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α, ce sont des noyaux d’hélium formés de deux neutrons et deux protons, d’où la notation 42 He.
Puisque le numéro atomique Z est caractéristique d’un élément donné du tableau périodique,
l’indice Z dans la notation A Z X est redondant avec la spécification de X et emploie parfois une
écriture allégée du type U.238
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Figure 1 – Représentation des noyaux dans le plan (Z, N) (d’après Wikipedia). Les noyaux
stables sont représentés par les points noirs et se regroupent près de la ligne de stabilité.
Ils peuvent aussi connaître une capture électronique dans laquelle un électron de l’atome
est mis en jeu selon p+ e− → n + νe .
— Ceux de la zone A possèdent davantage de nucléons que ceux de la vallée de stabilité.
Pour former des noyaux plus légers, ils évoluent soit par fission, phénomène relativement
rare par lequel le noyau se scinde en deux noyaux fils, soit par radioactivité α, mécanisme
qui sera l’objet de toute notre attention dans la suite. L’équation de la transition s’écrit
dans ce cas :
A A−4
Z X −→Z−2 Y +2 He (1)
4
dP = λ dt . (2)
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Expérimentalement, c’est de préférence l’énergie cinétique de la particule α que l’on mesure car
le noyau fils, beaucoup plus lourd, est produit avec une faible vitesse de recul. L’atome père,
supposé initialement au repos, possède une quantité de mouvement nulle. Le système étant isolé
du reste de l’univers, il en est de même pour l’ensemble formé par la particule α et le noyau fils
après désintégration : 2
m
~ ~
MY VY + mVα = ~0 → VY =
2
Vα2
MY
1 1 1 m m
Q = mvα2 + MY VY2 = mvα2 1 + =E 1+
2 2 2 MY MY
Q MY A−4
E= m = Q ≃ (MX − MY − m)c2
1 + MY m + MY A
2. Nous passons ici sous silence la question de la structure fine et supposons que l’atome fils est obtenu dans
son état fondamental.
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2Ze2 2Ze2
F = et dérive de l’énergie potentielle Ue = .
4πǫ0 r 2 4πǫ0 r
Dans ces expressions, r désigne bien entendu la distance entre la particule α et le centre du
noyau. Cette force répulsive accélère la particule α dans sa fuite dès lors qu’elle a réussi à
s’extraire de la région où l’interaction forte tendait à la confiner, c’est à dire du noyau fils de
rayon R. La valeur de ce rayon est connue grâce à des expériences de diffusion et se calcule par
R = r0 A1/3 avec r0 = 1, 1 fm.
Une courbe d’énergie potentielle U(r) schématique est représentée sur la figure 2, l’origine
des énergies ayant été choisie en r → ∞. Pour r > R, U se confond avec Ue ; pour r < R
au contraire, l’interaction forte se manifeste et explique la formation du puits de potentiel
dans lequel la particule α est enfermée. La réalité est sans doute plus nuancée : au delà de
R et sur une distance de 1 ou 2 fm existe sans doute une zone intermédiaire où l’interaction
forte, rapidement décroissante, conjugue ses effets avec ceux de la répulsion coulombienne. En
négligeant cette subtilité, on peut affirmer que U(R) ≃ Ue (R) et calculer sa valeur numérique.
Pour les noyaux lourds étudiés A ≃ 200, R = r0 A1/3 ≃ 6, 5 fm et U(R) ≃ 40 MeV. Cette
valeur apparaît, pour la particule α venant de l’intérieur du noyau, comme la hauteur de la
barrière de potentiel qu’elle doit franchir ; nous la notons dorénavant B. Sur la figure 2, deux
valeurs possibles de l’énergie mécanique Em , notées E1 et E2 , ont été portées, respectivement
inférieure et supérieure à B. Dans le premier cas la particule se trouve dans un état lié et
reste dans le noyau ; dans le second elle s’en échappe et peut rejoindre l’infini. Lorsqu’elle y
parvient, son énergie potentielle s’annule et la conservation le l’énergie mécanique indique 4 que
E = E1 ≥ 40 MeV. Fait extrêmement important, cette valeur s’avère complètement incompatible
avec les valeurs de E indiquées plus haut, de l’ordre de 4 à 9 Mev, bien inférieures à la hauteur
de barrière B et correspondant plutôt au cas E2 . Autrement dit, les énergies cinétiques mesurées
pour les particules α sont telles qu’elles interdisent en principe le passage de l’intérieur vers
l’extérieur du noyau. G. Gamow exprime ce paradoxe dans un célèbre article publié en 1928.
3. Dans la suite, Z et A sont relatifs au noyau fils alors qu’ils concernaient le noyau père dans la partie I.
4. On rappelle que E désigne l’énergie cinétique de la particule α expulsée du noyau.
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« Hier aber begegnen wir einer prinzipiellen Schwierigkeit. Um wegzufliegen, muss das α-
Teilchen eine Potentialschwelte von der Höhe B überwinden, seine Energie darf nicht kleiner als
B sein. Aber die Energie der α-Partikel ist, wie experimentell nachgewiesen ist, viel kleiner. »
Inutile d’être germaniste pour comprendre la conclusion de ce paragraphe : le franchissement
de la barrière coulombienne par les particules α est tout à fait incompréhensible dans le cadre
de la mécanique classique. Gamow ne s’est pas contenté de mettre en lumière cet écueil ; il lui
a aussi apporté une solution par un raisonnement qui constitua l’un des premiers grands succès
de la théorie quantique naissante.
