Chapitre 1

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Production industrielle de froid

INTRODUCTION

La production de froid ne se distingue pas de la production de chaleur uniquement en


termes d’échelle de température ou en termes de signe de la quantité de chaleur échangée.
La distinction principale vient de l’existence du second principe de la thermodynamique
qui, selon l’énoncé de Clausius, postule « qu’il ne peut pas s’effectuer, sans compensation,
un passage de chaleur d’un corps froid à un corps plus chaud » alors qu’il peut tout à fait,
sans compensation, s’effectuer un passage de chaleur d’un corps chaud vers un corps moins
chaud. On peut donc définir la production de froid comme la mise en œuvre d’une suite de
transformations thermodynamiques permettant d’extraire de la chaleur d’un milieu (source
froide) pour abaisser et/ou maintenir sa température en dessous de la température ambiante.
Ces transformations sont subies par une substance active (le fluide frigorigène), qui prélève
de la chaleur à la source froide, en rejette dans la source chaude et à laquelle on doit
apporter de l’énergie en compensation.
La production de froid pour les besoins domestiques, commerciaux et industriels
nécessitent l’utilisation d’un dispositif capable d’extraire de la chaleur dans le milieu à
refroidir pour la rejeter dans un milieu dit « extérieur », ce dispositif qui obéit
nécessairement au second principe de la thermodynamique est appelé : machine
frigorifique. On distingue deux grandes classes de machines frigorifiques : celles qui
consomment, pour fonctionner, de l’énergie mécanique ou son équivalent, les systèmes à
compression mécanique, et celles qui consomment essentiellement de l’énergie thermique,
les systèmes à compression thermique. Parmi les systèmes à compression mécanique, la
machine frigorifique à compression de vapeur liquéfiable est, de très loin, le système le
plus couramment utilisé pour la production de froid. Il s’agit d’un système à circuit fermé
dans lequel le fluide frigorigène se vaporise dans un évaporateur en produisant le froid
utile. La vapeur ainsi produite est aspirée et comprimée par un compresseur mécanique.
Elle est ensuite refoulée dans un condenseur où elle se liquéfie. Enfin, le liquide formé
retourne vers l’évaporateur en traversant un régleur (ou détendeur).
Il existe deux types de machines frigorifiques à compression mécanique de
vapeur dépendant de la nature de la compression : la machine frigorifique à compression
simple appelée : compression mono-étagée, et la machine frigorifique à compression
multiple appelée : compression multi-étagée. L’emploi des cycles à compression multi-
étagée et notamment bi-étagée s’impose lorsqu’on désire produire du froid à des
températures assez basses (généralement comprises entre –20°C et –50°C) en fonction des
fluides frigorigènes utilisés. Les systèmes mettant un jeu un plus grand nombre d’étages de
compression sont très rares pour la production de basses et très basses températures (entre
–60°C et –160°C). On utilise des cycles en cascade qui concernent l’association en série de
diverse machines frigorifiques à un ou plusieurs étages de compression, l’évaporateur de
l’une refroidissant le condenseur de celle qui la suit dans l’ordre des températures
décroissantes. Chacune de ces machines utilise un fluide frigorigène différent.
Ce cours est consacré aux cycles frigorifiques à compression bi-étagée que l'on
retrouve dans les domaines aussi variés que ceux de la congélation en général, de
l'industrie chimique et de la lyophilisation.
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Production industrielle de froid

CHAPITRE I : GÉNÉRALITÉS SUR LES CYCLES BI-ÉTAGÉS

I.1. Intérêt de la compression bi-étagée


Pour certaines utilisations telles que la production de froid à basse température, on
peut être amené à adopter des températures d'évaporation et de condensation très
éloignées. Le taux de compression de la machine frigorifique est alors très élevé, avec les
conséquences suivantes :
- augmentation du titre en vapeur donc diminution de la production frigorifique
massique (pour une puissance frigorifique donnée, le débit massique de vapeurs à
l'aspiration du compresseur augmente) ;
- forte augmentation du volume massique des vapeurs aspirées (si l’on travaille à
basse température d'évaporation, le débit volumique de vapeurs aspirées par le
compresseur augmente beaucoup) ;
- diminution du rendement volumétrique du compresseur (la cylindrée à installer est
plus importante) ;
- diminution du rendement effectif de compression (le rendement thermodynamique
de l'installation est notablement dégradé) ;
- enfin, la baisse de la température d'évaporation et l'augmentation du taux de
compression ont pour conséquence une élévation importante de la température des
vapeurs refoulées (perte du pouvoir lubrifiant de l’huile de lubrification du
compresseur et risque du blocage voir rupture des pièces en mouvement à cause de
la dilatation normale due à la température).

