978, The History of Urban Road
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978, The History of Urban Road
Paper :
Historique des revêtements des rues
Author :
Jerzy DUDA - Pologne
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Dr ingénieur Jerzy Duda
Institut du Développement des Villes (Instytut Rozwoju Miast)
Dans l'histoire des routes et des rues, et notamment celle de la technologie des
revêtements, soit la partie sur laquelle circule le trafic, il convient de distinguer au moins
quatre périodes caractéristiques. Dans la période la plus ancienne, que l'on peut appeler
archaïque, l'expérience crétoise (de l'île de Crète) rejoint les expériences assyrienne et
babylonienne. Dans la période suivante, appelée antique et assimilée historiquement à
l’existence de l'empire romain, on voit la synthèse des connaissances précédentes.
Néanmoins, face au développement des routes, à un niveau inconnu auparavant, ainsi que
suite à leur rôle et à leur importance pour l'empire romain, de même qu'à l'importance des rues
dans les villes toujours en croissance, les techniques routières ont également connu durant
cette période un fort développement. La troisième période, correspondant à la fin du XVIIe P P
siècle jusqu'à la fin du XIXe siècle, est une époque moderne où sont nés les bases
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scientifiques des techniques routières. La période la plus récente, celle de nos temps
modernes, est dominée par l’utilisation de techniques basées sur un seul matériau, à savoir un
liant hydrocarboné, produit dérivé du pétrole. Cette domination s'est accentuée surtout dans
les années cinquante du XXe siècle. Cependant, malgré cette forte prédominance d'utilisation
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des mastics d'asphalte pour les revêtements des routes et des rues, cette période moderne se
caractérise également par des recherches de nouvelles techniques routières. La première
instigation de ces recherches fut la crise pétrolière des années soixante-dix du XXe siècle ;
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elles se poursuivent aujourd'hui en réponse aux nouveaux besoins liés aux nouvelles
conceptions de circulation dans des zones particulières des villes (zones à circulation limitée,
zones piétonnières), ainsi qu'aux nouvelles conceptions de réhabilitation des villes, et ces
dernières années, suite à l'idée d'un développement équilibré des villes.
Dans la période dite archaïque, les routes servaient généralement à des fins
spécifiques, soit comme voie de circulation intérieure donnant l'accès au palais du monarque,
soit à la circulation des processions vers les lieux de culte ("voies sacrées"). Leur construction
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consistait en la mise en œuvre d'une sorte de stabilisations en ciment ou sous forme d'un
jambage en briques coulées d'asphalte, revêtues d'une couche de dalles en pierre
soigneusement travaillées. Le long des voies sacrées, on posait, en outre, une bordure en
dalles dont chacune était munie d'une inscription appropriée à la gloire du monarque ou d'une
divinité.
Dans la période suivante, reconnue généralement en tant que période de pointe eu
égard à la technique routière déployée, on utilisait les matériaux naturels trouvés sur place :
pierrailles ou graviers, matériaux de pavage ainsi que dalles en pierre. Les routes romaines-
types étaient composées de trois à quatre couches (statumen, ruderatio, nucleus, summa
crusta) et leur surface, appelée aujourd'hui chaussée, etait constitueé de dalles en pierre d'une
surface de 30 à 100 cm2 et d'une épaisseur de 5 cm avec joints coulés. Il est intéressant de
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constater que l'épaisseur des couches, de même que l'épaisseur de la totalité de construction
des routes romaines-types, sont similaires à la construction moderne des autoroutes (couches
de 25 à 35 cm, soit au total une épaisseur de 95 à 120 cm). Cependant, il n'existe aucune
similitude quant aux véhicules circulant sur les routes romaines et ceux d'aujourd'hui que ce
soit au niveau de leur dimension, au niveau de leur poids ou de leur vitesse.
Par ailleurs, il est difficile d'expliquer pourquoi les constructeurs romains n'ont pas
utilisé l'asphalte naturel pour la construction des routes. Par contre, ce qui est frappant, c'est
l'intérêt qu'ils portaient à la mosaïque : l'art de la mosaïque a connut alors son époque
d'épanouissement, la mosaïque étant comparée "à un genre de peinture où l'artiste, au niveau
de la technique, utilise de petits morceaux d'un matériau solide et multicolore, naturel ou
artificiel, ces morceaux étant fixés à l'aide de ciment sur une surface sur laquelle fut
préalablement dessiné un motif, ou selon un carton préalablement préparé".
