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TRENTE

GARÇONS
Pour lancer une troupe d'éclaireurs.. J. SERR et
A. ROLLAND,
Témoins (notes sur l'action religieuse
du chef) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . A.-N. BERTRAND.

AUTRES ÉDITIONS DES E. U. F.

Sois u n chef (notes sur le système des


patrouilles) P. BREITTMAYER.
La F o r m a t i o n d u caractère J. GASTAMBIDE.
La P u r e t é J. GASTAMBIDE.
Le C a r n e t de route (Manuel r o u t i e r ) .
Pistes de jungle (Carnet du louve-
teau)
Camps de louveteaux
F r a n c j e u (jeu louveteau) J. JOUSSELLIN.
Le Coq (Chansonnier scout)
Yaou (Chansonnier louveteau)
Le Coutumier (règles du Mouvement E.U.F.).

TECHNIQUE ÉCLAIREUR

A l'Echelle (Topographie a m a t e u r ) . R. LEDOUX.


Tresses et n œ u d s décoratifs R. LEDOUX.
N œ u d s et Passerelles R. MORLEY.
Les Ponts R. MORLEY.

Sois-Prêt, J o u r n a l bi-mensuel des Eclaireurs Unionistes.


Le Lien, revue mensuelle des chefs Eclaireurs Unionistes.
Jean PELlEGRIN
Commissaire Provincial
des Eclaireurs Unionistes de France

T R E N T E
GARÇONS
UNE PRATIQUE DU MÉTIER

DE CHEF ÉCLAIREUR

3 Edition
refondue
1 9 4 5

ÉCLAIREURS UNIONISTES DE FRANCE


21, rue de la Baume - PARIS ( 8
AVERTISSEMENT

R ÉÉDITER ce livre (1) est u n acte de foi.


E n effet, cinq années de guerre, d'occupation, de
résistance et de victoires ont singulièrement m o d i -
fié nos conditions de vie, p e u t - ê t r e m ê m e ébranlé bien
des fondements sociaux, m o r a u x ou économiques. Dans
cette t o u r m e n t e que sont devenus les adolescents ?
L'éducation scolaire, religieuse et m ê m e familiale, a été
troublée, l ' œ u v r e des M o u v e m e n t s de Jeunesse e n t r a v é e
et la vie publique empoisonnée p a r la haine, les d é n o n -
ciations, la famine et souvent la peur. P r i v é s de la paix,
d u calme et de la continuité nécessaire à toute éducation,
atteints dans leur corps, leur esprit et leur sensibilité les
enfants de F r a n c e doivent, dans les années qui viennent,
connaître une grande détente et a p p r e n d r e à user de la
liberté hors de laquelle il n ' y a pas de réelle croissance.

Le Scoutisme, qui a traversé victorieusement les d e u x


épreuves, peut c o n t r i b u e r u t i l e m e n t à cette grande tâche.
Affirmant que la vie h u m a i n e n ' a pas de sens hors de la
vérité, la droiture et l'esprit désintéressé, il se propose
de former des caractères bien t r e m p é s à l'aide d ' u n e
méthode dont le succès, a u p r è s des garçons comme
auprès des éducateurs à l ' e x t é r i e u r m ê m e d u scoutisme,
manifeste l'efficacité et l'attrait.

Nous le croyons qualifié p o u r aider à la f o r m a t i o n des


hommes conscients dont le p a y s a besoin p o u r r e t r o u v e r
une santé politique et sociale. Une condition est c e p e n -

(1) La première édition date de 1935.


d a n t nécessaire : c'est qu'il soit animé par u n esprit et
dirigé p a r des chefs qui connaissent leur « métier ».

Ce livre r é p o n d à cette double préoccupation.


L'esprit qui l'anime est celui que confessent les chefs
Eclaireurs Unionistes de France, celui de Jésus-Christ,
S e i g n e u r et S a u v e u r du. monde, révélé dans l'Ecriture
Sainte.
F r u i t de t r e n t e années d'expériences et de recherches,
écrites p a r l'un de nos meilleurs chefs, ces lignes s'ef-
forcent d'orienter et de définir l'action des chefs de troupe
et la m é t h o d e qu'ils emploient. Ceux qui y chercheront
des recettes ou des procédés seront déçus. La méthode
scoute n'est pas totalitaire. Elle exige de tous ceux qui
sont placés à la tête de trente garçons un m i n i m u m de
génie inventif et la capacité de synthèse nécessaire à
tout éducateur.

