteur, ils
Départ de la patrouille pour étudier le voisinage, faire noter la direction par sont forts et hardis, prompts à affronter tous les dangers et toujours
le moyen de la boussole, du vent et du soleil (VIII e bivouac). prêts à s'aider l'un l'autre. Ils sont habitués à tenir leur vie dans leurs
Prendre note des détails vus, des points de repère du paysage ; interroger mains et à la risquer sans hésitation, s'ils peuvent par là aider leur
là-dessus (Ve bivouac). pays.
S'exercer au « pas de l'Éclaireur » (XIX e bivouac). Ils renoncent à toutes leurs aises pour s'acquitter de leur tâche.
me
Ils ne le font pas pour s'amuser, mais parce que c'est leur devoir en-
Evaluer les distances (VIII bivouac). vers leur pays, envers leurs compatriotes ou envers leurs supérieurs.
Un jeu d'Éclaireur prolongé (IV e bivouac), ou bien en chambre, s'il pleut, jiu- L'histoire de l'Empire britannique a été faite depuis des centaines
jitsu, danse guerrière, boxe, chœurs et cris de ralliement. d'années et jusqu'à nos jours par des aventuriers et des explorateurs,
Causeries de bivouac, tirées de ce livre ou d'ailleurs. les éclaireurs de leur nation.
Pré parution d'une fête, ou débats, jeu de Kim, etc. Les chevaliers du roi Arthur, Richard Cœur de Lion et les Croisés
Les patrouilles continueront à s'exercer seules ou avec le chef pendant tou-
portèrent bien loin la chevalerie britannique.
te la semaine ; jeux d'ensemble et activité le samedi suivant. Raleigh, Drake, le capitaine John Smith, ces soldats et ces mari
Si l'on a plus d'un soir par semaine, on pourra reprendre plus à fond chaque
du temps de la reine Elisabeth affrontèrent les dangers inconnus
fois un de ces sujets.

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des mers lointaines aussi bien que les périls plus familiers de Indes. Resté orphelin de bonne heure, il vivait aux Indes chez une
puissants ennemis, pour conquérir et conserver des terres nouvelles et tante de condition modeste.
étendre notre petit royaume. Ses compagnons de jeux étaient tous des indigènes : il savait la
Le capitaine Cook en Australie et Lord Clive aux Indes ouvrirent langue du pays mieux qu'aucun Européen. Il se lia de grande amitié
des pays nouveaux. Speke, Baker et Livingstone se frayèrent une route avec un vieux prêtre qui courait le pays et il fit avec lui des voyages
à travers les déserts et les forêts de l'Afrique; Davis, Franklin et Ross dans le nord de l'Inde. Un jour il rencontra l'ancien régiment de son père
traversèrent la glace des régions arctiques, et tout récemment le capi- et, comme il visitait le camp, il fut soupçonné de vol et arrêté. On trouva
taine Scott et le capitaine Oates ont donné leurs vies en éclaireurs de sur lui son acte de naissance et le régiment, voyant qui il était, l'adopta
l'Antarctique. et entreprit son éducation. Mais, à chaque congé, Kim se vêtait en Hin-
Voilà quelques noms parmi ceux de centaines de nos compatrio- dou et allait se mêler aux indigènes.
tes qui de tout temps et jusqu'à nos jours ont propagé la renommée et Il fit plus tard la rencontre d'un M. Lurgan, marchand de bijoux et
la puissance de notre pays dans toutes les parties du monde. d'antiquités, qui, pour sa connaissance des gens du pays, était affilié au
Et notre pays a eu des femmes aussi qui ont fait œuvre d'éclai- Service de renseignements.
reurs : Grâce Darling qui risqua sa vie pour sauver un équipage naufra- Voyant Kim si bien au courant des choses et des usages hindous,
gé, Florence Nightingale qui soigna les blessés de la guerre de Crimée, il pensa qu'il ferait un bon agent du Service de renseignements, comme
Miss Kingsley l'exploratrice de l'Afrique, Lady Lugard, en Afrique et qui dirait un détective pour indigènes. Mais avant de l'engager dans cet-
dans l'Alaska, et bien des femmes, missionnaires ou gardes-malades, te qualité, il le soumit à quelques épreuves pour voir s'il avait assez de
dans toutes les parties de notre Empire. Elles ont montré que les jeunes courage et de résolution.
filles comme les garçons n'auront pas tort de pratiquer de bonne heure Pour juger de sa force de volonté, il essaya de l'hypnotiser, c'est-à
les activités du scoutisme, et de se mettre ainsi en mesure de faire plus -dire de diriger les pensées de Kim suivant les siennes propres. Les
tard, quand elles seront grandes, de bon travail. hommes de forte volonté sont capables de faire cela vis-à-vis des fai-
C'est une vie grandiose, mais le premier venu ne peut pas l'entre- bles. Il jeta à terre une cruche à eau qui se brisa, puis, mettant sa main
prendre; il faut s'y préparer. sur la nuque du jeune garçon, il essaya de lui faire imaginer que la cru-
Ceux qui y réussissent sont ceux qui ont pratiqué le scoutisme che se raccommodait toute seule. Mais il eut beau faire pour que sa
quand ils étaient encore enfants. pensée pénétrât l'esprit du jeune homme, ce fut en vain. Kim vit que la
Être Éclaireur est très utile aussi dans tous les genres de vie mê- cruche était cassée, il ne voulut pas croire qu'elle fût réparée. Quand
me dans les affaires. Un grand physicien, Crookes, dit que cela a une même, un instant, il faillit obéir : il eut comme une sorte de vision de la
grande valeur pour un homme qui fait des sciences: ça peut vous ame- cruche raccommodée, mais cette image s'évanouit.
ner à des découvertes sur l'air, la lumière, etc. Beaucoup à sa place auraient laissé leurs pensées et leurs re-
Je vais donc vous dire comment vous pouvez apprendre cet art gards courir de-ci et de-là, ils n'auraient pas su les tenir sur un seul ob-
pour vous-même, et le pratiquer sans quitter le pays. jet, et l'homme les eût facilement hypnotisés.
C'est très facile à apprendre et très intéressant quand on s'y est Lurgan, le trouvant résolu et éveillé, lui enseigna alors à remar-
mis. Le plus simple est de vous faire recevoir dans une troupe d'Éclai- quer de petits détails et à s'en souvenir (un point très important dans
reurs. l'éducation d'un Éclaireur) ; il devait s'exercer à cela à toutes les heures
du jour, où qu'il fût. Lurgan montra d'abord à Kim un plateau plein de
Kim joyaux divers, il le lui fit voir pendant une minute, puis il le couvrit d'un
mouchoir et lui demanda combien il y avait de pierres, et de quelles es-
Ce que peut faire un Éclaireur, c'est ce qu'on voit dans une histoi- pèces. D'abord il ne put en
re de Kipling intitulée Kim. Kim, de son vrai nom Kimball O'Hara, était le
fils d'un Irlandais, sergent dans un régiment des

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citer que quelques-unes, et sa description n'était pas fameuse, mais Il y a aux Indes beaucoup de saints mendiants qui courent le
après quelques exercices il arriva à se souvenir fort bien de toutes. Et pays. Ils vont à peu près nus, souillés de cendres, avec des marques
de même, pour d'autres sortes d'objets qu'on lui montrait. peintes sur le visage. Le peuple, qui admire leur sainteté, leur fait l'au-
Kim voyagea avec un vieil Afghan, un marchand de chevaux qu'il mône en vivres et en argent. Kim mêla de la farine et des cendres pri-
aimait beaucoup et qui était, lui aussi, attaché au Service de renseigne- ses dans la pipe d'un indigène, il dévêtit son ami et le barbouilla, puis à
ments. Un jour Kim fut en mesure de lui rendre un service en lui portant l'aide d'une petite boîte de couleurs qu'il portait sur lui, il lui peignit au
un message secret; une autre fois il lui sauva la vie en surprenant la front les marques qu'il fallait. Il lui couvrit ses blessures de farine et de
conversation de quelques indigènes qui méditaient de le tuer dans une cendres, un peu pour les guérir et surtout pour les rendre moins appa-
embuscade. Kim fit semblant de dormir, il simula un cauchemar qui rentes. Il lui ébouriffa les cheveux pour lui donner l'air hagard d'un men-
l'obligeait à changer de position et, quittant ainsi le voisinage des cons- diant et le couvrit de poussière. Sa mère même n'aurait pas reconnu
pirateurs, il parvint à avertir à temps son ami. notre homme. Peu après ils arrivent à une grande gare, et sur le quai
Enfin il fut reçu membre du Service secret; on lui donna un signe voient l'officier de police auquel ils devaient rendre compte. Le faux
de reconnaissance, un cordon à porter autour du cou et une phrase qui, mendiant le bouscule et se fait reprendre en anglais par l'officier, il ré-
dite d'une certaine façon, révélait qu'il était du Service. Les Eclaireurs plique par une bordée d'injures dans sa langue en y introduisant les
ont généralement des signes secrets par lesquels ils communiquent mots secrets. L'officier, bien qu'il prétendît ne pas savoir l'hindoustani,
entre eux. le comprenait fort bien : aux mots secrets il vit qu'il avait affaire à un
Les membres du Service de renseignements sont très nombreux agent. II fit donc semblant de l'arrêter et le conduisit au poste où il eut
aux Indes; ils ne se connaissent pas de vue, c'est pourquoi un signe tout le loisir de s'entretenir avec lui. Ce fut fait sans que personne sur le
leur est nécessaire pour se reconnaître parmi d'autres gens qui peuvent quai s'aperçût qu'ils étaient de connivence et que ce mendiant était
être des ennemis. l'agent dont on avait perdu la trace.
Un jour, en wagon, Kim rencontra un compagnon inconnu. C'était Pour finir, Kim fit la connaissance d'un autre membre du Service,
un indigène qui, en montant en voiture, paraissait fort alarmé; des bles- un indigène cultivé, un Babou, comme on les appelle aux Indes, et il
sures à la tête et aux bras le défiguraient. 11 expliqua aux autres voya- put lui être de grande utilité en l'aidant à prendre deux officiers russes
geurs qu'il avait eu un accident de charrette en se rendant à la gare, qui faisaient de l'espionnage sur la frontière nord- ouest des Indes.
mais Kim, en bon Éclaireur, nota que ses blessures n'étaient pas des Le Babou fit croire aux Russes qu'il était le factotum d'un prince
ecchymoses comme on peut s'en faire en tombant, mais des coupures indigène ennemi des Anglais, il fit quelque temps route avec eux com-
nettes. Tandis que l'autre se bandait la tête, Kim remarqua qu'il portait me le représentant de ce prince. Il découvrit ainsi à quelle place ils met-
un insigne pareil au sien ; il s'arrangea donc à faire voir à l'homme celui taient leurs papiers secrets. Alors il suscita une querelle entre les offi-
qu'il portait. Aussitôt l'autre glissa dans ses propos quelques mots se- ciers et un saint prêtre; celui-ci ayant été frappé, les indigènes très ex-
crets, et Kim lui répondit de même. L'étranger attira alors Kim dans un cités s'enfuirent avec les bagages et disparurent. Kim, qui était parmi
coin et lui expliqua qu'il était porteur d'une dépêche secrète, qu'il avait les porteurs, ouvrit les malles, trouva les papiers et les emporta au
été découvert par certains ennemis du gouvernement qui avaient man- quartier général.
qué le tuer. Ils s'étaient probablement aperçus de sa présence dans le
Ces aventures de Kim valent la peine d'être lues; elles montrent
train et s'arrangeraient à télégraphier sa venue à des complices le long
quels services un jeune garçon peut rendre à son pays quand il est
de la voie. Il s'agissait de porter sa dépêche à un officier de police et de
bien exercé et intelligent.
ne pas se faire prendre. Kim eut l'idée de lui proposer un déguisement.

12 13
Les petits Éclaireurs de Mafeking

J'ai pu voir l'utilité de jeunes garçons faisant fonction d'Éclaireurs,


au moment de la défense de Mafeking, en 1899 et 1900.
Mafeking était une petite ville comme les autres dans les grandes
plaines du sud de l'Afrique.
Personne n'avait jamais pensé qu'elle serait attaquée par un en-
nemi, pas plus que vous ne vous attendez à cela en pensant à votre
ville à vous, ou à votre village; c'était tout aussi improbable.
Mais cela vous montre comment il faut être prêt à tout ce qui est
possible, et non pas seulement probable, à la guerre. Nous devons être
prêts aussi à rencontrer des ennemis qui nous attaqueraient chez nous.
Ce n'est pas probable peut-être, mais c'est tout aussi possible qu'à Ma-
feking, et tous les jeunes garçons de chez nous devraient être aussi
prêts que ceux de Mafeking à prendre part à cette défense. Lord Cecil et les Éclaireurs de Mafeking
Donc, quand nous nous vîmes attaqués à Mafeking, nous distri-
buâmes notre garnison sur les points qu'il s'agissait de protéger : 700
hommes, agents de police et volontaires. Puis nous armâmes les hom-
mes de la ville : il y en avait 300. Quelques-uns d'entre eux étaient
bande, et bien utile. Nous avions jusque-là employé beaucoup d'hom-
d'anciens pionniers à la hauteur de la situation; d'autres en grand nom-
mes à porter des ordres et des messages, à être sentinelles, à jouer le
bre, commis, clercs de bureau et autres, n'avaient jamais tenu un fusil,
rôle de plantons. Toutes ces tâches furent confiées aux cadets, et ce
et ne connaissaient rien au tir ni à l'exercice. Ils étaient bien désorien-
furent autant d'hommes de plus pour renforcer^,la
tés au premier abord : ce n'est pas drôle de faire face à un ennemi qui
ligne du feu.";
veut vous tuer, quand on n'a jamais appris à tirer.
Les cadets, sous la direction de leur sergent-major, un jeune
Un garçon devrait toujours apprendre à tirer et à obéir à des com-
mandements; sinon, en temps de guerre il n'est pas plus utile qu'une Goodyear, firent vraiment de bon travail et ga-
vieille femme : il se fera tuer comme un lapin sans être capable de se gnèrent bien les médailles qu'on leur remit à la
défendre. fin de la guerre. Beaucoup avaient des bicyclet-
Tout compté, nous n'avions que 1000 hommes pour défendre une tes ; nous pûmes ainsi établir une poste par la-
place qui avait huit kilomètres de tour et qui renfermait 600 femmes et quelle les habitants de la ville envoyaient des
enfants blancs et environ 7000 indigènes. lettres aux leurs dans les différents forts sans
Chaque homme avait son prix, et quand notre nombre diminua du s'exposer eux- mêmes au feu. Cette poste avait
fait des morts et des blessés, la tâche de ceux qui montaient la garde ses timbres spéciaux représentant un cadet à
et des combattants s'accrut en proportion. C'est alors que Lord Cecil, le bicyclette.
chef d'état-major, réunit les jeunes garçons de la place et les organisa
en un corps de cadets en leur donnant un uniforme et en leur faisant Je disais un jour à un de ces garçons qui venait de traverser un
faire l'exercice. C'était une joyeuse feu serré : « Vous vous ferez toucher un de ces quatre matins, à péda-
ler ainsi au milieu des obus. — Je vais si vite, me répondit-il, ils ne peu-
vent pas m'attraper. » Ils n'avaient pas peur du tout des balles, ces ga-
mins ; ils étaient toujours prêts à porter des ordres, quand même ils ris-
quaient leur vie à chaque fois.

14 15
En feriez-vous autant? Si un ennemi tirait d'un bout à l'autre de la rue, 1° Remplir votre devoir envers Dieu et le roi x;
et que je dise à l’un de vous de porter un message dans la maison en 2° Aider les autres en tout temps;
face, iriez-vous? Je suis sûr que oui. Mais ça rie vous dirait pas grand- 3° Obéir à la loi de l'Éclaireur.
chose, probablement. Vous apprenez le signe de reconnaissance des Éclaireurs et aus-
Il faut s'y préparer d'avance. C'est comme pour piquer une tête dans de si le cri de votre patrouille.
l'eau froide; si vous vous baignez tous les jours, vous le faites sans y Chaque patrouille porte le nom d'un animal et tous les Eclaireurs
penser : vous en avez pris l'habitude. Mais demandez ça à quelqu'un qui en font partie savent imiter le cri de cet animal pour communiquer
qui ne l'a jamais fait, il flanchera. De même, un gaillard qui a l'habitude avec leurs camarades, de nuit surtout. Ainsi vous pouvez être des
d'obéir tout de suite quoi qu'il en coûte, quand vous lui demanderez Loups, des Aigles, des Rats, etc. Mais ne me formez pas une patrouille
quelque chose en service actif, quelque grand que soit le danger, il de Singes, une patrouille qui ne sait que s'amuser, qui n'a pas de disci-
marchera. Un autre qui n'aura jamais appris à obéir, tremblera, et se pline et ne sait pas gagner d'insignes. Un Éclaireur ne fait jamais usage
fera traiter de lâche même par ses amis. du cri d'une autre patrouille. La loi de l'Éclaireur l'oblige à être loyal, ai-
Pas nécessaire d'attendre une guerre pour être un Éclaireur utile. Il y a mable, obéissant, gai. Votre travail consistera surtout à faire les jeux et
des masses de choses à faire pour vous en temps de paix partout où les exercices qui vous donneront l'entraînement nécessaire. Quand
vous allez. vous en aurez appris assez pour subir les épreuves, vous gagnerez les
insignes d'Éclaireur de première ou de seconde classe.
L'insigne de l'Éclaireur est une fleur de lys; c'est ce qui désigne le
DEUXIÈME BIVOUAC nord sur les boussoles ou sur les cartes, c'est l'insigne des Eclaireurs
dans l'armée britannique parce qu'ils montrent le chemin. De même un
Éclaireur de paix montre la voie en faisant son devoir et en aidant au-
RÉSUMÉ DU PROGRAMME trui.
L'insigne d'un Éclaireur de première classe, c'est une fleur de lys
et une banderole portant la devise TOUJOURS PRÊT.
DES ÉCLAIREURS Celui d'un Éclaireur de seconde classe, c'est la devise seulement.
La devise sur la banderole c'est celle des Eclaireurs :

Si vous avez moins de onze ans, inscrivez-vous aux Louveteaux, si


vous êtes plus âgés, aux Eclaireurs. TOUJOURS PRÊT
Pour devenir un Eclaireur, adressez-vous au secrétaire de l'association Elle signifie qu'un Éclaireur doit être toujours prêt, à n'importe quel
locale la plus voisine, joignez-vous à une patrouille organisée dans vo- moment, à faire son devoir, et à affronter le danger pour aider son pro-
tre voisinage, en apportant au monsieur qui la dirige la permission écri- chain. Les deux bouts de la banderole se recourbent en haut comme la
te de vos parents. bouche de l'Éclaireur, parce qu'il fait son devoir de bon cœur et avec le
Autant que possible les Eclaireurs d'une patrouille doivent être tous du sourire.
même âge. Un d'eux est nommé «chef de patrouille»; il choisit alors un Le nœud rappelle à l'Éclaireur qu'il a à rendre chaque jour un ser-
« second ». Deux patrouilles ensemble peuvent former une «troupe» vice à quelqu'un.
commandée par un instructeur. S'il n'y a pas d'Eclaireurs dans votre Le sens de la devise est qu'un Éclaireur doit se préparer d'avance
voisinage, vous pouvez devenir un « Eclaireur isolé » et vous entraîner a n être jamais pris à l'improviste, par aucun accident, ni aucune
seul.
1
Après un mois de stage en qualité de novice, vous faites la « promesse Voir la note de la page 6. N. d. T.
de l'Éclaireur », c'est-à-dire vous promettez, sur votre honneur, trois
choses :

16 17
éventualité; il a réfléchi, il s'est exercé; il sait exactement ce qu'il faut se bâtir des huttes ou se dresser des tentes, construire un feu et l'allu-
faire quand survient quelque chose d'imprévu. mer; tuer, dépecer et cuire leur nourriture, assembler des troncs pour
Voici ce qu'il vous faudra savoir pour réussir votre épreuve faire des ponts et des radeaux; trouver leur chemin de nuit comme de
d'Eclaireur : jour en pays inconnu, etc.
Mais il y a bien peu de gens qui apprennent ces choses et qui s'y
Connaître des animaux tout ce qu'on en peut apprendre en les exercent en pleine civilisation : ils ont des maisons confortables, des lits
suivant à la piste et en rampant jusqu'à eux pour les observer sans être pour y dormir, on leur prépare leurs dîners, et pour trouver leur chemin,
vu, de façon à être au courant du genre de vie de chacun. Vous ne les ils le demandent à un sergent de ville.
tuerez que quand vous manquerez de vivres; un Éclaireur ne tue jamais Quand ces gens-là se trouvent en campagne et qu'ils s'essaient
pour tuer, à moins qu'il ne s'agisse d'une bête malfaisante. au rôle d'Éclaireur, ils se trouvent bien empotés.
En observant continuellement les animaux en liberté on en vient à Prenez même un athlète et transportez-le au sud de l'Afrique
les aimer trop pour penser à les tuer. dans le Veldt en lui disant de se tirer d'affaire. Son art et sa flanelle
Tout le plaisir de la chasse est dans l'art de les dépister et non blanche ne lui serviront pas à grand-chose. Il ne sera là-bas qu'un «
dans le fait de les tuer. bleu » dont on se moquera, tant qu'il n'aura pas appris quelque chose
Il ne suffit pas de voir les pistes, il faut savoir en lire le sens : à de la science et du métier d'éclaireur.
quelle allure l'animal marchait-il? était-il alarmé ou tranquille? et ainsi Et cette science-là, savez-vous, on trouve à en faire son profit
de suite. Le chasseur sait trouver son chemin dans la jungle ou dans le dans toutes les carrières.
désert; il connaît les fruits et les racines qu'il peut manger ou que les
animaux recherchent et qui servent à les attirer. Faites préparer et allumer un feu à chacun de vos garçons.
De même, en pays civilisé, vous saurez lire les traces des pié- Quand ils auront essayé chacun à sa manière, peut-être sans réussir,
tons, des chevaux, des bicyclettes, etc., et découvrir par elles ce qui montrez- leur comment il faut faire (quelques copeaux secs et des bû-
s'est passé. Certains indices, un oiseau s'envolant soudain, vous ap- ches en pyramide) et faites-les recommencer. Montrez-leur aussi à faire
prendront que quelqu'un s'avance quoique vous ne le voyiez pas. des nœuds. (Chap. III.)
En observant le sol vous trouverez souvent des objets égarés que
vous pourrez rendre à leurs propriétaires. Chevalerie. — Les chevaliers étaient les Éclaireurs du temps ja-
En observant le détail d'un harnais vous pourrez souvent éviter à dis, et leur règle était à peu près celle de notre loi d'aujourd'hui. Celle
un cheval la douleur d'une courroie qui le blesse. des Japonais lui ressemble aussi. Nous sommes leurs descendants, il
En observant la tenue et la mise des gens, et en rapprochant nous faut conserver leur bonne réputation et marcher sur leurs traces.
l'une de l'autre vos remarques, vous verrez parfois qu'ils ne pensent Leur honneur était pour eux la chose la plus sacrée. Ils ne
pas à bien et vous pourrez prévenir des crimes, vous saurez voir qui est consentaient pas à faire quelque chose qui ne fût pas honorable, com-
en peine et offrir votre aide ou votre sympathie, et vous pourrez alors me de voler ou de mentir; ils auraient mieux aimé mourir. Ils étaient tou-
vous acquitter d'un des principaux devoirs de l'Eclaireur : venir au se- jours prêts à se battre et à se faire tuer pour défendre leur roi, leur reli-
cours de ceux qui sont dans la détresse. gion ou leur honneur. Par milliers ils partirent pour la Terre-Sainte, la
Rappelez-vous que c'est une honte pour un Éclaireur de se trou- Palestine, pour défendre la religion chrétienne contre les Turcs maho-
ver en compagnie de quelqu'un qui remarque une chose grande ou pe- métans.
tite, proche ou lointaine, sur terre ou en l'air, qu'il n'ait pas déjà obser- Un chevalier avait toujours une petite escorte, un écuyer et quel-
vée à part lui. ques hommes d'armes, tout comme nos chefs de patrouilles ont leur
Les Éclaireurs, naturellement, doivent savoir vivre en plein air, second et quatre ou cinq Éclaireurs.
L'escorte d'un chevalier lui était dévouée à la vie et A la mort :
tous avaient la même pensée que leur chef :

18 19
Leur honneur leur était sacré. il y a des médailles et des décorations pour les soldats qui se sont spé-
Ils étaient loyaux à leur Dieu, à leur roi et à leur pays. cialement distingués sous le feu de l'ennemi.
Ils étaient particulièrement courtois et polis envers les femmes, On en réserve aussi à ceux qui ont sauvé des vies humaines
les enfants et les infirmes. dans de grandes catastrophes : incendies, coups de mines, etc. ; ou
Ils étaient secourables à tous. dans la vie ordinaire, et j'estime que ceux-ci ne sont pas moins des hé-
Ils donnaient leur argent et leur pain à ceux qui en avaient besoin, ros que les soldats qui, portés par l'enthousiasme de la bataille se pré-
et épargnaient pour pouvoir le faire. cipitent dans la mêlée pour en arracher un frère d'armes.
Ils apprenaient l'usage des armes pour protéger leur religion et Depuis la fondation des Éclaireurs, des centaines d'entre eux ont
leur pays contre l'ennemi. mérité des médailles de sauvetage et j'espère qu'il y en aura bien plus
Ils se maintenaient forts, sains et vigoureux pour être en mesure encore à l'avenir.
de faire bien tout cela. Il est certain que beaucoup d'entre vous auront une fois ou l'autre
Vous ne pouvez pas, vous autres Éclaireurs, faire mieux que de l'occasion de sauver une vie; sachez saisir cette occasion, préparez-
suivre l'exemple de vos aïeux, les chevaliers. vous-y, apprenez ce qu'il y a à faire quand un accident se produit,
Un point important de leur programme, c'est que tous les jours ils soyez prêt à le faire — et faites-le.
devaient rendre un service à quelqu'un, et c'est aussi une de nos rè- Il ne suffit pas de lire ça dans un livre et de croire que vous saurez
gles. Quand vous vous levez le matin, rappelez-vous que vous avez à vous y prendre, il faut vous exercer, et vous exercer souvent, à faire le
rendre un service à quelqu'un pendant la journée; faites un nœud à vo- nécessaire. Vous couvrir la bouche et le nez avec un mouchoir mouillé
tre mouchoir ou bien à votre cravate, laissez-la pendre hors de votre pour respirer dans la fumée, déchirer un drap pour en faire une corde et
gilet pour vous en souvenir et quand vous vous couchez le soir, pensez fuir en cas d'incendie, savoir comment soulever et transporter quelqu'un
à celui auquel vous avez rendu un service. d'évanoui, comment empoigner, sauver et rappeler à la vie un noyé,
S'il vous arrivait d'avoir oublié, faites deux bonnes actions le len- etc.
demain. Souvenez-vous que votre promesse d'Éclaireur vous engage Quand vous aurez appris tout cela, vous aurez confiance en vous-
sur l'honneur à rendre ce service quotidien. même, et quand un accident se produira et que chacun aura perdu la
tête, vous vous avancerez et vous ferez ce qu'il y a à faire.
Rendre un service, ce peut être très Il y a deux ou trois ans, en Angleterre, une femme se noya dans
peu de chose : mettre cinq centimes dans une eau peu profonde devant une foule d'hommes trop effrayés pour
un tronc pour les pauvres, aider une vieil- faire autre chose que de crier. Voilà qui aurait été une belle occasion
le femme à traverser la rue, céder son pour un Éclaireur, s'il s'en était trouvé un là. En fait, ces poltrons restè-
siège à quelqu'un, apporter de l'eau à un rent là à crier et à jacasser sur la berge : pas un n'osa sauter à l'eau,
cheval altéré, enlever du trottoir une pelu- parce que les autres ne le faisaient pas. Et la femme se noya sous
re de banane qui risque de faire glisser leurs yeux.
quelqu'un, etc. Mais il faut rendre un ser-
vice chaque jour et cela ne compte que si Enseignez à Vos garçons à soulever et à transporter quelqu'un
vous n'acceptez pas qu'on vous le paie. qui a perdu connaissance, à le tirer hors d'un local rempli de fumée ou
Faites faire un nœud à chacun de de gaz. Apprenez-leur à se couvrir le nez et la bouche d'un mouchoir
Vos Éclaireurs pour qu'il se souvienne de mouillé. Qu'ils s'exercent par groupes de deux, chacun jouant à son
rendre un service le jour suivant. tour le rôle de l'homme évanoui qu'il s'agit de sauver.
Sauvetage. — Dans certains pays
Endurance. — Pour s'acquitter de tous les devoirs d'un Eclaireur,
Le nœud de cravate il faut être robuste, actif et en bonne santé. On peut être tout
De l’Eclaireur.

20 21
cela si on se donne un peu de peine. Mais cela implique qu'on fait Le tabac rend parfois nerveux et agité, il gâte l'odorat qui est d'une
beaucoup d'exercices, que l'on prend part à des jeux, qu'on court, qu'on grande importance dans les marches de nuit, et la lumière de leur pipe
marche, qu'on fait de la bicyclette, etc. ou même l'odeur qu'ils portent avec eux dans les ténèbres les trahit à
Un Eclaireur a souvent à passer la nuit en plein air, et ceux qui ne leurs ennemis. Ils ne sont pas si bêtes que de fumer. Jamais un jeune
dorment que la fenêtre fermée attraperont probablement un coup de garçon ne s'est mis à fumer parce qu'il y trouvait du plaisir, mais parce
froid ou des rhumatismes la première fois qu'ils voudront coucher à la qu'il pensait que ça lui donnerait l'air d'un homme. En réalité cela lui
belle étoile. Il faut donc toujours dormir la fenêtre ouverte, hiver et été, donne presque toujours l'air d'un sot.
et vous ne vous enrhumerez jamais. Pour ma part, il m'est impossible Faites voir des mouvements de jiu-jitsu ou de gymnastique sué-
de dormir la fenêtre close ou les stores baissés, et quand je suis à la doise — un ou deux seulement pour commencer. De même pour la
campagne je passe toujours la nuit hors de la maison. Une couche mol- gymnastique respiratoire.
le et trop de couvertures font faire à un jeune homme de mauvais rêves Plusieurs d'entre vous, vous appartenez au grand Empire britanni-
qui l'affaiblissent. que, un des plus grands qui aient jamais existé. De cette petite île de
Un peu de gymnastique suédoise ou de jiu-jitsu matin et soir est Grande-Bretagne des colonies ont essaimé : l'Australie, la Nouvelle-
excellent pour vous maintenir en forme, non pas tant pour vous donner Zélande, l'Afrique du Sud, les Indes, le Canada. A peu près toutes les
de beaux muscles que pour faire fonctionner tous les organes internes races, tous les types d'hommes, noirs, blancs, jaunes, fournissent des
(expliquer) et pour activer partout la circulation du sang. sujets au roi Georges VI.
Se frotter chaque jour avec une serviette humide, même en l'ab- Ce vaste empire ne s'est pas fait tout seul. Il est l'œuvre de nos
sence d'un bain, est très important. Les Éclaireurs n'y manquent pas. pères, de leur rude labeur et de leurs luttes — au prix de leurs vies, —
Ils respirent par le nez et non par la bouche. Cela ne leur donne c'est l'œuvre de leur profond patriotisme.
pas soif, ils s'essoufflent moins et ils évitent ainsi d'aspirer tous les mi- Patriotisme. — Il y a des gens qui disent qu'il n'y a plus de patrio-
crobes et tous les germes de maladie qui sont dans l'air, et de ronfler la tisme de nos jours et que même les plus grands empires d'aujourd'hui
nuit, ce qui trahirait leur présence à l'ennemi. tomberont en ruine comme cet empire romain dont les citoyens égoïs-
Des exercices de gymnastique respiratoire sont d'une grande va- tes et paresseux ne pensaient plus qu'à s'amuser aux jeux du cirque.
leur pour développer les poumons et pour donner au sang l'oxygène Je n'en suis pas sûr. Je suis sûr que si vous, les jeunes, vous voulez
dont il a besoin. 11 faut les faire en plein air, et sans dépasser la mesu- mettre le bien du pays au-dessus de toute autre chose, tout ira bien.
re, ce qui pourrait nuire au cœur. Aspirer lentement et profondément Mais si vous ne le faites pas, la patrie court un grand danger, car nous
par le nez, non par la bouche, jusqu'à ce que la cage thoracique soit avons beaucoup d'ennemis au dehors.
aussi largement ouverte qu'il est possible, notamment derrière, puis au Ainsi, dans tout ce que vous faites, rappelez-vous qu'il faut pen-
bout d'un instant, expirer lentement, sans effort. Mais les meilleurs exer- ser d'abord au pays. Ne dépensez pas tout votre temps et votre argent
cices de respiration sont ceux que l'on fait naturellement après avoir à vous amuser, mais demandez-vous d'abord comment vous pouvez
bien couru. être utile à votre patrie; ensuite vous aurez bien le droit de vous délas-
On a reconnu à l'heure actuelle que l'alcool est tout à fait inutile ser à votre idée. Peut-être ne voyez-vous pas comment un jeune gar-
pour la santé, et que, quand on en prend trop, c'est un vrai poison. Un çon peut être utile à tout un pays, mais en devenant un Éclaireur et en
homme qui a l'habitude de boire chaque jour à fortes doses de la bière, observant les lois des Éclaireurs, chacun peut être utile. « Le pays
du vin ou des liqueurs ne sert à rien pour le métier d'éclaireur, et pour d'abord, moi ensuite », telle sera votre devise. Si vous vous interrogez
un autre métier pas à grand-chose. sincèrement, vous verrez probablement que jusqu'ici cela a été juste le
De même un homme qui fume beaucoup. Les meilleurs éclaireurs contraire.
militaires ne fument pas, parce que cela leur gâterait la vue.

22 23
S'il en était ainsi, j'espère que dès maintenant vous allez mettre ordre à traces des clous correspondaient à ce qu'il avait vu des souliers de
cela. Patriote d'abord. l'homme de la bruyère, et il en déduisit naturellement que celui-ci pour-
Ne vous contentez pas, comme faisaient les Romains et comme rait bien avoir quelque part au meurtre.
font certaines gens d'aujourd'hui, de payer d'autres hommes pour jouer
au football et pour livrer bataille à votre place. Faites vous- même quel-
que chose pour que le drapeau flotte haut.
Entrer dans une patrouille d'Éclaireurs avec cette idée, c'est déjà
faire quelque chose dans ce sens. Entrez-y non pas simplement parce
que ça vous amuse, mais parce que, de cette façon, vous vous rendrez
aptes à servir votre pays. Alors vous aurez en vous le véritable esprit
patriotique.

Le meurtre d'EIsdon

Le récit qui suit, vrai dans ses grandes lignes, est un exemple des
histoires que le chef peut raconter pour illustrer d'une façon générale
les devoirs d'un Éclaireur.
Un meurtre cruel eut lieu il y a bien des années dans le nord de
l'Angleterre, et l'assassin fut pris, jugé et pendu grâce surtout à l'esprit
d'observation d'un petit berger.
Connaissance de la nature. — Ce jeune garçon, Robert Hind-
marsh, était dans les bruyères avec ses moutons et cherchait son che-
min pour rentrer chez lui à travers une région solitaire de la campagne,
quand il passa devant un vagabond qui mangeait un morceau, assis
par terre les jambes étendues.
Observation. — Le berger en passant remarqua son aspect et
spécialement de curieux clous à la semelle de ses souliers. Les semelles du vagabond.
II ne s'arrêta pas à le regarder, mais fit ses remarques d'un seul
coup d'œil sans attirer beaucoup l'attention de l'homme qui ne vit en lui Esprit chevaleresque. — Le fait que la victime était une pauvre
qu'un petit garçon sans conséquence. vieille excita l'esprit chevaleresque du jeune garçon contre le meur-trier
Déduction. — Rentré chez lui, à huit ou dix kilomètres de là, il quel qu'il fût.
trouve un attroupement autour d'une maison où l'on venait de découvrir Audace et maîtrise de soi. — Aussi, quoiqu'il sût que les amis
le cadavre d'une vieille femme qui y habitait : elle avait été assassinée. de l'assassin pouvaient le tuer s'il disait quelque chose, il alla droit au
On faisait toutes sortes de conjectures sur l'auteur de ce meurtre, et les commissaire, lui parla des empreintes du jardin et lui apprit où il trouve-
soupçons paraissaient se concentrer sur un petit groupe de bohémiens rait l'homme qui les avait faites — à condition d'y aller tout de suite.
qui parcouraient le pays en maraudant et en menaçant de mort tous Santé et force. — L'homme de la bruyère s'était transporté si loin
ceux qui se plaindraient. du théâtre de son crime sans avoir été vu par personne (sauf par ce
L'enfant entendit tout cela, mais tout à coup il remarqua dans le petit garçon), qu'il se croyait en sûreté. Il ne pensait pas que cet enfant
petit jardin de la maison de curieuses empreintes de pas : les pourrait aller jusque là-bas et revenir, comme il fit, avec la police. Il ne
prenait pas de précautions.

24 25
Loi de l'Éclaireur soit en lui fournissant dans la mesure du possible tout ce dont il peut
avoir besoin. Un Éclaireur n'est jamais un snob. Un snob est quelqu'un
I. UN ÉCLAIREUR N'A QU'UNE PAROLE. qui en regarde d'autres de haut en bas, parce qu'ils sont plus pauvres,
Quand un Éclaireur dit : « C'est ainsi, je vous en donne ma parole ou qui, s'il est pauvre, en veut à d'autres parce qu'ils sont plus riches.
» ou « Sur mon honneur », cela signifie qu'il en est ainsi ; c'est comme Un Éclaireur prend les gens comme ils sont, et il est bien avec chacun.
s'il avait juré par le plus solennel des serments. Les Hindous appelaient Kim «le petit ami de tout le monde »; cha-
De même si un Chef-Éclaireur dit à un de ses garçons : « Je m'en que Éclaireur devrait mériter ce nom-là.
rapporte à votre honneur », l'Éclaireur est tenu d'exécuter cet ordre au
mieux de ses forces sans se laisser arrêter par rien. V. UN ÉCLAIREUR EST COURTOIS.
Si un Éclaireur venait à manquer à sa parole en disant un men- II est poli envers tous, — mais particulièrement envers les fem-
songe, ou s'il n'exécutait pas avec exactitude un ordre qui lui aurait été mes et les enfants, les vieillards, les infirmes, les manchots, etc. Il n'ac-
donné en se confiant à son honneur, on pourrait lui demander de ren- cepte pas de récompense pour avoir été secourable ou courtois.
dre son insigne d'Éclaireur, et lui interdire de jamais le porter de nou-
veau. On pourrait aussi lui enlever les droits d un Éclaireur. VI. UN ÉCLAIREUR EST BON POUR LES ANIMAUX.

II. UN ÉCLAIREUR EST LOYAL. Il leur épargne la souffrance dans la mesure du possible; il ne tue
sans nécessité aucun animal, même une mouche, — car c'est une
Un Éclaireur est loyal. Il est fidèle à son roi, à sa patrie et à ceux créature de Dieu. Il lui est permis de tuer un animal pour se nourrir.
qui la représentent, à ses chefs, à ses parents, à ses employeurs ou à
ses subordonnés. Il tient à eux envers et contre tous et les défend VII. UN ÉCLAIREUR SAIT OBÉIR.
contre quiconque les attaque en actes ou en paroles. À ses parents, à son chef de patrouille, à son chef, il ne demande
pas : « Pourquoi ? » Même s'il reçoit un ordre qui ne lui plaît pas, il fait
III. UN ÉCLAIREUR SE REND UTILE, IL VIENT EN AIDE comme un soldat ou un matelot : il l'exécute parce que c'est son devoir.
A SON PROCHAIN. Après qu'il l'a exécuté, il peut revenir et fournir ses raisons contre, mais
un ordre doit être exécuté tout de suite. C'est la discipline.
Il fait son devoir avant toute chose, dût-il pour cela sacrifier son
plaisir, ses aises, sa sécurité. Quand de deux choses, il ne sait pas la- VIII. UN ÉCLAIREUR EST TOUJOURS DE BONNE HUMEUR.
quelle il doit faire, il se demande : « Qu'est-ce qui est mon devoir? »
c'est-à-dire : « Qu'est-ce qui vaut le mieux pour autrui ? » et il fait celle- Quand on lui donne un ordre, il obéit gaîment, vivement, non pas
là. Il doit être toujours prêt à sauver la vie d'autrui, à aider des blessés. en traînant la patte et à contre-cœur.
Et il doit s'efforcer de rendre chaque jour un service à quelqu'un. Un Éclaireur ne grogne jamais quand quelque chose lui paraît
dur; il ne ricane pas et n'insulte pas ses camarades quand il a été battu
IV. UN ÉCLAIREUR EST L’AMI DE TOUS, ET LE FRÈRE par eux. Il siffle et il sourit.
DE TOUS LES AUTRES ÉCLAIREURS. Quand vous manquez un tram, ou qu'on vous marche sur un cor
— ça ne veut pas dire qu'un Eclaireur doive avoir des cors — ou
Quand un Éclaireur en rencontre un autre, même s'il ne le connaît
pas, il doit l'aborder et l'aider de toutes les manières, le mettre à même
d'accomplir sa mission, soit en lui donnant à manger,

26 27
dans d'autres circonstances ennuyeuses, forcez-vous à sourire tout de Ces saluts ne se font que quand l'Éclaireur n'a pas son bâton (voir XIXe
suite, puis sifflez un air et ce sera passé. bivouac).
Les Éclaireurs punissent ceux d'entre eux qui jurent ou parlent J'ai vu l'autre jour un individu qui disait qu'il était Anglais, qu'il en
mal en leur versant un pot d'eau froide dans la manche. Ce châtiment a valait bien un autre, et qu'il voulait être pendu si jamais on le voyait le-
été inventé il y a trois cents ans par un vieil éclaireur anglais, le capitai- ver un doigt pour saluer ses prétendus « supérieurs ». Il n'était pas leur
ne John Smith. esclave pour se mettre à plat ventre devant eux, et patati et patata. Ce-
la témoignait d'un petit esprit, commun parmi ceux qui n'ont pas eu une
IX. UN ÉCLAIREUR EST ÉCONOME. éducation d'Éclaireur.
Je n'ai pas discuté avec lui, mais j'aurais pu lui dire qu'il se faisait
Il met de côté tout l'argent qu'il peut et le dépose à la Glisse
du salut une idée fausse.
d'épargne, pour avoir de quoi vivre si le travail vient à manquer et n'être
Un salut n'est qu'un signe entre hommes de qualité. C'est un privi-
pas à charge à d'autres. Ou bien pour avoir de quoi donner à ceux qu'il
lège de pouvoir saluer un autre homme.
verra dans le besoin. Jadis les hommes libres portaient des armes et, quand ils s« ren-
X. UN ÉCLAIREUR EST PROPRE DANS SON CORPS, DANS SES contraient, chacun levait sa main droite pour faire voir qu'elle ne tenait
PENSÉES, SES PAROLES ET SES ACTES. pas d'armes et qu'ils se rencontraient en amis. De même quand un
homme armé rencontrait une dame ou une personne sans défense.
Il n'a pas d'estime pour les sots qui disent des saletés, et il ne se Les esclaves et les serfs n'avaient pas le droit de porter de» ar-
laisse aller à dire, à penser, ni k faire rien de sale. mes, ils passaient devant les hommes libres sans faire aucun signe.
Un Éclaireur a l'esprit propre et le cœur viril. Aujourd'hui on n'est plus armé, mais ceux qui auraient eu jadis le
droit de l'être, quiconque vit de son avoir ou gagne sa vie, continue de
Salut et signe secret de l'Éclaireur saluer comme on faisait jadis en portant la main à son couvre-chef ou
en l'ôtant.
Les trois doigts levés lui rappellent les trois arti- Les paresseux n'ont pas le droit de saluer; qu'ils passent leur che-
cles de la promesse de l'Éclaireur : min, comme ils le font, en effet, sans s'occuper des hommes libres et
1° Être loyal; des travailleurs.
2° Aider autrui; Saluer, c'est montrer qu'on est un homme comme il faut et qui ne
3° Obéir à la loi de l'Éclaireur. veut pas de mal à autrui. Il n'y a là rien de servile.
Quand un Éclaireur rencontre quelqu'un, cama- Si un étranger vous fait le signe de l'Éclaireur, rendez-lui tout de
rade ou étranger, pour la première fois dans la jour- suite son salut et tendez-lui la main gauche. S'il vous montre alors son
née, il le salue d'un demi-salut. insigne, ou vous donne une autre preuve qu'il est Éclaireur, traitez-le
Il salue toujours par un salut complet : un chef de comme un frère et aidez-le de toute manière.
patrouille, un chef, ou un officier de l'armée de son
pays. Investiture des Éclaireurs

Manière d'admettre un novice au nombre des Éclaireurs.


Il salue de même le drapeau ou le chant national, et les convois La troupe est rangée en fer à cheval, le chef et son assistant au
funèbres. centre.
Un Éclaireur décoré du Loup d'Argent a le droit de faire le signe Le candidat, assisté de son chef de patrouille, est debout à l'inté-
en laissant ouverts le petit doigt et le pouce et en repliant les autres rieure du cercle en face de l'instructeur. L'assistant tient le bâton
doigts, le pouce en haut. C'est un signe des Peaux-Rouges d'Amérique.

30 31
et le chapeau du candidat. Sur l'ordre qui lui est donné, le chef de pa- QUATRIÈME BIVOUAC
trouille amène le candidat au centre de la troupe. Le chef lui demande
alors : «Savez-vous ce que c'est que votre honneur? o Le candidat ré- UNIFORME.1 CHANTS DE GUERRE
pond : «Oui. Cela signifie que l'on peut compter sur ma droiture et mon
honnêteté » ou tels autres mots de même signification. PATROUILLES ET JEUX
Le chef : « Puis-je compter, sur votre honneur :
1- Que vous remplirez votre devoir envers la patrie ?
2- Que vous aiderez autrui en tout temps? Chants de guerre
3- Que vous obéirez à la loi de l'Eclaireur?
Le candidat fait alors le demi-salut, et la troupe entière en fait au- 1. Chœur des Eclaireurs.
tant, tandis qu'il répond : On chante en marche, ou en manière d'applaudissement dans
« Je promets, sur mon honneur, de faire tout mon possible pour : les exercices, les réunions, etc.
Remplir mon devoir envers la patrie. Il faut chanter bien en mesure :
Aider autrui. Le chef : In gonyâma—gonyâma.
Obéir à la loi de l'Éclaireur. » Le chœur : Invoubou.
Le chef : « Je compte sur votre honneur pour garder cette pro- Yah bôl Yah bôl
messe. Vous faites maintenant partie de la grande fraternité des Éclai- Invoubou.
reurs. » En voici le sens :
L'assistant lui donne alors son bâton et lui met son chapeau. Le chef : Il est un lion.
Le chef lui serre la main. Le chœur : Oui, et mieux que cela : un hippopotame.
Le nouvel Éclaireur fait front à la troupe et la salue. La troupe pré-
sente les bâtons.
Le chef commande : « A votre patrouille, marche ! »
La troupe porte le bâton sur l'épaule, le nouvel Éclaireur et son
chef regagnent leur patrouille.
En faisant sa promesse l'Éclaireur tient sa main droite au niveau
de son épaule, la paume en avant, le pouce appuyé sur l'ongle du petit
doigt, les trois autres doigts levés.
C'est la façon de saluer des Eclaireurs et leur signe secret.
Quand la main est à la hauteur de l'épaule, on l'appelle : demi-
salut.
Quand elle est à la hauteur du front, c'est le salut complet. 2. Cri de ralliement.
Sert de salut dans les jeux et en tout temps.
Le chef : Toujours prêt !
Le chœur : Zing-a-Zing.
Bom ! Bom !
(Frapper du pied ou faire sonner quelque chose en chantant :
« Bom ! Bom ! »)
1
On a laissé tomber une page consacrée à l'uniforme des scouts britanni-
ques

32 33
de lui et qu'il lui laisse la bride sur le cou pour le travail qu'il lui confie, il
aura plus fait pour épanouir la personnalité de ce garçon qu'aucun pro-
gramme scolaire n'aurait jamais fait.
La Cour d'Honneur est un très précieux appui dans cet effort, si
l'on en fait pleinement usage.
Une Cour d'Honneur est formée des chefs et des chefs de pa-
trouille, ou, dans une petite troupe, des chefs de patrouille et des se-
conds. Dans bien des Cours le chef assiste mais ne vote pas.
La Cour d'Honneur décide des récompenses, des punitions, des
programmes de travail, des camps et d'autres questions qui affectent le
Un chef s'en sert pour rassembler sa troupe en donnant de la ménage intérieur de la troupe.
trompette. Un Éclaireur le siffle pour attirer l'attention d'un autre. Les membres de la Cour d'Honneur s'engagent au secret. Seules
les décisions qui affectent la troupe entière : nominations, concours,
POUR LES CHEFS etc., sont rendues publiques. Les chefs de patrouille ont souvent formé
d'eux-mêmes une Cour d'Honneur et dirigé la troupe en l'absence du
Quoique la danse et les chants de guerre puissent, à première chef.
vue, sembler enfantins, notamment à ceux qui n'ont jamais eu beau-
coup de contact avec les jeunes, ils ont pourtant une certaine valeur UN MOT AUX CHEFS DE PATROUILLES
éducative.
En exigeant de vos gars de la discipline, vous refoulez constam- Je vous demande, à vous chefs de patrouilles, de former à l'ave-
ment en eux une énergie, à laquelle il faut de temps à autre laisser le nir vos patrouilles entièrement seuls : vous pouvez prendre en main
champ libre. Il faut une soupape de sûreté. Une danse guerrière remplit chacun de vos scouts et en faire de braves garçons. Il ne sert h rien
cet office, sans entamer la discipline. d'avoir un ou deux types épatants et le reste formé d'individus qui ne
C'est aussi un élément d'attrait pour certains esprits remuants qui valent rien. Il vous faut vous appliquer à ce qu'ils soient tous à la hau-
ne se soucieraient pas de s'enrôler dans une troupe de petits garçons teur. Le plus important pour cela c'est l'exemple que vous donnerez
bien sages. vous-même : ce que vous ferez, vos Éclaireurs le feront aussi. Montrez-
leur que vous savez obéir à des ordres, qu'ils soient donnés de vive
M. Tomlin, « le dompteur d'apaches », empoigne ses garçons et voix ou seulement par écrit ou dans un imprimé, et que vous les exécu-
les prend en main par la seule force d'un chant énergique et de mouve- tez en l'absence du chef comme en sa présence. Montrez-leur que
ments en chœur. vous savez gagner des insignes de capacité, et vos garçons suivront
Beaucoup d'écoles et de collèges en Angleterre et aux Etats-Unis vos conseils sans grande dépense d'éloquence.
ont des chœurs du type de notre « Zing-a-zing : bom-bom ». Mais rappelez-vous que vous devez prendre la tête du mouve-
ment et non pas pousser par derrière.
Le système des patrouilles Aux Éclaireurs je dirais : Vous avez vu dans cette guerre com-
ment se gagnent les batailles — par des soldats qui obéissent et qui
Chaque troupe est divisée en patrouilles de huit garçons à peu suivent leurs officiers, quand même en agissant ainsi beaucoup vont au
près. Le but principal du système des patrouilles est de donner une vé- -devant de la mort. Mais ils le font parce qu'ils savent que si tous obéis-
ritable responsabilité au plus grand nombre possible de garçons, pour sent et font comme un seul homme la tâche qu'on leur donne, les leurs
leur développer le caractère. Si le chef donne un vrai pouvoir à son chef remporteront la victoire. Il en va de même pour
de patrouille, qu'il attende beaucoup

34 35
les Éclaireurs. Obéissez à votre chef de patrouille, suivez-le et votre
patrouille ne sera seconde à aucune autre.

Insignes de patrouilles

Chaque troupe porte le nom de l'endroit où elle se recrute. Cha-


cune des patrouilles de cette troupe prend le nom d'un animal. Ainsi la
33me troupe de Londres aura cinq patrouilles : les Loups, les Corbeaux,
les Courlis, les Buffles, les Hiboux.
Chacun des Éclaireurs de la patrouille a son numéro : le chef a le
n° 1, le second a le n° 2 et les autres Éclaireurs les numéros suivants.
Les Éclaireurs opèrent généralement deux à deux : 3 et 4, 5 et 6, 7 et 8
ensemble. Un Éclaireur doit savoir imiter le cri de l'animal dont sa pa-
trouille porte le nom : un Corbeau doit savoir reproduire le cri du cor-
beau. C'est la façon dont les Éclaireurs communiquent entre eux de
nuit et quand ils se cachent. Il n'est pas permis à un Éclaireur d'user du
cri d'une patrouille autre que la sienne. Pour rassembler ses scouts à
n'importe quel moment, le chef n'a qu'à donner un coup de sifflet et à
faire entendre le cri de la patrouille.
Quand un Éclaireur laisse sur le sol des marques que d'autres
devront lire, il dessine la tête de l'animal de sa patrouille. Ainsi, s'il veut
faire savoir que tel chemin doit être évité, il fait le signe :
« A éviter » et ajoute l'emblème de sa patrouille ^ et à gau-
che son numéro pour faire savoir qui a découvert que la
route ne menait à rien, ainsi :
Le chef de patrouille a, à son bâton, un petit fanion blanc, portant
des deux côtés, en drap rouge, la tête de l'animal-emblème.
Les Éclaireurs doivent être capables de tracer tous les signes qui
suivent, suivant la patrouille à laquelle ils appartiennent.
S'exercer à les dessiner à la craie sur les murs et avec la pointe
d'un bâton dans le sable et dans la boue.

36 37
38 39
Disposés ainsi, les signes veulent dire : Tournez à droite. masse, mais c'est celle qui élève son fanion la première qui a gagné: il
faut donc que les Éclaireurs restent en contact, d'une manière ou d'une
autre, avec leur chef de patrouille.
Il est permis de recourir à des ruses, de grimper sur des arbres,
de se cacher dans des charrettes, mais — à moins de convention spé-
ciale — il n'est pas permis de se déguiser.
Ce jeu se joue aussi la nuit.
Porteurs de dépêches.

Un Éclaireur reçoit l'ordre de reconnaître un endroit bien détermi-


né : le bureau de poste d'un village ou d'un quartier voisin, par exemple.
Il doit faire appliquer sur un billet le timbre de la poste puis s'en revenir.
Signes d'Éclaireurs sur le sol ou sur le mur à droite de la route Les autres Éclaireurs sont postés par leur chef de façon à l'empêcher
d'arriver : ils doivent surveiller toutes les voies d'accès possibles, sans
pourtant s'approcher du bureau de poste à plus de deux cents mètres.
Le messager peut recourir à tous les déguisements et à tous les
moyens de locomotion qui lui passeront par la tête.
A la campagne, on peut remplacer le bureau de poste par une
maison ou un endroit spécifié, sans rien changer au jeu.

Le jeu de Kim.

Mettez sur un plateau, sur la table, ou sur le sol, vingt ou trente


objets : deux ou trois espèces différentes de boutons, un crayon,
Dupuis Bordeaux Joseph Simon
De nuit on compose les mêmes signes avec des morceaux de Châtaigne
bois entourés d'herbes ou avec des cailloux, de façon qu'on puisse les
Bouton
lire en les palpant.
Jeux d'Éclaireurs Bouton noir
Chiffon rouge
La rencontre (en ville ou à la campagne). Chiffon jaune

Des Éclaireurs isolés, ou deux à deux, ou par patrouilles, partent Chiffon noir
de deux points distants d'environ trois kilomètres et marchent à la ren- Canif
contre les uns des autres. Ils peuvent suivre une route donnée, ou cher- Crayon rouge
cher à atteindre un grand arbre ou une colline située précisément der-
Crayon noir
rière le camp ennemi, de façon qu’on soit certain que les deux partis se
heurteront. La première patrouille qui voit l'adversaire a gagné. Pour Bouchon
cela le chef de patrouille élève son fanion afin de le faire voir à l'arbitre Perle bleue
et donne un coup de sifflet. Les patrouilles ne sont pas obligées de res- Ficelle nouée
ter en une seule
Ficelle simple
40 41
un bouchon, un chiffon, une noix, un caillou, un couteau, de la ficelle, Témoins : Robert, le pâtre.
une photographie, — tout ce que vous pourrez trouver, et couvrez le Le garde-champêtre.
tout d'un tapis. Un villageois.
Dressez la liste de tout cela, et préparez une colonne pour la ré- Une vieille femme, amie de la victime.
ponse de chacun de vos scouts. Comme dans le tableau ci- contre. Ministère public.
Découvrez ces objets pendant une minute, montre en main, ou Avocat de l'accusé.
pendant que vous compterez jusqu'à soixante. Puis recouvrez-les. Jurés (s'il y a assez d'Éclaireurs) et chef du jury.
Prenez chacun de vos garçons à part et faites-lui dire à voix bas- Suivez aussi exactement que possible la procédure des tribu-
se tout ce qu'il se rappelle, en le notant sur votre liste. naux. Chacun composera son témoignage, son discours, son interro-
Celui qui se rappelle le plus de choses a gagné. gatoire suivant ses idées ou son imagination, en suivant le récit, mais
en inventant les détails. Ne vous obligez pas à trouver l'accusé coupa-
Jeu de Morgan. ble, à moins que le procureur général n'ait réussi à persuader le jury.
En résumant les débats, soulignez le fait que le petit pâtre a accompli
Les Éclaireurs reçoivent l'ordre de courir à un certain coin de rue tous les devoirs d'un Éclaireur, de façon que vos jeunes gens com-
où un arbitre est posté d'avance. Il leur permet de rester là une minute, prennent la leçon.
puis ils viennent en courant au quartier et font rapport à leur chef sur
toutes les affiches qu'ils ont vues au coin de la rue. Scènes improvisées.

Débats, procès, etc. Donnez le canevas d'une scène courte et simple, et distribuez les
rôles en indiquant à chacun quelque chose de ce qu'il a à dire et à fai-
Un bon exercice pour une soirée d'hiver est d'organiser un débat re.
sur un sujet d'intérêt général. Le chef préside. Il veille à ce qu'il y ait un Puis laissez-les jouer et trouver les mots qu'il faut. Cela dévelop-
orateur qui se prépare d'avance à introduire le sujet et à appuyer une pe l'imagination et la facilité à s'exprimer d'après des lignes arrêtées
des manières de voir, et un autre orateur pour recommander le point de d'avance; il y a là un précieux moyen d'éducation.
vue contraire. Après qu'ils auront parlé tous deux, il invitera les autres à On fera bien de n'avoir pas, pour commencer, trop d'ambition : on
donner leur avis; pour terminer il met aux voix la motion. ne demandera d'abord aux acteurs que de conduire à une conclusion
Des jeunes garçons seront d'abord très intimidés, à moins que le déterminée une conversation sur un sujet donné.
sujet choisi ne les intéresse vraiment et ne les tire d'eux-mêmes.
Après un ou deux débats ils prendront confiance et seront en me- Danse guerrière.
sure d'exprimer des idées cohérentes. Ils attraperont l'allure des ré-
unions publiques, appuieront la motion, proposeront des amendements, Les Éclaireurs se mettent en rang, leur chef devant le front, cha-
voteront des remerciements à la présidence. cun tenant son bâton dans sa main droite et mettant sa main gauche
On peut aussi remplacer un débat par un simulacre de jugement. sur l'épaule de son voisin.
Par exemple, le meurtre raconté plus haut pourra donner lieu à un pro- Le chef entonne l'Ingonyâma; les garçons reprennent le refrain,
cès. Le chef pourra s'attribuer à lui-même les fonctions de juge et distri- en avançant de quelques pas et en frappant du pied sur les notes te-
buer les autres rôles : nues.
A la seconde reprise ils reculent.
Accusé : William Winter. A la troisième ils font un quart de tour à gauche, chacun tenant
toujours son voisin, et se meuvent en rond, en répétant leur refrain jus-
qu'à ce qu'ils aient formé le cercle.

42 43
Alors ils élargissent ce cercle : un d'entre eux s'avance et se pla- Fort de neige.
ce au centre pour exécuter une danse guerrière qui mime la façon dont
il a suivi la piste d'un ennemi et lui a livré bataille. Il représente toute la Un fort pourra être construit par une patrouille suivant ses idées
lutte en pantomime, jusqu'au moment où il tue son adversaire; pendant avec des meurtrières, des créneaux, etc. Quand il est terminé, il est at-
ce temps les Éclaireurs chantent l'Ingonyâma et dansent sur place. Dès taqué par une patrouille ennemie, les boules de neige servant de muni-
que la lutte est terminée, le chef entonne le « Toujours prêt » que l'on tions. Tout Éclaireur qu'atteint une boule est réputé mort. Les assail-
répète trois fois en l'honneur de celui qui vient de danser. lants doivent, dans la règle, être au moins deux fois plus nombreux que
Puis on recommence l'Ingonyâma, un second Éclaireur prend pla- les autres.
ce dans le cercle pour représenter une chasse au buffle. Pendant qu'il Chasse à l'homme en Sibérie.
mime la façon dont il a dépisté et suivi l'animal, les Éclaireurs se met-
tent à ramper en chantant leur refrain à voix basse, mais quand la pour- Un Éclaireur échappé du convoi des prisonniers court à travers la
suite l'a amené hors du fourré, tous se redressent d'un seul bond en neige dans la direction qu'il lui plaît, jusqu'à ce qu'il ait trouvé une bon-
dansant et chantant à grand bruit. L'animal tué, le chef entonne de nou- ne cachette. Vingt minutes après, les autres se mettent à sa recherche
veau le «Toujours prêt ! » que l'on chante trois fois, les bâtons et les en suivant sa piste. Quand ils approchent, le fugitif leur lance des bou-
talons frappant le sol au cri de « Bom ! bom ! » On répète « Bom ! les de neige qui tuent tous ceux qu'elles atteignent. Lui-même doit être
bom ! » pour finir. touché trois fois avant d'être hors de combat.
Le cercle alors se rétrécit, on fait de nouveau un quart de tour à En ville.
gauche et l'on se met en marche en chantant le refrain, ou bien on
rompt les rangs au dernier « Bom ! bom ! » Les Éclaireurs peuvent être très utiles en temps de neige. Ils tra-
L'Ingonyâma doit se chanter avec entrain et non pas se traîner vailleront en patrouille à déblayer les trottoirs, etc. Ils peuvent le faire ou
comme une complainte. bien pour rendre un service, ou bien pour procurer quelque argent à la
caisse des Éclaireurs.
POUR L'HIVER A LA CAMPAGNE

Expédition polaire.

Chaque patrouille prépare une luge, avec des rations de nourritu-


re et de la batterie de cuisine. Deux jeunes garçons la tireront (ou des
chiens, si l'on en a sous la main et qu'on ait réussi à les dresser à ce
travail). Deux Éclaireurs prennent une avance d'un kilomètre. Le reste
suit avec la luge en cherchant les traces de leurs pas ou telles autres
marques qu'ils peuvent avoir laissées. Ils examinent et notent aussi,
pour les interpréter, toutes les autres pistes qu'ils trouvent sur la neige.
Faites des maisons de neige, pas trop larges, de façon que les
bâtons puissent supporter le toit, qu'on pourra faire en branches de sa-
pin recouvertes de neige.

