2019-09-30-ARTICLE-Fabrica-ConnecteursBambou-Articlepubli
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La plante
Le bambou est une plante présente naturellement sur tous les
continents excepté en Europe. L’usage de la canne de bambou dans
la construction est très répandu dans certaines parties du globe,
notamment en Amérique latine et en Asie, depuis des millénaires.
La croissance du bambou est très rapide, jusqu’à 21 cm par jour
pour l’espèce Guadua angustifolia (principale variété utilisée en
construction), et sa composition fibreuse et tubulaire en fait un
matériau idéal pour une utilisation en traction et en compression
car ses fibres sont orientées parallèlement à son axe longitudinal.
Le plant de bambou est souvent composé de trois parties (ill. 2) :
- Le rhizome, la partie souterraine du plant qui relie les diffé-
rentes pousses ;
- Le turion, qui est la pousse du bambou, sou-
vent la partie la plus solide du plant ;
- Le chaume, ou canne, partie aérienne qui
constitue la plus grande fraction du plant.
Le bambou de construction est extrait des
chaumes. Le chaume n’est pas un élément homo-
gène ; ses caractéristiques varient en fonction de
la partie considérée :
- La base est l’endroit où le chaume a le plus
gros diamètre et où les nœuds sont le moins
espacés. L’épaisseur de la paroi y est la plus
forte ;
- La partie centrale a moins de nœuds que la
base du plant ;
- Le haut du chaume est la partie ou le dia-
mètre de la canne est le plus faible. Le dia-
mètre du chaume se réduit progressivement
jusqu’à son extrémité.
32 Caractéristiques mécaniques
Le bambou est un matériau composite fibreux
et tubulaire, il est donc très anisotrope. Ses fibres
sont orientées parallèlement à l’axe longitudinal
de la canne. Il présente de nombreux nœuds qui rigidifient la canne
et en font un matériau idéal pour des chargements en traction et
en compression dans le sens de ses fibres, ainsi qu’en flexion pour
des charges appliquées perpendiculairement à son axe longitudinal.
Les nœuds, délimitant les cavités successives dans la canne, sont
composés de fibres en anneau qui « confinent » à ces endroits les
fibres longitudinales de la canne. Il s’agit donc de points de résistance
accrus dans le bambou.
Ce matériau a une composition chimique assez proche de celle
du bois : il est essentiellement composé de cellulose (70%), qui lui
confère sa résistance à la compression, et de lignine (20%), qui lui
permet de résister à la traction. Sa densité varie entre 0.4 et 0.8 selon
les espèces et les parties de la canne.
L’importante diversité de variétés de bambous se traduit par un
grande disparité des caractéristiques mécaniques ; entre outre, elles
peuvent aussi varier très sensiblement au sein d’un
Problématiques
L’empreinte visuelle des connecteurs des structures réticulées en
bambou devient souvent très lourde dès que l’on cherche à exploi-
ter le bambou pour ses caractéristiques mécaniques élevées. Dans
l’exemple du projet de Rirkrit Tiravanija, les assembleurs en acier
sont très visibles. Si la fabrication de structures performantes en
bambou est aujourd’hui possible, les qualités de ces dernières sont
fortement impactées par la présence visuelle d’éléments ajoutés sur
les parois extérieures des cannes au niveau des connections.
36
Outre leur impact sur l’aspect visuel de la structure, ces éléments Illustration 6
Coupe sur un bambou
nécessitent souvent une complexité additionnelle de fabrication,
enduit d’époxy
d’usinage et de mise en œuvre. Ainsi, dans un but d’économie de (© Bollinger + Grohmann).
moyens, de temps de mise en œuvre et d’uniformité visuelle, nous
avons conçu, réalisé et testé des connecteurs totalement invisibles
dont les performances cherchent à s’approcher au maximum des
caractéristiques mécaniques du bambou.
L’économie de matière et l’impact environnemental étant des pro-
blématiques de premier plan pour le futur de la construction, nous
avons cherché à limiter l’emploi de matériau onéreux ou ayant un
impact important sur l’environnement.
Enfin, la réalisation de trous dans le bambou menace l’intégrité
structurelle de l’assemblage à cause du risque d’ouverture du chaume
par fissuration et de désolidarisation de l’assembleur. La solution
passe alors par l’ajout de serreurs en métal ou, comme ce fut le cas
pour le projet Rirkrit Tiravanija, par un dédoublement sécuritaire
des barres (la structure ayant été calculée sans ce dédoublement).
Conception de l’assemblage
L’assemblage à ramification
On pratique une découpe à la défonceuse ou au banc d’usinage à
commande numérique dans la membrure maîtresse. Une découpe
en gueule de loup au trépan est réalisée à chaque extrémité dans la
membrure assemblée. La membrure maîtresse, faisant office de
pièce mâle, est coulée directement avec un ferraillage cintré à l’inté-
rieur du bambou. La membrure assemblée, faisant office de pièce
femelle, est coulée avec une réserve pour accueillir le ferraillage de
la pièce mâle.
L’assemblage se fait par emboîtement après l’insertion d’un scel-
lement chimique dans la pièce femelle.
40
Le treillis simple
- Les membrures sont coupées à la scie selon l’inclinaison de
leurs intersections mutuelles ;
- Les diagonales sont découpées en gueule de loup selon leurs
intersections mutuelles et avec les membrures ;
- Les diagonales, faisant office de pièce mâle sont pré-ferraillées
puis coulées ;
- Les membrures supérieures et inférieures, faisant office de
pièces femelles, sont pré-ferraillées puis coulées. Une réserve
est créée avant le coulage du béton pour prévoir l’arrivée des
pièces mâles ;
- L’assemblage est créé par insertion de scellement chimique
dans la réserve de la pièce femelle puis par emboîtement des
pièces.