On a donc intérêt à fractionner la compression. On se limite en général à deux


étages de compression car au-delà, la complexité de 1'installation et son prix deviennent
rédhibitoires vis-à-vis de l'amélioration des performances. Cependant, le simple fait de
fractionner la compression ne permet pas de limiter la température des vapeurs
refoulées. Il faut de plus mettre en œuvre un système de refroidissement des
vapeurs pendant la compression. Ce refroidissement s'effectue entre les deux étages, à la
pression intermédiaire Pi. Le refroidissement des vapeurs peut être réalisé de plusieurs
façons. Afin d’effectuer ce refroidissement, on peut utiliser un refroidissement externe
(échangeur refroidi à air ou à eau) mais le plus souvent, on met en œuvre des transferts
internes spécifiques au cycle utilisé. Ce refroidissement sera obtenu de trois façons
différentes suivant les cycles : par barbotage dans la bouteille intermédiaire, par injection de
liquide détendu ou par injection de vapeur.
Le cycle bi-étagé le plus simple est celui présenté en figure I.1. Dans un tel cycle, les
inconvénients liés à un taux de compression élevé seront bien évités, mais la production
frigorifique massique restera faible, notamment à cause du titre en vapeur important. II faut
donc pouvoir déplacer vers la gauche le point représentatif du fluide frigorigène à l'entrée de
l'évaporateur. Les deux techniques couramment retenues sont les suivantes :
- fractionnement de la détente (détente bi-étagée) ;
- augmentation du sous refroidissement du liquide avant sa détente de Pc a P0.

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Figure I.1 : Cycle à compression bi-étagée, à détente mono-étagée

Un cycle frigorifique bi-étagé est donc construit à partir de trois pressions :

= ( ), = ( ) et = ( )

I.2. Choix de la pression intermédiaire


Le choix de la pression intermédiaire est important car il influe sur la consommation
énergétique de l'ensemble des deux étages. Pour un cycle bi-étagé à deux compresseurs mono-
étagés distincts, le concepteur doit choisir la pression intermédiaire en fonction de critères
permettant un fonctionnement optimal (en principe, on cherche à obtenir des conditions de
fonctionnement équilibrées pour les deux compresseurs, ou bien un coût de fonctionnement ou
d’installation minimal). Mais il existe des compresseurs « bi-étagés », pour lesquels la pression
intermédiaire est obligatoirement fixée par le rapport des cylindrées affectées à chaque étage
de compression. Ce sont les compresseurs compound et les compresseurs à vis ou centrifuges à
suralimentation, ainsi que les compresseurs hélicoïdes avec injection intermédiaire.

I.2.1. Cycle bi-étagé à deux compresseurs


a) Égalité des taux de compression
Ce critère vise à équilibrer les deux compresseurs. Il n’a pas de justification d’un point
de vue purement thermodynamique (le travail pour deux compresseurs parfaits et celui pour
un seul compresseur parfait seront légèrement différents suivant le refroidissement
intermédiaire) mais une justification du point de vue du rendement effectif : le rendement
effectif décroît lorsque le taux de compression augmente. Il y a donc intérêt à prendre des taux
de compression voisins pour avoir des rendements effectifs raisonnables sur les deux étages.
Les taux de compression s’écrivent = ⁄ et = ⁄ . La condition =
conduit à la relation :
=

En pratique, le choix de taux de compression identiques pour les deux étages se traduit
par un déséquilibre entre les deux compresseurs : l’étage HP demande une cylindrée plus
faible, mais une puissance absorbée plus élevée.