La troisième période, qui commence en principe dans la seconde moitié du XVIIe P P
siècle, a été marquée par deux Français, à savoir le Prince de Sully dit "Grand Voyer", et
Jean-Baptiste Colbert, ministre du roi Louis XIV. L'année 1693 est aussi une date importante
compte tenu de la publication, à Toulouse, du premier manuel de la technique routière écrit
par H. Gautier. La décision de Louis XIV, prise en 1715, relative à la création de
l'Administration des Ponts et Chaussées auprès du Conseil du Trésor, ainsi qu'à la mise en
oeuvre de la construction des grandes voies partant en étoile de Paris s'est avérée une étape
marquante dans le développement de la technique routière. Une disposition officielle
préalable en la matière, délivrée en 1705, constituait déja une base à cette décision. Le point
culminant du développement autant du réseau routier que des techniques routières fut la
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création par le roi Louis XV, en 1747, de l'École Nationale des Ponts et Chaussées, le premier
établissement de l'enseignement technique supérieur. Cette école a survécu à toutes les
révolutions et à tous les changements politiques et existe toujours de nos jours.
La nouvelle technique routière, établie en France par Pierre Trésaguet au XVIIIe P P
domaine de nouveaux matériaux et de nouvelles techniques. C'est à cette époque qu'ont été
élaborés et développés à une importante échelle des pavés en bois (une solution novatrice eu
égard à la protection des riverains contre le bruit de la circulation), des chaussées dites en
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enduit (un autre exemple de la protection du milieu urbain contre la pollution par les
poussières), les chaussées en asphalte naturel (utilisant le calcaire bitumineux et l'asphalte
provenant des lacs asphaltiques), des chaussées goudronnées, des chaussées en briques, des
pavages métalliques, et d'autres chaussées de moindre importance pratique.
La période suivante, correspondant à notre époque moderne, a commencé en principe
au début du XXe siècle. C'est l'apparition d'un nouveau moyen de transport, le transport
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automobile, qui a généré de nouveaux problèmes, amplifiés très tôt par son rapide
développement. Les exigences formulées par le conducteur de voiture quant à la nature et à la
qualité des revêtements des chaussées et des rues ont conduit à la généralisation quasi
universelle des enduits superficiels au bitume fabriqué à partir du pétrole. Après la Seconde
Guerre Mondiale, des recherches menées à une grande échelle aux États-Unis, en France, en
Grande Bretagne et dans d'autres pays ayant développé des techniques routières, ont créé des
fondements scientifiques à l'établissement d'un projet de chaussées ou de rues, à leur
exécution et à leur entretien.
Le XXe siècle est aussi la période où s'est généralisée avec succès l'utilisation du
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ciment et du béton en ciment coulé, notamment pour la construction des autoroutes ou des
rues. C'est également une période de recherche de nouvelles techniques et de nouveaux
matériaux pour la mise en oeuvre des revêtements. La technique de silicatisation avec
utilisation du verre soluble ou de l'émulsion asphaltique s'est généralisée pour la construction
des routes et de façon plus limitée pour la construction des rues. Un fait marquant a été
l'élaboration de la technique d'exécution des éléments préfabriqués en béton compressé, béton
vibré ou en béton vibro-compressé, ces pièces étant aujourd'hui utilisées généralement pour
l'exécution des chaussées, et surtout pour l'exécution des trottoirs. Ont été également utilisés
des pavés produits à base du laitier de haut fourneau ainsi que du basalte coulé. Cependant, il
s'agissait là d’éléments préfabriqués utilisés localement qui n'ont pas trouvés d'utilisation à
plus grande échelle. Une des technologies les plus intéressantes était la fabrication des enduits
superficiels à base de différentes résines synthétiques permettant d'obtenir des revêtements de
différentes couleurs.
Il serait également intéressant de rappeler une idée de conception futuriste émise en
Pologne avant la Seconde Guerre Mondiale, consistant en l’utilisation de "réacteurs
atomiques" pour "agglomérer" le sol ce qui aurait donné pour effet l’obtention d’une surface
dure après le "passage" de ce fameux réacteur. Un peu moins futuriste s'est avéré la
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conception de "tapis développé" qui consistait à dérouler une couche de revêtement toute
prête, enroulée sur un tambour, et à la poser sur des routes préalablement préparées à cette fin.
