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Introduction.
Comme si plus de trois cents ans de domination ne suffisaient pas à cause des horreurs vécues
pendant l’esclavage, l’homme noir continue de souffrir à cause de la violence de la colonisation
mensongère à tout point de vue. Réplique de la Negro-Renaissance née aux Etats-Unis, un
mouvement de protestation va prendre racine en Europe pour propager la contestation partout où le
Noir est victime d’injustice ; il sera baptisé « Négritude ».
I. LA FORMATION DU GROUPE.
L’Occident voulait légitimer à tout prix son expansion coloniale aux yeux de l’opinion publique
internationale. Pour ce faire, afin de conférer à la colonisation un visage ou une mission pacificatrice
et civilisatrice, ils attribuaient des bourses aux bacheliers indigènes les plus méritants des colonies
pour qu’ils aillent poursuivre leurs études supérieures en France.
Suivant l’actualité de très près, regroupée par une heureuse coïncidence au quartier Latin à Paris,
cette élite de la diaspora africaine entendra parler de ces Négro-américains qui on fait de la libération
de l’homme noir leur cheval de bataille. Leur emboitant le pas, ils ne feront pas moins, malgré les
risques encourus : perte de bourse, rapatriement, censure, emprisonnement, assassinat, etc.
Ce ne sont pas des définitions qui s’opposent mais qui se rejoignent. D’ailleurs, leurs concepteurs
sont des amis avant tout et ils portent leur idéal vers la même direction.
1. Pour Césaire
Il est l’auteur de ce néologisme apparu pour la première fois dans la revue « L’étudiant noir » puis
dans son recueil. Il donne à ce mot un double sens : acceptation du fait d’être noir et refus de toute
forme d’assimilation. Il a dit dans Cahier d’un retour au pays natal (1939) :
« Ma négritude n’est pas une taie d’eau morte sur l’œil mort de la terre
2. Pour Senghor
Lui aussi présente doublement ce qu’il faut entendre par « négritude » : célébration du royaume
d’enfance et civilisation de l’Universel. Il s’agit d’une philosophie du pardon héritée de son éducation
religieuse. Il a une fois dit : « notre noblesse nouvelle est non d’être la tête du peuple mais bien sa
bouche et sa trompette ». Autre part, il déclare : « il faut s’enrichir de nos différences pour tendre
vers l’universel ». Il est l’auteur d’Hosties noires (1948).
3. Pour Damas
Le mot chez lui possède un sens unique : refus de conserver le patrimoine culturel et religieux des
Occidentaux sous risque d’être victime de l’acculturation. Il est l’auteur de Pigments (1937).
En 1921, René Maran se révolte courageusement. La publication de son œuvre phare intitulée
Batouala, sous-titré « véritable roman nègre » fait scandale dans la métropole. L’auteur sera tout
bonnement licencié car il était administrateur des colonies dans l’Oubangui Chari, l’actuelle
Centrafrique. Mais c’était également une porte ouverte montrant par la même occasion la voie aux
intellectuels négro-africains.
On appelle « revue » une parution périodique, une coproduction d’articles. Deux raisons peuvent
justifier ce choix des intellectuels Négro-africains : éviter la censure individuelle et démontrer au
monde que l’Afrique parle d’une seule et même voix. Voici l’ordre de parution des différentes revues
du mouvement de la négritude :
- Légitime Défense (1932) : elle sera aussitôt censurée car les articles n’étaient pas tendres envers
l’Occident.
- Présence Africaine (1947) : sous la direction d’Alioune Diop, l’intellectuel noir a maintenant une
revue légitime et une maison d’édition.
Les Occidentaux avaient presque partout (jusque dans certaines consciences nègres) propagé le
complexe de la « race inférieure » et la théorie de la « table rase » selon laquelle l’Afrique n’a rien
inventé, ne détient aucun document écrit, et donc n’a pas de civilisation. Le démenti apporté par les
intellectuels noirs s’exprime alors par la revalorisation de la culture nègre par tous les moyens. Il y eut
donc une triple réponse apportée par les intellectuels noirs.
En effet, ce qui a ajouté de la célébrité à Cheikh Anta Diop, ce savant égyptologue, c’est la
découverte de l’usage du carbone 14 (C14) qui permet de dater les os. Confrontée à tous les anciens
os humains découverts par d’éminents archéologues), cette trouvaille scientifique aboutit à la
conclusion incontestable selon laquelle l’Afrique est le berceau de l’humanité et que, par conséquent,
toutes les civilisations, aussi brillantes soient-elles, proviennent du « vieux continent ».
L’Afrique possédait non seulement une société très hiérarchisée, mais aussi ses fils se sont
brillamment illustrés et fait entendre par l’usage de la langue même du Blanc. L’arène politique était
aussi investie par les Africains. Senghor, Diagne, Eboué, Boigny, Kenyatta, Nkrumah… montent aux
créneaux et, en tant que gouverneur, maire, député…, réclament l’indépendance à l’assemblée
constituante, grâce à leurs discours indépendantistes. Même la visite du général De Gaulle dans les
colonies occidentales françaises en a payé les frais.
Les Occidentaux avaient toujours basé leur définition de la civilisation sur l’existence ou non de
documents écrits. Mais ce qu’ils ignoraient encore, c’est qu’une civilisation peut être bâtie sur
l’oralité, comme c’est le cas de l’Afrique. Senghor ne nous surprend plus lorsqu’il affirme : « l’émotion
est nègre ; la raison est hellène ». Si celui-ci et bien d’autres écrivains revalorisent la culture africaine
à travers la danse, la musique, les habitudes traditionnelles, c’est justement pour répondre à ce
dénigrement.
Véritablement les fils aînés du monde poreux à tous les souffles du monde
Sang ! Sang ! tout notre sang ému par le cœur mâle du soleil
Pour tout dire, comme un seul homme, au beau milieu de tous les fronts qui le permettent, les
intellectuels négro-africains en général, les écrivains en particulier, se sont vaillamment
autoproclamés avocats défenseurs d’une race opprimée. C’est toute la raison qui justifie des propos
comme : « pouvais-je rester sourd à tant de souffrances bafouées ? » (Senghor, « Chaka »,
Ethiopiques, 1956) ou encore « ma bouche sera la bouche des malheurs qui n’ont point de bouche ;
ma voix, la liberté de celles qui s’affaissent au cachot du désespoir » (Aimé Césaire, Cahier d’un retour
au pays natal, 1939).
Conclusion
En définitive, la littérature africaine est fille de son époque. Enfantée par la Negro-Renaissance, « le
fils a dépassé son maître ». Mais le combat est loin d’être achevé car d’autres monstres, encore tapis
dans l’ombre en Afrique invitent les auteurs à garder l’œil ouvert sur toute forme de dérive ou
d’injustice.
Donneur universel