Nous croyons que, dans ces temps de réformes, le


Seigneur appellera beaucoup de jeunes hommes dans
nos rangs. Des milliers de garçons veulent être des
nôtres, mais nous m a n q u o n s de chefs. A tous ceux qui
e n t e n d e n t cet appel nous offrons ce livre p o u r les aider
à p r a t i q u e r u n Scoutisme chrétien.
M. C.

31 août 1945.
POUR UN CHEF !

U'EST-CE que le Scoutisme ? Telle est la question

Q qui se pose à toi a u seuil de ta Troupe, p r é l u d e


de cette a u t r e i n t e r r o g a t i o n plus directe :
« Qu est-ce que ton Scoutisme ? ». Certes, t u as
lu Eclaireurs et les p r i n c i p a u x ouvrages qu'on s'accorde
à j u g e r indispensables à la documentation d ' u n Chef. Il
y a des mois, p e u t - ê t r e des années, que t u sillonnes les
routes à la tête de tes patrouilles. Nulle p a r t t u n'as
t r o u v é toute faite une réponse à m a question. Les livres
d u Chef Scout, comme toute la l i t t é r a t u r e des temps
héroïques, a p p o r t e n t u n magnifique bouquet de sugges-
tions, d'intuitions profondes : n u l l e m e n t une définition,
ou u n e méthode articulée e n ses parties. Toi-même, t u
t'es voulu Chef et t u es allé de l'avant, sans grande
recherche, en Eclaireur.
Il f a u t p o u r t a n t réfléchir, classer des expériences, déga-
ger des grandes lignes. A négliger ce t r a v a i l qui est u n
devoir t u risqueras de te bercer d'illusions, voire de
verser dans l'erreur.
Qu'est donc la « Méthode Eclaireur » ? Qui dit Mé-
thode, dit ensemble d'activités mises en œ u v r e s u i v a n t
certaines règles, dans u n cadre donné.
Tout de suite, u n e mise a u point.
Ce ne sont pas les activités des Eclaireurs qui constituent
à p r o p r e m e n t p a r l e r l'originalité de la méthode. Toute la
g a m m e des jeux, les t r a v a u x manuels, les collections et
m ê m e le C a m p sont de moins en moins l'apanage des seuls
Scouts. Toutes les œ u v r e s de jeunesse actuelles, tous les
M o u v e m e n t s n o u v e a u x leur font la plus large place. Pas
d a v a n t a g e les règles ou procédés pédagogiques suivant
lesquels s'exercent ces activités. Dans les oeuvres d'édu-
cation nouvelle au même titre que dans le Scoutisme, on
s'efforce de concevoir t o u t le p r o g r a m m e en l'adaptant a u
point de vue d u garçon, en utilisant p a r sublimation ses
instincts, grâce à une p r a t i q u e active a u sein d'un milieu
spécialement créé p o u r lui.
C'est donc le cadre m ê m e qui est l'originalité d u Scou-
tisme de Baden-Powell. C'est le g r a n d décor de vie a u
sein duquel activités et procédés seront mis en œuvre.
Les grandes lignes de ce cadre p e u v e n t se dessiner comme
suit, t'offrant d u même coup les catégories que cherche
ta pensée p o u r m é d i t e r sur la méthode éclaireur :
Le Scoutisme : u n jeu. Le Scoutisme : une technique
(les épreuves de classe, les brevets). Le Scoutisme : un
système (les patrouilles). Le Scoutisme : une chevalerie
(la Promesse, la Loi).
Hors ces quatre domaines, où s'exerce le m é t i e r scout,
tes préoccupations te conduisent à m é d i t e r aussi sur tes
r a p p o r t s avec tes garçons et le milieu dans lequel ils
vivent. De là, certains problèmes de Troupe qui relèvent
moins d u m é t i e r d'Eclaireur que du m é t i e r de Chef. Enfin,
ta situation m ê m e d'Eclaireur Unioniste (n'oublie pas que
le qualificatif détermine son sujet) manifeste ton enrôle-
m e n t dans u n Scoutisme chrétien qui, spirituellement, se
situe dans l'Eglise (1) et t'invite à chercher dans les
grandes réalités qu'elle annonce la solution de tous tes
problèmes de Chef.

