Prefabrication - Poutre - Beton - Bambou

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Introduction

La présente crise de l’énergie provoquée par la croissance de


l’industrie suscite de plus en plus de questionnement quant à
la préservation de l’environnement. Depuis une vingtaine
d’années, plusieurs recherches se sont intéressées à la mise
au point de matériaux et de technologies non-polluants qui
consomment un minimum d’énergie lors de leur production.
L’attention des chercheurs s’est progressivement tournée vers
des matériaux non-industriels, tels les fibres végétales, l’argile
et le bambou. Pourtant, les matériaux traditionnels utilisés
dans les pays en développement, comme le Vietnam, ont fait
l’objet de peu de travaux de recherche. Le peu d’information
disponible sur les propriétés de ces matériaux ainsi que sur la
façon de les utiliser incite les habitants de ces pays à utiliser
des matériaux industriels éprouvés, comme l’acier, pour
lesquels l’information technique est abondante. Parmi les
matériaux naturels, le bambou représente un potentiel
économique immense, d’une part, parce qu’il atteint sa pleine
croissance en quelques mois et sa résistance mécanique
maximale en quelques années et d’autre part, parce qu’on le
retrouve en abondance dans toutes les régions tropicales et
subtropicales du globe dont le Vietnam (Ghavami, 2001).

Tableau 1 : Énergie requise à la production de


matériaux en comparaison à leur résistance
Janssen (1981)

Actuellement, le bambou est surtout utilisé en milieu rural


pour la réalisation d’ossature, de planchers ou de toiture dans
la construction légère. Il est aussi largement utilisé pour
construire les échafaudages. Mais certaines études ont
démontré qu’il peut aussi être utilisé comme armature dans le
béton. Lorsque cette possibilité fut démontrée la première fois
dans les années soixante[1], cela généra un intérêt
considérable de la part de la communauté scientifique.Le
bambou n'est donc pas seulement un matériau du passé, mais
bien un matériau dont les usages sont aujourd'hui
innombrables et croissants, même dans les pays industrialisés.
Il ouvre la voie à de nouvelles perspectives d'avenir qui
enrichiront le développement humain dans les diverses
sphères suivantes de la vie:

• amélioration des conditions de vie des collectivités rurales;

• affirmation de l'identité culturelle;

• développement durable de l'environnement;

• production de produits industriels;

• produit de remplacement du bois au 21e siècle.

Le marché des produits écologiques est en plein essor, offrant


de nouvelles occasions de promouvoir le bambou comme
substitut à des matériaux industriels comme l’acier. Le
bambou est un matériau très polyvalent qui se prête à la
création d'une nouvelle génération de matériaux de
construction et à un vaste éventail d'articles de toutes sortes,
créant ainsi beaucoup d’emplois.

Matériau largement répandu au Vietnam, qui s'adapte à


différents climats, facile d'utilisation, accessible et ayant des
vertus écologiques, le bambou comme armature de béton
demeure une possibilité inexploitée au Vietnam qui pourrait
favoriser le développement social et économique pour les
habitants de Hanoi. La « plante miracle » peut avoir un impact
important et positif sur plusieurs aspects du développement
humain dans les décennies à venir.

Ce mémoire porte donc sur la préfabrication d’une poutre de


béton armé de bambou destinée à l’habitat urbain de Hanoi.
Dans le cadre de cette recherche, nous mettrons en parallèle
les données observées sur le terrain à Hanoi, l’état des
connaissances sur la technologie des bétons armés de bambou
et finalement, la méthodologie empruntée pour la fabrication
de la poutre de béton armé de bambou.
Cette recherche fut menée en étroite collaboration avec Dany
Blackburn qui s’intéressa à l’habitation à faible coût et aux
bétons légers (bétons cellulaires). Le mémoire de Monsieur
Blackburn porte spécifiquement sur le développement d’un
système de plancher dont la poutre de béton armé de bambou
fait partie intégrante.

Premièrement, le travail des auteurs consistait à dresser le


portrait du marché de la construction locale vietnamienne afin
d’en saisir les réalités et les enjeux. Les observations réalisées
sur le terrain à l’été 2002 sont donc présentées dans la
première partie de ce mémoire ainsi que dans celui de Dany
Blackburn (2006) co-auteur de cette partie.

La deuxième partie de ce mémoire fait état des connaissances


actuelles quant à l’utilisation du bambou comme matériau de
construction et sa potentielle utilisation comme armature de
béton. L’information recueillie sur le terrain et celle recensée
dans la littérature ont ainsi permis de guider les objectifs de
cette recherche commune.

La troisième partie du mémoire expose la méthodologie


utilisée lors des expérimentations. Ainsi, trois poutres de
grandeur réelle furent préfabriquées en vue d’assembler un
prototype de plancher composé également de dix (10) dalles
de béton cellulaire. Des essais mécaniques ont ensuite été
réalisés afin de mesurer l’efficacité structurale des poutres de
béton armé de bambou. D’autres essais ont également été
réalisés sur le système de plancher afin d’évaluer son potentiel
structural. La méthodologie et les résultats de cette partie sont
exposés dans le mémoire de D. Blackburn (2005).

Finalement, les résultats obtenus sont présentés dans la


dernière partie de cette mémoire et démontrent que la
préfabrication d’une poutre mettant à profit l’utilisation du
bambou comme armature de béton est une alternative
intéressante qui pourrait être utilisée efficacement pour la
construction résidentielle de Hanoi.

1 Information tirée d’une entrevue avec M. Dinh Chinh Dao, professeur à


[ ]

l’École Nationale Supérieure de Génie Civil de Hanoi (ENSGCH), 2002


2.1 Les propriétés physiques et
mécaniques du bambou
Pour proposer l’utilisation du bambou comme matériau de
construction, il est primordial d’en saisir les caractéristiques et
les propriétés intrinsèques. Les tissus des tiges de bambou
sont composés de fibres cellulosiques qui expliquent sa grande
résistance. Dans un article publié en 2001, Ghavami recense
quelques-unes des études sur la microstructure et les
propriétés générales du bambou. On y explique que le bambou
est une plante vivace de la famille des graminées dont la
croissance est parmi les plus rapides du monde végétal et peut
atteindre 40cm par jour. Certaines espèces ont une hauteur de
plus de 36m et leur diamètre varie entre 1cm et 30cm à
maturité. C’est sur les rives du sud-est asiatique et dans les
îles adjacentes que l’on retrouve la plus grande concentration
de bambou, car il pousse mieux dans les territoires exposés à
la mousson.

Figure 2.1 : Distribution géographique du


bambou (Illustration : Jonathan Boucher
2003)

La distribution des fibres est plus uniforme à la base de la tige


qu’au sommet. C’est donc à cet endroit que la paroi est la plus
épaisse donc la plus résistante. Ceci peut s’expliquer par le fait
que le bambou doit supporter son propre poids. Les nœuds
des tiges jouent également un rôle capital dans les propriétés
physiques et mécaniques du bambou. (Ghavami 1995). La
force des fibres augmente à partir du nœud jusqu’au centre de
la partie inter-nodale et de la périphérie de la paroi jusqu’au
centre. (Leise 1992). Selon l’auteur, la partie inter-nodale
travaille comme une unité. Il conclut également que les
propriétés physiques et mécaniques varient d’une espèce à
l’autre à l’intérieur d’une même espèce dépendamment de
l’habitat, de la position, et de l’âge des tiges. L’auteur soutient
qu’il est préférable que seuls les bambous matures soient
utilisés comme armatures de béton.

Figure 2.2 : Section dʼune tige de bambou


(illustration par Jonathan Boucher 2003)

Raj (1991) s’intéresse également aux facteurs influençant les


propriétés mécaniques du bambou. Selon lui, les
comportements en flexion et en tension du bambou doivent
être bien compris si l’on désire l’utiliser comme armature de
béton. L’auteur souligne que le partie externe des tiges de
bambou est au moins deux fois plus résistante que la partie
interne (figure 2.3). Des valeurs rapportées par certains
chercheurs indiquent que le module de rupture en flexion du
bambou se situe à 140 MPa pour l’extérieur tandis qu’il est de
52 MPa pour l’intérieur. Ces valeurs en tension sont de 210 à
250MPa et 150 à 200 MPa pour l’extérieur et l’intérieur
respectivement. Cela dit, pour obtenir de meilleurs résultats,
l’auteur avance qu’il est préférable de retirer la portion interne
des tiges de bambou.

Figure 2.3 : Structure cellulaire du bambou


(Nations Unies, 1972)
Le module d’élasticité est un autre paramètre important qui
affecte les performances structurales du bambou. Toujours
selon Raj (1991), les investigations menées à ce jour indiquent
que toutes les espèces de bambou présentent un très faible
module d’élasticité ce qui peut entraîner l’affaissement ou la
fissuration des structures. Des précautions supplémentaires
devraient donc être prises lors de la fabrication d’éléments,
telles les poutres, qui sont sujettes à des déformations
importantes. La résistance en compression du bambou est
quant à elle supérieure lorsqu’elle est mesurée
perpendiculairement au grain comme la plupart des bois de
charpente.

Dans leur étude, Ferreira, Moreno et Beraldo (2001) tentent


de mesurer la valeur de rupture en tension et en compression
du bambou et d’évaluer le module d’élasticité afin de définir le
comportement structural des poutres de béton armé de
bambou. Ainsi un essai de traction axiale permet d’obtenir la
valeur de rupture en tension et le module d’élasticité. Un
second essai de compression permet de déterminer la valeur
de rupture en compression. Les résultats obtenus lors des
essais ont permis d’obtenir les valeurs suivantes pour des
tiges de section totale :

• Rupture en tension : 189 MPa

• Module d’élasticité : 22 200 MPa

• Rupture en compression parallèlement aux fibres : 78 MPa

Figure 2.4 : Rupture en tension dʼune tige de


bambou
Les résultats de Ferreira et al. (2001) confirment les énoncés
de Raj (1991). Il est important de connaître les propriétés
mécaniques du bambou si l’on désire l’utiliser comme matériau
structural. Ainsi les chercheurs peuvent calculer les états
limites afin d’éviter la fissuration et l’affaissement des
structures.

Mais avant toute chose, c’est le taux d’humidité qui définira la


qualité des propriétés mécaniques du bambou. Il a été observé
que les propriétés mécaniques sont optimales lorsque les
tiges, après séchage, ont un taux d’humidité situé entre 15 et
20%. De façon générale, Hidalgo (2001) affirme que plus les
conditions d’humidité sont élevées, moins les propriétés du
bambou sont bonnes. Tout comme le bois, le bambou subit un
retrait dû au séchage après que l’on ait coupé la tige. Ce
retrait est de l’ordre de 3 à 12% pour le diamètre, tandis qu’il
est plutôt négligeable longitudinalement (0.01%). Ferreira et
al. (2001) ont mesuré la stabilité dimensionnelle du bambou
en menant des essais sur des tiges différentes. Certaines
étaient séchées naturellement, d’autres étaient saturées d’eau
et quelques unes étaient cuites. Les résultats démontrent qu’à
une augmentation des conditions d’humidité correspond une
diminution des qualités physiques du bambou. Ainsi, la
meilleure stabilité dimensionnelle a été obtenue pour les tiges
de bambou ayant subi la cuisson. La variation volumétrique
mesurée du bambou cuit est de 17.52% et selon Raj (1991),
cette valeur confère au bambou des propriétés mécaniques
optimales.

