H L151 Notes de Lecture 1. Mes Etoiles Noires
H L151 Notes de Lecture 1. Mes Etoiles Noires
H L151 Notes de Lecture 1. Mes Etoiles Noires
Notes de lecture
Mes étoiles noires. figures est importante pour tous, bien de cela dont il s’agit : « Alors
Lilian Thuram et pas seulement pour les enfants il faut utiliser toutes ses ressources,
Philippe Rey éditions noirs qui, comme lui, pourront trouver un carburant qui alimente
Janvier 2010, 400 pages, 18 e y trouver des modèles auxquels l’âme pour pouvoir continuer.
s’assimiler, éviter la victimisation Jésus, Bouddha, l’intérêt général,
L ilian Thuram a eu l’idée de ce et avoir confiance en eux-mêmes. la morale, le marxisme, la fierté,
livre lorsqu’il a réalisé que la seule Il n’y a certes pas davantage de l’anarchisme, la lutte contre la cri-
fois où on lui avait parlé des Noirs peuple noir que de peuple blanc, minalité, la propreté, une colère
dans son cursus scolaire, c’était à d’histoire noire que d’histoire insatiable et permanente, le méri-
propos de l’esclavage. On lui avait blanche. Mais, pour lui, le jour où dionalisme. Quelque chose. Pas un
parlé de beaucoup de grandes l’histoire des grandes civilisations crochet auquel se pendre, plutôt
personnalités : Socrate, Baude- africaines, telle celle du Mali, sera une racine sous terre, inextirpable.
laire, Einstein, Marie Curie, le enseignée, où l’Egypte ancienne Dans la bataille inutile qui ne peut
général de Gaulle… Mais aucune cessera d’être séparée artificielle- se solder que par une défaite, c’est
n’était noire. Tous les scientifiques, ment du continent africain auquel certain, il doit y avoir quelque
souverains, révolutionnaires, elle appartient, et où ses pharaons chose à préserver et à savoir,
philosophes, artistes, écrivains noirs ne seront plus occultés, ce quelque chose qui se renforcera
qu’on lui avait donnés en exemple jour-là seulement les imaginaires, grâce à notre acharnement, une
étaient blancs, jamais on ne lui et donc les mentalités, évolueront. véritable obsession, de la folie pure
avait parlé d’un général noir, d’un et simple. Cette racine en pivot qui
explorateur noir ou d’un pharaon Gilles Manceron, pénètre profondément dans le sol,
noir. Ainsi a-t-il voulu en donner vice-président de la LDH j’ai appris à la reconnaître dans le
quelques exemples à ses lecteurs, regard de ceux qui ont décidé de ne
convaincu que la meilleure façon Gomorra pas baisser la tête devant certains
de lutter contre le racisme et l’in- Roberto Saviano pouvoirs. »
tolérance chez tous les indivi- Gallimard En lisant ces pages, on fait
dus, quelle que soit leur couleur 2007, 357 pages, 21 e presque naturellement le rappro-
de peau, c’était d’enrichir leurs chement avec le combat que nous
connaissances et d’élargir leur Q uiconque s’intéresse aux droits menons tous, notamment au sein
imaginaire. Car l’Homme, petit ou de l’Homme devrait lire Gomorra. de la LDH. Quand il raconte l’his-
grand, a besoin de modèles pour Né en 1979, Roberto Saviano a toire de la Kalachnikov et de son
se construire, bâtir son estime de décidé d’écrire ce livre au péril de « utilisation » massive (Soudan,
soi, changer ses représentations sa vie (il est aujourd’hui menacé de Tchétchénie, etc.), cela fait vrai-
en écartant les stéréotypes et les mort), pour pouvoir raconter haut ment froid dans le dos. Saviano
préjugés qu’il projette sur lui- et fort ce qu’il a appris et compris défend farouchement les droits
même et sur les autres. d’un système tentaculaire appelé de l’Homme, d’où par ailleurs
D’où l’idée de portraits de femmes Camorra, la mafia napolitaine. sa contribution à la préface du
et d’hommes noirs, qui sont le C’est de l’intérieur que Saviano a rapport 2009 « L’obstination
fruit de ses lectures et de ses entre- pu prendre conscience de l’am- du témoignage », programme
tiens avec des anthropologues et pleur de ce système. Les chiffres conjoint de la FIDH et de l’Organi-
des historiens. De Lucy à Obama, qu’il donne, concernant notam- sation mondiale contre la torture
en passant par Esope, Dona Béa- ment les meurtres et autres faits (OMCT) : « Les droits de l’Homme :
trice, Pouchkine, Anne Zingha, immondes attribués à la Camorra, quiconque prononce ces mots,
Aimé Césaire, Martin Luther King permettent tout juste à l’esprit dans notre occident démocratique,
et bien d’autres, peu sont connus humain de se rendre compte de semble entonner une litanie tradi-
et certains complètement ignorés. la monstruosité dont sont jus- tionnelle, une litanie sacrée certes
Peu importe si on n’est pas sûr que tement capables ces hommes mais qu’on écoute désormais d’une
Lucy, qui vivait en Afrique orien- et ces femmes. Saviano décrit, oreille distraite. Quelque chose
tale il y a plus de trois millions démonte, décrypte, pour pouvoir qu’il faut dire, répéter, célébrer,
d’années, ait eu les cheveux cré- mieux dénoncer ce qui semble, une habitude rituelle. Respectée,
pus et l’épiderme foncé qui per- pour nous citoyens lambda, une mais rien de plus. [...] Les droits
mettrait de dire qu’elle était noire, horreur absolue qui dépasse l’en- de l’Homme seraient devenus un
peu importe si on a découvert, tendement. Un ouvrage qui se domaine réservé aux spécialistes,
depuis, des ancêtres humains plus lit comme un thriller, sauf qu’ici les préposés aux dossiers au sein
anciens, puisque tous confirment, tout est vrai. Il y a de nombreux des institutions spécialisées ou des
à ce jour, l’origine africaine de l’hu- passages qui valent à eux seuls le ONG indépendantes. » D’une gla-
manité. Thuram considère que détour, comme lorsqu’il évoque çante lucidité.
la connaissance de ces grandes la raison de ce combat, car c’est Jérôme Diaz, journaliste
H ommes & L ibertés N° 151 u juillet / août / septembre 2010 u 55