(1) N o n pas d a n s u n e « c o n f e s s i o n ».
I

LE SCOUTISME : UN JEU

E Scoutisme est u n jeu plein d'entrain, écrit B a d e n -

L Powell d a n s son Guide du Chef Eclaireur (p. 7), et


'ce qui f r a p p e tout de suite, q u a n d on aborde Eclai-
reurs, c'est la très g r a n d e p a r t qui est faite a u jeu.
N'est-ce pas n a t u r e l q u ' u n Chef, au seuil de sa Troupe,
reçoive les garçons alléchés beaucoup moins avec « u n e
trogne i m p é r i e u s e m e n t magistrale » qu'avec l'invite spon-
t a n é e : « T u viens, on va. jouer... »
Il f a u t redire ici q u e le j e u est u n é l é m e n t essentiel de
la vie des jeunes. « Qui dit jeu, dit instinct (1) », et : « la
raison des jeux est que certains instincts p a r t i c u l i è r e m e n t
i m p o r t a n t s p o u r la conservation de l'espèce se m a n i f e s -
t e n t à u n e époque où l'individu n ' e n a pas encore sérieu-
s e m e n t besoin (2) ». Alors, a v a n t m ê m e q u e s'impose

(1) P. Bovet, L'instinct combattif, p. 47.


(2) Gross cit. p. Bovet, ibid.
l'obligation scolaire, surgit le jeu. S'amuser est la p r e -
m i è r e et nécessaire étape d ' u n e p r é p a r a t i o n à la vie.
C'est d u j e u spontané qu'il s'agit, non d'un exercice
technique en forme de jeu. J e u x de lutte, au premier chef,
qui m e t t e n t en compétition, individuellement ou en
équipe, les joueurs p o u r a t t e i n d r e un but. Ils imposent u n
a j u s t e m e n t des gestes qui débrouille le sujet, un r e n o u -
vellement d'effort et d'attention qui discipline l'esprit et,
p o u r les j e u x d'équipe, u n e recherche de la coordination
des rôles de chacun qui est u n apprentissage de la soli-
darité.

LE SENS DU J E U

P u i s q u e nous parlons « Scoutisme », c'est p e u t - ê t r e ici


le m o m e n t d'insister sur le fait que le créateur d u Scou-
tisme a p p a r t i e n t à la nation qui possède au plus h a u t
degré le « sens du jeu ». P o u r l'Anglais, le jeu est une
institution nationale. Il tient une grande place dans les
p r o g r a m m e s scolaires comme dans la vie sociale. T a n t et
si bien qu'il est v r a i m e n t devenu « une manière de
p r e n d r e la vie ».
Soulignons d e u x caractères du jeu chez les Anglais :
t o u t d'abord la stricte application de la règle. Ce qui fait
l ' i n t é r ê t de la p a r t i e est beaucoup moins l'espoir du succès
final que l'observation formelle du franc jeu. « Play the
game ! Jouez le j e u ! » Tel est le cri d'encouragement du
j o u e u r britannique. Il f a u t relire les souvenirs que Baden-
Powell évoque dans le « Guide d u Chef Eclaireur » à
propos de la g u e r r e contre les Maoris (encore un peuple
qui a le sens d u jeu). En pleine bataille ceux-ci en-
voyaient a u x Anglais un p a r l e m e n t a i r e pour d e m a n d e r
le libre accès d'une citerne dont les services leur p e r m e t -
t r a i e n t de continuer le combat. De là, cette sérénité dans
la lutte, cette égalité d'humeur, ce mépris de la tricherie
qui se manifestent chez des joueurs p r a t i q u a n t le jeu pour
le j e u et non pas p o u r une éphémère victoire. De là, cette
notion d u « s p o r t m a n » qui confère une indiscutable
distinction et fait d u bon j o u e u r u n e m a n i è r e de g e n -
tilhomme, p a r c e qu'elle appelle u n caractère façonné p a r
la p r a t i q u e quotidienne d u jeu. Cette p r a t i q u e m a r q u e le
c a r a c t è r e b r i t a n n i q u e de l ' e m p r e i n t e de ces intraduisibles
« self » anglais (self-control, s e l f - g o v e r n m e n t ) , q u e
nous appelons chez nous la possession de soi.
Le second aspect du jeu chez l'Anglais réside d a n s l ' e n -
t r a î n e m e n t p a t i e n t qu'il suppose. Lis les J o u r s d'Ecole de
T o m B r o w n (1) p o u r en avoir u n e idée. Ici, c est u n e
é q u i p e qui s'entraîne a u canotage et m e t en p r a t i q u e le
maître-conseil d ' u n vieux m a r i n : « En m a t i è r e d ' é d u c a -
tion physique, c h a q u e fois q u ' u n e chose vous ennuie,
faites-la ! »
Là ce sont des coureurs qui v i e n n e n t tous les jours
a t t e n d r e la diligence à la borne k i l o m é t r i q u e p o u r a b a t t r e
l e u r mille sous le contrôle bénévole d u postillon. Cette
notion d u record quotidien, il f a u t qu'elle p é n è t r e nos
Troupes. P o u r l'un ce sera quelques centaines de m è t r e s
courus sur le chemin d u lycée, p o u r l ' a u t r e le saut r e n o u -
velé d ' u n obstacle, p o u r u n troisième u n lancer de p i e r r e
ou u n e escalade. P e u importe la n a t u r e de l'effort o b t e n u
p o u r v u qu'il se renouvelle avec régularité, i n s é r a n t a u
centre de l'existence quotidienne u n appel a u x ressources
physiques de l'être et u n e mobilisation m o m e n t a n é e d e
la volonté.