Les recherches de Hidalgo (2001) démontrent que l’intérieur


de la tige qui représente 70% de l’épaisseur, a une texture
plus douce et absorbe la plus grande quantité de l’eau
contenue dans le béton frais. Au contraire, la partie externe
qui est plus dense et représente 30% de l’épaisseur totale de
la tige, absorbe une quantité minime d’eau (2052 g/m2 contre
706 g/m2 ) et offre une résistance supérieure à celle de la
partie interne. Les conclusions de Hidalgo (2001) rejoignent
donc celles de Raj (1991), car il propose de retirer la partie
interne des tiges de bambou afin de ne retenir que la partie la
plus résistante. On utilise donc la partie externe pour y tailler
des lanières qui serviront d’armatures.

Les conclusions de Ferreira et al. (2001), Raj (1991), Ghavami


(2001) et Hidalgo (2001), sont les mêmes concernant le rôle
de l’humidité sur les propriétés mécaniques du bambou. Leurs
travaux démontrent que la portion inférieure des tiges de
bambou mature ayant subi un séchage ou une cuisson offre
une plus grande résistance mécanique. Le bambou est
vulnérable aux attaques des insectes et des champignons à
cause de l’amidon contenu dans l’eau. Sa durabilité et ses
performances mécaniques varient selon l’espèce et l’âge,
tandis que sa dégradation dépend principalement de sa teneur
en eau, c’est pourquoi son usage nécessite des traitements
imperméabilisants.

2.2 La sélection d’une espèce de bambou


Les chercheurs ne sont pas toujours familiers avec les
différentes espèces de bambou. On évalue à plus de 1300 le
nombre d’espèces qui peuplent les forêts du monde et chacune
d’elles a des propriétés physiques et mécaniques particulières.
Beaucoup d’essais ont été effectués sans tenir compte des
caractéristiques propres à chaque espèce en pensant que les
caractéristiques étaient uniformes. De plus, Leise (1992)
mentionne dans son article que l’on postule à tort que le
bambou à la même structure anatomique que le bois, donc le
même comportement structural. Ainsi, plusieurs chercheurs
recourent aux procédures standardisées utilisées pour le bois
lors de leurs expérimentations, compromettant ainsi la validité
de leurs résultats.

Dans la plupart des cas, les chercheurs utilisent les espèces


qui leur sont disponibles. Ainsi, Hidalgo travaille avec le
Guadua de Castilla , l’une des espèces les plus importantes de
Colombie. Pour leur part, Abdurachim et Firmanti (2001) font
leurs essais sur le Giganticlhoa Apus , une espèce bien connue
en Indonésie. La disponibilité et l’accessibilité de la matière
sont donc des facteurs importants lors de la sélection d’une
espèce de bambou.
Pour sa part, Ghavami (2001), a plutôt pris en considération
certaines propriétés, telle l’hygroscopicité afin de sélectionner
l’espèce la plus prometteuse pour la fabrication d’armatures
dans le béton. Le Bambusa Vulgaris Scard est une espèce dont
la teneur en humidité est relativement faible. Néanmoins, sa
section transversale augmente de 6% après 7 jours
d’immersion. Quoique minime, cette variation cause des
macro-fissures dans le béton lors de la cure. Ghavami (2001)
ne conseille donc pas d’utiliser cette espèce pour la fabrication
d’armatures.

La possibilité d’utiliser le bambou comme armature fut


également étudiée par Surjokusumo et Nugroho en 1993 en
comparant plusieurs espèces de bambou, tels le Gigantochloa
Apus , le Verttiicillata et le Dendrocalamus Asper . Cette
dernière espèce, avec ses tiges droites, a les meilleurs
résultats quant à la résistance à la traction et au module de
rupture[7].

Lors de leurs expérimentations, les tiges de Dendrocalamus


Asper furent coupées dans le village de Leuwilliang dans l’Île
de Java. Douze tiges matures de 30 ans prises dans des
conditions géographiques différentes (sol humide et sol sec)
furent sélectionnées et leurs propriétés physiques et
mécaniques (densité, absorption d’eau, résistance en
cisaillement, en tension et compression) furent mesurées
(Surjokusumo et Nugroho, 2001). Les résultats obtenus
montrent que le Dendrocalamus Asper est sans doute l’une
des meilleures espèces pour réaliser des armatures dans le
béton.

Ainsi, la sélection d’une espèce de bambou pour la


construction obéit à différents critères. Certains désirent un
bambou performant au niveau structural alors que d’autres
préfèrent choisir une espèce facilement accessible. Ce choix
doit également dépendre de la fonction qu’occupera le bambou
dans la construction. Il est évident que les conditions de son
utilisation influenceront également son comportement
structural et sa préservation.
2.3 Traitements et préservation du bambou
L’instabilité dimensionnelle du matériau est l’une des
principales limites de l’utilisation du bambou comme armature.
Cela signifie que certains traitements doivent être appliqués
afin d’assurer la durabilité des pièces de bambou servant
d’armature de béton. Afin de préserver le matériau, les tiges
doivent être traitées avant d’être transformées en armatures.
Traditionnellement, ce traitement consiste à immerger le
bambou dans l’eau stagnante pendant trois mois afin de
dissoudre l’amidon ainsi que les autres substances nuisibles à
la conservation des tiges. Il convient par la suite d’enduire les
surfaces d’un produit imperméabilisant avant qu’elles n’entrent
en contact avec le béton frais. En effet, soumis à des
conditions d’humidité, le bambou devient un matériau
hygroscopique : il absorbe l’humidité du béton et subit un
important gonflement suivi d’un retrait lors du séchage.
(Abdurachim et Firmanti, 2001).

S’appuyant sur les études menées par l’Institut de Recherche


de Dehradun en Inde, Raj (1991) souligne que le traitement
ayant donné les meilleures performances, consiste en
l’application d’une couche de bitume chaud qui permet de
réduire le pourcentage d’absorption d’eau à 12%. Dans son
étude, Ghavami (1995) s’intéresse aussi à la question du
traitement de surface du bambou. À partir d’une recension des
solutions et traitements proposés par les chercheurs
intéressés, il conclue que la solution bitumineuse la plus
efficace est le Négrolin produit par la compagnie Sika. Après
96 heures d’immersion, le bambou traité n’a absorbé que 4%
d’eau, ce qu’il considère comme étant négligeable.
Figure 2.5 : Phénomène dʼinstabilité
dimensionnelle du bamboudans le béton
(Dessin : Jonathan Boucher 2003)

D’autres solutions utilisant des agents chimiques permettent


également d’imperméabiliser le bambou. Toutefois, ces
traitements ne doivent pas avoir d’effets sur les fibres et
peuvent être injectés, après le processus de séchage, selon
des méthodes simples, telles la transpiration, l’immersion et
l’imprégnation. À cet effet, Hidalgo (2001) cite les travaux de
Pama (1974) où il propose d’immerger le bambou dans une
solution de chloride de zinc à 2% ou dans une solution de
néoprène mélangée à du sable.

L’équipe de Muchtadi et Adawiyah (2001) de la Faculté


d’agriculture de l’Université de Bogor en Indonésie s’est
également intéressée aux techniques de préservation du
bambou. Ces chercheurs ont évalué l’efficacité de divers
traitements et de solutions chimiques avant le processus de
séchage. Les traitements étudiés incluent la pré-cuisson et
l’utilisation d’un agent anti-oxydant, soit le chloride de sodium
(NaCl) et le métabisulphite de sodium (Na2S2O3).

Les résultats démontrent que la pré-cuisson influence de façon


significative la qualité des tiges. En effet, les tiges précuites se
réhydratent plus rapidement et de façon plus significative (19
fois plus que le bambou séché) et elles présentent également
une texture plus douce. Parmi les agents dessiccateurs, le
métabisulphite de sodium (2000 ppm) s’avère le plus efficace
contre le brunissage dû à l’oxydation de la matière à l’air libre.
Cependant, l’étude permet aux chercheurs de constater que la
submersion du bambou dans une solution d’acide ascorbique
(0,05%) ne prévient pas le brunissage de la matière.

Les expérimentations de Muchtadi et Adawiyah (2001), bien


qu’intéressantes, ne visent évidemment pas le traitement du
bambou destiné à la réalisation d’armatures de béton. Comme
le mentionnent leurs collègues Abdurachim et Firmanti (2001),
en circonstances humides, le bambou devient un matériau
hygroscopique absorbant l’humidité du béton. Il n’est donc pas
souhaitable dans le cadre de cette présente étude que le
bambou se réhydrate rapidement lorsqu’il est en contact avec
le béton frais. La pré-cuisson n’est donc pas une technique
intéressante pour le traitement des bambous destinés à la
fabrication d’armatures de béton.

Étant donné sa simplicité et son moindre coût, la méthode de


traitement traditionnelle énoncée précédemment par Raj
(1991), combinée à l’application d’une solution bitumineuse
proposée par Ghavami (1995), représente certes l’une des
solutions les plus avantageuses pour la réalisation d’éléments
de béton armé de bambou dans le cadre de cette recherche.
Toutefois, il faut retenir que ces produits sont relativement
coûteux, ce qui est un détail non-négligeable lorsque l’on
désire intervenir dans des contextes économiques précaires,
tel le Vietnam.
2.4 L’adhérence béton-bambou
Il est bien connu que l’adhérence entre les tiges de bambou et
le béton est l’une des principales limites de la technologie des
bétons armés de bambou. S’appuyant sur les travaux de Shui
(1990), Raj (1995) avance que l’adhérence moyenne observée
entre plusieurs espèces de bambou et le béton est de l’ordre
de 0.25 à 0.5 MPa. D’ailleurs, Kankam et Perry (1989) ont
mené une expérimentation afin de mieux comprendre les
facteurs et les paramètres influençant l’adhérence béton-
bambou. Ils ont tenté de déterminer l’influence du traitement
du bambou et de la résistance du béton sur la qualité de
l’adhérence entre le béton et les armatures de bambou, en
tenant compte des variables suivantes :

• La valeur de la force en compression du béton;

• La présence de nœuds sur les tiges;

• La durée du séchage des tiges;

• Le sablage des surfaces de bambou;

• L’application d’un traitement au bitume avec et sans sable.