44 45
Et dans l'Amérique du Sud, chez les Yaghans (là-bas, dans les
régions pluvieuses et froides de la Patagonie), les garçons ne portent
pas de vêtements, et, avant d'avoir le droit d'être considérés comme
des hommes, il faut qu'ils subissent l'épreuve du courage qui consiste à
enfoncer profondément une lance dans sa propre cuisse et cela sans
cesser de sourire.
C'est une épreuve cruelle, mais elle montre que ces sauvages ont
compris combien il est nécessaire que les garçons apprennent à être
virils, qu'on ne les laisse pas devenir de misérables oisifs, capables tout
juste de regarder les autres travailler.
C'est dommage que les garçons de chez nous ne puissent pas
être soumis à un apprentissage analogue avant d'avoir le droit de se
CHAPITRE II considérer comme des hommes, et c'est justement pour essayer de
combler cette lacune dans la mesure du possible, que nous vous ap-
EN CAMPAGNE prenons le métier d'Éclaireurs. Si chacun de nos garçons travaille dur,
s'il apprend vraiment tout ce que nous tâcherons de lui enseigner, à la
CINQUIÈME BIVOUAC fin de son apprentissage il aura quelque droit de s'appeler un Éclaireur
et un homme, et s'il fait plus tard du service militaire, ou s'il va aux colo-
LA VIE AU GRAND AIR nies, il verra qu'il n'aura pas de peine à se tirer d'affaire et à être réelle-
ment utile à son pays.
Au sud de l'Afrique, chez les Zoulous et les Souazis, les garçons Je sais un vieux Canadien, un éclaireur et un trappeur, âgé de
deviennent éclaireurs bien avant d'avoir atteint l'âge d'homme. Voici plus de 80 ans ; il est encore de ce monde et, qui plus est, il exerce tou-
comment cela se passe : quand un garçon a quinze ou seize ans, les jours son métier de trappeur. Son nom est Bill Hamilton. Dans un livre
hommes de son village le prennent, le dépouillent de ses vêtements, et intitulé : « Mes 60 ans dans les Plaines » il décrit les dangers de cette
le peignent en blanc de la tête aux pieds; on lui remet alors un bouclier vie aventureuse. Le principal danger était de tomber dans les mains
et une sagaie (ou petite lance) et on le renvoie du village en lui annon- des Peaux-Rouges. « Etre fait prisonnier, c'était endurer une mort peu
çant qu'il sera tué, si quelqu'un le découvre pendant qu'il est encore enviable entre toutes. Vous brûler à petit feu est un acte de miséricorde
peint en blanc. Aussi notre gamin n'a-t-il qu'un parti à prendre : se reti- comparé aux cruautés pratiquées par les Indiens. On m'a souvent de-
rer dans la brousse ou les montagnes en évitant de rencontrer un de mandé pourquoi nous nous exposions à de pareils dangers. Ma répon-
ses semblables, aussi longtemps que la peinture ne sera pas effacée se, c'est qu'il y a dans la vie à ciel ouvert d'un éclaireur un charme dont
— et c'est l'affaire d'un mois environ; pendant tout ce temps, il lui faudra on ne peut plus se libérer une fois qu'on l'a éprouvé. Parlez-moi de
donc se tirer d'affaire tout seul, tuer du gibier avec sa seule sagaie, le l'homme qui a été élevé au milieu des grandes choses de la Nature I II
dépecer, allumer du feu au moyen de bâtons frottés l'un contre l'autre y apprend la vérité, l'indépendance, l'esprit d'initiative, il a de généreu-
pour cuire sa viande, prendre la peau de l'animal pour s'en faire un vê- ses impulsions, il est fidèle à ses amis, fidèle au drapeau de son pays.»
tement, apprendre à connaître quelles sortes de racines, de baies, de Je souscris pleinement à ce qu'a dit ce vieil éclaireur, et de plus je
feuilles peuvent servir à le nourrir. S'il n'est pas capable de faire tout remarque que les hommes qui viennent des pays où l'on mène une vie
cela, il mourra de faim ou deviendra la proie des bêtes sauvages. Si, au que nous appellerions rude et sauvage, sont parmi les plus généreux et
contraire, il réussit à se maintenir en vie et s'il trouve le chemin pour les plus chevaleresques, en particulier envers les
regagner son village, il y retournera une fois la peinture effacée et il y
sera reçu avec force réjouissances par tous ses parents et amis : il a
désormais conquis droit de cité puisqu'il a prouvé qu'il était en mesure
de se tirer d'affaire.
46 47
femmes et les êtres faibles. Le contact avec la nature fait d'eux des « parle de la « rude vie » des camps ; mais pour un Éclaireur, rompu à
gentlemen ». son métier, la vie des camps n'est pas rude. Il connaît mille manières
M. Roosevelt, qui fut vice-président des Éclaireurs d'Amérique, de créer du confort autour de lui : et quand il retourne à la vie civilisée,
croyait, lui aussi, à la vie au grand air et c'est un luxe qu'il s'accordait le il l'apprécie d'autant plus par contraste. Là aussi d'ailleurs, sa supériori-
plus possible dans la mesure où ses devoirs le lui permettaient. Voici té sur ceux qui n'ont jamais appris à subvenir à leurs besoins, éclate en
ce qu'il écrivit : « Je crois aux exercices de plein air et peu importe si plus d'une occasion. L'homme qui a été habitué à mettre la main à tout,
ces exercices sont parfois violents, et si ceux qui s'y livrent reçoivent comme l'Éclaireur au camp, s'aperçoit, lorsqu'il rentre en pays civilisé,
quelques horions, par-ci par-là. Je n'ai aucune sympathie pour la senti- qu'il lui est facile de trouver un emploi, parce qu'il est en mesure d'en-
mentalité qui consiste à élever les jeunes gens dans du coton. L'hom- treprendre n'importe quel travail.
me de plein air aura toujours le dessus dans la bataille de la vie. Quand
vous travaillez, travaillez dur, et quand vous jouez, jouez dur. Mais que Explorations
le jeu et le sport ne nuisent pas à votre travail. »
J'ai connu un vieux Boer qui, après la guerre, disait qu'il ne pou- Un exercice facile à organiser dans notre pays, c'est d'envoyer
vait pas vivre avec les Anglais, parce que, déclarait-il, en arrivant dans les Éclaireurs en patrouille pour des tournées d'exploration, ou deux à
le pays, ils se sont montrés trop stupides, trop incapables de se tirer deux, comme les chevaliers d'autrefois, lorsqu'ils entreprenaient un
d'affaire dans la brousse, de s'installer confortablement sous une tente, pèlerinage à travers les contrées pour aller au secours de ceux qui
de tuer du gibier et de le préparer, et parce qu'ils se perdent toujours avaient besoin d'eux. Cela peut se faire aussi à bicyclette.
dans les fourrés. En général, au bout de six mois — s'ils vivaient enco- Autant que possible, les Éclaireurs devraient s'abstenir, au cours
re — les soldats anglais avaient appris à se débrouiller, mais beaucoup de ces tournées, de coucher dans une maison, c'est-à-dire que, par de
étaient morts, et cela, bien souvent, par suite de leur inexpérience et belles nuits, ils dormiraient en plein air où que ce soit, et par le mauvais
des erreurs commises. temps ils demanderaient la permission de se coucher sous une meule
La vérité est que les citoyens de pays civilisés n'ont été aucune- de foin ou dans un hangar.
ment préparés à affronter la vie de la brousse ou des forêts, et il en ré- En toute occasion, prenez une carte avec vous, et tâchez de
sulte que, lorsqu'ils vont aux colonies ou en campagne, ils sont, pen- trouver votre chemin, autant que vous le pourrez, sans avoir recours
dant longtemps, tout à fait désarmés et qu'ils subissent quantité de pri- aux passants. Il va sans dire que vous accomplirez votre bonne action
vations et de peines qui leur auraient été épargnées s'ils avaient appris, quotidienne quand l'occasion s'en présentera, mais en outre ne man-
dans leur enfance, à se tirer d'affaire, soit au camp, soit en patrouille. quez pas de rendre des services aux fermiers et à tous ceux qui vous
Ils ne sont que des «pattes-tendres». auront permis l'usage de leurs granges, pour les remercier de leur
Ils n'ont jamais eu à allumer un feu ou à préparer leur nourriture : complaisance.
on a toujours fait cela pour eux. A la maison, quand ils avaient besoin En général, toutes ces expéditions devraient avoir un but; si, par
d'eau, ils n'avaient qu'à tourner le robinet, et ils n'ont aucune idée de la exemple, il s'agit d'une patrouille de garçons des villes, ils s'en iront
manière dont on s'y prend pour trouver de l'eau dans un coin de désert avec le projet d'explorer un endroit donné, disons une montagne ou un
en regardant l'herbe ou les buissons, ou en grattant le sable jusqu'à ce lac, ou encore un vieux château ou un champ de bataille, ou une pla-
qu'on y découvre quelque trace d'humidité. Quand ils avaient perdu leur ge. Ou encore, ils iront rejoindre l'un ou l'autre des camps d'Éclaireurs.
chemin ou s'ils voulaient savoir l'heure, ils n'avaient qu'à s'adresser à S'il s'agit, au contraire, d'une patrouille de campagnards, elle ira
un agent de police. Ils ont toujours eu une maison pour les abriter et un dans une grande ville, pour visiter ses monuments, le jardin zoologi-
lit pour s'y coucher. Ils n'ont pas eu besoin de fabriquer cela eux- que, le cirque, les musées, etc. Et n'oubliez pas de tout observer, en
mêmes, ni de faire leurs souliers ou leurs vêtements. Voilà pourquoi un marchant le long des routes; tâchez de vous rappeler
novice

48 49
autant que possible tout votre voyage, afin de pouvoir donner de» terrain. Cela m'est arrivé une fois en Ecosse. J'étais avec un monta-
indications à ceux qui suivront cette route après vous. Faites-vous une gnard auquel je me fiais, mais, au bout d'un moment, je crus devoir lui
carte. Il va sans dire que les explorateurs tiennent un journal, qui rend faire remarquer que le vent avait changé; nous l'avions eu à gauche au
compte brièvement de l'emploi de chaque jour, avec des dessins ou départ et maintenant il soufflait de droite. Cela ne le troubla pas, il alla
des photographies représentant les choses intéressantes rencontrées de l'avant. Bientôt j'observai que le vent nous soufflait dans le dos;
au cours du voyage. c'était ou le vent, ou la montagne, ou nous-mêmes qui tournions. L'évé-
nement confirma la supposition que j'avais faite antérieurement : ce
Croisières en canot n'était ni le vent, ni la montagne, c'était nous qui avions fait un tour com-
plet et qui nous retrouvions au même point qu'une heure auparavant.
A côté de la marche et de la bicyclette, les croisières en bateau Les Éclaireurs, en montagne, s'exerceront à s'encorder comme
sont aussi vivement recommandées aux Éclaireurs; mais aucun ne de- font les guides pour traverser les glaciers. II faut environ cinq mètres de
vrait être autorisé à canoter à moins d'être bon nageur, parce que les corde entre deux hommes. La corde s'attache autour de la taille par un
accidents ne sont pas rares; si tout le monde sait nager, une aventure nœud que tout Éclaireur apprendra à faire (n° 5, v. p. 80, VIII me bi-
ne fait pas de mal, au contraire c'est plutôt une bonne expérience à fai- vouac), ce nœud devant se trouver du côté gauche. Chacun doit se te-
re. nir à une assez grande distance du garçon qui marche devant lui pour
J'ai fait jadis une croisière avec deux de mes frères. Nous primes que la corde soit tendue. Ainsi, quand l'un vient à glisser, les autres ti-
un bateau à voiles et nous remontâmes la Tamise aussi loin que nous rent sur la corde de tout leur poids pour la tendre jusqu'à ce qu'il ait re-
le pûmes, jusqu'à ce qu'elle devînt si étroite que nous étions continuel- pris pied. Il faut un mètre et demi de corde pour faire une boucle. Aux
lement obligés de quitter notre bateau et de le tirer par-dessus les deux bouts d'une corde on se sert du nœud n° 5, au milieu, du n° 8.
troncs qui lui barraient la route et dans les endroits où l'eau manquait.
Ensuite, nous passâmes sur l'Avon, dont la source est près de celle de Patrouilles
la Tamise mais qui coule dans la direction de l'ouest; nous commençâ-
mes à naviguer là où la rivière était très étroite et peu à peu nous des- Les Éclaireurs vont généralement deux à deux, quelquefois aussi,
cendîmes jusqu'à ce qu'elle fût devenue un grand cours d'eau, et ainsi ils vont seuls ; quand ils marchent en groupes, ils prennent le nom de
à travers Bath et Bristol jusqu'à la Severn. Puis à travers la Severn et le patrouille.
long du Wye jusqu'au Pays de Galles. Nous avions avec nous notre Il est très rare que les Éclaireurs d'une même patrouille se tien-
tente, des provisions et ce qu'il fallait pour faire la cuisine. Impossible nent près les uns des autres; ils se dispersent au contraire de façon à
d'imaginer une expédition plus agréable; et ça ne nous coûta pas cher. voir une plus grande étendue du pays; en outre, si l'ennemi vient à les
surprendre, ils ne seront pas tous pris, quelques-uns pourront aller don-
A la montagne ner l'alarme. Une patrouille de six Éclaireurs travaillant en plein air se
groupera d'habitude ainsi :
Les courses de montagne sont aussi un sport grandiose qui met
en œuvre toutes les ressources de l'Éclaireur. Il faut qu'il trouve son
chemin et qu'il s'assure quelque confort.
On est très facilement désorienté, car en montant et descendant
sur les flancs d'une montagne on perd de vue les points de repère cou-
tumiers. Il faut recourir au soleil et à la boussole pour savoir de quel
côté il faut aller.
On risque aussi le brouillard ; il vient parfois déjouer les combinai-
sons d'hommes qui connaissent d'un pays chaque pouce de

50 51
prenant: la forme d'un cerf-volant avec le chef de patrouille au milieu; Mais, si l'on ne s'y est pas longuement exercé, on risque fort de
dans la rue ou sur une route, elle prendra la même positions, les Éclai- se perdre la nuit; les distances paraissent plus considérables, les bor-
reurs de flanc se tenant près des haies ou des murs. L'Eclaireur n° 2 nes sont difficiles à voir. De plus, on risque de faire plus de bruit la nuit
est devant, les nos 3 et 4 à droite et à gauche, le n° 5 est en arrière, et que le jour, en marchant accidentellement sur des bâtons cassés, en
le n° 6 avec le chef (n° 1 ) au milieu. heurtant des pierres, etc.
Si vous guettez un ennemi de nuit, il faut, plus qu'à vos yeux,
vous fier à vos oreilles et aussi à votre nez, car un Éclaireur qui s'est
5 1 4 bien exercé à flairer et qui n'a pas gâté son odorat par le tabac, peut
6 3 2 souvent sentir un ennemi à une bonne distance. Moi-même, je l'ai sou-
vent fait et je m'en suis très bien trouvé.
Patrouille sur une route ou dans la rue. Les Éclaireurs en patrouille marcheront plus près les uns des au-
tres la nuit que le jour, et dans des endroits très sombres, en forêt, etc.,
Quand une patrouille traverse un espace découvert, où elle a chacun devra tenir l'extrémité du bâton de son voisin.
chance d'être vue par l'ennemi ou par des fauves, elle doit s'arranger à Quand l'Éclaireur sera seul, son bâton lui sera des plus utiles
se mettre à couvert aussi rapidement que possible, en adoptant le pas pour reconnaître son chemin dans l'obscurité, pour pousser de côté les
de l'Éclaireur, c'est-à-dire en marchant et courant alternativement d'un branches sèches, etc.
abri à l'autre. Des Éclaireurs qui travaillent isolément dans la nuit restent en
Dès qu'elle est à l'abri, elle peut se reposer et regarder autour communication en s'appelant de temps en temps par le cri d'animal qui
d'elle avant de se remettre en route. S'il vous arrive, quand vous êtes à est celui de leur patrouille. On ne risque pas ainsi d'éveiller les soup-
l'avant-garde, de perdre de vue votre patrouille, il faut que, passant au çons de l'ennemi.
travers de buissons, de fourrés, etc., vous brisiez des branches ou des Tous les ¡Éclaireurs doivent apprendre à se diriger de nuit
tiges de roseaux tous les quelques mètres, en ayant soin de diriger en d'après les étoiles.
avant le bout de ces branches pour montrer le chemin que vous avez
pris; de cette manière, vous pourrez toujours revenir en arrière, et si la Comment trouver son chemin
patrouille ou qui que ce soit d'autre passe par là, ils ne pourront man-
quer de retrouver votre trace; d'après la fraîcheur de l'herbe, ils pour- Parmi les Peaux-Rouges éclaireurs on donne à l'homme qui sait
ront juger à quel moment vous avez passé par là. 11 est toujours utile bien se diriger dans un pays inconnu le nom de «trouveur de voies »,
de marquer les arbres, c'est-à-dire de détacher un morceau d'écorce et c'est là une dénomination des plus honorables, car un Éclaireur qui
avec une hache ou un couteau, de faire des marques de craie sur les ne saurait pas trouver son chemin serait médiocrement utile.
murs, de dessiner dans le sable, de déplacer des pierres, bref, de lais- Plus d'une recrue s'est perdue dans la brousse et n'a jamais été
ser des traces de votre passage. retrouvée, simplement parce qu'elle n'avait pas été initiée dans son
Quand une troupe marche en corps le long d'une route, c'est tou- jeune âge au métier d'éclaireur; on ne lui avait pas appris à « ouvrir
jours une bonne chose de se partager la route. Les Eclaireurs marche- l'œil et le bon ». J'en ai connu moi-même plusieurs exemples.
ront en file creuse, de chaque côté du chemin. De cette manière, ils ne Au pays des Matabélés, un homme descendit un jour d'une voitu-
seront pas incommodés par la poussière, et ils ne gêneront pas le tra- re pour marcher quelques minutes pendant qu'on dételait les mules
fic. pour un relais. Il fit quelques mètres dans le fourré; quand la voiture fut
prête à repartir, on l'appela et on le chercha de tous côtés, mais sans
Marches de nuit résultat; à la fin, comme on ne pouvait plus
Les Eclaireurs doivent être capables de retrouver leur chemin, de
nuit comme de jour. Les éclaireurs militaires marchent surtout de nuit,
de manière à rester cachés, et ils dorment le jour.

52 53
attendre, la voiture poursuivit sa route, mais on donna des ordres pour les avoir dépassés, afin de les bien reconnaître quand vous les
que les recherches fussent continuées. Une véritable battue fut organi- verrez en sens inverse au retour. Ce conseil est bon à suivre aussi, si
sée ; on suivit les traces de cet homme pour autant que cela était possi- vous êtes dans une ville inconnue, ou si vous y arrivez par chemin de
ble au milieu de la brousse, mais ce ne fut que plusieurs semaines fer; dès que vous débarquez de la gare, rendez-vous compte de la po-
après, qu'on découvrit son cadavre à près de vingt- cinq kilomètres de sition du soleil et regardez de quel côté va la fumée. Prenez aussi vos
l'endroit où il avait disparu, et tout près du chemin. points de repère qui seront des monuments, des églises, des chemi-
Il arrive souvent que, si vous errez seul dans les fourrés, ou même nées d'usines, des noms de rues ou de magasins, etc., afin qu'après
dans une ville, vous négligiez d'observer dans quelle direction vous avoir traversé de nombreuses rues vous puissiez revenir en arrière et
marchez; ou plutôt vous en changez fréquemment pour contourner un retrouver la gare sans difficulté. C'est extraordinairement facile quand
arbre déraciné, ou un rocher, ou quelque autre obstacle, et l'ayant dé- on en a un peu l'habitude, et cependant bien des gens se perdent après
passé, vous ne reprenez plus exactement la même direction (on est avoir tourné quelque coin de rue dans une ville inconnue.
généralement porté à incliner vers la droite), et c'est ainsi que, croyant Pour se rendre compte de la direction du vent quand il ne souffle
marcher droit devant vous, vous êtes très loin de le faire; et si vous que très peu, il faut jeter en l'air quelques brins d'herbe sèche, prendre
n'avez pas soin d'observer le soleil, ou votre boussole, ou des points de une poignée de fine poussière et la laisser tomber, ou sucer son pouce
repère, vous vous trouverez au bout de peu de temps avoir fait un de manière qu'il soit tout à fait humide et laisser le vent souffler dessus;
grand cercle. le côté du doigt qui est froid vous dira d'où vient le vent. Si vous êtes
En pareille occurrence, un novice qui se trouve tout à coup éloigné chargé de servir d'éclaireur à un groupe de promeneurs, il vous faut
de ses camarades, égaré, tout seul dans la forêt, perd en général la marcher en tête et fixer toute votre attention sur ce que vous faites, par-
tête, s'affole et se met à courir, alors que la chose A faire serait de gar- ce que c'est d'après de très faibles indices que vous avez à vous diri-
der son sang-froid et d'adopter résolument un parti utile : retourner en ger, et si vous vous mettez à causer et à vous occuper d'autre chose,
arrière, ou si cela n'est pas possible, chercher du bois pour allumer un vous risquerez fort de les laisser échapper. Les vieux éclaireurs sont en
feu afin d'avertir ceux qui vous cherchent. général très silencieux parce qu'ils ont pris l'habitude de mettre toute
Mais ce qui vaut mieux, c'est de ne pas se perdre. leur attention à ce qu'ils font.
Tout vieil éclaireur, dès qu'il sort le matin, se rend compte de quel On voit souvent un novice, lors de sa première sortie, qui, trou-
côté le vent souffle. vant que l'éclaireur, le chef, est bien seul, s'approche de lui, marche à
Quand vous partez pour une marche seul ou en patrouille, il faut ses côtés et entame une conversation, jusqu'à ce que le chef lui mon-
d'abord vous assurer, au moyen de la boussole, de la direction que tre, d'une manière ou de l'autre, qu'il ne se soucie pas autrement de
vous prenez, et aussi chercher à savoir d'où vient le vent; cela vous ai- l'avoir près de lui. Vous avez remarqué sur les bateaux à vapeur la
dera beaucoup à conserver votre direction, surtout si vous n'avez pas pancarte : « Défense de parler au pilote »; la même consigne s'appli-
de boussole et si le soleil ne brille pas. que à l'Éclaireur qui guide une troupe. Quand vous jouez le rôle d'éclai-
Ensuite, vous devriez chercher des points de repère, remarquer reur, il vous faut concentrer toutes vos pensées sur un unique sujet,
telle colline ou telle tour, les clochers, les arbres caractéristiques, les comme le fit Kim lorsque Lurgan voulut l'hypnotiser.
rochers, les portails, les monticules, les ponts, etc., bref, tout ce qui
vous permettra de retrouver votre chemin ou de donner des instructions Le temps
à ceux qui voudraient suivre après vous la même route. Si vous notez
soigneusement vos points de repère, il vous sera facile de retrouver vo- Un Éclaireur devrait connaître les signes du temps, notamment
tre chemin en revenant, mais ayez soin de vous retourner quelquefois quand il s'embarque ou qu'il est en montagne. Il devrait savoir lire un
pour les regarder après baromètre.

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Il y a des règles qu'il est bon de se rappeler : A 6 heures du matin, le soleil est exactement à l'est, à 9 heures
Ciel rose au coucher du soleil : beau temps. au sud-est, à midi au sud, à 3 heures au sud-ouest, à 6 heures à
Rouge le matin : mauvais temps. l'ouest. En hiver il se couche bien avant 6 heures, mais il n'a pas enco-
Jaune brillant au coucher du soleil : vent. re atteint l'ouest quand il se couche.
Jaune pâle : pluie. Les Phéniciens, qui firent le tour de l'Afrique dans le vieux temps,
Brouillard de bonne heure : beau temps. remarquèrent qu'à leur départ le soleil se levait à leur gauche : ils al-
Vue claire des lointains : pluie passée ou à venir. laient vers le sud. Ils racontèrent qu'ensuite ils étaient arrivés dans un
Légers nuages à contours indécis : beau temps ; nuages épais, à pays étrange où le soleil se levait du mauvais côté, à droite. La vérité
contours définis : vent, etc. est qu'ils avaient doublé le cap de Bonne- Espérance et qu'ils remon-
taient vers le nord le long de la côte orientale de l'Afrique.
Orientation Pour trouver le sud à un moment quelconque du jour à l'aide du
soleil, tenez votre montre à plat, le cadran en haut, de façon que le so-
Tous les mousses connaissent par cœur les points de la boussole leil luise dessus. Pointez la petite aiguille vers le soleil. Alors, sans bou-
et les Éclaireurs devraient en savoir autant. Je viens de parler beau- ger votre montre, posez la tranche d'un morceau de papier ou bien un
coup du nord, et vous comprendrez que pour un Éclaireur qui cherche crayon au travers du cadran, de façon à diviser en deux parties égales
son chemin, rien n'est plus important que de savoir où est le nord. l'angle formé par la petite aiguille et le XII de la montre. Cette ligne mé-
Si vous n'avez pas de boussole, le soleil vous dira de jour où est diane ira du sud au nord.
le nord, la lune et les étoiles vous le diront de nuit. Le chef fera trouver ainsi le sud à chacun de ses garçons.
LES ÉTOILES. — Les étoiles semblent tourner au-dessus de nous
durant la nuit; en réalité c'est notre Terre qui tourne sur elle-
même au-dessous d'elles..

56 57
Il y a divers groupes d'étoiles auxquels on a donné des nom» par- dans quelque hémisphère que vous soyez. La Grande Ourse ne se voit
ce qu'on y peut voir le dessin de certaines formes humaines ou anima- que dans l'hémisphère boréal et la Croix du Sud que dans l'hémisphère
les. austral.
La Grande Ourse est facile à trouver. C'est la seule ourse de ma Si, tenant votre bâton contre le ciel, vous menez une ligne par-
connaissance qui ait une si longue queue. Et c'est la plus utile à connaî- tant de l'étoile centrale du baudrier d'Orion, passant par le milieu de la
tre, car ses deux pattes de devant permettent de trouver le nord exacte- tête puis par deux étoiles brillantes jusqu'à une troisième, celle-ci est la
ment. En prolongeant du regard la ligne qu'elles forment, on trouve une Polaire.
étoile très brillante, Y Etoile polaire, la dernière de la queue de la Petite En sens inverse, si vous partez de l'étoile centrale du baudrier,
pour passer par celle du milieu de l'épée, vous arrivez à un nouveau
Ourse. groupe d'étoiles en forme de L, et prolongeant encore d'autant vous
Toutes les étoiles et les constellations arriverez au pôle sud qui, malheureusement, n'est marqué par aucune
se meuvent en cercle, comme je l'ai dit, du- étoile.
rant la nuit, mais l'Etoile polaire reste fixe, En gros l'épée d'Orion (les trois petites étoiles), est dirigée du
au nord. Si vous comparez le ciel à un para- nord au sud.
pluie tenu sur votre tête, la Polaire serait
l'endroit où la canne passe au centre de
l'étoffe.
On a fabriqué de vrais parapluies en y
figurant les étoiles dans leurs positions
exactes. Quand on les ouvre et qu'on les fait
tourner lentement au-dessus de sa tête, on
voit exactement toutes les étoiles avancer
d o u c e m e n t dans leur ronde, la Po-
laire seule restant fixe au milieu,
Il y a un autre groupe d'étoiles, une
constellation, comme on dit, qui représente
un homme avec un baudrier et une épée :
c'est Orion. On reconnaît tout de suite les
trois étoiles alignées qui forment son bau-
drier, et les trois autres toutes proches dans
une autre direction, qui sont son épée. Puis
Orion et son épée indiquent deux étoiles plus bas, à droite et à gauche :
toujours le Nord et le Sud.
ses pieds, deux autres au-dessus de la cein-
ture : ses trois petites étoiles : la tête. Les éclaireurs Zoulous appellent le baudrier et l'épée d'Orion «
Ingoloubou » : trois porcs poursuivis par trois chiens. Les Masaï de
l'Afrique orientale disent que les étoiles du baudrier sont trois jeunes
Orion vous permet de dire de quel côté se trouve le nord, l'Etoile gens poursuivis par trois vieilles filles. Comme vous voyez, tous les
polaire, et de quel côté le sud. Par lui vous le saurez toujours, éclaireurs connaissent Orion sous des noms divers.
Dans l'hémisphère austral, au sud de l'Afrique, dans l'Amérique
du Sud, en Australie, ni la Grande Ourse ni la Polaire ne sont visibles,
mais on a la Croix du Sud. La Croix du Sud est un bon guide pour trou-
ver exactement le pôle austral, et elle joue ainsi

58 59
pour les éclaireurs de là-bas le rôle de la Grande Ourse qui nous mon- Jeux
tre le nord.
POUR LES CHEFS Par la carte.

Exercices de reconnaissance Le chef emmène sa patrouille, en formation ramassée, dans une


ville étrangère ou dans une partie de pays inconnue à ses garçons. Il a
Enseignez à vos scouts à retrouver la Grande Ourse, la Polaire et avec lui une carte routière. Après leur avoir expliqué où il s'agit d'aller, il
Orion, à juger de l'heure d'après le soleil, à trouver le sud avec une
montre. Exercez-les à lire les cartes, à trouver leur chemin d'après el- charge chacun des Éclaireurs de diriger à son tour la patrouille pendant
les, et à marquer leur route par des rameaux brisés ou des signes sur le sept minutes si l'on est à bicyclette, ou pendant un quart d'heure si l'on
sol. est à pied. Chacun devra lire sur la carte le chemin à suivre et on ap-
Pour estimer la largeur d'une rivière, choisissez un objet X sur la préciera par des points son habileté.
berge opposée : un rocher ou un arbre.
Partez de A à angle droit et mesurez en A la montagne.
marchant 90 mètres par exemple. Au bout
de 60 mètres ,plantez un bâton. En arri- Trois lièvres vont, au point du jour, se cacher dans la montagne.
vant en C, trente mètres plus loin, tournez Après déjeuner une meute de chiens part à leur recherche. Il s'agit de
à angle droit et comptez Vos pas jusqu'au les trouver avant une heure déterminée : quatre heures de l'après-midi
moment où le bâton et l'objet lointain se- par exemple. Si on les aperçoit, même avec des jumelles, cela compte,
ront sur une même ligne : la distance de C pourvu que l'on puisse dire précisément qui est celui qui a été décou-
à D est vert. On définit certaines limites qu'il n'est pas permis de franchir sans
être disqualifié.

Trouver le nord.

La moitié de celle de A à Les Éclaireurs sont disposés à 20 mètres l'un de l'autre, chacun
X. place son bâton sur le sol dans la direction de ce qu'il estime être le
Pour trouver la hauteur
d'un arbre ou d'un édifice, nord, cela sans avoir recours à aucun instrument. Il se retire à trois pas
comptez, mettons 9 mè- de son bâton. L'arbitre compare les bâtons à la boussole; celui qui a le
tres, à partir de son pied. mieux deviné a gagné. Ce jeu est bon à faire de nuit ou quand le ciel
Plantez là, en B, un bâton est couvert, aussi bien que par les jours clairs.
de 2 mètres de haut. Puis
éloignez-vous jusqu' au
moment où, couché sur le POUR LES INSTRUCTEURS
sol, vous verrez sur une
même ligne l'extrémité du Exercez Vos garçons à s'encorder pour la montagne. Si vous
bâton et le sommet de l’ar- avez des canots à votre disposition, exercez-les à aborder, à faire de la
bre. vitesse, à pagayer, à aller à la gaffe, à nouer des cordes, bref à toutes
les pratiques du canotage. Habituez-vous à lire le baromètre.
Alors la distance totale A C est à la hauteur cherchée A X comme la dis-
tance B C est à la hauteur du bâton. Ainsi, si A C vaut 9 mètres et que
BC en vaille 3 (le bâton étant de 2 mètres), l'arbre a 6 mètres de haut.

60 61
Patrouilles de nuit alors nos ennemis, au delà de l'Océan dans l'Amérique centrale. Il ne
se borna pas à les combattre, il réussit à prendre plusieurs de leurs
Habituez les Eclaireurs à regarder et à écouter la nuit; postez des vaisseaux et à faire dans leurs villes un butin précieux. A son retour on
sentinelles, années de fusils et de cartouches à blanc, ou plus simple- l'appela à commander une expédition, plus importante, de cinq navires
ment d'un sifflet. Elles restent immobiles ou se promènent. D'autres dont le plus grand néanmoins n'était que de cent tonneaux; le plus petit
Éclaireurs, les ennemis, doivent les épier et les tuer. Quand une senti- en jaugeait quinze. A cette époque-là on trouvait cela de beaux navires
nelle entend un bruit, elle tire, appelle ou siffle. Les Eclaireurs alors font mais ils n'étaient pas plus grands que les schooners côtiers et les gros-
halte et ne bougent pas. L'arbitre demande à la sentinelle de quel côté ses barques de pêche d'aujourd'hui.
Venait le bruit; si sa réponse est juste elle a gagné. Si l'ennemi parvient
en rampant jusqu'à 10 mètres d'une sentinelle sans être vu, il laisse à (Montrez une mappemonde.)
terre un objet, un mouchoir par exemple, et se retire, toujours en ram-
pant. Puis il fait du bruit de façon que la sentinelle appelle, et à l'arrivée Avec ces vaisseaux il fit voile le long de la côte occidentale d'Afri-
de l'arbitre il explique ce qui s'est passé. On peut s'exercer de jour en que, puis traversa vers le Brésil et longea l'Amérique du Sud pour tour-
bandant les yeux des sentinelles. ner dans le Pacifique à travers le dangereux et difficile détroit de Ma-
gellan. Il remonta la côte occidentale de l'Amérique jusqu'en Californie,
SIXIÈME BIVOUAC traversa l'Océan jusqu'aux Indes et de là par le cap de Bonne-
Espérance jusqu'en Angleterre. Il lui fallut près de trois ans pour faire
ÉCLAIREURS DE MER ce voyage. Son bon navire, La Biche d'or, quoique bien battu et blessé
par les gros temps et par la guerre, fut accueilli avec de grands hon-
VIEUX LOUPS DE MER neurs à Deptford. La reine elle- même vint trouver l'explorateur à son
bord et se servant de l'épée qu'il avait si glorieusement portée, elle l'ar-
Aux jours de la reine Elisabeth, il y a quatre cents ans de cela, les ma chevalier. On l'appela dès lors Sir Francis Drake.
marins espagnols, anglais, hollandais et portugais se couvraient tous Bientôt après, le roi Philippe d'Espagne entreprit d'armer une flot-
de gloire par les hardis voyages qu'ils entreprenaient sur de petits voi- te énorme, et quoiqu'il prétendît qu'il n'avait pas l'intention de s'en ser-
liers à travers des océans inconnus; ils ne cessaient de découvrir pour vir contre l'Angleterre, Drake, qui était à la tête d'une petite flotte de
leur patrie des pays nouveaux aux extrémités de la terre. vaisseaux anglais, soutint qu'il ne pouvait avoir d'autre objet. Tôt après
Sur un bateau qui faisait du cabotage dans la Manche, il y avait il intercepta une lettre secrète qui prouva que ses soupçons étaient fon-
un petit mousse qui rêvait de devenir un de ces explorateurs. Mais dés. Drake partit avec ses vaisseaux. Il croisa devant les côtes d'Espa-
quand il regardait la réalité en face, il lui paraissait sans espoir qu'un gne, détruisant navires et entrepôts partout où il en trouvait et entravant
pauvre bout d'homme comme lui pût jamais s'élever dans ce monde au- ainsi les préparatifs de guerre. Il brûla ou coula ainsi douze mille ton-
dessus de la position qu'il occupait sur ce misérable petit bateau côtier, nes de frêt, ce qui, en ce temps-là, représentait un très grand nombre
de cette dure vie où, mal nourri, il recevait plus souvent des coups que de vaisseaux. Dans son rapport il appelait cela « roussir la barbe au roi
des sous. Mais la suite de l'histoire montre comment un garçon, si pau- d'Espagne ».
vre soit-il, peut arriver, à condition de s'y entêter. Le jeune Drake, c'était A la fin, en 1588, la grande flotte espagnole, l’Armada, fut prête et
son nom, arriva, malgré toutes les difficultés. Il travailla dur, s'appliquant elle fit voile pour l'Angleterre. Mais un grand nombre d'amiraux et de
à faire bien son devoir, si bien que ses officiers virent qu'il tenait à arri- marins britanniques l'attendaient : avec Lord Charles Howard d'Effing-
ver. Il obtint de l'avancement et, pour finir, se trouva capitaine de deux ham, amiral en chef, il y avait là Frobisher et Davis, Walter Raleigh et
petits bateaux, l'un de soixante-dix et l'autre de trente tonneaux. Avec Francis Drake.
ces navires il partit pour combattre les Espagnols, qui étaient

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A vrai dire ils n'avaient que 67 bateaux à opposer aux 130 navires Son œuvre, et celle des autres grands capitaines qui servirent
des Espagnols, mais ils partirent tout de suite et, attaquant l'ennemi arec lui, acheva d'affirmer la suprématie de la marine anglaise, dont
avant qu'il fût vraiment prêt à combattre, ils le forcèrent à se retirer à Drake et les loups de mer de son temps avaient posé les fondements.
Dunkerque. Là les Espagnols se sentaient en sûreté; ils ne voulurent Les marines de nos ennemis furent complètement chassées des mers;
pas sortir jusqu'à ce qu'une nuit les Anglais envoyassent des brûlots qui les flottes de commerce ne purent continuer à naviguer que pour autant
les obligèrent à prendre la mer. Il s'ensuivit une terrible bataille navale que les pays restaient en paix avec la Grande-Bretagne.
dans laquelle Drake sur la Revanche eut le dessus. Le combat dura Cette suprématie a duré jusqu'à nos jours. Mais nous avons des
tout le jour, les canons tonnant et les navires coulant ou sautant. rivaux et c'est le devoir de beaucoup de nos jeunes garçons de devenir
A la fin, les Espagnols se retirèrent vers la mer du Nord dans la de bons marins comme leurs pères, si nous voulons maintenir la puis-
seule direction qui leur restât ouverte. Ils contournèrent l'Ecosse et l'Ir- sance que ceux-ci nous ont gagnée.
lande, endommagés par les projectiles et battus par la tempête si bien Cette puissance maritime nous a permis récemment de mettre fin
que pour finir, de cette magnifique flotte de 130 voiles partie pour à l'odieux commerce d'esclaves qui se faisait sur les côtes de l'Afrique.
conquérir l'Angleterre, il ne revint que 53 navires avec 9000 hommes Elle nous a permis de découvrir pour notre Empire des terres nouvelles
environ sur 30 000. « L'orgueil de l'Espagne mordit la poussière et du et d'apporter la civilisation aux extrémités du monde. Les entreprises de
coup l'Angleterre se plaça au premier rang des nations.» (Prothero.) notre flotte ont fait le succès de notre commerce dans le monde entier,
C'est une histoire du vieux temps, comme celle de Trafalgar où et assuré par là même la prospérité de notre peuple dans la mère-
nous luttions contre les Français, et comme nos luttes dans la Baltique patrie et dans les Dominions d'outre-mer.
contre les Danois et les Russes à la fois. Tout cela est passé et nous Le marin a une vie grandiose. Il visite sans cesse des pays étran-
sommes en excellents termes depuis lors. ges et curieux. Sur un bon navire à manœuvrer à travers des mers loin-
Ces durs combats nous ont appris à nous respecter mutuelle- taines, il est toujours en lutte avec les flots et les vents. Une vie libre et
ment. Et maintenant nous avons des Éclaireurs en grand nombre dans saine en plein air, engendrant la bonne humeur, l'adresse, l'audace, qui
tous ces pays, c'est une raison de plus pour être encore meilleurs amis font nos marins si justement chéris de tous. Et tout le temps, ils rendent
à l'avenir. à leur pays des services magnifiques.
Une fois de plus dans cette guerre qui nous a été imposée notre
NELSON puissance sur mer a sauvé le pays. Notre flotte a tenu la marine enne-
mie enfermée dans ses ports et toutes les fois que ses navires se sont
heurtés aux nôtres en dehors de ces abris, ils ont été détruits. Le résul-
Deux cents ans après Drake, Nelson. Il était fils d'un pasteur du
tat a été que nous avons pu transporter nos troupes et leurs approvi-
Norfolk, un pauvre petit garçon maladif. Il servit pour un temps dans la
sionnements par delà les mers dans toutes les directions à peu près
marine marchande. Son premier pas vers la gloire date du jour où le
sans être interrompus par l'ennemi. Même ses sous-marins sur les-
navire où il était s'empara d'un vaisseau ennemi. Le premier lieutenant
quels il comptait pour détruire notre flotte ont fait bien peu de chose; la
reçut l'ordre de prendre une chaloupe et quelques hommes pour aller
plupart du temps ils ont été capturés ou coulés par nos vaisseaux.
visiter la prise. La mer était mauvaise et l'officier abandonna l'entrepri-
se. Alors Nelson, en bon éclaireur, s'avança et offrit ses services. Il ré- Les Éclaireurs ont prêté à la marine une aide efficace. En prenant
ussit et fut dès lors noté comme un bon officier. Il n'est pas de garçon tout le long de nos rivages les fonctions de garde-côtes, ils ont permis à
qui ne sache comment, après une magnifique carrière de combats pour un grand contingent d'homme» de rejoindre la flotte et de s'embarquer.
l'Angleterre, il remporta pour finir la grande victoire navale de Trafalgar
sur les flottes française et espagnole, et comment il tomba mortellement
blessé à l'heure même de la victoire.

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NOS SAUVETEURS que l'on vous lance. II faut savoir faire un radeau avec ce que l'on a
sous la main : planches, poutres, tonneaux, sacs de paille, etc., car on
On parle beaucoup des héros de la vie journalière. Il n'y a proba- peut souvent avoir à traverser une rivière avec armes et bagages
blement pas de plus grands héros, ni d'« éclaireurs » plus authentiques
que les marins qui montent nos bateaux de sauvetage tout le long des et n'avoir pas de bateau à sa disposi-
côtes de la Grande-Bretagne. 11 leur faut être toujours prêts à partir, à tion, ou bien on peut se trouver dans un
naufrage avec des gens qui ne savent
tout instant, quand la tempête est à son comble, pour affronter le dan- pas que faire. Sachez lancer une bouée
ger et porter secours à autrui. Ils le font si souvent et si tranquillement à un homme qui se noie. Tout cela ne
que nous avons pris l'habitude de trouver ça tout naturel, mais ce n'en s'apprend que par l'exercice.
est pas moins splendide, ni moins digne de notre admiration. Un Eclaireur doit savoir pêcher, sinon
Je suis heureux qu'il y ait autant d'Éclaireurs pour s'enrôler dans vous pourrez vous trouver dans la dé-
les Éclaireurs marins ; en apprenant à manœuvrer un bateau ils se pré- tresse et peut-être mourir de faim, au
parent à faire leur devoir au service du pays comme matelots sur nos bord d'une rivière où il y aurait
navires de guerre, sur nos vaisseaux de commerce, ou comme sauve- amplement de quoi vous nourrir si vous saviez vous y prendre.
teurs le long de nos côtes.
Un bateau peut être un ciel ou un enfer. Tout dépend des gail-
lards qui s'y trouvent. S'ils sont hargneux, grognons et sales, ils seront EXERCICES. — Ramer et pagayer seul ou en équipe, gouverner,
une triste compagnie. Si, comme des Eclaireurs, ils sont décidés à voir aller à la voile, nager.
gaîment le bon côté de toute chose, à faire échange de bons procédés, Nouer et épisser des cordes.
à mettre autour d'eux de l'ordre et de la propreté, ce sera une joyeuse Construire, réparer, calfater, peindre un canot.
famille où on jouira de la vie. Principes de la machine à vapeur, de la grue hydraulique et de la
grue à vapeur.
Couper et coudre des voiles et des vêtements.
Sur l'eau Jeux

Il est très nécessaire qu'un Éclaireur sache nager. On ne sait ja- Une chasse à la baleine.
mais si on n'aura pas à traverser une rivière, à nager pour sauver sa
vie, ou à se jeter à l'eau pour empêcher quelqu'un de se noyer. Aussi La baleine est une large poutre de bois avec une tête et une
que ceux d'entre vous qui ne savent pas nager se mettent au plus tôt queue grossièrement figurées. Deux canots, portant chacun une pa-
en devoir d'apprendre. Ce n'est pas bien difficile. trouille, prennent habituellement part à la chasse. Le chef fait fonction
Un Éclaireur doit aussi savoir conduire un bateau, le faire aborder de capitaine, le second de harponneur, les autres rament.
proprement à un débarcadère. Vous devez savoir ramer en mesure Les deux canots ont chacun leur port d'attache distant d'un kilo-
avec toute une équipe, et aussi vous diriger tout seul avec une paire de mètre environ. L'arbitre place la baleine à égale distance des deux
rames et même avec une seule rame manœuvrée à l'arrière du bateau. ports, et à un signal donné les deux canots font force de rames pour
En ramant, retourner son aviron quand on l'a retiré de l'eau pour empê- rejoindre l'animal. Le premier harponneur qui arrive à portée lance son
cher que par sa résistance au vent il n'arrête la marche du canot. Vous arme et le bateau se retire en traînant après lui la baleine. Le second
devez savoir lancer un bout de corde de façon qu'il accroche un autre bateau se met à sa poursuite, harponne la bête à son tour et tente de
bateau ou un pilier de débarcadère, et aussi savoir attraper et assurer l'amener à son port à lui. Pour finir, les
une corde

66 67
plus forts emmènent la baleine, et parfois le bateau ennemi lui- même, qu'il devait venir à Mafeking et me la remettre en cadeau. Naturelle-
jusque chez eux. ment, quand il me la remit en me disant que c'était de la part d'un blanc,
On verra que la discipline, le silence absolu, une attention stricte je me doutai qu'il y avait quelque chose et je ne tardai pas à découvrir
aux ordres du capitaine sont les éléments essentiels du succès. Ce jeu cette lettre si importante.
montre, par-dessus tout, la valeur de la discipline. Une autre fois je reçus une lettre d'un ami, écrite en hindoustani
mais en caractères anglais, de sorte que quelqu'un qui aurait essayé de
lire cette lettre, aurait été très embarrassé de savoir en quelle langue
elle était écrite; pour moi, c'était clair comme le jour.
Quand nous envoyions des lettres de Mafeking, nous les remet-
tions à des indigènes qui réussissaient à se glisser entre les avant- pos-
tes des Boers; une fois qu'ils avaient traversé la ligne des sentinelles,
les Boers les prenaient pour leurs propres indigènes et ne s'occupaient
plus d'eux. Voici comment ils portaient ces lettres : elles étaient toutes
écrites sur du papier léger et enfermées dans de petites enveloppes;
environ une demi-douzaine de ces lettres étaient roulées et serrées
étroitement ensemble de façon à former une petite balle que l'on enve-
loppait ensuite dans du papier de plomb, semblable à celui qui sert à
emballer le thé. L'éclaireur indigène portait plusieurs de ces petites bal-
les à la main, d'autres suspendues par des ficelles à son cou. S'il se
Chasse à la baleine. voyait en danger d'être pris par un Boer, il laissait tomber ses balles sur
le sol où elles faisaient l'effet d'être autant de pierres; en regardant au-
Autres jeux navals : Exploration. Naufrage. Négriers. Contreban- tour de lui, il prenait deux ou trois points de repère qui lui permissent de
diers. retrouver la place exacte où ses lettres étaient tombées ; ensuite il
Visiter si possible un vaisseau de ligne, un transatlantique et des avançait hardiment jusqu'à ce qu'il fût accosté par le Boer, sachant bien
docks. que si celui-ci venait à le fouiller, il ne découvrirait rien qui fût de nature
à éveiller ses soupçons; il attendait ensuite un jour ou deux jusqu'à ce
SEPTIÈME BIVOUAC que tout danger fût écarté, et il revenait chercher ses lettres que, grâce
aux points de repère, il n'avait pas de peine à retrouver. Vous n'oubliez
SIGNAUX ET COMMANDEMENTS pas que ces points de repère sont des arbres, des monticules, des ro-
chers, etc., ne changeant pas de place; ils serviront de poteaux indica-
Les éclaireurs sont très habiles à faire passer secrètement des teurs à l'Éclaireur qui les aura observés et gravés dans sa mémoire.
informations d'un endroit à un autre, et à se faire des signaux. Si jamais
l'ennemi envahissait notre pays, de jeunes garçons exercés dans cet Signaux
art seraient de la plus grande utilité.
Avant le siège de Mafeking je reçus du Transvaal, d'un ami incon- Le capitaine John Smith a été le premier à se servir de signaux
nu, un message secret m'avertissant des projets des Boers contre cette pour transmettre des messages parlés; il y a de cela trois cents ans.
place et du nombre d'hommes, de chevaux et de canons qu'ils rassem-
blaient. Ce message était contenu dans une minuscule lettre roulée en
une boulette, placée dans un petit trou creusé dans une canne grossiè-
re, et fixée là par de la cire. On avait donné la canne à un indigène sans
rien lui dire d'autre sinon
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Il combattait alors avec les Autrichiens contre les Turcs. Il consi- soulevez la couverture en comptant : un, deux; remettez-la ensuite en
dérait que c'était une mauvaise action de la part des chrétiens, mais comptant jusqu'à huit, puis soulevez-la de nouveau en comptant deux
contre des païens, il serait venu à l'aide de n'importe quels chrétiens, et ainsi de suite.
même étrangers; c'est ainsi qu'il se joignit aux Autrichiens contre les Pour une longue bouffée, ôtez la couverture pendant six se-
Turcs. condes.
Il inventa un système de torches qui, disposées la nuit d'une cer- Signaux lumineux. — Des jets de flammes, longs ou courts, ont
taine façon, représentaient des mots déterminés. la même signification que les jets de fumée dont nous venons de parler.
Plusieurs officiers de l'armée autrichienne se servirent de ces si- Allumez votre feu avec du bois et des broussailles sèches de manière
gnaux et apprirent à les connaître. que votre flamme brille le plus possible.
Un de ces officiers fut un jour assailli par les Turcs. John Smith Deux Éclaireurs tiennent une couverture devant le feu, c'est-à-
vint à son secours avec une troupe et il arriva de nuit sur une colline dire entre le feu et ceux avec lesquels on veut communiquer, de façon
avoisinant la ville. Là il fit plusieurs signaux avec ses torches, l'officier que ceux-ci ne voient la flamme qu'au moment voulu. Vous laissez tom-
assiégé à l'intérieur de la ville put les déchiffrer et apprit ainsi ce qu'il ber la couverture en comptant deux pour les jets courts, six pour les jets
devait faire pendant que Smith attaquerait l'ennemi par derrière. Grâce longs, cachant le feu et comptant quatre entre les jets.
à cette manœuvre, l'ennemi fut obligé de se retirer. En Amérique, pendant la guerre civile, le capitaine Clowry, un offi-
On n'apprend pas en un jour à transmettre des signaux, mais il cier éclaireur, voulut prévenir un détachement important que l'ennemi
vaut la peine d'apprendre à le faire. C'est très amusant, bien sûr, de était sur le point de l'assaillir pendant la nuit; mais il lui était impossible
pouvoir comme ça parler avec son copain d'un côté à l'autre de la rue de rejoindre ses amis parce qu'il y avait entre eux et lui une rivière dé-
sans que les gens comprennent de quoi vous parlez, mais j'ai trouvé ça bordée qu'il ne pouvait traverser. La pluie faisait rage.
vraiment utile en plus d'une occasion pour communiquer avec un ami Qu'eussiez-vous fait à sa place?
dans des pays déserts; un jour nous étions sur deux montagnes diffé- Il eut une bonne idée. S'emparant d'une vieille locomotive qui se
rentes, une autre fois des deux côtés d'un grand fleuve et il y avait des trouvait là, il alluma le feu et actionna la vapeur ; il se mit ensuite à faire
nouvelles importantes à passer. jouer le sifflet, à coups tantôt rapides et tantôt prolongés, ce qu'on ap-
pelle l'alphabet Morse. Bientôt ses amis l'entendirent, comprirent et ré-
Feux pondirent avec une trompette. Il épela ensuite un message d'avertisse-
ment qu'ils déchiffrèrent et d'après lequel ils se dirigèrent. Ces 2000
Les Éclaireurs de tous pays se servent de feux en guise de si- hommes évitèrent ainsi d'être faits prisonniers par surprise.
gnaux; ils s'arrangent à les faire fumer le jour et flamber la nuit. Dans son livre Du Niger au Nil, le lieutenant Boyd-Alexander ra-
Signaux de fumée. — Trois grandes bouffées se succédant lente- conte comment une tribu indigène de l'Afrique centrale communiquait
ment signifient : « Continuez. » Une colonne de fumée ininterrompue avec une autre au moyen de battements de tambour. Et j'ai connu des
veut dire: «Halte.» De petites bouffées alternant avec des grandes si- peuplades dans les forêts de la côte occidentale de l'Afrique qui en font
gnifient : « Danger. » autant.
Pour faire fumer votre feu, allumez-le comme d'habitude, et, dès Tous les Éclaireurs devraient apprendre l'alphabet Morse. II est
qu'il aura bien pris, mettez des feuilles vertes, de l'herbe ou du foin hu- fort utile chaque fois que, sur terre ou sur eau, on veut envoyer des
mide, pour le faire fumer. messages par le moyen de drapeaux, et il pourra vous servir aussi à
trouver un emploi de télégraphiste. 11 n'est pas difficile à apprendre si
Couvrez le feu avec une couverture mouillée, enlevez-la pour fai-
l'on s'y met avec de la volonté. Je l'ai trouvé précieux
re monter une bouffée de fumée, puis remettez-la sur le feu. La bouffée
sera plus ou moins grande suivant que vous enlèverez plus ou moins
longtemps la couverture. Pour une courte bouffée,

70 71
ments suivants qu'ils enseigneront à leur patrouille, de façon à pouvoir Lever la main ou le fanion à bras tendu et l'agiter lentement de
la diriger convenablement : droite et de gauche, ou bien siffler une suite de coups lents, signifie : «
« A vos places ! » Plus loin »>, « Dispersez-vous ».
« Toujours prêts ! » (tenez-vous bien droits). Lever la main ou le drapeau et l'agiter rapidement, ou bien siffler
« Repos ! » une suite de coups brefs et rapides, signifie : « Rentrez », « Venez ici
« Assis » (sans quitter le rang). ».
« Rompez les rangs. » La main ou le drapeau pointant dans une direction signifie : « Al-
« A droite » (chaque Éclaireur fait un quart de tour de ce côté-là). lez là ».
« Patrouille à droite » (la patrouille entière tourne de ce côté-là,
Ouvrir ou fermer la main, ou mouvoir rapidement le drapeau de
les Éclaireurs restant en rang).
haut en bas plusieurs fois de suite signifie : « Courez ».
« Pas accéléré » (on part du pied gauche).
« Pas gymnastique. » La main ou le drapeau tenu droit au-dessus de la tête signifie : «
« Pas d'Éclaireur » (marcher et courir vingt pas alternativement). Halte », « Arrêtez ».
Quand un chef crie un ordre ou un message à un Éclaireur qui se
Signaux trouve à distance, celui-ci, tant qu'il entend ce qu'on lui dit, tient sa main
à la hauteur de sa tête. S'il n'entend pas, il s'arrête sans faire de signe.
Quand un chef veut rassembler sa troupe, il fait sonner à son clai- Le chef répétera alors à voix plus haute, ou demandera à l'Éclai-
ron l'appel de l'Éclaireur1. reur de venir plus près.
Les chefs de patrouille rassemblent leurs hommes par un coup Convenez vous-même de signaux pour les autres commande-
de sifflet suivi du cri de guerre (celui de l'animal de la patrouille). Puis, ments que vous aurez à donner à votre patrouille.
au pas gymnastique, ils conduisent leur patrouille à l'instructeur.
Voici les signaux par sifflets : Exercices de signaleurs
Un coup prolongé : « Attention », « Silence », « Toujours prêts ».
Une succession de coups lents et prolongés : «Partez », « Allez Exercez-vous à dresser et à allumer des feux, et à employer les
plus loin» ou «Avancez», «Etendez la ligne », « Dispersez-vous ». signaux de fumée et de flamme.
Une succession de coups brefs et rapides: «Rassemblez- vous »,
Exercez les signaux par sifflets, et les signaux de manœuvre.
« A vos places ».
Une suite alternée de coups brefs et prolongés : « Alarme », « Enseignez l'alphabet Morse, et celui des sémaphores et si possi-
Prenez garde ! » ble l'espéranto.
Trois coups brefs suivis d'un coup prolongé sont le signal du chef Organisez des concours pour rendre vos garçons ingénieux à ca-
pour rassembler les chefs de patrouille. cher des messages sur leur personne.
Tous les ordres donnés par sifflet doivent être exécutés instanta-
nément au pas gymnastique, en courant aussi vite que possible, sans POUR LES CHEFS
égard à ce que l'on était en train de faire.
Signaux à main. — Les chefs de patrouille peuvent les faire aussi II faut, autant que possible, faire en sorte que tous prennent part
avec leurs fanions en cas de besoin. aux jeux et aux concours. Il ne s'agit pas de former un ou deux virtuo-
Agiter la main plusieurs fois à droite et à gauche, ou le fanion à ses, mais de mettre chacun de nos hommes à même de se rendre uti-
hauteur de visage, veut dire : « Non », « Peu importe », « Annulez ». le. Il faut donc les exercer tous, et les amener tous à des résultats sa-
tisfaisants. Dans les concours où l'on est assez nombreux pour procé-
der par groupes, mettez en présence les perdants, et non les gagnants
1
L'usage du clairon n'est pas autorisé dans les troupes françaises. N. d. T comme on fait d'ordinaire, et cherchez qui est le plus faible et non

74 75
qui est le plus fort. Les bons feront autant d'efforts qu'autrement, et cet- Ensuite, à l'aide d'une bonne carte ou autrement, voyez à quelle
te forme de concours a l'avantage de donner aux moins habiles le distance il est allé et dans quelle direction.
maximum d'exercice. Envoyez les Éclaireurs deux à deux, un groupe en compétition
avec l'autre. Ils partent par deux chemins différents pour gagner le mê-
Le porteur de dépêches. me point en trouvant leur route d'après la carte; il s'agit d'atteindre le
but sans être vu par ses concurrents. Cet exercice développe le coup
d'œil et apprend à lire la carte comme aussi à se dissimuler, à se tenir
On donne à un Éclaireur une dépêche qu'il doit porter au quartier
sur le qui-vive, etc.
général d'une ville assiégée (ce peut être une vraie ville, un village, une
ferme, une maison) ; il doit en revenir et rapporter un reçu. Il porte épin- Pour l'estimation du temps, envoyez les Éclaireurs dans diverses
glé sur l'épaule un chiffon de couleur de 50 cm. Son point de départ doit directions, chacun ayant en main un ordre écrit qui lui dit au bout de
être à 5 kilomètres au moins de la ville où il doit se rendre. Les assié- combien de temps il doit revenir : sept minutes, dix minutes, etc. Notez
geants qui l'épient peuvent se placer où ils veulent mais il ne leur est le moment exact de leur départ et de leur retour. Les Éclaireurs s'enga-
pas permis d'approcher du quartier général, dont ils doivent se tenir geront sur leur honneur à ne consulter ni montre ni horloge, etc. Beau-
toujours à 300 mètres au moins. (Il y a avantage à fixer des limites que coup de ces jeux et exercices peuvent se faire aussi bien en ville qu'à
chacun connaisse, ou aperçoive facilement.) Tous ceux que l'arbitre la campagne.
trouverait à l'intérieur de ces limites seront réputés tués par les gens du Course d’Éclaireurs. — Le chef poste à des distances de 300 à
quartier général et exclus du jeu. Le porteur de dépêche peut user de 1200 mètres trois hommes ou trois groupes, chacun se distinguant si
toutes les ruses qu'il veut, sauf de se déguiser en femme, mais il doit possible des autres par son costume, et tenant en main un objet diffé-
toujours porter son chiffon rouge sur l'épaule. Pour l'attraper, l'ennemi rent : canne, valise, journal, etc. S'il y a d'autres gens par là, on fera
doit lui enlever son chiffon. On lui donne dix heures pour porter son prendre à ces hommes une position caractéristique qui permette de les
message au quartier général et revenir avec son reçu à son point de distinguer des passants : ils mettront, par exemple, un genou en terre.
départ. L'ennemi gagne trois points s'il le découvre, et perd trois points Le chef marque alors un parcours circulaire passant par trois points dé-
si l'autre réussit. On peut jouer un jeu du même genre en ville, mais en terminés, et exigeant si possible quelques sauts par-dessus des obsta-
le modifiant pour tenir compte des circonstances. cles. Les concurrents partent en courant vers le n° 1. Là un arbitre leur
indique vers quel point de l'horizon ils doivent se diriger pour trouver le
groupe d'individus sur lequel ils auront à faire rapport. Il s'agit d'indiquer
Le raid
par écrit :
1- Combien il y a d'hommes dans chaque groupe;
Faites un raid à travers l'Afrique centrale, chaque Éclaireur por-
2- Comment ils sont vêtus ou à quoi on les reconnaît;
tant sur sa tête ses vêtements et sa nourriture en un ballot. Marchez en
file indienne avec un Éclaireur à 200 mètres en tête, frayez-vous un 3- Où ils sont par rapport à un point de repère donné;
chemin, le chef vous indiquant la route à suivre au moyen des signes 4- De quelle distance on les a vus.
d'Éclaireurs. Faites un pont sur les ruisseaux, un radeau sur les L'Éclaireur court ensuite au point suivant et répète le même exer-
étangs ; une chaussée de fascines dans les terrains marécageux, lais- cice pour le second groupe, puis pour le troisième.
sez des traces ou des indications écrites pour ceux qui viendraient Pour finir il court avec son rapport au poteau d'arrivée.
après vous, de jour ou de nuit. On compte cinq points pour chaque description correcte et com-
Afin d'apprendre à vos Éclaireurs à évaluer le temps et la distan- plète, le maximum est donc de 15. On soustrait un point par dix se-
ce, envoyez-les chacun dans une direction différente avec cet ordre : condes de retard sur le premier rapport apporté au poteau d'arrivée. On
Marchez trois kilomètres vers le nord-est. Faites un rapport décrivant soustrait des points ou des demi-points pour le» erreurs et les omis-
exactement l'endroit où vous êtes (si possible avec un croquis topogra- sions.
phique) et rapportez-le aussitôt que possible.

76 77
bonne et une mauvaise manière de le faire ; un Éclaireur doit connaître
la bonne.
Il peut arriver souvent que des vies humaines dépendent d'un
nœud bien ou mal fait.
Le nœud bien fait est celui qui résistera sûrement à n'importe quel
effort et que vous pourrez facilement défaire si vous le désirez.
Un mauvais nœud, c'est celui qui lâche à la première secousse
un peu rude, ou qui s'embrouille de telle façon que vous ne pouvez plus
le défaire.
Vous trouverez ci-après des modèles des nœuds que tout Eclai-
reur doit connaître.
La meilleure façon d'apprendre à faire ces nœuds, c'est de trou-
ver un camarade qui vous les montre. Il faut les pratiquer beaucoup
pour ne pas les oublier. Servez-vous de vrais bouts de cordes et non
CHAPITRE III pas de petites ficelles ou de lacets de souliers.

AU CAMP

HUITIÈME BIVOUAC

PIONNIERS
1. Pour attacher deux cordes 2. Pour attacher ensemble deux
ensemble. Comme c'est un bouts de cordes. Faites la boucle
Les pionniers sont des hommes qui vont ouvrir un chemin dans la
nœud plat, on s'en sert beau- AB avec une corde, passez le
jungle ou ailleurs pour ceux qui viendront après eux. coup dans les ambulances.
Quand j'étais soldat sur la côte occidentale d'Afrique, j'avais à bout de corde C à travers et au-
C'est le meilleur et le plus sim- tour de toute la boucle, puis pas-
commander une grande troupe d'éclaireurs indigènes, et, comme tous ple, car il est solide et se défait sez-le sous sa partie fixe.
les éclaireurs, nous essayions par tous les moyens de nous rendre uti- facilement.
les au gros de l'armée qui venait après nous. Ainsi nous ne nous
contentions pas de guetter l'ennemi et de surveiller ses mouvements,
mais nous faisions notre possible pour améliorer la route qui devait ser-
vir à notre armée et qui n'était qu'un étroit passage à travers d'épaisses
broussailles et des fourrés. Nous faisions ainsi œuvre de pionniers en
même temps que d'éclaireurs. Au cours de notre marche nous construi-
sîmes près de deux cents ponts avec des troncs d'arbres. Mais quand
je commençai à confier à mes éclaireurs cette tâche importante, je
m'aperçus que, de mes mille hommes, un grand nombre rie savaient 3. Demi-nœud obtenu en passant 4. Sert ù raccourcir une corde.
pas se servir de la hache pour couper les arbres; à part une compagnie un bout de corde autour de la partie Repliez-la, suivant la longueur
d'environ 60 hommes, aucun ne savait faire les nœuds, pas même de fixe et derrière lui-même. Si l'on a dont vous désirez la raccourcir,
mauvais nœuds. Ils étaient tout à fait inaptes à bâtir des ponts puis qu'il ramassé le bout libre de façon à tour- comme dans le dessin du haut.
s'agissait d'attacher ensemble des perches. ner une boucle, le nœud se détache Puis, avec les deux parties A et B,
facilement. Il faut deux de ces demi- faites un demi-nœud autour de
Tout Eclaireur doit savoir faire des nœuds.
nœuds pour faire un nœud sûr. chacune des extrémités.
Faire un nœud semble une chose facile, et pourtant il y a une
78 79
Alors coupez votre ficelle B 4 5 cm. environ de la boucle, et tirez sur
l'autre extrémité A de la ficelle. Cela aura pour effet de tirer la boucle, et
du même coup l'extrémité libre B, à l'intérieur de votre ficelle enroulée.
Coupez les deux bouts A et B tout près de la ficelle enroulée. En
enroulant votre ficelle autour de la corde, n'oubliez pas de serrer.
5. Une boucle qui ne coulera pas, 6. Pour attacher une corde à un
pour attacher quelqu'un que l'on veut pieu. Les deux extrémités suppor- Nous n'avions pas de cordes avec nous, en Afrique; aussi devions
descendre d'une maison, etc. Faites teront d’être tirées sans glisser ni -nous utiliser les lianes grimpantes, ou encore des osiers minces que
une boucle, puis, dans la partie fixe en hauteur ni en largeur. nous rendions encore plus souples et flexibles en tenant une de leurs
de la corde, une seconde plus petite.
A travers cette dernière, enfilez l'ex-
extrémités sous notre pied tandis que nous tordions et retordions l'autre
trémité de la grande de façon qu’elle avec la main. Ce qui remplace le mieux l'osier, c'est le saule ou le
passe aussi derrière la partie fixe.
noisetier. On s'en sert pour lier des fagots
de bois. Vous ne pourrez pas faire avec
cela toutes les espèces de nœuds, com-
me avec de la ficelle, mais on peut, en
général, s'en servir pour lier les poutres
7. Nœud de pêcheur. Pour atta- 8. Fait de la même manière que et pour des boucles comme celle-ci :
cher deux ficelles ou deux cordes la nœud de pêcheur. Cette boucle
de dimensions différentes.— Un ne glisse plus une fois que les Construction de huttes
nœud facile à faire et facile à défai- nœuds sont serrés: on peut s’en
re: il n’y a qu’à tirer les deux bouts servir sans crainte, comme d’une Pour camper confortablement, un Éclaireurs doit savoir se cons-
en les écartant. poignée. truire un abri pour la nuit, ou une hutte, si son campement doit se pro-
longer.
Pour empêcher qu'une corde ne se défasse et ne s'effiloche, il Cette construction variera naturellement d'après les circonstan-
vous faut en arrêter le bout. Vous y arriverez en l'entourant de plusieurs ces, le climat, la saison, etc.
tours d'une ficelle dont vous aurez soin de dissimuler les extrémités. 11
y a plusieurs manières de faire; mon dessin vous en montre une facile
et suffisante.

Faites une boucle avec votre ficelle et pla-


cez-la le long du bout de la corde. Prenez
l'extrémité libre B de la ficelle et entourez-
en la corde à 3 cm. du bout de la corde
environ. Continuez i enrouler la ficelle B
autour du bout de la corde et de la boucle.
Quand vous serez arrivé à peu près 1/2
cm. du bout de la corde, glissez l'extrémité
libre B à travers la boucle de ficelle qui est
appliquée contre la corde CANEVAS D'UN ABRI
A recouvrir de feuillage ou d'herbe. Un second pan de toit
de l'autre côté du faîte fera une hutte.
80 81
En faisant votre toit avec des branches de sapin, de l'herbe ou N'oubliez jamais de creuser un bon fossé d'écoulement tout autour de
des roseaux, etc., arrangez-les comme vous feriez des tuiles ou des votre abri, de peur que le sol n'en soit inondé par l'eau venant du de-
ardoises en commençant par le bas, de manière que celles du haut dé- hors en cas de forte averse.
bordent sur celles du bas, et qu'ainsi la pluie ne puisse traverser. Les Zoulous font leurs huttes en plantant dans le sol toute une
Observez la direction habituelle du vent, et construisez votre abri couronne de longues baguettes, puis en repliant les extrémités vers le
de façon qu'il regarde dans la direction opposée, le feu devant vous. centre et en les attachant ensemble. Ensuite ils tressent d'autres ba-
Le moyen le plus simple de construire un abri, c'est de planter guettes horizontales dans les premières, jusqu'à ce qu'ils aient fait une
solidement deux bâtons fourchus et d'y faire reposer une traverse en sorte de cage circulaire qu'ils couvrent avec une natte de paille ou de
guise de faîte. On appuie ensuite contre elle d'autres perches ou des chaume, ou avec de la paille tissée dans les baguettes. On laisse par-
brassées de branchages et on couvre ce toit avec de 1 herbe. fois un petit trou au sommet en guise de cheminée.
Une autre manière de faire, plus rapide, consiste à prendre une Les Peaux-Rouges attachent plusieurs perches ensemble en for-
seule perche et à l'appuyer contre un arbre en l'y attachant, puis à faire me de pyramide, et par-dessus ils passent une pièce de chanvre.
un toit de branches feuillues ou de rameaux de sapin.
Dans les pays comme l'Afrique du Sud, où l'on n a pas de per- L'art du bûcheron
ches à sa disposition, on peut faire un mur de foin ou de broussailles en
forme de demi-cercle de façon à se garer du vent froid, et allumer son Un Éclaireur doit savoir se servir d'une hache pour abattre de pe-
feu dans la partie ouverte. tits arbres et couper des branches.
Si le soleil rend votre tente ou hutte trop chaude, mettez une Pour abattre un arbre, il faut d'abord l'entailler au pied du
tronc du côté où l'on désire qu'il
tombe, puis passer de l'autre côté
et frapper un peu au-dessus de
la première entaille jusqu'à ce
que l'arbre culbute. Avec de
l'exercice on devient bûcheron,
mais, il faut d'abord prendre bien
garde de ne pas s'entailler le pied
en voulant entailler l'arbre.

L'art du pontonnier

Comme je l'ai dit déjà, mes éclaireurs


pionniers eurent à construire
environ deux cents ponts dans le
pays des Achantis, et il fallut pour cela se servir des matériaux
Une hutte facile à faire. qu'ils avaient sous la main.
Il y a bien des manières de faire un pont. Au service, on le fait
couverture ou plus de paille, etc., sur le sommet. Plus le toit est épais, généralement en assemblant des perches.
plus la tente est fraîche en été. Si elle est trop froide, épaississez le bas Aux Indes, dans l'Himalaya, les indigènes font des ponts avec
des parois, ou construisez avec des mottes de terre, un petit mur d'un trois cordes tendues au travers de la rivière et reliées de quelques mè-
pied de haut autour des parois de la hutte, en dehors. tres en quelques mètres par des bâtons en forme de V; une des cordes
fait fonction de chemin et les deux autres de balustrades

82 83
à droite et à gauche. Ça danse bien un peu, mais on passe tout de mê- JEU. — Vivres. Nommez au moins douze espèces d'aliments sauvages
me, et ce n'est pas difficile à faire. que vous sauriez trouver, à supposer que vous n'eussiez à votre dispo-
sition ni boucher, ni boulanger, ni épicier, ni marchand de légumes.
N. B. Un brochet et une perche ne comptent pas comme deux
espèces de vivres pour ce jeu.
CONCOURS DE FEUX. — Rassembler ce qu'il faut, le disposer, l'al-
lumer jusqu'à ce que flambe la bûche donnée à chacun par l'arbitre.

Pont de cordes.

La façon la plus simple de faire un pont sur un torrent étroit et pro-


fond, consiste à abattre un ou deux arbres qui croissent sur la rive de Tente pour une patrouille. Quatre carrés forment la tente,
deux, le revêtement du sol.
façon qu'ils tombent en travers du ruisseau. Équarrissez le dessus à
l'erminette, mettez une balustrade, et vous avez un pont excellent.
On peut se servir aussi de radeaux. Construisez votre radeau le COMMENT FAIRE UNE TENTE
long de la rivière : dans l'eau si elle n'est pas profonde, sur la berge
dans le cas contraire. Une fois qu'il est terminé, vous tenez ferme le COMMENT FAIRE UNE CORDE. — Chaque Éclaireur
bout qui se trouve en aval, vous poussez à l'eau l'autre extrémité et prend son mouchoir et en noue solidement les deux bouts.
vous laissez le courant l'entraîner en travers de la rivière et transformer Puis on rattache toutes ces boucles les unes aux autres.
votre radeau en pont. Cela fera fonction de corde ou d'échelle.

Constructions Pour faire un bateau

Comment faire une tente. — Avec de la toile à voile et des bâ- Prenez deux planches A et B de 3 m. 60 de long, 55
tons d'Éclaireurs. cm. de large, 2 cm. d'épaisseur. Coupez-les comme le mon-
Pour faire une échelle avec une perche. — Attachez fortement tre la fig. 1. (p. 86).
des bâtons, ou des paquets de broussailles ou de paille en travers de la Clouez entre elles une planche C pour les maintenir
perche, à intervalles réguliers en guise d'échelons. On peut obtenir la en position, et une autre pareille au-dessous.
perche elle-même en attachant ensemble plusieurs bâtons d'Éclaireurs. Coupez un solide bloc de bois D qui formera la pointe et une
N. B. Avant de fabriquer quoi que ce soit, une tente, un bateau, planche d'arrière d'environ 69 cm. de long et 25 cm. de large.
etc., à l'échelle, il est presque toujours préférable de faire d'abord un Joignez les deux pointes de A et de B en les vissant dans le bloc
modèle de dimensions réduites : 5 cm. du modèle représentant, par D.
exemple, 1 mètre de l'objet réel.

84 85
Joignez les deux autres bouts en les vissant aux deux extrémités Faites tenir de chaque côté du bateau deux fortes chevilles de
de la planche d'arrière, et renforcez le tout en vissant le banc d'arrière bois pour y attacher les rames. Faites sauter votre planche C, et votre
(E) à la fois aux deux bords et à la planche d'arrière. bateau est prêt.
Retournez votre bateau et vissez les planches FF qui formeront le
fond. Calfatez les joints en y introduisant de l'étoupe avec un Mesures

Chaque pionnier doit connaître exactement sa mesure. Je donne


ici les chiffres pour un adulte moyen.
Phalangette du médius ou largeur du pouce : 2 '/a cm.
Empan du pouce et du médius : 20 cm.
Empan du pouce et du petit doigt : 22 '/2 cm.
Du poignet au coude : 28 cm. (Ceci vous donne aussi la longueur
de votre pied.)
Coudée : du haut du médius à l'os du coude : 47 cm.
De la rotule du genou au sol : 50 cm.
Bras étendus : du bout des doigts au bout des doigts, c'est à peu
près votre hauteur.
Le pouls bat environ 75 fois par minute; chaque pulsation dure
donc un peu moins d'une seconde.
Un pas est d'à peu près 80 cm.; 125 pas font 100 mètres.
Un pas rapide est plus court que celui que l'on fait en marchant
lentement.
En marchant bien, on fait un kilomètre en dix minutes, soit à peu
près six kilomètres à l'heure.

Estimation des hauteurs et des distances

Tout Éclaireur doit être capable d'estimer une distance depuis 10


cm. à 1 km. et plus. Si vous avez bien en tête vos propres mesures,
cela vous aidera beaucoup à mesurer les objets. Il est utile aussi de
faire des encoches dans son bâton: 10 cm., 50 cm., 1 mètre. Vous pou-
vez prendre un mètre gradué pour les faire et elles vous rendront de
grands services.
Evaluer correctement la distance où un objet se trouve de vous
est affaire de pratique. Quant aux espaces parcourus, on les évalue
COMMENT FAIRE UN BATEAU généralement d'après le temps que l'on a marché et l'allure que l'on
avait. Si vous marchiez à 6 kilomètres à l'heure et que vous ayez mar-
ciseau émoussé et un marteau et enduisez-les de poix, si cela est né- ché une heure et demie, vous devez avoir fait à peu près 9 kilomètres.
cessaire, pour que le bateau tienne l'eau. Voyez où vous voulez mettre Le son peut servir à mesurer la distance. Si on tire du canon de-
les bancs GG et clouez aux côtés du bateau des bouts de planche à 15 vant vous, comptez combien de secondes se passent entre l'instant où
ou 20 cm. du fond; ce seront les supports de vos bancs. Appuyez ceux- vous voyez le feu et celui où vous entendez la détonation.
ci sur ces listes et vissez-les aux bords.

