Conditionfeminine
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Littérature :
II. Internet :
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Condition féminine » La page ouverte, choisir dans la rubrique « Revue
de presse » ce qui paraît intéressant.
Des quatre documents ci-joints, vous ferez une synthèse ordonnée, concise
et objective sur l'évolution du rôle des femmes dans la société.
Vous terminerez par une conclusion personnelle donnant votre point de
vue sur ce sujet. 1999
1) Pierre BOURDIEU, La domination masculine, Editions du Seuil, 1998.
2) Jean-Jacques ROUSSEAU, Émile ou de l'éducation, 1782, Réédité par G.F.,
1966.
3) Christian BAUDELOT et Roger ESTABLET, Allez les filles! Editions du
Seuil, 1992.
4) Les clefs de l'info, Article du Monde, avril 1997.
Document 1
Etant exclues de l'univers des choses sérieuses, des affaires publiques, et tout
spécialement économiques, les femmes sont restées longtemps cantonnées dans
l'univers domestique et dans les activités associées à la reproduction biologique
et sociale de la lignée; activités (maternelles notamment) qui, même si elles
sont apparemment reconnues et parfois rituellement célébrées, ne le sont que
pour autant qu'elles restent subordonnées aux activités de production, seules à
recevoir une véritable sanction économique et sociale, et ordonnées par rapport
aux intérêts matériels et symboliques de la lignée, c’est-à-dire des hommes.
C'est ainsi qu'une part très importante du travail domestique qui incombe aux
femmes a encore aujourd'hui pour fin, dans beaucoup de milieux, de maintenir
la solidarité et l'intégration de la famille en entretenant les relations de parenté
et tout le capital social par l'organisation de toute une série d'activités sociales -
ordinaires, comme les repas où toute la famille se retrouve, ou extraordinaires,
comme les cérémonies et les fêtes (anniversaires, etc.) destinées à célébrer
rituellement les liens de parenté et à assurer l'entretien des relations sociales et
du rayonnement de la famille, ou les échanges de cadeaux, de visites, de lettres
ou de cartes postales et d'appels téléphoniques.
Ce travail domestique reste pour l'essentiel inaperçu, ou mal vu (avec, par
exemple, la dénonciation rituelle du goût féminin pour le bavardage, au
téléphone notamment...) et, lorsqu'il s'impose au regard, il est déréalisé par le
transfert sur le terrain de la spiritualité, de la morale et du sentiment, que
facilite son caractère non lucratif et « désintéressé ». Le fait que le travail
domestique de la femme n'a pas d'équivalent en argent contribue en effet à le
dévaluer, à ses yeux mêmes, comme si ce temps sans valeur marchande était
sans importance et pouvait être donné sans contrepartie, et sans limites, d'abord
aux membres de la famille, et surtout aux enfants (on a ainsi observé que le
temps maternel peut plus facilement être interrompu), mais aussi à l'extérieur,
pour des tâches bénévoles, à l’Eglise, dans des institutions charitables ou, de
plus en plus, dans des associations ou des partis. Souvent cantonnées dans des
activités non rémunérées et peu portées de ce fait à penser en termes
d’équivalence du travail en argent, les femmes sont, beaucoup plus souvent que
les hommes, disposées au bénévolat, religieux ou caritatif notamment.
BOURDIEU P., La domination masculine, Chap. III, Editions du Seuil,
septembre 1998.
Document 2
A qualification égale, quel que soit le secteur d'emploi, les salaires féminins
sont toujours inférieurs aux salaires masculins : dans l'industrie, écarts de 11 %
chez les manœuvres, de 14 % chez les ouvriers spécialisés, de 19 % chez les
ouvriers professionnels, de 17 % chez les techniciens, de 24 % chez les
contremaîtres, de 24 % chez les cadres, de 48 % chez les cadres supérieurs.
Dans les assurances, où les différences sont moindres, ils passent de 3 % chez
les employés à 10 % chez les employés hautement qualifiés, 20 % chez les
cadres et 35 % chez les cadres supérieurs.