L’effet combiné d’une meilleure résistance à la compression du


béton (44 MPa au lieu de 35 MPa), d’un séchage de quatre
semaines et de la présence de nœuds sur les tiges semble
avoir des résultats positifs sur l’adhérence. En effet, la valeur
d’adhérence béton-bambou est de 1,13MPa pour des tiges
sans nœuds et 2,04 MPa pour des tiges avec nœuds.

Il apparaît que les tiges de bambou ayant des nœuds


obtiennent toujours une meilleure adhérence béton-bambou
que celles sans nœuds. Les nœuds agissent comme des
protubérances qui permettent au bambou de mieux s’agripper
au béton.

Le séchage prolongé des tiges de bambou augmente


l’adhérence du bambou au béton. En effet, la force ultime
d’adhérence des tiges passe de 0,33MPa, sans séchage, à
0,60MPa pour des tiges ayant séchées trois semaines à l’air
libre. Selon les chercheurs, cela s’explique par le fait que les
tiges sèches ont une meilleure stabilité dimensionnelle ce qui
permet au bambou de rester ancré dans le béton et de
conserver sa fonction d’armature.

Les éprouvettes avec des tiges de bambou dont la surface a


été sablée ont une meilleure force d’adhérence (1,94 MPa)
comparativement aux tiges demeurées intactes (1,65 MPa).

Enfin, le recouvrement des tiges par une couche de bitume


semble améliorer l’adhérence de 12% tandis que le même
traitement plus l’ajout de grains de sable repousse cette valeur
à 27%. Les chercheurs expliquent ces résultats par le fait que
les tiges imperméabilisées n’absorbent pas l’humidité contenue
dans le béton frais et ne subissent donc pas le gonflement et
le retrait qui occasionne la perte d’adhérence.

Ghavami (1995) arrive aux mêmes conclusions que Kankam et


Perry (1989) dans son étude sur l’adhérence entre le béton et
le bambou où une série d’essais d’arrachement (figure 2.6) ont
été réalisés sur des tiges de bambou ayant été traitées
différemment :

• tiges non-traitées ;

• tiges enduites de Négrolin mélangé à du sable ;

• tiges enduites de Négrolin mélangé à du sable et enroulées


de fils métalliques de 1,5 mm de diamètre espacés à 4
cm.

Les résultats sont analysés considérant une distribution


uniforme des charges le long des zones d’adhérence entre le
béton et le bambou. Après avoir calculé la force d’adhérence,
l’auteur remarque que les tiges enduites de Négrolin (solution
bitumineuse) mélangé à du sable et enroulées de fils
métalliques ont une adhérence avec le béton accrue de 90%.

Ferreira, Moreno et Beraldo (2001) ont obtenu des résultats


semblables. Les chercheurs ont également tenté de trouver
une façon d’accroître l’adhérence béton-bambou. Leurs essais
prouvent que le recouvrement du bambou par un vernis et un
grillage métallique offre le meilleur coefficient d’adhérence
béton-bambou.
Figure 2.6 : Essai dʼarrachement du bambou
dans le béton(Ghavami, 1995)

En résumé, les études recensées démontrent qu’un séchage


du bambou de quelques semaines, la présence de nœuds sur
les tiges, le sablage, l’application d’un traitement hydrofuge,
tel le Négrolin , mélangé à des grains de sable, le
recouvrement des tiges par un grillage métallique ainsi qu’une
résistance à la compression accrue du béton sont tous des
facteurs qui contribuent à améliorer l’adhérence entre le béton
et le bambou.

Désireux d’apporter une contribution supplémentaire à ces


connaissances, Kawai (2001) s’est intéressé plutôt à la façon
de tailler les armatures dans le but d’augmenter l’adhérence
entre le béton et le bambou. Lors de son expérimentation, il
réalisa des crénelures de 30 mm de longueur par 2 mm de
profondeur dans la section longitudinale des lanières de
bambou (figure 2.7). Ainsi ces protubérances exercent un
meilleur accrochage au béton puisque les résultats obtenus
montrent que les armatures de bambou crénelées ont une
adhérence de deux à trois fois supérieure à celle des
armatures de bambou sans crénelures.
Figure 2.7 : Crénelage des lanières de
bambou (Kawai 2001)

Néanmoins, Foudjet et Fomo (1995) affirment que les


précédents résultats demeurent peu satisfaisants, si on les
compare à l’adhérence acier-béton qui est très supérieure. Par
conséquent, les auteurs proposent un procédé novateur :
l’utilisation d’une structure périodique de confinement pour
résoudre le problème d’adhérence. La technique de
confinement consiste globalement à façonner les armatures de
rotin ou de bambou en forme de cadres ayant un côté dans la
zone comprimée (figure 2.8). La longueur de la tige de rotin
pouvant atteindre 150 cm et plus, le problème de
recouvrement ne se pose pas dans l’utilisation de cette
technique de confinement. Le façonnage des cadres se fait à
l’aide d’un bec à gaz, car, en chauffant le rotin aux endroits à
plier, il se plastifie aisément et garde la forme imposée après
refroidissement.

Figure 2.8 : Structure périodique de


confinement, Foudjet et Fomo (1989)

Par leur expérimentation, Foudjet et Fomo (1989) cherchent à


obtenir la contrainte de cisaillement qui serait développée à la
limite de la rupture du rotin par traction. En supposant que
l’adhérence limite (τe) se produit au moment de la rupture en
traction du rotin, les auteurs la déterminent par
l’équation suivante :

τe= σrtStτal/Fal

À partir des essais d’arrachement, il est démontré que


l’adhérence apparente varie de 2,8 MPa à 5,4 MPa pour des
contraintes de rupture en traction du rotin allant de 52 à 100
MPa. Sachant que les contraintes d’adhérence du bambou et
de l’acier dans le béton sont supérieures à celles du rotin et
que la contrainte de rupture en traction du bambou peut
atteindre 400 MPa, les chercheurs avancent que la valeur de
τeserait d’environ 20 MPa si ce procédé était appliqué au
bambou. Ceci reviendrait à multiplier par environ 50 les
valeurs d’adhérence du bambou atteintes par d’autres
procédés. Cette valeur approche celle de 25 MPa couramment
admise pour l’adhérence acier-béton.

Foudjet et Fomo (1995) soulignent que les recherches


conduites précédemment pour améliorer les valeurs
d’adhérence entre le béton et les matières ligneuses ont
permis de multiplier les valeurs de la contrainte d’adhérence
par trois ou quatre. Avec la méthode d’utilisation d’une
structure périodique de confinement, les auteurs ont pu les
multiplier par 50. Ils affirment donc que leur technique s’avère
très efficace et laisse espérer des lendemains meilleurs pour
l’association matière ligneuse-béton.

Toutefois, les essais réalisés par Foudjet et Fomo (1989) ont


été menés sur des éprouvettes armées de rotin. Les résultats
anticipés pour des armatures de bambou ne sont donc que
pures spéculations et il serait nécessaire de faire subir le
même test expérimental à d’autres matières ligneuses, le
bambou par exemple, afin de vérifier la fiabilité de cette
technique. En ce sens, les travaux de Ghavami (1995), de
Kankam et Perry (1989) ainsi que ceux de Ferreira, Moreno et
Beraldo (2001) s’avèrent plus fiables que ceux de Foudjet et
Fomo (1995). Il n’est peut être pas souhaitable du point de
vue scientifique, d’associer le bambou à un autre matériau, tel
le rotin. Nous avons vu que le bambou a des propriétés
physiques et mécaniques qui lui sont particulières. Néanmoins,
les travaux de Foudjet et Fomo (1995) amènent de nouvelles
pistes de recherche qui pourraient s’avérer prometteuses si
elles sont concrètement appliquées au bambou.
2. 5 L’utilisation du bambou comme
armature dans le béton: le cas des poutres
Grâce à ses fibres longitudinales qui lui donnent une résistance
élevée en tension, il le bambou peut être utilisé pour
remplacer l’acier comme armature dans les éléments de béton,
telles les poutres. Tous les auteurs recensés s’accordent pour
dire que leséquations et les procédures de design pour le
béton armé d’acier peuvent être employées de façon tout à fait
sécuritaire pour la conception des poutres de béton armé de
bambou. Dans les équations, les valeurs (rupture en tension,
module d’élasticité) reliées à l’acier sont remplacées par celle
du bambou.

Quant à la préparation des armatures de bambou, quelques


recommandations ont été formulées pour obtenir de meilleures
performances. Balaguru (1985) conclut que la largeur des
lanières doit se situer entre 20 et 25 mm et que l’espace entre
celles-ci doit être au moins égal à la largeur des armatures
plus 7,5 mm ou au diamètre maximal des granulats. De plus, il
souligne que le coté concave des lanières doit être orienté vers
le haut, de manière à ne pas emprisonner des bulles d’air lors
de la coulée, ce qui nuirait à l’adhérence béton-bambou.

À partir de ces constats,Ferreira, Moreno et Beraldo (2001) ont


évalué les performances structurales des poutres de béton
armé de bambou. Pour ce faire, quatre poutres de section
transversale rectangulaire de 15 cm x 20 cm et de 1,8 m de
longueur ont été fabriquées. Les propriétés sont résumées au
tableau 2.1.
Tableau 2 : Performances structurales des
poutres(Ferreira, Moreno et Beraldo, 2001)

Pour l’essai, une charge de 200 kg est appliquée à tous les 60


cm sur la longueur de chacune des poutres. Des jauges
placées sous les poutres permettent de mesurer les
déformations. Les résultats démontrent que plus la quantité
d’armature de bambou augmente, plus la résistance à la
flexion des poutres augmente tandis que les déformations
diminuent. Selon Raj (1989), la décision quant au pourcentage
d’armature utilisée dans le béton dépend de plusieurs facteurs,
tel le type de structure, la résistance requise, l’économie, etc.
L’auteur réfère aux travaux de Glenn (1950) pour
recommander un pourcentage optimum de 4 à 5% de la
section de la pièce de béton (poutre, dalle, colonne).

Ghavami (2001) expérimenta lui aussi l’utilisation de lanières


de bambou comme armatures. Dans le cadre de son
expérimentation, des poutres de béton de 12 x 30 x 300 cm
furent fabriquées (figure 2.9). Les résultats démontrent qu’un
ratio d’une section transversale du bambou par rapport à la
section transversale de la poutre équivalent à 3% permet
d’accroître de 400% la charge admise pour une poutre sans
armature. De toute évidence, le point de vue de l’auteur quant
à l’efficacité des armatures de bambou rejoint celui de
Ferreira, Moreno, Beraldo (2001) et Raj (1991).
Figure 2.9 : Réalisation dʼune poutre de béton
armé de bambou (Ghavami 1995)

Cependant, Ghavami (1995) remarque que les déformations


d’une poutre armée de bambou augmentent de façon
significative comparativement aux déformations observées sur
la poutre armée d’acier (figure 2.10). L’auteur attribue ce
phénomène au faible module d’élasticité du bambou qui est 15
fois inférieur à celui de l’acier de même qu’à l’adhérence plus
faible entre le bambou et le béton. Toutefois, la fissuration
semble moins importante sur la poutre armée de bambou que
sur la poutre armée d’acier ce qui serait également dû au
faible module élastique du bambou. Quoi qu’il en soit,
Balaguru et Shah (1985) soutiennent que la technologie des
bétons armés de bambou devrait se limiter aux bâtiments de
petite échelle. (comme l’habitation dans les pays en
développement).