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De plus, la température des vapeurs refoulées peut être excessive, notamment avec les
fluides tels que l’ammoniac (valeur de γ élevée). Certains choisissent a priori une pression
intermédiaire supérieure à , de façon à réduire τH et donc à « favoriser » légèrement
l’étage HP.
On a ainsi proposé d’adopter, pour l’ammoniac une pression intermédiaire (exprimée
en bar) telle que :
= + 0,35

On a aussi recommandé d’utiliser une température intermédiaire telle que :

b) Égalité des températures de refoulement


Ce critère n’est utilisé que dans le cas de fluides à température de refoulement élevée,
tels que l’ammoniac ; il permet alors de limiter la température des vapeurs refoulées par le
compresseur HP à des valeurs acceptables. La valeur de la pression intermédiaire est obtenue
par résolution graphique ou numérique, en utilisant l’équation d’état du fluide frigorigène (de
façon générale, les pressions P0 et Pc étant fixées, si la pression intermédiaire Pi augmente, la
température T2 augmente et T4 diminue). On choisit la valeur de pression intermédiaire pour
laquelle T2 = T4. La figure I.2 montre la résolution graphique appliquée à l’ammoniac pour les
conditions de fonctionnement suivantes :
- température d’évaporation : – 30°C (1,19 bar)
- température de condensation : + 30°C (11,6 bar)

On aboutit aux conditions suivantes :


- température intermédiaire : 2°C (4,63 bar)
- taux de compression HP : 2,55
- taux de compression BP : 3,88

Figure I.2 : Critère d’égalité des températures de refoulement (Cas du R717)

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Remarques :
- L’évaluation des températures de refoulement implique que l’on connaît a priori la loi de
refroidissement des compresseurs (ou leur indicateur isentropique). On peut cependant se
contenter des températures de refoulement isentropiques, puisque le but recherché est de
limiter les températures de refoulement, mais pas nécessairement de les contrôler
finement.
- En appliquant ce critère, le taux de compression de l’étage BP peut être supérieur à celui
de l’étage HP, d’où un déséquilibre entre les consommations énergétiques des deux
compresseurs.
- Ce critère n’est applicable qu’aux fluides s’échauffant fortement au cours de la
compression ; il conduit, bien sûr, à une pression intermédiaire différente du critère
d’égalité des taux de compression. Pour des fluides s’échauffant moyennement, ce critère
conduit à des taux de compression beaucoup trop déséquilibrés.

c) Recherche du COP optimal


Pour une puissance frigorifique donnée, optimiser le COP revient à rechercher la
pression intermédiaire pour laquelle la consommation énergétique totale est la plus faible. Les
conditions de condensation et d’évaporation étant fixées, il suffit de tracer la courbe
d’évolution du COP lorsque la pression intermédiaire varie. La figure I.3 présente de telles
courbes pour le R717 dans les mêmes conditions que précédemment. On constate que pour ce
fluide, le maximum est très peu marqué (la zone de COP optimum s’étend sur quelques
degrés) : le critère du COP maximal n’est donc pas toujours significatif.

Figure I.3 : Évolution du COP avec la température intermédiaire

Pour le R717 : température intermédiaire : –3,2°C (environ 3,8 bar) ; COP maxi : 3,55.

Remarque :
Pour utiliser ce critère, il faut connaître l’évolution des rendements effectifs des compresseurs
selon leurs conditions de fonctionnement.
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d) Recherche de la cylindrée totale minimale


Ce critère favorise un encombrement et un coût d’investissement minimal. De
nouveau, les conditions d’évaporation et de condensation étant fixées, on trace la courbe
d’évolution du volume balayé installé au total, en tenant compte des rendements
volumétriques des compresseurs. Comme précédemment, on constate, d’après la figure I.4,
que ce critère peut ne pas être significatif.

Figure I.4 : Évolution des cylindrées avec la température intermédiaire

Pour le R717 : température intermédiaire 0,3°C (environ 4,3 bar).

I.2.2. Cycle avec compresseur bi-étagé


a) Cas d’un compresseur bi-étagé à pistons (compresseur compound)
De nombreux compresseurs à pistons comprennent plusieurs cylindres. Dans ces
conditions, il est possible de réaliser un compresseur bi-étagé à partir d’un seul compresseur.
Pour cela, il suffit d’utiliser certains cylindres pour l’étage BP et d’autres pour l’étage HP.
C’est ce que font certains constructeurs qui proposent des produits, appelés : compresseurs
compound. Un compresseur à deux étages comprend un étage BP et un étage HP (figure I.5).