Une variante de l’assemblage se fait via l’injection de béton direc-
tement dans l’assemblage pré-ferraillé, cette méthode est plus simple
mais nécessite cependant le percement d’un trou d’injection.
Le treillis tridimensionnel
Matériaux
Bambou
Le bambou compose l’ossature générale du projet.
Pour notre étude, nous utilisons des cannes de bambou de l’es-
pèce Guadua angustifolia, ayant un diamètre compris entre 50mm
et 130mm. L’épaisseur des parois de ces bambous est généralement
42 comprise entre 5 et 15mm. Les nœuds sont présents tous les 40cm
en moyenne.
Matrice
La matrice fait office de matériau de remplissage et de solidarisa-
tion de l’armature métallique à la membrure en bambou. Plusieurs
Illustration 9
types de matrices sont testés pour l’étude : Estimation du temps de
Un mortier classique fabrication des assemblages
Un mortier latex (© Bollinger + Grohmann).
Connecteurs architecturaux pour ossatures en bambou
Le mortier classique est un matériau pouvant subir un fort retrait
pendant son temps de séchage (ill. 10). Un ajout d’adjuvants dans le
mélange du mortier permet de réduire considérablement ce phéno-
mène. Le latex, en plus de réduire le retrait du mortier, lui offre une
meilleure adhérence à de nombreux supports, le rend plus élastique
et améliore ses caractéristiques mécaniques en traction.
Aussi, lors du coulage de la matrice, il peut arriver qu’il se forme
des poches d’air à l’intérieur du mortier. Le vibrage de l’assemblage
lors du coulage de la matrice permet d’éviter ce problème.
Barre d’armature 43
Les barres d’armatures sont utilisées pour armer le mortier, confé-
rant au matériau composite ainsi créé une résistance importante en
traction. Le traitement de la surface de ces barres les rend fortement
adhérentes au béton. Nous utilisons ici ces barres comme moyen de
connexion entre les matrices des assemblages. Leur dimensionne-
ment est prévu pour limiter les risques de fissuration de la matrice
par dilatation thermique de l’acier et pour obtenir une surface de
contact suffisante avec la matrice pour assurer la transmission des
efforts entre éléments.
Scellement chimique
Le scellement chimique est un matériau très répandu dans la
maçonnerie, il sert à remplacer les chevilles mécaniques dans le cas
de connections en interface béton/acier. Il est souvent bi-composant
(résine uréthane méthacrylate, ester-méthacrylate, etc.) ou peut être
llustration 10
réalisé seulement grâce à de la résine époxy. Notre étude utilise un
Retrait observé sur un prototype
à matrice en mortier classique à 7 scellement chimique en résine époxy afin de solidariser les arma-
jours (© Bollinger + Grohmann). tures de la pièce mâle à la matrice de la pièce femelle.
Les longueurs de scellement sont généralement fournies dans les
fiches techniques des produits de scellement chimiques.
Méthodologie de test
Les éprouvettes testées sont classées par intervalles de diamètres
(intervalles utilisés par les fournisseurs de bambou de construction).
Nous testerons une série d’éprouvettes de petits diamètres, puis une
série de gros diamètres :
- De 50mm à 75mm
- De 100mm à 120mm
Essai en traction 45
L’éprouvette est placée dans un banc d’essai en traction, elle est
tenue à ses extrémités par deux mandrins à mords concentriques,
l’un fixe et l’autre mobile.
On applique une force en traction sur un bambou témoin et sur
l’assemblage abouté, on mesure les déformations et leur nature
(élastique/plastique) dans l’assemblage jusqu’à sa rupture. Ce test
nous permettra d’établir les conditions de rupture de l’assemblage
en traction, les déplacements.
Essai en compression
L’éprouvette est placée dans une presse.
On applique une force en compression sur un bambou témoin et
sur l’assemblage abouté, on mesure les déformations et leur nature
dans l’assemblage jusqu’à sa rupture.
Résultats obtenus
Les tests nous permettront d’obtenir différents résultats :
- Des informations concernant les contraintes admissibles
par l’assemblage ;
- Une caractérisation des différents modes de rupture de
Avec :
Rk Valeur caractéristique de la résistance mécanique de notre 47
assemblage
R0,05 Résultat des 5% des tests les plus défavorables
m Valeur moyenne des résultats de l’étude
s Écart type des résultats des tests
n Nombre de tests
1
/ Cet article est issu d’une recherche collective menée par : Clément Berthou, Klaas De Rycke, Marc
Leyral (Bolinger + Grohmann), Alexandre Pierre, Bruno Fioro, Abdelhak Kaci (Université de Cergy-
Pontoise – L2MGC), Gilles Ebersolt, Klaas De Rycke (LéaV, ENSA-V) et Baptiste Cresseaux (ENSA-V).
2
/ Ademe, Bâtiment Édition 2013, chiffres clés du bâtiment. Disponible sur : https://www.ademe.
fr/sites/default/files/assets/documents/chiffres-cles-batiment-edition-2013-8123.pdf (consulté
le 17 octobre 2019).
/ Marouane Abachi, Construire en bambou en France métropolitaine, mémoire de master 1 et master
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