Figure 2.10 : Courbe contraite-


déformation,(Balaguru 1985)

La plupart des recherches sur la technologie des bétons armés


de bambou portent sur les propriétés, les traitements et la
transformation du bambou. Très peu d’études s’intéressent
pour le moment à la mise au point et au développement du
béton. De façon générale, les chercheurs partagent le même
avis quant aux précautions à prendre lors de la fabrication des
bétons. Par exemple, Balaguru (1985) et Brink (1966)
soutiennent que la dimension des granulats ne doit pas
dépasser 10 à 12 mm et qu’un ratio eau/ciment abaissé est
préférable afin de limiter l’absorption d’eau par le bambou. De
plus, ils soutiennent que le béton doit offrir une résistance en
compression d’au moins 20 MPa pour assurer la durabilité des
éléments fabriqués. La plupart d’entre eux utilisent un béton
conventionnel composé de ciment de Portland.

Toutefois, Abdurachim et Firmanti (2001) ont travaillé à la


mise au point d’un mélange de béton économique destiné à la
construction dans les pays en développement. Ces chercheurs
sont d’avis que le ciment de Portland, une composante
importante du mélange, est devenu trop coûteux. Ceux-ci
travaillent à développer un matériau alternatif, notamment le
ciment pouzzolane. Les pouzzolanes se présentent sous la
forme d’une fine poudre comme le ciment Portland.
Constituées principalement de silice amorphe, elles réagissent
chimiquement avec l’eau et la chaux pour faire prise et durcir.
Elles peuvent être d’origine naturelle (cendres volcaniques,
écorce de riz brûlé, etc.) ou provenir de sous-produits
industriels (cendres volantes, laitiers de haut fourneaux,
fumée de silice). Elles sont généralement utilisées en
remplacement partiel du ciment Portland (elles réagissent
alors avec la chaux qui est naturellement dégagée par
l’hydratation du ciment Portland) à des dosages variant entre
remplaçant 5 à 10% (Neville, 1998). Des recherches ont
cependant démontré qu’on peut les utiliser à des dosages
allant jusqu’à 70% pour produire des bétons de faible
résistance mécanique (environ 20 MPa en compression)
(Malhotra et al., 1995).

Pour leurs essais, Firmanti et Abdurachim (2001), ont réalisé


une maison avec une structure de béton armé de bambou.
Deux types de mortiers furent préparés pour l’occasion, soit un
mélange pouzzolane (avec fumée de silice) mélangé à des
granulats fins et un ciment de Portland conventionnel.
Différents mélanges de ciment pouzzolane furent testés
suivant des ratios de 1 :3, 1 :5 et 1 :7. À partir des résultats
obtenus, les chercheurs ont conclu qu’ en suivant les
standards indonésiens de la construction, le mortier
pouzzolane dans un rapport 1 :3 peut être utilisé de façon
sécuritaire, car il s’avère tout aussi performant qu’un béton
conventionnel (ciment Portland) tout en étant moins
dispendieux.

7] Le « Dendrocalamus Asper » est une espèce atteignant une hauteur de


[

20 à 30 mètres. Ses zones inter-nodales ont 20 à 45 cm de longueur pour


un diamètre de 8 à 20 cm et une épaisseur de 11 à 35 mm. Cette espèce
est très utilisée en construction dans les communautés rurales, à cause de
sa force et de sa durabilité. Dépendamment de son abondance, on l’utilise
entre autres pour la construction de maisons et de ponts.

3.1 La sélection d’une espèce de bambou


pour le Vietnam, survol du portrait
vietnamien
Le Vietnam possède 9302 millions d’hectares de forêts, ce qui
représente 28,2% de la superficie totale du territoire. Les
terres agricoles couvrent 33 millions d’hectares tandis que
1049 millions d’hectares sont exploitées à des fins de
plantations (Duyen 1995). Le tableau 3 illustre le portrait
forestier du Vietnam.
Tableau 3 : Portrait forestier vietnamien
(Duyen 1995)

Le Vietnam est sous l’influence d’un climat tropical caractérisé


par de hautes températures et une humidité élevée, conditions
propices à la croissance du bambou. Selon l’inventaire
forestier de 1993 réalisé par l’Institut des Sciences de la Forêt
du Vietnam, le bambou représente 11,4% du portrait forestier
vietnamien avec 5 551 milliards de plants de bambou. On
retrouve le bambou principalement dans les forêts humides et
denses, mais également sur l’ensemble du territoire, près des
côtes, dans les plaines, en basses comme en hautes altitudes.
Certaines espèces, telle le Bambusa Stenostachya tolèrent des
conditions d’immersion pendant plus d’un mois.

Selon Pham Hoang Ho (1994), on retrouve 20 familles de


bambou pour un total de 85 espèces (Annexe 1). On retrouve
quelques une de ces espèces à l’état naturel dans de larges
proportions au Nord du Vietnam . Il s’agit du :

• Arundinaria griffithii

• Indosasa crassifolia

• Taeniostachyum dullooa (Schizoztachyum dullooa)

• Dendrocalamus sericeus

• Dendrocalamus hamiltonii

• Phyllostachys bambusoides

L’ensemble des espèces de bambou est principalement


concentré dans 4 grandes régions :

• au centre de la région nordique vietnamienne ;

• dans la partie centrale-nord du Vietnam ;

• sur les hauts plateaux centraux ;

• dans le sud-est vietnamien.

Parmi les espèces recensées, certaines sont considérées


comme ayant un potentiel économique important telles que:

• Indosasa crassifolia

• Bambusa procera

• Bambusa stenostachya

• Dendrocalamus membranaceus

• Dendrocalamus asper

• Dendrocalamus sericeus

• Dendrocalamus giganteus

• Dendrocalamus latiflorus

• Phyllostachys pubescens

Ces espèces sont couramment utilisées comme matériaux de


construction, dans l’industrie papetière, dans la fabrication de
meubles et dans l’artisanat. Le Vietnam possède également 14
espèces endémiques (Annexe 1) et 3 jugées en voie
d’extinction : la chimonobambusa quadrangulis (cette espèce
est l’une des plus rare du Vietnam et se retrouve dans une
zone très retreinte), la phyllostachys nigra et la phyllostachys
bambusoides . Le travail de conservation des espèces de
bambou a débuté en 1990. Certaines espèces sont conservées
dans des zones écologiques ou des jardins spécialement crées
pour la recherche et le développement. Selon un rapport du
Ministère de la Forêt paru en 1995, les zones destinées à la
plantation du bambou recouvraient, en 1989, 43 700 acres.
Depuis, on retrouve 37 300 acres de plantation de bambou
dans la province de Thanh Hoa avec 28 000 acres consacrés à
la culture du dendrocalamus membranaceus . Dans la province
de Caobang, 510 acres de forêt essentiellement composée de
phyllostachys pubescens et de phyllostachys bambusoides ont
été aménagés. D’autres espèces comme le Indosasa crassifolia
, le bambusa stenostachya , le dendrocalamus Asper et le
dendrocalamus giganteus sont cultivées à petite échelle. Les
espèces ayant la plus grande valeur économique ont été
surexploitées, ce qui a entraîné une diminution de la
ressource.

3.2 Sélection d’une espèce particulière


pour la fabrication des poutres de béton
armé de bambou.
Afin de protéger les espèces vulnérables, il convient de
sélectionner une espèce dont l’abondance assura la pérénité
de la ressource malgré une exploitation commerciale à petite
échelle. Pham Hoang Ho (1994) identifie d’ailleurs 6 espèces
que l’on retrouve abondement dans le nord du Vietnam, dans
un environnement relativement près de Hanoi. Parmi celles-ci,
l’une se retrouve également dans la liste des espèces ayant
une valeur commerciale ou un potentiel d’utilisation pour des
matériaux de construction. Il s’agit du dendrocalamus
sericeus. Cet espèce pourrait en effet convenir à la fabrication
d’armature de bambou dans la fabrication des poutrelles.

L’utilisation et l’exploitation de cette espèce doit se faire de


manière à ne pas dégrader l’environnement dans lequel elle
pousse tout en assurant la survie de l’espèce. Depuis très
longtemps, le bambou a été implanté près des digues, des
berges et des villages pour prévenir l’érosion des sols. Le
prélèvement des tiges dans la nature doit se faire de manière
à couper au maximum la moitié des tiges d’un plant. Après 4 à
5 ans, le plant aura retrouvé sa taille initiale. La période de
coupe doit s’effectuer de novembre à avril et seules les tiges
de 3 ans et plus peuvent être prélevées.
3.2.1 La sélection d’une espèce de bambou pour la
réalisation des essais au Québec
Étant donné que le contexte d’intervention n’est pas le même
que le lieu d’expérimentation, il fut difficile de sélectionner une
espèce disponible au Vietnam et que l’on peut se procurer au
Québec.La disponibilité et l’accessibilité de la matière furent
donc les principaux facteurs pris en compte pour la sélection
de l’espèce de bambou utilisée à Québec. Aucune espèce de
bambou ne pousse à l’état naturel et il n’est pas possible d’en
faire la culture au Québec étant donné la rudesse du climat
hivernal. Ainsi, 16 tiges de bambou ont été achetées chez une
distributeur de matériaux de construction. Importée de Chine,
l’espèce acquise demeure inconnue. Le diamètre moyen est
d’environ 90 mm pour une longueur moyenne de 3 m. Toutes,
les tiges ont été séchées préalablement.

3.3 La préparation des armatures de


bambou
Les tiges acquises étaient dénuées de parties internes
spongieuses vulnérables à la décomposition (Hidaldo 2001). Il
s’avère que les sections de tiges montrainent une densité et
une texture homogène de la parois externe jusqu’à la parois
interne. Il ne fut donc pas nécessaire, dans le cas présent, de
retirer une partie des tiges de bambou comme le suggère Raj
(1991). L’intégralité des tiges a donc pu être transformée en
armature.