86 87
cela vous permettra de juger de la distance où vous êtes du canon : car Estimation des distances. — Prenez une patrouille et postez-en
le son parcourt 330 mètres par seconde. les membres dans diverses directions de façon qu'ils se détachent sur
Un Éclaireur doit pouvoir estimer des hauteurs, depuis quelques des fonds différents d'après la couleur de leurs vêtements. Puis prenez
décimètres jusqu'à 1000 mètres ou plus. une seconde patrouille et faites-lui estimer ces distances.
Il faut qu'il puisse juger de la profondeur d'un fossé, de la hauteur Deux concurrents sont envoyés successivement à trois différents
d'une palissade, d'un quai, d'une maison, d'un arbre, d'une tour, d'une points. Au premier on lui donne simplement, d'après la boussole, la di-
colline, d'une montagne. C'est facile quand on s'y est un peu exercé, rection du second distant de 250 mètres environ, et ainsi de suite. De
mais c'est difficile à enseigner dans un livre. chaque endroit les Éclaireurs notent en regardant les ennemis : 1°
Il faut aussi savoir estimer des poids, depuis une lettre de 20 combien ils en voient, 2° à quelle distance, 3° dans quelle direction
grammes, une livre de poisson ou de pommes de terre, jusqu'à un sac d'après la boussole, 4° comment ils sont vêtus. Le vainqueur est celui
de son et à un wagon de charbon, et juger du poids probable d'un hom- qui a le mieux répondu, à condition que ses réponses aient été don-
me d'après son apparence. Tout cela, sans doute, ne s'apprend que nées dans le laps de temps fixé. On permettra une minute d'observa-
par la pratique, mais en bon Éclaireur, vous devriez veiller à l'appren- tion à chaque point et une demi- minute pour courir de l'un à l'autre.
dre.
Il faut aussi savoir juger des nombres, être capable au premier Un Éclaireur est toujours adroit de ses mains
coup d'œil de dire d'une façon approximative combien il y a de gens
dans un groupe déterminé, dans un omnibus, dans une foule, combien Les pionniers savent toujours plusieurs métiers. Dans l'armée, en
de moutons dans un troupeau, combien de billes sur un plateau On temps de guerre, le corps des pionniers est chargé de construire les
peut s'exercer à cela en tout temps, dans la rue ou en pleins champs. routes et les ponts sur lesquels les troupes passeront et de détruire
Dans l'armée allemande les règles que l'on donne pour juger des ceux de l'ennemi pour lui couper la retraite. Ils font sauter les fortifica-
distances sont les suivantes : tions pour que le reste de l'armée puisse s'y précipiter, etc. En temps
A 50 mètres, on voit clairement la bouche et les yeux d'un hom- de paix, les pionniers font en caserne toutes sortes de besognes utiles :
me. A 100 mètres les yeux paraissent des points. A 200 mètres on voit ils sont charpentiers, plombiers, ou peintres, font de la maçonnerie ou
encore les boutons et le détail de l'habillement. A 300 mètres on distin- de la serrurerie, fabriquent des chaises, des tables, des armoires, etc.
gue encore le visage. A 400 mètres on voit les jambes se mouvoir. A Les Éclaireurs doivent donc, s'ils veulent être de bons pionniers, ap-
500 mètres on peut reconnaître la couleur de l'uniforme. prendre aussi ces métiers-là. Ils en auront toujours l'emploi plus tard.
Pour des distances supérieures, demandez-vous quel point est à Ils doivent aussi savoir raccommoder, et même faire leurs vête-
la moitié du chemin entre vous et l'objet, estimez-en la distance et dou- ments et leurs chaussures : on ne trouve ni tailleur, ni savetier dans la
blez-la. Ou bien cherchez la distance maximum à laquelle l'objet pour- jungle. Je me suis fait des bottes et des bottines avec toutes sortes de
rait être et la distance minimum, et prenez la moyenne. matériaux, mais j'ai souvent regretté de n'avoir pas appris d'un cordon-
Les objets paraissent plus proches qu'ils ne le sont en réalité : nier quelque chose de l'art du ressemelage.
quand il y a beaucoup de lumière donnant sur eux, quand on en est sé-
paré par une étendue d'eau ou de neige, quand ils sont au-dessus ou POUR LES CHEFS
au-dessous de nous. Les objets paraissent plus éloignés qu'ils ne le
sont : quand ils se trouvent à l'ombre, ou au delà d'une vallée, quand le Organisez un cours de menuiserie, l’électricité ou de mécanique
fond est de la même couleur, quand l'observateur est agenouillé ou élémentaire pour enseigner à vos jeunes gais des métiers qui puissent
couché; quand il y a sur le sol une brume de chaleur. leur être vraiment utiles dans la vie. Si vous n'en savez pas assez

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vous-même, trouvez un ami qui vienne pendant quelques soirs leur
donner les explications nécessaires en apportant des modèles.
Obtenez pour vos Eclaireurs la permission de visiter une fabrique
et d'y étudier les machines.
Enseignez à vos scouts à débiter du bois. En faisant avec de
vieilles caisses du bois à brûler qu'ils lieront en petits cercles, ils peu-
vent se créer des ressources pour leur caisse commune.
Enseignez-leur à faire des jouets mécaniques en bois. Achetez
pour cela quelques modèles bon marché. Cela apprendra à vos gar-
çons les éléments de la mécanique et les rendra habiles à manier des
outils.

ACTIVITÉS

Il faut s'exercer à faire des nœuds en organisant des concours de


vitesse, les perdants recommençant avec les perdants, jusqu'à ce
qu'on trouve celui qui est le plus lent. J'ai déjà attiré l'attention sur les
avantages de cette manière de faire qui donne aux plus faibles le maxi-
mum d'exercice.
Ces concours de vitesse peuvent se faire aussi dans l'obscurité,
le chef éteint la lumière en désignant le nœud à faire, ou bien il bande toutes les peines. Il a ses trucs, comme le gamin de notre dessin
les yeux aux concurrents. qui devait faire jouer un marteau de porte auquel sa petite taille ne lui
Faites des claies : plantez une lignée de piquets et tressez des permettait pas d'atteindre.
osiers de l'un à l'autre.
Faites des modèles de ponts avec des bâtons d’Éclaireurs, des
cordes et des planches prises à de vieilles caisses. Emplacement

NEUVIÈME BIVOUAC Demandez-vous d'abord où vous voulez mettre votre camp et


quelle espèce de camp vous voulez faire.
CAMPEMENTS Plus il sera près de chez vous, moins le voyage vous coûtera.
A mon avis, le meilleur emplacement pour un camp c'est un bois,
Le confort d'un camp ou la lisière d'une forêt où vous ayez la permission de couper du bois à
brûler et de bâtir des huttes. Aussi, si vous connaissez non loin de chez
Il y a des gens qui parlent de la « rude vie o des camps. Ce sont vous un propriétaire de bois disposé à vous accorder cette permission,
généralement des novices qui parlent ainsi, un vétéran sait s'arranger vous avez votre affaire. Une forêt est parfois humide, prenez-y garde.
et a mille trucs pour se faire la vie douce. Si vous bâtissez de bonnes huttes, abritant de la pluie, vous n'avez pas
Par exemple s'il n'a pas de tente, il ne restera pas là à grelotter besoin de tentes.
en maugréant, il se mettra tout de suite à se bâtir un abri ou une hutte. Le bord d'un lac aussi est un fameux emplacement pour un camp,
11 choisit pour cela un emplacement qui ne risque pas d'être inondé en si vous trouvez un endroit où l'on puisse se baigner et amarrer des ba-
cas d'averse; puis il allume un feu et se fait une couche confortable teaux. On vous permettra peut-être de vous établir dans une grande
avec des fougères ou de la paille. Un vieil Éclaireur est plein de res- barque dont on ne se sert pas.
sources : il sait se tirer de tous les embarras et de N'oubliez jamais qu'il vous faut de bonne eau et du bois à brûler.

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Vous pouvez planter votre tente à la montagne dans les pâtura- Quand elles sont munies de doubles toits, elles sont tout à fait imper-
ges, ou bien sur les bords d'une rivière. Mais en choisissant le site, méables, même si vous les touchez à l'intérieur; les doubles toits main-
pensez aux jours de pluie, et jetez votre dévolu sur un endroit aussi sec tiennent la tente fraîche sous le soleil et chaude par les temps froids.
et aussi abrité que possible, avec de l'eau potable à proximité. Rappe-
lez-vous que l'eau est la première chose à prendre en considération.
Assurez-vous que l'eau que vous boirez est pure; vous n'aurez pas en-
vie de la transporter à grande distance.

Camps volants

Bien des Eclaireurs préfèrent un camp volant à un camp fixe.


Bien sûr, c'est beaucoup plus amusant de voir toujours du neuf,
mais pour un camp mobile il faut le beau temps.
Pour arranger votre tour, choisissez d'abord le coin de pays que
vous voulez visiter, et marquez sur la carte les endroits où vous serez
pour les nuits. Vous verrez que vous ne ferez guère plus de sept kilo-
mètres par jour.
Faites-vous une charrette à bagages pour vos tentes et vos cou-
vertures et des bâches imperméables. Vers la fin du jour vous deman- Si vos finances vous interdisent de penser à une de ces tentes-là,
derez à un fermier la permission de planter votre tente dans son domai- les tentes marabout ont ceci de commode qu'on peut en louer à peu
ne ou de dormir dans sa grange si le temps est humide. près partout pour quelques francs par semaine.
Les petites tentes d'Éclaireurs sont excellentes aussi pour un
Croisières camp, si vous pouvez en avoir deux par patrouille. Vous pouvez aussi
vous faire vous-mêmes vos tentes pendant les mois d'hiver, et c'est
Une autre façon de camper qui a beaucoup de charmes, c'est de peut-être ce qu'il y a de mieux, car c'est ce qui revient le moins cher. Et
prendre un bateau et d'explorer une rivière ou les côtes d'un lac, en si, pendant que vous y êtes, vous en faites une ou deux de plus qu'il ne
passant la nuit comme nous disions tout à l'heure. Mais dans ce cas vous en faut, vous pourrez peut-être les vendre avec un joli bénéfice.
chacun des membres de la patrouille doit savoir nager. C'est une de
nos règles : Aucun Éclaireur ne peut prendre part à aucune expédition Equipement de camp
en bateau, tant qu'il n'est pas capable de faire 50 mètres à la nage tout
habillé (chemise, pantalon et souliers au minimum). Quand vous avez décidé quel camp vous voulez faire et où, oc-
Il est souvent très commode de dresser sa tente la nuit dans son cupez-vous de votre équipement : demandez-vous ce qu'il vous faudra
bateau même. en fait de seaux, de balais, d'outils, etc. Voici une liste sommaire de ce
Pour décider du type de tente qu'il vous faut, il importe de savoir qu'il est utile d'avoir dans un camp fixe, mais tout cela n'est pas néces-
s'il s'agit d'un camp fixe ou d'un camp volant. saire dans un camp mouvant.
Pour la tente. — Seau, lanterne, bougies, allumettes, maillet, bê-
Tentes che, hache, pique, corde, drapeau et de quoi le hisser.
Pour la cuisine. — Marmite, poêle à frire, bouilloire, gril, allumet-
Pour un camp fixe, un camp où vous resterez tout le temps, la tes, seau, couteau de boucher, grandes cuillères, torchons, bouteilles
meilleure espèce de tente est celle que les explorateurs appellent une vides pour le lait, sacs pour pommes de terre, etc.
tente canadienne. Elles sont assez chères, mais pour le confort, Pour chaque Éclaireur. — Toile imperméable, deux draps, corde
ou courroie pour les enrouler, matelas de paille (se fabriquera dans
92 93
le camp : se procurer de la paille et de la ficelle), sachets pour rations Installation du camp
de thé et de sucre, de poivre et de sel, de farine et de poudre à pâtisse-
rie. Vous avez choisi votre emplacement, plantez votre tente de façon
Il est important d'avoir des sacs de couchage et des couvertures qu'elle tourne le dos au vent. Creusez un petit fossé de 10 cm. environ
en nombre suffisant pour que chacun ait son lit à soi. de profondeur tout autour, pour que l'eau n'envahisse pas votre tente
Vêtements. — Chaque Éclaireur, outre ce qu'il a sur lui, fera bien en cas de forte pluie. Ce fossé doit pourvoir à l'écoulement de l'eau.
d'emporter ce qui suit (si l'on voyage, on pourra se contenter de ce qui Creusez un petit trou, grand comme une tasse à thé, près du pied de
est marqué d'un*) : chacun des piquets, de façon à pouvoir y transporter ceux-ci si la pluie
Vieux pardessus ou manteau de pluie. Une paire d'espadrilles *. vient. Cela vous permet de détendre immédiatement toutes les cordes;
Une chemise de flanelle *. Un sweater ou un vieux veston. elles pourront ainsi sans danger se raccourcir en se mouillant.
Une de rechange. Un caleçon de bain. Dans les camps d'Éclaireurs les tentes ne sont pas alignées com-
Une paire de caleçons. Une brosse à cheveux. me dans les camps militaires. Elles sont éparses, à 50 ou 100 mètres
Deux paires de bas ou de chaussettes*. Savon et serviette *. l'une de l'autre, en un grand cercle autour de celle de l'instructeur qui,
Un gilet. Une brosse à dents *. avec celle du mess, s'il y en a une, est généralement au centre. Cela
Flanelle ou vêtement de nuit. Deux mouchoirs de poche. permet à chaque patrouille de conserver son unité.
Une paire de chaussures
Eau. — S'il y a une source ou un ruisseau, en réserver la partie la
meilleure comme eau potable. En aval on peut disposer un endroit pour
Equipement personnel. — Havresac, gamelle, bâton, couteau, le bain, le lavoir, etc. Il faut prendre bien garde que l'eau que l'on boit
fourchette et cuiller, allumettes, sifflet, partie de tente. soit propre, sinon on risque une épidémie.
Vivra. — II y a là souvent une difficulté. Quoique cela paraisse Dans toute eau, il y a une abondance de petites bêtes, trop peti-
étrange aux novices, les Éclaireurs savent que ni le pain, ni la viande tes pour être vues autrement qu'avec un microscope. De ces animaux
ne sont absolument nécessaires à les maintenir en forme. Pour ma part les uns sont nuisibles, les autres non; on ne peut pas savoir s'il y en a
je mange très rarement de l'un comme de l'autre. Les biscuits sont une de nuisibles dans l'eau qu'on trouve, le plus sûr est donc de les tuer
bonne nourriture de camp; ils se mettent dans les poches ou dans les tous avant de boire. Pour les tuer, faire bouillir l'eau et la laisser refroidir
sacs, tandis que le pain ne vaut rien pour cela. avant de la boire. Faire bouillir l'eau, ce n'est pas seulement la mettre
Le meilleur pain de camp est celui dont usent les Boers et la plu- sur le feu jusqu'à ce qu'elle commence à s'évaporer, puis la retirer; il
part des chasseurs sud-africains. Il est facile à faire. Vous achetez à faut la laisser bouillir un bon quart d'heure. Ces petites bêtes, ces mi-
moitié prix chez le boulanger une miche de pain rassis, vous la coupez crobes, comme on les appelle, ont la vie dure; il faut du temps pour les
en tranches épaisses ou en morceaux carrés, que vous cuisez dans un tuer.
four ou que vous grillez devant le feu jusqu'à ce qu'ils soient durs com- Cuisine. — Faites le feu sous le vent par rapport au camp, de
me un biscuit. Cela se porte dans un sac et remplace fort bien le pain. façon que la fumée et les étincelles ne soient pas apportées vers les
Le pain frais moisit facilement au camp. tentes. (Pour les feux des cuisines, voir plus loin.)
Si vous voulez manger de la viande fraîche, assurez-vous qu'elle Les vieux Éclaireurs prennent toujours un soin particulier de la
est vraiment fraîche et rappelez-vous que les œufs, le riz, le porridge propreté de leurs cuisines. Quand les détritus y traînent, les mouches
sont plus faciles à conserver et à cuire au camp que la viande fraîche, s'y assemblent et des senteurs se forment, qui peuvent empoisonner
et qu'ils la valent bien. Les fruits sont aisés à bouillir et bons à manger. légèrement la nourriture qu'on apprête et être la cause de maladies.
Des plaques de chocolat sont fort utiles au camp et durant la marche. Tenez donc toujours très propre la cuisine et le sol du campe-
J'ai souvent vécu un jour entier d'un biscuit militaire et d'une plaque de ment. Creusez à proximité une fosse de quelques pieds de pro-
chocolat.

94 95
fondeur. Pour les boîtes de fer-blanc, il faut d'abord les brûler, puis les 20h. 30 à 21 h. 30. — Feu de camp; ou bien : 21 h. à 23 h.,
aplatir à coups de marteau avant de les jeter dans la fosse. Brûlez tout activité de nuit.
ce que vous pouvez sinon votre fosse sera tout de suite remplie. Re- 21h. — Biscuit et cacao.
couvrez les détritus d'une couche de terre chaque soir.
21h. 30. — Rentrée.
Feuillées. — Une autre précaution très importante pour la santé
des Éclaireurs, c'est de creuser un fossé servant de feuillées. La tran- 22h. — Extinction des feux.
chée doit être profonde de 60 cm. à un mètre, mais étroite (pas plus de Les services et jeux de nuit, les factions des sentinelles ne doi-
30 cm.), de façon que l'on puisse s'accroupir en posant un pied de cha- vent pas se prolonger après 23 heures et demie.
que côté. Jetez une bonne couche de terre après usage, et comblez
soigneusement la tranchée entière après quelques jours. Les écrans Bains
transversaux sont indispensables à la décence, que les Éclaireurs ont
toujours fort à cœur.
Au camp, les bains seront une de vos joies et un de vos devoirs.
En guise d'urinoir creusez un trou et remplissez-le à moitié de
Une joie, à cause de l'amusement qu'il vous procurera; un devoir, parce
cailloux qui permettent l'écoulement.
qu'un Éclaireur n'est pas un véritable Éclaireur tant qu'il ne sait pas na-
Même pour un camp d'une nuit, ils creuseront un fossé. Et, quand
ger et n'est pas capable d'opérer un sauvetage. Mais quand on se bai-
il restera en arrière de la colonne de marche, un Éclaireur aura toujours
gne, il y a des dangers et tout Éclaireur intelligent y doit être toujours
soin de creuser un trou de quelques centimètres et de le remplir après
prêt.
usage.
Faute de quoi, non seulement on empeste un endroit, mais enco- Premier danger : les crampes. Cela vient très souvent de ce que
re on indispose les fermiers et les propriétaires, qui ne permettront plus l'on est resté trop longtemps dans l'eau. En règle générale, dix minutes,
aux Éclaireurs de camper sur leurs domaines ou d'y avoir leurs activi- c'est plus que suffisant pour un garçon; cinq minutes est plus sûr.
tés. Donc, mes amis, pensez-y. Si vous vous baignez moins d'une heure et demie après un repas,
c'est-à-dire avant que votre digestion soit terminée, vous avez beau-
Ordre du camp coup de chances d'attraper une crampe. Une crampe vous crispe en
proie à de grandes douleurs, de façon que vous ne pouvez plus bouger
On m'a très souvent demandé comment je pensais qu'il fallait dis- ni bras ni jambes ; vous coulez et vous vous noyez — c'est dommage.
tribuer la journée dans un camp; je ne puis mieux répondre qu'en repro- Pendant qu'on se baigne, il faudra toujours qu'il y ait deux bons
duisant ici l'horaire que j'avais adopté en 1908 à mon camp de Hums- nageurs de piquet, qui, sans se baigner eux-mêmes, se tiendront là
haugh. déshabillés, couverts seulement d'un manteau, prêts à sauter à l'eau à
7 h. — Lever, aération des lits; toilette tout instant pour venir en aide à un baigneur en péril. Le piquet lui-
8 h. — Prières. Salut aux couleurs. même ne se baignera pas tant que les autres ne seront pas sortis de
8 h. 10. — Déjeuner. l'eau. On aura à sa disposition une bouée de sauvetage.
9 h. 45. — Inspection. Bien des vies se perdent chaque été par la sottise de garçons qui
10. h. — Activités scoutes. se baignent sans penser à tout cela. Il ne faut permettre les bains que
13 h. — Dîner. dans des endroits sûrs et sous une surveillance stricte.
13 h. 30 à 14 h. 30. — Repos (obligatoire). On ne bouge ni ne
parle dans le camp.
Nettoyage du camp
14 h. 30 à 17 h. — Jeux d'Éclaireurs dans le voisinage.
17 h. —Thé.
17 h. 30 à 20^h. 15. — Récréation. Jeux de camp N'oubliez jamais que l'emplacement d'un ancien camp renseigne
exactement sur l'allure de la patrouille ou de la troupe qui l'a occupé. Il
n'y a pas d'Éclaireurs dignes de ce nom qui laissent
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jamais un emplacement sale. Ils le balaient, enfouissent ou brûlent jus- à aller à travers champs sans permission, mais la plupart du
qu'aux plus petits détritus. temps on vous accordera cette permission, si vous dites qui vous êtes
A l'armée, on fait cela pour empêcher que l'ennemi ne découvre et ce que vous désirez faire.
des informations dans ce que l'on aurait laissé traîner. Ainsi, supposons En parcourant la campagne, rappelez-vous notamment :
que vous ayez laissé à terre quelques bouts de vieux pansements, des 1° De fermer toutes les barrières.
boutons de tunique, des restes de nourriture, l'ennemi saurait quel régi- 2° De déranger aussi peu que possible le bétail et le gibier.
ment a passé par là, et qu'il y avait des blessés, et à quels vivres les 3° De ne faire aucun dégât aux clôtures, pas plus qu'aux planta-
hommes en étaient réduits. tions et aux arbres.
Dans des camps de paix, il est tout aussi important de prendre Demandez toujours la permission avant de ramasser du bois à
l'habitude de nettoyer son camp avant de le quitter. Si les fermiers n'ont brûler, et, prenez garde, n'arrachez pas des haies le bois mort qu'on y
pas la peine de nettoyer eux-mêmes le terrain que vous quittez, ils se- avait mis pour boucher les trous.
ront plus disposés à vous le prêter une autre fois.
Rappelez-vous que c'est un très mauvais point pour une troupe, Mauvais campeurs
une patrouille, ou un campeur isolé, de laisser le terrain du campement
sale ou en désordre. Les membres du Camping Club sont merveilleux Il y a beaucoup de place dans un camp, mais il n'y en a point pour
pour ne laisser après eux aucune trace de l'existence d'un camp. J'en un individu qui ne veut pas prendre sa part des mille petits travaux
ai vu qui brossaient l'herbe avec une brosse à habit, pour la redresser à qu'on y doit faire. Il n'y a pas de place pour les gens qui tirent au flanc
l'endroit où ils s'étaient couchés. Et j'ai été heureux de voir des Éclai- ou qui grognent. Ils n'ont pas grand' chose à faire parmi les Éclaireurs
reurs qui en faisaient autant. — mais surtout pas dans un campement.
Rappelez-vous bien les deux choses qu'il vous faut laisser derriè- Chacun doit faire sa part, et la faire gaîment, pour assurer le
re vous, quand vous levez le camp : confort de chacun. C'est ça qui fait les bons camarades. Au service,
1- Rien. quand un copain est en faction de nuit à se faire mouiller jusqu'aux os,
2- Vos remerciements au propriétaire du terrain. un de ceux qui sont sous la tente ne manque pas de lui préparer une
Plus d'une fois j'ai trouvé de jolis piquets-totems plantés dans tasse de cacao qu'il trouvera toute chaude en rentrant. Voilà le genre de
mon champ là où des Éclaireurs avaient campé, avec des inscriptions service qu'un Éclaireur doit avoir l'idée et la volonté de rendre aux au-
en Morse ou des signes d'Indiens pour me dire merci. tres.

Paiement Pour les parents

Souvenez-vous aussi que si vous profitez d'un terrain, vous devez Les camps sont, parmi les exercices des Éclaireurs, ceux qui atti-
le payer au propriétaire. Si vous ne le faites pas en espèces, vous pou- rent le plus les jeunes garçons. C'est l'occasion de leur enseigner à
vez le faire autrement. Vous pouvez et vous devez faire pour lui des compter sur eux-mêmes pour se tirer d'affaire, cela les développe phy-
travaux utiles. Vous pouvez lui réparer ses palissades ou son portail, siquement et fortifie leur santé.
garder ses bêtes, arracher des mauvaises herbes, etc. Vous devez ren- Bien des parents, qui n'ont jamais rien fait dans ce genre, voient
dre continuellement des services et au fermier et aux gens du voisinage cette vie de camp avec inquiétude, ils craignent que ce ne soit trop rude
pour qu'ils se félicitent de votre passage. pour leurs fils et dangereux. Mais quand ils les voient revenir bien en
train, évidemment pleins de joie et de santé, et ayant progressé morale-
Consignes ment pour ce qui est de la virilité et de la camaraderie dans la vie de
tous les jours, ils ne peuvent pas ne pas voir les bienfaits de ce séjour
Ayez surtout bien soin d'obtenir l'autorisation des propriétaires au grand air.
avant de parcourir leurs domaines. Vous n'avez aucun droit J'espère sincèrement qu'on ne mettra pas obstacle à ce que des
jeunes garçons passent leurs vacances de la façon que j'ai suggérée.
98 99
Lits de camp En fait de matelas, installez le métier à tisser décrit à la fin de ce
bivouac, et tissez un matelas de fougères, de paille, ou d'herbe qui ait 1
Il y a bien des manières de se faire des lits confortables sous la m. 80 de long et 90 centimètres de large.
tente; toutes sont bonnes, pourvu qu'on ait soin de mettre quelque cho- Le même métier vous permettra de faire des nattes de paille ou
se entre le sol et soi, notamment lorsque le sol est humide. Du foin, de d'herbe, avec lesquelles vous formerez des tentes, des abris, des pa-
la paille, des fougères en couche épaisse forment des lits parfaits. Si rois, des tapis, etc.
vous n'avez rien de cela et que vous deviez coucher sur le sol, n'ou- On fabrique des bougeoirs de camp en recourbant un fil de fer en
bliez pas de creuser dans la terre un trou de la dimension d'une petite forme de spirale; ou bien en fichant dans le mur un bâton fendu, ou bien
tasse, pour pouvoir y mettre l'articulation de la hanche quand vous dor- en plantant sa bougie dans une motte de glaise ou dans une grosse
mirez sur le côté. Cela fait, pour le confort, une différence du tout au pomme de terre.
tout. Au Canada on fait un lit excellent, qui vaut presque un matelas à
ressorts, en coupant à un sapin beaucoup de bouts de branches que
l'on plante debout dans le sol aussi serrés que possible comme les
soies d'une brosse — si serrés que, quand vous vous étendez dessus,
cela vous fait une couche tout à fait élastique.
Rappelez-vous que le secret pour avoir chaud est d'avoir sous soi
autant de couvertures que dessus. Si votre patrouille doit passer la nuit
autour d'un feu, vous vous mettrez tous à dormir les pieds contre le feu,
comme les rayons d'une roue. Si vos couvertures ne sont pas assez
chaudes, prenez de la paille ou des fougères, ou encore des journaux, On peut mettre un verre de lampe à sa bougie en enlevant le fond
si vous en avez. C'est un bon truc aussi en temps de froid, si vous d'une bouteille et en la fichant en terre par le goulot.
n'êtes pas assez vêtu, de mettre un journal sous votre habit ou sous Pour enlever proprement le fond d'une bouteille, y mettre un peu d'eau
votre gilet, dans le dos et tout autour du corps. Cela vous vaudra autant et la poser dans les cendres d'un feu, jusqu'à ce qu' 'elle se chauffe et
de chaleur qu'un pardessus. craque au niveau de l'eau. Ou bien passer une ficelle autour de la bou-
Pour faire un lit coupez quatre perches : deux de deux mètres et teille, la tirer vivement de-ci et de-là pour
deux d'un mètre. Posez-les à terre pour former le cadre. échauffer la bouteille, qui casse très pro-
prement au premier coup qu'on lui donne
ou au moment où on la plonge dans l'eau
froide ; "mais rappelez-vous que le verre
cassé et le fer-blanc déchiqueté sont des
choses dangereuses dans un camp.

Lit .
On peut se faire des fourchettes avec du fil
Coupez quatre piquets de 50 centimètres, appointissez-les et en- de fer tordu et appointé à ses extrémités.
foncez-les dans le sol aux quatre coins pour faire tenir les perches en C’est quelque chose de savoir s’asseoir
place. dans un camp humide. Il faut s'accroupir au lieu de s'asseoir. Aux Indes
Abattez un sapin, coupez toutes les branches et posez-les l'une les indigènes s'assoient sur les talons, mais, si vous n'en avez pas pris
sur l'autre comme les tuiles d'un toit, jusqu'à ce que vous en ayez une l'habitude dès votre jeune âge, c'est bien fatigant, à moins que vous ne
couche épaisse, celles du bord passant sous les perches. Sur le tout glissiez une pierre ou une bûche de bois sous vos talons.
étendez une couverture. Les Boers et d'autres s'accroupissent sur un seul talon. C'est un peu
fatigant d'abord.
100 101
faire avec de la ficelle ou des lacets de souliers. Des Éclaireurs doivent trahir votre présence à l'ennemi, car il n'y a jamais que peu de
aussi savoir se tailler des boutons de col dans du bois, de l'os ou de la flammes ou de fumée.
corne. Pour que votre feu continue de brûler pendant la nuit, couvrez-le
Un grand moyen pour bien dormir au camp, c'est d'avoir un sac d'un tas de cendres; il couvera là-dessous et sera tout prêt le lende-
de toile d'environ 60 centimètres de long sur 30 de large. On y met tout main : vous n'aurez qu'à souffler dessus pour le voir flamber.
ce qu'on veut, ou bien on le porte vide et on le remplit d'herbe ou de Si vous voulez qu'il brûle toute la nuit pour vous éclairer ou vous
linge le soir, pour qu'il serve d'oreiller. réchauffer, disposez en étoile des bûches de bonnes dimensions, dont
l'une sera assez longue pour que vous l'ayez à portée de la main et
Feux au camp puissiez la pousser sans avoir à vous lever pour attiser le feu.
Si le bois ou le charbon manque à la maison, ne négligez pas les
Avant d'allumer votre feu, n'oubliez pas de faire ce que font tou- vieux souliers, qu'on voit parfois traîner le long des routes; c'est un ex-
jours les bûcherons, de couper tout autour les broussailles et l'herbe cellent combustible.
sèche qui risqueraient de mettre feu à la prairie et aux buissons. De C'est un joli service à rendre à une pauvre vieille en hiver que de
graves incendies de forêts ont été causés par de petits sots jouant avec collectionner de ces vieilles chaussures et de les lui apporter pour ali-
des flammes sous prétexte de faire un feu de camp. Si vous brûlez menter son feu.
l'herbe dans cette intention, n'en allumez que peu à la fois et tenez tout On a, en Amérique, une autre bonne manière d'installer une
prêts des branches ou de vieux sacs avec lesquels vous puissiez faire cuisine en plein vent.
reculer le feu quand il sera assez étendu. Plantez dans le sol deux forts
Les Éclaireurs seront toujours prêts à étouffer un incendie de forêt piquets à I m. 20 de distance
allumé accidentellement. Ce sera un vrai service à rendre au propriétai-
environ en les inclinant légère-
re dont les cultures ou le bétail courent peut-être un danger.
ment en arrière. Abattez un petit
On n'apprend pas à allumer un feu par ouï-dire, la seule manière
de faire est de prendre garde aux instructions qu'on vous donnera, puis arbre de cinq mètres de haut en-
de vous exercer à disposer et allumer un feu par vous-même. viron, découpez-le en rondins
d'un mètre cinquante; disposez
Ne manquez pas de commencer par un feu de très petits bois ou Cheminée de camp.
de copeaux vraiment secs entassés légèrement avec un peu de paille
ou de papier pour faire flamber. Au-dessus mettez de petits bâtons ap- trois de ceux-ci l'un sur l'autre en les appuyant à vos deux piquets. Voi-
puyés l'un contre l'autre en pyramide; puis, par-dessus, de plus grands là de quoi soutenir votre feu par derrière. Deux bûches plus courtes se-
morceaux de bois. Quand le feu brûle bien, on peut ajouter des bûches ront les chenets, une troisième en travers limitera le feu par devant. A
et enfin des rondins. S'il s'agit de faire la cuisine, il importe d'avoir un l'intérieur de cette « grille » bâtissez votre pyramide, elle dégagera ainsi
bon tas de braises incandescentes. Si vous avez trois grosses bûches, une grande chaleur. Naturellement le tout fait face au vent.
disposez-les sur le sol en étoile comme les rais d'une roue. Un feu ainsi Des pincettes sont commodes. On peut les faire avec une baguet-
installé dure indéfiniment; à te de hêtre, ou d'un autre bois flexible, qui aura 1 m. 20 de long et 2 à 3
mesure que les bûches se centimètres d'épaisseur. Entaillez-la au milieu jusqu'a la moitié de son
consument, vous les poussez épaisseur, plongez cette partie-là pour un instant dans les braises de
vers le centre, de façon qu'il votre feu, puis pliez votre bâton de façon que les deux bouts se rejoi-
y ait toujours là des braises gnent. Enfin aplanissez-en la face intérieure aux deux extrémités; vos
fraîches. Cela fait un bon feu pincettes ne laissent plus rien à désirer.
de cuisine, un feu
qui a l'avantage de ne pas Feu disposé en étoile.

102 103
Avec quelques baguettes de bouleau attachées autour d'un bâ-
ton, on fabrique facilement le balai dont on a besoin pour tenir le cam-
pement propre.

Pour sécher ses habits

Vous serez souvent trempés, et vous verrez des novices qui res-
tent dans leurs habits mouillés jusqu'à ce que ceux-ci aient séché sur
leur dos. Un vieil Éclaireur ne fera jamais ça; c'est le moyen d'attraper
la fièvre et de tomber malade. Si vous êtes trempés, saisissez la pre-
SOULIER LACÉ A LA FAÇON DES ÉCLAIREURS
mière occasion pour ôter vos habits et les faire sécher, même si vous
Il y a un nœud à un des bouts du lacet, au-dessous d'un des
n'en avez pas d'autres à mettre, ce qui m'est arrivé bien des fois. Je trous inférieurs. La partie pointillée du dessin représente
restais alors assis nu sous un wagon pendant que mes vêtements sé- la partie du lacet qui est à l'intérieur du soulier et qu'on
chaient sur un feu. Pour faire sécher des habits, bâtir sur les cendres ne voit pas.
chaudes d'un feu une petite cage de baguettes en forme de ruche, et
suspendre ses vêtements tout autour de cette cage; ils seront ainsi
bientôt secs. Par la chaleur aussi, il est dangereux de rester immobile POUR LES CHEFS
dans des vêtements mouillés par la sueur. En Afrique occidentale
j'avais toujours une chemise de rechange que je portais sur le dos, les Consignes
manches nouées autour de mon cou. A chaque halte j'ôtais la chemise
humide que je portais, pour mettre la chemise que le soleil avait séchée Dès les débuts d'un camp, il est nécessaire d'avoir un certain
sur mon dos. Grâce à cela j'ai rarement eu la fièvre à des moments où nombre de règles connues de tous et que l'on peut compléter à l'occa-
elle terrassait presque tout le monde. sion. Il y a lieu de les expliquer avec soin aux chefs de patrouilles en
rendant ceux-ci responsables de la façon dont leurs scouts les observe-
Ordre ront.
On stipulera, par exemple, que chaque patrouille campera sépa-
J'ai déjà parlé de la propreté du camp et de son importance. L'or- rément et qu'on les comparera entre elles pour la propreté et le bon or-
dre doit devenir une habitude presque partout. Si vous n'avez pas d'or- dre des tentes et du terrain Voisin.
dre à la maison, vous n'en aurez pas au camp, et si vous n'en avez pas Chaque patrouille aura généralement sa tente, séparée des au-
au camp, vous ne serez jamais qu'un « bleu » mais non pas un Éclai- tres, mais à portée de voix de la tente du chef.
reur. Le chef de patrouille pourra se faire une petite hutte ou un abri en
dehors de la tente de ses scouts, mais tout près.
Un Éclaireur a de l'ordre aussi dans sa tente et dans sa chambre.
Les chefs de patrouille rendent compte du travail de leurs garçons
Il peut être appelé tout à coup, et s'il ne sait pas exactement où se trou-
et le chef prend note de ceux qui se sont distingués.
vent ses affaires, il mettra bien du temps à s'équiper, surtout de nuit.
Repos d'une heure et demie au milieu du jour.
C'est pourquoi le soir, prenez l'habitude de plier vos vêtements et Les bains seront strictement surveillés, pour que ceux qui ne sa-
de les mettre à leur place pour que vous puissiez les enfiler rapidement vent pas nager ne se risquent pas dans les eaux dangereuses.
dans l'obscurité. « Deux bons nageurs seront de piquet pendant la durée de cha-
Un Éclaireur a de l'ordre jusque dans la façon de lacer ses sou- que bain, prêts à venir en aide à ceux qui seraient en détresse. Ils se-
liers; il passe le lacet par des œillets du haut en bas de sa bottine, de ront dans le canot, dévêtus, un pardessus jeté sur les épaules. Ils ne
façon à n'avoir pas besoin de faire un nœud. pour-
104 105
ront se baigner eux-mêmes qu'après le bain général, quand le dernier Au camp, exercez-vous à fabriquer différentes espèces de lits.
des baigneurs sera sorti de l'eau. » Ce règlement, strictement observé, En chambre, faites d'avance des bougeoirs, des lampes, des
a déjà sauvé la vie à plus d'un Éclaireur. fourchettes, des pincettes, des boutons, des balais.
Consignes sur ce qu'il faudrait faire en cas d'incendie. En plein air, apprenez à disposer et à allumer des feux.
Consignes touchant les limites du camp, les dommages aux clô- Lacez vos souliers d'après le modèle donné.
tures, l'eau potable.
DIXIÈME BIVOUAC
EXERCICES
LA CUISINE DU CAMP
Pour faire un métier à tisser. Planter en ligne cinq piquets de 75
cm. En face, à une distance de 2 mètres environ, plantez-en deux au- Un Éclaireur doit, cela s'entend, savoir faire cuire lui-même sa
tres et surmontez-les d'une traverse, ou bien mettez-en encore cinq. viande et ses légumes et se faire du pain sans avoir les ustensiles ordi-
Fixez à chacun des piquets de la première rangée naires. Pour faire bouillir l'eau un Éclaireur a généralement une gamel-
le, elle peut lui servir pour les légumes et le pot-au-feu. Mais souvent il
en a besoin pour son eau, et il faut alors qu'il cuise sa viande autre-
ment. Il la piquera par exemple sur des bâtons pointus et la grillera en
la suspendant ainsi près du feu. Ou bien le couvercle d'une boîte à bis-
cuits pourra faire l'office d'une poêle à frire. Mettez de la graisse ou de
l'eau, pour empêcher que la viande ne se brûle avant d'être cuite.
On peut aussi envelopper la viande de quelques couches de pa-
pier mouillé, ou d'un revêtement d'argile, et la placer ainsi dans les brai-
ses où elle se cuira toute seule. Les oiseaux et le poisson se cuisent de
la même manière Si l'on se sert de terre glaise, cela dispense du soin
de plumer l'oiseau : les plumes resteront attachées à l'argile, quand cel-
le-ci se durcira par la chaleur. Lorsque vous casserez votre bloc de ter-
re, vous trouverez votre oiseau cuit sans ses plumes, comme l'amande
dans la noix.
Autre moyen encore : nettoyez l'intérieur de votre oiseau, trouvez
un caillou qui en ait les dimensions, chauffez-le au rouge, placez-le
une corde ou une ficelle forte et tendez-la jusqu'aux piquets opposés. dans l'oiseau et l'oiseau sur un gril ou sur une broche de bois au-
Fixez-la à ce bout, puis revenez avec ce qui reste de ficelle vers les pi- dessus du feu.
quets de la première rangée et jusqu'à 1 m. 50 plus loin pour l'attacher C'est tôt après avoir été tirés que les oiseaux se plument le plus
à une traverse mobile, en conservant sur cette traverse les mêmes in- facilement.
tervalles entre les ficelles qu'entre les piquets. Un Éclaireur empoigne Ne faites pas comme moi, quand j'étais un « bleu ». C'était à mon
cette traverse et la fait mouvoir de haut en bas, tandis que les autres tour de faire la cuisine, et je pensai varier le menu en préparant une
placent alternativement au-dessus et au-dessous des ficelles fixes, de soupe. J'avais de la farine de pois, je la mis dans de l'eau, fis bouillir, et
petites bottes de paille, de fougères, etc. Le mouvement du balancier servis le tout sous le nom de soupe aux pois. Mais je n'avais pas mis
les fixe en un matelas. de jus, ni d'extrait de viande, je ne savais pas que ce fût nécessaire et
Si vous faites aller votre balancier à droite d'abord, puis à gauche ne pensais pas qu'on le remarquerait. Mais
de façon que les ficelles qui y sont attachées touchent tantôt d'un côté,
tantôt de l'autre, des ficelles fixes, cela tordra les cordes et rendra les
attaches plus solides.

106 107
on le vit tout de suite, on appela ma soupe une farine mouillée, et l'on de fer ou à un bâton; plantez-le en face du feu ou suspendez-le au-
me dit que je pouvais la manger. Pour dire vrai, on ne me donna pas dessus des braises pendant quelques minutes, jusqu'à ce qu« la viande
seulement la permission de le faire, on m'y força. Je n'ai plus jamais fait soit rôtie.
cette faute-là. Ragoût de chasseur. Coupez votre viande en petits carrés de 3
Pour faire bouillir votre gamelle, vous pouvez la poser directe- ou 4 centimètres de côté.
ment sur les bûches (elle se renverse souvent, si l'on n y prend garde) Epluchez et coupez toutes sortes de légumes : pommes de terre,
ou mieux la poser sur le sol dans les braises. Ou bien encore faire au- . carottes, oignons, et mettez-les dans votre gamelle.
dessus du feu une pyramide de trois baguettes vertes liées au sommet Ajoutez de l'eau ou de la soupe jusqu' à ce qu'elle soit à moitié
et y suspendre la marmite par une chaîne ou un fil de fer. pleine.
Mêlez de la farine, du sel et du poivre et frottez-en bien votre
Les Éclaireurs su- viande, puis mettez-la dans la gamelle. De l'eau assez pour recouvrir
perstitieux les aliments, mais pas plus.
vous diront que les Posez votre gamelle sur les braises et laissez-la mijoter pendant
baguettes de peu- une heure et quart environ.
plier portent mal- Les pommes de terre sont ce qui prend le plus de temps à faire
heur. cuire. Quand elles sont tendres au point de ne pas venir après la four-
Voici une cuisine chette, votre dîner est cuit.
de camp qui vaut
toutes les autres : Marmites norvégiennes
deux rangées de bri-
ques, de pierres, de C'est la .meilleure manière de faire votre cuisine au camp : vous
mottes, ou de gros- n'avez qu'à mettre en train et la marmite norvégienne fait le reste. Ça
ses bûches aplanies vous permet d'aller jouer avec vos camarades aux jeux de camp, et
au-dessus. Ces murets ont I m. 75 de long et divergent légère- lorsque vous rentrez, vous trouvez votre dîner qui s'est cuit tout seul,
, l'ouverture est du côté du vent. — à la condition que vous ayez bien commencé. Sans ça, — eh bien
Quand il y a plusieurs gamelles, les mettre sur deux lignes vous ne serez pas très populaire dans la troupe.
disposées dans le sens du vent. Faire votre feu de petits bois entre Voici comment il faut vous y prendre. Prenez une caisse en bois.
les deux lignes et poser une troisième ligne de gamelles sur les Tapissez-la de plusieurs couches de papier de journal dans le fond et
deux premières, de façon que les gamelles forment un petit tunnel. sur les côtés, puis remplissez-la avec du foin ou encore avec des jour-
Allumez votre feu du côté du vent, le courant d'air fera passer naux ; mettez ça très serré en laissant au milieu un espace pour votre
la chaleur au travers du tunnel et chauffera toutes les marmites. marmite; beaucoup de foin sous la marmite et tout autour. Faites un
Entretenir le feu par de petits copeaux de bois. coussin bourré de foin pour le dessus, ou une plaque épaisse de jour-
Quand vous faites bouillir de l'eau, ne fermez jamais trop her- naux pliés.
métiquement le couvercle. Il faut que la vapeur qui se forme Remplissez votre marmite de ce que vous voulez faire cuire ;
trouve une issue, sinon la marmite sautera. dès qu'elle est bien en train de bouillir, fourrez-la dans la marmite nor-
Pour savoir si l'eau bout, pas besoin d'enlever le couvercle et végienne. Mettez du foin ou du papier bien serré tout autour et par-
de regarder, approchez de la marmite la pointe d'un bâton ou d'un dessus, recouvrez avec le couvercle que vous avez préparé et assujet-
couteau, vous la sentirez trembler, si l'eau bout. tissez le couvercle de la caisse de bois en y mettant un poids.
Kabobs. Coupez votre viande en tranches de 1 V2 à 2 centimè- Il faudra quatre ou cinq heures pour que la viande soit cuite de
tres d'épaisseur, puis de nouveau en lanières de 3 à 4 centimètres cette façon-là. Deux heures, à peu près, pour du porridge. Pour
de largeur. Attachez quelques-unes des lanières à une baguette

108 109
l'oatmeal, faites-le bouillir cinq minutes et laissez-le ensuite dans la Seulement si vous êtes en manches de chemise comme de cou-
marmite norvégienne toute la nuit. Il sera à point pour votre petit déjeu- tume, vous n'avez pas plusieurs poches, et si comme la plupart des
ner. gens vous n'avez que deux mains, c'est une entreprise difficile.
Voilà pourquoi un vieux routier a toujours avec lui ses trois sacs à
Boulangerie rations, de petits sacs qu'il confectionne lui-même avec des pans de
chemise, des mouchoirs de poche, ou quelque autre chiffon; dans l'un il
met la farine et le beurre, dans le n° 2 son café et son sucre, dans le n°
Pour faire du pain ou de la galette, un Éclaireur ôte son habit,
3 son sel et son poivre.
l'étend sur le sol, l'envers à l'extérieur (pour que, s'il y fait des taches,
cela ne se voie pas au dehors par la suite). Puis il se lave bien les Il arrivait souvent que, tout de suite après avoir reçu notre ration,
mains. Il fait un tas de farine sur son habit et en creuse le centre pour nous devions nous mettre en marche. Comment pensez-vous que nous
pouvoir y verser de l'eau. Il met une ou deux pincées de sel, un peu de nous y prenions pour transformer en une minute notre farine en pain?
levure ou du sel de fruit, puis il mêle et pétrit, jusqu'à ce qu'il ait un pain Nous la mélangions tout simplement avec de l'eau dans une cru-
de pâte bien faite. Il .l'arrange alors en une grande miche ou en plu- che et nous la buvions. Après tout, cela revenait tout à fait au même.
sieurs petites.
Il les place sur un gril au-dessus de braises chaudes ou bien, re- Viandes
poussant de côté une partie de son feu, il pose sa pâte sur le sol tiède
et entasse des cendres chaudes tout autour, le laissant se cuire tout Avant de cuire votre lièvre, il faut le prendre. De même avec un
seul. On ne fait ainsi que de petites galettes. mouton ou un bœuf, il faut que vous l'ameniez à l'endroit où vous avez
Pour avoir de vrai pain, il faut construire une sorte de four. On besoin de lui. Ensuite il s'agit de le tuer et de le découper avant de pou-
prendra par exemple un vieux pot de terre ou une boîte de fer- blanc voir le cuire et le manger.
qu'on mettra au centre, en empilant du feu tout autour. Ou bien l'on fera Il faut que les Éclaireurs sachent conduire les moutons, le bétail
un four en argile, on y allumera un feu et, quand il sera bien chaud, on et les chevaux. Les novices oublient toujours d'envoyer quelqu'un en
en retirera le combustible pour y mettre la pâte, en fermant hermétique- tête du troupeau pour le faire marcher.
ment l'entrée jusqu'à ce que le pain soit cuit.
Les moutons ont une tendance à se serrer trop les uns contre les
On peut aussi tailler une grosse massue, appointir sa partie mince autres, en sorte que ceux qui sont au milieu du troupeau sont à moitié
et la chauffer dans le feu. Faire un long ruban de pâte large de 7 cm., le suffoqués par suite de la poussière et de la chaleur, et qu'ils tombent.
rouler en spirale autour de la massue, planter celle-ci tout près du feu et C'est pourquoi il est bon que quelqu'un reste au milieu du troupeau
laisser la pâte se griller, en se bornant à donner un quart de tour à la pour faire circuler l'air de temps en temps; ainsi tout le troupeau marche
massue de temps à autre. mieux. Si vous vous trouvez avec vos moutons devant un obstacle,
Sacs à rations. Très souvent, au camp, en place de pain et de comme un mur ou une barrière, faites passer une ou deux bêtes par-
biscuits, on vous donne deux poignées de farine, puis un morceau de dessus, le reste suivra bientôt; mais il ne faut pas qu'il y ait trop de pré-
viande, une cuillerée de sel, une de poivre, une de sucre, un peu de cipitation.
levure, enfin une poignée de café ou de thé. Débrouillez- vous. C'est Un Éclaireur devrait savoir traire une vache ou une chèvre, autre-
amusant de voir les novices venir toucher ces rations et les emporter. ment il. lui arrivera de souffrir de la soif, alors qu'il aurait une ample pro-
Comment feriez-vous? vision de lait à sa portée. Il n'est pas si facile que vous le pensez de
Bien entendu vous pourriez mettre le poivre dans une poche, le traire une chèvre. Il faut avec une main lui tenir la tête, avec l'autre une
sel dans une autre, le sucre dans une troisième, la farine dans votre patte de derrière, et la traire.... avec une troisième main, si vous en
chapeau que vous porteriez dans une main, le morceau de bœuf dans avez une. Les indigènes s'en tirent en tenant la patte de derrière entre
l'autre et le café dans la troisième. leurs larges talons, ainsi il leur reste une main pour traire.

110 111
Propreté Faites faire à chacun de vos Éclaireurs ses sachets à rations.
Distribuez des rations crues que vos hommes feront cuire chacun
Une chose qu'il faut vous rappeler au camp, c'est que, si vous sur son feu.
êtes malade, vous ne serez plus bon à rien comme Éclaireur, vous ne
serez qu'un fardeau pour les autres. En général quand on tombe mala- Jeux au camp
de c'est par sa faute : on n'a pas changé de vêtements quand on les
avait mouillés, on a laissé sa nourriture se salir, on a bu d'une eau qui Le hockey, le football, et aussi le basket-ball, qui est le même jeu
était mauvaise. mais joué avec les mains, le but étant un panier placé à 2 m. 20 du sol.
Donc, en faisant cuire votre nourriture, ayez toujours soin de net- Il suffit de peu d'espace ; une cour ou même une grande salle feront
toyer votre vaisselle, vos casseroles, vos fourchettes, etc., très complè- l'affaire.
tement. La chasse à l'ours. Un grand garçon est l'ours ; il a trois refuges
Les mouches sont très dangereuses, car elles transportent à leurs où il peut se retirer en sûreté. Il porte sur son dos un petit ballon à air.
pattes des germes de maladie, et, si elles se posent sur vos aliments, Les autres garçons armés de bottes de paille tressée cherchent à cre-
elles y laisseront souvent du poison. Vous l'avalerez et vous vous de- ver le ballon tandis que l'ours est hors de ses retraites. L'ours a aussi
manderez ce qui a pu vous faire tomber malade. Les mouches vivent une de ces bottes et cherche à faire sauter les chapeaux de ses assail-
surtout là où il y a de la saleté et des miettes qui traînent. C'est une rai- lants. Le chapeau du chasseur représente sa vie. Ce jeu est excellent
son pour tenir votre camp très propre, de façon que les mouches n'y pour rompre la glace entre les garçons timides.
viennent pas. Jetez tous les détritus dans une fosse creusée convena- On peut, autour du feu, organiser des chants, des récitations, de
blement. Les chefs de patrouille y veilleront. petits dialogues. Chaque Éclaireur devra faire sa part du programme,
Pour les mêmes raisons, il est très dangereux de boire à une ri- qu'il se croie ou non un talent d'artiste. On peut charger des patrouilles
vière, ou à un étang, quand on a soif: on peut ingurgiter bien du poisson de faire à tour de rôle les frais de la soirée; cela leur permet ainsi de se
de cette façon-là. Si vous n'avez qu'un étang à votre disposition, creu- préparer.
sez à trois mètres du bord un puits d'un mètre de profondeur : l'eau, y
arrivant filtrée, sera beaucoup plus saine.
C'est ce que nous avons fait à Mafeking après que les Boers
nous eurent coupé nos conduites d'eau. Nous n'eûmes pas de malades
de ce fait.
Dans l'Amérique du Sud on purifie l'eau des étangs avec du sulfa-
te de cuivre : un millionième pour une partie d'eau.

POUR LES CHEFS

Exercez vos garçons à préparer la pâte et à la cuire; c'est utile. Si


possible, demandez à un boulanger de venir leur donner une leçon.
Mais laissez chacun de vos scouts faire sa pâte en mettant dans la fari-
ne la quantité d'eau qu'il croit; laissez-les faire des fautes et s'instruire
par l'expérience.
Il est bon aussi de mener les garçons à l'abattoir et dans une bou-
cherie pour qu'ils voient le dépeçage.

112 113
ONZIÈME BIVOUAC

L'OBSERVATION DES «SIGNES»

Les Éclaireurs entendent par « signes » tous les petits détails qui
peuvent les aider à obtenir les informations qu'ils recherchent : em-
preintes de pas, broussailles cassées, herbe foulée, débris de nourritu-
re, gouttes de sang, cheveux ou poils, etc.
Mme Smithson, voyageant au Cachemire, suivait avec quelques
chasseurs hindous la piste d'une panthère qui avait tué et emporté un
jeune daim. L'animal avait traversé une large étendue de rocher où,
bien entendu, ses pattes fourrées n'avaient laissé aucune trace. Un des
chasseurs alla droit à une arête aiguë, à l'extrémité du rocher; il mouilla
son doigt et le passa le long du roc, jusqu'à ce que quelques poils de
daim s'y attachassent. Cela lui montra où la panthère avait passé en
traînant sa proie. Ces quelques poils constituaient ce que les Éclaireurs
appellent un « signe ».
En prêtant attention à de petits signes, le même chasseur décou-
vrit aussi des ours : il remarqua un jour dans l'écorce d'un arbre une
CHAPITRE IV éraflure fraîche qui, évidemment, avait été faite par une patte d'ours et,
de l'autre côté du tronc, il trouva un poil isolé qui lui apprit que la bête
L'ART DE SUIVRE UNE PISTE s'était frottée là.
Il faut qu'un Éclaireur apprenne à ne rien laisser échapper à son
POUR LES CHEFS attention, et cela est extrêmement important pour les Eclaireurs de paix
autant que pour les Éclaireurs militaires; il faut qu'il voie les petites cho-
Les principes de l'art d'observer et d'induire sont difficiles à mettre ses et qu'il les comprenne, mais il faut beaucoup d'exercice avant
par écrit. Ils s'enseignent par la pratique. Il faut se borner à quelques qu'une recrue ait vraiment pris l'habitude de tout voir, de ne rien laisser
exemples, à quelques directions, le reste dépendra de vos facultés passer inaperçu.
d'imagination et des circonstances locales. Cela peut se faire en ville aussi bien qu'à la campagne.
L'importance de l'observation et de la déduction est considérable. De même vous noterez toutes les rumeurs insolites, toutes les
Les enfants sont admirablement rapides à observer, mais ce pouvoir va odeurs particulières, et vous réfléchirez à ce qu'elles veulent dire. Si
en s'éteignant : c'est que les premières expériences retiennent l'atten- vous n'apprenez pas à observer les « signes », vous aurez bien peu de
tion, ce qui n'est plus le cas plus tard. données à combiner et vous ne servirez pas à grand' chose comme
Observer est une habitude qu'il faut développer chez l'enfant. Le éclaireur. C'est affaire d'exercice.
souci de reconnaître des pistes y mène naturellement. L'induction est Rappelez-vous ceci : un Éclaireur considère comme un malheur
l'art de raisonner sur les faits recueillis et d'en extraire la signification. qu'un étranger découvre, dans le lointain ou sous ses pas, quelque
Un grand pas est fait dans le développement du caractère d'un chose qu'il n'ait pas encore observé lui-même.
jeune garçon quand l'observation et le raisonnement lui sont devenus Si vous vous promenez avec un véritable Éclaireur, vous remar-
habituels. L'importance de cep exercices ne peut pas être exagérée. Ce querez que ses yeux vont et viennent sans cesse, dans toutes les
n'est pas du tout aussi difficile qu'on se l'imagine. Il faudrait dans toutes
les troupes d'Éclaireurs faire plus de leçons sur les «signes » et plus
d'exercices d'observation au local et en plein air.

114 115
directions, remarquant tout ce qui se passe. Ce n'est pas pour faire maison et la longueur des fenêtres de l'étage supérieur? » Le ca-
montre de tout ce qu'il a observé, c'est une habitude qu'il a prise. pitaine Cook, le grand explorateur, avait reçu dans son enfance une
J'étais dernièrement à Hyde Park, à Londres, en compagnie d'un éducation analogue, et Robert Houdin aussi, le prestidigitateur.
de ces hommes. Il me dit : « Ce cheval boite légèrement. » Il n'y avait En ville, naturellement, un Éclaireur doit toujours savoir quelle est
pas de chevaux près de nous, mais je m'aperçus qu'il en observait un, la pharmacie la plus proche (en cas d'accident), le poste de police, l'hô-
bien loin, de l'autre côté de la rivière. L'instant d'après, il se baissa pour pital, le téléphone public, l'ambulance les plus voisins.
ramasser un bouton de forme particulière. Ses yeux, comme vous Un Éclaireur doit aussi avoir les yeux par terre, en particulier le
voyez, regardaient à la fois bien loin et tout près. long du trottoir contre les maisons, et dans la rigole, j'ai souvent trouvé
Dans les rues d'une ville étrangère, un Éclaireur trouvera son des bijoux précieux qu'on avait laissés choir, sur lesquels on avait pas-
chemin en notant les édifices publics et les carrefours, il observera tou- sé et repassé, puis qui avaient été balayés par une jupe de femme sans
jours les boutiques et leurs devantures, les véhicules qui le dépassent. que personne s'en aperçût.
Il verra si les chevaux sont bien attelés et bien ferrés. Puis les gens qu'il
rencontre : leur visage, leur costume, leurs chaussures, leur démarche, Caractéristiques
de façon que si un agent de police lui demande par exemple : « Avez-
vous vu un homme avec de grands sourcils foncés, en complet bleu, Quand vous voyagez, en wagon ou en tramway, notez toujours
descendant la rue ? » il puisse répondre à peu près : « Oui, il boitait un tout ce qui concerne vos compagnons de route : leurs traits, leur mise,
peu du pied droit, il portait des souliers de fabrication étrangère et avait leur parler, de façon que vous puissiez les décrire ensuite avec exacti-
à la main un paquet. Il a pris la Rue d'Or, la deuxième à gauche, il y a tude. Essayez aussi de vous rendre compte s'ils sont riches ou pauvres
trois minutes environ. » (les souliers vous le diront généralement), quelle est leur profession
probable, s'ils sont heureux et bien portants, ou s'ils ont besoin d'aide.
Des renseignements de ce genre ont été souvent fort utiles pour
Mais prenez soin de ne pas leur laisser voir que vous les obser-
suivre la trace d'un criminel; mais il y a tant de gens qui marchent les
vez; sinon ils se mettront sur leurs gardes. Rappelez-vous le petit ber-
yeux fermés sans jamais rien voir!
ger qui sut remarquer les semelles du vagabond sans attirer son atten-
Dans l'histoire de Kim, racontée par Kipling, il y a deux garçons tion.
auxquels on enseigne à observer, pour devenir des détectives ou des Savoir observer les gens et découvrir leur caractère et leur pen-
Éclaireur8 : on leur montre pendant une minute un plateau chargé d'ob- sée, est d'une immense valeur pour les commerçants, en particulier
jets, puis on le recouvre; ils doivent dire de mémoire tout ce qu'ils ont pour les vendeurs, quand il s'agit de persuader les clients d'acheter, ou
vu. de découvrir les filous.
C'est un excellent exercice pour des Éclaireurs.
Il y avait jadis en Italie une société secrète, la Camorra, qui exer-
çait ses jeunes membres à acquérir un coup d'œil rapide. Au cours
d'une promenade en ville, le camorriste s'arrêtait brusquement et de-
mandait au jeune homme : « Comment était vêtue la femme qui se te-
nait devant la quatrième maison à droite dans la rue que nous venons
de quitter ? » ou bien : « De quoi parlaient les deux hommes que nous
avons rencontrés au coin de l'avant- dernière rue? Quelle adresse le
monsieur a-t-il donnée au cocher et quel était le numéro du fiacre?
Quelle est la hauteur de cette

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On a dit qu'on pouvait connaître le caractère d'un homme à la fa- fille était fort bien mise, mais en voyant ses souliers, je devinai que les
çon dont il porte son chapeau. Si celui-ci est légèrement de côté, vous vêtements avaient déjà été portés et qu'elle les avait arrangés pour elle,
avez affaire à un bon garçon; un chapeau tout de travers indique un mais que pour les chaussures, elle préférait ne rien changer à ses habi-
blagueur; posé sur le derrière de la tête, il annonce un mauvais payeur; tudes. Elle entra par la porte de service dans la maison où nous étions
porté tout droit sur le crâne, un homme probablement honnête mais peu reçus et nous apprîmes qu'elle y était femme de chambre.
intelligent. Je causais dernièrement avec un détective d'un homme à qui nous ve-
La démarche d'un homme (ou d'une femme) est souvent révélatri- nions de parler l'un et l'autre, et nous cherchions à deviner qui il était.
ce. Voyez le petit homme affairé qui trottine en remuant beaucoup les «En tout cas, lui dis-je, il pêche à la ligne. » Le détective ne vit pas
bras; les enjambées rapides de l'homme nerveux, la démarche traînan- pourquoi je disais cela; c'est qu'il n'était pas pêcheur lui-même. J'avais
te des paresseux, les pas légers, alertes et silencieux des Éclaireurs, remarqué à la manche gauche du veston de l'homme plusieurs petites
etc. touffes de laine. (Beaucoup de pêcheurs, en enlevant les mouches arti-
On a prétendu un jour que je me défiais des hommes à mous- ficielles de leurs lignes, les mettent sécher dans une boîte, d'autres les
taches cirées. Eh bien, oui, c'est vrai en une certaine mesure. Elles piquent sur leur manche. Quand elles sont sèches, ils les retirent et ar-
sont souvent un signe de fatuité et parfois l'indice d'un penchant à la rachent souvent ainsi un ou deux fils du drap.)
boisson.
Dans un wagon, amusez-vous à ne regarder que les pieds de vos com-
Les « toupets » que certains jeunes garçons portent sur le front
pagnons et à deviner si ce sont ceux de gens vieux ou jeunes, riches
sont certainement un signe de bêtise.
ou pauvres, gras ou maigres et ainsi de suite, et puis levez la tête et
La forme de la figure donne sur le caractère d'un homme des indi-
cations précieuses. voyez si vous vous êtes approché de la vérité.
Peut-être pouvez-vous me dire quelque chose des messieurs que Un acteur américain m'a raconté qu'il était allé voir une ascension de
voici : ballon un jour où il souffrait d'un torticolis qui l'empêchait de regarder
ailleurs qu'à terre. Parmi les pieds qu'il vit il en choisit qui lui parurent
appartenir à un homme affable et bon, pour demander à celui-ci de lui
décrire ce qui se passait dans les airs.
J'ai pu un jour être de secours à une dame qui — je le devinai — avait
besoin d'aide, parce que, en marchant derrière elle, j'avais remarqué
que les semelles de cette dame si bien mise étaient au dernier degré
de la misère. Je ne pense pas qu'elle ait jamais su comment j'avais dé-
couvert qu'elle était dans la détresse.
S'il est étonnant de constater tout ce qu'on voit de la semelle des gens
qui marchent devant vous, il est au moins aussi étonnant de constater
tout ce que l'on voit de leur caractère dans cette semelle. Une semelle
et un talon également usés prouvent, dit-on, de l'honnêteté et des capa-
cités en affaires; un talon usé en dehors décèle un homme d'imagina-
tion, ami des aventures, un talon usé à l'intérieur accuse de la faiblesse
Exercez-vous à observer et de l'irrésolution; ce signe est plus infaillible quand il s'agit d'un hom-
me que d'une femme.
Les chaussures sont souvent ce qu'il y a de plus caractéristique Rappelez-vous Sherlock Holmes. Rencontrant un étranger et
dans la mise de quelqu'un. J'étais l'autre jour à la campagne avec une
dame. Une demoiselle marchait devant nous. « Je me demande qui est
cette jeune personne », me dit ma compagne. « Je dirais plutôt : qui
sert cette jeune personne? » lui répondis-je. La jeune

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constatant qu'il avait l'air à son aise, qu'il portait un vêtement neuf avec levé pour prendre un remède, mais qu'arrivé près de la table il avait été
un brassard de deuil, que son allure était martiale, qu'il marchait com- saisi d'un nouveau spasme et qu'il était tombé, donnant violemment de
me un marin et qu'il portait dans ses mains tatouées des jouets d'en- la tête contre l'angle de la table : de là la blessure à la tempe gauche
fants, qu'en eussiez-vous conclu? Sherlock Holmes devina correcte- qui correspondait exactement à ce coin. En tentant de se relever il avait
ment qu'il venait de se retirer de la marine de guerre avec le grade de saisi la table et le journal qui s'y trouvait : de là les empreintes. Puis il
sergent, que sa femme était morte et qu'il avait à la maison des enfants était retombé, se blessant une seconde fois contre le pied du lit. On
en bas âge. compara les empreintes aux doigts du mort, elles étaient identiques. Or
on ne trouve pas deux personnes sur 64.000.000.000.000 qui aient le
Autour d'un cadavre même dessin sur les pulpes de leurs doigts. Evidemment il n'y avait
pas eu de meurtre; le fils du mort était innocent.
A Pétrograd, on trouva près du cadavre d'un banquier assassiné
Il peut arriver à l'un ou l'autre d'entre vous d'être le premier à dé-
un porte-cigare d'ambre. L'embouchure avait une forme particulière, il
couvrir un cadavre. Rappelez-vous alors que votre devoir est d'exami-
n'y avait qu'une manière de la tenir, elle portait les marques de deux
ner et de noter les plus petits « signes », avant que le corps ait été re-
dents et ces marques prouvaient que les dents étaient d'inégale lon-
mué ou le sol foulé tout autour. Outre la position du corps, que l'on pho-
gueur. Les dents du mort étant tout à fait régulières, le porte-cigare ne
tographiera si possible, on examinera très soigneusement la terre qui
pouvait avoir été le sien. Mais un neveu du banquier avait des dents
l'entoure, en prenant garde de la fouler soi-même plus qu'il n'est abso-
répondant au signalement donné par le porte-cigare, on l'arrêta et d'au-
lument nécessaire de peur de gâter les traces existantes. Vous pouvez
tres faits vinrent bientôt prouver que c'était bien lui le meurtrier.
aussi dessiner un croquis rapide de la position du corps et des « signes
» qui l'entourent. Cela pourra être utile. Lisez dans les Mémoires de Sherlock Holmes l'histoire où l'on
trouve un homme pendu et où l'on croit à un suicide, jusqu'à ce que
A deux reprises récemment on a trouvé des cadavres qui sem-
Sherlock Holmes intervienne et montre, par divers indices : un cigare
blaient d'abord être ceux de gens qui s'étaient pendus eux-mêmes.
mordu par différentes dents, et des traces de pas, qu'il y a eu avec le
Mais un examen attentif du sol — des broussailles cassées et de l'her-
mort, et quelque temps avant son décès, trois hommes dans la pièce,
be foulée dans un des cas, un tapis froissé dans l'autre — prouva qu'il
qui ensuite l'ont pendu.
y avait eu meurtre et que les corps avaient été pendus après la mort
pour faire croire à des suicides. A la campagne
On cherchera avec soin des empreintes de doigts sur les objets ;
si ce ne sont pas celles de la victime, ce peuvent être celles du meur- Si vous êtes à la campagne, notez des points de repère, des ob-
trier et elles serviront à l'identifier. Le cas s'est présenté aux Indes : on jets qui vous aideront à retrouver votre chemin : collines lointaines, clo-
trouva un homme assassiné et ses vêtements portaient des empreintes chers, ou bien, plus près, constructions caractéristiques, arbres, por-
de doigts, qui firent découvrir le coupable. tails, rochers, etc.
Le Dr Gross raconte l'histoire d'un vieux savant qui fut trouvé mort En notant ces points de repère, rappelez-vous que vous pouvez
dans sa chambre à coucher avec deux blessures, l'une au front et l'au- avoir à faire usage de votre savoir pour aider quelqu'un d'autre à trou-
tre à la tempe gauche. Il arrive souvent que l'assassin, après son crime, ver son chemin; il vous faut donc bien les voir de façon à pouvoir les
saisisse la poignée de la porte ou une cruche d'eau pour laver ses décrire dans l'ordre sans erreur possible. Remarquez tous les croise-
mains rouges de sang. Cette fois un journal resté sur la table portait ments, tous les sentiers de traverse et souvenez- vous-en.
trois empreintes de doigts sanglants. On soupçonna le fils de la victime, Il faut encore noter des « signes » plus petits : les oiseaux qui se
et on l'arrêta. lèvent et s'envolent rapidement; cela indique qu'il y a là un
Mais 1 'examen attentif de la chambre et dès empreintes prouva
que le vieillard s'était trouvé mal pendant la nuit, qu'il s'était

120 121
lement ou par écrit à six questions relatives à des choses qu'ils doivent Autre jeu d'intérieur. Envoyez tous les Éclaireurs à tour de rôle
avoir observées. dans une chambre où ils resteront une demi-minute; quand ils revien-
L'exercice a plus de valeur si vous avez d'avance fait certaines dront, faites-leur énumérer les objets qu'ils auront remarqués et dres-
marques sur le sol, ou bien laissé à terre des boutons et des allumettes sez-en une liste. Celui qui en aura cité le plus grand nombre aura ga-
à ramasser et à rapporter (pour obliger vos garçons à ne pas faire at- gné.
tention seulement aux objets éloignés mais à examiner la terre de Le moyen le plus simple d'enregistrer le résultat, c'est de pré-
près). parer à l'avance la liste de tous les objets contenus dans la chambre, et
Pour lire les caractères. Envoyez vos Éclaireurs faire un tour en regard autant de colonnes qu'il y a d'Éclaireurs: il suffira ainsi de
d'une demi-heure pour trouver un individu brutal, ou un cas de pauvreté mettre une marque pour chaque objet signalé et le total sera facile à
digne. faire.
Il faudra qu'en rentrant ils puissent donner de leur homme une Retrouver les lieux. (Jeux d'intérieur, en ville ou à la campagne.)
description détaillée, et dire les raisons pour lesquelles ils lui prêtent ce Montrez une série de photos ou de dessins représentant des objets pris
caractère. dans le voisinage et qui ont dû être remarqués par tous les Éclaireurs
Ils diront aussi quels autres types ils ont vus : combien de bêtas, pour peu qu'ils aient eu l'œil ouvert, par exemple un chemin de traver-
de bons garçons, d'êtres faux, de vantards, de fats, etc., à en juger par se, une fenêtre bizarre, une gargouille ou une girouette, un arbre, une
leur figure, leur démarche, leurs chaussures, leur couvre-chef et leur image dans l'eau (deviner quel bâtiment s'y reflète) et ainsi de suite.
mise. Deux Éclaireurs peuvent très bien, s'ils le veulent, organiser en-
tre eux un concours de ce genre, en guise d'exercice.
Jeux d'observation Deux chefs de patrouille peuvent choisir chacun deux de leurs
Éclaireurs et les faire concourir ensemble, ce qui sera un très bon en-
Trouver un dé (Jeu d'intérieur). Envoyez la patrouille hors de la traînement; et quand ils auront acquis une véritable maîtrise ils pourront
chambre. jeter un défi à d'autres patrouilles.
Prenez un dé, une bague, une pièce de monnaie, un bout de
papier, n'importe quel petit objet, et placez-le à un endroit où il soit par- Suivre une trace.
faitement visible, mais où il attire peu l'attention.
Faites rentrer la patrouille et dites-lui de chercher. Celui qui a vu Envoyez un « lièvre » à pied ou à bicyclette avec une poche plei-
l'objet doit aller tranquillement s'asseoir sans indiquer aux autres l'en- ne de grains de blé, de coquilles de noix, de confettis ou de boutons et
droit où il se trouve. dites-lui d'en semer çà et là pour donner à la patrouille une piste à sui-
Au bout d'un temps donné, on lui dira de le montrer à ceux qui vre.
ne l'auront pas encore découvert. Ou bien partez avec un morceau de craie et dessinez le signe de
la patrouille sur des murs, des poteaux, des pavés, des réverbères, des
(Ceci pour s'assurer qu'il l'a réellement vu.) arbres, etc., de place en place, et que la patrouille trouve votre trace
Les devantures. L'arbitre fait passer sa patrouille devant six bou- d'après ces signes. Les Éclaireurs devront effacer toutes ces marques,
tiques. Il lui donne une demi-minute à chaque boutique. Puis, à quelque pour le bon ordre, et aussi pour qu'elles ne les induisent pas en erreur,
distance de là il donne à chacun des Éclaireurs un crayon et du papier s'ils recommencent le même exercice un autre jour.
et leur dit de noter de mémoire ce qu'ils ont vu, par exemple à la troisiè-
me et à la cinquième devanture. Celui qui donne le plus d'indications Flair d'Éclaireurs.
justes a gagné. — C'est une bonne chose d'organiser le concours par
paires; les perdants de chaque paire concourront ensuite entre eux, Préparez un certain nombre de sacs en papier, tous semblables,
et mettez dans chacun une substance différente, de l'oignon râpé
jusqu'à ce que l'on ait déter- miné le plus faible de tous. Cette façon de
faire donne le maximum d'exercice à celui qui a le plus besoin d'en
avoir.