Un certain nombre de travaux de recherche ont également été consacrés à l'utilisation
de matériaux connus ou de composés de ces matériaux pour l'amélioration des mastics
bitumineux ou pour l’élaboration de nouvelles technologies. Il s'agit là, entre autres, du
caoutchouc galvanisé, du verre sous forme de fibres (il y a eu des essais de fabrication de
pavage à partir du verre). Quant aux dernières recherches, il convient de mentionner des
technologies consistant à utiliser des couches bitumineuses armées d'un treillis métallique,
d'un treillis en verre ou de basalte ainsi que l'utilisation des géotextiles.
2. Aperçu historique des revêtements des rues dans les villes polonaises
Il serait difficile d'appeler "villes" les premières bourgades que l'on trouve sur le
territoire de la Pologne, elles constituent cependant une phase préliminaire de la création des
centres urbains. Les fouilles archéologiques effectuées dans plusieurs villes polonaises, à
Gdansk (Dantzig), à Opole, à Gniezno et particulièrement à Biskupin, prouvent que les
chaussées les plus anciennes que l'on y trouve sont des chaussées en bois. Dans une cité
construite vers 550 avant notre ère, de l'époque dite civilisation lusacienne, des rues d'une
largeur de 2,8 m ont été exécutées avec des bûches démaigries, posées en travers de la rue et
reposant sur des lambourdes posées le long de la rue. Ces constructions originales se sont
conservées jusqu’à nos jours à Biskupin où l'on peut encore les admirer sur place. Les rues
plus larges, atteignant jusqu’à 4 m de largeur, ont été construites sur trois longues
lambourdes, espacées de 70 à 80 cm jusqu'à un mètre en fonction de la largeur de la rue. Là-
dessus reposaient des bardeaux ou des bois ronds posés côte à côté en travers de la rue.
Parfois, les lambourdes étaient mises sur de courtes bûches ou des madriers taillés, posés tous
les quelques mètres en travers de la rue. Ces dernières constructions ont été découvertes sur le
territoire de Gdansk et Opole. Les archéologues ont également trouvé quelques constructions
plus simples, et notamment des bardeaux ou des bois ronds mis directement à même le sol.
Sur les lieux ou abondaient en matériaux la pierre, ont été utilisées des constructions en bois
et en pierre, ce qui confirme une règle générale selon laquelle la nature de construction la plus
répandue sur un terrain concerné était fonction des matières premières de construction que
l'on trouvait sur place, en quantité suffisante et avec un accès relativement facile.
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Des chaussées en bois, dans le sens de revêtements en bois, apparaissent également
dans les villes médiévales. C'est le cas, par exemple, de la ville de Cracovie où certaines rues
ont été recouvertes de madriers jusqu’au XVe siècle, telles que la rue Grodzka ou la rue
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Kanonicza qui conduisent toutes deux jusqu'au château du Wawel et qui traversaient un
terrain marécageux. À Cracovie, les archéologues ont également trouvé dans les rues des
plates-formes en bois, construites avec des madriers de pin, démaigris à la hache, posés en
travers de la rue et reposant sur des lambourdes auxquelles ils étaient fixés à l'aide de
chevilles en bois.
Au Moyen-Age, l'intérêt a été porté en Pologne aux revêtements plus solides que le
bois, et notamment au pavage en matériaux de pierre. Ceci était avant tout la conséquence de
la fondation de nouvelles villes et du développement de celles-ci et des plus anciennes. Dès le
début du XIIIe siècle, le roi Henri Ier, dit Le Barbu, a fondé plusieurs villes et, dans la seconde
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moitié de ce même siècle, la fondation des villes s'est intensifiée, notamment en Silésie où ont
été fondées 31 villes, en Wielkopolska (Grande Pologne) 38 villes, de même que dans les
régions occupées par les chevaliers Teutoniques et en Małopolska (Petite Pologne). La
fondation des villes a également été liée à l'attribution d'un statut particulier dont jouissaient
celles-ci à l'instar de la ville de Magdebourg, d'où le droit de Magdebourg, mais aussi ses
dérivés, le droit de Chełm ou celui de Środa. Le tracé d'une forme régulière de la ville, avec sa
place centrale (Rynek) et des rues dessinées en étoile à partir de cette place, permettait la
construction de la ville selon un schéma spécifique tributaire de l'importance ou de l'attirance
du lieu concerné. Ces facteurs décidaient également de la nature de chaussée : le pavage ayant
été généralement posé seulement sur certaines parties de rues, ou certaines parties de routes,
devant les portes de la ville.