À l’aide d’un couteau à lame fine, les tiges ont été découpées
en lanières de 23 x 4,5 mm soit l’épaisseur de la parois des
tiges, tel que le recommande Kawai (2000) etBalaguru (1985)
(figures 3.1 et 3.2). Le découpage se fit aisément dans le sens
des fibres.Cinq armatures furent taillées en moyenne dans une
tige de bambou.
Figure 3.1 : Découpage des armatures (Photo
par Jonathan Boucher 2003)

Figure 3.2 : Dimensions et forme dʼune


section de lanière de bambou

3.4 Les méthodes de préservation des tiges


de bambou
La couleur et la texture des tiges de bambou que nous avons
utilisées pour nos essais indiquent que ces tiges ont subi un
premier traitement d’immersion et de séchage selon la
méthode traditionnelle décrite précédemment (Raj,1991). Ce
traitement essentiel constitue le moyen le plus simple et le
moins coûteux pour assurer la conservation des tiges de
bambou. Il demeure que, dans un environnement humide, le
bambou devient un matériau hygroscopique qui absorbe l’eau
du béton (Abdurachim et Firmanti, 2001). Pour la fabrication
de nos poutres armées de bambou, il est donc nécessaire
d’imperméabiliser les lanières de bambou pour éviter qu’elles
s’imbibent d’eau au contact du béton frais et que leur
gonflement ne fasse éclater le béton qui les recouvre.

Figure 3.3 : Lanières de bambou (photo par


Jonathan Boucher, 2003)

Afin de bien les imperméabiliser, les tiges de bambou furent


sablées et enduites d’un agent hydrofuge reconnu pour
préserver la matière ligneuse (figure 3.4). Nous avons choisi le
SIKAFLOOR 90 ,produit par la compagnie Sika, en raison de
son efficacité supérieure (Ghavami 1995) et de la présence de
la compagnie au Vietnam. Ce produit est une résine époxyde
claire sans solvant à basse viscosité insensible à l’humidité et
conçu pour une multitude d’usages. Son application est rapide
et elle s’effectue au pinceau.
Figure 3.4 : Application duSIKAFLOOR
90(photo par Jonathan Boucher, 2003)

3.5 L’adhérence béton-bambou


Concernant la question de l’adhérence béton-bambou, les
travauxde Ghavami(1995),de Kankam et Perry(1989)ainsi que
ceux de Ferreira et al.(2001)s’avèrentles meilleures
références. Nous avons donc suivi leurs recommandations :

• S’assurer d’unséchage des tiges de bambou de 4 semaines

• Utiliser des tiges avecdesnœuds

• Sabler les surfaces des armatures

• Appliquerun traitement hydrofuge(SIKAFLOOR 90)

• Enrober les tiges avec du sable de silice (figure 3.5)

S’inspirant des travaux de Kawai (2001), nous avons aussi


choisi d’entailler les lanières de bambou pour leur conférer un
meilleur ancrage mécanique au béton (l’adhérence s’en trouve
doublée ou même triplée). Ainsi des crénelures de 30 mm de
longueur par 2 mm de profondeur furent pratiquées dans la
section longitudinale des lanières de bambou (figures 3.5 à
3.8). Cette étape fut réalisée avant l’application de la résine
époxyde à la section 4.3, de manière à ne pas rompre
l’intégralité de l’imperméabilisation.

Figure 3.6 : Crénelage des lanières de


bambou (Kawai, 2001)
Figure 3.7 : Confection des crénelures à lʼaide
dʼune ponceuse à ruban (photo par Jonathan
Boucher, 2003)

Figure 3.8 : Crénelures (photo par Jonathan


Boucher, 2003)

Pour assurer une bonne adhérence entre le bambou et le


béton, nous avons également respecter les recommandations
de Balaguru (1985) à savoir que :

• La distance entre les lanières doit être au moins égal à la


largeur des armatures plus 7,5 mm ou supérieur à la
dimension maximale des granulats.

• La face concave des lanières ne doit être orientée vers le


bas, de manière à ne pas emprisonner des bulles d’air
lors de la coulée du béton.
Figure 3.9 : Les armatures après les
traitements dʼimperméabilisation et
dʼamélioration de lʼadhérence (photo par
Jonathan Boucher, 2003)

3.6 Dimensionnement structural de la


poutrelle de béton armé de bambou
Comme on a pu le constater au chapitre 3, les auteurs
s’accordent pour dire que leséquations et les procédures de
design pour le béton armé d’acier peuvent être employées de
façon tout à fait sécuritaire pour la conception des poutres de
béton armé de bambou. Dans les équations, les propriétés
mécaniques de l’acier sont alors remplacées par celle du
bambou.

3.6.1 Propriétés mécaniques du bambou

SelonYANG (1998), il existe plus de 1250 variétés de bambou.


De nombreuses études se sont employées à mesurer les
propriétés mécaniques de plusieurs de ces variétés. Ces
études ont démontré que, comme l’acier, le bambou montrait
un comportement linéaire élastique lorsqu’il est sollicité en
traction. La littérature scientifique révèle que la résistance
ultime du bambou à la traction (Fy) varie entre 120 et 230
MPa, alors que son module élastique (E) se situe entre 6 et 12
GPa. (Balaguru 1985). Comme cette plage de valeurs est très
large et plus ou moins applicable, nous avons voulu mesurer
en laboratoire les propriétés mécaniques de l’espèce de
bambou que nous avons utilisée dans nos essaiscomme le
suggèrent Ferreira, Moreno et Beraldo (2001).Il s’agit d’une
variété commune en Chine que l’on retrouve chez les
marchands de matériaux de construction.

3.6.2 Mesure de la résistance à la traction de nos


lanières de bambou
L'essai de traction sert à mesurer la résistance d'un matériau
soumis à une force statique ou d'application progressive. Une
éprouvette est serrée dans les mâchoires de l'appareil d'essai
et une charge est appliquée jusqu’à la rupture de l’éprouvette.
Une jauge de déformation (extensomètre) mesure l'élongation.
La contrainte obtenue à la force appliquée la plus élevée est la
résistance à la traction du matériau testé. La limite d'élasticité
est la contrainte pour laquelle une portion spécifique de
déformation plastique est produite. L'allongement (ΔL) est
défini par la proportion d'étirement de l'éprouvette avant
rupture. Une machine de traction est constituée d'un bâti
rigide qui comprend une traverse fixe à laquelle est fixée l'une
des têtes de l'éprouvette; l'autre extrémité est fixée à une
traverse mobile (figure 3.10).

Plusieurs éprouvettes de bambous ont été fabriquées en


suivant les recommandations prescrites dans la littérature
(RAJ, 1991). Suite à des essais préliminaires, la géométrie des
éprouvettes (figure 3.11) a dû être adaptée afin de s’assurer
que la rupture survenait dans le corps central de l’éprouvette
(figure 3.12) et non au niveau de têtes d’ancrage où les
concentrations de contrainte sont plus élevées. Au final, trois
éprouvettes ont été testées et ont donné des résultats
comparables.
Figure 3.10 : Essai de traction sur une
éprouvette de bambou (Jonathan Boucher,
2004)

Figure 3.11 : Forme et dimensions (unités en


mm) des éprouvettes de bambou utilisées
pour les essais de traction (illustration de
Jonathan Boucher, 2004)

Figure 3.12 : Éprouvette de bambou après


rupture (photo parDany Blackburn, 2004)

La figure 3.13 montre la relation entre la charge et le


déplacement (ΔL) obtenue lors d’un essai de traction sur une
éprouvette de bambou. On observe un comportement
pratiquement linéaire jusqu’à la charge de rupture[8]. La
rupture est dite fragile car la charge chute brutalement après
l’atteinte de la charge maximale. Toutefois, la reprise de
charge est importante après cette première rupture car on
remarque que, après avoir chuté de moitié, la charge remonte
par la suite. Ce comportement est semblable à celui que l’on
observe pour le bois de construction et il assure au matériau
une ductilité suffisante pour être utilisé dans des applications
structurales.

Figure 3.13 : Relation entre la charge et le


déplacement mesurée lors dʼun essai de
traction sur une éprouvette de bambou

La figure 3.14 présente de façon schématique (à partir de la


moyenne des résultats obtenus sur les trois éprouvettes
testées) les mêmes résultats mais en remplaçant la relation
charge vs déplacement pour une relation contrainte vs
déformation. La contrainte (σ) est simplement obtenue en
divisant la charge (P) par la section de l’éprouvette (A) c’est-à-
dire σ = P/A. La déformation (ε) est obtenue en divisant
l’allongement (ΔL) par la distance initiale entre les deux points
de mesure sur l’éprouvette (L) : ε = ΔL/L.
Figure 3.14 : Relation entre la contrainte (σ) et
la déformation (ε) mesurée sur les
éprouvettes de bambou

La figure 3.14 montre que la contrainte de rupture, ou limite


élastique (Fy) est égale à environ 150 MPa alors que le module
élastique (E), qui correspond à la pente de la courbe σ vs ε est
égal à environ 8000 MPa. Comme son nom l’indique, le module
élastique définit la rigidité du matériau (plus E est élevé,
moins le matériau est déformable). Évidemment, ces valeurs
varient légèrement d’une éprouvette à l’autre. Pour nos calculs
structuraux, nous avons donc utilisé une limite élastique (Fy)
de 150 MPa et un module élastique (E) de 8000 MPa.

Par comparaison, l’acier doux de charpente possède une


résistance à la traction de 300 MPa et un module élastique de
200 000 MPa. On peut donc en conclure que le bambou est
environ 2 fois moins résistant que l’acier (150 MPa vs 300
MPa) et 25 fois moins rigide que l’acier (8000 MPa vs 200 000
MPa). La faible rigidité du bambou rend les poutres de béton
armé de bambou beaucoup plus déformables que les poutres
de béton armé d’acier. Cela constitue un handicap important
pour les poutres de longues portées qui sont lourdement
chargées, car la déformation constitue alors un élément de
dimensionnement important. Pour notre application
cependant, cette faible rigidité n’est pas pénalisante, car nous
avons affaire à des poutres de courtes portées (environ 4 m)
faiblement chargées. Quant à la plus faible résistance du
bambou par rapport à l’acier, elle peut être compensée en
doublant l’aire de la section des armatures de bambou.

3.6.3 Calcul de la résistance à la flexion d’une poutre


armée de bambou
Nos essais de laboratoires ont déjà permis d’estimer les
propriétés mécaniques du bambou (Fy = 150 MPa et E = 8000
MPa). En supposant un comportement élastique, la
déformation à la rupture (εrupt) est donc égale à :

(1)

Le béton utilisé pour la fabrication des poutres était un béton


autoplaçant de haute performance avec les propriétés
suivantes (Blackburn, 2005) :

• Résistance à la compression :fc=80 MPa

• Module élastique :E=40 000 MPa

• Déformation à la rupture :εrupt=0,002

Le dimensionnement structural des poutres est basé sur


l’hypothèse de Navier-Stokes qui veut que les sections planes
restent planes et que le profil des déformations longitudinales
varie linéairement sur toute l’épaisseur de la poutre (figure
3.15).