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informations, au chasseur la plus grande partie de son gibier. Mais pour Faites enlever un soulier à chacun de vos garçons, et dites-lui
faire un bon « suiveur de piste » il faut commencer jeune et s'exercer d'en faire un croquis en notant tous les détails. Ou bien. en plein air,
en tout temps, à la ville et à la campagne. donnez à vos Eclaireurs un schéma et faites-leur chercher une em-
Si vous pensez constamment à le faire, vous verrez que cela de- preinte de soulier (la sienne propre au besoin), d'après laquelle il com-
viendra bientôt une habitude. Et c'en est une fort agréable, car elle rend plétera le schéma.
intéressante la route la plus monotone. On lui fera noter aussi la longueur du pas, et l'angle que chaque
Quand les chasseurs cherchent du gibier, leur premier soin est de pied forme avec la ligne droite.
chercher des pistes vieilles ou fraîches, pour s'assurer qu'il y a quelque On trouva un jour un noyé dans une rivière et l'on pensa qu'il
chose à chasser dans la région. Puis ils étudient les marques les plus s'agissait d'un accident et que les blessures qu'il avait à la tête étaient
récentes pour découvrir où le gibier se cache; ensuite quand ils ont le fait des blocs de pierre, etc. de la berge. Mais quelqu'un s'avisa de
trouvé une piste toute fraîche, ils la suivent jusqu'à ce qu'ils aient trouvé lui retirer un de ses souliers et. après un examen attentif de la rive, il en
et tué l'animal; souvent enfin ils ont encore à chercher leur propre piste retrouva l'empreinte, qu'il suivit jusqu'à un endroit où, manifestement, il
pour retrouver le chemin du camp. Et les éclaireurs militaires font à peu y avait eu une lutte : le sol était tout piétiné, les buissons étaient brisés
près de même en ce qui concerne l'ennemi. jusqu'au bord de l'eau, il y avait là les empreintes des pas de deux au-
Il faut d'abord apprendre à distinguer l'empreinte d'un pas de celle tres hommes. Quand bien même on ne retrouva jamais ceux-ci, on vit
d'un autre en tenant compte de la dimension, de la forme des clous, que l'on était probablement en présence d'un crime que l'on n'aurait
etc. De même pour les traces des chevaux et des autres animaux. pas soupçonné autrement.
De la piste d'un homme, c'est- Un Éclaireur doit apprendre à reconnaître au premier coup d'œil à
à-dire de la dimension de son quelle allure marchait celui dont il a sous les yeux les empreintes.
pied et de la longueur des en- En marchant, nous posons le pied tout entier sur le sol, il y a envi-
jambées, vous pouvez, dans ron 75 centimètres entre un pied et l'autre. En courant, nous appuyons
une certaine mesure, déduire davantage la pointe du pied et rejetons en arrière un peu de poussière,
sa taille. la distance entre les pieds est beaucoup plus grande. Il arrive parfois
Pour étudier une piste, il vous que des hommes marchent à reculons pour induire en erreur ceux qui
faut choisir une empreinte voudraient suivre leur piste, mais un bon Éclaireur s'avisera d'emblée
bien marquée, en mesurer de ce stratagème, car le pas est plus court, la pointe du pied est tour-
très soigneusement la lon- née vers l'intérieur et le talon laisse une empreinte plus profonde.
gueur totale, la longueur du Pour les animaux, quand ils courent, le devant du pied s'enfonce
talon, la largeur maximale, la plus profondément, la poussière est rejetée en arrière et les pas sont
largeur de la partie qui relie la plus longs que quand ils marchent.
Vous saurez reconnaître aussi l'allure d'un cheval à la simple ins-
semelle au talon, enfin la largeur du talon lui-même, noter le nom- pection de ses empreintes.
bre des rangées de clous et le nombre de clous par rangée, les pla-
ques du talon et de la pointe du pied avec leurs clous, la forme des tê-
tes de clous, etc.
Le mieux est de faire un croquis de l'empreinte en marquant, la
place des clous manquants. Mesurez soigneusement aussi la longueur
du pas, compté de la pointe d'un pied au talon de l'autre.

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Les pillards du temps jadis — et les voleurs de chevaux de nos jours
font comme eux — usaient du procédé qui consiste à faire marcher un
cheval en arrière pour dépister les poursuivants, mais un connaisseur
ne s'y laissera pas prendre.
Etudiez aussi les empreintes de roues, de façon à reconnaître
une pièce de canon, une voiture, une charrette de paysan, une auto-
mobile ou une bicyclette, et le sens dans lequel elles allaient.
Il importe de savoir juger de l'âge des pistes. C'est fort important,
mais il faut beaucoup d'expérience pour le faire bien. - Car tout dépend
de la nature du sol et du temps qu'il fait. En suivant une piste sur des
sols variés, un jour sec et venteux, vous verrez que sur un terrain sec
et sablonneux, elle semble vite très ancienne. Toute la terre humide
qui peut avoir été amenée à la surface sèche très rapidement et prend
Ce cheval boite. De quel pied? la couleur de la poussière, les contours des empreintes sont bientôt
Les longues empreintes sont celles des pieds de derrière. émoussés par la brise qui se joue sur la poussière dans laquelle ils
D. A. = Sabot droit d'arrière, etc. étaient marqués. Dans un terrain humide au contraire, la même piste
paraîtra beau- coup plus récente; sur un sol humide, le soleil (l'aura
Quand il va au pas, le cheval laisse deux paires d'empreintes : la séché qu'en partie la terre retournée, et le vent n'aura pas pu effacer
marque du fer gauche de derrière un peu en avant de celle du fer gau- les bords de la piste. Ainsi dans une terre argileuse ou à l'ombre, là où
che de devant, et de même le fer droit de devant un peu en arrière du le soleil ne pénètre pas, la même piste, que vous auriez crue vieille de
fer droit de derrière. vingt-quatre heures, vous paraîtra toute fraîche.
Au trot les empreintes sont pareilles, mais les pas sont plus Naturellement, la clef de l'énigme se trouvera souvent dans les
longs. gouttes de pluie qui peuvent être tombées la piste depuis qu'elle est
Les sabots de derrière sont généralement plus longs et plus formée (à condition que vous sachiez quand il a plu), dans les poussiè-
étroits que ceux de devant. res ou les graines que le vent y a portées (si vous avez remarqué
Les éclaireurs indigènes prétendent que les empreintes des pas quand le vent s'est levé), dans les pistes nouvelles qui sont venues
révèlent non seulement le sexe et l'âge, mais encore le caractère des croiser les anciennes, ou encore. là où des herbes ont été foulées,
marcheurs. Ils prétendent que les gens qui marchent la pointe du pied dans le degré de sécheresse qu'elles ont atteint. Quand on suit un che-
en dehors, sont généralement menteurs. val, le temps qui s'est écoulé depuis son passage est marqué par l'état
du crottin, pourvu que l'on tienne compte de l'effet du soleil, de la pluie,
des oiseaux, etc.
Il faut ensuite apprendre à suivre une piste dans tous les terrains.
Vous pouvez vous y exercer toute votre vie : vous aurez toujours quel-
que chose à apprendre et vous progresserez toujours.
Les cendres d'un feu sont très instructives : gâchez voir si elles
sont chaudes ou froides, et recueillir les débris qui vous indiqueront ce
qu'on a mangé là, si l'on était dans la disette ou dans l'abondance.
N'ayez pas l'œil ouvert seulement pour les signes de vos propres
Deux oiseaux ont passi? sur !e sol. L'un d'eux vit à terre, l'autre sur les arbres. Éclaireurs, mais aussi pour ceux des autres. Les Éclaireurs
Quelle est Deux oiseaux ont passi? sur !e sol. L'un d'eux vit à terre, l'autre sur
les arbres. Quelle est l'empreinte de chacun?

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et le suivit bien loin dans le désert, jusqu'à l'endroit où les objets volés
avaient été enfouis. Les traces revenaient ensuite vers la caserne. On
fit donc parader le régiment entier, mais pieds nus, pour que le liseur de
pistes pût étudier les empreintes. « Le voleur n'est pas ici », déclara-t-il.
A cet instant le domestique indigène du colonel arriva, porteur d'un
message. Le Jaalin qui se tenait là dit à l'officier : « Voilà l'homme qui a
enfoui les objets volés. » Saisi, le serviteur avoua qu'il était bien le vo-
La direction d'une bicyclette est révélée aussi par les boucles leur; il avait pensé qu'il serait le dernier à être soupçonné.
qu'elle a faites chaque fois qu'il y a eu un tournant ou une hésitation. M. Deakin, qui fut premier ministre de l'Australie, m'a raconté qu'il
Celle des deux extrémités de la boucle qui est la plus effilée indique la avait voyagé avec quelques indigènes, qui étaient sur mer pour la pre-
direction suivie. mière fois de leur vie. Quand le navire eut quitté le port, il vit tous ces
hommes courbés à l'avant du bateau, la tête par-dessus le bastingage,
explorant attentivement l'eau devant le vaisseau. Ils étaient captivés à
tel point qu'ils ne répondirent pas d'abord, quand on leur demanda ce
qu'ils regardaient. Enfin l'un d'eux déclara : « Nous ne pouvons pas
comprendre comment le navire trouve son chemin à travers la mer,
nous ne voyons pas quelle piste il suit ; nos yeux sont assez perçants
sur terre pourtant, et il nous arrive souvent de mener des blancs par
des chemins qu'ils disent ne pas voir et qui pour nous sont très nets. Ils
ont d'autres yeux que nous. Ici les marins voient certainement une piste
devant eux, sinon ils ne sauraient pas où diriger leur bateau, et pourtant
nous qui voyons si bien sur terre, nous ne distinguons pas trace de pis-
te dans l'eau. »
Quand il a découvert les traces fraîches d'un homme ou d'un ani-
mal, un vieil éclaireur évitera généralement de les suivre pas à pas, car
étrangers ont leurs signes à eux. Les chemineaux aussi ont les leurs ; l'animal traqué se retourne souvent pour voir si on le poursuit. Le chas-
en voici quelques-uns; on les trouve dessinés sur les murs et les barriè- seur avance par demi-cercles et si, à l'endroit où il s'attend à retrouver
res dans le voisinage des maisons où ils sont allés mendier; ce sont la piste, il la trouve en effet, il en décrit un second plus avant, jusqu'à ce
des avis à leurs confrères : qu'il ne trouve plus rien; il sait alors qu'il a dépassé son gibier et se met
à l'encercler graduellement jusqu'à ce qu'il l'atteigne, en prenant garde
toutefois de ne pas passer sous le vent de l'animal à une distance où
celui-ci pourrait le sentir.

Conseils

Des liseurs de piste de Scinde suivirent un chameau volé de Ka-


Il y a de fameux liseurs de pistes au Soudan et en Egypte. J'en rachi à Sechouan sur une distance de plus de 200 kilomètres à travers
ai vu à l'œuvre quelques-uns. Un colonel de la cavalerie égyptienne le sable et le rocher nu. Les voleurs, pour échapper aux
avait été volé; on fit venir un de ces hommes appartenant à la tribu
des Jaalins. Il découvrit bientôt les empreintes du voleur,

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poursuites, avaient fait passer et repasser l'animal dans une rue fré-
quentée, afin de mêler sa piste à beaucoup d'autres, mais les poursui-
vants avaient prévu le coup et, contournant la ville, ils retrouvèrent de
l'autre côté les traces du chameau qu'ils atteignirent en effet.
Dans les endroits où la piste est difficilement apparente, sur un
sol dur, ou dans l'herbe, notez la direction des derniers pas visibles,
puis regardez dans le même sens à une certaine distance de vous, 15
à 25 mètres par exemple ; dans un pré, vous verrez généralement l'her-
be brisée ou foulée, et, sur un sol dur, des pierres déplacées ou rayées
— signes minuscules qui, vus sur une même ligne, constituent une peti-
te piste que vous n'auriez pas remarquée sans cela. Il m'est arrivé de
retrouver la piste d'une bicyclette dans une rue asphaltée où elle n'avait
laissé aucune empreinte; pourtant en regardant loin devant moi au so-
leil levant, la ligne qu'elle avait suivie était parfaitement visible sur la
couche presque imperceptible de rosée qui couvrait la rue. Si j'étais
resté, les yeux rivés à la piste, à regarder devant mes pieds, je n'aurais
rien pu en voir. Il est fort important de se mettre à contre-jour quand on
cherche du regard une piste difficile : les moindres dépressions du ter-
rain portent alors une ombre.
Si vous êtes en train de perdre une piste, voici comment il faut
faire pour la retrouver. Placez votre mouchoir de poche, votre bâton, ou
n'importe quoi, à côté de la dernière empreinte observée, puis décrivez
autour de ce point un grand cercle de 30, 50 ou même 100 mètres de
rayon, en choisissant le sol le plus favorable, un sol mou, pour trouver
la suite de la piste. Si vous êtes avec votre patrouille, il y a avantage à
ce qu'elle fasse halte et à ce qu'un ou deux Éclaireurs seulement conti-
nuent la recherche. Si tous s'y mettent, ils ne tarderont pas à effacer la
piste qui se confondra avec leurs propres empreintes : trop de cuisi-
niers gâtent la sauce.
Faites aussi usage de votre bon sens, demandez-vous quelle di- Vieille Main «'avance Vieille Main «'avance sur la piste d'un bouc.
rection l'ennemi a chance d'avoir suivie et allez-y voir. Je me rappelle
une chasse au sanglier qui illustre ce précepte. La bête avait traversé sanglier, il se demanda : « Voyons, dans quelle direction serais-je al-
des prés inondés où on la suivait facilement, mais ensuite elle avait pris lé?» A quelque distance devant lui, en tenant compte de la piste par-
à travers un sol rocailleux, où bientôt on ne vit plus trace de son passa- courue, se trouvait une longue haie de cactus épineux; cette haie avait
ge. Il fallut recourir au procédé décrit plus haut. Autour de la dernière deux brèches. Le chasseur alla en examiner une, pensant que l'animal
empreinte un chasseur décrivit un grand cercle, en examinant le sol pouvait bien y avoir passé. Le terrain était, là aussi, très dur, et l'on n'y
très attentivement. Sans succès. Alora il regarda toute la contrée et, se distinguait aucune empreinte, mais sur une des feuilles de cactus dans
mettant à la place du la brèche il trouva une petite boule de boue humide. C'était l'indication
cherchée : il n'y avait pas de boue aux alentours, elle avait été apportée
par le sanglier. Ce seul «igné permit au chasseur de chercher plus loin
dans la bonne direction
134 135
tion et, de fil en aiguille, il retrouva des empreintes sur un sol plus favo- le terrain à chacun des Éclaireurs au pas d'abord, puis en courant, et à
rable et put suivre le sanglier jusqu'à son abri. bicyclette.
Au Soudan, j'ai vu un indigène suivre des pistes qui eussent été Il pourra alors leur faire voir la différence des empreintes de façon
tout à fait invisibles pour un œil de profane. Tant que les traces furent que ses scouts sachent ensuite, à première vue, distinguer les emprein-
claires, il régla exactement son pas sur les empreintes, en frappant le tes d'une personne qui courait et celles de quelqu'un qui marchait.
sol de son bâton pour rythmer son allure. Quand les empreintes dispa- Si possible, recommencez le lendemain, et en comparant les nou-
raissaient sur un sol dur ou dans des sables mouvants, il continuait à velles empreintes aux anciennes, exercez les Éclaireurs à juger de
marcher de même, en touchant le sol là où il aurait dû y avoir une em- l'âge des empreintes.
preinte. De temps à autre il voyait une légère dépression ou une mar- Puis faites s'entrecroiser plusieurs pistes : un bicycliste rencon-
que quelconque qui lui montrait qu'il y avait eu là un pied posé, et de la trant un piéton, et faites lire les empreintes qui en résultent.
sorte il savait qu'il était toujours dans la bonne voie. 2. Faites faire une expédition à un garçon qui aura muni ses se-
melles d'un «fer de traqueur », et faites-le poursuivre par une patrouille
Pour les débutants, tous les pieds nus se ressemblent; ils trou-
en remarquant toutes les empreintes diverses de gens et d'animaux
vent très difficile d'en distinguer les empreintes. Voici comment fait la
qui, ayant passé après lui, oblitèrent ses traces.
police des Indes; cela pourra être utile un jour ou l'autre à des Eclai-
Les fers « de traqueur » sont une invention récente. On les visse
reurs en Egypte, au Sud de l'Afrique ou dans les pays où l'on va
à ses souliers comme des patins, et les chaussures laissent alors une
beaucoup nu-pieds : En mesurant empreinte caractéristique. Vous pouvez fort bien les remplacer par
l'empreinte de l'homme que vous quelques clous de plus que vous ferez mettre dans la semelle ou le ta-
poursuivez, menez une ligne de l'ex- lon de vos souliers, ou bien au gros bout de votre bâton, de façon à
trémité du gros orteil à celle du petit laisser une trace reconnaissable.
et notez dans votre calepin la posi-
tion des autres doigts par rapport à Exercices et Jeux
cette ligne. Puis, quand vous trouve-
rez des empreintes, faites de même Faites asseoir vos scouts, les semelles dressées, de façon que
jusqu'à ce que vous retrouviez celle chacun puisse étudier toutes les autres. Donnez-leur trois minutes pour
que vous cherchez. Tous les indivi- cela. Plus tard vous direz à un Éclaireur de quitter sa patrouille sans
Ligne des orteils. dus diffèrent par la position de leurs être vu et d'aller marquer ses pas dans un terrain convenable. Tous
doigts de pied. examineront la piste et vous confieront qui a passé par là.
Eprouvez ce moyen avec les Eclaireurs de votre patrouille, cha-
cun imprimant son pied nu dans le sable, vous verrez quelles différen- Dessins d'empreintes
ces il y a entre les empreintes si l'on tient compte de la ligne des orteils.
Prenez votre patrouille et mettez-la sur une piste. Décernez un
prix à celui qui aura fait le dessin le plus exact d'une des empreintes.
POUR LES CHEFS On permettra aux Éclaireurs de suivre la piste jusqu'à ce qu'ils trouvent
un terrain où le pas ait pu s'imprimer distinctement.
Exercices de lecture de pistes Qui était-ce?

Demandez à un étranger d'établir une piste sans que les Éclai-


1. Le chef fera préparer par ses garçons une pièce de terrain bien reurs le voient. Faites-la étudier à vos garçons de façon qu'ils la
roulé (de dix à quinze mètres de côté), une moitié étant mouillée com- connaissent bien.
me après la pluie, et l'autre sèche. Il fera successivement traverser Puis mêlez votre étranger à huit ou dix autres que vous prierez de
défiler devant votre patrouille, chacun laissant son empreinte
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sur le sol. Les Éclaireurs viennent séparément dire à l'oreille de 1 arbi- interrompt ses occupations, et on part à la poursuite du voleur L'ÉcIai-
tre lequel des étrangers — chacun d'eux étant désigné par son numéro reur qui s'empare du chiffon ou d'une partie du chiffon a gagné; si per-
d'ordre — est l'auteur des empreintes primitives. Celui qui a répondu sonne n'y parvient, c'est le voleur. Celui-ci doit porter le chiffon suspen-
juste a gagné; s'il y en a deux, ce sera celui qui, de mémoire, donnera du à son cou, il ne peut pas le cacher sur lui.
de l'empreinte le dessin le plus exact.
TREIZIÈME BIVOUAC
Les contrebandiers
LA LECTURE DES «SIGNES»
La frontière est représentée par une ligne d'environ 400 mètres
de long : une route, un large chemin, ou encore une bande de sable sur OU LA DÉDUCTION
laquelle les empreintes se marquent facilement. Une patrouille surveille
la frontière. Des sentinelles sont postées de loin en loin et il y a une Quand un Éclaireur a appris à remarquer les « signes », il lui res-
grand' garde à l'intérieur, à mi-chemin à peu près entre la « frontière » te à les rapprocher de façon à leur trouver un sens. C'est ce que l'on
et la « ville » qui est représentée par un arbre, un édifice ou un dra- appelle «déduire». Voici un exemple qui montre comment le jeune
peau, à 800 mètres à peu près de la frontière. Eclaireur qui y a été exercé arrive à lire les signes qu'il rencontre :
Une patrouille ennemie, les contrebandiers, se rassemble à 800 Un soldat de cavalerie s'était égaré et quelques-uns de ses cama-
mètres environ de l'autre côté de la frontière. Ils traversent celle-ci dans rades le cherchaient par tout le pays. Ils rencontrèrent un jeune indigè-
la formation qui leur convient, isolément ou en groupes, et se dirigent ne et lui demandèrent s'il avait vu leur homme. L'autre répondit : « Est-
vers la « ville » en marchant, en courant, ou bien au pas d'Eclaireurs. Il ce un très grand soldat monté sur un cheval rouan qui boite un peu? »
n'y en a qu'un parmi eux qui fasse de la contrebande. Il porte des fers — « Oui, c'est ça. Où l'avez-vous vu? » — « Je ne l'ai pas vu, mais je
de traqueur; les sentinelles font les cent pas sur la frontière (elles n'ont sais où il a passé. »
pas le droit de courir avant que l'alarme soit donnée), épiant les em- Là-dessus on arrêta le jeune homme, dans l'idée que le soldat
preintes du contrebandier. Dès que l'une d'entre elles discerne la mar- avait été assassiné, ou qu'on l'avait fait disparaître de quelque façon et
que cherchée, elle donne le signal d'alarme et se précipite sur la piste que l'indigène en avait entendu parler. Mais il expliqua qu'il avait vu des
trouvée. La grand'garde vient à la rescousse et l'on cherche à saisir le traces de cet homme qui pourraient servir à le faire retrouver.
contrebandier avant qu'il ait atteint la ville. S'il y arrive sans avoir été Il les amena à un endroit où des signes montraient que 1 homme
pris, c'est lui qui a gagné. s'était arrêté. Le cheval s'était frotté contre l'arbre et avait laissé sur
l'écorce quelques poils qui renseignaient sur sa couleur. Les emprein-
Au voleur ! tes de ses pas montraient qu'il boitait, c'est-à-dire qu’un pied n'était pas
aussi fortement imprimé dans le sol et ne faisait pas d'aussi grands pas
Un chiffon rouge est suspendu le matin dans le camp ou dans le que les autres. La qualité de soldat du cavalier était attestée par les
local de la patrouille. L'arbitre s'approche de chacun des Éclai- reurs empreintes de ses bottes qui étaient à l'ordonnance. On demanda enfin
pendant qu'ils jouent ou travaillent et lui dit à l'oreille : « Il y a un voleur au jeune homme : « Comment avez-vous pu savoir qu'il était grand? »
dans le camp », mais à un des garçons il ajoute : « C'est vous. — Au — Il montra que le soldat avait cassé une branche de l'arbre, qui était
port ! » ou tel autre nom d'endroit bien connu situé à un kilomètre envi- hors de l'atteinte d'un homme de taille moyenne.
ron du lieu où l'on se trouve. Le garçon comprend qu'il doit, au cours La déduction est pareille à une lecture.
des trois heures suivantes, s'emparer du chiffon et se rendre à l'endroit Quelqu'un qui n'a jamais appris à lire et qui vous voit penché sur
désigné. un livre vous demandera : «Comment faites-vous ? » et vous
Personne d'autre ne sait qui est le voleur, ni où il doit se rendre, ni
à quel moment il commettra son larcin. Dès que quelqu'un s'aperçoit
que le chiffon rouge manque, il donne l'alarme; chacun

138 139
ui montrerez que les petits signes de la page sont des lettres, que ces caché sur la colline et devait y être arrivée peu après six heures.
lettres groupées forment des mots, les mots des phrases, et que les Les hommes s'étaient probablement mis à boire tout de suite (la bière
phrases donnent des renseignements. tourne au bout de quelques heures); en y allant, nous avions chance de
De même un Éclaireur verra de petits signes et des empreintes, il les trouver assoupis et mal sur leurs gardes; c'était une bonne occasion
les rapprochera et bientôt y lira un sens qu'un homme sans instruction d'inspecter leur position.
n'en aurait jamais dégagé. Nous suivîmes donc la piste des femmes, trouvâmes l'ennemi,
Et l'exercice le rendra capable de voir le sens au premier coup fîmes notre reconnaissance et revînmes sans difficulté avec les rensei-
d'œil, comme vous faites dans un livre sans prendre le temps d'épeler gnements désirés.
chaque mot lettre par lettre. Tout cela fut dû à cette seule feuille. Vous voyez l'importance des
Il m'est arrivé un jour, pendant la guerre des Matabélés, de me observations de détail.
trouver avec un indigène dans les environs des Monts Matapo sur une
vaste plaine herbeuse, Nous étions détachés en éclaireurs. Tout à coup Exemples de déduction
nous croisons une piste fraîche : les herbes, vertes et humides encore,
étaient toutes courbées dans une même direction, celle dans laquelle
Voici quelques cas de crimes découverts sur de tout petits indi-
on avait marché. En suivant cette piste, pendant un moment, nous arri-
ces.
vâmes à une place sablonneuse et nous y vîmes les empreintes de plu-
sieurs femmes (petits pieds à contours droits, petits pas) et de jeunes Sur le théâtre d'un meurtre on trouva un veston d'étranger qui ne
garçons (petits pieds à contours recourbés, plus longs pas) qui ne cou- donnait aucune indication sur son possesseur. On le mit dans un grand
raient pas, mais marchaient dans la direction de collines situées à quel- sac et on le battit fortement. La poussière fut recueillie au fond du sac
que sept kilomètres de là, où nous pensions que l'ennemi s'était retiré. et examinée à la loupe; on constata qu'elle était faite de fine sciure : le
propriétaire du veston était donc probablement un charpentier, un
Puis, nous vîmes à dix mètres environ de la piste, une feuille d'ar-
scieur ou un menuisier. Sous un verre encore plus puissant, on vit que
bre. Il n'y avait d'arbres qu'à plusieurs kilomètres de distance, mais
la poussière contenait aussi de petits grains de gélatine et de colle. Ni
nous savions que des arbres portant cette feuille croissaient dans un
les charpentiers ni les scieurs ne font usage de colle, on avait donc af-
village situé à vingt kilomètres dans la direction d'où venaient les pas. Il
faire à un menuisier : cela mit la police sur les traces de l'assassin.
était dès lors probable que les femmes étaient venues de ce village et
qu'elles avaient apporté cette feuille en allant vers les collines. La poussière dans les poches d'un vêtement ou dans les inters-
tices des lames de couteau est souvent riche en renseignements,
En ramassant la feuille nous vîmes qu'elle était mouillée et qu'elle
quand on l'examine de près.
avait l'odeur d'une bière indigène. Les petits pas des femmes prou-
vaient qu'elles étaient chargées. Nous devinâmes donc que, suivant On raconte que ce fut le Dr Bell, d'Edimbourg, qui fournit à Conan
leur coutume, elles avaient porté sur leurs têtes des pots de bière indi- Doyle l'idée première de son Sherlock Holmes.
gène, bouchés avec des feuilles d'arbre. Une de ces feuilles était tom- Dans un de ses cours à l'hôpital, on lui amena un malade qui en-
bée, mais nous l'avions trouvée à dix mètres de la piste, ce qui prouvait tra en boitillant. Le docteur se tourna vers un des étudiants et lui de-
que le vent soufflait à ce moment-là. L'air était calme, il était sept heu- manda : « Qu'a cet homme ?» — « Je ne sais pas, monsieur, je ne le
res, mais il y avait eu du vent à cinq heures. lui ai pas demandé », répondit l'autre.
De tous ces petits signes nous tirâmes la conclusion qu'une trou- « Et il n'y a pas besoin de le lui demander, dit le docteur, vous
pe de femmes et d'enfants, partie d'un village situé à vingt kilomètres pourriez le voir tout seul. Il s'est fait mal au genou droit, il boite de cette
de là, avait dans la nuit apporté de la bière à l'ennemi jambe; il s'est blessé en se brûlant : voyez comme son pantalon est
roussi au genou. Nous sommes lundi matin; hier il faisait beau; samedi
il a plu. Le pantalon de cet homme est tout couvert de boue. Il est tom-
bé dans la boue samedi soir. »

140 141
Puis s'adressant à l'homme : « Vous avez touché votre paie sa- véritable Arabe monte, la jambe appliquée contre le flanc du chameau.
medi soir, vous avez bu, et en cherchant à sécher vos habits, devant le Le général Joubert qui commandait les forces des Boers en 1900,
feu chez vous, vous êtes tombé dans le feu, et vous vous êtes brûlé le m'a dit, quelques années avant cela, que, au cours de la guerre précé-
genou. N'est-ce pas ça?» — «Oui, monsieur», dit l'homme. dente, en 1881, c'était sa femme qui avait découvert la première que
J'ai lu dans un journal l'histoire d'un juge qui s'appliquait à obser- les troupes anglaises occupaient la crête de Majuba. Les Boers étaient
ver des « signes » et à les rapprocher. Il jugeait une affaire de dettes. à ce moment-là campés près du pied de la montagne et ils postaient
L'homme plaidait qu'il était sans travail et ne pouvait pas trouver généralement quelques observateurs au sommet. Ce jour-là, comme ils
d'emploi. Mais le juge dit : « Que faites-vous de ce crayon que vous comptaient partir de bonne heure le lendemain, ils n'avaient pas envoyé
avez sur l'oreille, si vous n'avez pas d'emploi? » Force fut à l'autre de sur la montagne le piquet habituel.
convenir qu'il assistait sa femme dans son commerce, et l'on découvrit Comme ils faisaient leurs préparatifs de départ, Mme Joubert, qui,
que, celui-ci marchant fort bien, l'homme n'avait aucune excuse pour ne évidemment, avait un regard d'éclaireur, leva les yeux et s'écria : «
pas payer. Voyez, il y a un Anglais au sommet du Majuba ! » Les Boers lui dirent :
Le Dr Reiss, qui enseigna la police scientifique à l'Université de « Mais non, ce doivent être nos hommes qui sont montés là, après tout.
Lausanne, raconte la façon dont l'instruction assemble des indices. Un »
vol avait été commis, les pas du voleur s'étaient imprimés dans le jar- Mais Mme Joubert ne se laissa pas intimider : "Regardez-le mar-
din. Ceux qui se dirigeaient vers la maison étaient moins profondément cher; ce n'est pas un Boer, c'est un Anglais.» C'était bien le cas. Elle
marqués que ceux qui en revenaient, et ils étaient plus espacés. avait raison. Un détachement d'Anglais avait occupé le sommet pen-
La police en conclut que le voleur s'en était allé en emportant une dant la nuit, mais, par la sottise de cet homme qui se promenait de fa-
lourde charge, qui l'avait forcé à marcher à petits pas en pesant sur lui çon à se profiler sur l'horizon, leur présence fut découverte par les
de façon à le faire enfoncer dans le sol. Boers. Bien loin de se laisser surprendre, ce furent les Boers qui, grim-
pant la montagne le long de rochers escarpés, prirent par surprise les
Anglais et les repoussèrent avec de grosses pertes.
Histoires vraies

Un officier, qui avait perdu ses jumelles dans le désert pendant


Le capitaine Stigand raconte plusieurs belles histoires. Un jour
des manœuvres aux environs du Caire, envoya des indigènes pour les
qu'il faisait une tournée autour de son camp, il remarqua des traces
lui chercher. Ils demandèrent à voir les sabots de son cheval. On l'ame-
fraîches d'un cheval qui marchait au pas. Comme il savait que ses che-
na pour qu'ils pussent en noter les empreintes. Ils se les gravèrent dans
vaux prenaient toujours le petit trot, ce ne pouvait être que la monture
l'esprit, puis, sur le terrain de manœuvres, parmi les centaines de tra-
d'un étranger. Un éclaireur ennemi était donc venu tranquillement ins-
ces de fers laissées par les chevaux de la cavalerie et de l'artillerie, ils
pecter son camp pendant la nuit.
trouvèrent très vite celles du cheval de l'officier; ils les suivirent partout,
En arrivant à un village de l'Afrique centrale d'où tous les habi- si bien qu'ils découvrirent en effet les jumelles qui avaient glissé hors
tants s'étaient enfuis, il pensait ne pas pouvoir dire à quelle tribu ils ap- de l'étui.
partenaient, quand il trouva dans une des huttes une patte de crocodile.
Ces liseurs de pistes égyptiens sont particulièrement habiles à
Il sut qu'il était chez des Awisas, les seuls à manger la chair de cet ani-
suivre les traces des chameaux. Pour les profanes, tous les pieds de
mal, parmi les indigènes de cette région.
chameaux sont pareils, mais pour un œil exercé, chaque empreinte a
Un chameau monté passe à plus de cinq cents mètres. « Cet sa physionomie et ces gens-là se les rappellent comme nous nous sou-
homme est né esclave », dit un indigène. — « Comment pouvez- vous venons des visages que nous avons rencontrés.
l'affirmer à cette distance?» — «Il remue la jambe.» Un

142 143
Il y a un an, un chameau fut volé dans les environs du Caire. On du sentier. Près du tronc, une pierre de la grosseur d'une noix de coco,
fit venir le « traqueur » de la police et on lui montra l'empreinte de son à laquelle adhéraient quelques fragments secs d'écorce de châtaignes.
pas. Il suivit cette trace pendant longtemps dans une rue, où elle était Quelques écorces de châtaignes aussi sur le tronc. Un peu plus loin
entièrement recouverte par d'autres empreintes. Mais un beau jour, un dans le sentier, à 30 mètres au sud du tronc, des morceaux de la coque
an plus tard, il rencontra tout à coup une piste fraîche, dans laquelle il de quatre châtaignes. Tout près, bordant le chemin, un grand rocher
reconnut celle du chameau qu'il avait inutilement cherché. incliné. Le seul châtaignier en vue était à 150 mètres au nord du tronc.
Il avait cheminé aux côtés d'un autre animal, que notre homme Au pied du tronc, une galette de boue durcie, montrant l'empreinte d'un
savait appartenir à un voleur de chameaux bien connu. Aussi, sans soulier d'herbe.
s'attarder à suivre la piste à travers la ville, il prit quelqu'un de la police, Qu'eussiez-vous fait de ces signes? Voici quelle fut ma conclu-
se rendit tout droit à l'étable du voleur et y trouva l'animal dérobé. sion :
Les gauchos, ces cow-boys de l'Amérique du Sud, sont de fa- Deux jours auparavant un homme avait passé allant vers le sud. Il
meux éclaireurs. Quoique les pâturages soient maintenant presque faisait un long voyage et portait sur son dos un fardeau. Il s'était reposé
tous entourés de clôtures, ils ont eu jadis à suivre sur des parcours de près du rocher en mangeant des châtaignes.
plusieurs kilomètres les traces de bestiaux perdus ou volés et ils ont Et voici mes déductions : C'était un homme qui portait une char-
acquis dans cet art une maîtrise admirable. On raconte qu'un de ces ge, car, quand on est chargé, on préfère ne pas s'asseoir pour se repo-
hommes, envoyé à la recherche d'un cheval volé, était rentré bredouil- ser, mais appuyer son fardeau contre un rocher en pente et se pencher
le; dix mois plus tard, dans une autre partie du pays, il remarqua sur le en arrière. S'il n'avait pas été chargé, il se serait probablement assis sur
sol les empreintes de ce cheval : durant tout ce temps l'image s'en était le tronc, mais il avait préféré faire trente mètres de plus pour arriver au
conservée dans son souvenir. Il les suivit, retrouva l'animal et le rendit à rocher. Les femmes ne portent pas de fardeau dans ce pays, c'était
son maître. donc un homme. Mais il avait d'abord, avec sa pierre, cassé sur le tronc
les châtaignes qu'il avait cueillies sur l'arbre à 150 mètres au nord. Il se
dirigeait donc vers le sud. Et il faisait un long voyage, car il portait des
POUR LES CHEFS souliers au lieu d'aller nu-pieds comme il l'eût fait, s'il n'avait que vaqué
à ses affaires près de chez lui. Trois jours auparavant il avait plu. Le
Comment enseigner aux Eclaireurs gâteau de boue s'était formé, tandis que le sol était encore humide,
l'art de la déduction mais il n'avait pas reçu de pluie depuis et il avait séché. L'écorce de
châtaigne aussi était sèche et prouvait que le passage de l'homme
n'était pas tout récent.
Lisez à haute voix une histoire où figurent un grand nombre de
Il n'y a pas d'histoire importante attachée à tout cela; ce n'est
détails observés, d'où sont ensuite tirées des conclusions : les Mémoi-
qu'un exemple des exercices que les Éclaireurs peuvent faire tous les
res ou les Aventures de Sherlock Holmes, par exemple. Puis demandez
jours.
à vos garçons s'il y a des détails qui leur aient suggéré des hypothèses,
pour voir s'ils ont vraiment compris la méthode.
Jeux et concours dans l'art de la déduction
Suivez des traces quelconques et déduisez-en la signification.
Demandez à quelques personnes que vos Éclaireurs ne connais-
Exemple sent pas, de vouloir bien passer près d'eux dans une rue ou dans un
chemin. Dites à Vos garçons de bien les observer; puis, après un mo-
Une déduction simple à partir de signes observés par moi au ment demandez à chacun une description complète de chacun des
cours d'une promenade du matin sur un col de montagne dans le Ca- passants : son apparence, ses traits distinctifs, ce qu'il pense être sa
chemire : profession.
Ou bien donnez à chacun de vos garçons deux minutes de cotwer-
Signes observés : un tronc d'arbre d'un mètre de haut, près

144 145
sation avec un de vos amis, pour qu'il cherche à découvrir de lui tout ce
qu il pourra en l'interrogeant et en l'observant.
Déposez dans une chambre sur une pièce de terrain plusieurs
petits « signes », des empreintes, etc. Lisez à haute voix l'histoire du
crime jusqu'à un moment donné, et demandez alors à chaque Éclai-
reur ou à chaque patrouille d'en examiner le théâtre pendant un temps
déterminé et de Vous dire en particulier les conclusions auxquelles ils
arrivent.
On commencera par les schémas les plus simples, les plus élé-
mentaires, pour les compliquer par degrés. Ainsi quelques empreintes
de pas et des allumettes brûlées au pied d'un arbre, montrant qu'un
homme a eu de la peine à allumer sa pipe, etc.
Comme type d'une histoire plus complète, prenez un mystère
comme un de ceux des Mémoires de Sherlock Holmes. Arrangez une
chambre — celle où l'on aura trouvé le malade pendu — avec des em-
CHAPITRE V
preintes de souliers boueux sur le tapis, des bouts de cigares mâchés
ou coupés dans la cheminée, des cendres de cigare, des vis et des
L A CONN AI SS ANCE
tournevis. Posez sur le plancher une bande de papier, ou des mou-
DES ANIM AUX ET DE L A N ATURE
choirs sur lesquels les concurrents marcheront pour ne pas altérer les
empreintes existantes. Faites entrer séparément chaque Éclaireur ou
QUATORZIÈME BIVOUAC
chaque patrouille et donnez-lui trois minutes d'investigation. Puis ils sor-
VOIR SANS ETRE VU
tiront et devront vous communiquer leur solution, oralement ou par
écrit, une demi-heure plus tard.
COMMENT ENSEIGNER L'HISTOIRE NATURELLE
Faites faire par une patrouille des pistes pareilles à celles que
d'Artagnan débrouilla. Les autres feront fonction de détectives, et s'ap- Si vous êtes en ville, emmenez vos Éclaireurs au jardin zoologi-
pliqueront à percer le mystère, en s'aidant des empreintes et des autres que ou au musée d'histoire naturelle et faites-leur voir quelques ani-
signes. maux sur lesquels vous vous serez préparé à leur faire une leçon. Une
Trouvez l'assassin. — L'assassin s'enfuit après avoir terrassé sa demi- douzaine de bêtes suffiront pour une journée.
victime; il tient dans sa main le poignard d'où le sang dégoutte. Les au- Si Vous êtes à la campagne, obtenez d'un fermier ou d'un charre-
tres, une minute plus tard, se mettent à sa poursuite, en se laissant gui- tier la permission de faire voir à vos garçons comment on attelle un
der par les gouttes de sang (petits pois ou grains de maïs) qui sont tom- cheval, comment on le nourrit et l'abreuve, comment on le ferre. Com-
bées à chaque pas du meurtrier. Son complice (l'arbitre) lui a dit d'avan- ment arrêter un cheval échappé? Comment traire une vache?
ce où il pouvait se réfugier; s'il y parvient sans avoir été touché par ses Etudiez les habitudes des vaches, des oiseaux, des truites, des
poursuivants et plus de huit minutes avant eux, il a gagné. S'il ne rejoint rats d'eau.
pas son complice, ni l'un ni l'autre ne gagne. Menez vos scouts dans une ménagerie et expliquez-leur ce qu'ils
y verront.
Représentations Comment se cacher
Dans de récentes manœuvres, deux patrouilles ennemies s'avan-
çaient se cherchant l'une l'autre, quand l'espace qui les séparait se
Tous les récits de Sherlock Holmes se prêtent à être mis en scè-
trouva n'être qu'un terrain ouvert, impossible à traverser pour un Éclai-
ne.
reur sans se faire voir, semblait-il.
1406 147
Pourtant un petit fossé, profond de 60 centimètres environ et bor- Les éclaireurs militaires et les chasseurs qui veulent voir sans
dé de buissons, courait à travers une partie de la plaine, à partir du être vus prennent toujours deux précautions :
point où se tenait cachée une des patrouilles. Celle-ci aperçut deux Ils ont soin d'abord que le fond d'arbres ou d'édifices devant le-
veaux qui s'avançaient sur la plaine en partant du bord opposé. Ils la quel ils se trouvent ait la même couleur que leurs vêtements.
traversèrent jusqu'à ce qu'ils fussent arrivés au bout du fossé. Là ils Ensuite, si l'ennemi ou le gibier regarde de leur côté, ils restent
s'arrêtèrent, et se mirent à brouter chacun de son côté. absolument immobiles tout le temps.
Un Éclaireur entreprit alors de s'avancer en rampant dans le fos- Ainsi, même à découvert, un Eclaireur pourra souvent éviter
sé jusqu'à l'extrémité voisine des veaux, espérant découvrir là quelque d'être vu.
moyen d'aller plus avant ou, à tout le moins, obtenir ainsi de la position
Considérez la couleur de vos vêtements pour choisir votre arrière-
possible de l'ennemi une vue plus distincte. Il n'était pas à la moitié de
plan : si vous êtes en kaki, ne vous mettez pas devant un mur blanc ou
son fossé qu'une détonation retentit : un Éclaireur ennemi était déjà
un arbre au feuillage obscur, mais arrangez-vous à avoir derrière vous
posté là.
du sable, ou de l'herbe sèche, ou des rochers — et ne bougez plus.
Quand le juge de camp arriva pour s'informer de la façon dont il Même à une petite distance, l'ennemi aura beaucoup de peine à vous
était arrivé sans être vu, l'ennemi raconta que, désespérant de traver- distinguer.
ser la plaine, il avait mis la main sur deux veaux qu'il avait trouvés dans
Si vous portez des vêtements foncés, mettez-vous dans un fourré
les buissons où sa patrouille se tenait à couvert, et que, se plaçant en-
noir ou à l'ombre des arbres ou des rochers, mais prenez garde que le
tre eux, il les avait fait avancer, en leur tirant la queue, jusqu'au bout du
terrain derrière vous soit sombre aussi; si le sol était clair au delà des
fossé. Là il les avait lâchés et s'était glissé à terre sans être remarqué.
arbres sous lesquels vous vous êtes abrité, vous vous y détacheriez
nettement en silhouette.
L'art de rester inaperçu Quand vous prendrez des collines comme postes d'observation,
prenez bien soin de ne pas vous montrer au-dessus de la ligne d'hori-
Si vous voulez observer des animaux en liberté, il vous faut ap- zon. C'est une faute que les novices font généralement.
prendre à ramper jusqu'à eux sans qu'ils vous voient ni ne vous flairent. Il est fort instructif de voir un Zoulou tirer parti d'un mame- lon ou
Un chasseur reste tout à fait caché, et de même l'éclaireur militai- d'un repli de terrain pour épier l'ennemi. Il rampe à quatre pattes à plat
re qui monte la garde ou surveille l'ennemi. Un agent de police ne pince dans l'herbe; arrivé au sommet, il lève la tête très lentement jusqu'à ce
pas les voleurs en se tenant là en uniforme pour les surveiller; il se met qu'il voie devant lui. Si l'ennemi est là, il l'observera bien, et s'il pense
comme n'importe qui et, souvent, s'arrête aux devantures pour voir qu'on regarde de son côté il restera là, pendant un long moment, la tête
dans la glace, sans en avoir l'air, tout ce qui se passe derrière lui. parfaitement immobile, dans l'espoir qu'on la prendra pour une souche
Un coupable qui se sent surveillé se tient sur ses gardes, un inno- ou pour un rocher. S'il n'est pas surpris, il abaissera de nouveau très
cent qui voit qu'on l'épie est désagréablement surpris. Aussi, quand lentement la tête par degrés et rampera en arrière tout doucement. Un
vous observez quelqu'un, ne vous campez pas devant lui, mais, d'un mouvement rapide sur la ligne de l'horizon aurait bien des chances
coup d'œil ou deux, notez les détails qui vous intéres- sent et, si vous d'attirer l'attention, même de très loin.
voulez en savoir davantage, marchez derrière lui. Il y a autant à ap- La nuit, restez autant que possible dans des bas-fonds, des fos-
prendre sur quelqu'un en l'observant de dos que de face, et même bien sés, etc., de façon à être dans l'ombre. Vous pourrez voir ainsi l'ennemi
davantage, car, à moins qu'il n'ait appris lui -même le métier d'éclaireur, qui s'approche se dessiner sur le ciel plus haut que vous.
et qu'il se retourne fréquemment, il ne sait pas que vous l'observez. En restant tapi très bas à l'ombre d'un buisson la nuit et en de-
meurant tout à fait tranquille, j'ai laissé un éclaireur ennemi arriver à un
mètre de moi; au moment où il se retournait, je pus me lever sur place
et l'enserrer de mes bras.

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Si l'on veut avancer sans être vu, spécialement la nuit, il ne faut passent une ficelle autour de la tête et la garnissent d'herbes, les unes
pas oublier de marcher sans bruit. Le pas ordinaire d'un homme s en- droites, les autres tombantes, de façon à se couvrir le visage. De la
tend de loin, mais un éclaireur ou un chasseur avance toujours légère- sorte on a beaucoup de mal à les voir.
ment en posant la pointe du pied, et non le talon. Exercez-vous à mar- Quand ils cherchent à voir de derrière une grosse pierre, ils ne
cher ainsi en toute occasion, de nuit et de jour, en chambre et en plein regardent pas par-dessus, mais de côté.
air, de façon que cela devienne pour vous une habitude; marchez aussi
légèrement que possible. Vous verrez qu'à mesure que cette habitude Comment enseigner cet art
se développera, croîtra aussi votre aptitude à marcher longtemps :
vous ne vous fatiguerez pas aussi vite que si vous marchiez du pas Prouvez l'utilité qu'il y a à assortir l'arrière-plan à la couleur de ses
pesant de la plupart des gens. vêtements, en donnant à un de vos garçons l'ordre de se poster à 500
Rappelez-vous aussi que pour surprendre un animal en liberté, mètres devant plusieurs fonds différents, jusqu'à ce qu'il en trouve un
ou un éclaireur exercé, il faut vous tenir sous le vent par rapport à lui, qui cadre avec ses habits. Les autres observeront combien on a de pei-
même si le vent est léger au point de n'être qu'une petite brise. Avant ne à le distinguer quand il a trouvé un second plan favorable. Par
de partir, assurez-vous par conséquent de la direc- tion du vent et mar- exemple, un jeune garçon en gris est parfaitement visible, s'il se tient
chez toujours contre lui. devant des buissons foncés, mais il l'est bien moins devant un rocher
Les Peaux-Rouges partant en reconnaissance s'attachaient sur ou une maison grise; un autre, en noir, se distingue fort bien dans un
les épaules une peau de loup ; marchant à quatre pattes et imitant le pré vert, mais beaucoup moins devant une porte ouverte sur un inté-
cri du loup, ils rôdaient la nuit autour des camps. rieur noir.
En Australie les indigènes surprennent les émeux — de grands
Jeux

Chasse à l'Éclaireur.

On donne à un des jeunes gens le temps d'aller se cacher; les


autres se mettent à sa recherche; il gagne si, dans un temps donné, on
ne le trouve pas, ou s'il peut revenir à son point de départ sans être ar-
rêté.
Tous inaperçus.

L'instructeur fait le gibier; il ne se cache pas, mais reste immobile,


changeant de place de temps à autre, si cela lui plaît.
Les Éclaireurs se mettent à sa recherche, et chacun à sa manière
s'efforce d'arriver jusqu'à lui sans être vu.
Dès que l'instructeur en aperçoit un, il lui fait signe de se lever et
oiseaux, un peu comme les autruches — en se couvrant d'une peau l'autre est hors de combat. Au bout d'un certain temps l'instructeur don-
d émeu et en marchant le corps courbé et une main levée pour repré- ne un signal, chacun se dresse là où il est, et celui qui est arrivé le plus
senter le cou et la tête de l'oiseau. près a gagné.
Les éclaireurs d'Amérique, quand ils lèvent la tête par-dessus un Ce même jeu, qui enseigne aux Éclaireurs à marcher sans bruit,
buisson ou dans un endroit où ils risquent de se profiler sur le ciel, met- peut être joué de jour, l'arbitre ayant les yeux bandés. On choisira de
tent un bonnet fait d'une peau de loup, avec des oreilles, de façon préférence un sol couvert de feuilles sèches ou de gravier. L'Éclaireur
qu'on les prenne pour des animaux si on vient à les voir. Chez nous prend son point de départ à 100 mètres environ de son ennemi aveu-
aussi, quand ils sont dans l'herbe, les éclaireurs se gle, il a pour tâche de parcourir cette distance
150 151
assez rapidement, en une minute et demie, par exemple, et de toucher Jeu des drapeaux.
l'aveugle sans que celui-ci l'ait entendu venir.
Deux ou plusieurs patrouilles de chaque côté.
Épier et rendre compte. Chacun des partis forme une grand 'garde pour protéger trois dra-
peaux (ou, de nuit, trois lanternes à 60 centimètres du sol) plantés à
L'arbitre se place en plein air, il envoie ses Éclaireurs deux à deux 200 mètres (de nuit, 100) au moins en arrière d'elles. Les gardes se
ou isolément dans différentes directions à 700, 800 mètres. A un si- cachent soit en un seul poste, soit par groupes de deux hommes, puis
gnal, tous se cachent et s'appliquent à l'épier en rampant vers lui et en elles envoient des Éclaireurs pour découvrir la position de l'ennemi.
surveillant tous ses gestes. A un nouveau signal, ils se lèvent, revien- Quand ils ont découvert où celui-ci se tient, ils s'efforcent de ramper
nent, et font chacun à son tour, oralement ou par écrit, rapport sur ce sans être vus et de parvenir aux drapeaux pour les enlever et les rap-
qu'ils ont vu. Pendant le jeu, l'arbitre avait l'œil ouvert de tous les cô- porter dans leur camp. Un Éclaireur ne peut pas prendre plus d'un dra-
tés : chaque fois qu'il apercevait un Éclaireur, il lui enlevait deux points. peau.
D'autre part il accomplis- sait divers actes : il s'asseyait, s'agenouillait, Voici la position générale d'une patrouille en grand 'garde :
prenait ses jumelles, ou son mouchoir, enlevait son chapeau, se pro-
menait en rond, de façon à fournir à ses hommes la matière d'un rap-
port. Chaque acte bien observé vaut trois points. L'arbitre fera bien de
préparer d'avance une liste des Eclaireurs avec, en regard, autant de
colonnes qu'il y a d'actes à signaler, plus une colonne pour les points à
soustraire à ceux qui se sont laissé voir.

L'araignée et la mouche.

Un quartier en ville ou une étendue de terrain à la campagne sont


choisis comme toile d'araignée. Les contours en sont définis et l'on fixe Un Éclaireur qui s'approche à moins de 50 mètres d'un ennemi
l'heure à laquelle les opérations cesseront. plus fort est mis hors de combat, dès que l'ennemi s'aperçoit de sa
Une patrouille ou demi-patrouille sera l'araignée; elle part pour se présence. S'il peut ramper plus loin sans être vu, tant mieux pour lui.
chercher une cachette. Les Éclaireurs postés en sentinelle ne peuvent pas changer de
L'autre patrouille ou demi-patrouille, la mouche, part un quart place, mais ils comptent pour deux. Ils peuvent envoyer des mes-
d'heure plus tard à la recherche de l'araignée. Elle peut se disperser sagers isolés aux postes ou à leur chef.
comme elle l'entend, mais les Éclaireurs doivent faire part à leur chef Il faut un arbitre avec chaque sentinelle et avec chaque patrouille
de tout ce qu'ils découvrent. d'Éclaireurs.
Un juge de camp accompagne chacun des deux groupes; si dans Les opérations cessent à une heure fixe, et tous se réunissent
le temps fixé la mouche n'a pas trouvé l'araignée, celle-ci a gagné. Les pour le rapport. On peut attribuer des points comme suit :
araignées inscrivent les noms de toutes les mouches qu'elles aperçoi-
vent, de même les mouches notent toutes les araignées qu'elles peu- Pour un drapeau enlevé .................... ………………………..5 points
vent découvrir et l'endroit précis de leur cachette. Les deux patrouilles Pour un rapport ou un croquis sur la position des sentinelles
doivent porter des couleurs ou être habillées de deux manières diffé- ennemies………………………………………………….de 1 à 5 points
rentes (un des deux groupes en manches de chemise, par exemple). Pour un rapport sur les mouvements des Éclaireurs
ennemis …………………………………………………………..2 points

Le parti qui a obtenu le plus de points a gagné.

152 153
Dans un beau livre, M. W. Long raconte comment il a réussi à ap-
peler un élan. Les élans sont une très grande espèce de cerfs avec un
QUINZIÈME BIVOUAC vilain museau bombé. Ils vivent dans les forêts de l'Amérique du Nord
et sont très difficiles à approcher. Quand ils se fâchent, ils sont assez
dangereux.
ANIMAUX
M. Long était occupé à pêcher dans un canot, quand il entendit un
élan mâle qui bramait dans la forêt. Sans grande réflexion, il débarqua,
Dans toutes les parties du monde les éclaireurs se servent de cris tailla un morceau d'écorce de bouleau et le roula en forme de trompe
d animaux sauvages pour communiquer entre eux, notamment de nuit, pour s'en faire une sorte de porte-voix. Il se mit alors à imiter le mugis-
ou dans les fourrés, le brouillard, etc. Il est très utile aussi de savoir imi- sement qu'il venait d'entendre. L'effet fut surprenant, le vieil élan accou-
ter ces cris, si vous voulez étudier les mœurs des animaux. Commen- rut en tempête et se lança même à l'eau pour le rejoindre : il fallut faire
cez par appeler des poulets, ou par parler aux chiens dans leur force de rames pour lui échapper.
langue et vous verrez que vous Un des triomphes de l'Éclaireur, c'est la chasse au gros gibier,
arriverez très vite à reproduire éléphants, lions, rhinocéros, sangliers, cerfs, etc. Il faut être admi-
des aboiements irrités ou plain- rablement exercé pour y réussir.
tifs. Les hiboux, les tourterelles, C'est fort excitant et fort dangereux aussi; on a l'occasion d'y ap-
les courlis sont très faciles à pliquer tout ce que je vous ai dit de l'art d'observer, de suivre une piste
imiter. et de se tenir caché. En outre, il faut une grande connaissance des ani-
Aux Indes, j'ai vu une certaine maux et de leurs mœurs.
tribu qui mange du chacal. Or le J'ai dit : la chasse ou la poursuite du gros gibier sont un des
chacal est un des animaux les triomphes de l'Éclaireur. Je n'ai pas dit : la mise à mort, car en étudiant
plus ombrageux qui soient; il est les animaux on en vient à les aimer de plus en plus, et vous trouverez
très difficile à prendre au piège, bien vite qu'il n'y a point de plaisir à tuer pour tuer. Plus vous les
mais ces hommes y arrivent en connaîtrez, plus vous verrez en eux l'œuvre admirable de Dieu.
les appelant comme je vais
Tout le plaisir de la chasse est dans la vie aventureuse de la jun-
vous dire.
gle, dans le risque que vous courez d'être vous-même chassé par l'ani-
Plusieurs hommes avec leurs chiens se cachent dans l'herbe et mal, dans l'intérêt qu'il y a à suivre sa piste, à s'approcher de lui sans
les buissons, autour d'un petit pré. Au centre de ce pré, un sauvage imi- être vu, à épier ses allées et venues, à s instruire de ses mœurs. Le fait
te le cri des chacals s'appelant l'un l'autre. Il crie de plus en plus fort même d'abattre le gibier compte pour bien peu de chose clans le plaisir
comme s'ils se réunissaient en toujours plus grand nombre, puis il com- de la chasse.
mence à aboyer et finalement il grogne et hurle comme si les animaux
Aucun Éclaireur ne devrait jamais tuer un animal, s'il n'a pas pour
se mordillaient l'un l'autre. En même temps, il agite un paquet de feuil-
le faire une bonne raison, et dans ce cas il doit le faire vite et complète-
les sèches pour faire entendre le bruit des animaux qui se roulent dans
ment, de façon que l'animal souffre aussi peu que possible.
l'herbe et la broussaille. Enfin il se jette sur le sol et soulève un nuage
de poussière jusqu'à en être complètement caché. A tout ce bruit, un En fait, beaucoup de chasseurs de gros gibier préfèrent aujour-
chacal accourt de la jungle et se précipite dans la poussière pour avoir d'hui presser le déclic d'un appareil photographique plutôt que la déten-
sa part du combat. Quand il se trouve en présence d'un homme, il bat te d'une carabine. Les résultats sont tout aussi intéressants — à moins
en retraite précipitamment; mais, dans l'intervalle, on a lâché les chiens que vous et vos porteurs indigènes ne soyez en
de toutes parts; ils ont bientôt fait de le saisir et de le mettre à mort.

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train de mourir de faim ; dans ce cas évidemment il faut tuer votre gi- compagnons, pour les observer ensuite à l'état sauvage.
bier. Mais avant d'étudier le gros gibier de la jungle, chacun doit étu-
Mon frère a fait dernièrement une chasse de ce genre en Afrique dier les animaux de chez nous, domestiques et autres. Ce serait une
orientale. Un jour qu'il avait rampé tout près d'un éléphant, monté son très bonne chose que chaque Éclaireur eût chez lui un animal : un po-
appareil, et qu'il tenait sa tête sous le drap noir pour mettre au point, il ney, un chien, des oiseaux ou des lapins, ou même des papillons en
entendit son serviteur indigène qui criait : « Monsieur, attention ! » en vie.
s'enfuyant à toutes jambes. Il eut juste le temps de presser le bouton et Tous les jeunes Éclaireurs devraient connaître ce qui concerne
de filer, lui aussi. L éléphant se précipita vers l'appareil, s'arrêta, parut les animaux domestiques qu'ils voient tous les jours. Vous devriez sa-
reconnaître que ce n'était qu'un appareil après tout, et, souriant d'avoir voir soigner, nourrir et abreuver un cheval, l'atteler et le dételer pour le
été aussi irascible, il regagna la brousse. mettre à l'écurie, savoir quand il boite et ne doit pas faire son travail.
Le sanglier est certainement le plus brave de tous les animaux; Et quand vous attellerez un cheval, j'espère que vous ferez preu-
c'est lui le vrai « roi de la jungle » et les autres le savent bien. Si vous ve de plus de connaissance de l'animal, et de plus d'humanité que la
vous postez près d'un étang, la nuit, dans la brousse, vous verrez tous moitié des cochers de Londres et que vous ne lui mettrez pas de faus-
les animaux qui viennent y boire, y descendre en ram- pant craintive- ses rênes.
ment et regardant de toute part s'il n'y a pas des ennemis cachés. Mais Les fausses rênes sont de petites rênes supplémentaires atta-
quand le sanglier y vient, il y descend comme en se promenant, balan- chées au harnais du cheval pour lui faire lever la tête. Elles sont géné-
çant de droite et de gauche sa grande tête aux défenses luisantes. Il n'a ralement courtes, au point de le faire souffrir dès qu'il laisse retomber la
peur de personne, mais tous ont peur de lui; le tigre même, s'il boit à tête; quand on les met plus longues, elles ne servent pas à faire lever la
cet étang, fera entendre un grognement et disparaîtra bien vite. tête au cheval et ne sont plus d'aucun usage.
Il m'est arrivé souvent de passer des nuits claires à épier des ani- Il n'y a pas de meilleurs cochers que ceux des voitures de place;
maux, en particulier des sangliers, dans la jungle, et cela est bien aussi pourtant ils n'emploient pas de fausses rênes et leurs chevaux sont plus
amusant que de courir après eux pour les tuer. maniables que ceux que l'on voit en général aux voitures particulières.
J'ai capturé et gardé un jeune sanglier et une jeune panthère, et Quelquefois ces rênes sont mises à des chevaux qui traînent de
c'étaient de fort bons petits diables, amusants et intéressants comme lourdes charrettes, et, si elles sont courtes, c'est une cruauté. Un cheval
tout. Le sanglier vivait dans un jardin, mais je ne parvins jamais à le do- qui a un effort à faire, tend à se pencher en avant la
mestiquer vraiment, quoique je l'eusse depuis tout petit. Quand je l'ap-
pelais, il accourait, mais très paresseusement; il ne serait jamais venu
vers un étranger, et quant aux indigènes, il se précipitait sur eux et les
mordait de ses petites défenses. Il exerçait celles-ci en tournant à toute
vitesse autour d'un vieux tronc au jardin ; il galopait tout autour en décri-
vant une figure en forme de huit pendant plus de cinq minutes, puis il se
jetait par terre tout haletant.
Ma panthère aussi était un bel animal très amateur de jeux; elle
m'accompagnait comme un chien, mais avec les étrangers, elle était
peu sûre.
On apprend beaucoup de choses sur les animaux et on arrive à
bien les comprendre en commençant par en avoir chez soi comme

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tête baissée, exactement comme vous quand vous roulez un pré. Mais On peut toujours aussi installer devant sa fenêtre une mangeoire
cette rêne tire sur les coins de sa bouche et l'oblige à lever la tête. pour les oiseaux. Et l'on peut partir pour la campagne par le chemin de
J'ai vu dernièrement un homme qui conduisait une lourde char- fer ou à bicyclette, ou à pied tout simplement, et épier là les mœurs de
rette ainsi attelée. Il y avait beaucoup de boue et le cheval essayait en rats d'eau, d'oiseaux ou de poissons, s'en- quérir de leurs noms, voir
vain de se pencher en avant. L'homme le battait, parce qu'il ne faisait quelles traces ils laissent sur le sol, ce que sont leurs nids et leurs
pas d'efforts. La pauvre bête souffrante et terrifiée se dressa sur ses œufs, etc.
pieds de derrière, et l'homme de nouveau la battit pour avoir fait la Si vous avez le bonheur d'avoir un appareil photographique, vous
mauvaise tête. ne pouvez rien faire de mieux que de collectionner des photographies
J'aurais voulu battre l'homme: je m'approchai de lui et lui dis que d'animaux pris sur le vif. Cela vaut dix fois plus qu'une collection de
je me faisais fort d'obtenir du cheval ce qu'il voulait. L'homme ricana en timbres, de cachets ou d'autographes, comme le premier imbécile en
me voyant défaire sa fausse rêne : je pouvais, disait-il, faire venir un peut faire, rien qu'en restant chez soi et en ennuyant tout le monde
autre cheval. Mais dès que l'animal se sentit la tête libre, et que j'eus pour s'en faire donner.
fait claquer le fouet derrière lui, il se lança de tout son poids, tête bais- Les animaux dont je vais parler sont ceux que l'on trouve dans
sée sur son collier et s'arc-boutant dans le sol sur ses deux sabots de notre pays. Tous les Éclaireurs devraient étudier les mœurs de quel-
derrière, il tira la charrette en avant de quelques centimètres, puis en- ques-uns de ceux qui figurent dans la liste suivante :
core un peu, et quelques secondes plus tard les roues étaient rendues
à la partie solide de la route. Cerfs Blaireaux Loutres Hérissons
Vous pourrez souvent aider un cheval peinant sur une route glis- Lièvres Renards Daims Campagnols
sante, en y répandant quelques poignées de cendres ou de sable. Lapins Souris Hermines Ecureuils
En fait d'animaux domestiques qu'il faut comprendre, n'oublions Rats Belettes Chauves-souris Putois
pas les chiens. Un bon chien est pour un Éclaireur le meilleur des com- Taupes
pagnons, et l'on ne devrait pas s'estimer bon Éclai- reur tant que l'on
n'a pas dressé un jeune chien à rendre mille petits services. Il faut pour
cela beaucoup de patience et de douceur, et être arrivé à sentir comme Il n'est pas d'animal qui ne soit intéressant à observer. L'hum- ble
sent l'animal. hérisson lui-même a l'étoffe d'un héros. Ecoutez plutôt ce récit d'un
Le chien est le plus humain de tous les animaux, et dès lors pour combat entre un hérisson et une vipère, que j'emprunte à M. Millais :
l'homme le meilleur des compagnons. Il est toujours respectueux, tou- «Chacun a entendu dire que le hérisson est l'ennemi juré des rep-
jours prêt à jouer, plein d'entrain, fidèle et aimant. tiles en général et de la vipère en particulier, mais peu de gens peut-
Aucun des Éclaireurs qui ont assisté aux funérailles du roi être savent comment il s'y prend pour triompher d'un aussi dangereux
Edouard n'oubliera la tristesse avec laquelle son petit fox-terrier, César, ennemi.
suivait le cercueil. » Mon garde-chasse faisant cet été sa tournée dans un bois qui
Naturellement, les Éclaireurs qui vivent à la campagne ont plus était infesté de vipères, en aperçut une énorme, qui dormait au soleil. Il
d'occasions que ceux des villes d'étudier les animaux. Mais, même allait la tuer, quand il aperçut un hérisson qui s'avançait avec précau-
dans une grande ville, grâce aux jardins zoologiques, aux musées tion sur la mousse et qui approchait silencieusement du reptile. Il fut
d'histoire naturelle, aux boutiques de marchands d'oiseaux et de pois- alors témoin d'une scène curieuse. Dès que le hérisson fut à portée de
sons, on en peut apprendre plus que n'en savent beaucoup de gens. sa proie, il la saisit par la queue entre ses dents et, rapide comme
l'éclair, se referma en boule. La vipère, réveillée par la douleur, se re-
tourne vivement et lui fait une piqûre terrible. Le hérisson ne bronche
pas. La vipère affolée s'étend, siffle, s'enroule en contorsions effrayan-
tes. Cinq minutes plus tard, couverte de sang, la bouche toute meurtrie
par les piquants de son adversaire, elle gisait épuisée sur le sol.
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» Encore quelques efforts, puis une agonie convulsive : c était la «Observez, écrit M. Long, un nid de corbeaux. Vous verrez la mè-
fin. re debout près du nid, étendant ses ailes sur ses petits. Bientôt les oisil-
» Quand le Hérisson s'aperçut qu'elle était tout à fait morte, il lâ- lons se dresseront et étendront leurs ailes pour l'imiter. C'est la premiè-
cha prise et se déroula tranquillement. Il allait commencer son repas et re leçon.
dévorer le reptile, mais la venue du garde qui s'était approhé pendant le » Le lendemain peut-être, vous verrez la mère se dresser sur le
combat, lui donna l'alarme : il se mit en boule de nouveau et garda cette bout des pattes et se maintenir ainsi à grands coups d'ailes. De nou-
attitude jusqu'à ce que l'homme fût rentré dans le bois. » veau les petits l'imitent et bientôt ils apprennent que leurs ailes ont la
force de les soutenir. Un jour après, vous verrez les deux parents pas-
ser et repasser de branche en branche en s'aidant de leurs ailes pour
les grands sauts. Les petits se mettent de la partie et les voilà qui ont
appris à voler, sans même s'être aperçus qu'on le leur enseignait. »

Oiseaux

On appelle ornithologistes les hommes qui étudient les oiseaux.