Dans tous les secteurs, les écarts entre les hommes et les femmes s'accroissent
quand on monte dans la hiérarchie des qualifications. Le fait ne peut être
imputé à une moindre valorisation par les femmes de leur expérience
professionnelle. Tout se passe comme si la fonction de responsabilité
comportait dès la définition de l'emploi une destination masculine. On peut
confirmer cette interprétation des faits en observant que les écarts entre
hommes et femmes sont plus forts quand, à un niveau de qualification donné,
la mixité est très faible. Ainsi les écarts dans l'industrie sont-ils plus forts pour
les postes d'ouvriers professionnels, rarement occupés par les femmes, que
pour les postes d'employés hautement qualifiés, où la mixité est plus fréquente.
Le fait même qu'un emploi soit occupé par un homme lui confère d'emblée une
importance supérieure. La statistique rejoint l'observation de terrain de M.
Maruani et Nicole : « Il serait donc abusif de déduire que la loi à travail égal,
salaire égal n'est pas respectée, puisque en fait la condition - travail identique
entre hommes et femmes - n'est presque jamais réalisée. Mais il ressort alors
que l'inégalité homme - femme est bien plus profonde, puisque enracinée dans
les faits, dans l'emploi même ».
Il est difficile de soutenir que les écarts observés entre hommes et femmes
proviennent de l'inégale qualité du capital humain personnellement accumulé.
En matière de formation initiale, l'investissement féminin se traduit par une
plus grande précocité, un plus grand sérieux et une évaluation de soi plus
exigeante. Le seul handicap scolaire des femmes serait leur moindre résistance
à la compétition, l'école et les entreprises s'accordant ici à donner une prime à
la culture masculine de l'agon (1). Mais, lors même que les filles s'exposent
aux difficultés de la lutte scolaire, et s'y montrent les égales des hommes, les
écarts de salaire demeurent. Entre un homme et une femme de même
ancienneté, tous deux sortis d'une grande école, l'écart sur le salaire mensuel
s'établissait en 1985 à 1620 francs, le salaire féminin ne représentant alors que
82 % du salaire masculin.
On invoque aussi une moindre valorisation de l’expérience professionnelle, la
plus grande charge familiale, le plus grand nombre d'heures consacrées au
travail domestique et soustraites au travail professionnel, soit directement par
l'absentéisme, soit indirectement par un moindre investissement dans le travail
et la carrière. Mais cette hypothèse n'est pas vraiment confirmée par les faits :
les multiplicateurs de salaire liés à l’expérience professionnelle ne sont que
faiblement inférieurs chez les femmes.
BAUDELOT C. - ESTABLET R., Allez les filles, Chap. 9, Collections Points
Actuels, Editions du Seuil, 1992.
Document 4
Pour la première fois en France, un débat sur la présence des femmes dans la
vie politique a été organisé à l'Assemblée nationale, mardi 11 mars. Ou plutôt
sur leur absence. Car la France se distingue par une quasi-exclusion des
femmes du monde politique - elle est même la lanterne rouge de l'Europe avec
la Grèce. La tenue d'un débat au Parlement, même s'il n'a pas débouché sur des
mesures concrètes, était donc, en soi, un événement.
Force est de constater que plus de cinquante ans après l'obtention du droit de
vote, la place des femmes en politique demeure marginale. Repris par la
Constitution de 1958, le préambule de celle de 1946 énonçait pourtant que « la
loi garantit à la femme, dans tous les domaines, des droits égaux à ceux de
l'homme ». Un demi-siècle plus tard, l'inégalité la plus criante reste en la
matière la loi commune de la vie politique française. Depuis 1946, la
proportion de femmes à l'Assemblée est passée de 5,7 % à 5,6 %. Les femmes
sont tout autant sous-représentées au sein de l'exécutif. Elles n'occupent guère
plus de 10 % des postes ministériels. Actuellement, 12 % des ministres ne sont
pas des hommes.
Dans les assemblées territoriales, la situation n'est pas plus reluisante. Dans
les conseils régionaux, les femmes ne sont que 12,3 % des élus. Et une seule
femme, Marie-Christine Blandin (des Verts), assure la présidence d'un des
conseils régionaux, celui du Nord-Pas-de-Calais. Dans les départements, la
représentation féminine est très proche de celle décrite au niveau national.