L’axe neutre définit l’élévation sur la poutre où la déformation


longitudinale est nulle. Tous les points de la poutre situés au-
dessus de l’axe neutre sont sollicités en compression alors que
tous les points situés en dessous de cet axe neutre sont
sollicités en traction.
Figure 3.15 : Hypothèse de Navier-Stokes

La rupture d’une poutre de béton armé peut survenir de trois


façons différentes. Dans un premier cas de figure, on peut
atteindre l’allongement à la rupture du béton avant celui des
armatures. La résistance de la poutre est alors gouvernée par
la rupture du béton et, comme cette rupture est fragile,
l’emploi de ce type de poutre est prohibé par les normes, car il
peut conduire à l’effondrement des planchers. Dans un
deuxième cas de figure, on peut atteindre l’allongement à la
rupture des armatures avant celui du béton. On est alors en
présence d’une rupture ductile qui préserve l’intégrité
structurale du plancher. C’est ce type de rupture qui est
imposé par les normes. Le troisième cas de figure survient
lorsque l’on atteint l’allongement à la rupture du béton en
même temps que celui des armatures. On dit alors que les
conditions sont « balancées » et cela nous permet de
déterminer la quantité maximale d’armatures qui sera
autorisée dans la poutre. La figure 3.16 illustre ces conditions.

La variable a définit la position de l’axe neutre par rapport à la


fibre supérieure de la poutre et la variable d représente la
distance entre cette même fibre supérieure et le centre de
gravité des barres d’armatures. Tout le béton situé au dessus
de l’axe neutre est sollicité en compression (C). Le béton situé
en dessous de l’axe neutre est tendu et comme sa résistance à
la traction est très faible, on considère qu’il est fissuré que sa
contribution structurale est nulle. L’effort de traction (T) sera
donc entièrement repris par les armatures.
Figure 3.16 : Conditions balancées

Puisque les déformations aux fibres extrêmes sont connues (ε


= 0,002 et 0,0188), la position de l’axe neutre ( a ) est
obtenue géométriquement par triangle semblables :

(2)

D’où :

(3)

Cela signifie que la zone de béton sollicitée en compression


représente moins de 10% de l’épaisseur totale de la poutre.
L’effort de compression dans le béton (C) est obtenu à partir
du profil des contraintes triangulaire:

(4)

Où b correspond à la largeur de la poutre.

Le coefficient tenu(Φc)est un coefficient de sécurité qui prend


en compte la variabilité de la résistance à la compression du
béton. Selon les normes canadiennes, on a(Φc= 0,7). Cela
signifie que, dans les calculs structuraux, on ne prend en
compte que 70% de la résistance à la compression du béton.
L’effort de traction dans les armatures en bambou est obtenu
simplement :
(5)

Où Abcorrespond à l’aire de section des armatures en bambou.

Nous avons choisi de retenir un coefficient de tenue de 0,8


pour le bambou (Φb= 0,8) pour tenir compte de la variabilité
de résistance intrinsèque à ce matériau. Nous pensons en effet
que ce matériau est plus homogène que le bois (Φbois= 0,7).
Par comparaison, le coefficient de tenue de l’acier (Φacier) est
égal à 0,9. L’équilibre statique des efforts internes exige que la
force de compression C soit égale à la force de traction (T)
d’où :

(6)

En arrangeant les termes on obtient:

(7)

Parce que le module élastique du bambou est très faible, la


section des barres d’armatures en bambou dépasse
habituellement la valeur deAbassociée aux conditions
balancées contrairement au béton renforcé d’armatures en
acier où la quantité d’armature est toujours inférieure à celle
définie par les conditions. La résistance des poutres renforcées
de bambou est donc gouvernée par la rupture du béton et non
par la rupture des armatures comme dans le béton armé
conventionnel. On doit donc reprendre l’équilibre des efforts
internes en fonction de ces conditions. (figure 3.17).
Figure 3.17 : Conditions pour une poutre
surarmée (As> As balancé)

Pour ces conditions, on peut évaluer les efforts de compression


(C) et de traction (T). La force de compression dans le béton
(C) est donnée par :

(8)

La contrainte de traction dans le bambou (σb) est donnée par


l’expression suivante :

(9)

où εbreprésente la déformation à la fibre inférieure de la


poutre.

La force de traction (T) est donc égale à :

(10)

Pour préserver l’équilibre statique de la poutre il faut que


l’effort interne de compression (C) soit égal à l’effort interne
de traction (T) d’où :

(11)

Par géométrie (triangles semblables), on trouve que :


(12)

D’où :

(13)

En reportant cette valeur dans l’équation (11) on obtient :

(14)

En isolant a dans cette équation on trouve que :

(15)

Le bras de levier entre les forces de compression (C) et de


traction (T) est égal à (figure 3.19). Le mouvement
résistant de la poutre (Mr) est alors donné par l’expression
suivante :

(16)

La géométrie que nous avons retenue pour les poutrelles est


illustrée à la figure 3.18. Ce choix est l’aboutissement de
plusieurs calculs effectués en prenant en compte différentes
géométries. Le but visé était triple :

• procurer au plancher une résistance suffisante (selon les


règles du Code National du Bâtiment du Canada à défaut
de normes vietnamiennes) ;

• minimiser la hauteur des poutrelles et, par conséquent,


l’épaisseur du plancher par souci d’économie de temps et
de matériaux ;

• réduire au maximum le poids des poutrelles (on souhaitait


demeurer en dessous de 100 kg par poutrelle pour
permettre un manipulation relativement aisée par deux
ouvriers).

Une série de calculs successifs ont démontré que quatre


lamelles de bambou étaient nécessaires pour atteindre la
résistance visée. La largeur et l’épaisseur de la semelle
(respectivement 120 et 65 mm) ont été choisies afin de
procurer un recouvrement suffisant des armatures
conformément aux exigences de la norme
canadienneACNORA23.1 et A23.2. pour obtenir la résistance
souhaitée, la partie supérieure de la poutrelle devait faire 50
mm de largeur. La solution la plus simple consistait à utiliser
une poutrelle en forme de T inversé. Cependant, afin de
réduire le poids de la poutrelle, nous avons préféré une section
en forme de I asymétrique (figure 3.18). La semelle
supérieure fait 50 mm de largeur par 20 mm d’épaisseur (ce
qui correspond approximativement à la position de l’axe
neutre. L’âme de la poutrelle fait 20 mm de largeur. Des
calculs plus complexes, qui ne sont pas rapportés ici, ont
montré que cette largeur était suffisante pour prévenir une
rupture en cisaillement sans avoir recours à des étriers.

Pour la géométrie illustrée à la figure 3.18, la quantité


d’armature correspondant aux conditions balancées (Abal) est
égal à :

(17)

La quantité réelle d’armature (Ab) est égale à :

(18)
Figure 3.18 : Géométrie des poutrelles
armées de bambou (illustration par Jonathan
Boucher, 2005)

On constate que Ab> Abalce qui confirme que la poutre est


surarmée et que :

(19)

et (20)

3.6.4 Calcul de la résistance en flexion du système de


plancher
Le système de plancher est illustré à la figure 3.19. Il est
constitué de poutrelles de béton armé de bambou espacées à
800 mm c/c qui supportent des dalles de béton léger de 150
mm d’épaisseur.
Figure 3.19 : Système de plancher
(illustration par Jonathan Boucher, 2005)

L’aire de la section d’une poutre (Apoutre) (figure 3.20) est égale


à:

(21)

La masse volumique de béton est égale à 2400 kg/m3 . La


charge morte linéaire de la poutre est donc égale :

(22)

Les dalles sont fabriquées avec un béton léger de masse


volumique égale à 600kg/m3 . Le poids linéaire des dalles est
donc égal à :

(23)

La charge morte totale (Wd) est donc égale à :

(24)

Selon les normes canadiennes, la charge d’utilisation de


plancher pour des immeubles résidentiels est égal à 190 kg/m2
ce qui signifie que la surcharge d’utilisation ( ) est égale à :

(25)

Selon le Code National du Bâtiment du Canada, la charge


totale majorée ( ) est donc égale à :

(26)
Pour une charge uniformément répartie, le moment de flexion
maximal au centre de la poutre (Mf) est égal à :

(27)

où L représente la portée de la poutre.

Ce moment maximal (Mf) doit être inférieur au moment


résistant (Mr) de la poutre d’où :

(28)

On obtient finalement :

(29)

Cela signifie que, pour la géométrie retenue, les poutrelles


armées de bambou peuvent supporter une plancher d’une
portée d’environ 3 m. Ce système de plancher pourrait aussi
être utilisé pour de plus longues portées à condition de
diminuer l’espacement entre les poutrelles. En reprenant les
mêmes calculs, on peut démontrer que, pour une portée de 4
m, les poutrelles devraient être espacées de 500 mm c/c.
Étant donné que les portées excèdent rarement 4 m dans la
construction résidentielle à Hanoi, ce système de plancher
apparaît tout à fait adéquat pour l’application envisagée.

3.7 Préparation du coffrage de la poutre


Le contenu de la présente page (75) a été rédigé
conjointement avec M. Dany Blackburn et est identique aux
pages 86 et 87 de son mémoire.

La préfabrication, soit l'utilisation d'éléments préfabriqués,


permet de réduire les déchets, d'augmenter la rapidité
d'exécution et la continuité du travail. A moyen terme, la
préfabrication amène une répétition du travail favorable au
rendement et à la sécurité. Cela exige cependant une
coordination plus pointue et un respect assez strict des
dimensions. De plus,laplus grande consommation de
ressources est généralement associée aux coffrages des
éléments de béton. Souvent, on utilise du bois de construction
de première qualité pour les coffrages et on le jette par la
suite. Par conséquent, des coffrages qui peuvent être
démantelés et montés facilement et rapidement aident aussi à
réduire l'énergie intrinsèque totale. Il est certain queles
coffrages réutilisables sont plus chers à l’achat mais sont
rapidement rentabilisés.

Dans le cadre de ce projet, le matériau utilisé pour la


confection des coffrages fut le bois contreplaqué (figure 3.20)
étant donné sa disponibilité au Vietnam, sa facilité de mise en
œuvre et son faible coût. La géométrie du coffrage a
également été pensée de manière à pouvoir décoffrer les
pièces facilement sans les abîmer. La longueur du coffrage est
la même que celle des armatures, soit 3 m, mais les calculs de
dimensionnement effectués à la section précédentes montrent,
à condition de réduire leur espacement à 0,5 m c/c, que ces
poutrelles pourraient être utilisées sur des portées de 4 m ce
qui se rapproche davantage de la largeur habituelle des
maisons vietnamiennes.