L'école des lionceaux. Mark Twain, un Américain qui aime à faire rire, mais qui a bon
cœur, dit : « Il y a des types qui écrivent des livres sur les oiseaux et qui
les aiment tant, qu'ils souffrent la fatigue et la faim pour découvrir une
Nous sommes portés à croire que tous les animaux sont guidés nouvelle espèce d'oiseaux... et la tuer.
dans leur conduite par un instinct, c'est-à-dire par une sorte d'idée in- « On les appelle : « ornithologres ».
née. Nous nous figurons, par exemple, que la jeune loutre nage naturel- » J'aurais pu en devenir un, moi aussi, car j'ai toujours aimé les
lement dès qu'on la met à l'eau, et que les jeunes daims s'enfuient à oiseaux et toutes les bêtes. J'ai même commencé à faire ce qu'il fallait
l'approche de l'homme par une crainte innée. pour le devenir. J'ai vu dans un grand arbre un oiseau per- ché sur une
Dans son livre, l'Ecole des bois, M. Long montre que les animaux branche morte, qui chantait, le bec grand ouvert, la tête renversée; —
doivent en grande partie leur habileté à leurs mères qui leur servent de avant que j'eusse eu le temps de penser, je tirai ; son chant s'interrom-
maître dans leur jeune âge. Il a vu une loutre porter deux de ses petits pit brusquement, il tomba de sa branche comme un chiffon; je courus,
sur son dos, et, après avoir nagé un moment, plonger brusquement en je le ramassai, il était mort; son cadavre était tout chaud dans ma main,
les laissant se débrouiller dans l'eau. Mais elle réapparut près d'eux et sa tête allait de-ci et de-là : la nuque était brisée, une peau blanche
les aida à regagner le bord. Ainsi elle leur enseignait graduellement à s'étendait sur ses yeux, une goutte de sang rouge perlait sur un côté de
nager. la tête; je n'en vis pas davantage à travers mes larmes. Il ne m'est plus
J'ai vu un jour en Afrique orientale une lionne assise avec ses jamais arrivé, depuis, d'assassiner une bête qui ne me faisait aucun
quatre petits tous en ligne qui me regardaient venir. Elle avait tout à fait mal, et cela ne m'arrivera plus. »
l'air d'enseigner à ses lionceaux ce qu'il y a à faire à l'approche de
Un bon Éclaireur aime à suivre les oiseaux et à apprendre ce
l'homme.
qu'ils font. Il découvre ainsi où et comment ils bâtissent leurs nids.
Elle leur disait sans doute : « Eh bien, les petits, je veux que vous
voyiez tous ce que c'est qu'un blanc. Ensuite, l'un après l'autre, vous Mais il n'en profite pas, comme d'autres garçons, pour dénicher
vous mettrez sur vos jambes et vous filerez en secouant la queue. Dès les nids; il prend plaisir à voir l'éclosion des petits, et comment les pa-
que vous serez cachés par l'herbe haute, glissez- vous et rampez de rents leur apprennent à voler. Il apprend peu à peu à reconnaître à leur
façon qu'il soit dans votre vent. Suivez-le, en restant toujours du même cri et à leur vol les différentes espèces d'oiseaux; il
côté que lui de façon que vous puissiez le sentir et qu'il ne vous trouve
pas. »
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sait lesquelles sont chez nous toute l'année et lesquelles n'y arrivent lection, prenez-en un et laissez les autres. Surtout ne dérangez pas le
qu'à certaines saisons; il connaît la nourriture de chacune, et le moment nid, sans quoi les parents l'abandonneront et tous ces œufs qui au-
de la mue, l'aspect des nids, leur emplacement, la forme et la couleur raient pu donner de jolis oiseaux seront perdus.
des œufs. Ce qui vaut bien mieux que de prendre des œufs, c'est de pren-
11 y a dans l'Europe tempérée plus de deux cents espèces d'oi- dre une photographie ou un croquis de la femelle couvant ses œufs, et
seaux. Voici quelques-unes des plus communes, de celles qu'un Éclai- de faire collection de dessins des différentes sortes de nids.
reur doit connaître, quand il les voit et quand il les entend : On dit qu'à Aberdeen, en Ecosse, il y a un nombre exceptionnel
d'alouettes, et voici d'où cela vient :
Faisan Bécasse Pluvier Éfourneau Héron Martinet Pic 11 y a quelques années, à la fin de mars, une forte tempête de
Perdrix Canard sauvage Hoche-queue Mouette neige s'abattit sur les montagnes, couvrant le sol de neige et de glace,
Coucou Rouge-gorge Hirondelle Hibou de façon que les oiseaux furent tous chassés plus bas vers la mer. Les
Alouette Choucas Corneille Mésange champs près du rivage en étaient couverts.
Faucon Freux Grive Pinson Bien des gens se mirent à les prendre à la glu, au filet, au piège,
Épervier Corbeau Merle Courlis et à les tirer. On en mit en cage de grandes quantités pour les envoyer
Poule d'eau Martin-pêcheur Coq de bruyère à Londres et dans d'autres villes.
Un monsieur rencontra un homme qui en vendait toute une voliè-
re. Ils étaient horriblement serrés et battaient des ailes de terreur, à se
On peut étudier très utilement l'histoire naturelle en ayant chez voir ainsi emprisonnés; chacun poussait les autres, dans un désir fréné-
soi quelques oiseaux ou en les observant dans son voisinage, notam- tique de s'échapper. A les voir ainsi, il fut ému de pitié, acheta la cage
ment en les nourrissant en hiver. Il est intéressant par exemple d'obser- et les amena dans ses entrepôts où il leur donna toute la place, l'eau et
ver les différents chants : les uns chantent pour faire leur cour à leur la nourriture dont ils avaient besoin.
femelle, tandis que d'autres, comme les coqs de basse-cour, chantent
Puis il offrit d'acheter au prix du marché toutes les alouettes que
ou crient pour se défier mutuellement au combat. Une mouette mâle est
l'on prenait pour les vendre. On lui en apporta plus d'un millier ; il les mit
parfaitement ridicule dans ses efforts pour chanter et pour se faire valoir
dans une grande pièce où elles étaient relativement libres et où la nour-
devant les dames, et un vieux corbeau ne l'est pas beaucoup moins. Il
riture ne leur manquait pas.
est curieux aussi de voir comment éclosent les petits : les uns sont tout
nus, sans plumes, les yeux fermés et le bec ouvert. D'autres, tout cou- On dit que le bruit de leurs chants, le matin, était assourdissant et
verts d'un duvet de plume, sont pleins de vie et d'entrain. Les jeunes que des foules d'oiseaux se rassemblaient sur la maison pour les en-
poules d'eau se mettent à trotter et à attraper des mouches au bout de tendre.
quelques minutes. Un petit moineau, au contraire, est des jours à se Enfin le beau temps revint, le soleil se montra de nouveau, les
faire nourrir et dorloter par ses parents. prés reverdirent, et le brave homme qui avait hébergé les oiseaux ouvrit
Il y a beaucoup d'oiseaux qui visitent nos contrées, venant des les fenêtres de la pièce : les oiseaux prirent leur vol et, tout en gazouil-
Indes ou d'Afrique, à certaines saisons de l'année, notamment en avril : lant, s'élevèrent dans l'air chaud pour regagner les prés et les bois. Ils
hirondelle, rossignol, coucou, martinet, caille, etc. firent là leurs nids et y couvèrent leurs œufs, de sorte qu’aujourd'hui,
Bien des espèces d'oiseaux sont en voie de s'éteindre chez nous, autour d'Aberdeen, on entend partout chanter l'alouette.
à cause du nombre de fouines qui en détruisent les nids. Faute de savoir l'histoire naturelle, beaucoup de gardes ne font
La recherche des nids ressemble à !a chasse du gros gibier : on pas la différence entre les faucons et les émouchets : ils les détruisent
s'en va, comme un chasseur, à la recherche des endroits où l'oiseau indistinctement comme nuisant au gibier. Les faucons certainement
que l'on a en vue pourrait nicher; on surveille ses allées et venues et on tuent le jeune gibier, mais non pas les émouchets qui vivent surtout de
finit par apercevoir le nid. Mais n'allez pas le détruire et prendre tous les mulots. On les reconnaît à leur vol — ils planent
œufs ! Si vous faites vraiment une col-

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longtemps dans les airs, cherchant de leurs yeux perçants le mulot sur la ligne. Vous aurez aussi une foule de désappointements : vous per-
lequel ils fondent. Le faucon volette au-dessus des rochers et des drez du poisson parce que le fil cassera ou pour quelque autre cause;
haies, espérant ainsi prendre sa proie par surprise. L'émerillon est un mais rappelez-vous que cela arrive à tous les débutants. Ce sont ces
petit faucon très hardi, qui atteint sa proie grâce à la rapidité de son vol. ennuis qui rendent la pêche si amusante, une fois qu'on les a surmon-
tés.
Reptiles et poissons Quand vous aurez pris un poisson, faites comme moi : ne le gar-
dez que si vous en avez besoin pour votre repas ou pour votre collec-
Les reptiles et les batraciens les plus communs chez nous sont tion; remettez les autres à l'eau aussitôt que vous les en aurez tirés. La
les suivants : blessure de l'hameçon dans leur bouche tannée ne leur fait pas mal
Couleuvre Grenouille longtemps, et ils se mettent à nager très gaîment.
Lézard Quand on pêche à la mouche sèche, c'est-à-dire en laissant la
Vipère Crapaud
mouche à la surface de l'eau sans l'y plonger, on a à épier son poisson,
En fait de poissons il faut connaître ceux-ci : précisément comme on ferait avec un autre gibier : les truites ont bon-
ne vue et elles sont fort ombrageuses.
Truite Ombre Brème Saumon
On peut aussi prendre des poissons au filet, ou, comme il arrive
Brochet Perche
souvent aux Ëclaireurs, à la fourchette, à l'aide d'un harpon à trois poin-
Véron
tes acérées. Je l'ai fait souvent, mais il faut de l'exercice pour y réussir.
sans parler des poissons de mer. Un Éclaireur doit prendre garde à toute espèce d'animaux, en
pensant, entre autres, au parti qu'il en pourrait tirer pour se nourrir. Les
Tout Éclaireur doit savoir pêcher pour être en mesure de se pro- reptiles ne sont pas appétissants, pourtant quand vous aurez une fois
curer à manger. Un novice qui mourrait de faim au bord d'une rivière goûté des cuisses de grenouilles bien apprêtées, vous en redemande-
poissonneuse ferait bien sotte figure, pourtant cela pourrait arriver à rez. Et je crois que la friture de serpent, comme la friture d'anguille,
quelqu'un qui n'aurait jamais appris à pêcher. n'est pas à dédaigner.
La pêche met à l'épreuve plusieurs des qualités de l'Éclaireur, J'ai mangé d'un grand lézard, l'iguane. Il avait fallu lui couper la
surtout la pêche à la mouche. Pour réussir, il faut connaître une foule tête et la queue pour le faire entrer dans la marmite; quand on le servit,
de choses sur les habitudes et les mœurs du poisson : les eaux qu'il bouilli, il avait tout à fait la mine d'un petit enfant sans tête, avec ses
fréquente, le temps par lequel il se nourrit, l'heure de ses repas, son bras, ses jambes et ses menottes. Pour le goût, c'est tout à fait ça aus-
genre de nourriture, la distance à laquelle il voit, etc. Faute de savoir si. Vous connaissez bien le goût des bébés : du poulet tendre parfumé
tout cela, il pourra vous arriver de pêcher des jours entiers sans rien à la poudre de violette.
prendre. Pour en revenir aux serpents, il n'y en a heureusement pas
Un poisson a généralement sa retraite préférée; quand vous l'au-
beaucoup chez nous qui
rez découverte, vous pourrez y aller en tapinois et épier toutes ses al-
soient venimeux : il n'y a que
lées et venues.
la vipère. Celle-ci est autre-
Il vous faut apprendre aussi à faire avec de la corde à boyaux des
ment tachetée que les au-
nœuds très particuliers, et cela ne va pas tout seul pour les gens dont
tres serpents : elle a sur la
tous les doigts sont des pouces.
tête une pointe de flèche ou
Et puis il faut avoir une patience inépuisable; votre ligne s'at-
un V noir et un zigzag foncé Une vipère porte sur la tête et le cou cette
trapera aux buissons et aux herbes, ou bien à vos vêtements — à tout
le long du dos. Elle est gé- marque que les autres serpents de chez
ce qu'elle trouvera où elle puisse se nouer. Inutile de vous fâcher nous n'ont pas.
néralement brune.
contre elle. Il n'y a que deux choses à faire : esquisser un sourire
d'abord, et puis vous mettre tranquillement à débrouiller

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Un Éclaireur doit se connaître en serpents, cela va sans dire, car Insectes
dans presque tous les pays sauvages, on en rencontre en masse et
beaucoup sont dangereux. Les insectes sont très intéressants à collectionner, à observer et
Ils ont la vilaine habitude de se glisser dans les tentes, sous les à photographier.
draps et dans les souliers. Au camp, vous reconnaîtrez toujours un vé- Pour un Éclaireur qui pêche ou qui étudie les reptiles, il est très
téran à la façon prudente dont il se glisse le soir entre ses draps; le ma- important qu’il sache quelque chose des insectes dont ils font leur nour-
tin aussi il secoue prudemment ses chaussures avant de les enfiler. Je riture préférée à certaines heures du jour et à différentes époques de
me surprends parfois à le faire encore chez moi, dans ma chambre à l'année.
coucher, tant l'habitude est forte. Voici les insectes courants sur lesquels il faut surtout qu'un Éclai-
Les serpents, en général, n'aiment pas à ramper par-dessus quel- reur soit renseigné :
que chose de rugueux; aussi aux Indes construit-on souvent autour de
la maison une sorte de sentier fait de pierres pointues pour empêcher Papillons de jour et de nuit Moustiques
les serpents d'y pénétrer par le jardin. Scarabées Sauterelles
Dans les prairies, les chasseurs posent sur le sol une corde de Fourmis Araignées
crin qui fait le tour de leurs couvertures. D'une corde de crin, il émerge Vers luisants Pucerons
une foule de petites épines qui chatouillent le ventre du serpent au point Abeilles Guêpes
qu'il n'arrive pas à la franchir.
Quand j'étais à l'école, je prenais les serpents à l'aide d'un long
bâton légèrement fourchu à un bout. Quand j'apercevais un serpent, je
le suivais, je lui appliquais ma fourche sur le cou et, l'attachant à un bâ-
ton avec des bandes de vieux mouchoirs, je l'emportais pour le vendre Rien que sur les abeilles on a écrit des livres entiers : l'instinct
à des amateurs d'animaux en vie. Mais, en règle générale, des ser- dont elles font preuve en construisant leurs rayons et en retrouvant leur
pents ne sont pas des bêtes à garder chez soi : trop de gens les crai- chemin à des distances de plusieurs kilomètres (jusqu'à neuf), quand
gnent, et il n'est pas bien par conséquent d'en tenir dans une maison où elles sont en quête des fleurs où elles trouvent le suc qu'elles transfor-
des domestiques et d'autres personnes pourraient en avoir peur. ment en miel — cet instinct est merveilleux.
Les serpents venimeux portent leur venin dans une espèce de Elles forment une société vraiment modèle : elles respectent leur
petit sac à l'intérieur de la bouche. Ils ont deux crocs, deux longues reine et tuent les sans-travail.
dents pointues qui tiennent à une sorte de charnière. Ces crocs restent Il y a des insectes comestibles. Les fourmis peuvent tenir lieu de
courbés sur les gencives de l'animal jusqu'à ce qu'il se tâche et désire sel. Aux Indes et en Afrique du Sud on mange les grandes sauterelles.
tuer quelqu'un; alors ils se dressent, le serpent lance sa tête en avant et Nous avons été fort aises à Mafeking d'en voir arriver un ou deux vols.
les plonge dans la chair de son ennemi. A ce moment-là, le venin passe Quand elles se furent posées sur le sol, nous primes des sacs vides
du petit sac, de la glande, comme on dit, où il était enfermé, dans les avec lesquels nous abattîmes toutes celles qui tentaient de s'envoler.
deux trous que les crocs viennent de faire dans votre peau. Le poison Nous les séchâmes au soleil et les pilâmes avant de les manger.
pénètre alors dans les veines de l'homme qui a été mordu, et le sang le POUR LES CHEFS Exercices
charrie en quelques secondes par tout le corps, à moins qu'on ne pren- Donnez pour tâche à vos Éclaireurs de trouver par eux-mêmes,
ne des mesures pour l'arrêter tout de suite, en suçant la blessure et en puis de vous mettre par écrit, la réponse à des questions comme celles-
ligaturant très étroitement les veines. Le venin qu'on avalerait n'est pas ci :
dangereux. A la campagne : Comment un lapin sauvage creuse-t-il son trou?
Quand plusieurs lapins s'enfuient alarmés, chacun court-il seulement
parce que les autres courent, ou bien regarde-t-il autour de lui et voit-il
au-devant de quel danger il se précipite?
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Un pic casse-t-il l'écorce pour arriver aux insectes qui se trouvent SEIZIÈME BIVOUAC
sur un tronc d'arbre, ou bien les pique-t-il à travers les trous qu'il trouve,
ou comment fait-il? PLANTES
Une truite dérangée par des gens qui passent sur la rive, nagera-
t-elle avec ou contre le courant? S'en va-t-elle pour de bon, ou revien-
Les arbres
dra-t-elle à sa place? Combien de temps reste-t-elle absente? etc.
Une patrouille construira une ou deux ruches d'abeilles, elle y pla-
cera une reine et un essaim et récoltera le miel pour le vendre. Encore que ce ne soient pas des animaux, les arbres sont quel-
que chose que les Éclaireurs doivent connaître. Très souvent un Éclai-
Les Éclaireurs pourront poser des lacs, des trappes, des pièges
reur doit décrire le paysage qu'il a eu sous les yeux. Il ne suffit pas de
— mais non pas sur un terrain réservé — et prendre ainsi des oiseaux
dire qu'il était « très boisé », il est fort important que l'on sache de quel-
ou des mammifères qui se mangent.
les essences d'arbres ces bois étaient composés.
En ville : Demandez à vos Éclaireurs de parcourir les rues et de
Par exemple si ce bois était une forêt de sapins ou de mélèzes,
vous dire s'ils ont vu des chevaux qui boitaient, ou que leur collier avait
on pourrait utiliser ce renseignement et y aller prendre des poutres en
écorchés, ou qui avaient la bouche blessée, ou qui étaient gênés par
une fausse rêne. vue d'un pont. Si c'étaient des
palmiers, on irait y chercher
des noix de coco (ou des dat-
Chasse au lion tes, en cas de dattiers) et du
vin de palmier comme bois-
Le lion est figuré par un Éclaireur qui porte des « fers de tra- son. Des saules indiquent de
queur » à ses pieds, la poche pleine de grains ou de petits pois, avec l'eau à proximité.
six balles de tennis. On lui donne une demi-heure d'avance. Puis la pa- Un bois de pins et de gom-
trouille se met à sa chasse en suivant sa piste, chaque Éclaireur ayant miers représente d'excellent
Chêne.
une balle avec laquelle il tirera le lion, s'il le découvre. Le lion peut se combustible.
cacher et ramper ou au contraire courir, comme bon lui semble, mais Un Éclaireur doit donc s'appliquer à connaître les noms et l'as-
partout où le sol est dur, il doit laisser tomber quelques grains pour mar- pect des arbres du pays.
quer la piste.
Il se procurera une feuille de chaque essence et leur comparera
Si les chasseurs ne le rejoignent pas, c'est partie remise. Au mo- les feuilles des arbres qu'il voit. Il apprendra à reconnaître la forme gé-
ment où ils approchent de sa tanière, le lion leur décoche ses balles : nérale et l'allure de chaque espèce d'arbre, de façon à les distinguer à
un chasseur frappé tombe mort sans pouvoir tirer sa balle. Si le lion est distance, et en hiver comme en été.
frappé d'une balle, c'est une blessure; il en faut trois pour le tuer.
Les arbres communs chez nous qu'un Éclaireur doit connaître
Chacune des balles ne peut être tirée qu'une fois; on ne peut pas sont les suivants :
les ramasser pour s'en servir de nouveau dans la même partie.
A la fin chaque Éclaireur ramasse sa balle. En hiver, s'il y a de la
neige, ce jeu se joue sans « fers de traqueur », les boules de neige Chêne Peuplier Houx Hêtre
remplaçant les balles de tennis. Orme Pin Frêne Bouleau
Plane Sycomore Tilleul Châtaignier
Cèdre Mélèze Marronnier d'Inde Noyer
Sapin Saule

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Plantes

Mais surtout il vous faut savoir quelles espèces de plantes vous


seront utiles pour vous nourrir. Supposons que vous soyez perdu dans
la jungle, sans aucune nourriture, comme cela arrive très souvent. Si
vous ne savez rien des plantes, vous mourrez probablement de faim, à
moins que ce ne soit d'empoisonnement, pour n'avoir pas su quelles
racines et quels fruits étaient bons à manger et lesquels étaient dange-
reux.
Il y a beaucoup de baies, de noix, de racines, d'écorces, de feuil-
les qui sont comestibles.
Et de même, beaucoup d'espèces de grains et de graines, et mê-
me d'herbes et de vesces. En Ecosse et en Irlande, on mange beau-
coup d'algues. On utilise aussi certaines mousses comme aliments.

POUR LES CHEFS

Exercices
Prenez vos garçons avec vous et faites-leur cueillir des spéci-
mens de feuilles, de fruits, de fleurs de différentes espèces d'arbres et
d'ar- bustes. Qu'ils observent l'aspect de l'arbre en été et en hiver.
Collectionnez les feuilles des différents arbres. Faites-en faire le
dessin à vos Éclaireurs en inscrivant au-dessous le nom de F espèce.
A la campagne, faites-leur observer les différents degrés de dé-
veloppement de chaque culture, pour qu'ils sachent dire ce qui viendra
dans un champ.
Encouragez chaque patrouille, et chaque Éclaireurs individuelle-
ment, à avoir son jardin. Qu'ils y cultivent des légumes et des fleurs et
les vendent pour avoir de quoi payer leur équipement.
Montrez-leur toutes les espèces de végétaux sauvages qui sont
comestibles.

Jeux

La course aux plantes.

Faites partir vos Éclaireurs à pied ou à bicyclette dans la direction


qu'ils voudront, pour se procurer un spécimen d'une plante détermi-
née : un brin d'if, un rameau de houx, un bout d'écorce de châtaignier,
une églantine — quelque chose qui mettra à contribution leur connais-
sance des plantes et leur mémoire des lieux où ils en ont vu. Ils s'appli-
queront aussi à aller et à revenir vite.
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DIX-SEPTIÈME BIVOUAC

COMMENT DEVENIR FORT

L'endurance de l'Éclaireur

Dans un hôpital, aux Indes, un éclaireur était couché. Il avait cette


maladie terrible entre toutes qui s'appelle le choléra. Le médecin avait
dit au garde-malade indigène que la seule chance qu'on eût de le sau-
ver consistait à lui réchauffer vivement les pieds et à assurer la circula-
tion du sang en le frottant constamment. Dès que le docteur eut tourné
le dos, le garde cessa de frotter et s'ac- croupit pour fumer tranquille-
ment. Le pauvre malade, quoiqu'il ne fût pas en état de parler, comprit
CHAPITRE VI
ce qui se passait; il fut si furieux de la conduite de l'infirmier qu'il décida
de guérir, ne fût-ce que pour lui donner une leçon. Et ayant résolu de se
L'ENDURANCE DE L'ÉCLAIREUR rétablir, il se rétablit en effet.
Voici une des devises de l'Éclaireur : Ne dites jamais : « Je suis
COMMENT ÊTRE FORT mort » avant d'être mort. S'il la met en pratique, il se tirera de bien des
mauvais pas, où tout lui semblera contraire. Il faut pour cela un mélan-
POUR LES CHEFS ge d'audace, de patience et de force que nous appelons l'endurance.
Un grand chasseur et éclaireur sud-africain, Selous, a donné un
bel exemple d'endurance, il y a quelques années, au cours d'une expé-
Un moyen d'aider une grande œuvre nationale
dition de chasse dans le pays des Barotsi, au nord du Zambèze. Au
milieu de la nuit, son camp fut tout à coup envahi par une tribu ennemie
Au commencement de la guerre, deux millions de sujets britanni- armée de fusils.
ques se sont enrôlés volontairement. Sa petite troupe d'indigènes fut bientôt dispersée dans les ténè-
Six millions ne l'ont pas fait. bres et se cacha dans l'herbe haute. Selous lui-même attrapa un fusil et
Un million n'a pas pu le faire, en grande partie ensuite de défauts quelques cartouches, et parvint sain et sauf dans la brousse. Mais il ne
physiques dus à des causes qu'on aurait pu prévenir. put plus retrouver un seul de ses hommes. Voyant que l'ennemi s'était
« Vous ne pouvez pas faire un Empire de première qualité avec emparé du camp, et que quelques heures d'obscurité lui restaient enco-
des hommes de dernière qualité », disait Lloyd George. L'éducation re pour s'échapper, il partit dans la direction du sud en se guidant
scoute serait incomplète si elle ne s'appliquait pas à donner à nos gar- d'après les étoiles.
çons des principes d'hygiène personnelle et de vigueur physique. Le fait En rampant il dépassa un avant-poste ennemi, dont il entendit la
que la plupart des cas d'infériorité physique peuvent être évités, ouvre conversation. Il traversa à la nage une rivière et bientôt fut à une bonne
aux instructeurs un terrain d'action où ils peuvent faire une œuvre d'im- distance. Il n'avait sur lui que sa chemise, son caleçon et ses souliers.
portance nationale. ]'espère qu'ils donneront une attention spéciale aux Pendant quelques jours et quelques nuits encore, il se dirigea vers le
trois bivouacs qui suivent; j'y suggère qu'il faut enseigner au jeune gar- sud, en se cachant souvent pour éviter des indi- gènes hostiles. Il tuait
çon qu'il est PERSONNELLEMENT RESPONSABLE de sa force, de sa des antilopes pour se nourrir.
santé et de l'hygiène de son entourage. Mais une nuit, dans un village qu'il avait cru ami, on lui vola
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bouche, cela lui sera d'un grand secours. Mais il y a d'autres rai- sons Les garçons commettent souvent la faute de se fatiguer les yeux
plus importantes pour ne respirer que par le nez. Il y a cin- quante ans, pendant qu'ils grandissent. Ils ne le savent pas, mais les maux de tête
Catlin, un Américain, publia un livre intitulé : Bouche close et vie sauve; viennent très souvent d'une fatigue de la vue. Quand un jeune garçon
il exposait que les Peaux-Rouges pratiquaient cette méthode depuis fronce les sourcils, c'est signe que ses yeux sont fatigués.
longtemps et l'imposaient à leurs enfants, au point de leur attacher les Un Éclaireur doit savoir dire la couleur de ce qu'il voit. Certains
mâchoires, la nuit, pour les obliger à ne respirer que par le nez. jeunes garçons sont daltonistes, c'est-à-dire qu'ils ne peuvent pas dis-
Respirer par le nez empêche les germes morbides de pénétrer tinguer les couleurs. C'est un grand malheur : car ils sont ainsi privés
dans la gorge et l'estomac; cela prévient aussi la formation des végéta- d'une joie et rendus inaptes à certaines professions.
tions adénoïdes, qui peuvent entraver la respiration et amener la surdi- Par exemple, un signaleur, un mécanicien de chemin de fer, ou
té. un matelot, ne servent pas à grand 'chose s'ils ne distinguent pas le
Pour un Éclaireur, il est particulièrement utile de respirer par le vert du rouge.
nez. Souvent on peut y remédier. Si vous trouvez que vous ne voyez
pas bien des couleurs, procurez-vous — c'est facile — une collection de
En tenant la bouche close on évite la soif au cours d'un travail pé-
petits bouts de laine ou de papier dans un grand nombre de teintes.
nible. De nuit aussi, si vous avez l'habitude de fermer la bouche, vous
Choisissez celui que vous pensez être le rouge, le bleu, le jaune, etc.,
ne risquez pas de ronfler : ronfler est dangereux quand on passe la nuit
et demandez à quelqu'un de vous dire si vous avez raison ou non. Fai-
en pays ennemi. Par conséquent, exercez- vous à fermer la bouche et
tes cela à plusieurs reprises; chaque fois vous constaterez un progrès,
à respirer toujours par le nez.
jusqu'à ce que vous n'ayez plus de difficultés à reconnaître exactement
les couleurs. Il vaut encore mieux faire cet exercice le soir, avec des
Les oreilles verres colorés, dans les boutiques des pharmaciens, avec les signaux
de chemin de fer, etc.
Un Éclaireur doit avoir l'ouïe bonne. Les oreilles sont très déli-
cates, et, quand elles sont endommagées, on risque une surdité incura- Les dents
ble. On n'a pas en général assez d'égards pour ses oreilles : on les net-
toie avec des coins de mouchoirs de poche, des épingles à cheveux, ou Pendant la guerre anglo-boer, un jeune homme s'adressa à un
bien on les bourre d'ouate épaisse. Tout cela est dangereux pour un officier recruteur et lui demanda de l'engager. Il était fort bien bâti, mais,
organe aussi délicat que l'oreille, car le tympan est une petite membra- quand on en vint à ses dents, on les trouva en mauvais état et on lui
ne fine qui s'endommage facilement. Bien des enfants ont le tympan répondit qu'on ne pouvait pas le prendre. Il trouva ça dur : « Mais, mon-
percé par un soufflet reçu sur l'oreille. sieur, dit-il, quand nous avons tué l'ennemi, on ne nous demande pas
de le manger, pourtant. »
Un Éclaireur qui a les dents en mauvais état ne vaut rien comme
Les yeux
Éclaireur : il ne peut pas vivre de biscuit et de viande durcie ; ce régime
exige une bonne dentition. Et pour avoir de bonnes dents, il faut les sur-
Un Éclaireur, naturellement, doit avoir très bonne vue. Il faut qu'il veiller pendant qu'on est jeune : c'est-à-dire les avoir toujours parfaite-
puisse distinguer vite n'importe quoi, et voir de loin. En exerçant vos ment propres. Il faut se les brosser au moins deux fois par jour, en se
yeux à regarder à de grandes distances, vous les fortifierez. Pendant levant et en se couchant, à l'intérieur et à l'extérieur avec une brosse à
que vous êtes jeunes, vous devez épargner vos yeux le plus possible, dents et de la poudre dentifrice, et se les rincer à l'eau, si possible,
sinon ils seront affaiblis plus tard. Autant que possible évitez de lire à la après chaque repas, mais surtout après du fruit ou de la nourriture aci-
lumière artificielle, et d'avoir la lumière en face de vous, quand vous de.
travaillez de jour; cela fatigue les yeux. Dans la jungle, les éclaireurs ne trouvent pas toujours des bros-
ses

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à dents, mais ils les remplacent par une branchette sèche dont ils dé- Il vaut mieux dire à chacun ce que devrait être sa hauteur, son
font les fibres à une extrémité à la façon d'une brosse. poids, la mesure de son thorax, de sa taille, de ses bras, de ses jambes
d'après son âge; il se mesurera et constatera ce qui lui manque pour
atteindre la normale. On peut alors lui indiquer les exercices qu'il devra
faire lui-même pour se développer dans les différentes directions. Des
mensurations périodiques, tous les trois mois par exemple, serviront à
Dans l'Ouest américain, les cow-boys ont la réputation de mener l'encourager.
une vie rude, mais ce sont en réalité des éclaireurs pacifiques de pre- Faites faire des brosses à dents de camp avec des bouts de bois.
mier ordre. Ils mènent une vie dure, ils font, loin des villes et de la civili-
sation, là où nul ne les voit, une besogne difficile et dangereuse. Mais il Jeux pour développer la force
y a une chose qu'ils ont en commun avec les civilisés : ils se brossent
les dents matin et soir tous les jours. La boxe, la lutte corps à corps, la rame, le saut sont tous des
Il y a bien des années, chevauchant à travers le Natal, je cher- auxiliaires précieux de la santé.
chais un logis pour la nuit, quand j'arrive à une hutte évidemment habi- Corps à corps. — Deux joueurs se postent en face l'un de l'autre,
tée par un blanc, mais auprès de laquelle il n'y avait personne. En re- à un mètre à peu près de distance, les bras étendus à droite et à gau-
gardant autour de la hutte, je remarquai que, malgré la pauvreté de che, les doigts repliés. Ils se penchent l'un vers l'autre jusqu'à ce que
l'ameublement, il y avait plusieurs brosses à dents sur ce qui faisait leurs poitrines se touchent, et se poussent alors, poitrine contre poitri-
fonction de lavabo; j'en conclus donc que le propriétaire était un homme ne, pour voir lequel fera reculer l'autre jusqu'au mur de la chambre, ou
comme il faut, et je m'installai pour attendre son retour qui me prouva jusqu'à la ligne tracée d'avance sur le sol. D'abord ¡1 suffit d'une courte
que j'avais bien deviné. lutte pour leur donner des battements de cœur, mais peu à peu le cœur
Les ongles se fortifie et ils peuvent tenir longtemps.
La lutte des poignets. — Tenez-vous debout, vos deux bras de-
Les soldats, et d'autres gens aussi, souffrent parfois beaucoup de vant vous à la hauteur de la taille, les poignets l'un sur l'autre, de façon
ce que l'ongle du grand orteil pousse dans la chair par le côté. C'est qu'une main soit tournée en haut, l'autre en bas, les poings serrés.
souvent parce que l'on a laissé trop grandir l'ongle, que la pression de Poussez vers le haut avec la main qui est dessous et vers le bas avec
la chaussure refoule ensuite dans l'orteil. Aussi les Éclaireurs feront-ils celle qui est dessus.
bien de se tailler les ongles du pied toutes les semaines ou tous les dix Poussez aussi fort que vous pourrez avec les deux mains, et,
jours : ils les couperont carrés par le haut, et non pas ronds, avec de seulement après avoir bien résisté, laissez la main de dessous refouler
bons ciseaux. l'autre jusqu'à la hauteur de votre front, puis celle de dessus repousser
Il faut se couper aussi les ongles de la main, une fois par semaine en bas la première, toujours résistante.
à peu près, avec de bons ciseaux. Surtout ne pas se les ronger. Si vous y mettez toute votre force, rien ne contribuera plus que
ces deux exercices, simples et faciles en apparence, à développer vos
POUR LES CHEFS muscles et particulièrement ceux de la région du cœur. Il ne faut pas
les prolonger trop, mais on peut les faire à plusieurs reprises dans la
Exercices pour développer la force journée pendant une ou deux minutes.
On peut aussi pratiquer la lutte des poignets à deux. Les joueurs
Mesures du corps. se font face, chacun étend son bras du côté de l'autre, de façon que les
deux poignets se touchent, et cherche ainsi à faire reculer son adver-
Il est de toute importance d'enseigner aux jeunes citoyens à pren- saire.
dre la responsabilité de leur développement et de leur santé. Exercices de bâtons, avec accompagnement de musique.
Les exercices physiques sont excellents pour la discipline, mais Le bâton en l'air. — De la main droite, saisissez votre bâton près
ils ne font pas sentir au jeune garçon sa responsabilité. du bout et tenez-le droit. Puis lancez-le en l'air, pas bien
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haut d'abord, et attrapez-le de la main gauche par le bout, au mo- par la gorge. qui est pourtant, on le sait, un point délicat et sensi-
ment où il tombe. Relancez-le en haut de la main gauche et attrapez-le ble. Brossez-vous les cheveux, nettoyez-vous les dents, lavez-vous |a
de la droite, et ainsi de suite, jusqu'à ce que vous l'ayez fait cent fois bouche et le nez, buvez un verre d'eau froide, et ensuite faites
sans le laisser toucher terre. les exercices suivants.
« Qui m'aime m'imite. » — Quand il y a un grand nombre de gar- Tous ces mouvements doivent être faits le plus lentement possi-
çons, cela donne lieu à une très jolie parade, pas difficile à exécuter. De ble.
temps en temps un petit trot, ou des sauts, avec accompagnement de 2. Pour la partie supé-
musique. On peut faire cela le soir aussi, chaque garçon ayant une lan- rieure du corps. — En par-
terne vénitienne au bout de son bâton. Dans une pièce, naturellement, tant de la position droite,"
on éteindrait tout. On commet fréquemment la faute de trop prolonger Un" penchez-vous en avant,
cet exercice, de façon à lasser le public et les exécutants. les bras étendus vers la ter-
re, les mains dos à dos, en
face des genoux. Expirez.
Un moyen facile de devenir fort Élevez les mains graduelle-
ment au-dessus de la tête et
Fussiez-vous petit et faible, vous pourrez devenir fort et bien por- renversez-vous en arrière le
tant, si vous prenez la peine de faire chaque jour quelques exercices plus possible,
corporels. Ils ne prennent qu'une dizaine de minutes et l'on n'a besoin tout en inspirant largement par le nez, c'est-à-dire, en laissant
pour les faire d'aucune espèce d'engins : haltères, barres parallèles, ni entrer l'air du bon Dieu dans vos poumons et dans
rien de pareil. Il faudrait s'y exercer chaque matin, au réveil, et le soir votre sang.
avant d'aller se coucher. Il vaut mieux n'être que peu ou pas vêtu, et en Abaissez progressivement vos bras sur vos
plein air, ou près d'une fenêtre ouverte. Vous augmenterez l'efficacité côtés, et tout en expirant par la bouche, dites le
des exercices, si vous pensez au but de chacun des mouvements, tout mot : « Merci » (à Dieu).
en vous y livrant, et si vous faites grande attention d'inspirer l'air par le Enfin, penchez-vous de nouveau en avant en
nez et de l'expirer par la bouche, surtout si vous êtes dans une cham- expirant le peu d'air qui vous reste encore et en
bre mal aérée : ces chambres sont vraiment empoisonnées. Beaucoup comptant chaque fois le nombre des mouvements
de personnes pâles et d'apparence maladive ne sont devenues telles, que vous avez faits. Répétez douze fois cet exerci-
que pour avoir vécu dans des chambres dont les fenêtres s'ouvraient ce.
rarement et où l'air était vicié par des gaz et des germes délétères. Ou- Rappelez-vous en l'exécutant que son but est de
vrez vos fenêtres chaque jour pour laisser sortir le mauvais air. développer les épaules,
Voici quelques exercices utiles : 1° pour la tête et le cou; 2° pour la poitrine et l'appareil
la poitrine; 3° pour l'estomac; 4° pour le corps; 5° pour la partie inférieu- respiratoire.
re du corps; 6° pour les jambes, les chevilles et les pointes de pied. 3. Pour l'estomac. — Tenez-
Cela fortifie les pieds de faire ces exercices sans chaussures. vous droit, étendez les bras et
1. Tête. — Frottez-vous fortement la tête, la figure et le cou, à plu- les mains en avant, puis tournez lentement
sieurs reprises avec la paume et les doigts de vos deux mains. Frottez votre buste à droite, sans remuer les pieds, et
avec le pouce les muscles du cou et de la gorge. faites mouvoir vos bras derrière vous, aussi
loin que possible, en laissant vos deux bras
Les Japonais, en pratiquant cet exercice, arrivent à se fortifier les
au niveau des épaules. Après une pause,
muscles du cou de telle façon qu'ils ne redoutent plus d'être pris
tournez- vous lentement vers la gauche,

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aussi complètement que possible. Recommencez douze fois. tous les côtés vous êtes uni à des amis. L'amour et l'amitié sont des
Cet exercice a pour but de faire mouvoir les organes intérieurs, dons de Dieu; ainsi, quand vous vous redressez, vous regardez vers le
tels que le foie et les intestins, et d'aider à leur fonctionnement. En mê- ciel et vous inspirez le souffle de bienveillance qui vient d'en haut pour
me temps, il fortifie les muscles extérieurs autour des côtes et de l'esto- l'exhaler ensuite vers vos camarades tout autour de vous.
mac. 5. Pour la partie inférieure du
En exécutant cet exercice, la respiration doit être soigneusement corps et postérieure des jambes. —
réglée. Respirez par le nez (non par la bouche), au moment où vous Comme tous les autres exercices,
tournez à droite; expirez par la bouche, au moment où vous exécutez le celui-ci est en même temps un exer-
mouvement rotatoire vers la gauche, et comptez ensuite à haute voix, cice de respiration, tendant à déve-
ou, ce qui vaudra mieux, considérez cet exercice comme faisant partie lopper le cœur et les poumons, à for-
de vos prières du matin et dites tout haut : « Bénis Jean, bénis mon pè- tifier et à assainir le sang. Mettez-
re faites défiler ainsi tous les membres de votre famille et tous vos amis vous debout tout simplement et éle-
à tour de rôle. vez-vous le plus possible vers le ciel,
Quand vous aurez exécuté ainsi le mouvement six fois, changez puis penchez-vous en avant et en
votre respiration; inspirez quand vous vous tournez vers la gauche et arrière, jusqu'à ce que vos doigts
expirez vers la droite. touchent vos talons, sans fléchir les
4. Pour le buste et le dos. — Exercice du « cône ». Partez de la posi- genoux. Tenez les pieds légèrement
tion de « garde à vous » et éle- écartés, touchez-vous la tête des
vez vos deux mains le plus deux mains et regardez vers le ciel
possible au-dessus de la tête, en vous penchant en arrière le plus Fig.1 Fig.2
les doigts liés; penchez- vous possible.
en arrière, puis abaissez les Si vous mêlez la prière à vos exercices, comme je vous l'ai indi-
bras très lentement en leur fai- qué plus haut, vous pouvez tout en regardant en l'air, dire à Dieu : « Je
sant décrire un cône, vos suis à toi de la tête aux pieds » et inhaler l'air du bon Dieu (par le nez,
mains traçant un large cercle non par la bouche).
au-dessus et autour du corps, Ensuite étendez vos deux mains en
le buste exécutant un mouve- l'air, le plus haut possible, expirez tout en
ment rotatoire, en se penchant comptant; puis penchez-vous lentement
d'abord d'un côté, puis en en avant et en arrière, les genoux tendus,
Exercice du « cône ». avant, puis de l'autre côté et jusqu'à ce que vous touchiez avec vos
enfin en arrière; doigts les bouts de vos pieds. Ensuite, te-
cet exercice est destiné à faire travailler les muscles de la taille et de nant toujours les bras et les genoux raidis,
l'estomac, et devrait être répété, disons six fois de chaque côté. Tâchez redressez graduellement le corps, jusqu'à
de voir tout ce qui se passe derrière vous, en exécutant ce mouvement. ce qu'il ait repris sa position première, et
Fig.3
(Nota. La flèche indique le moment où il faut inspirer; répétez cet exercice douze fois.
le signe o le moment où il faut expirer.) Il y a des gens qui trouvent très difficile de toucher leurs pointes
Voici la signification que vous devriez donner à cet exercice en de pieds, mais ils doivent continuer, en se contentant d'abord de tou-
l'exécutant : Quand vous joignez les mains, dites-vous que vous êtes lié cher leurs tibias; en quelques jours ils réussiront à atteindre leurs pieds.
à vos amis, c'est-à-dire aux autres Eclaireurs, tout autour de vous, à Quant à moi, je touche le bout de mes pieds avec mes poings fermés,
droite, à gauche, devant et derrière vous; de ce qui est plus difficile qu avec le bout des doigts, et ce qui étire les ten-
dons postérieurs de la jambe d'une façon tout à fait satisfaisante. Es-
sayezI
182 183
Dans les fig. 1 et 2, indique l'inspiration par le nez; o Tous les garçons aiment grimper. Si vous persévérez et que vous
l'expiration par la bouche. arriviez à être vraiment fort à cet exercice, vous n'y renoncerez plus ja-
6. Pour les jambes et les pieds. — Tenez-vous, pieds nus, dans mais.
la position de « garde à vous », mettez La plupart des grands grimpeurs
vos mains sur les hanches, dressez-vous de montagne ont commencé par grim-
sur la pointe des pieds, tournez vos ge- per comme enfants à la corde et au mât
noux en dehors et repliez-les lentement, de cocagne, puis aux arbres. Après ça,
jusqu'à ce que vous soyez accroupi, te- longtemps après — parce que si vous
nant tout le temps les talons relevés au- n'aviez pas pratiqué beaucoup et fortifié
dessus du sol. vos muscles, vous glisseriez probable-
Ensuite relevez lentement le corps et reve- ment et joueriez le principal rôle dans un
nez à la position première, sur la pointe enterrement — vous vous mettrez à
des pieds. Recommencez douze fois. grimper sur des rochers et de fil en ai-
Rentrez le bas du dos. La respiration doit guille à faire de la varappe à la monta-
être aspirée par le nez au moment où le gne.
corps se redresse et exhalée par la bou- C'est un bien beau sport, rempli
che (en comptant) d'aven- tures, mais il faut pour cela de la
au moment où il s'abaisse. Le poids du corps doit reposer tout le temps force dans ses membres, de l'aplomb,
sur la pointe des pieds, et les genoux tournés en dehors, pour que vous de la dé- cision et de l'endurance. Mais
gardiez mieux votre équilibre. En faisant cet exercice rappelez-vous tout cela vient avec l'exercice. Pour la
qu'il est destiné à fortifier les cuisses, les mollets et les tendons des montagne, il est très important de savoir
pieds, ainsi qu'à exercer l'estomac, en sorte que si vous le répétez dans garder son sang-froid, de savoir mettre
la journée, à vos moments perdus, cela n'en vaudra que mieux. ses pieds rapide- ment et sûrement là
Et vous pouvez associer à cet exercice l'idée que, de même qu'il où vous voulez les mettre. Pour cela il
faut alternativement vous lever et vous accroupir, ainsi, que vous soyez n'ya rien de tel que le jeu qui consiste
debout ou assis, au travail ou en repos, vous devez vous posséder à marcher sur une planche po-
vous-même (comme vous l'indiquent vos mains fixées sur vos hanches) sée de champ, à sauter de
et vous forcer vous-même à bien faire. pierre en pierre (vous les aurez
Ces exercices ne sont pas un simple passe-temps, ils ont pour disposées sur le sol à des dis-
but de vous aider à devenir grand en même temps que fort. tances variables et de façon
Eugène Sandow, le grand athlète, a entrepris de s'occuper des qu'elles forment des angles
recrues dont la taille est au-dessous du niveau requis pour faire partie différents) ou que certaines
de l'armée territoriale; en quelques semaines, par le moyen de ces danses.
exercices ils arrivent à ajouter de deux à quatre centimètres à leur taille, Dans mes jeunes années de
et de six à huit centimètres à leur tour de poitrine. service actif, je pratiquais vo-
Sandow lui-même, dans son enfance, était chétif et petit pour son lontiers ces danses écossai-
âge, et vous savez, par ses portraits, ce qu'il est devenu maintenant, ses. Cela amusait mes amis
sous le rapport des muscles, des articulations et de la santé. Tout cela du régiment et c'était un bon
a été obtenu par des exercices bien appropriés. Ainsi ce résultat est à exercice. Mais je leur décou-
la portée de chacun. vris une va-

184 185
leur nouvelle quand j'eus à faire fonction d'éclaireur au sud de l'Afrique nais, pendant leur guerre, n'ont perdu que très peu des leurs
contre les Matabélés. par la maladie et une très petite proportion seulement de leurs blessés.
J'avais grimpé jusqu'à leurs places fortes, dans les montagnes du D'où venait cette différence? De plusieurs causes sans doute. Nos
Matopo, et j'avais été surpris. Il s'agissait de filer. Leur grande ambition hommes n'étaient pas aussi difficiles que les Japonais quant à l'eau
était de m'attraper vivant : ils avaient en vue pour moi une exécution qu'ils buvaient ; et puis ils n'étaient pas très propres sur leurs corps et
plus raffinée qu'une simple balle dans la tête ; ils me réservaient certai- sur leurs habits : il était souvent difficile de trouver de l'eau. Les Japo-
nes formes désagréables de torture. Aussi courais-je de bon cœur. nais, eux, étaient très propres : ils se baignaient tous les jours.
La montagne était couverte d'immenses blocs de granit entas- Si vous vous faites une coupure à la main, alors qu'elle est sale,
sés l'un sur l'autre. Ma course consistait surtout à sauter d'un bloc à un vous risquez que le mal s'envenime et devienne grave. Mais si votre
autre, et c'est alors que l'équilibre et l'agilité de pieds acquise dans mes main est parfaitement propre, si vous venez de la laver, vous ne ris-
danses me vinrent en aide. En descendant la montagne je me trouvai quez rien de semblable : elle guérira tout de suite. Il en était de même
distancer mes poursuiveurs sans difficulté aucune. Ils étaient hommes des blessures reçues à la guerre : elles s'infectaient, quand les hom-
de plaine et ne s'entendaient pas du tout à ce trot sur les rochers : ils mes n'étaient pas propres.
escaladaient et redescendaient laborieusement roche après roche.
Se laver la peau aide à purifier le sang. Les médecins disent que
C'est ainsi que je me tirai d'affaire; et la confiance que cette expérience
la moitié du bénéfice des exercices physiques est perdu, si on ne se
fit naître en moi m'amena à rendre plus d'une visite encore à ces mon-
baigne pas immédiatement après.
tagnes.
DIX-HUITIÈME BIVOUAC Vous ne pourrez pas toujours prendre un bain quotidien, mais
vous pouvez en tout cas vous frotter tout le corps avec une serviette
LES HABITUDES QUI DONNENT LA SANTÉ mouillée, ou vous étriller avec un linge sec, et si vous voulez être tou-
jours alerte et dispos, vous ne manquerez pas de le faire chaque jour. Il
Les grands éclaireurs de paix, qui ont fait dans des contrées sau- vous faut aussi veiller à la propreté de vos habits : des vêtements de
vages des expéditions de chasse ou des explorations, n'ont réussi dessous autant que de ceux qu'on voit. Battez-les tous les jours avec
qu'en se tenant à eux-mêmes lieu de docteurs. Ils n'ont pu, eux et leurs un bâton avant de les mettre.
hommes, éviter les maladies, les blessures, les accidents, et il n'y avait Et pour être forts et en bonne santé, il faut qu'à l'intérieur vous
pas dans la brousse de médecins et de pharmaciens pour s'occuper assuriez la pureté de votre sang. Vous obtiendrez ce résultat en respi-
d'eux. Un Éclaireur qui ne saurait rien de l'art médical ne ferait jamais rant en abondance de l'air frais et pur, par aspirations profondes, et en
rien : autant vaudrait rester chez soi. Exercez-vous donc à rester tou- nettoyant votre tube digestif de tout ce qu'il contient d'impur; pour cela il
jours en bonne santé, et cela vous rendra capables de montrer à d'au- faut une selle chaque jour, sans faute; il y a des gens pour qui deux
tres comment ils peuvent, eux aussi, se préserver de maladies. selles ne sont pas de trop. Si un jour vous éprouvez quelque difficulté,
Vous pouvez, de cette façon-là, rendre plusieurs bons services. buvez beaucoup de bonne eau, surtout avant et tout de suite après vo-
David Livingstone, ce grand missionnaire, cet éclaireur paci- fi- tre déjeuner, et faites des exercices de flexion, cela remettra tout en
que, se rendit cher aux indigènes par son habileté comme méde- cin. Et ordre.
si vous savez prendre soin de vous-même, vous n'aurez pas à payer de Ne vous mettez jamais au travail le matin sans rien avoir dans le
médicaments. corps — quand ce ne serait qu'un verre d'eau chaude.
Il n'est pas nécessaire de prendre toutes les drogues, pilules et
Soyez propres médecines pour lesquelles on fait de si tentantes réclames; elles font
souvent plus de mal que de bien.
Dans la guerre sud-africaine, les blessures et les maladies ont Ne vous baignez jamais en eau profonde tôt après un repas. Il est
occasionné aux Anglais d'énormes pertes d'hommes. Les Japo- fort probable que cela vous procurerait une crampe qui vous replierait
sur vous-même et vous noierait.

186 187
Tabac Il n'y a pas de garçon qui ait commencé à fumer parce qu'il y
trouvait du plaisir, mais le plus souvent ç'a été par crainte des railleries
Un Éclaireurs ne fume pas. Le premier gamin venu peut fumer. Il de ses camarades qui l'accusaient d'avoir peur de fumer — ou bien
n'y a rien là de bien admirable. Mais un Éclaireur s'en abstiendra : il parce qu'il s'imaginait qu'en fumant il aurait l'air d'un grand homme,
n'est pas si bête. Il sait que quand un jeune garçon se met à fumer tandis qu'en réalité, il n'est qu'un jeune oison. Ainsi ne cherchez pas
avant d'avoir achevé sa croissance, cela aura presque certainement midi à quatorze heures, mais prenez la résolution vis-à-vis de vous-
pour effet de lui affaiblir le cœur, et le cœur est l'organe le plus impor- même de ne pas fumer jusqu'à ce que vous ayez atteint l'âge adulte,
tant pour un adolescent. C'est lui qui refoule le sang dans tout l'or et tenez-vous-y. Ce faisant, vous montrerez que vous êtes un homme,
bien mieux qu’en vous pavanant, la cigarette aux lèvres. Vos camara-
ganisme pour former la chair,
des ne vous estimeront que davantage, au fond, et il est vraisemblable
les os et les muscles. Si le
que plusieurs suivront votre exemple sans vous le dire. Et ainsi, vous
cœur ne remplit pas sa fonc-
vous trouverez avoir accompli une bonne action dans ce monde, bien
tion, il est impossible que le
que vous ne soyez qu'un jeune garçon. De ce modeste point de dé-
corps devienne solide. Tous
part, il est plus que probable que vous vous élèverez plus haut et que
les éclaireurs savent que la fu-
vous ferez de grandes choses, quand vous serez un homme.
mée gâte leur vue et qu'elle
émousse leur odorat, qui a
pour eux une grande im- Boissons
portance s'ils veulent bien faire
leur métier. Un ecclésiastique, habitant les quartiers pauvres de Londres, dé-
Beaucoup d'hommes de sport clarait récemment que sur mille cas de misère qu'il connaissait, il n'y
bien connus, et un grand nom- en avait que deux ou trois qui ne fussent pas dus à l'alcool.
bre d'autres, dans toutes les Un homme, ayant les allures d'un militaire, vint me trouver un soir
professions, ont renoncé à et me montra des certificats attestant qu'il avait servi avec moi au sud
l'usage du tabac, après avoir de l'Afrique. Il me dit qu'il ne pouvait pas trouver de travail et qu'il mou-
Le jeune garçon Un garçon fort et constaté qu'il était préférable rait de faim. Tout le monde était contre lui, sans doute parce qu'il était
qui fume pour sin- en santé envoie de s'en passer. un ancien militaire. Mais mon nez et mes yeux m'avaient déjà révélé la
ger l'homme ne sa balle où il cause véritable de sa misère. Une répugnante senteur de fumée et de
fera jamais veut bière flottait sur ses vêtements ; le bout de ses doigts était jaune de
grand'chose.
tabac, il avait même sucé une pastille quelconque pour dissimuler
l'odeur d'eau-de-vie qui s'exhalait de sa bouche. Il n'était pas étonnant
En Amérique, les administrations des chemins de fer et de la pos-
que personne ne voulût lui donner du travail, ou de l'argent pour boire,
te refusent d'employer des jeunes garçons qui fument. Je connais un
car il était évident qu'il n'en ferait pas d'autre usage, s'il en avait.
grand patron qui non seulement ne fume pas, mais ne veut pas d'ap-
prenti qui fume. On pourrait en citer beaucoup d'autres en Grande- L'indigence et la misère de chez nous sont dues en grande partie
Bretagne. Au Japon, il est interdit à tout jeune homme au-dessous de à l'habitude prise par les hommes de gaspiller leur argent et leur temps
vingt ans de fumer; s'il le fait, ses parents sont mis à l'amende. au cabaret. Et beaucoup de crimes et de maladies, et même des cas
de folie n'ont pas d'autre origine.
Le professeur Osier disait que ce serait une bonne chose si l'on
pouvait un jour jeter dans la mer toute la bière et tout l'alcool de l'Angle- Les boissons alcooliques — c'est-à-dire la bière et l'eau-de-vie —
terre, et que, si on en faisait autant pour le tabac le lendemain, ce serait ne sont nullement nécessaires à la santé. Bien au contraire. Le vieil
excellent pour tout le monde — excepté pour les poissons. adage dit vrai : « Les boissons fortes font les hommes faibles.»

188 189
Pourtant on a dépensé en une année dans le Royaume-Uni rien à l'homme ses soucis, mais elle lui fait aussi oublier tout le reste.
que pour la boisson 161,060,432 livres sterling, de quoi donner 15 li- S'il a une femme ou des enfants, il ne se rappellera pas que son devoir
vres à chaque famille si on n'avait bu que de l'eau, et même 22 livres si est de travailler pour les entretenir et les faire sortir de leurs difficultés.
on avait renoncé au tabac en même temps. Un ivrogne est en général un lâche, tout simplement. Certains
Il serait impossible à un homme qui boit de devenir éclaireur. Éloi- hommes boivent parce qu'ils aiment se sentir devenir à moitié stupides!
gnez-vous de la boisson dès le début, et prenez la résolution de ne rien Pauvres fous, en qui aucun patron n'aura jamais confiance ! Bientôt ils
avoir à faire avec elle. L'eau, le thé, le café sont tout à fait suffisants n'auront plus de travail, ils tomberont malades et finiront tristement.
pour étancher votre soif ou pour vous donner un coup de fouet quand Quand un homme se livre à cette passion, il ruine sa santé, brise sa
vous en aurez besoin; ou bien, s'il fait très chaud, de la limonade, un carrière et son bonheur, aussi bien que celui de sa famille. Il n'y a qu'un
peu de jus de citron constitueront une boisson plus rafraîchissante en- remède à cette terrible maladie, et c'est de ne jamais commencer.
core.
Un bon Éclaireur peut très bien arriver à ne pas boire du tout.
C'est surtout une affaire d'habitude. Si vous fermez bien les lèvres en Pureté
marchant ou en courant, ou si vous roulez dans votre bouche un caillou
(ce qui vous oblige aussi à la tenir fermée), vous ne serez pas aussi Le tabac et la boisson sont des tentations pour quelques-uns, non
altéré que si vous marchez la bouche ouverte, avalant l'air et la pous- pour tous, mais il y a une tentation dont vous pouvez être à peu près
sière. Mais il faut aussi que vous soyez dans de bonnes conditions phy- sûrs qu'elle se présentera à vous et au sujet de laquelle je voudrais
siques. Si vous avez trop engraissé par manque d'exercice, vous aurez vous donner un mot d'avertissement.
continuellement soif et vous éprouverez le besoin de boire après cha- Vous seriez sans doute surpris si je vous disais combien de gar-
que kilomètre. Si vous faites l'effort de ne pas boire, la soif disparaîtra çons m'ont écrit en me remerciant pour ce que j'avais dit sur cette
d'elle-même en peu de temps. Si vous buvez souvent de l'eau, au question dans les premières éditions de ce livre et ailleurs ; je pense
cours d'une marche ou pendant les jeux, cela contribuera à vous fati- donc qu'il y en a d'autres qui seront contents d'être mis en garde contre
guer et à vous essouffler. le vice secret qui fait tant de victimes.
Il est souvent difficile d'éviter les spiritueux, quand on rencontre Le tabac, la boisson et le jeu sont des vices d'hommes faits, et
des amis qui veulent vous régaler, mais le plus souvent ils vous sauront c'est pourquoi ils attirent certains jeunes garçons; mais le vice dont je
gré de répondre que vous ne voulez rien, car ainsi ils n'auront pas à parle n'est pas un vice d'hommes; les hommes n'ont que mépris pour
débourser; s'ils insistent, vous pouvez prendre un verre de bière sans ceux qui s'y adonnent.
alcool, ou un breuvage tout à fait inoffensif. Mais c'est une stupide cou- Il y a des garçons, comme ceux qui commencent à fumer, qui
tume que celle qui consiste à boire ensemble pour prouver qu'on est s'imaginent que c'est très beau et très viril de raconter ou d'écou- ter
amis. Heureusement qu'elle tend à disparaître; les hommes avisés s'en des histoires sales, mais ils montrent tout simplement qu'ils sont de pe-
abstiennent, parce qu'ils savent que cela ne leur ferait aucun bien. tits imbéciles. Par de semblables conversations, par la lecture de livres
Les propres-à-rien aiment à se tenir près d'un comptoir, bavar- obscènes ou la contemplation d'images lubriques, un gamin insouciant
dant et sirotant (en général aux dépens d'autrui). Mais ce sont des pro- risque fort d'être amené à se polluer.
pres-à-rien, et vous ferez sagement de les fuir, si vous voulez bien em-
C'est très dangereux pour lui, car si cela devient une habi- tude,
ployer votre temps et arriver à quelque chose.
cela tend à détruire sa santé et son entrain. Mais si vous avez en vous
quelque énergie virile, vous repousserez immédia- tement toute tenta-
Sobriété
tion de ce genre; vous cesserez de parcourir ces livres et d'écouter ces
histoires, et vous tournerez vos pensées dans une autre direction.
Rappelez-vous que la boisson n'a jamais guéri une seule mala-
die; au contraire. Pendant quelques heures elle fait oublier Quelquefois le désir est provoqué par une mauvaise digestion,
par une nourriture trop raffinée, ou par la constipation. Le remède

190 191
consiste alors à éviter ces choses, à prendre tout de suite un bain froid, allez-y. Et faites rire les autres autant que possible aussi, cela leur fera
ou à donner de l'exercice à la partie supérieure de votre corps, en fai- du bien.
sant des mouvements gymnastiques des bras, de la boxe, etc. Il pourra Si vous êtes en peine, ou dans l'embarras, forcez-vous à rire. Si
vous paraître difficile de vaincre la tentation la première fois, mais vous vous rappelez ce conseil et que vous le suiviez, vous verrez que
quand vous l'aurez fait une fois, cela vous deviendra plus facile. cela fait vraiment une différence.
Les mauvais rêves sont une autre cause d'ennui. Ils proviennent Si vous lisez des vies de grands éclaireurs, vous trouverez en gé-
souvent de ce que l'on dort dans un lit trop chaud, avec trop de couver- néral que c'étaient des types très gais.
tures, ou de ce qu'on est couché sur le dos — toutes choses qu'il faut Les jeunes garçons quelconques froncent facilement le sourcil
éviter. quand ils travaillent dur, mais les Éclaireurs ont pour consigne de souri-
Si ce sujet vous tracasse, n'en faites pas mystère; allez trouver re toujours. Ils faillissent à leur loi chaque fois qu'ils froncent les sour-
votre chef; causez-en avec lui et tout ira bien. cils.