LES J E U X

Donc, a v a n t toutes choses, dans t a Troupe, on jouera.


U n bon Eclaireur sera un bon joueur. Dès lors, à son
arrivée, chaque garçon subira u n e p r é p a r a t i o n a u jeu. Le
Manuel, a u n o m b r e des épreuves de l ' e x a m e n d'Aspirant,

(1) Tom Brown's schooldays, de Thomas Hughes, adopté par


Girardin (Hachette).
souligne celle-ci : se p r é s e n t e r correctement. Ne passe pas
trop vite là-dessus p o u r sauter à pieds joints sur les
m o r c e a u x de résistance, je v e u x dire les noeuds et les
grades et insignes. Rares sont les types qui se présentent
bien droits, sans r a i d e u r ou sans se faire précéder d ' u n
v e n t r e t e n d u comme u n arc, tandis que d ' a u t r e s s'affais-
sent sous le poids d'omoplates dessinant un accent cir-
conflexe sur une poitrine creuse. Ton travail de Chef
commence là. Une b o u r r a d e amicale, un avertissement
fraternel, voilà ton type collé contre u n e porte, invité à
a b a n d o n n e r cette p a i r e de bretelles inutile, p o u r se s e r r e r
les reins avec u n e ceinture, développant sur un d i a p h r a g -
me t e n d u u n e cage thoracique bien ouverte. Signale-le
a u c.p. qui le recevra dans sa patrouille. On lui fera la
guerre, q u i t t e à le c o n d a m n e r à se p r o m e n e r plusieurs
m i n u t e s d u r a n t avec un bâton d'Eclaireur dans le dos :
bon gré, mal gré, il se redressera. Quand t u rassembles
tes types, remplace le militaire « G a r d e à vous », p a r u n
v i b r a n t : « Toujours ! P r ê t ! », ou, mieux, p a r un i m p é r a -
tif : « T.V.D. ! » (tenez-vous d r o i t s ! ) . S u r t o u t pas de
cafouillage. A ton injonction « T.V. », clamée en d e u x
temps en a p p u y a n t sur le V., la Troupe entière r é p o n d r a
d ' u n cri « D. ! », et, instantanément, le r a n g se figera en
u n e façade de torses redressés.
N'oublie pas de faire aussi la g u e r r e a u x jambes cagneu-
ses. Tiens ! p r e n d s plutôt tous tes novices et fais les courir,
comme au manège, a u t o u r de toi. Tout de suite t u noteras
l'essoufflement de celui-ci, les boiteries fréquentes de
celui-là. Eh, oui ! u n tel respire p a r la bouche. Tel a u t r e
m a r c h e avec les genoux en dedans. Avertis, explique, et
passe la suite au c.p. Il faut a p p r e n d r e a u x types à courir
après leur avoir appris à se tenir droits.
T u n'ignores pas enfin que l'apprentissage du lancer est
u n e é p r e u v e des étoiles de Louveteau. E p r e u v e néces-
saire dont tu vérifieras l'application sur les garçons qui
te viennent de la Meute et que t u feras subir à ceux qui
a r r i v e n t du dehors. La façon dont un type lance et reçoit
une balle de tennis sur une pelouse doit intervenir
c o m m e u n f a c t e u r i m p o r t a n t de ton j u g e m e n t sur le
n o u v e a u qui va r e n t r e r à la Troupe.
Nous sommes a u local ou sur le t e r r a i n de sortie, u n e
séance d'instruction p r e n d fin ou p e u t - ê t r e des conseils
d e patrouille. Maintenant, t u vas faire e x é c u t e r quelques
jeux. Siffle p o u r r a s s e m b l e r ton monde. Ton appel vient
nécessairement i n t e r r o m p r e des conversations p a r t i c u -