À Cracovie, le pavage a été exécuté avant qu'il ne le soit dans plusieurs autres villes
importantes de l'Europe de l'époque, telles que Bâle, Ratisbonne, Ausbourg, et à la même
époque qu'à Nuremberg, Munich, Francfort ou Hanovre. Les historiens soulignent que dans le
budget annuel de la ville de la fin du XIVe siècle figurait chaque année les frais de pavage
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exécuté sur les parties des routes situées au-delà des limites de la ville, et dès 1362 il y avait à
Cracovie des paveurs municipaux. Dans des documents datant de 1397, on trouve d’ailleurs
mention du nom d’un de ces paveurs : le maître paveur Waclaw.
Les pavés étaient fabriqués à partir de moellons (à Cracovie, du calcaire de Jura extrait
de la colline Lasota, et même de la colline du Wawel) dont on en faisait des matériaux de
pavage, des pavés en forme d'une pyramide coupée entres autres. Le pavage était
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généralement mis en œuvre sur un lit de sable, la partie plus étroite des pavés ayant été
enfoncée dans le sable, les pavés bien serrés côte à côte. Malgré la simplicité apparente de la
mise en œuvre du pavage, les conditions à remplir pour une bonne chaussée exigeaient des
paveurs bien qualifiés : en effet, le pavage devait présenter une résistance suffisante aux effets
destructeurs provenant de la circulation et des conditions atmosphériques, d'autre part il
devait répondre à des critères d'esthétisme. Aussi, faisait-on venir des spécialistes de tous les
coins de la Pologne dont en témoignent certaines mentions dans les livres de réception relatifs
au droit urbain de la fin du XVe siècle.
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Jusqu'au milieu du XVIIIe siècle, les rues des villes polonaises étaient revêtues des
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professionnels de grande expérience et dans certaines villes, déjà à cette époque, il y avait des
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chambres de métiers specifiques pour les paveurs (à Cracovie, par exemple, les plus anciens
documents relatifs à la chambre de métiers des paveurs recouvrent les années 1677 à 1788).
Au XVIIe siècle et au début du XVIIIe siècle, une certaine stagnation est apparue dans
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le processus d'urbanisation du pays ; par ailleurs, les différentes guerres avec la Turquie, la
Russie, et surtout avec la Suède, ont renforcé la crise économique des villes polonaises. Les
premières tentatives de mise en ordre et de reconstruction des villes ravagées par les guerres
ont été entreprises dans les années trente du XVIIIe siècle. Les plus connues, et en même
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temps les plus réussies, sont les activités relatives aux revêtements des rues mises en œuvre à
Varsovie sur l'initiative du grand maréchal du Couronnement, Franciszek Bieliński, qui a
institué, en 1743, une Commission dite Commission de Pavé. Cette Commission de Pavé a
fonctionné pendant plus de 20 ans (surtout entre 1750 et 1770) et a largement contribué à
trouver des ressources financières pour le pavage des rues, pour la construction des canaux et
le nettoyage de la ville. Elle a également élaboré un cahier des charges relatif au pavage ainsi
que des règles d'acquisition des matériaux en pierre.
Les premiers changements importants dans le domaine du pavage des rues sont
apparus avec l'institution des Commissions du Bon Ordre (Boni Ordinis), créées par
ordonnance du roi et recouvrant la majorité des villes royales. Ces Commissions étaient
opérationnelles dans les années 1780. À Cracovie, la Commission du Bon Ordre a elle été
créée le 26 février 1775. C'était une institution à caractère économique. Cette Commission a
instigué des initiatives en matière de règlement de l'aménagement de la ville, de réparations
des pavés ainsi que de régularisation des droits de propriété, etc. À Cracovie, c'est Feliks
Radwański (1756-1826), professeur de l'Université Jagellone, qui a été le grand avocat de la
cause des bonnes routes et rues. Il a été le promoteur des sciences techniques en Pologne, et
c'est également grâce à lui qu’ont commencés à paraître les premières revues spécialisées en
matière de chaussées. Je crois bien que c'est précisément grâce à son grand engagement dans
le développement des chaussées et des rues, grâce à ses cours de techniques routières, que l'on
a fait importer le manuel de construction des chaussées élaboré par H. Gautier, dont un
exemplaire se trouve encore actuellement au sein de la Bibliothèque Jagellonne.
Dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, l'amélioration de la situation économique du
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technique routière. Néanmoins, l'état des rues s'est considérablement amélioré suite au pavage
d'un grand nombre de rues, la qualité des pavés ayant été également améliorée grâce à
l'utilisation plus généralisée de matériaux de pierre taillée d'une part, grâce à l'exécution des
travaux par des paveurs expérimentés d'autre part.
Les années 1772 à 1795 représentent une époque dramatique de l'histoire de la
Pologne. Différents partages successifs ont rayé la Pologne de la carte de l'Europe et ceci pour
123 ans. Le partage du pays entre les trois pays occupants, la Prusse, l'Autriche et la Russie, a
divisé celui-ci en trois zones particulierement différentes, autant du point de vue culturel,
économique que traditionnel. En conséquence de ces partages, une différenciation du
développement des villes s'est accentuée et tout était différent dans ces trois zones : les
activités urbanistiques, architecturales, de construction dont les conditions de prestation de
services des entreprises de construction en général, et, par conséquent, les activités relatives à
la construction des chaussées. Les administrations des grandes villes essayaient de profiter
des expériences de technique routière des pays occupants, tout en y apportant leurs propres
solutions. Cela fut surtout perceptible durant les périodes de quasi-liberté de certaines
"entités" géographiques créées sur le territoire de la Pologne, et notamment le Duché de
Varsovie, le Royaume de Pologne, le Grand-Duché de Poznan, la Ville libre de Cracovie ou
l'Autonomie Galicienne.
Durant toutes les périodes présentées ci-dessus, il y a eu plusieurs efforts pour créer
des conditions favorables au renouveau de la technique routière, en développant
l'enseignement technique ainsi que la littérature technique où était publiée des informations
sur les nouvelles techniques routières appliquées de par le monde. Paraissaient également des
manuels de construction des routes et des rues ainsi que des traductions d’œuvres étrangères.
Il convient également de souligner les activités de plusieurs spécialistes éduqués dans les
grandes écoles européennes, dont l'École des Ponts et Chaussées à Paris par exemple, ou
l'École Polytechnique de Saint-Pétersbourg.
En 1809, fut créé à Varsovie l'École Supérieure d'Application de l'Artillerie et de
l'Ingénierie où, après 1820, Feliks Pancer dispensait des cours. À partir de ses cours, un
manuel de construction des routes fut élaboré ("Sur la construction et l'entretien des routes de
terre tassée et des routes ordinaires"). En 1823, fut créé, à Varsovie également, l'École de
l'Ingénierie Civile des Chaussées et des Ponts, et en 1826 l'École Préparatoire à l'Institut
Polytechnique. Il faut aussi souligner le rôle important des revues, publiés déjà bien avant
1830, dans leur role de vulgarisation des sciences de construction des chaussées. Des articles
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spécialisés et des débats paraissaient également dans la presse non spécialisée, telle que la
Bibliothèque de Varsovie par exemple. En 1863, parut le manuel de construction des ponts et
chaussées élaboré par Stanislaw Jarmunda, ancien élève de l'École des Ponts et Chaussées de
Paris. Avant lui, dans la même école faisaient leurs études Teodor Urbański et Jan
Smoukowski, élèves-boursiers du gouvernement. C'est à cette époque que vécut et travailla
Stanislaw Wysocki, un personnage assez intéressant : ingénieur de la Banque de Pologne à
Varsovie, créateur d'un matériau dit rétinite pour la construction des chaussées. Il était tout
autant théoricien que traducteur des œuvres du domaine de l'application de l'asphalte naturel,
grand industriel et peintre. Wysocki a élaboré une méthode de production de la rétinite (un
mélange de goudron produit à base de houille et de calcaire) ; il a publié, en 1840,
l'instruction pour l'application de ce matériau qui a été par la suite traduite en langue
française. Il a également fait des recherches sur l'application du bois pour la construction des
chaussées.