Levez-vous matin Comment se maintenir en bonne santé

Le meilleur moment pour l'activité de l'Éclaireurs c'est le matin de EXERCICES


bonne heure, parce que c'est alors que les animaux sauvages cher-
chent leur pâture et rôdent ici et là. A la pierre aussi, l'heure propice Respiration profonde. — Elle est de la plus grande importance
aux attaques est celle qui précède le lever du jour, quand les assail- pour amener aux poumons l'air frais qui doit passer dans le sang, et
lants peuvent encore passer inaperçus dans l'obscurité et qu'ils ont pour développer la poitrine, mais elle doit être faite soigneusement,
pourtant assez de j'our pour surprendre un camp endormi. d'après les règles, et sans excès, sous peine de fatiguer le cœur. Les
Ainsi un ficlaireur s'entraîne à se lever très tôt, et une fois qu'il a Japonais font quelques minutes de gymnastique respiratoire tous les
pris cette habitude, cela ne lui coûte plus du tout, tandis que cela paraît matins en se levant, et toujours en plein air. On aspire de l'air par le
très dur à de gros garçons qui sont toujours restés au lit longtemps nez, jusqu'à ce que l'on ait donné à la cage thoracique toute l'ampleur
après le lever du jour. possible, notamment par derrière; puis, après une pause, on expire l'air
L'empereur Charlemagne, ce grand éclaireur des temps anciens lentement et graduellement par la bouche, jusqu'à ce qu'il n'en reste
avait l'habitude de se lever au milieu de la nuit. Le duc de Wellington plus du tout; après une nouvelle pause, on recommence à aspirer par le
qui, de même que Napoléon, dormait de préférence sur un petit lit de nez, comme tout à l'heure.
camp, avait coutume de dire : « Quand vient le moment de se retourner II y a des méthodes de chant aussi, qui développent simulta-
dans son lit, c'est le moment de se lever. » nément une respiration normale et les différents organes du corps :
Beaucoup de ceux qui arrivent à abattre chaque jour plus de be- cœur, poumon, poitrine et gorge, en même temps qu'elles éduquent le
sogne que la grande majorité des hommes, le doivent à ce qu'ils se lè- sentiment dramatique. M. Tomlin, par exemple, a un procédé pour «
vent une heure ou deux plus tôt qu'eux. En vous levant plus tôt, vous dompter les apaches par le chant ». II réunit un grand nombre de jeu-
aurez plus de temps pour jouer. Si vous vous levez une heure plus tôt nes sauvages et leur fait entonner un chœur connu avec accompagne-
que les autres gens, vous aurez trente heures de vie par mois de plus ment de piano. Tout en chantant, il leur suggère une histoire : ils sont
qu'eux; tandis qu'ils ont douze mois par an, vous avez 365 heures de en marche pour attaquer un fort qu'ils prendront d'assaut dans toutes
surplus, soit trente jours ; résultat : treize mois au lieu de douze. les règles, pour leur plus grande gloire et celle de leur pays ; mais tout
à coup ils s'aperçoivent que l'ennemi ne sait rien de leur approche, il
Sourire faut se mettre à ramper en silence, se glisser « à voix basse » en ap-
prochant résolument du fort. Ils avancent toujours plus et la mélodie
Rire peu prouve peu de santé. Riez tant que vous pouvez, cela s'élève. Maintenant ils chargent et montent le coteau à travers la mitrail-
fait du bien. Toutes les fois que vous pouvez faire de bons rires, le

192 193
et les balles; une grimpée, un temps de course, un combat : le fort est à tué. Mais, au bout de quelques minutes, il rouvrit les yeux et découvrit
eux. Mais il y a des blessés à ramasser d'une main délicate, et des que son bras était guéri. Alors ils pensèrent qu'il n'y avait pas de limite
morts à ensevelir respectueusement, avec un chant tranquille et mesu- à ma science médicale : ils firent chercher dans tout le pays des mala-
ré, solennel et doux. Puis ils reprennent leurs armes et, emmenant les des à guérir et j'eus pour les deux jours suivants une besogne terrible.
prisonniers et leurs dépouilles guerrières, ils s'en vont triomphalement, On m'amenait de tout, et je n'avais presque aucun remède, mais je fis
chantant de toute la puissance de leurs poumons. de mon mieux, et je crois vraiment que quelques-uns de ces
pauvres gens se
Course de relais. trouvèrent soula-
gés, du simple
Deux patrouilles concourent à qui fera parvenir le plus rapidement fait d'avoir cru
un message d'un point éloigné par le moyen de relais (coureurs ou cy- que je leur fai-
clistes). La patrouille reçoit l'ordre d'envoyer trois messages ou trois sais beaucoup
gages successifs (des rameaux d'une plante déterminée, par exemple) de bien. Mais la
d'un endroit situé à trois kilomètres ou davantage. En s'y rendant, le plupart d'entre
chef de patrouille dispose ses hommes à des intervalles convenables, eux étaient ma-
avec mission de porter chacun des messages jusqu'au relais suivant lades parce que
puis de revenir. Si chaque relais comprend deux Éclaireurs, les messa- leur saleté em-
ges peuvent circuler dans les deux sens. poisonnait leurs
blessures ; d'au-
Tir à la sagaie. tres souffraient
de constipation
Cible : un mince sac rempli d'un peu de paille, ou une feuille de ou d'avoir bu de
carton, ou du canevas tendu sur un cadre. l'eau malsaine,
Les sagaies sont des baguettes dont un bout est lesté et appoin- etc.
té, ou orné d'un fer de flèche. J'expliquai ça aux chefs de villages, et j'espère avoir pu être utile
à leur santé future.
DIX-NEUVIÈME BIVOUAC
En tout cas, ils me furent très reconnaissants et m aidèrent beau-
coup par la suite à trouver de bonnes pistes d'ours et à me procurer de
POUR PRÉVENIR LES MALADIES
la nourriture.
La médecine au camp Si je n'avais pas su un feu de médecine, je n'aurais rien pu faire
pour ces pauvres gens.
Il y a quelques années, quand j'étais dans le Cachemire, au nord Puisque je parle médecine, j'aimerais vous mettre en garde contre
de l'Inde, quelques indigènes m'amenèrent un jeune homme sur une l'abus des remèdes et des drogues et contre les annonces de charla-
civière : il était, disaient-ils, tombé d'un haut rocher, il s'était cassé la tans. Vous en trouverez dans bien des périodiques; on les prendrait
colonne vertébrale et il s'en allait. Je découvris bientôt qu'il s'était sim- pour des panacées. S'il y en a de vraiment bienfaisants, d'autres sont
plement démis l'épaule et fait quelques contusions; pour cela, il se très nuisibles, surtout pris à fortes doses. Si vous êtes malade, allez
croyait voué à la mort. chez un médecin qualifié, plutôt que d'ache- ter un remède dont une
J'enlevai mon soulier, je m'assis à côté de lui en le regardant, je annonce vous a dit qu'il guérira le mal que vous croyez avoir.
mis mon talon sous son aisselle, puis je saisis son bras et le tirai de
toutes mes forces jusqu'à ce que l'os fût rentré à sa place. La douleur
lui fit perdre connaissance et ses amis crurent que je l'avais
194 195
Les microbes et comment les combattre il prendrait froid sous la tente, et rien de plus ridicule qu'un Éclaireurs
enrhumé; c'est bon pour les novices. Quand on a l'habitude des fenê-
La maladie est transportée dans les airs et dans les eaux par de tres ouvertes, on ne prend jamais froid non plus dans les apparte-
petits animaux invisibles appelés germes ou microbes. Vous ris- quez ments.
fort de les respirer par la bouche, ou de les avaler avec votre nourriture
et vos breuvages, et alors ils causeront une maladie au dedans de Nourriture
vous. Si votre sang est en bon ordre, cela a peu d'importance et n'a gé-
néralement pas de conséquences fâcheuses. Mais si la faiblesse géné- Bien des maladies viennent de ce qu'on mange trop, ou de ce
rale ou la constipation — les selles irrégulières — ont vicié votre sang, qu'on ne se nourrit pas comme il faut.
ces microbes vous rendront probablement très malades. Il faut donc Un Éclaireur doit savoir prendre soin de soi-même, sinon il n'est
autant que possible supprimer les microbes. Ils vivent dans les endroits bon à rien. Il doit se maintenir léger et actif. Une fois qu'il s'est fait les
humides, sombres et sales. Ils naissent dans les nids à poussière, dans muscles qu'il faut, il peut rester en forme sans les exercer spéciale-
les viandes en décomposition, dans les lieux fangeux, bref, là où il y a ment, pourvu qu'il se nourrisse convenablement.
de mauvaises odeurs. Donc tenez propres et secs votre chambre, votre Au siège de Mafeking, quand les vivres vinrent à manquer, les
camp et vos vêtements. Aérez bien ceux-ci, autant que possible expo- hommes de la garnison, qui avaient toujours mangé peu, n'en souffri-
sez-les au soleil. N'allez pas dans les endroits qui sentent mauvais. rent pas comme d'autres qui, en temps de paix, avaient pris l'habitude
Avant vos repas, lavez-vous toujours les mains et les ongles; ils ris- de se bien traiter; ceux-ci devinrent faibles et irriables. Vers la fin, nos
quent d'abriter des microbes provenant de tout ce que vous avez ma- vivres étaient réduits à une brioche de gruau d'avoine, grosse comme
nié. un petit pain d'un sou — c'était tout notre pain pour la journée — à une
On voit souvent dans les tramways et dans les locaux publics des livre de viande environ et à un litre de « sowens », quelque chose com-
avis recommandant de ne pas cracher. me de la colle d'ami- don tournée à l'aigre.
C'est que beaucoup de gens crachent, qui ont les poumons en Nous mangeons en général plus de viande qu'il n'est nécessaire;
mauvais état; de leurs crachats les microbes gagnent l'air, et des gens en fait, on pourrait s'en passer tout à fait, et on ne s'en porterait pas
en bonne santé les respirent et contractent ainsi la maladie. On peut plus mal. C'est un luxe cher. Les Japonais sont aussi forts que nous,
avoir une maladie pendant des années sans le savoir et, en crachant, mais ils ne mangent point de viande du tout, et très peu des autres
on risque de la communiquer à des gens bien portants. Par égard pour plats.
eux, vous vous abstiendrez de cracher. Les meilleurs aliments et les moins coûteux sont : les pois secs,
Mais si vous respirez par le nez et que vous mainteniez votre la farine, le gruau d'avoine (oatmeal), les pommes de terre, et le froma-
sang en bon état, vous n'avez pas à craindre les maladies. ge. Les fruits, les légumes, le poisson, les œufs, les noix, le riz et le lait
En sortant d'un théâtre, d'une église ou d'une salle remplie de sont d'excellents aliments, et l'on peut parfaitement en vivre sans re-
monde, il est toujours bon de tousser et de se moucher pour se débar- courir à la viande. Là où elles ne coûtent pas cher, les bananes sont
rasser des microbes que vous pouvez avoir respires dans la foule. Sur une nourriture particulière- ment bonne; elles n'ont ni pépin, ni noyau
trente personnes que vous rencontrez, il y en a une de tuberculeuse, et qui risquent de vous irriter les entrailles, leur peau les empêche de
c'est très contagieux. Cela vient en partie de ce que l'on vit dans des transporter de mauvais germes et leur pulpe est tout à fait saine. Les
maisons dont les fenêtres sont toujours closes. Le meilleur moyen de indigènes en Afrique occidentale ne mangent guère que cela toute leur
vous guérir, si vous contractez ce mal, c'est de dormir toujours en plein vie; ça ne les empêche pas d'être gros et gras.
air. Si vous avez beaucoup de bon air, point n'est besoin de beau-
Un Éclaireur passe souvent la nuit dehors, aussi, quand il est coup de nourriture; si d'autre part vous êtes assis toute la journée, vous
dans une maison, il dort les fenêtres grandes ouvertes, sinon il a la tête deviendrez obèses et somnolents en mangeant trop. De toutes façons
lourde. S'il s'habitue à coucher dans une chambre chaude il vaut mieux se contenter de peu. Sans doute des

196 197
garçons qui poussent ne doivent pas se laisser mourir de faim, mais quelque mesure, si vous les trempez dans de l'eau salée, ou dans de
point n'est besoin d'aller aussi loin que le petit auquel on demandait à l'eau d'alun.
une fête d'école : «Tu ne peux plus rien manger? » et qui répondait : « Conservez vos souliers souples en usant abondamment de grais-
Je pourrais bien manger, mais je n'ai plus la place pour avaler. » se de mouton et d'huile de ricin, surtout quand ils ont été mouillés par la
Une plus grande cause de maladie, de nos jours, c'est la quantité pluie, etc. Lavez-vous les pieds tous les jours.
de drogues que les gens absorbent sans raison. Les meilleurs des re-
mèdes sont le grand air, l'exercice, un bon verre d'eau le matin si vous Rassemblement et formation1
êtes constipés, et un demi-litre d'eau chaude en allant vous coucher.
En donnant ici une méthode simple de mouvement d'ensemble
pour Eclaireurs, je tiens à dire que c'est uniquement pour permettre aux
Vêtements chefs de faire marcher leurs troupes et leurs patrouilles en bon ordre
dans les manifestations, mais non pas pour qu'ils y astreignent fré-
Les vêtements d'un Éclaireur devraient être, autant que possible, quemment leurs garçons les jours où l'on pourrait les occuper autre-
en flanelle ou en laine, afin de pouvoir sécher rapidement. Le coton sur ment.
la peau n'est pas bon; à moins de changer dès qu'il est humide, il ris- Quand je Vois une troupe qui fait brillamment l'exercice, mais qui
que de vous faire prendre froid, et un Éclaireur malade ne vaut rien. ne sait pas suivre une piste ou cuisiner ses repas, j'en conclus que le
Une chose essentielle à l'endurance de l'Éclaireur pour l'aider à chef n'est pas ce qu'il devrait être. C'est l'officier qui ne met pas d'inté-
marcher longtemps, c'est sa chaussure. rêt à son travail et qui manque d'imagination, qui, toujours, se rabat sur
Un Éclaireur qui a les pieds en mauvais état quand il marche, ne l'exercice, son unique ressource.
sert à rien. Les Eclaireurs doivent s'exercer à se transporter rapidement et en
Il vous faut donc prendre bien soin d'avoir de bons souliers bien bon ordre d'un point à un autre. L'exercice leur donne" du ton, et les
adaptés au pied mais assez larges et suffisamment forts, qui aient au- rend souples et rapides.
tant que possible la forme de votre pied nu, le bord intérieur plus droit Il fortifie les muscles qui soutiennent le corps; en se tenant droit,
que les cordonniers ne le font généralement pour les chaussures élé- on donne aux poumons et au cœur toute la place dont ils ont besoin
gantes. Les Éclaireurs n'ont que faire de bottines chic. pour bien fonctionner, et les organes internes sont maintenus chacun à
sa place de façon que la digestion, etc., s'effectue normalement.
Les pieds doivent être aussi secs que possible. S'ils sont mouil-
lés, la peau s'amollit et bientôt elle se crevasse et se blesse là où la 1
On a donné ici le texte de B. P. Il doit nécessairement être adapté sui-
chaussure serre un peu. vant les habitudes nationales. N. d. T.
Naturellement la transpiration les mouille aussi bien que l'eau du
dehors; mais pour qu'ils puissent sécher à mesure, il faut porter de bon-
nes chaussettes de laine. Je préfère les souliers bas aux autres, parce
qu'ils laissent mieux passer l'air jusqu'au pied.
Quand vous voyez un homme porter des chaussettes de coton ou
de soie, vous pouvez dire d'emblée que ce n'est pas un marcheur. Il est
bon d'enduire de savon ou de graisse ses pieds, et aussi l'intérieur des
bas avant de les enfiler.
Si vous transpirez beaucoup des pieds, il est utile de recourir à
une poudre faite d'acide borique, d'amidon et d'oxyde de zinc par par-
ties égales. On s'en met entre les orteils pour empêcher que des duril-
lons ne s'y forment. Vous durcirez aussi vos pieds en
Comment ne pas s’asseoir. Comment s’asseoir.
198 199
Une position relâchée, au contraire, écrase tous les organes et au petit trot, à pas courts, élastiques, les mains balançant librement et non pas serrées
les empêche de travailler convenablement, de telle sorte qu'un homme au côté.
qui se tient mal est généralement faible et souvent malade. Au commandement : « Pas de l'Eclaireur », ils font vingt pas de marche rapide,
puis vingt au pas de gymnastique, et ainsi de suite en marchant et courant alternative-
Les garçons qui grandissent ont une tendance à se laisser aller; il ment jusqu'au commandement de « Marche rapide » ou de « Halte ».
faut donc qu'ils fassent tout ce qu'ils peuvent pour échapper à cette ha- « A droite », chacun fait un quart de tour à droite.
bitude de se mal tenir et fassent pour cela beaucoup de gymnastique et « En ligne » (quand les Éclaireurs en file suivent leur chef), ceux qui sont en
de l'exercice. arrière courent et se mettent en ligne à la gauche du premier.
Quand vous êtes debout, tenez-vous droit, et quand vous êtes
assis, asseyez-vous droit, le dos bien appuyé contre le dossier de la La parade des feux
chaise. Si vous êtes alertes dans vos mouvements et dans votre tenue,
assis ou debout, cela fera penser que vous avez l'esprit alerte aussi, et Le second de chaque patrouille emporte une gamelle, du papier, une boîte d'allumettes,
c'est là une chose qui n'est pas à dédaigner : beau- coup de patrons une boucle de ficelle et un crochet. La boucle sert à joindre ensemble trois bâtons pour
choisiront un garçon alerte et laisseront en plan un gaillard qui se tient former un trépied, auquel pend une corde munie d'un crochet en fil de fer et servant à
tenir la gamelle.
mal. Si vous avez à vous baisser pour écrire, et même pour lacer vos
Deux Éclaireurs ont apporté
souliers, ne faites pas le dos rond, mais cambrez au contraire vos han-
du papier. Au commandement:
ches : cela aidera à fortifier votre corps. «Allumez feux; pas gymnastique ! » les deux
Au commandement : « Toujours prêts ! » l'Éclaireur se tient droit, patrouilles font en courant vingt pas en
les pieds joints, les bras pendant naturellement le long du corps, les avant (qu'elles comptent elles-mêmes) et
doigts étendus, le regard dirigé droit devant lui. s'arrêtent en ligne. Au coup de sifflet ou de
Au mot : « Repos », il écarte son pied droit de quinze centimètres clairon,
vers la droite, il joint ses mains derrière le dos, il peut regarder à droite le second de chaque patrouille pose son bâton et tire sa boucle de son sac. Les Éclai-
reurs 3 et 4 posent leurs bâtons à côté de celui du second, de façon que les têtes se
et à gauche. Au commandement : « Repos assis », il s'accroupit dépassent. Le second glisse alors la boucle par-dessus les trois têtes et, avec l'aide
sur le sol dans la position des autres, tord son bâton deux ou trois fois pour serrer la boucle; puis il dresse les
qui lui plaît. Si le sol est sec, bâtons comme un trépied. Tous les trépieds doivent être bien alignés.
on commandera : « Repos Une fois l'opération terminée, la patrouille se met au « toujours prêts » en cercle,
assis » toutes les fois qu'on le dos tourné au trépied.
ne tiendra pas à avoir ses Deux coups de sifflet et tous se retournent vers le trépied.
scouts au « toujours prêts ». Le second tire de sa gamelle du papier et des allumettes. Il suspend la gamelle
au crochet.
Au commandement : « Mar-
Les numéros 3 et 4 font un tas de papier qui représente le feu (ou si l'on veut
che rapide », les Éclaireurs faire de vrais feux, ils dressent le bois, chaque Éclaireur ayant apporté une bûche sur
partent son havresac).
du pied gauche d'un pas Puis tous se remettent en cercle au «toujours prêts», le second a ses allumettes
léger en balançant les bras toutes prêtes. Trois coups de sifflet; au dernier coup, le second
librement : cela assure un frotte son allumette et le papier
LA MARCHE HYGIÉN exercice précieux au corps, flambe ; chacun s'assied
( Direction des yeux). aux muscles et aux organes prestement. Le chef de patrouille
veille à ce que tout se
internes.
1. La vraie manière. passe vite et bien, sans un mot. Au commandement : « Éteignez les feux » suivi d'un
Au commandement : « Pas coup de sifflet, tout le monde se lève. Le second reprend sa gamelle. Les numéros 3 et
2. Une manière habituelle. gymnastique », les garçons 4 abattent le trépied et le démembrent ; le second remet la boucle dans son sac. Les
3- Une manière fréquente et
se mettent à courir autres éteignent le feu et ramassent le papier qui traîne.
très mauvaise.
"Toujours prêts!» Tous en cercle, face en dedans. Deux coups de trompe : cha-
que patrouille à son rang, au « toujours prêts », prête à partir.

200 201
La parade et les feux doivent être pratiqués en vue des inspec-
tions et remplacer le défilé de revue qui n'est que l'imitation d'une para-
de militaire1.

Exercices de ralliement

Les Éclaireurs ne paradent pas comme des soldats, ils se tien-


nent cachés jusqu'à ce que leur chef ait besoin d'eux, alors ils se ras-
semblent dé partout, chaque patrouille suivant son chef, et, en faisant
entendre leurs cris de patrouille, ils forment autour du chef un cercle de
vingt mitres de rayon à peu près; ils chantent ensuite le « Toujours prêt
», puis se reposent assis et en silence pour entendre ce qu'il a à leur CHAPITRE VII
dire. Si le chef commande une figure de huit, un cercle ou une spirale,
le chef de patrouille chargé du commandement ordonne : ' Garde à L'ESPRIT DE CHEVALERIE
vous ! Suivez votre chef.» Il s'écarte du cercle, sa patrouille le suit en
file indienne, puis la patrouille voisine, et ainsi de suite jusqu'à ce que POUR LES CHEFS
tous se suivent en monôme au petit trot. Le chef, sans se presser, dé-
crit sur le terrain un grand huit, un cercle ou une spirale qui s'enroule Une de nos ambitions est de faire revivre parmi nous quelques-
progressivement autour du chef et se déroule en sens inverse. Le chef unes des règles auxquelles obéissaient les chevaliers de jadis, et qui
commande : « A vos places », et le cercle primitif se reforme ; puis : « eurent une telle influence sur le moral de la race. Par malheur, on a
Repos assis. » C'est le moment pour lui de dire quelques mots à ses permis, dans une grande mesure, aux sentiments chevaleresques de s
garçons à moins qu'il ne leur fasse signe de se disperser, auquel cas éteindre chez nous; au Japon, au contraire, on s'efforce de les commu-
chaque patrouille s'en va de son côté, groupée autour de son chef, cha- niquer aux enfants, de telle sorte que ceux-ci finissent par les éprouver
cun des Éclaireurs sifflant longuement jusqu'à ce qu'il ait quitté sa pla- tout naturellement.
ce ; puis chacun se tapit dans sa première retraite. Notre but n'est pas tant de discipliner les jeunes garçons, que de
leur apprendre à se discipliner eux-mêmes.
Jeux Nous ne pouvons, ici, qu'effleurer les sujets indiqués. Au chef de
les développer et de les illustrer dans les causeries particulières. On
Le docteur. Chaque Éclaireur à tour de rôle est un explorateur ou peut grouper sous trois chefs les différentes qualités qu'exigeait le Co-
un missionnaire, qui connaît quelques remèdes très simples. On lui de des Chevaliers :
amène trois malades qui ont chacun une maladie ou un accident diffé- 1° Le service du prochain;
rent. Il doit les conseiller et indiquer le traitement qu'il faut leur appli- 2° La discipline de soi-même;
quer. 3° Le perfectionnement de son propre caractère.
Tous les jeux ordinaires de garçons, ceux où tout le monde est
actif, où il n'y a pas de spectateurs, sont bons pour la santé et entre- VINGTIÈME BIVOUAC
tiennent la bonne humeur : saute-mouton, « il est », etc.
1
Comme dans l'édition précédente, nous laissons tomber ici LE SERVICE DU PROCHAIN
une • note » relative aux formations de troupes en ligne et en colonnes « Au bon vieux temps, lorsque les chevaliers étaient braves », ce
de patrouilles et à divers commandements relatifs à la tenue du bâton. devait être un beau spectacle que de voir un de ces cavaliers revêtus
d'acier déboucher de la Forêt sombre dans sa brillante armure, avec
son bouclier et sa lance, les plumes au vent, le coursier frémissant et
plein de feu pour charger l'ennemi. A ses côtés

202 203
chevauchait son écuyer, un jeune homme qui le servait et qui, un jour, devait Saint Georges
devenir chevalier à son tour. Derrière lui galopaient des hommes d'armes, soli-
des et courageux guerriers. prêts à suivre leur maître Jusqu'à la mort s'il le fal- Ils avaient pour patron saint Georges, car c'était le seul des saints
lait. C'étaient les rudes vassaux des temps passés qui gagnèrent tant de bril- qui fut un cavalier. Il est le saint patron de la cavalerie et des Éclaireurs
lants combats par leur vaillance et leur admirable dévouement à leurs cheva- dans toute l'Europe.
Saint Georges était le saint particulier de l'Angleterre. Le cri de
liers.
guerre des chevaliers était : « Pour saint Georges et la joyeuse Angle-
En temps de paix, le chevalier partait, chaque jour, en quête d'un service terre. »
à rendre: il secourait tous ceux qui avaient besoin d'aide, mais tout particulière- La fête de saint Georges est le 23 avril, et ce jour-là tous les bons
ment les femmes et les enfants qui pouvaient se trouver dans la détresse. Il Éclaireurs portent une rose en son honneur et font flotter leurs dra-
s'appelait alors un chevalier errant. Les hommes d'armes, tout naturellement, se peaux. Ne l'oubliez pas le 23 avril prochain.
conduisaient de la même manière, et de leurs droites vigoureuses, ils étaient
toujours prêts à secourir les opprimés. Les chevaliers de jadis étaient les chefs Le code des chevaliers
de la nation; leurs hommes d'armes en étaient les éclaireurs.
Chefs de patrouilles, et vous, jeunes Eclaireurs, vous êtes donc sembla- Voici quelles étaient les lois des chevaliers :
bles à des chevaliers et à leurs suivants, pourvu que vous ne perdiez jamais de «Sois toujours prêt, revêtu de ton armure, excepté la nuit, lorsque
vue votre honneur, que vous lui donniez la première place, et que vous fassiez tu te reposes.
»Soutiens le pauvre, et protège ceux qui ne peuvent se défendre
de votre mieux pour aider ceux qui sont dans la détresse et ont besoin de se-
eux-mêmes.
cours. »Ne fais rien qui puisse blesser ou offenser qui que ce soit.
La chevalerie a été instituée en Angleterre il y a quinze cents ans environ » Sois prêt à combattre pour la liberté de ton pays.
par le roi Arthur. »Quoi que tu fasses, efforce-toi d'acquérir la réputation d'un hon-
A la mort de son père, le roi Pendragon. il vivait avec son oncle et person- nête homme.
ne ne savait qui allait être roi. Lui-même ignorait qu'il était fils du roi qui venait » Ne romps jamais une promesse que tu as faite.
de mourir. Alors, on trouva dans le cimetière un grand bloc de pierre dans lequel » Conserve intact l'honneur de ton pays, même au prix de ta vie.
était fichée une épée, et sur la pierre il était écrit : »Préfère la mort et l'honneur à la vie avec la honte.
« Celui qui arrachera cette épée de ce rocher, celui-là est né pour être le » Les jeunes gens doivent apprendre à accomplir les travaux les
roi légitime de toute l'Angleterre. " plus pénibles et les plus humbles avec bonne humeur et bonne volonté,
Tous les principaux seigneurs tentèrent d'arracher l'épée du rocher, mais — et à faire du bien à autrui. »
Telles sont les premières lois observées par les chevaliers; les
aucun n'y parvint.
lois des Éclaireurs d'aujourd'hui en dérivent.
Ce jour-là avait lieu un tournoi, auquel un cousin d'Arthur devait prendre
part, mais quand il arriva sur le terrain, il s'aperçut qu'il avait laissé son épée Désintéressement
chez lui, et il envoya Arthur la chercher. Arthur ne la trouva pas, mais il se rap-
pela l'épée dans le cimetière; il v alla, et quand il chercha à l'arracher de la pier- Le capitaine John Smith, un aventurier anglais d'il y a trois cents
re, tout de suite elle céda. Il l'apporta à son cousin. Quand les jeux furent termi- ans, n'était pas un homme très commode. Il avait combattu dans toutes
nés, il la remit dans le rocher. Tous de nouveau essayèrent de l'en retirer, sans les parties du monde, et avait été blessé plus d'une fois. Mais il avait,
succès. Mais lui. quand il le tentait, il y arrivait sans aucune peine. Ainsi Arthur néanmoins, un cœur généreux. C'était un vrai type d éclaireur. Une de
fut proclamé roi. ses expressions favorites était la suivante : "Nous ne sommes pas nés
Il réunit ensuite plusieurs chevaliers, avec lesquels il avait coutume de pour nous-mêmes, mais pour faire du bien aux autres. » Il ne se bornait
s'asseoir autour d'une grande table ronde: on les appela « Les chevaliers de la pas à répéter cette phrase, mais jl la mettait constamment en pratique
dans sa vie, car il fut l'homme le plus désintéressé qu'on pût trouver.
204 205
Sacrifice de soi-même. Abnégation Il en est de même pour les Éclaireurs. Un article de notre loi nous
ordonne de rendre chaque jour un service à notre prochain. Il n'est pas
Le roi Richard Cœur de Lion quitta, ainsi que d'autres rois coura- nécessaire que ce service soit considérable; vous aiderez peut-être une
geux, son royaume, sa famille, tout ce qui lui appartenait, pour aller personne âgée à porter un fardeau, ou bien vous donnerez un coup de
combattre les ennemis de la religion chrétienne. Gamme il revenait de main à l'ouvrier qui tire péniblement sa charrette ou bien encore vous
Palestine et rentrait dans son pays, il fut pris par le duc d'Autriche et mettrez une pièce de dix centimes dans le tronc des pauvres. Tous les
mis en prison. Il y resta douze mois. Il fut enfin découvert par son mé- jours de votre vie, vous devriez faire une bonne action, et dès aujour-
nestrel, Blondel; celui-ci ayant appris que son maître devait avoir été d'hui, vous devriez commencer à observer cette règle, fermement déci-
fait prisonnier quelque part, vint en Europe, chantant sous les fenêtres dés à ne jamais plus la négliger. Regardez le nœud que vous faites à
des prisons les chants favoris de Richard, jusqu'à ce qu'il entendît une votre cravate : il vous rappelle que vous avez une bonne action à ac-
réponse venant de l'intérieur d'un donjon. C'est ainsi qu'il découvrit son complir. Et ce n'est pas vos amis seulement que vous devez aider,
roi et qu'il fut l'instrument de sa délivrance. (Lisez Le Talisman par Wal- mais les étrangers et vos ennemis eux-mêmes.
ter Scott.) Lorsque les Russes étaient assiégés par les Japonais à Port- Ar-
Mais, de nos jours encore, on trouve des hommes qui savent se thur, en 1905, les petits Nippons s'approchèrent des forts de l'ennemi
sacrifier pour d'autres. Il y a quelque temps, un jeune homme de dix- en creusant des fossés longs et profonds, dans lesquels les Russes ne
huit ans, nommé Currie, vit une petite fille qui jouait sur une ligne de pouvaient pas tirer. Une fois, ils étaient si près qu'un soldat russe put
chemin de fer, à Clydebank, au moment où le train approchait. Il tenta jeter une lettre dans une tranchée des Japonais. Il expliquait dans cette
de la sauver. Mais une blessure reçue en jouant au football l'avait ren- lettre qu'il désirait envoyer un message à sa mère en Russie, car elle
du boiteux et cela le retarda : le train atteignit la fillette et son sauve- devait être très anxieuse à son sujet; mais, comme les communications
teur; tous deux furent tués. Mais la noble tentative de Currie est un de Port-Arthur étaient coupées, il priait les Japonais de vouloir bien en-
exemple à suivre pour tous les Éclaireurs. voyer le message pour lui ; il avait joint à la lettre une autre pour sa mè-
re et une pièce d'or pour payer les frais. Le soldat japonais qui trouva la
Plus de mille actes de courage ont déjà été accomplis par des
lettre, au lieu de la déchirer et de garder l'argent pour lui, fit ce que tout
Éclaireurs. Il n'y a pas longtemps qu'un vaillant Éclaireur, Donald
Éclaireur aurait fait : il porta la missive à son officier, et ce dernier télé-
Smith, plongea dans un canal au secours d'un garçon qui était tombé à
graphia le message du Russe à sa mère. Il jeta ensuite un billet dans le
l'eau, sans s'arrêter pour penser au danger qu'il courait. Il se noya,
fort de l'ennemi pour dire qu'il s'était acquitté de la commission.
mais, par son acte héroïque, il donna à ses camarades un admirable
exemple de courage et de sacrifice de soi-même.
Générosité
Complaisance
Certaines gens aiment beaucoup mettre de côté leur argent et ne
jamais le dépenser. C'est très bien d'être économe, mais c'est aussi
« La complaisance et la bienveillance sont de grandes vertus »,
très bien de savoir donner son argent quand cela est nécessaire. C'est
dit un vieux proverbe espagnol. « Rends service sans regarder à qui tu
même une des raisons pour lesquelles il faut faire des économies.
es utile », dit un autre, ce qui signifie : sois bon pour chacun, que tu te
trouves en présence d'un grand ou d'un petit, d'un riche ou d'un pauvre. En étant charitable, prenez garde de tomber dans le défaut de la
fausse charité. Il est très facile de donner un sou à un mendiant dans la
Le grand mérite du chevalier était de rendre toujours des ser-
rue, et vous en éprouverez de la satisfaction, mais vous ne devriez pas
vices à ceux avec qui il vivait. Son idée était que, tout homme devant
le faire. Quatre-vingt dix-neuf fois sur cent, ce mendiant est un vieux
mourir, chacun doit accomplir quelques bonnes actions avant que son
roublard; en lui donnant votre sou vous l'en-
heure de partir soit venue. Il importe de saisir les occasions : on ne sait
ni qui vit ni qui meurt.

206 207
couragez, lui et d'autres, à persévérer dans son petit commerce. Il peut l'abri de son voisin, il faut beaucoup d'efforts pour l'amadouer et
y avoir, et il y a probablement, des centaines de gens vrai- ment pau- le faire sortir de lui-même. Les habitudes de liberté et de plein air du
vres et misérables, qui se cachent, que vous ne voyez jamais et pour colonial débarrassent de cette gêne et rendent la vie bien plus agréable
lesquels votre sou serait une bénédiction. Les bureaux d'assistance les pour chacun. Un Éclaireur doit se rappeler qu'il est, comme le colonial
connaissent; donnez-leur votre sou pour qu'il parvienne en de bonnes et comme Kim, « l'ami de tout le monde ».
mains. Mais ne laissez pas votre amabilité dégénérer dans cette sotte
Point n'est besoin d'être riche pour être charitable. Un grand nom- prodigalité trop commune chez nous qui vous porte à jeter par la fenê-
bre des courageux chevaliers de jadis étaient des hommes pauvres, ce tre vos économies péniblement gagnées pour « traiter » perpé-
qui ne les empêchait pas d'être des hommes extraordinairement utiles. tuellement vos amis.
Il y en eut même dont les armoiries portaient deux chevaliers sur un
même cheval : ils étaient trop pauvres pour avoir chacun le sien. Politesse

Les pourboires Voici une histoire que les chevaliers aimaient à raconter comme
un exemple de politesse. Jules César, un jour, fut invité à dîner par un
Mais voici une chose abominable. Où que vous alliez, les gens pauvre paysan. Celui-ci crut qu'un plat de cornichons était le mets le
demandent des pourboires pour le moindre service qu'ils auraient dû plus distingué qu'il pût offrir à un si grand officier, et il lui en servit une
rendre tout naturellement. Un Éclaireur n'acceptera jamais un pourboi- grande assiette. César, par politesse, mangea le plat entier et prétendit
re, même si on le lui offre, à moins que ce ne soit pour du travail réelle- y trouver un grand plaisir, bien que ce mets lui brûlât la bouche.
ment fait. Quelle honte, par exemple, de se faire payer pour avoir indi- Si, en Espagne, vous demandez votre chemin à un homme, il ne
qué à un étranger la rue qu'il ne trouvait pas, ou pour avoir donné une se borne pas à vous l'indiquer de loin, mais il enlève son chapeau, s'in-
explication sur le fonctionnement d'une machine ! Quelquefois il est dif- cline et assure que ce sera pour lui un grand plaisir de vous le montrer.
ficile de refuser ; mais c'est une chose aisée pour un Éclaireur. Il n'a Et il vous accompagne jusqu'à ce que vous soyez sur la bonne voie. Il
qu'à dire : « Merci bien, mais je suis Eclaireur, et notre loi ne nous per- n'acceptera jamais de récompense.
met pas d'accepter de l'argent pour avoir rendu un service. » Un Français ôte son chapeau quand il parle à un étranger; vous
Les pourboires empêchent d'avoir un joli contact avec autrui. les voyez souvent faire ça à Londres, même quand ils demandent leur
Comment entretenir des relations amicales avec quelqu'un, si vous êtes chemin à un agent de police.
toujours à vous demander : « Quel pourboire faudra-t-il lui donner ? » Les pêcheurs hollandais, forts et robustes, occupent la rue entiè-
Lorsqu'un éclaireur travaille pour autrui, il devrait toujours le faire avec re lorsqu'ils s'y promènent en se donnant le bras. Mais qu'un étranger
des sentiments d'amitié. vienne à passer, ils se rangent le long du mur et en souriant, ils soulè-
J'ai beaucoup de lettres témoignant d'une grande admiration pour vent leur bonnet, tandis que l'inconnu continue son chemin.
les Éclaireurs, parce qu'ils rendent des services et refusent d'être payés Une dame m'a raconté qu'un jour, dans une ville perdue du Ca-
pour cela. Je suis heureux qu'il en soit ainsi, Il va sans dire, Eclaireurs, nada, elle rencontra un groupe de cowboys qui paraissaient très sauva-
que vous pouvez accepter l'argent que vous avez réellement gagné par ges. Elle en fut alarmée. Mais lorsqu'ils se furent approchés, ils se tin-
votre travail. rent d'un côté de la route, levèrent leur chapeau avec le plus grand res-
pect, et lui laissèrent le passage libre.
Amabilité
Courtoisie
La grande différence entre un colonial et un Anglais qui n'est ja-
mais sorti de chez lui. c'est que le premier est en manches de chemise Les chevaliers du bon vieux temps mettaient un soin tout par-
et l'autre tout boutonné dans son habit. Leurs caractères sont pareils. ticulier à être respectueux et courtois envers les dames. Le roi Arthur,
Le colonial est ouvert et gai, avec tout le monde et de prime abord, l'au- qui fit les règles de la chevalerie, était lui-même chevale-
tre est plutôt porté à se fermer, à se mettre à
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resque envers les femmes, à quelque classe qu'elles appartinssent. Un suivit jusqu'au moment où il s'engouffra dans une allée étroite, et qu'il
jour, une jeune fille se précipita dans son palais en criant au secours. ne lui fut plus possible de le suivre. Mais elle l'attendit, et la foule qui
Elle était échevelée et couverte de boue; ses bras avaient été déchirés l'avait suivie fit de même. Lorsque le voleur ressortit du passage, elle lui
par les ronces et ses habits étaient en lambeaux. Une bande de bri- sauta au collet et le retint pour l'empêcher de s'échapper; mais person-
gands qui écumaient le pays l'avait maltraitée. En entendant ce récit, le ne, dans la foule des spectateurs, ne voulut lui aider, bien qu'il y eût là
roi Arthur bondit sur son coursier, il vola d'un trait à la caverne des bri- des hommes et des jeunes garçons : quels lâches !
gands, et, au péril de sa vie, il les combattit et les défit, de sorte qu'ils Il va sans dire que dans des accidents, les hommes doivent veil-
ne firent plus de mal à son peuple. ler à ce que les femmes et les enfants soient sauvés, avant de songer
Lorsqu'il se promène avec une femme ou un enfant, un Eclaireur à leur propre sûreté. Dans les naufrages, vous savez avec quel soin on
devrait toujours se mettre à sa droite, afin que lui-même pût la protéger organise le sauvetage des vieillards, des femmes et des enfants. Ce
de son bras droit. n'est qu'après qu'on pense à secourir les hommes.
Cette règle est modifiée lorsque l'Éclaireur se promène dans les Vous devez être polis envers les femmes en tout temps ; si vous
rues : dans ce cas, un homme prendra toujours le côté du trottoir qui êtes assis lorsqu'une dame entre dans la chambre, levez-vous et voyez
touche à la chaussée, afin de protéger la personne qu'il accompagne si vous pouvez lui être utile d'une façon ou d'une autre.
contre les accidents, les éclaboussures, etc. Ne flânez jamais avec une jeune fille en compagnie de laquelle
En rencontrant une femme ou un enfant, un homme doit, tout na- vous ne voudriez pas que votre mère ou votre sœur vous vît.
turellement, lui faire place, même s'il est obligé pour cela de descendre Ne parlez jamais d'amour à une jeune fille, à moins que vous ne
du trottoir, et de marcher dans la boue. pensiez l'épouser. N'épousez pas une jeune fille, à moins que vous ne
De même dans un wagon ou dans une voiture de tramway, aucun soyez en état de la protéger et de pourvoir à ses besoins et à ceux de
homme digne de ce nom ne permettra à une femme ou à un enfant de quelques enfants.
se tenir debout si lui-même a un siège. Immédiatement il le cédera et
se tiendra debout. Comme Éclaireurs, vous devriez donner l'exemple, Indications pratiques
en étant les premiers, dans la voiture, à offrir vos places aux femmes.
Mais en agissant ainsi, prenez un aimable sourire, plein de bonne hu-
meur, de sorte qu'on puisse voir que c'est de bon cœur que vous avez Voici encore quelques manières de rendre des services : répan-
fait votre petit sacrifice. dez du sable sur les routes gelées où les chevaux pourraient glisser;
enlevez du trottoir les pelures d'oranges ou de bananes qui peuvent
Lorsque vous vous promenez, soyez toujours sur le qui-vive, afin
faire tomber les gens; dans la campagne, ne laissez pas les barrières
de rendre des services aux femmes et aux enfants. N'hésitez jamais à
ouvertes, n'abîmez pas les clôtures, et ne marchez jamais dans les
rendre un service, ne vous souciez pas des passants, ni de ce qu'ils
champs ou dans les moissons; aidez aux personnes âgées à puiser
pourraient penser, et n'acceptez pas de récompense.
leur eau, ou à porter leur bois chez elles; aidez à tenir propres les rues
L'autre jour, je vis un jeune garçon aider une dame à sortir d'une de votre ville en enlevant les bouts de papier, et tout ce qui donne une
voiture. Lorsqu'il eut fermé la porte derrière la voyageuse, cette derniè- apparence de désordre; songez à donner à manger aux enfants pau-
re voulut lui offrir quelque argent, mais il toucha sa casquette et dit en vres; en excursion, enterrez dans un coin du champ vos boîtes de
souriant: «Non merci, madame, c'était mon devoir», et il s'éloigna. Je conserves vides, et ne cassez jamais des bouteilles dont les débris
me sentis une grande sympathie pour lui, car, bien qu'on ne le lui eût peuvent faire de graves blessures aux vaches.
pas appris, il était Éclaireur tout naturellement.
Remerciements. Attention ! Voici une forme de politesse trop sou-
Voilà bien la politesse que nos jeunes garçons devraient tous vent oubliée, mais qu'un véritable Éclaireurs ne négligera jamais, c'est
avoir. L'autre jour, à Londres, une jeune fille s'aperçut qu'on venait de de dire merci pour toute amabilité qu'on vous témoigne. Un cadeau ne
la voler. Immédiatement, elle courut après le voleur et le pour- vous appartient pas tant que vous n'avez pas dit merci. Vous n'avez
pas fini votre campement quand vous avez emballé

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vos affaires et nettoyé le terrain, tant que vous n'avez pas remercié le Lycurgue disait que la richesse d'une nation consiste non pas tant
propriétaire pour vous en avoir accordé l'usage, et Dieu pour le plaisir dans son argent, que dans ses hommes : ceux-ci doivent être sains de
que vous y avez eu. corps et d'esprit; le corps capable, d'endurer les privations, l'esprit bien
POUR LES CHEFS discipliné et habitué à discerner les justes proportions des choses.
Dites à vos Éclaireurs de faire tous les matins un nœud à leur cra-
vate pour se rappeler qu'ils ont à rendre un service chaque jour, jus- Honneur
qu'à ce que cela soit devenu pour eux une habitude.
Menez vos garçons dans an musée, montrez-leur l'armure d'un Le vrai chevalier mettait, au-dessus de tout, son honneur : il lui
chevalier et expliquez-leur l'usage des différentes parties. était sacré. Un homme d'honneur mérite toujours d'être cru; il ne com-
Dites à chaque Éclaireur d'amener un jeune garçon qui lui soit tout mettra jamais une action déshonorante, comme de dire un mensonge
à fait étranger, et de le traiter comme son hôte particulier pour qu'il ou de tromper ses supérieurs ou ses patrons. Un tel homme commande
prenne part aux jeux dans le local des Éclaireurs, y entende leurs cau- toujours le respect de ses concitoyens. Il se laisse constamment guider
series de feu de camp, etc. par son honneur, quoi qu'il fasse. Ainsi, un capitaine reste le dernier sur
JEUX son navire, comme vous l'avez pu constater lors de tous les naufrages
Chevaliers errants. dont vous avez entendu parler. Pourquoi? Le vaisseau n'est qu'un as-
semblage de fer et de bois, et la vie du capitaine a autant de valeur que
Les Éclaireurs s'en vont seuls, deux à deux ou par patrouilles : en celle des femmes et des enfants qui se trouvent à bord. Et néanmoins
ville pour trouver des femmes ou des enfants qui aient besoin d'aide, et le capitaine travaille au salut des autres avant de songer à sa propre
venir ensuite raconter, sur leur honneur, ce qu'ils ont fait; à la campa- vie. Pourquoi? Parce que le navire est son navire, et qu'on lui a appris
gne pour offrir leurs services dans les fermes ou les chalets et y faire du que son devoir est d'y rester : il estime qu'il serait déshonorant pour lui
travail pour rien. d'agir autrement, et il place son honneur avant sa propre sûreté. C'est
On peut transformer ce jeu en course : la « course des bonnes ac- ainsi qu'un Eclaireur devrait toujours estimer son honneur comme son
tions ». bien le plus précieux.
Représentations.
Le roi Arthur et les chevaliers de la Table Ronde, ou d'autres his- Franc jeu
toires de chevalerie.
Lire Ivanhoe de Walter Scott, etc. Si, par hasard, vous voyez un grand gaillard tomber sur un petit
garçon, vous l'arrêtez immédiatement, parce que ce n'est pas franc jeu.
VINGT ET UNIÈME BIVOUAC Si un homme, en se battant avec un autre, réussit à lui faire toucher
terre, il ne doit pas le frapper, aussi longtemps que le vaincu est à ter-
DISCIPLINE DE SOI-MÊME re : s'il le faisait, chacun aussitôt le regarderait comme une brute. Et
pourtant aucune loi ne commande une telle conduite, et en vous
POUR LES CHEFS conduisant autrement, vous ne risqueriez pas la prison ! La vérité, c'est
La plus importante des choses que le chef doit enseigner à ses que le franc jeu est une vieille idée de la chevalerie. Elle nous vient des
garçons, c'est de leur faire comprendre et de leur donner le sentiment anciens preux, et nous devons la conserver très soigneusement.
de l'honneur.
Ce n'est pas toujours facile, mais c'est la clé de voûte de l'éduca- Honnêteté
tion du caractère.
On a volontairement évité d'en parler dans l'éducation des Louve- L'honnêteté est une des formes de l'honneur. A un homme d hon-
teaux, parce que cela dépasse ce que peuvent saisir les très jeunes neur, on peut confier n'importe quelle somme d'argent, ou n'importe
garçons, mais à l'âge des Éclaireurs on peut en parler de façon à faire quel trésor : on peut être certain qu'il ne les gardera pas injustement.
une impression forte et durable.
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La tricherie, en tout temps, est une chose honteuse et lâche. Le devoir avant tout
Lorsque vous êtes tentés de tricher afin de gagner à un jeu, ou
quand vous voyez avec peine que vous êtes en train de perdre, dites- Vous avez déjà entendu parler de la loi de Lynch en vertu de la-
vous vite : « Après tout, ce n'est qu'un jeu. Si je perds, je n'en mourrai quelle on pend un malfaiteur après l'avoir jugé sommairement.
pas. On ne peut pas toujours gagner. Je m'en vais continuer de jouer, Ce nom vient de Galway, en Irlande, où, en 1493, un magistrat de
pour le cas où la chance me redeviendrait favorable. » cette ville, Lynch, fit exécuter son propre fils qui avait tué un jeune Es-
Si vous vous mettez cela dans la tête, vous verrez que souvent, pagnol. Le meurtrier avait été loyalement jugé et con- damné à mort. Sa
pour finir, vous gagnerez encore. mère, alors, supplia les citoyens de le délivrer lorsqu'on le conduirait au
lieu du supplice. Mais le père, prévoyant ce qui allait arriver, ordonna
Le courage donne des forces. Et n'oubliez pas ceci : toutes les
d'exécuter la sentence en prison, et le jeune Lynch fut pendu à la fenê-
fois que vous perdrez, en véritable Éclaireur, acclamez immédiatement
tre de la geôle.
le vainqueur, serrez la main au camarade qui vous a battu et félicitez-le.
Vous pouvez imaginer quel profond sentiment de son devoir
C'est une règle qu'on doit observer dans tous les jeux et concours Lynch doit avoir eu, pour faire taire son amour de père devant les or-
auxquels prennent part des Éclaireurs. dres de sa conscience !

Fidélité Obéissance et discipline

La fidélité était la vertu qui, plus que toute autre, distinguait les La discipline et l'obéissance sont aussi importantes pour des
chevaliers. Toujours ils furent fidèles à leur roi et à leur pays, et toujours Éclaireurs et des soldats que le courage.
ils étaient prêts à mourir pour les servir. De la même manière, celui qui Le Birkenhcad était un navire de transport qui avait à bord 630
imite les chevaliers doit être fidèle envers ses supérieurs, quels qu'ils soldats avec leurs familles et 130 matelots. Une nuit, près du Cap de
soient, officiers ou patrons. Il doit leur rester attaché envers et contre Bonne-Espérance, ce vaisseau rencontra un récif et commença à cou-
tous : c'est un de ses devoirs, et s'il ne pense pas pouvoir l'observer, il ler. Immédiatement les soldats furent à leur poste en rang, sur le pont.
doit alors quitter sa place pour peu qu'il lui reste de l'honneur. Quelques-uns reçurent l'ordre de préparer les bateaux de sauvetage et
d'y déposer les femmes et les enfants. D'autres durent détacher les
Un Éclaireur doit aussi être fidèle à ses amis, et il doit leur aider
chevaux et les jeter par-dessus bord, pour leur donner une chance de
aussi bien dans l'épreuve que dans les jours de joie.
se sauver en nageant jusqu’au rivage. Cela fait, on reconnut que les
Un bel exemple de fidélité nous est donné par le soldat romain de bateaux qui restaient ne suffiraient pas pour recevoir chacun, aussi
jadis, qui resta à son poste lorsque la ville de Pompéi fut recouverte par chaque homme reçut l'ordre de rester à son rang. Tout à coup le navire
la lave et les cendres projetées par le Vésuve. On peut encore voir ses s'entrouvrit; le capitaine cria à ses hommes de sauter par-dessus bord
restes : de sa main, il se couvre la bouche et le nez, afin d'empêcher la et de sauver leur vie, mais le colonel Seaton leur interdit de bouger de
suffocation qui commençait à l'accabler. leur place. Il avait vu, en effet, que si les soldats nageaient vers les ba-
Son exemple a été suivi, il n'y a pas très longtemps, par un cadet teaux et tâchaient d'y entrer, ils les feraient aussi couler. C'est ainsi que
du collège de Reigate. On l'avait placé comme sentinelle, lors de certai- les hommes restèrent à leur rang. Quand le navire se retourna et som-
nes manœuvres, mais on l'oublia à son poste, au bout de la journée. bra, ils poussèrent une immense clameur et s'enfoncèrent avec le vais-
Bien que la nuit vînt et qu'il fît très froid — on était en novembre — le seau dans la mer. Sur les 760 passagers, 192 seulement furent sauvés,
jeune garçon resta fidèlement à son poste, jusqu'à ce qu'on le décou- mais il est probable que ces derniers mêmes auraient péri, sans la dis-
vrît, au milieu de la nuit, à moitié mort de froid, mais éveillé et sur le qui cipline et le sacrifice des autres.
vive. Récemment, un bateau-école anglais plein de jeunes gens fut
coupé par un steamer. Mais, là comme sur le Birkenhead, il n'y eut Pas
de panique : les jeunes élèves se placèrent vite sur les rangs,

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ils mirent leurs ceintures de sauvetage et regardèrent le danger en face devaient être appliquées contre la porte et fortement pressées contre
et avec calme. Tout le monde fut sauvé. elle; c'est seulement après qu'on devait y mettre le feu. Le temps pres-
Les hommes placés sous les ordres du général Elliot, à Gibral- sait, comment faire ? Les soldats japonais, sans penser à eux-mêmes,
tar, lui obéissaient sans une hésitation. Un jour, pendant un siège, il y a tinrent leurs cartouches appliquées à porte en les pressant avec leurs
plus d'un siècle de cela, un soldat désobéit à un de ses ordres. Le gé- poitrines, puis ils frottèrent leurs allumettes, mirent le feu aux cartou-
néral le cita devant lui, et lui fit comprendre qu'il devait être fou pour ne ches et firent sauter la porte : ils sautèrent avec elle, il n'est pas besoin
pas avoir obéi dans une circonstance aussi grave. C'est pourquoi il lui de le dire, mais leur intrépide dévouement permit à leurs camarades
fit raser la tête et lui fit appliquer des ventouses; ensuite, il le fit saigner d'entrer dans le fort et de s'en emparer pour leur empereur.
et mettre dans une camisole de force, puis dans une cellule, avec du
pain et de l'eau, comme un fou ! Ténacité

Humilité Les chevaliers ne connaissaient pas le découragement; jamais ils


ne parlaient de se rendre, mais ils étaient toujours prêts à lutter jusqu'à
Etre humble, voilà une chose à quoi les chevaliers s exerçaient. leur dernier soupir. Au contraire, c'est une chose commune de ren-
C'est-à-dire que jamais ils ne se vantaient d'être supérieurs aux autres contrer des hommes qui se tourmentent et prennent peur, bien long-
hommes, bien qu'en réalité ils le fussent. C'est pourquoi ne faites ja- temps avant qu'il y ait de quoi. Souvent, ils cessent de travailler parce
mais les fanfarons! que le succès ne les a pas favorisés tout de suite, et il est très probable
Ne vous imaginez pas que vous possédiez des droits dans ce qu'ils eussent réussi, si seulement ils avaient eu un peu plus de persé-
monde, à l'exception de ceux que vous avez réellement gagnés. Vous vérance. Un homme doit toujours pré- voir qu'il aura, au début, des diffi-
avez le droit d'exiger qu'on vous croie, si vous dites toujours la vérité, et cultés et que le succès ne viendra qu'ensuite.
vous avez le droit d'aller en prison, si vous vous mettez à voler. Mais il Un homme qui ne saurait pas regarder en face un travail pénible
y a une quantité de gens qui s'en vont parlant très haut de leurs droits, et difficile, ne mériterait pas le nom d'homme.
sans avoir jamais rien fait pour les acquérir. Faites votre devoir d'abord, Connaissez-vous l'histoire des deux grenouilles? La voici : Un
vos droits seront reconnus ensuite, jour, en se promenant, deux grenouilles arrivèrent auprès d'une jatte de
crème. En voulant regarder à l'intérieur, elles y tombèrent
Courage

Peu d'hommes sont nés courageux, mais tout homme peut, s'il le
veut, acquérir cette qualité, surtout s'il commence lorsqu'il est encore
jeune.
Un homme courageux se précipite au-devant du danger sans hé-
sitation, tandis qu'un homme moins brave est tenté de s'enfuir.
Lorsque le danger est là, ne vous arrêtez pas à le considérer; —
plus vous réfléchirez, et moins vous aurez de courage — mais faites le
plongeon, allez bravement devant vous, et une fois que vous serez ve-
nu à bout de la tâche, vous verrez que ce n'était pas aussi terrible que
vous le pensiez.
Dans la dernière guerre entre la Russie et le Japon, quelques sol-
dats du génie reçurent l'ordre de faire sauter la porte d'un fort russe,
afin que les Japonais pussent y pénétrer. Presque tous les soldats fu-
rent tués; cependant, quelques-uns réussirent à arriver près de la porte Ténacité : les grenouilles dans la crème.
à détruire, avec leurs cartouches. Celles-ci
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toutes deux. L'une d'elles alors s'écria : « Voici une espèce d'eau que Et je vais vous donner une recette pour vous rendre facile votre
je ne connais pas ! Comment pourrais-je nager dans un tel liquide? Ce- travail, quel qu'il soit. Si vous travaillez à apprendre des leçons pour
la ne vaut pas la peine d'essayer ! » C'est ainsi qu’elle se laissa couler l'école ou à faire des courses pour un patron, ou bien dans un atelier ou
au fond de la jatte et s'y noya, faute de courage et d'énergie. L'autre, un bureau, vous pouvez, si vous y tenez, arriver à vous ennuyer et à
au contraire, se débattit dans la crème, elle se mit à nager vigoureuse- vous fatiguer beaucoup. Penser continuellement au plaisir que vous
ment, et toutes les fois qu'elle sentait qu'elle allait couler, elle luttait aurez quand vous sortirez, combien sont heureux les autres qui n'ont
avec plus de courage pour se main- tenir à la surface. A la fin, juste au pas à faire ce que vous faites, et vous détesterez votre travail, il vous
moment où, à bout de forces, elle allait abandonner la partie, une cho- pèsera, vous le ferez mal et ça n'ira pas. Mais si vous prenez l'attitude
se curieuse arriva : grâce au travail obstiné du persévérant animal, la inverse, en fixant votre regard sur l'aboutissement de votre travail, sur
crème se trouva transformée en beurre, de sorte que tout à coup la ce qu'il vous apportera pour finir, à vous et aux autres pour lesquels
grenouille se vit en sûreté au sommet d'une belle motte jaune. vous travaillez, alors vous vous y mettrez avec ardeur, et bientôt, au
Imitez la grenouille tenace. Lorsque votre situation vous paraîtra lieu de le détester, vous vous prendrez à l'aimer et vous le ferez de
difficile, efforcez-vous de sourire, chantonnez au dedans de vous, et mieux en mieux.
vous triompherez des circonstances adverses. Habituez-vous à prendre les choses gaîment, et vous ne vous
trouverez que rarement dans de grands embarras. Je vous accorde que
La bonne humeur c'est une chose difficile à faire, tout d'abord ; mais, au moment même
où vous riez, l'obstacle semble diminuer tout à coup, et vous pouvez
vous y attaquer très aisément.
Les chevaliers regardaient la bonne humeur comme une chose
Un jeune garçon qui a le désir d'être constamment de bonne hu-
très importante, pensant que c'est un défaut dangereux de montrer de
meur peut y arriver; cela lui sera de la plus grande utilité, et tout particu-
l'emportement. Le capitaine John Smith, dont nous avons déjà parlé,
lièrement dans les difficultés et le danger. Il pourra ainsi réussir dans
était lui-même l'incarnation de la bonne humeur. Vers la fin de sa vie,
certains cas où d'autres auraient infailliblement échoué par manque de
deux jeunes garçons à qui il racontait ses aventures, en firent un livre;
persévérance.
mais ils avouèrent qu'il leur avait été parfois difficile de comprendre ce
que le capitaine disait, parce qu'il riait aux éclats en faisant la narration Les vilains mots et les jurons sont employés par les jeunes gar-
des dangers qu'il avait courus. Il est certain qu'avec moins de bonne çons qui désirent faire les hommes ; mais cela ne les fait ressembler
humeur, il n'aurait jamais triomphé des périls sans nombre auxquels il qu'à de petits sots. Généralement un homme qui jure se laisse facile-
eut à faire face dans sa vie agitée. ment mettre dedans et perd la tête dans une situation difficile; par
conséquent on ne peut pas compter sur lui. Lorsque vous passez par
A plusieurs reprises, il fut fait prisonnier par ses ennemis — quel-
des moments pénibles, il vous est absolument nécessaire de conserver
quefois par des sauvages — mais il sut toujours les captiver par ses
votre calme; c'est pourquoi, dans des circonstances semblables, ne ju-
manières aimables, et devenir leur ami, de sorte que sou- vent ils lui
rez pas, mais forcez-vous à sourire, et immédiatement vous vous re-
rendirent la liberté ou ne le poursuivaient pas, quand il avait réussi à
trouverez dans votre assiette.
s'échapper.
Le capitaine John Smith ne fumait ni ne jurait. Il avait une manière
Si vous faites votre travail de bon cœur, il devient pour vous un
de traiter les jureurs, qui a aussi été adoptée par les Éclaireurs. Il ra-
véritable plaisir; de même, en étant de bonne humeur, vous rendez
conte, dans son journal, que ses hommes, en abattant les arbres,
contents ceux qui vous entourent, ce qui est un de vos devoirs d'Éclai-
avaient les doigts tout endoloris par les haches qu'ils n'avaient pas l'ha-
reurs.
bitude de manier; aussi arrivait-il que presque chaque coup de la co-
Un auteur écossais. Sir J. M. Barrie, a écrit : « Ceux qui mettent gnée était accompagné d'un juron. Pour y remédier, il conçut un plan
du soleil dans la vie des autres ne peuvent pas se mettre eux-mêmes à ingénieux : on nota les jurons de chaque homme, et le soir, on versait,
l'abri du bonheur. » En faisant des heureux autour de vous, vous vous pour chaque juron, un
rendez heureux vous-même.

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pot d'eau froide dans la manche du délinquant! La punition fut si effica- Le perfectionnement de soi-même. — Si un grand nombre d'hom-
ce qu'à dater de ce jour, c'est à peine si l'on entendit un juron par se- mes se trouvent dans la pauvreté et sans occupation rémunératrice, il
maine. Lisez Vaillance, de Charles Wagner. faut en chercher la cause dans le fait qu'on leur a permis, lorsqu'ils
étaient enfants, de rôder dans les rues, ou que, pour gagner de bonne
Exercices heure quelque argent, on les a employés à devenir commissionnaires,
Habituez vos hommes à penser aux autres, en organisant un pi- etc. Une fois devenus hommes, ils se sont trouvés sans un métier qui
que-nique auquel chacun contribuera selon ses moyens. Aucune re- leur permît de gagner leur vie, et incapables de mettre la main à un tra-
marque sur la quantité de nourriture fournie par les participants ne sera vail quelque peu difficile. Ils sont sans ressources, et on ne peut leur
permise. donner de l'occupation. C'est là que Vous pouvez rendre un service
Jeux inappréciable à vos garçons, en leur parlant à chacun en particulier de
Tous les jeux à règles bien fixes : football, basket-ball, base-ball, leur avenir, en leur proposant une ligne de conduite raisonnable et en
etc., sont utiles pour enseigner à obéir sans penser à soi. On peut les encourageant à s'y préparer sérieusement. Apprenez-leur à avoir
s'exercer à tirer du grand arc, comme les archers du moyen âge, en confiance en eux-mêmes et engagez-les à choisir et à pratiquer quel-
faisant, si possible, soi-même son arc et ses flèches. que passe-temps utile.
Le manque de place nous force à ne donner ici que quelques indi-
VINGT-DEUXIÈME BIVOUAC cations, mais votre propre expérience ou voire imagination vous en
fourniront certainement d'autres.
COMMENT SE PERFECTIONNER
Le devoir envers Dieu
POUR LES CHEFS
Il y a treize cents ans environ, le roi Edwin avait introduit la reli-
La causerie autour du feu, le soir, ouvre un vaste champ aux ins- gion chrétienne parmi les chefs de clans du nord de l'Angle- terre. Voici
tructeurs. Nous touchons ici à ce qu'il y a de plus important dans le pro- comment l'un d'eux s'exprima à cette occasion : «Notre vie me paraît
gramme des Éclaireurs. C'est peut-être l'occasion de faire pour le pays semblable au vol d'un moineau à travers une salle de banquet où de
un travail vraiment utile. grandes bûches flambent dans la cheminée, tandis qu'au dehors, c'est
C'est par une religion vraiment active et pratique plutôt que par la tempête qui fait rage, et les ténèbres. Le passereau entre ; personne
une haute spiritualité, qu'il faut remédier au défaut de religion géné- ne sait d'où* il vient ; il voltige quelques courts instants dans la douce
ralement constaté. chaleur et à la lumière des flammes, puis il sort et retombe dans la- nuit
Les Eclaireurs le dimanche. — Dans les pays chrétiens, les Eclai- et le froid. Il en est ainsi de la vie de l'homme. Il vient, nul ne sait d'où ;
reurs doivent, sans faute, assister au culte le dimanche. L'après-midi il passe un certain temps sur la terre, puis il reprend son vol, pour s'en
peut être consacrée à des exercices tranquilles, comme l'étude de la aller nul ne sait où. Mais maintenant vous nous avez appris que, si
nature, l'observation des insectes, des animaux, des oiseaux, l'étude nous faisons notre devoir pendant notre vie, nous ne retomberons pas
des plantes, des pierres, etc. Dans les villes, en cas de mauvais temps, dans les ténèbres, au jour de la mort : le Christ nous a ouvert la porte
on peut aussi visiter les bons musées, les cabinets d'histoire naturelle, d'un palais mille fois plus resplendissant, un Ciel, où nous pouvons
etc. Jouez aussi aux chevaliers errants, en rendant des services : allez nous rendre et demeurer dans la paix pour toujours. »
dans les prés chercher des fleurs pour les malades, rendez-vous dans Les chefs de clans adoptèrent la religion chrétienne parce qu'elle leur
les hôpitaux pour y faire la lecture à ceux qui doivent rester dans leur lit. apparaissait comme bien préférable à celle des anciens païens. La reli-
Le dimanche est un jour de repos, et ce n'est pas se reposer que de gion n'est pas une chose compliquée. C'est : Aimer et servir Dieu. Ai-
flâner et traîner par les rues. Changer d'occupation et aller se promener mer et servir votre prochain. Les anciens chevaliers, qui étaient les
dans les champs, voilà le vrai repos. Malheureusement, le dimanche éclaireurs d'alors, étaient très religieux. Ils allaient régulièrement à l'égli-
est trop souvent un jour de fainéantise. Ajoutez à ce que vous avez en- se, surtout avant
tendu à l'église, l'étude de Dieu dans la nature et le service du prochain.
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de marcher au combat ou d'entreprendre quelque travail important. Ils Un auteur a fait la charmante comparaison qui suit : «Souvent,
estimaient qu'il fallait être toujours prêt à la mort. Dans la grande église lorsque le soleil s'est couché, je m'imagine que la terre est séparée de
de Malte, vous pouvez encore voir le lieu où les anciens cavaliers la lumière du ciel par un grand voile, mais que les étoiles sont autant
avaient coutume de prier; pendant la lecture du Credo, ils se tenaient de petits trous percés dans le voile par ceux qui ont fait de bonnes ac-
tous debout, l'épée Hors du fourreau, pour montrer qu'ils étaient prêts à tions sur cette terre. Les étoiles ne sont pas toutes de même dimen-
lutter pour l'Evangile jusqu'à la mort. Les chevaliers ne se contentaient sion; les unes sont plus grandes, les autres plus petites; de même cer-
pas d'adorer Dieu dans des églises ; ils savaient reconnaître ses œu- tains hommes ont accompli de grandes actions, d'autres de moins
vres dans toute la nature, dans les plantes, les animaux, les paysages. grandes; mais tous ils ont réussi à percer une petite ouverture à travers
Les Éclaireurs pacifiques d'aujourd'hui agissent de même, car, où qu'ils le voile, en faisant quelque chose de bien avant d'aller au ciel. »
aillent, ils aiment les bois, les montagnes, les prairies, et se plaisent à Essayez, vous aussi, d'ajouter une petite étoile sur le voile, en
apprendre tout ce qu'ils peuvent au sujet des animaux qui s'y trouvent, agissant en chevaliers pendant que vous êtes sur la terre.
des merveilles qu'on peut découvrir dans les fleurs et les plantes. Un C'est bien d'être bon, mais c'est encore mieux de faire du bien.
homme n'est pas grand' chose, s'il ne croit pas en Dieu et n'obéit pas à
ses lois. Aussi bien, chaque Éclaireur doit-il avoir une religion.
Economie
Il y a plusieurs religions ; catholicisme, protestantisme, judaïsme,
islamisme, etc. Le point essentiel est que tous adorent Dieu, quoique
de différentes façons. Ils ressemblent aux soldats d'une armée, qui dé- Avez-vous déjà pensé à cette chose étrange : parmi vous, jeunes
fendent tous la même patrie, bien qu'ils soient répartis dans différentes garçons qui lisez ces lignes, il y en a qui, un jour, deviendront riches, et
armes : infanterie, cavalerie, artillerie, et portent des uniformes diffé- d autres qui, peut-être, mourront dans la pauvreté et la misère? Et
rents. Aussi, lorsque vous rencontrerez un jeune garçon qui appartient pourtant, cela dépend de vous-même.
à une autre religion que vous, vous ne devez pas avoir de mauvais sen- Vous allez tout de suite pouvoir dire ce que sera votre avenir.
timents à son égard; au contraire, il vous faut reconnaître qu'il appar- Le jeune homme qui a commencé de gagner de l'argent de bonne
tient à la même armée que vous, bien que son uniforme diffère du vô- heure, continue à en gagner plus tard. C'est petit-être difficile tout
tre. d'abord, mais cela devient plus aisé par la suite. Mais si vous commen-
En accomplissant votre devoir envers Dieu, soyez toujours recon- cez et persévérez, vous êtes à peu près certain de réussir à la fin —
naissants. Toutes les fois que vous avez un plaisir, une partie qui réus- surtout si vous gagnez votre argent par un dur travail.
sit, une entreprise qui marche bien, remerciez-le, ne serait-ce que par Si vous essayez d'en gagner trop facilement, sans travailler, en
un mot ou deux, comme on dit les grâces avant le repas. C'est une bon- achetant des billets de loterie, en pariant, en jouant aux petits chevaux,
ne chose aussi que de souhaiter du bien à autrui. Ainsi, quand vous vous êtes certain de vous casser le nez pour finir. Per- sonne ne gagne
voyez un train qui part, — un mot de prière pour que Dieu bénisse tous jamais au jeu à la longue et pourtant il y a des milliers de sots qui conti-
ceux qui s'y trouvent. nuent de risquer leur argent parce qu'il leur est arrivé une fois de ga-
En accomplissant votre devoir envers les hommes, rendez- vous gner quelque chose ou qu'ils espèrent que cela leur arrivera.
utiles et soyez généreux. Soyez aussi reconnaissants pour les services Un grand nombre d'enfants pauvres sont devenus des hommes
qu'on vous rend, et ne manquez pas de témoigner votre gratitude. Sou- riches, mais dans la plupart des cas, c'est parce qu'ils l'ont voulu dès le
venez-vous qu'un cadeau qu'on vous fait ne vous appartient pas, aussi début. Ils ont travaillé dans ce but, mettant à la caisse d épargne tous
longtemps que vous n'avez pas remercie celui qui vous l'a donné. Aussi les centimes qu'ils arrivaient à gagner.
longtemps que vous êtes le moineau qui vole à travers la salle, c'est-à- C est ainsi que chacun de vous a une chance de réussir, s'il sait
dire aussi longtemps que vous êtes sur cette terre, efforcez-vous de la saisir au bon moment.
faire quelque chose de bien qui puisse rester après vous. J. Astor, le grand millionnaire, a commencé par être un petit col-
porteur qui avait sept flûtes allemandes pour toute marchandise.

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die, je mange bien, je bois bien, je dors bien; mais chaque fois qu'il paraisse, il l'accepte avec un sourire. Plus l'ordre est difficile,
que quelqu'un prononce le mot travail, je sens un frisson me passer à et plus intéressante sera la tâche.
travers le corps. » C'est ce qui arrive, je le crains, à beaucoup d'hom- La plupart des jeunes gens auraient posé une multitude de ques-
mes. Chez nous il y a un bon nombre de poules mouillées qui, lorsque tions : comment partir, comment atteindre l'endroit fixé, comment se
le travail les attend, « sentent un frisson leur traverser le corps ». procurer de la nourriture, et mille autres pareilles. Ce n'est pas ce que
Faites-vous une tirelire, mettez-y tout l'argent que vous pouvez et, fit Rowan : il savait seulement ce qu'on attendait de lui, et il le fit sans
lorsque la somme économisée est suffisante, portez-la à la banque et une observation. Tout jeune garçon qui agit ainsi est sûr de réussir.
faites-vous ouvrir un compte.... mais je pense que tous déjà vous êtes Voilà comment on s'y prend avec les difficultés de la vie. Si vous
inscrits dans le grand registre d'une Caisse d'épargneI Alors, bon cou- avez devant vous un travail ou une épreuve qui vous parais- sent trop
rage et travaillez ferme ! «Soignez bien les centimes, les francs se gar- lourds, ne leur tournez pas le dos; souriez, réfléchissez aux moyens qui
deront tout seuls ! » vous permettront de sortir d'embarras et agissez.
Rappelez-vous qu'une difficulté n'en est plus une, quand vous
Comment réussir? avez réussi à la considérer gaîment.
N'ayez pas peur de vous tromper. Napoléon disait : « Qui ne s'est
Il y a quelques années, le gouvernement américain était en guerre jamais trompé, n'a jamais rien fait. »
avec les Cubains. (Montrez l'ile de Cuba sur la carte.) Le président La mémoire. — Exercez-vous à vous rappeler ce que vous voyez.
d'alors, Mac Kinley, désirait envoyer une lettre à Garcia, chef des rebel- Un jeune homme qui a une bonne mémoire réussira toujours dans la
les cubains, mais il ne savait comment la lui faire parvenir, les rebelles vie; la plupart des gens ont une mémoire détestable, faute de l'avoir
étant une redoutable troupe, et le pays une contrée sauvage et d'un exercée.
accès difficile. Dans un théâtre de Liverpool, l'étourderie des spectateurs avait
Il en parlait à ses conseillers, lorsque l'un d'eux lui dit : « Je obligé le directeur à consacrer une chambre spéciale et un grand regis-
connais un jeune homme, nommé Rowan, qui m'a l'air d'être un gaillard tre pour tous les objets oubliés après chaque représentation. Mais il eut
capable de n'importe quoi. Pourquoi ne vous adresseriez- vous pas à l'heureuse idée de faire apparaître sur le rideau, quelques minutes
lui ? » avant la fin du spectacle, au moyen d'un projecteur, l'avis suivant : «
On envoya chercher Rowan, et le président lui expliqua pour- quoi Veuillez regarder sous vos sièges avant de sortir. » Cela suffit pour di-
il l'avait fait venir, puis, lui remettant la lettre, il lui dit: « Maintenant tout minuer considérablement le nombre des objets oubliés. Les gens, au-
ce que je demande, c'est que cette lettre par- vienne à Garcia. » paravant, laissaient toutes espèces de choses à leurs places, jusqu'à
Le jeune homme sourit, et dit simplement : « Compris ! » puis il des médecines et des dentiers! Une fois même, un chèque de 1250
sortit de la chambre sans un mot de plus. francs fut ainsi abandonné par son possesseur.
Quelques semaines se passèrent, et un beau jour Rowan réap- De grandes îles de corail sont produites par de minuscules insec-
parut dans la maison du président. « J'ai donné votre lettre à Garcia, tes qui se soudent les uns aux autres. Il en est de même de la science
monsieur », et il repartit. Il va sans dire que Mac Kinley le rappela et il d'un homme : il observe une multitude de détails et il en fait un tout en
lui demanda des explications. se les rappelant.
Il raconta qu'il s'était procuré un bateau, et avait navigué pen- La chance. — Si vous désirez prendre un tramway ailleurs qu'à
dant quelques jours; il avait abordé sur la côte de Cuba et s'était enfon- une halte, vous ne vous asseyez pas par terre et vous ne dites pas; «
cé dans la jungle. Trois semaines après il parvenait de l'autre côté de Quelle malchance j'ai!» Au contraire, vous courez et sautez dans la voi-
l'île; après avoir traversé la ligne ennemie, il découvrait Garcia et lui re- ture. C'est tout à fait la même chose avec ce que certaines gens appel-
mettait la lettre. lent « la chance ». Ils se plaignent de ce
Ce jeune homme était un vrai Éclaireur, et c'est ainsi qu'un Éclai-
reur accomplit l'ordre qu'on lui donne. Quelque difficile
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qu'ils n'ont jamais de chance. En réalité, la chance c'est l'occasion de Cours d'espéranto, de comptabilité, de mécanique, d'électricité et
faire quelque chose de bien ou quelque chose de grand. Mais il faut surtout de sténographie.
être sur le qui-vive, et attraper chaque occasion, quand elle se présen- Fortifiez Votre mémoire. — Lisez quelque chose aux jeunes gar-
te, — lui courir sus et ne pas la lâcher. Ne vous asseyez pas pour at- çons, une ligne ou deux à la fois, pour voir qui la répétera le mieux. Il
tendre qu'elle passe. L'occasion ressemble à un tram qui n'a qu'un petit faut leur apprendre à concentrer leur attention et à développer leur mé-
nombre de places disponibles. moire.
Choisissez une carrière. — « Toujours prêts » ; pensez à ce qui Organisez, aussitôt que cela sera possible, un petit bureau de
vous arrivera dans l'avenir. Si vous êtes dans une place qui vous pro- placement.
cure quelque argent, pendant que vous êtes jeune, qu'aurez- vous à
Quand vous essayez d'amener des garçons sous une bonne in-
faire quand vous aurez fini votre travail? Vous devriez vous occuper à
fluence, je vous trouve pareil à un pêcheur qui voudrait prendre du
apprendre un autre métier, de sorte que vous ne soyez pas pris au dé-
poisson.
pourvu quand il s'agira de faire un travail plus sérieux et plus rémunéra-
teur. Économisez de l'argent en attendant, afin que vous puissiez sub- Si vous mettez à votre hameçon le genre de nourriture que vous
venir à vos besoins jusqu'au mo- ment où vous aurez trouvé une nou- aimez vous-même, il est probable que vous ne prendrez pas grand'
velle place. chose, — en tout cas pas les espèces de poissons qui sont timides et
Essayez d'apprendre les éléments d'un autre métier, au cas où le craintives.
premier ne vous conviendrait plus ou vous ferait défaut, comme cela C'est pourquoi, choisissez comme appât la nourriture qui est du
arrive très souvent. goût des poissons.
Un patron m'a dit un jour que jamais il n'engageait un jeune hom- De même pour les jeunes garçons. Si vous essayez de leur prê-
me dont les doigts jaunâtres prouvaient qu'il avait l'habitude de fumer. cher les sujets que vous considérez comme relevés, vous ne les attra-
Un homme qui a de l'argent à la Caisse d'épargne, qui est abstinent et perez pas. Tout ce qui sent le « gnangnan », mettra en fuite les plus
qui a un bon caractère, est sûr d'avoir toujours de l'ouvrage éveillés d'entre eux, et ce sont précisément ceux-là que vous désirez
prendre. La seule manière de faire, c'est de leur proposer quelque cho-
Exercices se qui vraiment les attire et les intéresse. Et vous verrez, je le crois,
que notre programme d'Éclaireurs est dans ce cas.
Culture maraîchère. — Procurez-vous un terrain — s'il est inculte, Vous pourrez ensuite l'assaisonner à votre goût.
vous le mettez en état, — et cultivez-y des légumes ou des fleurs.
Pour une ou plusieurs troupes. — Offrez un beau prix pour le
meilleur objet fabriqué par un Éclaireur avec des matières premières
qui n'aient pas coûté plus de deux francs cinquante. Droit d'inscription
des concurrents : trente centimes.
Faites une exposition des objets ainsi réunis, et combinez-la avec
une petite soirée récréative pour laquelle vous vendrez des billets. A la
fin, vendez aux enchères les objets exposés. Les articles qui sont ven-
dus le plus cher remportent les prix.
Chaque Éclaireur doit avoir une tirelire dans laquelle il dépose
tous les sous qu'il peut économiser.