Figure I.5 : Schéma d’un compresseur compound

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Les vapeurs formées dans l’évaporateur à la pression P0 sont aspirées dans les
cylindres BP, puis comprimées et refoulées à la pression intermédiaire Pi dans une
canalisation externe au corps du compresseur. On peut alors assurer leur refroidissement par
simple injection de liquide détendu ; le mélange est alors repris dans le carter du compresseur,
où il assure le refroidissement du moteur, puis aspiré dans les cylindres HP pour être
comprimé puis refoulé à la pression Pc.
Le détendeur d’injection est monté d’usine sur le compresseur. Le bulbe contrôle la
température des vapeurs à l’aspiration de l’étage HP, de façon à maintenir la surchauffe entre
8 et 16 °C. Ce détendeur n’est en général pas réglable.
En règle générale, tous les cylindres ont les mêmes dimensions (course et alésage) ; on
trouve en principe des compresseurs à trois cylindres (2 cylindres BP, 1 HP) ou 6 cylindres (4
BP et 2 HP) ou, plus rarement, 8 cylindres (6 cylindres BP, 2 HP). Il faut cependant noter que
depuis très peu de temps, on trouve des compresseurs compound dont les cylindres HP
différent des BP, ce qui présente un avantage pour le COP du cycle qui sera justifié
ultérieurement.
La répartition des cylindres, donc le rapport des cylindrées rc, est une donnée
caractéristique du compresseur, et la pression intermédiaire, pour un cycle donné, est
nécessairement fixée par les valeurs des débits volumiques théoriques installés.

̇bal, ̇ ,
= =
̇bal, ̇ ,

Les pressions d’évaporation et de condensation étant fixées, on sait calculer le rapport


̇ ⁄ ̇ pour toute valeur supposée de la pression intermédiaire. En utilisant la relation
précédente, on peut alors tracer la courbe d’évolution = ( ) (figure I.6). À une valeur de
rc donnée ne correspond qu’une seule valeur possible pour Pi. Cependant, le calcul de rc
impose de connaître la valeur du rendement volumétrique de chaque étage. Cette donnée n’est
pas directement accessible par l’utilisateur, aussi, les constructeurs de compresseurs indiquent
la pression intermédiaire qui s’établira dans une installation avec compresseur compound.

Figure I.6 : Évolution du rapport rc avec Pi

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Les figures I.7 et I.8 reproduisent ce type de données et les comparent à la pression
intermédiaire correspondant au critère de l’égalité des taux de compression pour du R22 et
pour une température de condensation de 55°C ou de 35°C. Ce dernier critère amène à des
taux de compression naturellement plus équilibrés et à des pressions intermédiaires plus
élevées : avec ce type de compresseur compound, le rapport rc est inférieur à celui
caractérisant deux compresseurs séparés.

Figure I.7 : Pression intermédiaire pour du R22. Température de condensation : 55°C

Figure I.8 : Pression intermédiaire pour du R22. Température de condensation : 35°C

Remarques :
- Les vapeurs introduites dans le carter du compresseur sont à la pression Pi : c’est donc la
pression du carter. Il faut noter que ce choix permet de maintenir dans des proportions
raisonnables le différentiel de pression de part et d’autre des pistons HP ( − ) et BP
( − ).
- La sélection d’un compresseur compound se fait pratiquement de la même façon que
celle d’un compresseur mono-étagé, ainsi que le dimensionnement des différents
composants du circuit. La valeur de la pression intermédiaire est fournie par le
constructeur du compresseur, et ne doit en aucun cas être évaluée par le concepteur.

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b) Cas d’un compresseur avec orifice de suralimentation


Les compresseurs rotatifs (à vis, scroll) et les turbocompresseurs peuvent être munis
d’un orifice permettant l’injection en cours de compression d’un débit détendu de Pc à une
pression intermédiaire Pi dont la valeur est fixée par la position de l’orifice de
suralimentation, et doit être communiquée par le constructeur du compresseur.
La figure I.10 montre l’évolution de la température de saturation intermédiaire pour un
compresseur à vis fonctionnant au R404A et dans un cycle à économiseur avec sous
refroidisseur de liquide (figure I.9).

Figure I.9 : Schéma de principe d’un compresseur à vis avec suralimentation raccordé à
un économiseur permettant le sous-refroidissement du fluide frigorigène liquide

Figure I.10 : Évolution de la pression intermédiaire


(traits pleins : cycle à économiseur ; pointillés : égalité des taux de compression)

Dans cette figure, les courbes en pointillés montrent l’évolution de la pression


intermédiaire avec le critère d’égalité des taux de compression : avec un économiseur, le taux
de compression BP est toujours beaucoup plus faible que le taux de compression HP.

Remarque :
Dans le cas des compresseurs à vis, la pression intermédiaire est souvent plus proche
de la basse pression.

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