Isotopes en Analyse Chimique Pour La Gestion de L'eau: Philippe NÉGREL

Télécharger au format pdf ou txt
Télécharger au format pdf ou txt
Vous êtes sur la page 1sur 22

Dossier délivré pour

DOCUMENTATION
24/12/2008

Isotopes en analyse chimique


pour la gestion de l’eau
par Philippe NÉGREL
Responsable de l’Unité traceurs isotopiques et datations
Service métrologie, monitoring et analyses
BRGM (Bureau de recherches géologiques et minières)

1. Isotopes : définition, mesures et fonctionnement ......................... P 4 215 - 2


1.1 Quelques notions ......................................................................................... — 2
1.1.1 Isotopes d’éléments stables ............................................................... — 4
1.1.2 Isotopes d’éléments instables............................................................ — 4
1.1.3 En guise de résumé ............................................................................ — 5
1.2 Moyens de mesure ...................................................................................... — 5
1.3 Quelques systématiques isotopiques ........................................................ — 5
1.3.1 Isotopes stables de la molécule d’eau .............................................. — 5
1.3.2 Isotopes du bore ................................................................................. — 5
1.3.3 Isotopes du soufre et de l’oxygène des sulfates .............................. — 6
1.3.4 Isotopes du strontium......................................................................... — 6
1.3.5 Isotopes de l’azote des nitrates.......................................................... — 6
2. Isotopes et cycle de l’eau ..................................................................... — 7
2.1 Traçage dans l’atmosphère ......................................................................... — 7
2.1.1 Caractérisation du signal des pluies à l’échelle du bassin
versant .......................................................................................................... — 7
2.1.2 Caractérisation du signal des pluies à l’échelle du territoire .......... — 9
2.1.3 Caractérisation des aérosols en milieu urbain ................................. — 9
2.2 Gestion des aquifères alluviaux.................................................................. — 10
2.3 Eaux souterraines et origine des contaminations azotées ....................... — 14
2.4 Eaux souterraines et eaux de surface dans le contexte des crues
de nappes : cas de la Somme ..................................................................... — 15
2.5 Eaux souterraines à l’échelle du bassin : hétérogénéités, interactions
et processus de gestion ............................................................................... — 18
2.5.1 Isotopes stables de la molécule d’eau .............................................. — 19
2.5.2 Isotopes S et O des sulfates dissous ................................................. — 20
2.5.3 Isotopes du strontium......................................................................... — 21
3. Conclusion.................................................................................................. — 22
Pour en savoir plus ........................................................................................... Doc. P 4 215

es concepts d’origine, de sources, de processus et de bilans font souvent


L appel à des outils et des raisonnements communs parmi lesquels l’utilisa-
tion des traceurs géochimiques tient une part prépondérante. Les traceurs
utilisés permettent l’identification des sources de matière, des conditions et
9 - 2008

des processus de leur formation ou transformation, la quantification des flux,


l’estimation des processus de transfert des éléments entre différents réservoirs
ainsi que l’identification des sources des éléments d’origine naturelle ou
anthropique. Ces traceurs sont souvent sélectionnés pour leurs caractères spé-
cifiques et le but ultime de leur utilisation est d’intégrer l’ensemble des
données dans un modèle hydrochimique destiné à déterminer les flux d’eau,
P 4 215

les flux de matière (taux d’érosion, bilans de transfert...) dans les différents
compartiments du bassin.
Les circulations et les interactions des eaux, qu’elles soient de surface ou
souterraines, avec les roches encaissantes, sont de plus en plus renseignées
par l’utilisation de la géochimie et tout particulièrement par l’application des

Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie


est strictement interdite. – © Editions T.I. P 4 215 – 1

Dossier délivré pour


DOCUMENTATION
24/12/2008
Dossier délivré pour
DOCUMENTATION
24/12/2008

ISOTOPES EN ANALYSE CHIMIQUE POUR LA GESTION DE L’EAU _____________________________________________________________________________

traçages isotopiques. Ces traçages permettent, entre autres, de définir pour


chacun des systèmes étudiés, l’origine naturelle ou anthropique des éléments
chimiques, leurs comportements, leur transport dans des compartiments diffé-
rents (par exemple, forme dissoute et/ou particulaire pour les fleuves), des
schémas de circulation des eaux et fluides profonds et les interactions entre les
eaux et les différents types de roches encaissantes.
Ce dossier s’appuie sur des études et des publications scientifiques réalisées
par l’auteur et les géochimistes isotopistes du Bureau de recherches géologi-
ques et minières BRGM dans le domaine de l’application des méthodes
isotopiques à la meilleure connaissance du cycle de l’eau au sein des pro-
grammes de recherche. Ce dossier n’est bien sur pas exhaustif et ne comprend
qu’une sélection des travaux menés.