1
Nous laissons de côté quelques pages destinées è encourager les jeu-
nes Anglais à s'engager dans les troupes terrestres, navales ou aériennes bri-
tanniques, ou à s'expatrier.

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tout médecin. Pour les mêmes raisons les jeunes Éclaireurs doivent,
naturellement, apprendre autant que possible à soigner les malades et
à faire le nécessaire en cas d'accident.
Mon frère campait un jour avec un ami en pleine brousse aus-
tralienne. Celui-ci débouchait une bouteille et, pour avoir une meilleure
prise, il la tenait entre ses genoux. Voilà qu'elle vole en éclats et que le
tranchant d'un des morceaux lui entre profondément dans la cuisse,
coupant une artère. Sans perdre de temps, mon frère prend une pierre,
l'enveloppe dans un mouchoir pour en faire un tampon, et attache le
mouchoir autour de la jambe, au-dessus de la blessure, de façon que la
pierre presse sur l'artère. Il prend ensuite un bâton, le passe dans la
boucle du mou- choir et la tord jusqu'à ce que le bandage soit si serré
qu'il arrête le flot de sang. S'il n'avait pas su ce qu'il y avait à faire,
l'homme aurait été emporté en quelques minutes par cette hémorragie.
Mais il fut sauvé parce que son ami avait su que faire et l'avait fait tout
de suite.
CHAPITRE VIII
SAUVETAGE Faites voir comment on lie une artère et montrez le cours des artè-
res — le long de la couture intérieure de la manche et du pantalon.
V I NG T- TROI SI ÈME BI VO U AC Grâce à leur entraînement d'Éclaireurs, bien des soldats ont pu
TOUJOURS PRÊTS sauver la vie à des camarades blessés. Les accidents sont fréquents et
POUR LES CHEFS les Éclaireurs auront constamment l'occasion de rendre des services en
attendant le médecin. Rien qu'à Londres il y a eu en une année 212
Les sujets traités dans ce chapitre ne feront pas l'objet d'exposés; personnes tuées et 14000 blessées par accident.
on montrera pratiquement ce qu'il y a à faire en donnant à chaque Nous avons tous une grande admiration pour l'homme qui expose
Éclaireur individuellement l'occasion de s'exercer. sa vie pour sauver celle d'autrui. C'est un héros.
L'instruction théorique en ces matières ne vaut rien sans la prati- Les jeunes surtout le jugent tel, parce qu'il leur apparaît un être
que. différent d'eux-mêmes. Mais ce n'est pas le cas. Il n'est pas de garçon
Les Chevaliers de Saint-Jean qui n'ait l'occasion d'être un sauveteur et un héros, s'il veut se préparer
à l'être. Chacun de vous, Éclaireurs, peut être à peu près certain d'être,
Certains chevaliers du temps jadis portaient le nom de « cheva- un jour ou l'autre, témoin d'un accident où, s'il sait ce qu'il y a à faire, et
liers hospitaliers " parce qu'ils avaient des hôpitaux pour soigner les s'il le fait promptement, il pourra gagner la satisfaction durable d'avoir
pauvres et les gens blessés à la guerre ou par accident. Ils mettaient de sauvé ou aidé à sauver une vie humaine. Rappelez-vous votre devise :
l'argent de côté pour entretenir ces hôpitaux et tout braves soldats qu'ils « Toujours prêts. » Toujours prêts en cas d'accidents, parce que vous
étaient, ils faisaient eux-mêmes les fonctions d'infirmiers et de méde- avez appris d'avance ce qu'il y a à faire dans les diverses circonstan-
cins. ces.
Les chevaliers de Saint-Jean de Jérusalem notamment se dé- Prêts à faire ce qu'il faudra, tout de suite.
vouèrent à cette œuvre, il y a huit cents ans.
Je vais vous expliquer ce qu'il y a à faire dans les diverses sortes
Les explorateurs, les chasseurs et les autres éclaireurs dans les
d'accidents; il faudra vous y exercer autant que possible. Mais la gran-
parties reculées du monde doivent savoir ce qu'il y a à faire, soit pour
de chose à ne pas perdre de vue, c'est, où que vous soyez et quoi que
eux-mêmes, soit pour leurs compagnons, en cas d'accident ou de mala-
vous fassiez, de vous demander toujours : « Un acci-
die : ils sont souvent à des centaines de kilomètres de

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dent pourrait-il se produire ici? Lequel? Quel sera mon devoir si cela lait sur la rive. Sans se soucier du danger, il sauta à l'eau pour venir en
arrive ? » aide à l'autre. Il n'était pas fort nageur; mais cela ne l'empêcha pas de
Alors vous êtes préparé à agir. faire une tentative; en se jetant à l'eau, il dit : « Je vais essayer », et il
Et quand un accident se produit, rappelez-vous qu'en votre qualité tenta, en effet, de tirer d'affaire le jeune garçon qui se noyait, mais il fut,
d'Éclaireur vous devez être le premier à donner un coup de main. Ne lui aussi, entraîné par le courant et, après une lutte virile, il enfonça
vous laissez pas prévenir par un étranger. pour ne plus reparaître.
Quand une panique se produit, notre premier instinct est de faire Il était mort glorieusement, en accomplissant son devoir, faisant
comme les autres. Peut-être de nous mettre à courir, ou de rester im- honte à des hommes moins courageux que lui et enseignant à tous,
mobile en criant : « Oh ! » Eh bien ! si vous avez cette tendance, com- Éclaireurs et autres, ce que c'est que d'être toujours prêt à faire ce que
battez-la. Ne vous laissez pas gagner par la panique, comme les au- l'on doit, coûte que coûte.
tres. Ne perdez pas la tête; réfléchissez à ce qu'il faut faire, et faites-le Trois jeunes garçons escaladaient des rochers au bord de la mer,
tout de suite. quand l'un d'entre eux tomba et se blessa gravement. Un des autres
Je vous ai déjà parlé de cette lamentable scène de Hampstead; acheva sa grimpée et rentra chez lui, mais il ne dit rien à personne de
une femme se noyant sous les yeux d'un tas de gens, au bout d'une peur de s'attirer des ennuis. Le troisième, nommé Albert Abraham, des-
demi-heure seulement et dans un étang fort peu profond, per- sonne cendit au secours du blessé. Il le trouva entre deux rochers, la tête en
n'ayant le courage de plonger pour la tirer de là. C'était un cas de pani- bas, le cuir chevelu presque arraché, une jambe cassée. Abraham le
que. Le premier qui arriva sur les lieux ne se soucia pas de se jeter à transporta à l'abri de la marée, car là où il était tombé il risquait d'être
l'eau, et se contenta d'en appeler un autre. Ceux qui suivirent, voyant noyé. Il remit en place la peau du crâne, il le banda, et lui arrangea la
que les premiers étaient restés sur le bord, eurent peur de faire quelque jambe le mieux qu'il put, comme il avait appris à le faire en suivant un
chose qui ne se faisait pas; ils restèrent donc plantés là, eux aussi, et cours de la Croix- Rouge. Il grimpa ensuite au haut des rochers, récolta
laissèrent la pauvre femme se noyer sous leurs yeux. des fougères et en fit un lit au blessé.
S'il y avait eu là un Éclaireur, l'histoire, je l'espère, eût fini autre- Il resta avec lui tout le jour, et quand la nuit vint, il resta encore ; il
ment. C'était précisément pour un jeune une occasion de se distinguer : ne l'abandonna pas davantage quand un grand phoque, d'aspect peu
il se serait rappelé ce qu'il avait appris. engageant, grimpa sur les rochers voisins : il le chassa à coups de pier-
res. On organisa une expédition de secours qui ramena les deux en-
Faites votre devoir. Aidez autrui, surtout les femmes. Ne vous lais-
fants : le blessé mourut peu après, malgré les efforts de son compa-
sez pas arrêter par l'embarras des autres.
gnon pour le sauver. Celui-ci reçut la plus haute distinction que l'on at-
Allez-y hardiment, regardez droit à ce que vous voulez faire, et ne tribue en Angleterre aux sauveteurs.
vous inquiétez pas des risques que vous courez.
Il faut que chaque Éclaireur s'exerce d'avance, et, si un accident
Les jeunes garçons ont parfois l'idée qu'ils sont trop petits pour vient à se produire en sa présence, il remportera quelque chose qui
faire autre chose qu'aider du dehors à un sauvetage. Mais c'est une vaut mieux que toutes les médailles : la satisfaction d être venu en aide
grosse erreur. Depuis quelques années que j'ai écrit ce livre il est arrivé à son prochain au péril de sa propre vie.
déjà bien des fois que des Éclaireurs se sont jetés à l'eau pour sauver
des gens qui se noyaient sous lés yeux d'une foule terrifiée, et il y a eu
un grand nombre de cas où des Éclaireurs ont prêté main-forte à la po- Exercices de sauvetage
lice ou arrêté des chevaux emballés, alors que les adultes hésitaient. Jet du harpon.
Nos Éclaireurs ont gagné 53 médailles de bronze, 858 médailles d'ar-
gent, 932 médailles de sauveteurs et 1575 médailles de mérite. Le harpon est un bout de roseau long de 50 cm., chargé à une
Quatre jeunes garçons se baignaient; l'un d'eux perdit pied et fut des extrémités de 700 grammes de plomb, et portant attachée à l'autre
emporté par le courant. Un Éclaireur, Smith, se déshabil- bout une forte corde de chanvre. La cible est une croix surmontée d'une
tête de grandeur naturelle, représentant le haut

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du corps d'un homme qui se noie, plantée dans le sol à vingt mètres de sautèrent à l'eau, mais l'un d'eux enfonça; il périt en même temps qu'un
distance. Chacun des concurrents à son tour lance la canne à partir autre qui avait voulu lui porter secours.
d'une ligne tracée sur le sol; il peut, pour ce jet, prendre ou non un élan. En Russie, il y a plusieurs années, un marchand de tabac en ou-
Celui qui lance le plus loin gagne, pourvu que la ligne tombe sur quel- vrant sa boutique le matin trouva une bombe sur son comptoir. Il s'élan-
que partie du mannequin, de façon qu'elle pût être saisie par un homme ça dans la rue pour sauver sa vie. Un agent de police le prit pour un
qui se noierait. voleur et, comme il ne s'arrêtait pas, tira sur lui. La balle manqua l'hom-
Ou bien l'on groupera les concurrents deux à deux, afin de décou- me, mais atteignit un passant, un Juif. Les Juifs se rassemblèrent aus-
vrir le moins habile. sitôt, et une émeute se produisit où plusieurs vies furent perdues. Après
Faites le même exercice avec une bouée de sauvetage. quoi le marchand de tabac rentrant dans la boutique, constata que la
Exercez-vous à faire la chaîne double : une file pour les seaux bombe était toujours là : ce n'était pas une bombe, mais un melon
pleins, une pour les seaux vides. Les deux files changeront fré- d'eau !
quemment de rôle pour se reposer. L'année passée, une panique se produisit en Angleterre dans un
Exercez-vous à transporter, à dérouler et à enrouler des tuyaux; à théâtre durant un spectacle pour enfants. Elle n'avait pas d'autre cause
rajouter des longueurs de tuyaux ; à les fixer aux canalisations ; à don- que l'entassement des spectateurs. Huit petits furent écrasés. Et il y
ner l'eau et à en diriger le jet. aurait eu certainement plus de victimes s'il ne s'était pas trouvé deux
Exercez-vous à manier des échelles, des perches, des cordes, à hommes pour faire ce qu'il y avait à faire. L'un d'eux appela d'une voix
descendre des gens par la fenêtre à l'aide de cordes ou de draps de gaie un certain nombre d'enfants pour leur faire voir un autre chemin.
lits. Le second, qui réglait l'appareil à projections, fit passer une vue pour
Tendez et tenez les tapis ou des couvertures doubles, mais non détourner l'attention de la masse et les empêcher de se laisser gagner
pas des draps de lits ou des couvertures en mauvais état. par la panique. C'est la grande affaire dans ces cas-là. Deux individus
qui ne perdent pas la tête peuvent en calmer des centaines d'autres et
VINGT-QUATRIÈME BIVOUAC sauver ainsi bien des vies.
Ce sont de belles occasions pour un Éclaireur. Forcez-vous à res-
LES ACCIDENTS ter calmes et à ne pas perdre la tête. Pensez à ce qu'il faut faire et fai-
tes-le tout de suite.
Paniques
En cas d'incendie
Chaque année un grand nombre de vies se perdent dans des pa-
niques, dues parfois à des causes minimes et qui eussent été évitées si Les exemples de beaux sauvetages en cas d'incendie ne sont pas
une ou deux personnes avaient su garder leur sang-froid. Il y a peu de rares. On en voit tous les jours dans les journaux et les Éclaireurs de-
temps, un soir, sur un des bacs de New-York, un homme qui avait pé- vraient étudier chacun de ces cas à mesure qu'ils se produisent, et se
ché quelques crabes pensa faire une bonne farce en en laissant un représenter ce qu'eux-mêmes auraient fait dans les mêmes circonstan-
courir sur le bateau. Ce crabe attrapa la queue d'un chat qui se mit à ces. Ainsi l'on commence d'apprendre ce qu'il faut faire dans les diver-
hurler et, fou de douleur, sauta au milieu d'une troupe d'écolières. Cel- ses espèces d'accidents.
les-ci se dispersèrent en criant. Ainsi prit naissance une panique qui Tout récemment, un jeune marin vit dans une rue une maison en
gagna les quelques centaines de passagers qui se trouvaient sur le feu et une femme, qui, du second étage, criait qu'elle avait là-haut plu-
pont. Ils se précipitèrent dans toutes les directions. Le bastingage se sieurs enfants incapables de s'enfuir. Le marin, quittant ses amis, grim-
rompit : huit personnes tombèrent à l'eau, et avant que l'on eût rien pu pa comme il put le long de la façade jusqu'au premier étage. Là il en-
faire, elles furent emmenées par la marée et se noyèrent. fonça une fenêtre de façon à pouvoir s'y tenir. La femme put alors d'en
En Allemagne, une jeune fille qui se baignait appela au secours haut lui tendre un enfant qu'il fit passer plus bas. L'un après l'autre, six
comme si elle se noyait, rien que pour s'amuser. Trois hommes enfants d'abord, puis deux

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femmes furent ainsi descendus, jusqu'au moment où, suffoqué par la Là le chef de patrouille se présentera aux pompiers et offrira les
fumée, le marin lui-même tomba sans connaissance, mais ceux de la services de ses garçons, soit pour former une barrière et refouler la
rue l'accrochèrent au passade. foule, soit pour porter des ordres, soit pour garder les objets sauvés,
Voilà ce que c'est que de faire son devoir tout de mite, sans une soit pour toute autre besogne.
pensée pour les dangers et les difficultés. Si vous voyez quelqu'un dont les vêtements soient en feu, cou-
L'autre jour une troupe d'Éclaireurs dirigée par son instructeur a chez-le sur le plancher (les flammes se dirigent en haut), puis roulez-le
fait de bonne besogne, non seulement de pompiers mais de sauveteurs dans une natte ou un tapis, un vêtement ou une couver- ture, en ayant
en tirant des flammes deux dames et un enfant, en leur donnant les soin que vos habits à vous ne prennent pas feu. La raison de cette ma-
premiers secours et en pansant leurs blessures. nière de faire est que le feu ne peut pas continuer à brûler là où il n'y a
point d'air.
II y a maintenant parmi les Éclaireurs plusieurs bonnes bri- gades
Quand vous trouvez quelqu'un d'évanoui — et souvent, en proie à
de pompiers.
la terreur, il se sera réfugié sous les lits ou sous les tables — chargez-
Consignes le sur vos épaules, ou bien — et c'est souvent plus faisable, si les fu-
mées et les gaz sont épais — attelez-vous à lui avec des draps ou des
Voici quelques-unes de leurs consignes. cordes et traînez-le sur le plancher hors de la chambre en rampant
Si vous voyez une maison qui brûle, il faut : vous-mêmes à quatre pattes.
1° Alarmer ceux qui l'habitent.
2° Avertir l'agent de police ou le poste de pompiers le plus voisin.
3° Engager les voisins à apporter des échelles, des matelas, des
tapis, pour recevoir ceux qui sauteraient par les fenêtres.
Après l'arrivée des pompes, ce que des jeunes garçons ont de
mieux à faire, c'est d'aider la police à contenir la foule pour qu'elle ne Pour tirer un homtne évanoui. Les deux tètes près du sol.
gêne pas les pompiers et la manœuvre des tuyaux.
Dans certaines brigades, on fait l'exercice d'une façon spéciale Exercez-vous à cela en faisant trois boucles : l'une autour Je la
pour écarter la foule. Les garçons se mettent sur un ou deux rangs, taille, l'autre autour des chevilles de votre individu, la troisième autour
chacun passant le bras autour de la taille du voisin et ils foncent tête de votre cou. Tournez-lui le dos, mettez-vous à quatre pattes, la corde
baissée sur la cohue pour la faire reculer. passant au-dessous de vous.
S'il est nécessaire de pénétrer dans une maison afin d'y chercher Exercez-vous aussi à soulever sur vos épaules un homme éva-
ceux qui seraient trop faibles pour sortir d'eux-mêmes ou des gens déjà noui (voir p. 230).
asphyxiés, il faut se mettre un mouchoir mouillé sur le nez et la bouche, En cas de noyade
et marcher baissé ou en rampant à quatre pattes près du plancher :
c'est là que la fumée ou les gaz sont le moins épais. Et s'il s'agit de La liste des jeunes Éclaireurs qui ont fait acte d'héroïsme montre
passer au travers du feu ou des étincelles, tâchez de mettre la main sur quelle forte proportion d'accidents est due à ce que les gens ne savent
un drap et mouillez-le; en y faisant un trou pour passer la tête, cela pas nager. II est très important d'apprendre d'abord à nager et ensuite
vous fera comme un manteau incombustible. à sauver des gens qui se noient.
Holbein, le grand nageur de la Manche, a fait remarquer qu'un
Essayez.
jeune garçon qui apprend à nager devrait s'exercer d'abord à se hisser
Quand un incendie éclate dans le voisinage, les patrouilles d'Éclai- sur un canot en grimpant sur la pointe et à en sortir; ensuite à se soute-
reurs doivent se rassembler aussi rapidement que possible et se diriger nir sur l'eau à l'aide d'une rame ou d'une planche, soit en la chevau-
au pas de l'ÉcIaireur, guidées par la lueur ou par la fumée, vers le lieu chant, soit en l'empoignant par un bout et en la poussant devant lui tan-
du sinistre. dis qu'il nage avec les pieds; et en troisième heu à entrer dans une
236 237
la partie la plus proche et on la fait culbuter par-dessus la tête et ses Un homme, que l'on découvrit ensuite avoir été en proie à un accès de
épaules de manière à se trouver à l'intérieur de l'anneau flottant. Enfin il folie, se jeta dans une rivière avec l'intention de se noyer. Cox sauta
y a lieu d'apprendre à sauver autrui. tout de suite à l'eau, mais le fou se tourna contre lui. En se tenant der-
Exercez-vous à tout cela en vous baignant ou dans des jeux spé- rière lui, le jeune garçon le saisit de façon à pou- voir le plonger sous
ciaux. l'eau toutes les fois qu'il essayait de se retourner. Cette lutte dura dix
Un nageur de force moyenne peut sauver un homme qui se noie, minutes, jusqu'à ce que, à force de plonger, le fou perdît enfin connais-
s'il sait comment il faut s'y prendre et s'il s'y est exercé quelquefois sance. Cox l'emmena alors sur la rive et le fit revenir à lui en pratiquant
avec des amis. L'idée populaire qu'un noyé revient trois fois sur l'eau la respiration artificielle.
avant de disparaître ne repose sur rien. Souvent il coule à pic s'il n'y a Sur 765 médailles de sauvetage gagnées par des Éclaireurs, 461
personne d'assez leste pour venir à son secours. Ce qui importe, c'est l'ont été par eux pour avoir sauvé la vie à des gens qui se noyaient.
de ne pas vous laisser empoigner par celui qui se noie, sinon vous ris- S'il arrivait à l'un d'entre vous, qui ne sût pas encore nager, de
quez fort qu'il vous noie vous aussi. Tenez-vous toujours derrière lui. Si tomber dans une eau profonde, rappelez-vous que vous ne coulerez
vous vous trouvez pris par le poignet, tournez-le vers le pouce qui vous pas nécessairement, pourvu que vous preniez les pré- cautions suivan-
tient et dégagez- vous. La meilleure manière de porter secours à quel- tes : d'abord, renversez bien la tête pour avoir la bouche en haut ; en-
qu'un qui se noie, c'est de se placer derrière lui et de le tenir par les suite tenez vos poumons remplis d'air en aspirant profondément et en
cheveux ou par la nuque; ou encore de mettre vos bras sous ses ais- expirant très peu : enfin tenez vos bras sous l'eau. Pour pouvoir faire
selles en lui disant de se tenir tranquille et de ne pas se débattre. S'il cela, ne vous mettez pas à crier, ce qui viderait vos poumons et ne
vous obéit, vous n'aurez pas de peine à le maintenir sur l'eau, sinon gesticulez pas des bras, ce qui vous ferait descendre.
prenez bien garde que, dans sa terreur, il ne se retourne et ne se cram- Si vous voyez quelqu'un tomber à l'eau, et que vous ne sachiez
ponne à vous. S'il vous saisissait par la gorge, « dégagez-vous à tout pas nager vous-même, lancez une corde, ou une rame ou une planche
prix, comme dit Holbein, déjà cité. Mettez-lui un bras autour de la taille sur lui, pour qu'il puisse la saisir en remontant sur l'eau.
et une main ouverte sous le menton, les bouts des doigts atteignant Si quelqu'un tombe au travers de la glace et qu'il ne puisse pas
son nez. Tirez et poussez de toutes vos forces, il faudra bien qu'il vous s'en sortir parce que la glace se brise autour de lui, lancez-lui une cor-
laisse aller." Mais jamais vous ne penserez à tout ça sur le moment, à de et dites-lui de ne pas se débattre. Il prendra courage tandis que
moins que vous ne vous y soyez exercé souvent avec d'autres gar- vous irez chercher une planche ou une échelle que vous poserez en
çons, chacun faisant à tour de rôle le sauveteur et le noyé. travers du trou et qui permettra qu'on se glisse jusqu'à lui pour le tirer
Exercez-vous. de là, ou qu'il se hisse lui-même hors de son trou.
Un Éclaireur ne peut pas être vraiment utile tant qu'il ne sait pas
nager, et il n'est pas plus difficile d'apprendre à nager que d'apprendre Chevaux emballés
à monter à bicyclette.
Pour commencer, vous n'avez qu'à essayer de nager à la façon
Constamment des accidents sont causés par des chevaux qui
d'un chien, comme si vous essayiez de ramper lentement dans l'eau.
s'échappent et qui écrasent des passants. Plus de deux cents che-
Ne cherchez pas tout de suite à nager avec les brasses de poitrine que
vaux échappés sont arrêtés chaque année par des policemen. Il est
vous voyez faire aux nageurs : à chaque coup vous aurez la bouche
bon que chacun sache arrêter un cheval emballé et soit ainsi en mesu-
sous l'eau. Pendant que vous barbotez comme un chien, demandez à
re d'éviter de nombreux malheurs.
un ami de vous soutenir avec une perche ou en vous mettant la main
sous le ventre. Un Éclaireur de quinze ans, Albert Stevenson, marchait dans la
rue, quand il entendit des gens qui criaient à d'autres de se garer parce
Un Éclaireur de quinze ans. Reginald Cox, a gagné une médaille
qu'une paire de chevaux descendaient la rue en courant avec un tom-
de sauvetage dans les circonstances suivantes :
bereau vide. Il sauta de côté juste à temps pour éviter les roues. Mais il
se dit : «Si moi, un Eclaireur toujours sur le qui-

238 239
vive, j'ai été si près de me faire écraser, que sera-ce d'un autre? » Il se Exercez-vous à saisir des gens qui se noient et à lutter avec eux.
mit donc à courir à toutes jambes derrière le tombereau et il réussit à Comment empêcher un homme d'en tuer un autre d'un coup de
s'y jucher. Arrivé à la place du cocher, il trouva que les rênes s'agitaient pistolet? Faire des échelles avec des planches, de la ficelle et des bâ-
sur le cou des chevaux et qu'il n'y avait pas moyen de les attraper. Il se tons mis en travers. Enseignez à vos Éclaireurs la place des bouches
glissa donc sur le timon, entre les deux chevaux qui galopaient, jusqu'à d'eau du voisinage, les postes de police et de pompiers, les ambulan-
la tête de l'attelage. Là, s'accroupissant, les pieds sur les chaînes, il ces, les hôpitaux, etc.
saisit les brides des deux mains et chercha à heurter l'une contre l'autre
les têtes des chevaux. Il par- vint ainsi peu à peu à les maîtriser.les em- VINGT-CINQUIÈME BIVOUAC
pêchant de faire plus de mal.
Il y a là une leçon pour chacun : être toujours prêt, même dans les AIDER AUTRUI
moments les plus ordinaires, quand on se promène en causant avec un
ami, à se précipiter au secours du prochain en danger. Les premiers secours
L'autre jour j'ai moi-même rencontré sur le pont de Westminster
un cheval attelé qui s'échappait, mais je n'ai pas eu de peine à l'arrêter. POUR LES CHEFS
Pour arrêter un cheval, il ne faut pas courir à sa rencontre en agitant
les bras, comme font bien des gens, mais essayer de courir à côté de Il est impossible dans le court espace dont nous disposons de
lui, saisir le brancard pour ne pas tomber vous-même, attraper les rê- donner sur les premiers secours toutes les indications qu'il faudrait. On
nes avec l'autre main, tirer à vous la tête du cheval et le diriger ainsi, les trouvera, plus complètes, dans les publications de la Croix-Rouge,
jusqu'à ce que vous puissiez l'amener devant un mur ou devant une etc.
maison, et le forcer à s'arrêter. Mais, bien sûr, pour un jeune garçon qui Si vous vous trouvez seul avec la victime d'un accident, couchez-
ne pèse pas grand' chose, cela est très difficile. Dans un accident de ce la sur le dos, si elle est inconsciente, et soulevez-lui légèrement la tête
genre, son rôle sera plutôt, probablement, de s'occuper des gens que en la plaçant de côté, de façon à éviter toute suffocation et à permettre
le cheval pourra avoir blessés. l'écoulement par la bouche des eaux, glaires, etc. qui pourraient la gê-
Il est impossible de passer en revue tous les accidents. L'essen- ner. Défaites les vêtements autour du cou et de la poitrine. Voyez où il
tiel est qu'un Éclaireur sache toujours qu'il ne doit pas perdre la tête, y a des blessures et appliquez ce que vous avez appris dans les cours
mais réfléchir à ce qu'il y a à faire et le faire lui-même tout de suite, mê- de la Croix-Rouge.
me dans les circonstances les plus inattendues. Si vous avez trouvé l'homme sans connaissance, examinez soi-
gneusement le sol tout alentour en cherchant les «signes possibles ».
Chien enragé Notez aussi la position du corps, pour le cas où, plus tard ; on aurait
lieu de croire qu'il a été attaqué par autrui.
Un chien enragé mord tous ceux qu'il rencontre. Il faut qu'un Exercez-vous à ce qui vient d'être dit ; un garçon fera le blessé, et
Éclaireur sache ce qu'il y a à faire. les autres le trouveront. Laissez des « signes » autour du blessé.
Pour empêcher un chien de vous mordre, tenez de vos deux Si vous êtes avec votre patrouille, et qu'un accident se produise
mains un bâton ou même un mouchoir devant votre front. Le chien ou que vous trouviez un blessé, le chef de patrouille enverra un de ses
cherchera généralement à l'attraper avant de vous mordre, et cela vous hommes quérir un docteur, lui-même avec un des autres s'occupera du
donnera l'occasion de le jeter à terre d'un coup de pied sous la mâchoi- blessé, le « second » recourra aux services de ceux qui restent pour
re. trouver de l'eau et des couvertures, pour arranger une civière ou pour
écarter les curieux en faisant une barrière de leurs bâtons.
Exercices de sauvetage En général il vaut mieux laisser d'abord le blessé tout à fait tran-
quille. A moins que ce ne soit nécessaire, n'essayez pas de le transpor-
Exercez-vous à vous grouper pour écarter la foule (p. 236) ; et ter, et ne l'assommez pas de questions avant qu'il ne soit un peu plus
aussi à faire des barrières avec vos bâtons. fort. Exercices.
240 241
Respiration artificielle 4. Lancez ensuite votre corps en arrière pour faire cesser la pres-
sion, sans enlever vos mains, en comptant : un, deux.
Pour ramener à la vie quelqu'un qui semble noyé, il faut tout de Continuez ce mouvement en avant et en arrière, tantôt pressant
suite éliminer l'eau de ses poumons. Pour cela mettez-le sur le ventre et le ventre du noyé contre le sol, et tantôt le laissant aller, pour expulser
la tête en bas de façon que l'eau sorte par la bouche; pour y aider, te- l'air de ses poumons et l'y laisser ensuite rentrer, jusqu'à ce que peu à
nez-lui la bouche ouverte et tirez la langue. Après que l'eau se soit peu le patient le fasse par lui-même. Le rythme convenable est de dou-
écoulée, placez le noyé sur le côté, le corps pendant légèrement, et ze pressions à peu près à la minute.
maintenez la langue pendante au dehors. S'il respire, laissez-le tran- Dès que le noyé respire, vous pouvez interrompre vos pressions ;
quille, sinon appliquez-vous à ramener la respiration en la pratiquant mais surveillez-le et, s'il s'arrête, recommencez jusqu'à ce qu'il se suffi-
d'abord artificiellement. se à lui-même.
Laissez-le alors couché dans une position naturelle, et appliquez-
Comment faire revenir à lui un noyé vous à le réchauffer en lui mettant de la flanelle ou des cruches d'eau
chaude entre les jambes, sous les bras et sous la plante des pieds.
Il y a plusieurs méthodes différentes. La plus simple, à mon avis, Il faut lui enlever ses vêtements mouillés et le rouler dans des
est celle que l'on appelle, du nom de son inventeur, le système Schafer. couvertures chaudes. Le déranger le moins possible, l'encourager à
Elle consiste à coucher le noyé sur le ventre et à exprimer l'air de ses dormir, tout en le surveillant de près pendant une heure au moins.
poumons pour le laisser rentrer ensuite. Pratiquez tout cela quelquefois avec un de vos amis, jusqu'à ce
1. Dès que l'eau s'est écoulée, et sans perdre de temps à défaire que vous sachiez exactement comment vous y prendre, de façon à être
les vêtements, couchez votre homme sur le ventre, les bras étendus et toujours prêt à le faire pour un pauvre diable qui, un jour ou l'autre,
la figure de côté. Asseyez-vous ou accroupissez-vous à côté ou vis-à- pourra en avoir besoin.
vis de lui, face à sa tête. Cette méthode Schäfer s'applique aux asphyxiés par la fumée ou
les gaz aussi bien qu'aux noyés.
Faites pratiquer cela à vos Éclaireurs, pris deux à deux.

Appendicite. Il y a des gens que cela prend très brusquement


quoique d'habitude une crise d'appendicite s'annonce par un malaise
général : on ne se sent pas dans son assiette. On sent une douleur ai-
guë dans le ventre au-dessous et à cinq centimètres à droite du nom-
bril. Le malade reste volontiers couché et relève sa jambe droite pour
atténuer la douleur. Sa température monte. Faire des compresses froi-
des. Ne rien donner à manger. Appeler le médecin.

Attaques. Un homme pousse un cri et tombe, il lance ses bras et


ses jambes de-ci et de-là, sa bouche écume; c'est une attaque. Il n'y a
2. Placez vos mains au bas du dos du noyé, une de chaque côte, rien à faire pour lui, sinon de lui mettre un morceau de bois ou un bou-
les pouces parallèles et se touchant presque, le» doigts n’atteignant chon entre les dents de façon qu'il ne se morde pas la langue. Après
que les côtes inférieures; son attaque, laissez-le dormir.
3. Penchez-vous en avant les bras tendus, de façon que le poids
de votre corps repose sur vos poignets, et exercez une pression verti- Brûlures. En traitant quelqu'un qui a été brûlé, enlevez-lui ses
cale forte et constante sur les reins de votre homme, en comptant lente- vêtements, non pas comme on ôte la pelure d'un fruit, mais
ment: un, deux, trois, de façon à écraser contre le sol le ventre du noyé
et à chasser l'air hors de sa poitrine;

242 243
en les coupant avec des ciseaux ou un couteau bien tranchants. Si une Si le charbon est profondément engagé dans l'œil, laissez tom-
partie du vêtement adhère à la peau parce que celle-ci a été brûlée, ne ber sous la paupière inférieure une goutte d'huile d'olive ou de ricin; fer-
l'arrachez pas, mais découpez l'étoffe tout autour puis aussi rapidement mez l'œil, bandez-le avec un tampon humide et faites venir un docteur.
que possible, protégez de l'air, qui y causé une vive douleur, la partie Comment fabriquer des brucelles pour retirer un charbon : Pliez en
brûlée. deux un morceau de papier. Avec
Ce qu'il y a de mieux à faire, en l'absence de soins médicaux un bon couteau découpez-le en une
compétents, c'est de plonger la partie blessée dans de l'eau qui ait la pointe qui forme un angle de 30°.
température du corps jusqu'à ce que vous puissiez la baigner dans une Mouillez légèrement cette pointe. Puis posez-la tout droit sur le globe
solution où vous mettrez une cuiller à dessert de bicarbonate de soude de l'œil de façon qu'elle puisse pincer le corps étranger qu'elle enlèvera
pour un demi-litre d'eau chaude. Appliquez ensuite de la charpie ou des généralement du premier coup.
bandes de toile ou de gaze trempées dans cette même solution, jus-
qu'à ce que le médecin arrive. Tenez le malade au chaud, donnez-lui Crises de nerfs
des boissons chaudes, du lait chaud, du thé chaud par exemple.
Les gens nerveux, les femmes surtout, prennent des crises de
nerfs à force de s'exciter; ils se mettent à pleurer, à rire, à crier. Ce qu'il
Brûlures d'acides. L'autre jour encore, une femme a lancé du
y a de mieux à faire, c'est de les laisser tout à fait seuls jusqu'à ce qu'ils
vitriol à la tête d'un homme. C'est un acide terrible qui brûle et ronge la
se remettent. N'essayez pas de les apaiser : cela ferait plus de mal que
chair partout où il arrive. Heureusement un agent se trouvait là, qui sa-
de bien.
vait ce qu'il y a à faire : il lava tout de suite les blessures avec de l'eau
Décharges électriques
tiède où il avait fait dissoudre un peu de soude, puis avec de la farine, il
mit les plaies à l'abri de l'air, comme il aurait fait pour des brûlures.
Il arrive souvent que des gens sont renversés pour avoir touché
un câble ou un rail électrique et qu'ils restent évanouis. Il faut alors les
Charbon dans l'œil éloigner du rail, mais en prenant garde de recevoir vous- même le choc.
Trouvez d'abord du verre, si possible, à mettre sous vos pieds, ou du
Ne laissez pas le blessé se frotter l'œil ; il est plus difficile ensuite bois bien sec, s'il n'y a pas de verre à portée, ou bien mettez des caout-
d'enlever le charbon. choucs. Il faudrait aussi mettre des gants de caoutchouc pour toucher
Si le charbon est sous la paupière inférieure, abaissez celle-ci la victime. Si vous n'en avez pas, enveloppez-vous les mains dans plu-
tant que vous pourrez et caressez-la doucement avec le coin d'un mou- sieurs épaisseurs de drap sec et écartez le corps évanoui à l'aide d'un
choir mouillé, avec un pinceau ou avec une barbe de plume. bâton.
Un petit chasseur de papillons à Saint-Ouen tomba dernière-
Si le charbon est sous la paupière supérieure, tirez-la en avant et
ment sur le rail d'un tramway électrique, et le choc le tua sur le coup.
faites passer la paupière inférieure sous l'autre. Les cils de l'une net-
Un passant, en essayant de le soulever, tomba mort à côté de lui. Un
toieront généralement l'intérieur de l'autre.
ouvrier accourut pour leur porter secours, il fut terrassé de la même ma-
Une autre manière de faire, à laquelle un Éclaireur s'exercera, nière. Les deux sauveteurs furent ainsi tués pour n avoir pas appris
consiste à asseoir votre homme, et à vous tenir debout derrière lui en d'avance ce qu'il y avait à faire.
appuyant sa tête contre votre poitrine. Maintenez avec votre pouce une
carte, une allumette, ou quelque chose de plat sur le haut de la paupiè- Empoisonnements
re supérieure, retournez le haut de la paupière par-dessus l'allumette, Si quelqu'un tombe subitement très malade après avoir pris de la
et enlevez doucement le charbon avec une plume ou un mouchoir nourriture, ou si l'on sait qu'il a avalé du poison, la première chose à
mouillé; puis laissez retomber 1a paupière. faire c'est de lui donner du lait et des œufs crus. Ces aliments rassem-
Si l'œil est très enflammé, baignez-le avec de l'eau tiède. bleront en quelque sorte tout le poison qui, sans cela, se serait répandu
dans le corps entier. Ensuite, si la bouche
244 245
n'a pas été mise en chair vive par le poison, essayez de provoquer un on attache un membre blessé. Ce peut être une latte de bois, un bâton
vomissement en faisant absorber du sel et de l'eau tiède ou en cha- d'Éclaireur, du papier de journal enroulé très serré.
touillant l'intérieur de la gorge avec une barbe de plume. Puis, de nou- Les attelles doivent être assez longues pour dépasser les articu-
veau des œufs et du lait, et du thé faible. Si le poison est un acide cor- lations au-dessus et au-dessous de la fracture. Il faut, autant que possi-
rosif, ne faites pas vomir, mais donnez du lait ou de l'huile d'olive. Main- ble, mettre deux attelles, une de chaque côté.
tenez le malade éveillé, s'il a la tête lourde. Attachez-les fortement d'un bout à l'autre avec des mouchoirs ou
des bandes de toile ou de drap, mais ne serrez pas au point d'empê-
Empoisonnements du sang cher la circulation du sang, ou d'écraser l'enflure.

On a laissé de la saleté pénétrer dans une plaie. Enflure, douleur, Exercices.


veines rouges apparentes. Des fomentations d'eau chaude apporteront Bandages. — Pour bander une fractu-
du soulagement. re il faut un bon bandage triangulaire, les
Corps étrangers dans les voies respiratoires. Pour éloigner ce deux côtés égaux du triangle ayant chacun
qui obstrue l'œsophage, donnez de fortes tapes dans le dos entre les environ un mètre.
omoplates. S'il s'agit d'un enfant, vous pouvez le mettre la tête en bas Pour faire une écharpe en cas de
pour le taper dans le dos. Si cela n'a pas de résultat, faites ouvrir la fracture des bras ou de la clavicule, atta-
bouche, même de force, passez deux doigts en suivant la langue jus- chez un bandage au cou du blessé, la poin-
que tout au fond de la gorge et essayez de retirer le corps étranger. Si te du côté du bras malade. Placez le bras
vous n'y parvenez pas, repoussez-le dans l'arrière-gorge. Si cela déter- dans cette écharpe, ramenez la pointe der-
mine un vomissement, tournez tout de suite la tête du malade sur un rière le bras et épinglez- la de façon à
côté. maintenir le coude dans l'écharpe.
Evanouissements. Défaites tous les vêtements serrés et laissez
Fumée et gaz
le patient étendu. Si le visage est pâle, maintenez la tête basse et rele-
Les fuites de gaz, dans les mines, les égouts, les maisons, cau-
vez les membres. Faites respirer des sels ; épongez le visage et les
sent continuellement des accidents.
mains avec de l'eau fraîche.
En cherchant à sauver quelqu'un de l'asphyxie, couvrez-vous bien
Si le visage est congestionné et la tête chaude, relevez la tête,
le nez et la bouche avec un mouchoir mouillé, tenez votre tête aussi
faites des compresses humides ou des applications de glace, aspergez
près du plancher que possible et tirez la personne évanouie, comme je
le visage d'eau fraîche ou éventez-le. On peut mettre aux pieds des
vous ai conseillé de le faire en cas d'incendie, aussi vite que possible,
cruches ou des briques chaudes pour tirer le sang loin de la tête. Main-
parce que, si vous tardez, vous risquez bien d'être terrassé vous-même
tenez le corps au chaud, et donnez beaucoup d'air au malade. Pas de
par le gaz délétère. Puis défaites tous les vêtements qui lui entourent le
stimulants.
cou et la poitrine, jetez-lui de l'eau froide à la figure et chatouillez-le
sous le nez avec une plume. Si vous trouvez qu'il ne respire plus, trai-
Fractures
tez-le comme vous feriez d'un noyé et essayez de ramener la respira-
tion.
Comment sait-on quand un membre est cassé?
Hameçon dans la peau
Il y a en général une enflure douloureuse à l'endroit où l'os est
L'autre jour, je me suis planté un hameçon dans le doigt. J'ai pris
brisé, et quelquefois le bras ou la jambe sont pliés d'une façon peu na-
un couteau et j'ai enlevé tout ce qui restait de mouche à l'hameçon,
turelle, sans que le blessé puisse les remuer.
puis j'ai poussé l'hameçon plus avant jusqu'à ce que la pointe commen-
Il ne faut pas remuer du tout un membre cassé; il faut l'étendre et
çât à percer la peau de l'autre côté. Avec un couteau bien tranchant je
l'attacher à quelque chose de rigide, qui le maintienne raide et droit,
pratiquai dans la peau une petite ouverture à travers laquelle la pointe
tandis qu'on amènera le blessé chez lui ou à l'hôpital.
passa facilement; je pus alors l'attra-
Attelles. — On donne le nom d'attelles à l'objet rigide auquel
246 247
per et tirer tout l'hameçon après elle. Impossible de retirer un hameçon mouchoir autour du membre mordu, immédiatement au-dessus de l'en-
par derrière, le crochet tient ferme dans la chair, quoi que vous fassiez. droit atteint et empêchez ainsi le sang de remonter au cœur en y por-
Hémorragies tant le poison. Puis essayez de sucer le sang de la blessure, et, si pos-
sible, agrandissez celle-ci pour que le sang, venant en abondance, en-
traîne le venin. Le poison sucé ne vous fera pas de mal, à moins que
Quand un homme saigne abondamment d'une blessure, pres-
vous n'ayez la bouche blessée. Il faut aussi donner des stimulants : du
sez la blessure ou la chair immédiatement au-dessus de la blessure —
café, par exemple, ou des liqueurs en grande abondance; ne pas lais-
c'est-à-dire entre la blessure et le cœur — pressez forte- ment avec
ser le patient s'engourdir, mais le faire se promener, le pincer, lui don-
votre pouce de façon à arrêter le sang dans l'artère. Puis faites un tam-
ner des claques pour le main- tenir éveillé.
pon avec quelque chose qui ait la forme d'un caillou arrondi et attachez
Exercez-vous à cela comme si c'était arrivé.
-le au-dessus de la blessure. Si l'hémorragie est violente, nouez un
mouchoir autour du bras ou de la jambe et tordez-le avec un bâton
Piqûres
pour qu'il serre bien, (Faites voir cela.) Si cela est possible, tenez haut
au-dessus du corps la partie blessée. Appliquez de l'eau froide, de la
L'ammoniaque est ce qu'il y a de mieux pour toutes les piqûres,
glace si possible, des chiffons mouillés, etc.
celles d'abeilles aussi. Du vinaigre pour les piqûres de guêpes.
Quand un homme saigne des oreilles et s'évanouit après une
chute, c'est l'indice d'une fracture du crâne. Il faut, si possible, ne pas Suicides
bouger du tout le blessé, le laisser même couché sur place et lui rafraî-
chir la tête avec de l'eau et de la glace jusqu'à l'arrivée d'un médecin. Quand un homme a tenté de se suicider, un Éclaireur doit savoir
Les crachements et les vomissements de sang indiquent une lé- que faire. S'il s'est coupé la gorge, la grande affaire est d'arrêter le
sion interne, la rupture de petits vaisseaux sanguins dans le corps du sang de l'artère. L'artère va du point de jonction du sternum et de la
malade. Cela est souvent moins grave qu'il ne paraît. Si le sang rouge clavicule à l'angle de la mâchoire. Pour arrêter le sang, pressez fort
clair est mêlé d'écume, il y a quelque chose au pou- mon. En tout cas avec le pouce sur le côté de la blessure le plus rapproché du cœur;
tenez le malade tranquille et donnez-lui de la glace à sucer ou de l'eau continuez de presser aussi fort que possible jusqu'à ce qu'il vienne du
froide à siroter. secours.
Ne vous effrayez pas de la quantité de sang qui s'écoule d'une Faites voir cela.
blessure. Un barbier prenait couramment cinq ou six tasses de sang à Si le désespéré a pris du poison, donnez du lait et faites vomir, à
ses patients, au temps où l'on pratiquait les saignées. moins que ce ne soit avec un poison acide v. p. 246, en chatouillant
l'intérieur de la gorge avec le bout du doigt ou avec une plume, ou en
Morsures de serpents faisant avaler un verre d'eau contenant une cuillerée de moutarde ou
du sel.
Dans des cas de pendaison, dépendez le corps tout de suite en
Les serpents venimeux sont heureusement rares chez nous, mais prenant soin de le soutenir avec un bras tandis que vous couperez la
si vous allez dans les pays chauds, vous ne manquerez pas d'en ren- corde. Coupez le nœud, défaites tous les vêtements qui serrent le cou
contrer; il faut savoir que faire quand on est mordu. Les mêmes et la poitrine. Donnez autant d'air que possible, jetez sur la figure et la
conseils valent pour des flèches empoisonnées, des coups de dents de poitrine de l'eau froide, ou de l'eau chaude et de l'eau froide alternative-
chiens enragés, etc. Rappelez-vous que le poison passe de la blessure ment. Pratiquez la respiration artificielle comme pour un noyé.
dans tout le corps et qu'il suffit pour cela de quelques battements de Un novice est quelquefois un peu craintif, quand il s'agit de ma-
cœur. Ainsi, quoi que vous fassiez, faites-le tout de suite. La grande nier une personne sans connaissance ou un mort. La seule vue du
affaire est d'empêcher le poison d'arriver dans le corps par les veines. sang l'affecte. Pourtant il ne sera pas bon à grand' chose,
Pour cela attachez une ficelle ou un

248 249
tant qu'il n'aura pas surmonté ces craintes sottes; le pauvre mal- heu- porteur d'arrière a la mission de surveiller attentivement le malade.
reux ne peut pas lui faire de mal, il faut donc que notre jeune garçon se Si les perches sont courtes, il faudra quatre porteurs, un à cha-
force à le toucher. Dès qu'il l'aura fait, ses craintes s'évanouiront. Une que coin.
visite à l'abattoir l'habituera à la vue du sang. Pratiquez ces divers exercices.
Tout dernièrement, en Angleterre, deux hommes furent sévère-
ment réprimandés par le juge d'instruction pour avoir craint de dépen- Comment s'exercer
dre un homme qui s'était pendu, — ils s'étaient enfuis pour chercher
quelqu'un, et le malheureux mourut. Qu'auriez-vous fait à leur place ? Quand on s'exerce à donner les premiers soins à des blessés, il
importe d'éclabousser les prétendus malades de sang et de boue, afin
Pour porter un blessé. Deux Eclaireurs prenant chacun son poi- d'habituer à cette Vue les ambulanciers. Sinon, ils s'énerveront en cas
gnet gauche avec sa main droite et, de la même façon, le poignet droit d'accident. On peut se procurer du sang de mouton dans les bou-
de l'autre avec sa main gauche, feront un très bon siège pour un mala- cheries.
de. S'il faut un dossier à ce siège, un des Eclaireurs peut le constituer Préparez un feu avec beaucoup de fumée dans une salle ou
en mettant sa main sur le bras de l'autre. dans un bâtiment voisin (au premier étage, si possible), tandis que
Exercez à cela vos Eclaireurs, deux à deux. vous tiendrez une réunion au local des Êclaireurs. Arrangez-vous se-
On peut arranger des civières comme suit : crètement avec deux ou trois garçons pour que, si l'on crie : « Au feu I
A. Une barrière, une porte, etc., bien couverte de paille, de foin, », ils courent de-ci de-là effrayés, cherchant à créer une panique.
de vêtements ou de sacs. Donnez l'alarme, soit par l'intermédiaire de quelqu'un qui entrera
B. Une couverture, un drap, une toile de sac ou de bâche étendus, vivement dans la salle en annonçant l'incendie, soit en faisant éclater
et deux perches enroulées dedans de chaque côté. Mettez des habits quelques pétards.
en guise d'oreiller. Envoyez une ou deux patrouilles avec la mission de s'attaquer à
l'incendie sous la direction de leurs chefs. Ils tiendront portes et fenê-
tres fermées. Envoyez des Éclaireurs dans les différentes parties du
bâtiment pour voir si le feu s'étend et s'il y a quelqu'un qui ait besoin
d'aide.
Ces Éclaireurs auront des mouchoirs mouillés sur la bouche et le
nez. Des personnes « sans connaissance » ou des sacs mannequins
seront cachés sous les tables, etc.
Les Éclaireurs les sauveront en les chargeant sur leurs épaules
ou en les traînant hors des pièces pour les descendre ensuite au rez-
de- chaussée. Faites usage de couvertures où l'on saute, etc.
D'autres amèneront et assembleront les tuyaux, feront la chaîne
Pour soulever quelqu'un d'évanoui. pour passer des seaux d'eau.
D'autres encore rappelleront à la vie les gens évanouis et feront
la garde pour aider la police et les pompiers en écartant la foule.
C. Deux vestons, les manches retournées. Passez deux bâtons à
travers les manches; boutonnez les vestons par-dessus. Jeu
D. Deux perches passées à travers une paire de sacs, dans les
coins desquels des trous ont été pratiqués. Course d'ambulanciers. — Une patrouille de malades est cou-
En transportant un blessé sur une civière, prenez soin de bien chée à terre à 50 mètres du départ. Une autre patrouille, dont chaque
l'installer avant de partir. Les deux porteurs devront se lever en même membre tient une corde s'élance, attache les malades et revient en les
temps, faire de petits pas et ne pas marcher d'accord. Le traînant. On compte le temps qu'il faut jusqu'à ce que le dernier
250 251
soit rentré. Les patrouilles changent de rôle. Celle qui met le
moins de temps a gagné. Les nœuds devront être bien faits, et les vê-
tements des malades placés sous leurs têtes en guise d'oreillers.

Représentations

Nous empruntons au programme des Brigades de Sauveteurs


(Boy's Life Brigades) l'idée de quelques représentations de sauvetage,
qui ont toujours un grand succès, auprès des acteurs comme auprès
des spectateurs.
Accident dé bicyclette. — De jeunes garçons rentrant au camp.
Un bicycliste étourdi. Accident. Pansements. Transport des blessés à
l'hôpital sur des civières. CHAPITRE IX
Explosion de gaz. — Mme Miton et sa famille se promènent. Elles
sont témoins d'un terrible accident de chemin de fer. En rentrant, Mme PATRIOTISME
Miton rencontre une amie. Elle envoie Marie pré- parer le thé sur le NOS DEVOIRS DE CITOYENS
fourneau à gaz. Le père rentrant de son travail trouve la maison pleine
de gaz. Une escouade d'ambulanciers arrive à son secours. « Coup du VINGT-SIXIÈME BIVOUAC
pompier » (p. 251) et respiration artificielle. Le commissaire Hoho arri- LE MOUVEMENT INTERNATIONAL DES ÉCLAIREURS
ve. Comment il ne faut pas constater une fuite de gaz. Fin pitoyable
d'un agent bien intentionné mais étourdi. La grande guerre a causé la mort de centaines de milliers de sol-
Incendie. — Une soirée à la villa du Faubourg. Au feu ! Habi- dats britanniques, français, allemands, américains, autrichiens, italiens,
tants alarmés. Barrière pour contenir la foule. Arrivée d'une section de etc., etc.
pompiers avec couvertures, cordes de sauvetage et échelles. Sauveta- Une des choses qui ont amené la guerre, c'est le fait que dans les
ge des derniers habitants. divers pays si peu de gens se connaissaient personnellement; leurs
Tableau d'ensemble. — Les ouvriers sont absorbés par leurs oc- gouvernements leur ont dit que la chose à faire était de se battre, ils se
cupations quotidiennes, quand une explosion se produit déterminant un sont battus et ils l'ont bien regretté après.
incendie à l'intérieur du bâtiment et la chute d'un mur qui blesse un Si en temps de paix ils avaient été bons amis, ils se seraient
passant. Les ouvriers qui sont sains et saufs s'occupent de leurs cama- mieux compris et ils n'en seraient jamais venus aux coups.
rades blessés, tandis que d'autres se précipitent pour chercher du se- Aujourd'hui les voyages sont tellement plus faciles ; les automo-
cours et reviennent avec une ambulance et une pompe à feu. Quelques biles, l'aviation, la T. S. F. ont tellement raccourci les distances que les
-uns de ces hommes s'échappent en sautant de la tour du bâtiment en gens des divers pays ont bien plus d'occasions d'apprendre à se
flammes dans des couvertures tendues. connaître de plus près.
Les Éclaireurs et les Éclaireuses se sont répandus dans le monde
entier. Les scouts peuvent aller dans quarante-deux pays tout

1
Nous avions sauté dans notre précédente édition le XXVI me « bi-
vouac», court d'ailleurs, intitulé: «Notre Empire». Mais dans sa 15 eme édition
anglaise l'auteur y a ajouté le paragraphe qu'on va lire et dont on saisira la por-
tée. — N. du T.

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autour du monde et trouver dans chacun des frères Éclaireurs agissant Nous sommes comme les briques d'un mur. Chacune a sa place,
d'après les principes de la même loi, conformément à la même promes- quand même celle-ci peut paraître petite dans une si grande cons-
se, et faisant les mêmes travaux d'éclaireur que nous autres. Il y a déjà truction. Mais quand une brique se désagrège ou glisse, l'effort que
des milliers d'Éclaireurs chaque année qui vont dans le pays les uns supportent les autres est trop considérable, des fissures apparaissent,
des autres et qui échangent des visites. Ça leur procure le plaisir de la muraille vacille.
voir à quoi ressemblent les autres pays, mais, ce qui est plus important, Ne vous préoccupez pas trop de vous pousser à de bonnes pla-
ils apprennent ainsi à se regarder comme des amis et non pas comme ces. Si vous vous engagez dans cette voie, vous aurez des désap-
de simples « étrangers ». pointements à n'en plus finir.
Si nous pouvons continuer comme cela, et accroître d'année en Travaillez pour le bien de l'État, ou de la maison qui vous em-
année le nombre de ces visites, nous rendrons la guerre à peu près ploie, et vous verrez que, ce faisant, vous obtiendrez tout l'avancement
impossible, parce que dans tous les pays nous serons copains. et tout le succès que vous pouvez désirer.
Tâchez de vous préparer à cela, en prenant au sérieux les bran-
VINGT-SEPTIÈME BIVOUAC ches que l'on vous enseigne à l'école, non parce que vous les trouvez
amusantes, mais parce que c'est un devoir envers votre pays de vous
CIVISME perfectionner vous-même. Apprenez votre arithmétique, votre histoire,
vos langues dans cet esprit, et cela ira bien.
Les devoirs de l'Éclaireur citoyen Ne pensez pas à vous-mêmes, mais pensez au pays et à ceux
qui vous emploient. Le renoncement à soi-même est, à tous égards, un
Tous les Éclaireurs doivent se préparer à être de bons citoyens bon calcul.
de leur patrie et de bons citoyens du monde. Rappelez-vous aussi qu'un Éclaireur n'est pas seulement l'ami
Si chacun des citoyens de notre pays savait se rendre un homme des gens qui l'entourent mais « l'ami de tous ». Des amis ne se combat-
véritablement bon et utile, notre Etat serait un tel bienfait pour le monde tent pas l'un l'autre. Si nous établissons des relations d'amitié avec nos
civilisé, que nul ne désirerait le voir démembré par un autre. Et person- voisins des autres pays, si nous restons en bons rap- ports avec eux
ne ne voudrait se charger de cette besogne. Mais pour en arriver là, il nous n'aurons pas envie de nous battre. Et c'est là de beaucoup le
nous faut être de bons citoyens, et nous porter entre nous, dans notre meilleur moyen de prévenir les guerres et d'assurer la paix.
pays, une solide amitié réciproque.
Une maison divisée contre elle-même ne peut pas subsister. Tir
Il vous faut commencer jeunes à considérer comme vos amis des
jeunes garçons de toutes les classes. Rappelez-vous que riches ou J'ai souvent loué les Éclaireurs qui tiraient bien au fusil, comme
pauvres, habitants de palais ou de chaumières, vous êtes tous avant j'en ai félicité d'autres de ce qu'ils étaient bons boxeurs. Je ne pense
tout des enfants d'une même patrie, qui avez à faire de votre pays une pas que le fait d'être bon tireur rende un homme assoiffé de sang et lui
force pour le Bien dans le monde. Pour cela, faites bloc. donne le goût de partir en guerre, pas plus que le fait d'avoir appris à se
Si vous êtes divisés entre vous, vous faites du tort à votre pays. Il servir de ses poings pour attaquer et pour parer ne l'amènera à cogner
faut oublier vos différends. à tort et à travers.
Si vous méprisez d'autres garçons parce qu'ils sont d'une classe Les Suédois, qui sont maintenant le plus pacifique des peuples,
plus pauvre que vous, vous êtes des snobs; si vous haïssez d'autres tirent beaucoup à la cible. C'est chez eux un sport auquel se livrent les
garçons parce que le hasard les a fait naître plus riches que vous, vous hommes de toutes les professions et de toutes les opinions politiques.
êtes des sots. John Dunn, un vieux commerçant écossais au pays des Zoulous,
Nous avons tous à prendre dans ce monde la place qui nous est devint plus tard lui-même un chef zoulou.
faite, à en tirer le meilleur parti possible et à nous atteler tous à la mê- Je l'ai rencontré là-bas et j'ai remarqué que, quand il était à che-
me corde. val, il tenait toujours son fusil à la main. Je lui en fis la remarque.

254 255
Il me répondit : « On ne sait jamais si ça ne vous rendra pas service du milieu avancé autour de la gâchette autant qu'il est possible.
d'avoir votre carabine en main et de pouvoir vous en servir tout de sui- En faisant feu, ne donnez pas de secousse avec ce doigt : vous
te. Trois fois il m'est arrivé grâce à cela de sauver la vie d'un homme : déplaceriez le canon en tirant ; bornez-vous à serrer la gâchette et le
une fois c'était un crocodile, une autre fois un fou furieux, la troisième bois du fusil entre votre médius et votre pouce ; de cette manière le
fois un lion. Il est toujours bon d'« être prêt ». coup partira en douceur.
Beaucoup d'entre vous qui êtes aujourd'hui Éclaireurs, vous irez Puis, quand vous avez tiré, ne relevez pas précipitamment votre
dans des Dominions ou des colonies d'outre-mer, dans des pays sau- arme, mais faites comme les vieux Éclaireurs qui continuent à regarder
vages où, si vous ne savez pas vous servir d'un fusil, vous ferez petite leur guidon pour voir de combien ils ont dévié au moment de faire feu,
figure. Supposons que vous soyez attaqué par l'animal le plus dange- et essayez de vous corriger la fois suivante.
reux de tous... un buffle, — ou bien, ce qui m'est arrivé souvent, il vous Tirer à la cible fixe n'est qu'une préparation à tirer sur un but mou-
faut de la viande pour vos compagnons indigènes qui meurent de faim vant. Tirer sur des objets en mouvement est, naturellement, plus diffici-
— ou bien vous voyez un de vos copains terrassé par un lion, et il vous le, mais on est plus près de la réalité, car vous trouverez rarement du
faut le voir périr parce que vous avez été trop flémard pour apprendre à gibier ou des ennemis assez complaisants pour rester tranquilles tandis
tirer quand vous en aviez l'occasion — vous ne serez pas fier de vous- que vous viserez. Ils courent et se dissimulent, il faut donc viser vite et
même. tirer promptement.
Donc, si vous voulez être fidèles à votre devise et être prêts à tout La meilleure manière de s'exercer à cela, c'est de viser des objets
événement, vous ferez bien de vous exercer au tir. mobiles avec votre bâton, comme si c'était un fusil.
C'est un sport fort agréable et vous ne tarderez pas à vous y dis- Suivez le mouvement de votre but, puis déplaçant votre canon un
tinguer, si vous prenez à cœur quelques conseils comme ceux que je peu plus vite, tirez au moment où vous avez au bout de votre fusil le
vais vous donner. point que votre but atteindra dans une ou deux secondes ; la balle arri-
Quand on tire, on voit que le tabac ne vaut rien. Je fumais moi- vera là en même temps et le touchera.
même quand j'étais un jeune homme; mais en m'exerçant à tirer, je
m'aperçus que ma vue était meilleure quand je ne fumais pas; j'ai donc
Aidez la police
renoncé tout à fait au tabac et je suis très content de l'avoir fait.
L'autre jour, j'ai entendu donner une autre raison de ne pas fu-
mer, et c'était que saint Paul ne fumait pas. Je crois bien que c'est vrai : Dans les villes les Éclaireurs peuvent être particulièrement utiles
on n'avait pas découvert le tabac de son temps. en donnant un coup de main à la police. D'abord chaque Éclaireur de-
vra savoir où se trouvent les postes d'agents, les endroits où l'on est
Les Boers, une race paisible de paysans et non pas de soldats,
sûr d'en trouver, indépendamment de ceux qui font les rondes.
sont pourtant tous de bons tireurs, les Suisses aussi. Les uns et les au-
tres commencent très jeunes à s'exercer au tir en se servant d'abord Si vous êtes témoin d'un accident et que vous ne puissiez rien
d'arbalètes. Celles-ci sont vraiment comparables au fusil, car elles s'ap- faire, courez avertir l'agent le plus proche, et demandez-lui quel service
puient aussi à l'épaule, et, pour tirer, on presse une gâchette quand on vous pouvez lui rendre : appeler un médecin, chercher un fiacre, etc. Si
a bien visé. Des jeunes garçons exercés à l'arbalète n'ont pas de peine vous entendez le coup de sifflet d'un agent, courez lui offrir vos servi-
à bien tirer dès qu'on leur met un fusil en main. ces; c'est votre devoir : il sert votre pays. S'il vous arrive de voir la nuit
une porte ou une fenêtre ouverte, vous pourrez en informer l'agent du
Pour bien tirer, la grande affaire c'est de bien tenir son arme. Si
quartier. Mais, sous aucun pré- texte, vous ne ferez le détective en sur-
elle penche un peu, à droite ou à gauche, la balle déviera for- cément.
veillant les gens et en jouant à l'espion.
Tenez votre bras gauche sous le fusil pour le soutenir et appuyez bien
celui-ci contre l'épaule. Quant à la main droite, le pouce doit être posé Si vous trouvez un enfant égaré, un chien sans maître, ou un ob-
sur le bois du fusil, par-dessus, et le doigt jet perdu, allez tout de suite au poste de police.

256 257
Jeux Si votre adversaire voit que vous êtes décidés ou à le tuer ou à
Abattez tout. vous faire tuer, il est probable qu'il ne vous fera pas le plaisir de vous
attendre.
Deux patrouilles en compétition. Cibles : des bouteilles ou des Notre gouvernement
briques debout, représentant la patrouille ennemie. Les deux patrouilles
sont sur un rang à 20 ou 25 mètres des cibles. Bientôt vous serez électeurs et vous aurez part à la direction des
Au commandement de : « Feu ! » ils se mettent à lancer des affaires du pays.
pierres. Dès qu'une cible est touchée, l'arbitre fait asseoir l'Éclaireur Et beaucoup d'entre vous, vous serez tentés de vous enrôler
qu'elle représentait : il est tué. Si les pierres ne manquent pas, on conti- dans les partis conservateur, radical, socialiste, ou dans tel autre dont
nue jusqu'à ce qu'une des patrouilles soit tout entière abattue, ou bien votre père ou vos amis sont membres. A votre place, je ne ferais pas
l'on peut donner à chaque patrouille une quantité de munitions, ou en- ça. J'écouterais ce que chaque parti a à dire. Si vous n'en écoutez
core un temps limité. qu'un, vous lui accorderez certainement qu'il est le seul bon et que tous
L'assaut. les autres ont tort. Mais si vous alliez en entendre un autre, vous trou-
veriez qu'après tout, c'est celui-ci qui est dans le vrai, et que le premier
Une patrouille monte sur une forte table de cuisine ou sur un avait tort.
banc, qu'elle défendra contre tout venant. Une autre attaque, et cher- Ce qu'il faut faire, c'est les écouter tous et ne pas se laisser en-
che à s'emparer de la forteresse en tirant à soi les défenseurs. Les dé- traîner par un seul. Et puis, soyez des hommes; réfléchissez, décidez
fenseurs peuvent avoir à terre « derrière un rempart » un renfort égal à en vous-mêmes lequel vous paraît le meilleur, du point de vue du pays
la moitié de leur nombre. Si les défenseurs attirent un assaillant par- et de son avenir — non pas d'un point de vue étroit d'intérêt local — et
dessus le rempart sur le sol qui est derrière, ils l'ont tué. votez pour celui-là aussi longtemps qu'il marche droit, je veux dire : tant
Les coups de poing ni les coups de pied ne sont permis. qu'il travaille au bien de la patrie.
Bien des gens se laissent entraîner par un politicien qui surgit
VINGT-HUITIÈME BIVOUAC avec une idée nouvelle et extrême. Ne donnez jamais votre con- fiance
L'UNION FAIT LA FORCE1 aux idées de qui que ce soit avant de les avoir bien examinées à tous
les points de vue. 11 est rare que des idées extrêmes aient une grande
Souvenez-vous-en! Ce sera votre tâche à chacun d'entre vous valeur. Si vous étudiez l'histoire, vous verrez que presque toujours on
de faire en sorte que notre vieux drapeau puisse continuer à flotter. en a déjà tenté l'essai quelque part.
Quand ce serait en donnant votre sang, comme vos aïeux ont fait avant C'est moins d'un changement de gouvernement que d'un pro-
vous! grès dans l'épargne, qu'on peut attendre plus de prospérité pour tous.
Nous devons tous mourir un jour. Quelques années de plus ou Un État fort et uni, où tous s'entraident dans un esprit patriotique, nous
de moins dans nos vies importent peu à l'histoire du monde; mais si, en donnera une force, une paix et une prospérité qu'aucune panacée de
mourant un peu plus tôt que la maladie ne nous eût emportés sans ce- politicien visionnaire ne pourrait nous procurer.
la, nous pouvions contribuer à empêcher notre drapeau de tomber, ce- Faire apprendre et chanter aux Éclaireurs les principaux chants
la, oui, importerait beaucoup. : nationaux.
C'est pourquoi pensez-y et soyez toujours prêts à mourir pour Leur faire reconnaître les grades et les insignes de l'armée.
votre pays, s'il le faut. De façon que, si le moment arrivait, vous puis- Les habituer à saluer le drapeau de la patrie et à se lever quand
siez vous lancer en avant avec confiance, sans vous inquiéter de savoir on entonne le chant national.
si vous serez ou non tués. Enseignez à vos Éclaireurs quelque chose de l'histoire locale et,
sur les lieux mêmes si possible, racontez-leur-en les scènes les plus
1
United we stand, divided toc fall. dramatiques.
Nous avons sauté dans ce chapitre tout ce qui était exclusivement britannique Menez-les voir des armures et des collections d'histoire.
(drapeaux, insignes et grades militaires, hymnes nationaux).