Figure 2 – Énergie potentielle agissant sur une particule α. L’énergie cinétique E mesurée loin
du noyau s’identifie à l’énergie mécanique, dont E1 et E2 sont deux exemples de valeur.
Dans cette expression, x1 et x2 sont les abscisses limitant la région classiquement interdite.
Dans le cas de la particule α, le mouvement ne se fait peut-être pas selon une seule direction
d’espace comme dans le cas traité en cours. Négligeant cependant le mouvement angulaire et
ne considérant que le mouvement radial, nous appliquons l’expression 3 avec x = r, x1 = R et
x2 = r2 défini par U(r2 ) = E (figure 2) pour écrire
s
2√ r2 U(r)
Z
γ= 2mE − 1 dr .
~ R E
Avant de poursuivre le calcul, introduisons la variable sans dimension
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qui produit des particules α d’énergie E = 4, 08 MeV, nous obtenons B = 37, 7 MeV, γ = 101 et
T = 10−44 . Pour celle de 222
86 Rn en 84 Po, E = 6, 4 MeV d’où γ = 63 et T = 10
218 −28
. En passant
du premier cas au second, les paramètres du calcul varient assez peu et pourtant T varie sur 16
décades ! Cela est bien entendu lié à l’effet amplificateur de la fonction exponentielle, typique de
l’effet tunnel et des ondes évanescentes qui lui sont associées. Ces impressionnantes variations
rappellent celles relevées pour λ (paragraphe I.3) et sont d’ailleurs la clé de leur explication.
Pour établir plus précisément le lien entre T et λ, quelques considérations supplémentaires
s’imposent.
fois que franchir la barrière coulombienne ! Cet ordre de grandeur, qui peut sembler surprenant,
est typique de certains mécanismes associés à l’interaction forte et on peut le retrouver par
l’analyse simpliste suivante. Après avoir rebondi sur la barrière, la particule α revient vers le
centre du noyau, le traverse
q et rencontre à nouveau sa surface après avoir parcouru la distance
2R. À la vitesse v = 2E/m, il lui faut pour cela un temps 2R/v que l’on identifie à τF ,
durée séparant deux rencontres successives avec la barrière. Pour E = 6, 4 MeV, nous obtenons
τF = 7.10−22 s. Cette valeur ne coïncide pas exactement avec celle issue de l’expérience et
l’argument heuristique développé ici n’est guère plus précis que l’analyse dimensionnelle. Il
montre cependant qu’une fréquence √ de collision de l’ordre de 10 Hz n’est pas absurde. Retenons
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encore que τF varie comme R/ E et reste donc toujours du même ordre de grandeur, au
contraire de T . Les spectaculaires variations de λ avec E (paragraphe I.3), s’étendant sur
plusieurs décades, s’expliquent donc par celles du coefficient de transmission tunnel qui varie
dans les mêmes proportions.
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m Ze2
q
noyau père Z + 2 pente mesurée (MeV1/2 ) 2 ln 10 ~ǫ0
Fm 100 156,38 168,6
Cf 98 152,86 165,2
Cm 96 152,44 161,7
Pu 94 146,23 158,3
U 92 147,59 154,9
Th 90 144,19 151,4
Ra 88 139,17 148,0
Rn 86 137,46 144,5
Po 84 129,35 141,1
Table 1 – Pentes obtenues par régression linéaire (troisième colonne) dans le graphique de la
figure 3 et pentes attendues. Le numéro atomique Z est celui du noyau fils. D’après [3].
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Figure 3 – Durée de vie d’émetteurs α en fonction de l’énergie E des particules α émises [3].
Sur une même droite se regroupent les isotopes d’un même élément défini par une valeur donnée
de Z : le polonium (Z = 84), le radon (Z = 86, à l’époque noté Em), le radium (Z = 88),
jusqu’au fermium (Z = 100). Le dernier chiffre du nombre de masse A de chaque isotope est
inscrit à côté du point expérimental correspondant. Sur la ligne du polonium par exemple, il
faut comprendre A = 212, A = 214, A = 216, A = 218.
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Références
[1] Approche documentaire de première année, que l’on retrouve par exemple dans [4] et [6].
[2] G. Gamow, Zeitschrift für Physik 51, 204 (1928)
[3] C.J. Gallacher, J.O. Rasmussen, Alpha-Decay hindrance-factor calculations, J. Inorg. Nucl.
Chem. Vol 3, 333-344 (1957)
[4] J. Foos, Manuel de radioactivité, Éd. Hermann (2011) Cote BU 539.725 FOO
[5] R. Guillien, Physique nucléaire appliquée. Cote BU 539.7 GUI Livre ancien, mais écrit par
un ancien directeur de l’ENSEM Nancy !
[6] L. Valentin, Physique subatomique : noyaux et particules, Éd Hermann (1975) Cote ENSIC
539 VAL
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