À Cracovie, c'est Sebastian Sierakowski qui était le promoteur en chef en matière
d'amélioration de l'état des chaussées. Dans son œuvre monumentale sur l'architecture
("Architecture recouvrant tout genre de construction" – Cracovie 1812), il a donné l'exemple
d'un pavage parfait des rues. Dans les années 1820, le pavage des rues de Cracovie était mis
en œuvre à base de projets et de devis établis selon les règles d'art du métier. Des efforts ont
également portés sur l'application des règles techniques d'utilisation des matériaux de pavage
en pierre en fonction de leur qualité, ainsi que sur la standardisation de ces matériaux au
niveau de leur dimension. Dès la première décennie du XIXe siècle, les chaussées de certaines
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rues choisies ont été construites selon la méthode préconisée par Trésaguet et Mac Adam, soit
par le biais de chaussées macadam, et ceci autant sur toute la largeur de la rue que sur une
section de la chaussée. Sur certaines grandes rues de Cracovie, dès 1835, on posait un pavé en
granit (10 x 10) provenant de Silésie. Ceci étant cependant relativement coûteux, on a alors
cherché de nouveaux matériaux de pierre pour la production de pierre à pavés de qualité à
moindre cout. C'est le porphyre de Miękinia, Czerna et Zalas qui s'est avéré être un bon
matériau. Un nouveau type de matériaux de pavage a aussi été introduit, à savoir le pavé
démaigri dit "souches". Le porphyre et les pavés produit avec cette pierre naturelle, et
notamment des pièces de forme, des souches, des dalles et des cubes, sont ainsi devenus des
éléments caractéristiques du paysage des rues de Cracovie du XIXe siècle.
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Les plus importants changements dans les chaussées des rues de Cracovie ont été
apportés dans la période de l'autonomie galicienne (de 1866 à 1918) où la ville jouissait d'une
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administration locale polonaise investie de larges habilitations. Le développement des voies
de communication a été l'une des priorités de cette autorité : les pavages des rues ont
continué, de même que l'exécution des revêtements des trottoirs par des dalles en pierre. Dès
1870, un rapport sur l'état des rues fut élaboré, une partie du dossier comprenant des dessins.
En 1872, sur les rues de Cracovie fut utilisé pour la première fois l'asphalte naturel sous forme
de calcaire bitumineux en provenance de la mine Limmer près de Hanovre. Dès 1875,
Cracovie possédait son propre entrepreneur exécutant des travaux asphaltiques de calcaire
bitumineux. D'essentiels changements ont été alors apportés aux trottoirs : on utilisait de plus
en plus une bordure pour les accotements ce qui a entraîné l'élimination des caniveaux en
pavés et de ce fait la modification du profil en travers de la chaussée. Un nouveau matériau de
pavage fut introduit dans les travaux dès les années 1870, et notamment les pavés mosaïque.
Ces pavés pouvaient être disposés de façon à représenter des dessins géométriques et même
des dessins figuratifs sur les trottoirs. En 1882, les premiers essais furent effectués avec des
dalles en béton dont la production industrielle devait démarrer en 1903.
Alors que dans plusieurs villes de la Pologne de l'est, c’est à dire la partie du pays sous
occupation russe, les briques de pavage étaient très répandues et constituaient le premier
matériau de pavage à défaut de pierres résistantes, à Cracovie leur utilisation était très
restreinte. Le clinker, dont le pays d’origine est le Pays-Bas, utilisé dans la construction des
chaussées et des rues pour la première fois en 1809, constituait un matériau très précieux en
Pologne du fait de sa fabrication à base de matières premières locales et de ses
caractéristiques : en effet, les chaussées en briques de pavé sont très résistantes, leur durée de
vie est de 40 à 50 ans même sous le trafic intense de chariots à chevaux, de plus, elles
demandent un entretien facile. Sur le territoire de la Pologne, les briques de pavé ont été
utilisées pour la première fois en 1883, année où a été construite à Zamość la première usine
de briques de pavage.
Vers la fin du XIXe siècle, à Cracovie, à l'instar d'autres grandes villes de Pologne, il
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de la chaussée. La coupe transversale de la chaussée était de plus en plus souvent en dos
d'âne avec deux bordures latérales ;
b) les pavés en moellon. Dans la région de Cracovie, c'était le plus souvent du calcaire, mais
ce pouvait etre aussi des pierres de sable ;
c) les pavées en pierre de taille, en cailloux roulés non travaillés ;
d) les chaussées empierrées dites souvent macadam ; à Cracovie, jusqu'à 1886, elles étaient
exécutées sans que le poids du rouleau compresseur soit approprié.
Dans certaines villes, il y avait aussi des chaussées en bois posées pour
expérimantation (à Varsovie, par exemple), dites pavés en bois, disposé avec l'utilisation de
rétinite, ainsi que des pavages en briques, à l’utilisation généralisée dans les villes à l'est de la
Pologne.