258 259
Mais cela même dépend du caractère et de la valeur profession-
nelle de ses citoyens. De là notre désir de faire que les hommes de la
génération prochaine soient des hommes d'énergie et de caractère.
Il est également évident d'autre part qu'un pays doit être assez
fort pour se défendre les armes à la main, si, par malheur, cela devait
jamais être nécessaire.
L'histoire nous montre, comme une règle qui ne souffre presque
aucune exception, que les pays péniblement arrivés à l'apogée de leur
prospérité, et épuisés par cet effort, retombent, après une période de
repos, dans un état de paresse et d'indifférence. Ils ne voient pas que
d'autres peuples s'avancent pour les détruire, par la méthode des ar-
mes ou par la méthode, plus pacifique mais aussi fatale, de la concur-
rence commerciale.
Chaque fois, c'est l'absence de ce patriotisme énergique auquel
le pays devait son existence, qui a causé sa ruine. Dans chaque cas le
verdict de l'histoire a été : « Mort par défaut de civisme. »
Les signes ne manquent pas, dans ces derniers temps, qui indi-
CHAPITRE X quent que nos citoyens ne sont pas ce qu'ils devraient être. Des aver-
tissements sérieux venant de divers côtés, et portant sur tous les do-
POUR LES CHEFS maines de notre vie nationale, nous ont été donnés par des voix autori-
sées.
SOMMAIRE Football
Comment les chefs scouts peuvent travailler pour le pays. Une des causes de la décadence de Rome, c'est que le peuple,
L'absence de civisme est un mal dont nous commençons à souffrir. dont les trois quarts étaient nourris par l'État, n'avait plus le souci ou la
L'avenir de la patrie dépend surtout du caractère de la génération responsabilité de son avenir et de celui de ses enfants ; c'était un peu-
qui monte. On fait encore trop peu de chose dans nos écoles pour dé- ple de sans-travail et d'oisifs. Il fréquentait les cirques où des gladia-
velopper et éduquer le caractère. teurs salariés se produisaient dans l'arène. Nous voyons, nous, des
Nous proposons nos Éclaireurs pacifiques comme un moyen at- foules s'amasser pour regarder jouer au football des équipes de profes-
trayant de former des caractères à une école de civisme. sionnels payés pour cela.
Ce programme peut être réalisé sans frais par de jeunes hommes Le football en lui-même est un jeu magnifique pour développer un
de toutes sortes, chacun se chargeant de quelques jeunes garçons. jeune homme physiquement et même moralement : il apprend à jouer
L'expérience a déjà réussi. avéc bonne humeur et désintéressement, à jouer à sa place, à tenir
Conseils à ceux qui voudraient devenir chefs : comment faire et son rôle; ce sont là les meilleurs des exercices en vue du jeu de la vie.
comment expliquer à d'autres ce que l'on fait. Mais c'est un jeu malsain quand il détourne des foules de jeunes qui,
Socrate l'a dit pour nous encourager et avec grande raison : «Nul au lieu de jouer eux-mêmes, se contentent d'être simplement les spec-
homme ne poursuit un dessein plus pieux que celui qui s'occupe de tateurs de quelques équipiers mercenaires. Personnellement, j'aime à
bien élever non seulement ses enfants, mais aussi ceux des autres. » voir ces splendides spécimens de notre race, parfaitement entraînés et
La prospérité d'un pays ne dépend pas tant de sa puissance mili- jouant sans faute; mais le cœur saigne à la pensée de ces milliers de
taire que de l'estime qu'on lui accorde en affaires. Tant qu'il se trouve jeunes garçons et de jeunes gens, étroits de poitrine, voûtés, échantil-
en position d'être indispensable à d'autres pays, tout en pouvant se suf- lons misérables
fire à lui-même, il est grand et prospère.

260 261
d'un peuple, fumant sans fin cigarettes après cigarettes, beaucoup La méthode des Éclaireurs vient à l'aide des instituteurs. Lord
d'entre eux pariant sur le jeu, et tous apprenant à perdre la posses- Eustace Percy, Président du Board of Education, l'a souligné :
sion d'eux-mêmes pour grogner ou acclamer à l'unisson de leurs voi- « Les Éclaireurs sont une grande force d'éducation dans ce pays ;
sins — le pire de tout étant les éclats de rire hystériques qui soulignent il faut que tous ceux qui, comme moi, ont une responsabilité dans ce
la moindre faute ou la moindre chute d'un joueur. On se demande si domaine, s'appuient sur eux. Je crois qu'il nous faut le faire toujours
c'est là le même peuple qui s'était acquis la réputa- tion d'une nation davantage. Les Éclaireurs font pour les garçons ce que l'instruction offi-
virile, tranquille, fumant sa pipe sans se laisser atteindre ni par les pani- cielle ne peut pas faire : ils prennent l'enfant quand il est encore à l'éco-
ques, ni par l'excitation et sur qui l'on peut compter dans les plus mau- le et l'accompagnent au delà de l'âge scolaire jusqu'au début de sa vie
vais moments. Emmenez-moi d'ici les jeunes, apprenez-leur à être vi- d'adulte. L'extraordinaire succès du mouvement des Éclaireurs est dû à
rils, à jouer la partie quelle qu'elle soit, à n'être pas seulement des ce fait, que, pendant que tout le monde déclare que l'éducation doit dé-
spectateurs et des oisifs. velopper les attributs naturels des jeunes, le scoutisme, précisément,
Je connais l'objection : dans nos grandes villes, il n'y a pas la pla- assure ce développement. »
ce nécessaire pour que seulement la moitié de nos garçons puissent Notre éducation doit répondre aux besoins présents de notre peu-
jouer activement. Mais je ne dis pas non plus que le seul jeu possible ple. Et plus spécialement à ce que seront les besoins de notre peuple
soit le football. Un des buts du scoutisme est de suggérer des jeux demain. Trop souvent nous nous sommes contentés d'améliorer nos
d'équipes et des activités qui soient aussi efficaces que le football pour programmes en les comparant à ceux du passé. Une de nos plus gran-
développer la santé, la force, le caractère. Il faut rendre ces jeux at- des fautes aujourd'hui, c'est l'étroitesse de notre horizon ; de toute part
trayants, les organiser en concours, nous en servir pour inculquer les les autorités nous disent la nécessité d'une bonne volonté de la coopé-
éléments de l'obéissance à la règle, de la discipline, de la maîtrise de ration joyeuse, comme antidote à la plupart de nos maux d'après-
soi, de l'ardeur, de la vaillance, de la hardiesse, de l'initiative et du dé- guerre.
sintéressement dans un jeu d'équipe. Ce sont là des attributs impor-
La méthode d'éducation courante fait peu de chose dans cette
tants du citoyen; en les encourageant, le scoutisme peut être un com-
direction. Bien plus, si l'on n'y veille pas, elle comporte un danger, celui
plément utile de l'éducation scolaire.
d'encourager le jeune homme à s'intéresser trop à lui-même sans
Education égard pour les intérêts des autres ou même en compétition avec eux.
On le stimule à être le premier de sa classe, à gagner des prix ou des
bourses en concurrence avec ses camarades, à être ambitieux, à re-
Depuis que ce livre a été publié pour la première fois de grands
chercher ce qu'il y a de meilleur dans la vie, sans lui donner pour
changements se sont produits dans le régime scolaire du Royaume-
contrepoids une instruction sur ses devoirs envers l'État, sur les égards
Uni; les maîtres y sont plus encouragés que jadis à enseigner l'hygiène
et les « humanités ». et l'aide qu'il doit aux autres.
Mais ils sont encore arrêtés, sans qu'il y ait de leur faute, par le Le résultat, c'est le culte des hommes qui s'en croient, ce sont
trop grand nombre d'élèves dans chaque classe et par le petit nombre des jalousies de classes, des disputes industrielles, des divisions de
des années d'école, en même temps que (dans bien des endroits) par sectes, la passion du sport, les rivalités politiques et internationales.
le milieu où vivent les écoliers. Bien plus, la chose la plus importante de Tout cela prend une valeur exagérée parce qu'on ne nous a jamais ap-
toutes, l'éducation morale, la formation du caractère — encore qu'elle pris à voir large, à voir avec les yeux du prochain, à nous servir dans la
soit prônée de façon fort appropriée dans les instructions officielles — pratique quotidienne de notre bonne volonté d'entraide. Cette négligen-
est bien difficile à réaliser dans la pratique, avec ce grand nombre d'en- ce est à la racine de la plupart de nos maux d aujourd'hui, qu'ils soient
fants. Il y faut, en effet, pour réussir l'étude individuelle. De même l'édu- politiques, industriels, religieux, sociaux ou internationaux.
cation civique ne peut pas être considérée comme complète, à moins Et ici de nouveau, les Éclaireurs peuvent intervenir et nous aider
qu'on ne fournisse à l'élève l'occasion de manifester en pratique l'esprit par l'éducation du sens du devoir et du service d'autrui qu'ils
qu'on lui inculque en théorie. Et ceci aussi est difficile à l'école.

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représentent. Ils visent à donner à l'enfant une idée pratique dry
responsabilités de la vie qui l'attend et s'efforcent de lui apprendre à
pratiquer sa religion dans sa vie et ses actes de tous les jours.
Le tableau ci-contre indique quelques-unes de nos insuffisances
nationales avec leurs causes et suggère le remède que les Éclaireurs
ont à offrir.
Un article du Times, en discutant nos défauts nationaux, conclut
que la faute en est à notre instruction publique : « Non pas qu'elle n'en-
grène pas avec succès nos jeunes gens dans les roues de la machine
à faire de l'argent, mais parce qu'elle produit des Hommes sans carac-
tère, — sans ce caractère qui, en définitive, est la seule chose qui ait
du prix pour l'Etat. »
Notre civilisation — et chacune des classes de notre société —
souffre d'un nombre croissant de « flancheurs », gens qui éludent leurs
devoirs et leurs responsabilités envers l'État et envers autrui, et gens
qui éludent le travail sous toutes ses formes.
Un des symptômes du mal dont souffre notre civilisation (ce fut
aussi un des indices de la décadence de Rome), c'est la horde des
sans-travail qui dans toutes nos villes mènent des vies misérables et
inutiles — la-grande armée des faux-bourdons dans notre ruche.
On ne peut plus les considérer comme un accident passager, il y
a là une tumeur rongeante qui menace la vie de nos nations.
Pourtant il y a du travail et de la richesse pour tous.
En Angleterre, M. John Burns a insisté sur ce dernier fait. Si l'on
savait épargner, si l'on voulait renoncer à l'alcool et au tabac, qui, après
tout, sont des articles de luxe et simple affaire d'habitude, on dispose-
rait en Angleterre de plus de quatre milliards et demi pour améliorer le
sort des familles.

Où et comment appliquer le remède

Le mal est patent. Le chancre est là; pourtant il semble que l'on
fasse encore à peine autre chose que bander la plaie avec des billets
de banque. On ne fait rien pour empêcher que le mal ne s'étende plus
avant dans notre vie nationale.
Le remède, quel qu'il soit, doit être appliqué à la génération qui
monte ; c'est elle qu'il s'agit d'élever.
Théodore Roosevelt a raison de dire : « Si vous voulez faire quel-
que chose de durable pour la moyenne des hommes, il vous faut com-
mencer avant qu'ils soient hommes. Vos chances de succès sont dans
les enfants et non pas dans les hommes. »

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Et John Wanamaker écrit: «Sauvez un homme, c'est un individu mais qui, maintenant qu'ils ont commencé, et que la lutte est ter- mi-
de sauvé; sauvez un enfant, et c'est toute une table de multiplication née, continuent à faire leur part. Qu'ils nous aident à élever une géné-
que vous aurez gagnée. » ration qui les vaille.
Les jeunes garçons sont pleins d'entrain et d'enthousiasme; ils
ne demandent qu'à être bien aiguillés pour devenir de bons et utiles Notre remède et la manière de s'en servir
citoyens. On laisse se perdre des matériaux admirables; bien plus, on
laisse ces garçons devenir un danger public, faute de les éduquer, fau- Ces difficultés ne m'ont pas paru impossibles à vaincre, et j'ai été
te d'une main qui les guide à travers la crise de leurs vies, quand ils se conduit à proposer le programme de ce livre comme un com-
trouvent au carrefour où leur avenir se décide en bien ou en mal. mencement de solution. Chacune des sociétés nommées plus haut
Puis, à leur tour, ils deviennent les pères d'autres jeunes gar- pourrait adopter ce plan qui, en ce cas, deviendrait un lien entre elles.
çons; ils sont censés faire d'eux de bons citoyens, élevés dans les Les tendances pratiques de ce programme, la place qu'on y fait au
bons principes; en réalité, ils n'ont pas la plus lointaine idée de ce que sport, l'absence de toute bureaucratie, parleront peut-être à un plus
ces mots veulent dire. Et ce n'est pas tout à fait leur faute. grand nombre d'hommes capables de faire fonction de chefs. Surtout,
par sa variété, il attirera les garçons eux-mêmes, — jusqu'aux pires,
Savoir-faire, épargne, chevalerie, civisme, patriotisme, on leur a
jusqu'aux « apaches ».
trop peu appris tout cela.
Les qualités de l'Éclaireur sont celles du colonial : savoir-faire,
a. Où faire porter le remède pour guérir un si grand mal? endurance, audace, loyauté, avec, en plus, l'allure chevaleresque des
b. Sous quelle forme donner ce remède? anciens preux. Ce sont ces vertus, physiques et morales, que l'on pro-
c. Quel secours un simple particulier peut-il offrir? pose A l'imitation des jeunes et, sous une forme qui leur est accessible,
Il est inutile de tenter grand' chose avec les vagabonds adultes à leur pratique quotidienne.
d'aujourd'hui. Nous nous plaçons au point de vue du jeune garçon, nous con-
a. Le remède doit être appliqué à la génération nouvelle. sidérons l'éducation qu'il voudrait recevoir, et nous en adaptons la for-
me a ses besoins.
b. Il consistera à donner du « caractère » aux hommes de de-
Quant à notre organisation, nous faisons en sorte qu'elle tienne
main. Par « caractère & nous entendons une virilité qui compte sur soi-
compte des désirs des chefs, en la décentralisant le plus possible. Le
même et qui pense à autrui, quelque chose du christianisme pra- tique
chef trouvera autour de lui, dans des comités locaux, des appuis, mais
qui distingue les Birmans (bouddhistes en théorie) dans leur vie quoti-
il ne connaîtra ni les inspections irritantes, ni la bureaucratie administra-
dienne.
tive, ni les dépenses que cela entraînerait.
c. Le rôle que peut jouer l'initiative privée dans ce grand mou-
vement, les résultats obtenus par les Unions chrétiennes de jeunes Ce qu'il faut surtout
gens (Y. M. C. A.), les Brigades de jeunes garçons, et plusieurs autres
sociétés du même genre, en témoignent. Mais elles ont beau avoir fait Le scoutisme a été lancé bien avant la guerre, à une heure où la
de bonne besogne, leurs efforts n'atteignent qu'une petite partie du nation paraissait en avoir besoin. Mais la nécessité est dix fois plus
champ à cultiver. grande depuis la guerre. Notre peuple a perdu alors la fleur de sa jeu-
Si leur influence n'atteint pas les masses, cela est dû : au défaut nesse, l'élite de nos hommes ; ceux qui sont restés ce sont les vieux,
d'entente et de coopération entre les diverses sociétés, — à la peine les faibles, les embusqués. La génération qui monte a ainsi perdu l'aide
que l'on a à trouver un nombre suffisant de jeunes gens disposés à inappréciable de ses pères et de ses frères aînés au moment même où
prendre en mains des garçons, — à la difficulté qu'il y a à attirer des elle en avait plus besoin que jamais, puisque la guerre les privait de
jeunes garçons et à retenir leur intérêt. leurs maîtres et créait parmi les élèves un esprit de trouble.
Voilà un beau champ de travail pour les hommes qui ont à cœur Et sur cette éducation incomplète s'est abattu pour un grand nom-
les intérêts de leur pays. La guerre a éveillé le patriotisme de beau- bre de garçons un état de chômage qui s'est associé à la démo-
coup d'hommes qui n'avaient pas jusqu'ici répondu à son appel, ralisante expérience de vivre de la charité d'autrui ou de l'indem-
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disperse en courant. Le candidat et son chef vont vers le Chef Eclaireur Devoirs d'un chef
qui les attend. Le Chef de meute remet le jeune garçon à ce chef. Celui
-ci le fait entrer dans le fer à cheval et le présente à son chef de pa- Nous demandons à un chef de faire trois mois de stage, avant de
trouille qui incorpore à sa patrouille l'ex-Louveteau. recevoir son brevet. Il faut qu'il ait le temps de voir si le programme des
Ainsi à chaque étape nous avons les mêmes principes adaptés à Éclaireurs lui donne vraiment ce qu'il en attendait.
la psychologie modifiée de l'élève. A chaque étape nous développons :
Il est arrivé si souvent, dans des organisations du même genre,
son caractère et son intelligence; son habileté manuelle et son adres-
qu un homme, arrivé tout plein de grands espoirs et de beaux idéals,
se ; sa santé et sa force ; sa volonté de servir autrui.
découvrait qu'il ne pouvait pas s'entendre avec les commissaires, qu'il
Voilà pour les principes.
n'avait pas le talent de s'occuper des jeunes gens, etc., etc.
Quant au détail de la méthode, on l'a heureusement résumé dans
les cinq moments suivants : Trop souvent encore on donne son diplôme à un instituteur à
Préparation : avoir son programme et ses outils tout prêts. cause de sa science; pour nos chefs, nous aimons qu'ils reçoi-
Démonstration ; faire voir l'action et ses résultats. vent leur brevet pour la connaissance qu'ils ont des garçons et la façon
Explication : dire comment ça se fait, en détail. dont ils savent sympathiser avec eux.
Imitation : le faire faire au garçon lui-même. L'attitude du chef a une grande importance : c'est sur son carac-
Interrogation : questions posées par le chef au garçon ou vice tère, en grande partie, que les jeunes garçons mouleront le leur. Il faut
versa. donc qu'il voie son rôle d'un point de vue beaucoup plus élevé que celui
Finances. — L'esprit de notre entreprise veut que les jeunes gar- de ses convenances personnelles, et que, en vue du bien de l'ensem-
çons gagnent l'argent dont ils auront besoin, et ne le sollicitent pas. ble, il accepte de faire passer au second plan ses sentiments à lui. La
vraie discipline ne consiste pas en autre chose, et il y a là une difficulté
Résultats réelle.
A notre époque le grand danger pour notre peuple, c'est qu'il ne
Le mouvement des Éclaireurs, né du programme proposé dans s'est pas suffisamment discipliné: nous mettons nos opinions person-
ce livre, s'est étendu à toutes les parties des Iles britanniques, ainsi nelles beaucoup plus haut que le bien de l'État. 11 y a là un défaut que
qu'aux grands centres des possessions anglaises d'outre-mer et aux nous désirons réformer en entreprenant d'éduquer la génération de de-
principaux Etats d'Europe et d'Amérique. Ses principes parlent aux jeu- main. Mais toute éducation est, pour une grande part, constituée par
nes garçons de toutes les classes de la société et de tous les pays du l'ensemble. Un aspirant chef qui constaterait son incapacité à s'enten-
monde : les faits l'ont montré. dre avec ses garçons, ou à mettre son travail en harmonie avec son
Ceci nous promet pour un avenir prochain des liens plus étroits comité local, fera bien de donner sa démission, avant que son attitude
de sympathie et de camaraderie entre peuples, et ces liens ne peuvent ait fait du tort aux jeunes gens.
que contribuer à amener la paix du monde.
Bien des occasions ont permis aux Éclaireurs de faire voir leur
Comment prendre nos garçons
désintéressement.
Un directeur de police écrit que les Éclaireurs de sa ville valent
vingt agents supplémentaires ; une vieille femme, à qui ces garçons Je n'ai pas l'intention, comme dit le proverbe anglais, d'appren-
apportent tous les jours son combustible, nous remercie, elle aussi. dre 'à ma mère-grand comment on gobe un œuf. Aussi ai-je écrit ce qui
D'autres témoignages fort encourageants nous viennent de parents, suit pour ceux-là seulement qui n'ont aucune expérience de la façon de
d'instituteurs, de commissions scolaires. parler à de jeunes garçons, ou qui seront bien aises de trouver quel-
Ces résultats sont dus avant tout au dévouement des instruc- ques explications en réponse aux critiques que l'on adresse à notre
teurs; mais aussi aux sympathies qu'ils ont rencontrées dans toutes les programme, et aux questions qu'on nous pose. Ce ne sont que quel-
parties du pays. ques notes tirées de ma petite pratique, et visant à faire comprendre
certains détails des dispositions recommandées par ce livre.
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Pour avoir de l'influence sur vos garçons, il vous faut être un ami d'en avoir huit comme noyau de votre troupe. Choisissez les meilleurs
pour eux. Mais ne vous pressez pas trop de vous mettre sur ce pied-là, de vos garçons comme chefs de vos différentes patrouilles, et donnez-
laissez-les d'abord surmonter leur timidité. leur une instruction spéciale sur les travaux et les devoirs de l'Éclaireur.
Dans son Livre de l'enfant, M. How résume par le récit suivant la La clé du succès, c'est de diviser votre troupe en patrouilles per-
manière de s'y prendre : manentes de six ou huit, et de traiter ces patrouilles comme des unités
"En passant par une rue sombre, un homme voyait tous les jours distinctes ayant chacune son chef responsable.
un petit garçon à la figure grimaçante, aux membres étiolés, qui jouait La troupe d'Éclaireurs ne doit pas contenir plus de trente ou qua-
au bord du trottoir avec une pelure de banane. L'homme lui fit signe. rante garçons, sans quoi il faudrait, pour donner à chacun l'attention
L'enfant s'enfuit terrifié. Le lendemain de nouveau, l'homme fit signe à individuelle qui est requise, un chef qui fût plus qu'un homme.
l'enfant, et celui-ci ayant décidé en lui-même qu'il n'y avait pas de quoi
Par l'émulation et la compétition entre les patrouilles vous pou-
avoir peur, cracha du côté de l'homme. Le jour après, le petit ne fit rien
vez produire un esprit de patrouille, qui est éminemment satis- faisant :
que le regarder fixement. Le quatrième jour, il cria : « Hi ! » au moment
où l'homme passait. Puis le moment vint où le gamin sourit en échange il élève le ton des garçons et les rend plus aptes de toute manière.
du salut qu'il attendait maintenant. Enfin le triomphe fut complet : le gar- Les premières éditions de ce livre n'ont peut-être pas assez mis
çon, tout menu, attendit l'homme au coin de la rue et saisit dans sa pe- en lumière la valeur du système des patrouilles et de la Cour d'Hon-
tite main sale les doigts de son ami. C'était une rue funèbre, mais ce fut neur pour la formation des jeunes garçons.
un des points lumineux de toute la vie de cet homme. » Mais les chefs en ont petit à petit saisi la portée et ils en ont dé-
veloppé l'usage dans leurs troupes. C'est là le trait caractéristique par
Comment commencer lequel l'éducation que nous donnons diffère essentielle- ment de celle
de toutes les autres organisations. Quand le système est bien appli-
Le premier pas, généralement, c'est de réunir un certain nombre qué, on est absolument certain d'aboutir à un succès. On n'y peut rien !
de garçons, de les faire jouer, de leur parler de scoutisme, de les en- La patrouille est l'unité scoute, pour le travail et pour le jeu, pour la dis-
thousiasmer pour les Éclaireurs, avant de leur proposer formellement cipline et pour le devoir.
de former un groupe. Une chose inappréciable dans l'éducation du caractère, c'est d'en
Ensuite former un comité de parents, de pasteurs, de gens dont faire reposer la responsabilité sur l'individu. C'est ce que vous obtenez
l'influence pourra être utile pour appuyer le groupe. immédiatement en nommant un chef de patrouille comme chef respon-
Réunir des fonds pour le groupe; la somme à trouver dépendra du sable de sa patrouille. C'est à lui à prendre en main et à développer les
fait que vous aurez ou non à louer un local. Mais dans tous les cas il qualités de chacun des garçons de sa patrouille. Ainsi énoncée, la tâ-
vous faudra de l'argent pour l'équipement; il faudra aussi aider quel- che est grande, mais en pratique ça joue. Grâce à l'émulation qui s'éta-
ques-uns des garçons pour leurs dépenses de camp. blit entre les différentes patrouilles, un esprit de corps de patrouille se
Autant que possible, les Éclaireurs doivent se procurer eux- mê- développe, et chacun des garçons, dans la patrouille, sent qu'il est lui-
mes leur uniforme. Quand cela ne se peut pas, le chef peut parfois pro- même une unité responsable et que l'honneur de son groupe dépend
curer à l'Éclaireurs son costume et le lui faire payer par versements jusqu'à un certain point de la manière dont il se montrera capable de
mensuels. D'autres fois il achète l'équipement et lui en demande un prix s'acquitter de sa tâche.
de location en gardant le droit de réclamer l'uniforme si le garçon ne
s'en montre pas digne. Les cotisations hebdomadaires des garçons Cour d'Honneur
devraient couvrir le loyer du local.

Patrouilles Les chefs de patrouilles forment la Cour d'Honneur qui s'occupe


des affaires intérieures de la troupe. Cette institution est la meilleure
Le sûr moyen d'échouer dans vos efforts, c'est de commencer garantie de la vitalité durable et du succès d'une troupe.
avec un trop grand nombre de garçons. Je vous recommanderais
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Elle débarrasse le chef de beaucoup de petites besognes routinières, vagabonder et ils en ont vite assez, parce qu'ils n'ont pas encore appris
et en même temps, elle donne aux garçons une véritable responsabilité l'art de ramener leur esprit là où ils veulent qu'il soit et à l'y maintenir.
et une vue sérieuse des affaires de la troupe. C'est surtout grâce aux Mettre l'esprit à la disposition de la volonté est un des points les plus
chefs de patrouille et aux Cours d'Honneur, que beaucoup de nos trou- importants de l'éducation intérieure.
pes ont pu continuer à vivre et à faire œuvre utile pendant la guerre, Il est bon de penser d'avance chaque jour à ce que vous voulez
quand même les instructeurs étaient partis pour, servir leur pays. dire à votre sujet — puis amenez-le peu à peu quand l'occasion se pré-
Il est nécessaire d'avoir une réunion régulière qui groupe les re- sentera — au bivouac, ou bien entre les jeux et dans les moments de
présentants des Louveteaux, des Eclaireurs et des Routiers. Cela as- loisir, non pas dans un long discours préparé.
sure leur collaboration et rend de grands services quand il s'agit d'arrê- C'est dans ce but qu'on a trouvé ici chacune des causeries cou-
ter les lignes générales d'une activité d'ensemble. C'est ce que nous pée en paragraphes.
appelons le Conseil de Groupe. Intercalez souvent des démonstrations pratiques et des exercices
entre les fragments de causeries, de façon à retenir l'attention des gar-
Toujours prêt çons et à faire pénétrer votre théorie.
Chaque chef a pleine liberté pour instruire ses garçons à sa ma-
Si vous entreprenez cette éducation, la condition essentielle, c'est nière. Les insignes professionnels permettent de varier utile- ment, et
de vous mettre à la place du jeune garçon et de regarder les choses de presque à l'infini, cette éducation; bien des chefs ne se croient pas ca-
son point de vue: présentez-lui votre sujet sous l'aspect sous lequel il pables de donner des enseignements aussi divers, mais ils pourront
peut avoir plaisir à le voir, et arrivez ainsi à ce que l'enfant s'instruise lui généralement obtenir les services occasionnels d'un ami.
-même, sans que vous ayez à faire pénétrer dans sa tête à coups de Beaucoup de chefs aussi spécialisent leurs troupes ou leurs pa-
marteau ce que vous désirez y voir entrer. Rappelez-vous ensuite que trouilles : l'un aura un corps de pompiers, ou une équipe de matelots;
votre propre caractère ne tardera pas à se réfléchir dans celui de vos des patrouilles seront composées de signaleurs, de télégraphistes, ou
garçons. Si vous êtes impatient, eux aussi le deviendront, et tout ira de d'ambulanciers, etc.
travers.
Mais en enseignant ces vertus, vous ne tarderez pas à remar- Insignes de capacité
quer (à moins que vous ne soyez un ange tout fait) que vous les acqué-
rez vous-même.
Ils visent à développer les goûts des garçons pour des passe-
Soyez au début toujours prêt à des désappointements ; vous les temps ou des activités manuelles qui leur procureront peut-être un jour
verrez fréquemment du reste compensés et au delà par des succès un gagne-pain et ne les laisseront pas se lancer dans le monde sans
inattendus. ambitions et sans appui.
D'avance soyez préparé au manque de concentration d'esprit En outre, ils nous mettent entre les mains le moyen d'encoura-
dont vos garçons feront preuve. Si vous organisez votre enseigne- ger les garçons peu doués ou retardés, — à condition que le chef appli-
ment d'après cela, vous n'aurez, je le crois, que très peu de désap- que notre norme dans l'appréciation des capacités : ce qui compte, ce
pointements. Ne vous attendez pas à ce que vos hommes prêtent bien n'est pas tant la qualité des connaissances ou de l'habileté, que la som-
longtemps une grande attention à un sujet quel qu'il soit — jusqu'à ce me d'efforts mise à acquérir ces connaissances ou cette habileté.
que vous leur ayez appris à le faire. Il faut aller à leur rencontre, et ne
Un chef intelligent, qui a étudié la psychologie de ses garçons,
pas leur demander de faire de trop fortes étapes. Une bonne gorgée,
pourra de cette façon donner un précieux encouragement à un garçon
courte et agréable d'une chose, puis d'une autre, en prolongeant peu à
des slums par un handicap qui lui accordera une forte avance sur son
peu les gorgées, jusqu'à ce qu'ils sachent boire à longs traits.
camarade plus avantagé. Il pourra aussi aider une ou deux fois un gar-
Une conférence en règle sur un sujet dont vous voudriez faire çon peu doué ou qui se défie de lui-même, de manière à le pousser à
l'objet d'exercices, tout de suite les ennuie, leur esprit se met à intensifier son effort.
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Importance d'un local qui puisse s'empiler dans un coin, des chaises pliantes, par exemple,
de petites tables, une armoire où cacher les livres ou les jeux, quand le
La moitié de la besogne est faite quand on a obtenu qu’une moment du vacarme arrive.
chambre soit prêtée aux Éclaireurs certains soirs de la semaine, ou Le club idéal est composé de deux chambres : l'une pour les
quand on a pu en louer une qui leur serve de local, de club. Cela vaut jeux tranquilles, la conversation, la lecture, l'autre pour les exercices
la peine, même s'il s'agit d'un village qui n'a qu'une seule patrouille. bruyants, la gymnastique, etc.
Il faut que cette chambre soit bien éclairée, bien aérée, et qu'on Les jeunes gens paieront naturellement une cotisation pour la
ne risque pas de s'y ennuyer. Des images représentant des tableaux location, l'éclairage, le mobilier. Les grandes dépenses devront être
de genre (non pas des paysages ou de vieux portraits) aideront à la couvertes par le produit d'un effort commun : jardinage, fabrication de
rendre attrayante. jouets, représentations, bazars, etc. Quelques sous par semaine, tou-
En hiver un feu clair. jours payés d'avance, seront en général une cotisation suffisante.
Des livres et des revues illustrées intéressantes. On organisera une caisse d'épargne pour encourager les gar-
çons A mettre de côté de quoi payer les sorties, et aussi pour leur faire
Tout ça s'obtient sans trop de peine, des amis fournissant pour
prendre l'habitude de l'épargne.
commencer les meubles, les jeux, etc.; les Éclaireurs eux-mêmes se
chargeront de tenir la pièce propre, de la décorer et d'en compléter L'uniforme — c'est la moitié de sa raison d'être — doit pousser
l'ameublement. les garçons à trouver du travail et à gagner ainsi de quoi se le payer; si
vous voulez leur apprendre à gagner leur vie plus tard, il y a là un pre-
On fera observer dans le local la discipline et le bon ordre ; on
mier pas important.
insistera sur la propreté; les chefs de patrouille étant rendus res-
ponsables, et chaque patrouille se chargeant à son tour de l'ordre et de
la propreté pendant une semaine. Représentations
Si l'on dispose d'un bout de terrain, fût-ce un terrain vague ou une
arrière-cour, tant mieux. Il faut un endroit où les Éclaireurs puissent bâ- Les jeunes garçons ont de l'imagination, ils aiment les fictions
tir des huttes, faire des feux, jouer à la balle, cultiver des jardins, étu- beaucoup plus qu'ils ne veulent en convenir.
dier des empreintes, etc. Vous n'avez qu'à vous montrer à la hauteur, et à lâcher les bri-
Autant que possible laissez les jeunes garçons eux-mêmes me- des à votre imagination pour satisfaire la leur. Mais il vous faudra trai-
ner les affaires du club. Tenez-vous au second plan et laissez- leur fai- ter le plus sérieusement du monde tous les menus incidents qui surgi-
re des fautes d'abord pour qu'ils apprennent à se sentir responsables. ront; si vous vous mettez à rire, vos garçons verront bien vite que tout
Aux Etats-Unis, de petits clubs de jeunes garçons s’administrant est une farce et la foi les abandonnera pour ne plus revenir.
eux-mêmes, sont devenus très fréquents dans les villes et dans les vil- Par exemple quand vous enseignerez à vos patrouilles à imiter le
lages. Et les commissions scolaires les aident en leur accordant le soir cri de leur animal totem, la situation frisera le ridicule, mais si le chef
l'usage des classes dans les bâtiments d'école. Cela ne serait pas diffi- reste tout à fait grave, ses garçons s'y mettront avec la conviction que
cile à obtenir, chez nous aussi. « c'est comme ça » — et, une fois qu'ils en sont là, le cri devient féti-
Mais si vous pouvez avoir votre local à vous, si petit soit-il, cela che, un symbole de « l'esprit de corps » des membres de la patrouille.
donne davantage aux garçons le sentiment de la propriété et de la res- Pour que vos garçons donnent tout ce qu'ils peuvent donner, il
ponsabilité, en particulier s'ils ont pu mettre la main à l'ameublement et faut que vous voyiez les choses avec leurs yeux : le verger sera la fo-
à la décoration. rêt avec des bandits cachés dans les fourrés, la crique où vous pé-
Un local d'Éclaireurs ne sera pas joli comme un boudoir de dame; chez sera la côte d'Afrique avec les pirates de Barbarie..., jus- qu'au
il faut que les garçons puissent à l'occasion y faire du train, y jouer à la pré au centre du village qui pourra être la grande prairie remplie de
balle ou à la chasse à l'ours. II faut donc un mobilier buffles et de Peaux-Rouges, et à la ruelle étroite que votre imagination
transformera en gorge de montagne abritant des brigands et des ours.
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Une fois engagés dans cette voie, vous verrez combien est mortel cipliné, et vous n'arriverez à discipliner la masse qu’en disciplinant l'in-
l'exercice routinier que le chef dépourvu d'imagination fait faire et refai- dividu. J'entends par discipline, l'obéissance patiente à l'autorité et aux
re à ses hommes, et de combien de choses on néglige ainsi de tirer autres représentants du devoir.
parti. On n'y atteint point par des mesures répressives, mais par des
Réfléchissez à ce que vous désirez enseigner à vos garçons, puis encouragements, en enseignant au jeune homme la discipline de soi-
imaginez des jeux qui leur permettent de s'y exercer. même d'abord, puis le sacrifice de soi et de ses plaisirs égoïstes pour
Bacon dit que les représentations dramatiques sont un des meil- le bien des autres. Cette éducation se fait surtout par le moyen de
leurs moyens d'élever les enfants, et il est permis de croire qu'il n'a pas l'exemple, montrant au jeune homme qu'on attend de lui cette conduite.
tort. Elles développent non seulement la faculté d'imitation qu'ils possè- Voilà votre œuvre.
dent naturellement, mais leur esprit aussi et leur fantaisie, et tout cela On n'obtient pas la discipline en punissant un enfant pour une
contribue au développement du caractère. En même temps, des leçons mauvaise habitude qu'il a, mais en y substituant une occupation meil-
d'histoire et de morale s'impriment ainsi en eux, bien mieux que par les leure qui absorbera son attention et l'amènera peu à peu à oublier et à
prédications d'un maître. abandonner l'ancienne.
Les cortèges historiques, si fort à la mode actuellement, pro- cè- Santé
dent d'une idée éducative excellente. Ils enseignent aux jeunes et aux
vieux, pour le reste de leur vie, quelque chose de l'histoire de leurs Le misérable état de santé de notre peuple a été manifesté par la
aïeux et de leur ville; ils apprennent à oublier les différences de classe grande proportion des hommes appelés au service pendant la guerre,
et à faire quelque chose pour le public sans en attendre de rémunéra- qui ont dû être renvoyés. Pourtant une grande partie de ces renvois
tion. étaient dus à des causes qui auraient pu être évitées. Ces hommes ne
Quand les représentations atteignent un certain degré de per- s'étaient jamais fortifiés physiquement par des jeux, etc. ; on ne leur
fection, on peut s'en servir comme d'un moyen pour recueillir des avait jamais appris que la machine humaine demande autant de soin
fonds. qu'une locomotive de la part de celui qui s'en sert. Ce sont là des cho-
Les responsabilités des aînés ses que nous pouvons enseigner à nos garçons et que nous devrions
leur apprendre, non pas seulement pour en faire de meilleurs soldats,
Une grande chose dans notre programme, c'est la responsabilité mais pour les rendre aptes à faire pour eux-mêmes de meilleur travail
déléguée aux chefs de patrouille. et à mieux profiter de la vie. La grande chose, c'est qu'ils se rendent
Ayez, si possible, un bon « assistant » pour assurer la suite dans compte que la santé n'est pas une affaire de chance, mais qu'ils en ont
l'instruction, si vous deviez vous-même être empêché, et pour vous la responsabilité
soulager des menus détails administratifs. Pureté
Montrez une entière confiance à votre Cour d'Honneur et à Vos
chefs de patrouille et rendez-les responsables de leurs garçons. Atten- J'ai touché dans ce livre à beaucoup de chapitres importants de
dez beaucoup d'eux et vous obtiendrez beaucoup. l'éducation du jeune garçon, mais il n'y en a pas sans doute de plus
Telle est la clé du succès dans l'éducation des Éclaireurs. important que celui de la pureté.
Développez l'esprit de corps et une rivalité amicale entre les pa- L'éducation du jeune garçon serait bien incomplète, si elle ne ren-
trouilles, vous obtiendrez tout de suite sur toute la ligne de bons résul- fermait pas une explication claire et une instruction franche de ces ma-
tats. N'essayez pas de tout faire vous-même; sinon vos garçons ne se- tières.
ront plus que des spectateurs, et ce ne sera pas ça. Le mystère prude dans lequel nous en sommes venus à enve-
Discipline lopper cette question, quand il s'agit de la jeunesse des deux sexes, fait
Insistez sur la discipline, sur l'obéissance stricte et rapide dans un mal incalculable. Le soin même que nous prenons de tout cacher au
les petits détails. Ne laissez vos garçons faire du bruit qu'avec votre jeune garçon le pousse à conduire, lui aussi, ses recherches dans le
permission, et ne manquez pas d'accorder celle-ci de temps à autre. secret, c'est-à-dire de façon à en souffrir.
Pour être puissant et prospère, un peuple doit être bien dis-
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Je n'ai jamais rencontré un jeune homme qui ne se soit pas bien Militarisme
trouvé d'entendre sur ce sujet un exposé franc et complet. Mais j'aime-
rais que tous les chefs Eclaireurs comprennent que cela ne peut être Bien des idées énoncées dans les premières éditions de ce livre
fait sans danger que par quelqu'un qui connaît le sujet à fond et qui ont été critiquées à diverses reprises; aucune, peut-être, ne l'a été da-
sympathise pleinement avec les difficultés et les aspirations des gar- vantage que le paragraphe qui vient. Mais avec l'expérience de la guer-
çons. re pour me guider, je le laisse exactement comme il était.
J'ai traité cette question avec plus de détails dans mon livre pour Le nom d'« Éclaireurs » n'a pas de signification militaire. Savoir se
les Routiers. tirer d'affaire et ne compter que sur soi sont des attributs de beaucoup
Epargne d'éclaireurs pacifiques aux frontières de notre civilisation. Ce sont là par
excellence les qualités qui font les hommes. Nous n'avons pas l'inten-
La misère chez nous est due en grande partie à ce que les gens tion de faire de nos garçons des soldats, ni de les assoiffer de sang.
n'ont pas l'habitude d'épargner. Avant de chercher des remèdes nou- Sans doute en leur parlant de patriotisme, on leur enseigne qu'un ci-
veaux, nos réformateurs sociaux feraient bien de mettre ce problème-là toyen doit être prêt à faire sa part pour défendre son pays contre des
au premier rang de leurs préoccupations. Si l'on épargnait, il resterait agresseurs. C'est un devoir que la sécurité et la liberté dont il jouit dans
probablement peu de chose à faire. cette patrie lui imposent. Celui qui se retire en laissant à d'autres le soin
Il y a assez d'argent chez nous pour que nous puissions tourner, de s'acquitter de ce devoir joue un rôle qui n'a rien de courageux ni de
si tous les travailleurs savaient s'en servir convenablement. Dans cer- noble.
tains endroits, où l'on sait épargner, les hommes mettent leur paie de Je n'ai jamais rencontré un homme qui ait vu la guerre dans un
côté, achètent leurs maisons et deviennent des citoyens prospères et pays civilisé et qui soit resté ce qu'on appelle un antimilitariste. Il sait
contents, menant à leur foyer une vie heureuse. Cela pourrait se géné- trop bien les suites horribles et cruelles de la guerre; tant que les na-
raliser beaucoup. tions ne se seront pas mises d'accord pour désarmer, il se gardera d'at-
Comme on l'a fait remarquer, il y a peu de chances qu'on par- tirer chez lui l'ennemi en laissant son pays à la merci d'autrui et en né-
vienne vraiment à aider l'ouvrier tant qu'il ne s'aidera pas lui- même en gligeant de le défendre. Vous pourriez aussi bien, avant d'avoir appris à
prenant conscience de ses devoirs de citoyen et de chef de famille, tant la masse à ne pas voler, abolir la police pour supprimer le crime.
qu'il donnera ce qu'il gagne au pari mutuel ou au cafetier au lieu de Le terme d'antimilitarisme prête facilement à confusion. La plupart
l'apporter à sa femme ou à la Caisse d'épargne. d'entre nous sommes opposés au militarisme, au gouverne- ment par
La Grande-Bretagne a un dépôt moyen à la Caisse d'épargne de des méthodes militaires en vue de buts militaires; mais il y en a peu
4 livres par habitant; d'autres pays en ont beaucoup plus; le Danemark parmi nous qui (surtout à la lumière de la guerre) soient antimilitaires,
est en tête avec 19 livres en moyenne par habitant. opposés à ce que Ton exerce des hommes pour la défense du pays.
Si la génération qui vient apprenait à économiser, cela ferait Et tout homme qui a un cœur battant dans sa poitrine est paci-
1
bientôt une grande différence dans le caractère et la prospérité de no- fiste , ennemi de la guerre.
tre peuple. C'est pour cela que nous avons institué des tirelires d'Éclai- L'éducation des Éclaireurs est nettement pour la paix.
reurs.
Exercices
Objections
Des instructeurs — non pas des garçons — m'ont souvent de-
Si vous nous aidez à répandre notre programme, vous rencon- mandé de faire la part plus grande à l'exercice dans la forma- tion des
trerez certainement des objections comme celles-ci : militarisme, ab- Éclaireurs. Mais, après trente-quatre ans d'expérience et tout en recon-
sence d'éducation religieuse, trop peu d'exercices, bêtise des représen- naissant la valeur disciplinaire, j'en vois très claire- ment aussi les dan-
tations et des danses guerrières. gers. Les voici :
J'ai déjà répondu à la plupart de ces objections. Je veux pour-
1
tant encore en dire deux mots. Anti-war.

280 281
1. L'exercice militaire fournit à un mauvais officier dépourvu d'ima- On peut et doit enseigner la religion au jeune garçon, mais non
gination de quoi occuper ses hommes. Il ne se demandera pas ce que pas en y mettant du sucre, et pas non plus de façon mystérieuse et lu-
ça leur dit, ni si cela leur fait du bien. Pour lui, cela lui épargne beau- gubre. II est très disposé à la recevoir, si on lui en montre l'aspect hé-
coup de peine. roïque, si on lui fait voir en elle un attribut journalier de tout homme di-
2. L'exercice militaire tend à détruire l'individualité; au con- traire, gne de ce nom, et on la présentera fort bien à de jeunes garçons en
nous désirons développer le caractère. Et quand l'exercice a perdu sa partant de l'étude de la nature. Les œuvres de Dieu sont un fort bon
nouveauté, il assomme les garçons, qui brûleraient de se lancer dans sujet pour une causerie du dimanche; il y a là un excellent contrepoison
quelque entreprise. L'exercice émousse son entrain. Sur cent membres à ces promenades oisives du dimanche qui, à présent, font tant de ra-
d'un corps de cadets, il n'y en a pas dix qui entrent dans J'armée et y vages parmi les jeunes gens et les jeunes filles. Il y a plusieurs écoles
fassent carrière. Nous voulons faire de nos garçons des hommes de du dimanche qui, de cette façon-là, ont fait rentrer le programme des
plein air, non pas des soldats pour rire. Eclaireurs dans le leur propre, et avec les meilleurs résultats. Une ins-
C'est pour cela que Je n'aimerais pas que l'on introduisît dans les truction religieuse n'est pas nécessairement sombre. Arthur Benson dit
exercices des Eclaireurs davantage de drill routinier et insipide. Mais qu'il y a quatre vertus chrétiennes : la foi, l'espérance, la charité et la
d'autre part, je tiens qu'une certaine quantité d'exercice est nécessaire, bonne humeur. De même on lit dans la prière du matin de Stevenson :
notamment dans une troupe nouvelle ou pour de nouvelles recrues, « Le jour revient, et il apporte avec lui son menu bagage de soucis et
afin d'enseigner aux garçons à se tenir convenablement et à se mou- de devoirs irritants. Aide-nous à jouer notre rôle d'homme, — aide-nous
voir rapidement et avec ensemble quand il le faut. à remplir nos devoirs en souriant et avec des visages aimables. Que la
Le drill, après tout, n'est pas un monopole de l'armée, de la mari- bonne humeur vienne agrémenter notre savoir-faire. Donne-nous de
ne, ou de l'aviation militaire. La vie civile et l'industrie y recourent sous vaquer contents à nos affaires durant toute cette journée. Que ce soir
des formes diverses pour enseigner à un homme à faire bien et avec nous gagnions nos lits de repos fatigués et satisfaits, sans avoir rien
ordre ce qu'il a à faire. perdu de notre honneur, — et accorde-nous, pour finir, le don du som-
meil.»
Religion Les déclarations suivantes du Conseil Suprême des Éclaireurs
résument ce qui a été la ligne de conduite du scoutisme dès ses origi-
Une organisation comme la nôtre manquerait son but, si elle ne nes en matière d'observances religieuses ; elles ont été approuvées en
donnait pas à ses membres une connaissance de la religion — mais en Angleterre par les autorités religieuses de toutes les principales confes-
général on se trompe sur la manière de faire. Si l'on traitait davantage sions.
la religion comme une chose de la vie quotidienne, elle n'y perdrait rien 1. On attend de chaque Éclaireur qu'il se rattache à une confes-
de sa dignité et elle y gagnerait de l'emprise sur les hommes. C'est à sion religieuse et qu'il en suive les cultes.
dessein que nous n'avons parlé de l'observation des pratiques religieu-
2. Là où une troupe est composée de membres d'une dénomi-
ses qu'en termes généraux : nous tenions à laisser les mains libres aux
nation religieuse particulière, on compte que l'instructeur prendra, en
organisations et aux individus qui voudront faire usage de ce livre; ils
accord avec le chapelain ou toute autre autorité religieuse, les mesures
pourront en cette matière donner eux-mêmes leurs instructions. Dans
qu'il estimera les meilleures en matière de services et d'instruction reli-
notre association, qui comprend des garçons de toutes croyances,
nous n'aurions pu donner des règles précises, même si nous l'avions gieuse.
voulu. 3. Quand une troupe est composée d'Éclaireurs appartenant à
Charles Steltzle, dans un livre intitulé : Les garçons des rues. différentes confessions, on les encouragera à suivre chacun les cultes
Comment les gagner ? écrit : « Nous sommes parfois si préoccupés de de sa dénomination et l'on n'organisera pas de services en commun.
mettre assez de religion dans nos plans de travail en faveur des gar- Pendant les camps la prière quotidienne ou le culte hebdomadaire de
çons, que nous oublions de faire dans ces plans la place assez grande ces troupes seront le plus simple possible; chacun sera libre d'y assis-
au garçon lui-même.» ter ou non.

282 283
4. Là où les règles religieuses ne permettent pas à un scout d'as- porté à la campagne, dès que le sentiment de la nouveauté sera éva-
sister à des services religieux d'une Eglise qui n'est pas la sienne, les noui, s'ennuiera; il aspirera à revoir des cinémas et des devantures de
chefs veilleront à ce que, tant que l'Eclaireur est sous leurs ordres, ces magasins.
règles soient strictement observées. Mais quand il aura appris à goûter les plaisirs matériels de la vie
Plusieurs troupes ont trouvé que des services spéciaux, réservés de camp, tels que nous venons de les énumérer, et qu'on lui aura aussi
aux Éclaireurs, étaient très utiles et très appréciés. ouvert les yeux aux merveilles de la Nature, il sera bientôt redevenu le
petit homme des bois qu'il nous faut.
Camps Il faut donc lui présenter les cris et les mœurs des oiseaux et des
bêtes, les merveilles des étoiles, la beauté des fleurs, des montagnes
Le camp, c'est par excellence ce dont les garçons se réjouissent, et des couchers de soleil, l'admirable détail du mécanisme de tous les
et pour le chef c'est une occasion sans pareille. organismes vivants : plantes, mammifères, insectes, reptiles, reproduit
Les camps nombreux sont, du point de vue de l'éducation des à des millions d'exémplaires dans tous les spécimens de la même es-
Éclaireurs, une mauvaise chose. Plusieurs petits camps sont pré féra- pèce.
bles à un grand; chaque patrouille devrait camper comme une unité
On cultivera ainsi dans le garçon l'observation minutieuse, un
distincte de ses voisines.
sens nouveau de la Nature qu'il aura appris à aimer, des connais-
Il ne faut jamais permettre aux exercices de nuit de se prolonger
sances biologiques, une vue intelligente et juste de la fonction sexuelle,
la nuit entière. Il faut les terminer ponctuellement à 11 h. 1/2 de maniè-
re à ne pas faire veiller inutilement les garçons. Les novices seront, de l'intelligence de Dieu le Créateur.
nuit, placés deux par deux jusqu'à ce qu'ils soient accoutumés à l'obs- Cette étude de la Nature ne se limitera pas nécessairement au
curité. camp ou à la campagne.
Le pillage d'un camp adverse, en emportant tout ce qu'il con tient, Il n'y a pas bien longtemps, il m'est arrivé de dire que l'on peut
ne doit jamais être permis. Cela ne sert qu'à créer de mauvais senti- trouver Dieu dans un pied de mouton; j'ai constaté depuis que j'avais
ments. plagié un dicton japonais : « On peut trouver Dieu dans la tête d'un ha-
Les longues marches (10 kilomètres et plus) sont mauvaises. reng. » J'entends que, même en dehors des beautés de la Nature telles
C'est une erreur de croire qu'elles rendent endurant. II est bien plus que nous les trouvons dans les solitudes, on peut disséquer, mettons
important de bien nourrir un garçon et, en développant ses forces, de un pied de mouton ou une tête de hareng, et découvrir les mécanismes
jeter les bases de l'endurance dont il fera preuve plus tard. merveilleux qui, dans ce spécimen, en représentent des millions
L'instructeur préparera d'avance pour chaque jour le programme d'exactement pareils, ou examiner une mouche à viande au microsco-
de ce qu'il se propose de faire. Rien n'est pire pour des garçons, du pe, ou des empreintes digitales (il n'y en a pas deux de strictement
point de vue intellectuel et du point de vue pratique, que de les emme- semblables), ou l'œil humain et la façon dont il transmet des impres-
ner à la campagne, puis de traîner en se demandant ce qu'on va faire. sions de choses tangibles à une pensée intangible d'où la volonté in-
Le camp ne manquera pas de parler au garçon, par sa vie en tangible produira des actions tangibles. .
plein air avec son parfum sauvage, ses expériences culinaires impro- Tout cela, ce sont des étapes importantes dans l'étude de la Na-
visées, ses jeux de forêt ou dans les dunes, les pistes, les reconnais- ture. La dissection d'une fleur montrant comment les étamines mâles
sances, le travail de pionnier, ses petites épreuves et ses gais feux de fertilisent le pistil femelle et produisent une semence qui, après une pé-
camp. riode d'incubation, se développe en plante vivante, tout comme par une
Nature loi semblable de la Nature l'oiseau pond un œuf fécondé qui, après l'in-
cubation requise, fait éclore un poussin. Et les opérations parallèles se
Ce qui fait surtout la valeur d'un camp, c'est l'occasion qu'il fournit suivent dans le règne animal avec le même ordre.
de mettre les garçons en face de la Nature. Le résultat naturel, c'est l'explication par des voies rationnelles
Elle les captivera à peu près tous, dès qu'on leur en aura fait
comprendre la beauté. En règle générale le gamin des villes, trans-
284 285
de cette question des sexes qui est si souvent embarrassante à traiter. CONCLUSION
Nous sommes sur la terre de Dieu; ces processus naturels se
poursuivent autour de nous et parmi nous, — et, en vertu de lois d'éti- Tout notre plan vise à prendre le caractère du jeune garçon
quette et de convention forgées par les hommes, il n'est pas permis quand il est ardent d'enthousiasme et à lui donner une forme convena-
d'en faire mention : ce n'est « pas convenable ». ble en encourageant le développement de son individualité. Ainsi le jeu-
La conséquence, c'est que des milliers de jeunes vies font nau- ne garçon deviendra un homme de bien, un citoyen précieux à son
frage chaque année par pure ignorance. Un mot dit au bon moment pays. Ce faisant, nous pouvons espérer faire œuvre utile en accroissant
aurait pu les sauver. les forces physiques et morales de notre patrie.
Ce sont ces habitudes cachottières qui provoquent la curiosité et Mais en développant des aspirations nationales on court toujours
qui faussent les impressions des jeunes. Si leurs aînés leur par- laient le danger de devenir étroit et jaloux des autres peuples. Si nous n'évi-
franchement et honnêtement en tenant compte de l'âge des garçons et tons pas ce danger, nous provoquerons le mal même que nous avons à
de leur compréhension, il y aurait aujourd'hui bien moins de péchés cœur de conjurer.
secrets et de maladies vénériennes. Heureusement, dans le mouvement des Éclaireurs, nous avons
des frères scouts organisés dans presque tous les pays civilisés et
Préparation des chefs nous avons déjà formé un noyau tangible de fraternité internationale
complété par le développement élargi de l'effort coopératif de nos
il est aujourd'hui reconnu que pour faire un bon chef il faut plus sœurs les Guides ou Éclaireuses.
que la pratique même du scoutisme telle qu'un chef l'acquiert avec ses Dans tous les pays le but de l'éducation est le même : rendre plus
garçons. C'est son devoir d'acquérir autant d'expérience et de savoir apte à servir autrui. Avec un pareil but en commun, nous pouvons,
qu'il le peut, mais en veillant toujours à ce que ses garçons ne souffrent comme une fraternité internationale du service, aller de l'avant et faire
pas des expériences qu'il fait. un travail de grande portée.
Il devra tout d'abord s'adresser à son Commissaire pour lui de- Par l'éducation que nous donnons au jeune garçon, nous déve-
mander aide et information. Il verra qu'il a à sa disposition bien des ma- loppons l'esprit de l'individu et en même temps ses aptitudes, pour en
nières de se préparer. Plus tard, il pourra profiter des cours de district. faire un bon joueur dans l'équipe nationale de ses concitoyens. En ap-
pliquant le même principe à notre peuple, nous devons nous efforcer de
L'épreuve du succès développer en lui l'esprit et les aptitudes qui le mettront à même de
coopérer avec succès dans l'équipe avec les autres peuples.
Il n'y a pour un chef qu'une manière de savoir s'il a réussi ou Ainsi, si chacun joue à sa place, et tient son rôle, il y aura dans le
échoué dans son effort. Est-ce que les garçons dont il s'occupe sont monde accroissement de prospérité et de bonheur, et il se réalisera en-
devenus de meilleurs citoyens du fait de l'éducation qu'il leur a don- fin, cet état attendu et désiré depuis si longtemps : la Paix et la Bonne
née? Il ne suffit pas qu'ils soient exacts dans les exercices, bons cam- Volonté entre les hommes.
peurs, signaleurs habiles ; ce ne sont là que des moyens. Le point qu'il
doit avoir en vue, c'est celui-ci : Atteignent-ils le but? Sont-ils vraiment
des citoyens sains, heureux, utiles ?

286 287
TABLE ANALYTIQUE Fractures, 246. Pain (comment faire du), 110.
Franc jeu, 213. Paniques, 234.
Abattre un arbre (comment), 83. Courtoisie, 209. Pansements, 248.
Gaz délétères. 247. Parades, 201.
Accidents, 234. Cravate, 20. Grand air (vie au), 46. Pas de l'Eclaireur, 201.
Acides (brûlures d'), 244. Cris d'animaux, 154. Gymnastique respiratoire, 22. Patriotisme, 253.
Admission des Eclaireurs, 31. Crises de nerfs, 245. Patrouilles, 51.
Alcool, 189, 190. Croisières, 50, 92. Hameçon dans la peau, 247. Pêche, 164.
Hauteurs (estimation de), 87. Perfectionnement de soi-même, 220.
Alouettes d'Aberdeen, 163. Cuisines en plein air, 95, 107, Hémorragies, 248, Pieds nus, 136.
Animaux, 154. Appendicite, 243. Honneur, 213. Pionniers, 78.
Araignée et mouche, 152. Danse guerrière, 43. Huttes, 81. Pistes, 114.
Arbalètes, 256. Arbres, 169. Débats, 42. Plantes, 169.
Incendies, 235. Poissons, 164.
Argent (Comment en gagner), 224. Décharges électriques, 245. Insectes, 167. Police (aidez la), 257.
Attaques, 243. Déduction, 139. Investiture des Éclaireurs, 31. Ponts, 83.
Démarche, 118. Dents, 177. Jiu-jitsu, 22, 175. Porter un blessé (comment), 250.
Bains, 186. Dépêches, 41. Pourboires, 208.
Kim, 10,41. Programme général, 16.
Baleine (chasse à la), 67. Devoir avant tout, 215. Promesse de l'Eclaireur, 6.
Bateau (construction d'un), 85. Devoir envers Dieu, 221. Lacets de souliers, 105, 225. Propreté, 97, 112, 186.
Boissons, 189. Discipline, 215. 278. Lits de camp, 100. Local, 276.
Bonne humeur, 29, 218. Distances, 60, 87. Drake, 62.. Loi de l'Éclaireur, 6, 28. Reconnaissances, 60.
Louveteaux, 5, 269. Relais (course à), 194.
Boucherie, 111. Drapeaux (jeu des), 153. Lutte des poignets, 179. Religion, 282.
Bougeoirs de camp, 101. Lynch, 215. Représentations, 277.
Boulangerie, 110. Eau potable. 95. Reptiles, 164.
Boussole, 56. • Échelles, 84. Mafeking, 14, Respiration artificielle, 242.
Maladies, 194. Respiration nasale, 176.
Boutons (comment faire des), 225. Économie, 223. Marins, 62. Respiration profonde, 193. Responsabilités
Brûlures, 243. Empoisonnements, 245. Matelas de camp, 106. des aînés, 278.
Brûlures (d'acides), 244. Empoisonnements du sang, 246 Médecine, 194. Routiers, 5, 269.
Empreintes, 126. Mémoire, 229.
Mensurations, 87. Salut de l'Éclaireur, 30.
Campements, 90. Endurance, 21, 173. Microbes, 196. Sans-travail, 264. Santé, 172.
Chance, 227. Épargne, 280. Militarisme, 281. . Sauvetage, 20, 66, 233.
Chants d'Éclaireurs, 33. Épreuves, 26. Montagne (dangers de la), 50. Morse Séchage des vêtements, 104.
Chapeaux, 117.§ Étoiles, 57. (alphabet), 72. Sémaphore, 72.
Morsures de serpents, 248. Serpents, 164, 248.
Charbon dans l'œil, 244. Évaluations, 87. Signaux, 70, 74.
Chaussures, 198. Évanouissements, 246. Natation, 237. Signes», 115.
Chefs, 260, 271. Exercices militaires, 199, 281. Nature (connaissance de la), 18, 147. Sourire, 192.
Chefs de patrouille, 35. Exercices physiques, 174. 180. Nelson, 64. Suicide (tentatives de), 249.
Nez, 175.
Chemineaux (signes de), 132. Explorations, 49. Nœuds, 79. Tabac, 188, 255.
Chevalerie, 19, 203. Fanions de patrouille, 37. Nœuds de cravate, 20. Temps, 55.
Chevaliers de Saint-Jean, 230. Fausses rênes, 157. Nourriture, 197. Ténacité, 217.
Chevaux emballés. 239. Feuillées,96. Feuilles d'arbres, 170. Noyés, 237,242. Tentes. 84. 85, 92.
Nuit (marches de), 52, 122. Tir, 255.
Chevaux (traces de), 129. Feux de parade, 201.
Chien enragé, 240. Feux en plein air, 102. Obéissance, 29, 215. Végétaux, 169.
Citoyen, 254. Civisme, 254. Fidélité, 214. Observer (comment apprendre à),.115. Vêtements, 93,198.
Commandements. 73. Force, 173. Oiseaux, 161. Vipères, 165.
Ongles, 178. Voir sans être vu, 147.
Complaisance, 206. Fourchettes, 101. Oreilles, 176.
Continence, 191. 279. Orientation, 56. Yeux (charbon dans le»), 244.
Corps étrangers, 246. Yeux (soins à donner aux), 176.

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TABLE DES MATIÈRES LA BIBLIOTHÈQUE DE L'ÉCLAIREUR

Pages
Avant-propos du traducteur ...................................................................................... 2 Les ouvrages écrits et illustrés par Lord Baden-Powell
Explications................................ ............................................................................... 4
Promesse de l'Éclaireur ............................................................................................ 6 LA ROUTE DU SUCCÈS (Le livre des Routiers) 3 fr. 50
Loi de l'Éclaireur ....................................................................................................... 6 Tu liras ici que le voyage de la vie est comme une promenade en
CHAPITRE PREMIER : Le métier d'Éclaireur ………………………………………………7 canot et que ton succès dépendra de ton effort personnel et de ton
Premier bivouac : Travaux d'Éclaireurs 9 — II8 bivouac : Résumé du cours habileté à éviter certains récifs dangereux.
d'instruction 16 — IIIe bivouac : Les épreuves. La loi de l'Éclaireur 26 — IV0
bivouac : Uniforme. Chants de guerre. Patrouilles et jeux 33. FRANCHIS L'OBSTACLE 3 fr. 25
CHAPITRE II. En campagne ……………………………………………………………….46
Comment surmonter allègrement les difficultés de la vie?
Ve bivouac : La vie au grand air 46 — VIe bivouac : Éclaireurs de mer 62 — Ce livre faisant suite à la route du succès vous l'apprendra.
VII0 bivouac : Signaux et commandements 68.
LE LIVRE DES ÉCLAIREUSES 3 fr. 50
CHAPITRE III. Au camp…………………………………………………………………….78 Proposer aux jeunes filles, quelle que soit leur situation sociale, une
VIIIe bivouac : Pionniers 78 — IXe bivouac : Campements 100 — Xe bivouac :
La cuisine du camp 107. quantité d'activités saines et gaies en développant le caractère au
moyen de jeux, l'esprit de camaraderie par l'aide apportée au servi-
CHAPITRE IV. L'art de suivre une piste……………………………………………….114 ce public, tel est le but de ce livre.
XIe bivouac: L'observation des «signes» 115 — XIIe bivouac: Empreintes
126—XIIIe bivouac : La lecture des «signes »ou la déduction 139
LE GUIDE DU CHEF ÉCLAIREUR 2 fr. 50
CHAPITRE V. La connaissance des animaux et de la nature ..............................147 L'auteur se propose essentiellement de montrer que toute sa métho-
XIVe bivouac : Voir sans être vu 147 — XVe bivouac : Animaux 154 XVIe bi- de constitue un programme d'éducation fondé avant tout sur la for-
vouac: Plantes 169. mation du caractère et le développement de la santé.
CHAPITRE VI. L'endurance de l'Éclaireur……………………………………………..172
XVIIe bivouac: Comment devenir fort 173 — XVIIIe bivouac : Les habitudes qui LE CARNET DU LOUVETEAU 1 fr.
donnent la santé 186 — XIXe bivouac : Pour prévenir les maladies 194.
LE LIVRE DES LOUVETEAUX 3 fr. 50
CHAPITRE VII. L'esprit de chevalerie…………………………………………………..203 «Tous les garçons, comme les jeunes loups, ont de fameux appé-
XXe bivouac : Le service du prochain 203 — XXIe bivouac : Discipline de soi-
même 212 — XXIIe bivouac : Comment se perfectionner 220.
tits... Ces livres sont un repas offert par un « Vieux loup » à de petits
louveteaux.
CHAPITRE VIII. Sauvetage ……………………………………………………………….230 » Si tous ceux qui s'y attaqueront viennent à bout des os comme de
XXIIIe bivouac : Toujours prêts 230 — XXIVe bivouac : Les accidents 234 — la chair et mangent le gras comme le maigre, je crois que chaque
XXVe bivouac : Aider autrui 241. coup de dent leur vaudra de la force en même temps que du plaisir.
CHAPITRE IX. Patriotisme ……………………………………………………………….253 Bonne chasse ! » B. P.
XXVIe bivouac : Le mouvement international des Éclaireurs 253 — XXVIIe
bivouac : Civisme 254 — XXVIIIe bivouac : L'Union fait la force 258. Prix en francs suisses
CHAPITRE X. Pour les chefs …………………………………………………………….260

DELACHAUX & NIESTLÊ, NEUCHATEL ET PARIS

290
LA BIBLIOTHÈQUE DE L'ÉCLAIREUR LA BI BLIOTHÈQUE DU CHEF DE PATROUILLE

LES MILLE ET UNE ACTIVITÉS DE L'ÉCLAIREUR 3 fr. 25 E. E. REYNOLDS, BADEN-POWELL 5fr., relié 8 fr.
Ces conseils d'un grand frère fourmillent d'exemples et d'anecdotes Cette biographie du fondateur du scoutisme fait ressortir les traits
vécus, puisés dans la vie de tous les jours et dans les nombreuses essentiels de son caractère : ingéniosité, courage, énergie inlassable,
aventures du Chef. esprit de camaraderie, autant de qualités qui firent de lui un chef incom-
parable.
JEUX D'ÉCLAIREURS 3 fr. 25
Ces jeux, tout en procurant joie et santé, seront un moyen d'in- W. HILLCOURT, MANUEL DU CHEF DE PATROUILLE 3 fr. 75
culquer aux jeunes garçons, qui demain seront des hommes, disci- L'organisation de la patrouille, ses séances, ses courses et ses
pline, contrôle de soi-même et habitude du franc-jeu. camps, ses travaux et ses divertissements, on trouvera tout cela
dans cet excellent ouvrage indispensable à l'Eclaireur qui désire pro-
A L'ÉCOLE DE LA VIE broché 4 fr., relié 6 fr. gresser dans la carrière scoute.
Nul ne saurait traverser la vie, pas plus qu'il ne pourrait par- courir la
campagne, sans laisser de traces derrière lui; et il arrive souvent P. IMHOF, MA PATROUILLE 3 fr. 50
que ces traces permettent à d'autres de trouver leur chemin. Ceci n'est pas un exposé théorique du scoutisme, mais bien le résul-
tat tangible d'expériences vécues. L'auteur vous fera participer à la
POUR DEVENIR UN HOMME 3 fr. 25 vie intense de sa Patrouille, dans ses bons et ses mauvais jours.
« Faire des hommes », c'est la raison d'être de ce livre; montrer
comment on peut faire de vrais hommes et comment les « nouilles » E. PORRET, LA BIBLE DANS LA PATROUILLE 3 fr. 75
peuvent se transformer en « hommes » s'ils veulent bien s'en don- La Bible devient ici le centre d'intérêt vers lequel convergent tous les
ner la peine ! éléments d'un programme varié : technique scoute, exercices, jeux,
récits, chants.
AVENTURES AFRICAINES 3 fr. 25
« Consultez la carte, repérez ces pays, et venez donc avec moi... LOUV'A, LA PATROUILLE DES CHATS-HUANTS
en imagination ! A mesure que j'avancerai, je vous décrirai les diffé- 2 fr. 50
rentes régions visitées et vous donnerai quelques détails Un épisode de la Résistance vécu par des scouts. Passionnant com-
sur leurs habitants, et les animaux sauvages ». B.P. me un roman policier.

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Premier contact avec le scoutisme européen après la guerre.

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