Depuis les élections cantonales de 1992, seuls 5,6 % des conseillers généraux
sont des femmes. Enfin, dans les villes, les femmes sont un peu plus présentes.
Elles sont plus de 20 % dans les conseils municipaux, mais les fonctions de
maire leur sont rarement réservées, 7,6 % des communes sont dirigées par des
femmes, rarement dans les grandes villes. Seules onze villes de plus de 30 000
habitants sont dirigées par des femmes, et une seule ville de plus de 100 000
habitants, Strasbourg, est dirigée par une femme, Catherine Trautman,
socialiste.
Longtemps acceptée, cette situation apparaît aujourd'hui comme indéfendable
et inadmissible. En décalage profond avec l'évolution de la société, des mœurs
et des mentalités, la marginalisation politique des femmes devient un des
symboles du décalage entre la société civile et la vie politique. Reste à définir
un moyen de mettre un terme à cette situation.
Le premier ministre a annoncé qu'il était personnellement favorable à des
quotas de candidates aux scrutins de liste, c’est-à-dire aux élections
municipales, régionales et européennes. Cette proposition a été critiquée par les
élus de la majorité, globalement hostiles à toute intervention en ce sens, et par
les partisans de mesures volontaristes, qui l'ont trouvée trop timorée. Le
gouvernement devrait annoncer des mesures en juin. A moins que les partis
politiques ne décident de montrer la voie.
Les clés de L’Info, Le Monde, avril 1997.
Corrigé proposé
Rien ne semble donc avoir changé depuis plus de deux siècles. Quelles
sont les causes qui permettent d’expliquer ou de comprendre cette situation ?
L’analyse proposée par les auteurs révèle qu’il faut distinguer les
prétextes de la raison véritable.
Les reproches que l’on adresse aux femmes pour justifier cette
discrimination ne résistent pas tous à une analyse sérieuse. Baudelot et Establet
le montrent clairement. Selon certains, disent-il, les femmes ne sont pas
naturellement faites pour l’esprit de compétition qui est plutôt le propre de
l’homme. Or rétorquent-ils, même quand elles font preuve de leur capacité à
lutter et à entrer dans une compétition où leurs résultats sont égaux à ceux des
hommes, leurs salaires sont encore inférieurs à ceux de ces derniers. Les
mêmes auteurs soulignent que d’autres mettent en avant leur investissement
moindre dans la vie professionnelle. Elles seraient plus souvent absentes que
les hommes parce qu’elles ont à s’occuper des tâches domestiques ou
familiales. Dès lors pareil absentéisme ne les valoriserait guère socialement et
encore moins professionnellement. Or rien dans la réalité ne vient confirmer
cette hypothèse puisque la façon de calculer les salaires ne diffère que très
faiblement selon les sexes concernés. Ces causes ne sont donc que des
prétextes.
Comment expliquer alors réellement le peu de considération qu’on
leur accorde dans la vie professionnelle ? Rousseau et Bourdieu nous
apprennent qu’en fait tout tient à la représentation que se font les hommes des
femmes. Sur un ton très catégorique, Rousseau affirme que la nature a dévolu
un rôle à chacun, rôle auquel il faut se tenir sous peine de verser dans le
ridicule. Ainsi la fonction de la femme consiste non pas à singer les hommes,
mais à obtenir l’estime de son mari et à faire le bonheur de ses enfants. La
question oratoire qu’il pose à tous ses lecteurs appelle selon lui une réponse
évidente qui prouve à quel degré ses contemporains partageaient son point de
vue. Ce dernier ne s’est pas affaibli avec le temps puisque Bourdieu, dont le
travail date de 1998, constate que le champ d’action imparti aux femmes est
resté pour l’essentiel le même et que les changements sont imperceptibles. La
femme, observe-t-il, reste toujours aussi déconsidérée. A l’instar de Rousseau,
les hommes continuent donc de penser que les femmes ne sont pas vraiment
capables d’autre chose.