Les premières années du XXe siècle ont apporté plusieurs nouveautés au niveau de la
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elles concernées surtout l'étude et la réalisation de programmes de reconstruction des villes et
de réparations des chaussées.
Face aux problèmes financiers, les efforts étaient orientés de maniére à élaborer des
modalités optimales tant au niveau des matériaux que des techniques routières. Pour
Cracovie, en l'occurrence, ont été retenus les principes suivants :
- le pavé d'échantillon ou des pavés cubiques reposant sur une fondation en béton -
pour les rues principales,
- le petit pavé basalte ou porphyre, ou les revêtements en bitume, et notamment en
béton asphaltique – pour les rues aux trafics plus légers et moins intenses,
- les chaussées existant des rues devaient être entretenues avec des matériaux en pierre
dure, l'agrégat calcaire ayant été réservé à la construction et à l'entretien des
chaussées dans les banlieues périphériques de la ville,
- les trottoirs devaient être dallés avec des dalles en ciment 50 x 50 cm, munis d'un
treillis métallique à l'intérieur, c’est à dire des dalles de porphyre et souvent des
dalles de ré-emploi. On pouvait également utiliser un tapis d'asphalte coulé.
La réalisation de ces tâches exigeait des moyens importants pour l'achat "d'un matériel
pour l'exécution du béton asphaltique" ou bien "d'un rouleau compresseur de 8 Tonnes de
poids". Par ailleurs, l'asphalte de pétrole devait être importé puisque l'asphalte produit à base
de pétrole provenant des gisements polonais comprenait trop d'impuretés, et notamment de la
paraffine. En outre, la réduction de l'exploitation du pétrole décidée par la IIe République, du
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fait de l'épuisement des gisements, explique pourquoi les constructeurs polonais des
chaussées se sont si peu intéressés à l'asphalte provenant de la distillation du pétrole (la
Galicie était, dans la première décennie du XXe siècle, le plus important producteur du pétrole
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en Europe). Dans les années 1930, l’ingénieur T. Limbach obtint un brevet pour la production
du mastic bitumineux à base d'asphalte polonais. Ce mastic bitumineux fut, entre autre,
utilisé pour le revêtement des trottoirs sur le pont Jozef Pilsudski de Cracovie.
Dans la période de l’entre deux-guerres, l'intérêt porté par les constructeurs des
chaussées au béton de ciment a considérablement augmenté, et ceci autant pour le béton coulé
que pour les éléments préfabriqués. Pour les surfaces des rues dans les villes, un rôle
important fut attribué aux pièces préfabriquées, et notamment à celles que l'on appelait
"trylinka", du nom de son inventeur, l’ingénieur Władysław Tryliński qui, en 1934, obtint le
brevet polonais no 18323 pour la production de ces dalles hexagonales, ainsi que pour le
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revêtement dallé de ces éléments. L'élément principal de ce revêtement était constitué d’une
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dalle en béton sous forme d'un hexagone régulier, d'un diamètre de 40 cm et d'une épaisseur
de 15 cm, d'une surface composée de pierres de dimensions 6 a 12 cm. C'était donc des dalles
en pierres et en béton, produites également sous forme de carreaux ainsi que sous forme de
détails complémentaires nécessaires à la construction des revêtements, et notamment des
demi-dalles et des cales. Les dalles dites "trylinka" jouissaient d'une opinion très favorable
auprès des constructeurs, et elles étaient utilisées autant pour la construction des rues que
pour celles des routes en dehors des villes. Rien qu'en 1936, des rues d'une surface totale de
250 000 m2 ont été revêtues de ces dalles, et on a également exécuté 15,6 km d'une route en
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dehors de la ville.
Dans les années cinquante du XXe siècle, lorsque les dommages de la Seconde Guerre
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Mondiale furent réparées en grande partie, la conception des travaux routiers changea. Le
redressement économique de l'Europe, le développement des villes et une augmentation
rapide du nombre de véhicules automobiles ont en effet contraint les constructeurs des routes
et des rues à l'application de nouvelles méthodes de construction des chaussées ainsi qu'à la
mécanisation des travaux pour augmenter leur rendement. L'une des conséquences de ces
contraintes fut la généralisation des revêtements en minéraux bitumineux appelés d'un mot
générique asphalte.