lières ou des activités spontanées que les types, u n m o -
m e n t éparpillés, ont vite nouées e n t r e eux. Nous connais-
sons tous ce flottement qui r a l e n t i t la formation des
ressemblements. Dans un c h a h u t indifférent, le Chef
siffle... et prêche d a n s le désert. C'est le m o m e n t d'imposer
à tes types u n e volonté qui dirige le p r o g r a m m e . De t o u t e
nécessité, il te f a u t des r a s s e m b l e m e n t s rapides. T u n e
les obtiendras pas d a v a n t a g e p a r des cris q u e p a r des
discours. Avec bien des efforts, t u as réussi à grouper tes
garçons dans u n ordre relatif. M a i n t e n a n t parle. D ' u n
mot, explique la nécessité de se rassembler vite. Conclus :
« Vous avez mis q u a t r e m i n u t e s p o u r vous rassembler.
C'est t e r r i b l e m e n t long ! S'il avait fallu dans ces condi-
tions alerter la Troupe p o u r p o r t e r secours dans u n acci-
dent, u n temps précieux eût été perdu. Recommençons ! »
A ton commandement, les types se dispersent et t u t ' e n
vas siffler u n r a s s e m b l e m e n t u n p e u plus loin. M a i n t e -
nant, c'est d e v e n u u n jeu. La réaction est rapide, p r e s q u e
unanime. T u p e u x annoncer : « Quinze secondes ! » Encore
u n e répétition et t u obtiens le t e m p s record. N a t u r e l l e -
m e n t ton effort sur les r a s s e m b l e m e n t s n e devra pas se
relâcher, mais le c a r a c t è r e de jeu q u e t u l e u r donnes
t ' a i d e r a g r a n d e m e n t à créer ce p r e m i e r réflexe de disci-
pline collective.
Avec la rapidité, le silence est aussi un élément indis-
pensable d'ordre. N'accepte pas de p a r l e r a u milieu des
b r u i t s variés de types qui n'écoutent pas. Si, décidément,
t u as de la peine à te faire entendre, parle de plus en plus
bas, sur u n ton de confidence p o u r les oreilles les plus
voisines. T u v e r r a s vite l'attention s'imposer à tous et
orienter vers toi les têtes les plus éloignées. Le silence
aussi p e u t d u reste s'obtenir p a r le jeu. Il m e souvient
d ' u n e soirée au local que nous dirigions, avec le C.N., p o u r
u n e soixantaine d'Eclaireurs, de Routiers et de Louve-
t e a u x mélangés (ô h o r r e u r !). C'était un p e u difficile de se
faire e n t e n d r e : alors, nous improvisâmes un jeu d u
silence. Nous étions des conspirateurs, tous les soixante.
Soudain, q u e l q u ' u n m u r m u r e : « On a m a r c h é là-haut...,
la police. » A ce signal, lentement, il faut se lever et
q u i t t e r la salle à pas de loup. Quelques m i n u t e s de m a -
n œ u v r e silencieuse et tous les remous se calmaient,
laissant les types dociles, groupés p o u r l'exécution d u
p r o g r a m m e prévu.
C'est bon, m a i n t e n a n t on va jouer ! S u r t o u t n'hésite pas
sur le choix d u jeu à faire. Chacun aura son idée et t u
seras vite noyé dans le flot contradictoire de leurs cris.
Divise les camps, n o m m e s'il le f a u t des Chefs d'équipe,
et m a i n t e n a n t annonce : « On va jouer à... » T u auras
évité les longues palabres interminables qui p r é l u d e n t
souvent a u x jeux. Rappelle les règles. C'est un j e u vieux
comme Hérode ? Ça n e fait rien ! Il v a u t mieux rafraîchir