Figure 3.20 : Coffrage de bois (photo par


Jonathan Boucheret Dany Blackburn, 2004)

Pour simplifier la mise en place des armatures de bambou et


de leurs éléments de fixation ainsi que la coulée de béton, le
coffrage reproduit la forme inversée de la poutrelle (i.e. la
semelle inférieure de la poutrelle se retrouve dans le haut du
coffrage) tel qu’illustré à la figure 3.21.
Figure 3.21 : Profil et disposition du coffrage
(photo par Jonathan Boucheret Dany
Blackburn 2004)

Le support et le maintien des armatures de bambou dans le


coffrage sont assurés par des tirants métalliques espacés à
600 mm c/c transversalement au coffrage. Ces tirants
traversent chacune des armatures et l’espacement prescrit de
2 cm entre les armatures est maintenu à l’aide de 2 manchons
d’aluminium d’un centimètre (figure 3.22). (Partie rédigée
conjointement avec M. Dany Blackburn, présentée également
à la page 88 de son mémoire.)
Figure 3.22 : Fixation des armatures (photo
par Jonathan Boucheret Dany Blackburn,
2004)

Dans l’ensemble, le coffrage a bien résisté aux premières


étapes de coulée et de décoffrage. En tout, quatre poutres ont
été fabriquées avec le même coffrage. Néanmoins, quelques
modifications ont dû être apportées durant le processus, afin
d’optimiser la qualité des pièces. Par exemple, les étriers
métalliques servant à retenir les pièces de bois du coffrages
ont dues être renforcées. De plus, un plexiglass fut ajouté sur
les parois internes du coffrage de manière à limiter le
gonflement du bois à cause de l’absorption d’eau, ce qui
risquait de faire éclater la poutre lors du démoulage. Il est
cependant peu probable que le même coffrage permette la
fabrication de plusieurs autres poutres. Des éléments en
polystyrène expansé et un contreplaqué enduit d’une couche
spéciale sont maintenant disponibles pour remplacer le
contreplaqué ordinaire et peuvent être réemployés une
centaine de fois. Cette solution pourrait donc être
envisageable dans le contexte vietnamien afin de garantir la
rentabilité et l’efficacité de toute opération de préfabrication.
3.8 La préparation et la coulée du béton
Lebéton est un mélange précisément dosé de ciment, de
granulats, d’eau et d’adjuvants. Il est formulé en fonction de
l’usage auquel il est destiné. Dans ce mélange, le ciment
Portland est l’élément principal et joue le rôle de liant. Les
granulats constituent l’autre composante importante du béton.
Ils se caractérisent par les propriétés de la roche dont ils sont
issus (coloration, propriétés mécaniques et physico-chimiques)
et ces caractéristiques influencent directement les propriétés
esthétiques, mécaniques et de durabilité du béton. Les
adjuvants constituent la troisième composante du béton. Ces
produits sont incorporés au béton en faible quantité (moins de
10 kg/m3 ) afin de modifier certaines caractéristiques du
matériau. Par exemple, les agents réducteurs d’eau vont
permettre d’utiliser moins d’eau pour une ouvrabilité donnée
ou, au contraire, de produire un béton plus fluide avec une
quantité d’eau moindre. Les superplastifiants ont des
propriétés similaires à celles de réducteurs d’eau, mais avec
une efficacité beaucoup plus importante. Ils permettent de
produire des bétons de très grande fluidité que l’on appelle
bétons autoplaçants .Ces bétons se comportent comme un
liquide visqueux. Leur très grande fluidité permet de les
mettre en place dans des coffrages de forme complexe sans
avoir recours à de la vibration comme c’est habituellement le
cas pour les bétons conventionnels. C’est ce type de béton que
nous avons utilisé pour la fabrication des poutres dans le cadre
du présent projet. La grosseur des granulats ne devant pas
dépasser 20 mm, soit l’espacement entre les armatures, il
convenait d’utiliser un béton fluide qui épouserait la forme du
coffrage sans nécessiter l’utilisation d’aiguilles vibrantes ou
autre équipement particulier (ces équipements sont rares et
coûteux au Vietnam). La rapidité et la facilité de mise en
œuvre des bétons autoplaçants permet d’optimiser la
fabrication des poutres tout en assurant une meilleure qualité
de finition.L’eau de gâchage constitue la quatrième et dernière
composante du béton. La quantité d’eau doit être
soigneusement dosée afin d’atteindre simultanément les
conditions de maniabilité, de résistance mécanique et de
durabilité fixées au départ.

La maniabilité d’un mélange de béton est habituellement


mesurée à l’aide d’un essai d’affaissement au cône
d’Abramsconformément aux exigences de la
normeAcnorA23.2. Cet essai consiste à remplir un cône
normalisé de 15 cm de diamètre maximal par 30 cm de
hauteur et, après avoir retiré ce cône, à mesurer
l’affaissement du béton (i.e. la différence entre la hauteur du
cône affaissé et sa hauteur initiale). Pour un béton ordinaire,
l’affaissement est généralement compris entre 7,5 et 12,5 cm.
Si l’affaissement est trop faible, le béton sera difficile à mettre
en place, la pièce de béton montrera des vides de compaction
au démoulage et la qualité du béton sera réduite. En revanche,
si l’affaissement est trop grand, le béton montrera des signes
de ségrégation (i.e. une répartition non-homogène des
diverses composantes du béton : eau, ciment, sable et pierre)
ou de ressuage (remontée de l’eau en surface suite à la
compaction du squelette granulaire) et la qualité du matériau
en sera compromise.

Figure 3.23 : Mesure de lʼaffaissement du


béton

Dans le cas des bétons autoplaçants, l’affaissement est si


élevé (> 25 cm) que cette mesure n’a plus aucune
signification. Pour mesurer la maniabilité de ces bétons, on
effectue aussi un essai au cône d’Abrams mais, plutôt que de
mesurer l’affaissement, on mesure l’étalement du béton qui
correspond au diamètre moyen du cône de béton après qu’il se
soit affaissé (figure 3.24). Si le béton est bien formulé, le
mélange demeure homogène après l’essai au cône d’Abrams
(figure 3.23). Dans le cas contraire, on observera des signes
de ségrégation ou de ressuage. L’étalement des bétons
autoplaçants est généralement compris entre 65 et 80 cm.
Figure 3.24 : Mesure de lʼétalement du béton

En ce qui nous concerne, nous visions un étalement de 650


mm, une résistance à la compression de 80 MPa et une bonne
homogénéité du mélange pour assurer la durabilité du béton
de surface. Pour atteindre la résistance visée nous avons fixé
le rapport eau/ciment à 0,35 (en masse). Pour permettre un
bon enrobement des granulats par la pâte de ciment, nous
avons fixé le volume de pâte à 36% du volume total de béton
ce qui est environ 20% supérieur à ce que l’on retrouve dans
les bétons ordinaires. Pour prévenir la ségrégation du
mélange, nous avons mélangé deux tailles de gravier (2,5 à 14
mm et 14 à 21 mm) dans une proportion de 40-60 afin
d’accroître la compacité du squelette granulaire. Dans un
premier temps, nous avons utilisé un ciment Portland ordinaire
de type 10. Parce qu’il manquait de particules fines (diamètre
inférieur à 30 µm), ce mélange de béton a montré des signes
de ségrégation et de ressuage (figure 3.25).
Figure 3.25 : Essai dʼétalement montrant des
signes de ségrégation (photo par Jonathan
Boucher et Dany Blackburn, 2004)

L’ajout d’un matériau pouzzolanique, en remplacement partiel


du ciment Portland, contribuerait à réduire considérablement
les problèmes de ségrégation. Ces matériaux sont formés de
particules plus petites que les grains de ciment qui, en
présence de la chaux libérée par l’hydratation du ciment
Portland, réagissent avec l’eau pour former des silicates de
calcium hydratés (C-S-H). Ces particules peuvent donc se
loger entre les grains de ciment pour accroître la cohésion de
la pâte de ciment et prévenir les problèmes de ségrégation et
de ressuage. De plus l’activité pouzzolanique contribue à
accroître la résistance mécanique en formant des C-S-H.

Dans le contexte vietnamien, l’écorce de riz brûlé est un


matériau pouzzolanique de grande qualité qui est à la fois
abondant et bon marché. Nous aurions souhaité l’utiliser pour
nos essais de laboratoire mais il nous a été impossible de s’en
procurer. Par commodité, nous avons donc choisi de remplacer
le ciment Portland ordinaire de type 10 par un ciment Portland
de type HSF contenant environ 7% de fumée de silice. La
fumée de silice est un matériau pouzzolanique dont l’action est
comparable à celle de l’écorce de riz brûlé. Ce ciment nous a
permis de fabriquer un béton de très grande fluidité sans
problèmes de ségrégation ou de ressuage. Le tableau 4 donne
la composition du béton autoplaçant utilisé pour la confection
de nos poutrelles.
Tableau 4 : Composition du mélange de béton
autoplaçant

Ce béton fut gâché dans un malaxeur à axe vertical pendant


10 minutes jusqu’à l’obtention d’un mélange fluide et
homogène (figure 3.26). Après le malaxage, la maniabilité du
mélange a été mesurée à l’aide d’un essai d’étalement.
L’étalement obtenu (82 cm) est légèrement supérieur à la
valeur visée (75 cm).La résistance à la compression du béton,
mesurée conformément aux exigences de la
normeAcnorA23.2, est égale à 82 MPa ce qui est légèrement
supérieur à la valeur visée (80 MPa). Mentionnons enfin que le
béton produit était très homogène sans ségrégation ou
ressuage ce qui assure la durabilité de la surface.

Le béton fut mis en place tout simplement en versant le béton


dans le coffrage sans aucun autre moyen de consolidation
(figure 3.27). Les coffrages étaient préalablement huilés afin
de prévenir l’adhérence entre le béton et la paroi du coffrage
et ainsi faciliter l’opération de décoffrage. Une fois le coffrage
rempli, celui-ci fut conservé 7 jours à la température de la
pièce (environ 20°C) avant le décoffrage de la poutre. Un total
de quatre poutres furent fabriquées : une pour réaliser l’essai
de flexion et les trois autres pour mettre à l’essai une section
de plancher en grandeur réelle. La figure 3.28 montre les
poutres après décoffrage. On constate la grande qualité de la
surface de béton qui est exempte de vides de surface ou
autres défauts courants. Nous avons cependant observé des
fissures dans l’axe longitudinal des poutrelles dans le voisinage
des armatures en bambou (figure 3.29). La fissuration
observée est vraisemblablement due au fait que les lanières de
bambou ont subi un certain gonflement après avoir absorbé
une partie de l’eau de gâchage et que ce gonflement des
armatures a provoqué l’éclatement du béton de recouvrement.
Il en ressort que, malgré nos efforts, l’imperméabilisation des
lanières de bambou n’était probablement pas suffisante.
L’application d’une seconde, voir d’une troisième couche
d’hydrofuge aurait sans doute permis de corriger la situation.
Un produit plus efficace pourrait également être identifié pour
des expérimentations ultérieures et permettrait de mieux
garantir la durabilité à long terme des poutres.