Cette nouvelle tendance était également le résultat des nouvelles priorités poursuivies
vis à vis des utilisateurs des chaussées. Il s'agissait là, avant tout, de la question de la sécurité
du trafic : les chaussées en pierre n'ayant pas satisfait aux propriétés antidérapantes. Par
conséquent, lors des Congrès Routiers délibérant en 1955 à Istanbul et en 1959 à Rio de
Janeiro, ont été formulées des dispositions visant à la limitation de l'emploi des matériaux en
pierre. Le monde moderne est alors entré dans l'époque de l'asphalte ce qui a suscité de
ferventes discussions sur les revêtements des chaussées, discussions toujours d’actualité de
nos jours. Il a alors fallu la crise pétrolière des années soixante-dix, des rapports sur
l'environnement, des recherches sur les conséquences du développement du trafic automobile,
et d'autres documents en la matière, pour engendrer une réflexion raisonnable sur le
revêtement des rues. Ainsi, on redécouvre aujourd'hui les matériaux naturels en pierre, les
éléments préfabriqués en béton, et même le matériau dit mélange optimal, c’est à dire des
revêtements en gravier.
C'est avant tout dans les quartiers du centre des villes historiques que l'on utilise le
pavage. Le pavage des places centrales (rynek) des villes, ainsi que des rues considérées
comme importantes eu égard leur valeur historique, sont devenus des éléments d'une "façade
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horizontale" et font, de plus en plus souvent, objet d'études de la part des architectes et des
constructeurs de chaussées. À cet égard, des exemples ne manquent pas dans les villes
polonaises, et il suffit de mentionner ceux de Wroclaw, Jelenia Gora, Nysa, Cracovie pour ne
citer qu’elles.
Les matériaux de pavage en pierre sont également utilisés dans des zones de trafic
limité (zone 30), et ceci autant pour ces qualités esthétiques que pour limiter la vitesse des
véhicules. Les propriétés de ce matériau sont de plus en plus appréciées dans beaucoup de
villes en Pologne et dans de nombreux quartiers d'habitation.
Les revêtements des routes et des rues sont devenus, dès les années soixante-dix,
l'objet d'un certain intérêt portés par les constructeurs de chaussées et par des spécialistes de
réhabilitation au niveau des voïvodies ou des villes, et ils sont considérés comme des
monuments de la technique routière. De nombreuses sections de routes pavées, recouvertes de
trylinka ou de routes en briques sont désormais reconnues comme monuments de la technique
routière et restent sous la surveillance des services polonais de réhabilitation des monuments
historiques, certains étant même inscrits au registre national polonais des monuments
historiques.
Une question à part, à laquelle on attribue de plus en plus d'importance, est la mise en
valeur du milieu urbain de l'homme ; là aussi le revêtement des rues a son rôle à jouer. À cet
égard, la proposition de construction de parkings avec des pièces de forme en béton, élaborée,
en 1980, par le Dr ingénieur Edward Tylman de Cracovie, a trouvé un écho très favorable.
Des pièces de forme hexagonales, présentant une ouverture destinée à être remplie d’humus,
permettent de construire des "parkings verts", "des chemins d'accès verts", etc. Les surfaces
construites à l’aide de ces pièces de forme sont perméables et elles contribuent ainsi
parfaitement à régler le processus d'irrigation du terrain tout en réduisant l'évacuation des
eaux pluviales vers les canalisations.
Il convient aussi de mentionner les travaux de recherche sur les revêtements facilitant
la circulation des personnes handicapées. Ces travaux en sont à peine à l'étape initiale, mais la
construction de passages pour piétons, exécutés à l’aide de dalles en béton munies de
"bombements" qui doivent avertir les aveugles ou les personnes mal-voyantes de l'approche
du passage, est déjà en cours d’exécution dans certaines villes. Des dalles et des pièces de
forme en béton susceptibles de guider ces personnes handicapées en sont à l'étape des essais.
Dans ce bref article sur les chaussées historiques des villes, j'ai soulevé des questions
qui, à mon avis, sont de première importance. J'en ai négligé d’autres ayant une importance
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plus locale ou constituant une solution particulière en soi. Si j'ai plusieurs fois cité l’exemple
de la ville de Cracovie, c'est pour la bonne et simple raison que le lieu de nos délibérations
nous offre l'opportunité de voir de visu les exemples des solutions mentionnées.
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