les mémoires. Toi, t u arbitres. T u p e u x j o u e r q u a n d
même, oui, jouer et arbitrer. T u seras l'exemple vivant
d u j o u e u r scout qui t r o u v e tout simple de signaler une
f a u t e de son camp ou de lui-même. D'ailleurs, ils n ' a u r o n t
pas une m i n u t e l'idée que ce cumul puisse être fâcheux.
A r b i t r e donc : des coups de sifflet bien nets q u a n d c'est
nécessaire et seulement q u a n d c'est nécessaire. Ne laisse
pas passer u n e faute. Pénalise d ' u n e injonction catégori-
q u e qui ne puisse ouvrir la p o r t e à la discussion. S u r -
p r e n d s - t u u n flottement, u n e lassitude p a r m i les joueurs ?
(il n'est pas utile de prolonger certains j e u x au delà de
cinq m i n u t e s !) siffle la fin et annonce tout de suite les
points p o u r que les vaincus poussent un cri en l ' h o n n e u r
des v a i n q u e u r s qui leur r e n d r o n t la politesse.
V a - t - o n jouer encore ? Alors, il sera bon que t u aies
p a r avance noté sur u n bout de papier une série de j e u x
qui vienne au secours de ta mémoire. Sur le terrain, et
suivant les circonstances, t u balanceras ton p r o g r a m m e
en faisant a l t e r n e r relais et j e u x de balle, luttes ou c o u r -
ses p a r équipe.
Naturellement, je suppose que t u as u n r é p e r t o i r e de
jeux. Ce r é p e r t o i r e n'existe nulle part. P a r c o u r s les m e i l -
leurs m a n u e l s p a r u s à ce jour. T u en glaneras ici ou là
quelques dizaines. Dans des rencontres avec d ' a u t r e s
chefs, t u enrichiras ta collection. Bien entendu, t u n e
conserveras pas tous les j e u x lus ou suggérés, u n t r i a g e
doit se faire. Il y a ta Troupe. Il y a tes circonstances.
T u noteras les t h è m e s qui te sont d ' u n e utilité réelle. T u
as u n carnet, t u classeras. Classification pratique, bien
entendu. Il s'agit moins de r é p a r t i r les jeux d u point de
v u e de l'effort d e m a n d é (jeux de mémorisation, j e u x
développant tel muscle, etc...) que du point de v u e d e
l e u r place d a n s le p r o g r a m m e de Troupe. Une fois é t a -
blies les d e u x grandes classes, j e u x d ' i n t é r i e u r et j e u x
de plein air, tu pourras, p a r exemple, créer les groupes
suivants :

E. : JEUX DE PLEIN AIR

a. — Relais (ex. : relais c o u p e - j a r r e t , relais d u q u a r t à


remplir, relais « saute balle » en étoile, etc...).
b. — Courses (ex. : course et a t t i t u d e s c o m m a n d é e s a u
sifflet, course en canard, course à 2 et 3 j a m b e s et
p a r file de j a m b e s liées 2 à 2, etc...).
c. — J e u x d'équipe non mouvementés, u n e équipe au
moins est r e l a t i v e m e n t immobile (ex. : le cercle
dangereux, les métiers, la parade, etc...).
d. — J e u x d'équipe m o u v e m e n t é s (ex. : c a m p bleu, c a m p
blanc, la bataille, l'épervier, les b a t e a u x a v e u -
gles, etc...).
e. — J e u x d'ensemble (ex. : j'ai dit, jeu de la bûche,
balle nommée stop ! p a r quatre, etc...).
f. G r a n d s j e u x (nécessitant un certain e n t r a î n e m e n t ,
CAHORS, IMFRIMERIE A. COUESLANT. — 69.070
C. O. I A. L. 31.2330 — DÉPOT LÉGAL IV-1945
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