Figure 3.26 : Malaxage du béton (photo par


Jonathan Boucheret Dany Blackburn, 2004)

Afin de mesurer la résistance à la flexion des poutres, l’une


d’elles fut soumise à un essai de flexion 4 points (figure 3.30).
Cet essai est similaire à celui utilisé par Ghavami (1995) pour
mesurer la résistance de poutres de béton armées de bambou.
Dans cet essai, une charge est appliquée aux tiers de la portée
de la poutre. Le moment fléchissant est maximal et uniforme
sur tout le tiers central de la poutre. La résistance à la flexion
de la poutre (Mr) est alors donné par la relation suivante :
Figure 3.27 : Coulée du béton dans le
coffrage (photo par Jonathan Boucheret Dany
Blackburn, 2004)

Figure 3.28 : Poutres décoffrées (photo par


Jonathan Boucheret Dany Blackburn, 2004)

Figure 3.29 : Fissuration des poutres (Photo


par Jonathan Boucheret Dany Blackburn,
2005)
(30)

où P représente la charge de rupture et L la portée de la


poutre. Dans notre essai, la portée de la poutre était égale à 3
m et nous avons mesuré une charge de rupture de 10 kN.
Dans ces conditions, la résistance mesurée de la poutre à la
flexion est égale à :

(31)

On remarquera que cette valeur est supérieure à la résistance


prise en compte dans les calculs structuraux (Mr= 4,35 kN-m)
(voir équation (20)). Cela confirme l’efficacité structurale de la
poutre. On remarquera également que, de toute évidence, la
fissuration que nous avons observé à la surface des poutres
(figure 3.29) n’a pas eu d’effet significatif sur la résistance
mécanique de la poutre. Après la rupture de la poutre, on a
aussi constaté les lanières de bambou avaient conservé une
très bonne adhérence au béton et qu’aucun arrachement de
bambou n’a été observé (figure 3.31). En effet, après la
rupture les armatures de bambou ont conservé leur position
d’origine et elles ont donc parfaitement joué leur rôle
structural. Nous en concluons que cela démontre l’efficacité du
bambou à agir comme armature dans le béton à tout le moins
pour les conditions dans lesquelles nous les avons utilisées.
Figure 3.30 : Essai de flexion 4 points

Figure 3.31 : Adhérence entre les armatures


le béton suite au test de flexion(photo par
Jonathan Boucher et Dany Blackburn, 2005)

3.9 Mise à l’épreuve du système constructif


de plancher
Pour confirmer l’efficacité du système structural proposé, nous
avons construit une section de plancher en grandeur réelle
(figure 3.32) (Blackburn, 2006). Cette section de plancher est
constituée de 3 poutrelles et 10 dalles de béton léger (figure
3.32). La mise sous charge du plancher fut obtenue par
l’empilement progressif des sacs de ciment (40 kg)
uniformément répartis sur toute la surface du plancher (figure
3.33). Selon le Code National du Bâtiment du Canada (CNB),
la surcharge maximale de plancher est estimée à 190 kg/m2
pour des immeubles résidentielles. La charge maximale que
devrait supporter notre section de plancher est donc égale à :

(31)

Figure 3.32 : Construction dʼune section de


plancher en grandeur réelle(photo par
Jonathan Boucher et Dany Blackburn, 2005)
Figure 3.33 : Empilement de sacs de sable
jusquʼà la charge totale admissible(photo par
Jonathan Boucher et Dany Blackburn, 2005)

Nous avons empilé 24 sacs de ciment sur la section de


plancher ce qui correspond à une charge de 960 kg (24 x 40
kg) ce qui est supérieur à la surcharge imposée par les normes
canadiennes. Le plancher a parfaitement supporté cette charge
sans aucun dommage apparent. À l’aide d’un extensomètre,
nous avons mesuré la flèche au centre du plancher qui était
égale à 9 mm pour la charge maximale. Cette valeur est bien
inférieure à flèche maximale autorisée par le Code National du
Bâtiment du Canada qui est égale à 12,5 mm (∆max= L/240 =
3000 mm / 240 = 12,5 mm). Par mesure de sécurité, nous
n’avons cependant pas augmenté la charge du plancher
jusqu’au point de rupture. Toutefois, les résultats obtenus lors
de l’essai de flexion 4 points sur une poutrelle et lors de l’essai
de chargement sur une section de plancher en grandeur réelle
nous permettent de conclure que le système de plancher
proposé constitue une alternative fiable et sécuritaire du point
de vue structural.

Le design et le dimensionnement de la poutre et de la dalle se


sont avérés adéquats dans l’ensemble, puisque les éléments
ont satisfait aux exigences structurales désirées. Nous avons
toutefois remarqué que le profil très délicat de la poutre a,
dans certains cas, été responsable de l’apparition de fissures
dans l’aile supérieure de la poutre lors de sa manipulation.
Cette fragilité n’a cependant pas eu de conséquences néfastes
pour la résistance car, sous l’application des charges externes,
l’aile supérieure de la poutre est sollicitée en compression ce
qui a pour effet de refermer toutes les fissures. On pourrait
cependant prévenir cette fissuration en ajoutant une ou deux
petites tiges d’armatures dans l’aile supérieure ou en ajoutant
des fibres végétales au béton.

De plus, la géométrie orthogonale de la poutre (en forme de T)


a rendu l’étape du décoffrage délicate, puisque certaines
parties du coffrage sont demeurées coincés entre la tête et la
base de la poutre suite au gonflement du bois de coffrage.
Cette difficulté fut corrigée par l’ajout d’un plexiglass à
l’intérieur du coffrage et en modifiant légèrement certains
angles de la poutre pour permettre un décoffrage plus aisé
(figure 3.34).

Figure 3.34 : Modifications apportées à la


poutre (photo par JonathanBoucher et Dany
Blackburn, 2005)

8] Au tout début de l’essai on remarque une déformation d’environ 0,25


[

mm sans augmentation de charge. Cette déformation correspond


simplement à un glissement entre l’éprouvette de bambou et les têtes de
serrage de l’appareil.
Conclusion
De façon générale, le système de plancher préfabriqué a bien
répondu à nos attentes, tant au niveau des résultats
expérimentaux, que pour sa mise en œuvre. Nous constatons
que nos objectifs élaborés au début du projet, ont tous été
confirmés, ce qui nous incite à croire que le système de
plancher préfabriqué serait certes une alternative intéressante
pour l’habitat urbain de Hanoi. Certaines améliorations
pourraient néanmoins être apportées au système de plancher.
On pourrait, par exemple, améliorer l’imperméabilisation des
armatures de bambou pour prévenir la fissuration résultant du
gonflement du bambou à l’humidité. On pourrait aussi
perfectionner le coffrage et limiter la fissuration de l’aile
supérieure de la poutre en y ajoutant de petites tiges de
bambou ou en incorporant des fibres végétales au mélange de
béton.

Le poids du plancher est un autre aspect important de ce


projet. Le poids de la poutre (24 kg/m) est inférieur à la limite
de 100 kg pour une poutre de 4 m que nous nous étions fixé
au départ. Il était donc facile pour deux ouvriers de manipuler
ces poutres à deux personnes sans l’utilisation de machinerie
spécialisée. Les poutres dont la géométrie contribue à réduire
la hauteur du plancher permettent de diminuer le poids global
du bâtiment et par le fait même de limiter le phénomène de
tassement différentiel des fondations observé à Hanoi. À titre
d’exemple, le tableau 6 compare le poids au mètre carré du
nouveau système proposé avec celui d’un plancher
conventionnel. On réalise que système préfabriqué représente
une économie de poids d’au moins 40% par rapport à un
plancher conventionnel ce qui est considérable. La mise en
œuvre des poutres préfabriquées du système s’est avérée
rapide et efficace. Toutes les pièces ont pu être fabriquées
dans un délai raisonnable avec un minimum d’outils et
d’équipement contribuant ainsi à réduire la durée d’un
chantier. Les coûts et la durée de la fabrication des planchers
serait ainsi diminué. En effet, les 3 à 4 jours nécessaires au
séchage des dalles de béton conventionnelles ne seraient plus
requis. Pour une maison de 5 étages dont la durée moyenne
de chantier est de 6 mois, cela représente une économie de
temps de 2 à 3 semaines. Ainsi, 4 poutres de béton armé de
bambou ont été fabriquées avec un niveau de qualité
satisfaisant.Il est cependant peu probable que les coffrages
utilisés puissent permettre la fabrication de plusieurs autres
poutres. En effet, il s’est avéré que le bois de coffrage
absorbait une quantité importante d’eau causant ainsi sa
dégradation et compliquant l’étape du décoffrage. Des
éléments en polystyrène expansé et un contreplaqué enduit
d’une couche spéciale sont maintenant disponibles pour
remplacer le contreplaqué ordinaire et peuvent être
réemployés une centaine de fois. Cette solution pourrait donc
être envisageable dans le contexte vietnamien afin de garantir
la rentabilité et l’efficacité de toute opération de
préfabrication.

Tableau 5 : Comparaison du poids des deux


systèmes de plancher
Il est facile de croire que la préfabrication du système proposé
s’adapterait bien à la réalité vietnamienne. Les éléments
préfabriqués pourraient être réalisés par de petits ateliers
locaux qui approvisionneraient les chantiers. Les planchers ne
seraient donc plus réalisés sur place ce qui diminuerait les
risques d’accidents et par conséquent favoriserait une niveau
de sécurité accru sur les chantiers. Cette mentalité
commerciale est d’ailleurs déjà implantée dans la ville de
Hanoi pour d’autres matériaux, tels la brique, le bambou, le
bois et l’acier. Il est très réaliste de croire que l’implantation
de cette nouvelle technologie pourrait s’intégrer
harmonieusement dans le fonctionnement des chantiers qui
est familier auprès des acteurs de la construction.

De plus, l’utilisation d’armatures en bambou, comme substitut


à l’acier, serait certainement une solution profitable au bien-
être de la communauté et tout à fait rentable au point de vue
économique. La nouvelle industrie de préfabrication locale
pourrait notamment aider à revitaliser la transformation
artisanale du bambou et à augmenter le revenu d’hommes et
de femmes sans emploi. La littérature recensée propose en
effet une transformation manuelle des tiges de bambou en
fines lanières qui serviront d’armatures, tâche pouvant être
facilement exécutée par une main-d’œuvre non-spécialisée. La
préfabrication complète du système pourrait également
s’effectuer de la même façon.

De plus, l’utilisation du bambou comme matériau de


construction est une alternative intéressante pour le Vietnam,
car elle limite l’utilisation de matériaux polluants, énergivores
et non-renouvelables. Toutefois, cette abondante ressource
demeure très peu exploitée pour l’instant. La création
d’éventuelles plantations de bambou ou une gestion plus
serrée de l’exploitation des ressources actuelles sont
nécessaires afin d’assurer une exploitation contrôlée, une
protection des milieux naturels et une reforestation du
territoire.

Finalement, dans le but d’assurer la pérennité et la viabilité de


cette technologie, il est indispensable qu’elle soit prise en
charge par un organisme local. Par exemple, celle-ci pourrait
être confiée à l’Institut Vietnamien de Recherche sur le
Bâtiment à Hanoi, afin de diffuser, de développer et de
commercialiser la technologie des bétons armés de bambou.
© Jonathan Boucher, 2006

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