1. Isotopes : définition, 1.1 Quelques notions


mesures La matière est constituée d’éléments chimiques tous bâtis sur le
même modèle. L’atome est constitué d’un noyau composé de pro-
et fonctionnement tons, chargés positivement, et de neutrons, électriquement neutres.
Autour de ce noyau gravitent des électrons, particules chargées
négativement. Chaque atome se distingue donc par :
L’eau, élément façonnant de la Terre – son nombre de protons (ou d’électrons), également appelé
numéro atomique Z ;
L’eau recouvre les trois quarts de la surface de notre planète. – le nombre de neutrons N ;
On la trouve partout, et sous de multiples formes : pluie, cours – le nombre de nucléons (protons + neutrons) A.
d’eau, mers, océans, lacs, nappes souterraines, vapeur, nuages, Le nombre de protons est égal au nombre d’électrons, ce qui
glaces, sans oublier toute l’eau contenue dans le sol et la végé- assure la neutralité de l’atome. L’ensemble des atomes dont le
tation. Tous ces éléments participent à ce que l’on appelle « le noyau possède le même couple (Z, A ) est appelé un nucléide ; un
cycle de l’eau ». En effet, depuis qu’elle est apparue sur Terre, élément chimique correspond à l’ensemble des atomes de même
il y a quelques 4 milliards d’années, la quantité d’eau présente numéro atomique Z. La cohésion des nucléons dans les noyaux
sur la planète, évaluée à plus de 1 milliard de km3 au total, n’a atomiques est assurée par les forces nucléaires (interaction forte)
pas changé. C’est toujours le même volume d’eau qui ne cesse qui sont attractives, intenses, indépendantes de la charge électrique
de se transformer, passant par les différents stades de vapeur, et de faible portée. Au sein du noyau atomique, ces forces
d’eau liquide et glace, pour perpétuer le cycle permanent de nucléaires attractives l’emportent sur les forces coulombiennes
l’eau. répulsives qui existent entre les protons.
De formule chimique simple (H2O), il s’agit d’un corps
complexe résultant de la combinaison de 3 isotopes de l’oxy- L’histoire veut que le physicien et chimiste anglais Frederick
gène (16O, 17O, 18O) et de 3 de l’hydrogène (1H, Deutérium 2H, Soddy (1877-1956), prix Nobel de chimie en 1921 pour ses
Tritium 3H) qui peut donc exister sous 18 formes différentes. recherches sur l’origine et la nature des isotopes en ait créé
De par sa structure atomique complexe, capable de créer des l’appellation en 1913. Isotope est composé du grec isos « égal,
champs électriques assurant les liens et ponts entre les molé- le même » et topos « lieu, place », proprement « qui occupe la
cules, d’étonnantes particularités physiques en résultent (forte même place ». Le mot isotope fait référence à la classification
tension superficielle, constante électrique élevée...). La struc- de Mendeleïev (figure 1), présentée par son auteur en 1869, car
ture moléculaire de l’eau, qui permet aux atomes H+ de pour un même élément chimique, il peut exister différents
s’associer avec des anions et aux atomes O– de se lier à des noyaux.
cations, lui donne de fortes capacités de dissolution.
Le cycle de l’eau ou encore cycle hydrologique est la série
En effet, si le nombre de protons est toujours égal à Z, le nom-
de transformations qui se produit dans la circulation de l’eau.
bre de neutrons peut varier et on parle alors d’isotopes de l’élé-
Les précipitations se transforment en ruissellement, en humi-
ment chimique. Les isotopes sont caractérisés par le nombre de
dité du sol et en eau souterraine. L’eau souterraine circule à
nucléons (protons + neutrons) A. On différencie les isotopes d’un
nouveau vers la surface, et de la surface, toute l’eau issue des
élément X par la notation AX.
rivières, nappes, sol, végétation retourne à l’atmosphère par
évaporation et transpiration. Deux structures du milieu naturel Exemple : le noyau de l’atome d’hydrogène qui est constitué d’un
organisent ensemble l’écoulement des eaux. proton pouvant à l’état naturel être accompagné de zéro, un ou deux
– Une, visible, est le réseau hydrographique d’arborescence neutron(s). L’hydrogène existe donc sous trois formes isotopiques
1H, 2H (appelé deutérium, noté D) et 3H (appelé tritium, noté T).
plus ou moins dense et hiérarchisé. Selon les cas et les formes
de conduits, ce réseau peut disperser ou centraliser les eaux
avec une capacité de transport très variable. Les propriétés chimiques des isotopes d’un même élément sont
identiques car ces isotopes ont le même nombre d’électrons. Par
– L’autre structure est cachée et est constituée par l’agence-
contre, selon la configuration du noyau (c’est-à-dire la valeur de A
ment des terrains aquifères dans le sous-sol. Cette dernière
et le rapport Z/A ), les noyaux atomiques peuvent être stables s’ils
structure est principalement constituée de milieux conducteurs
contiennent un nombre suffisant de neutrons pour compenser la
et de réservoirs.
forte concentration de charges positives issues des protons.

Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie


P 4 215 – 2 est strictement interdite. – © Editions T.I.

Dossier délivré pour


DOCUMENTATION
24/12/2008
Dossier délivré pour
DOCUMENTATION
24/12/2008

______________________________________________________________________________ ISOTOPES EN ANALYSE CHIMIQUE POUR LA GESTION DE L’EAU

1 2
H B Analyses en routine au BRGM He
1.008 4.00
3 4 Th En cours de développement 5 6 7 8 9 10
Li Be B C N O F Ne
6.94 9.01 Si En projet 10.81 12.01 14.01 16.00 19.00 20.18
11 12 13 14 15 16 17 18
Na Mg Al Si P S Cl Ar
23.00 24.31 26.98 28.09 30.97 32.06 35.45 39.95
19 20 21 22 23 24 25 26 27 28 29 30 31 32 33 34 35 36
K Ca Sc Ti V Cr Mn Fe Co Ni Cu Zn Ga Ge As Se Br Kr
39.10 40.08 44.96 47.90 50.94 52.00 54.94 55.85 58.93 58.71 63.55 65.38 69.72 72.59 74.92 78.96 79.90 83.80
37 38 39 40 41 42 43 44 45 46 47 48 49 50 51 52 53 54
Rb Sr Y Zr Nb Mo Tc Ru Rh Pd Ag Cd In Sn Sb Te I Xe
85.47 87.62 88.91 91.22 92.91 95.94 98.91 101.07 102.90 106.40 107.90 112.40 114.80 118.70 121.80 127.60 126.90 131.30
55 56 57 72 73 74 75 76 77 78 79 80 81 82 83 84 85 86
Cs Ba La* Hf Ta W Re Os Ir Pt Au Hg Tl Pb Bi Po At Rn
132.90 137.30 138.90 178.50 181.00 183.90 186.20 190.20 192.20 195.10 197.00 200.60 204.40 207.20 209.00 (210) (210) (222)
87 88 89 104 105
Fr Ra Ac** Ku Ha
(223) (226) (227) (258) (260)

58 59 60 61 62 63 64 65 66 67 68 69 70 71
*Lanthanides Ce Pr Nd Pm Sm Eu Gd Tb Dy Ho Er Tm Yb Lu
140.10 140.90 144.20 (145) 150.40 152.00 157.30 158.90 162.50 164.90 167.30 168.90 173.00 175.00

90 91 92 93 94 95 96 97 98 99 100 101 102 103


**Actinides Th Pa U Np Pu Am Cm Bk Cf Es Fm Md No Lr
232.00 231.00 238.00 237.00 239.10 (243) (247) (247) (251) (254) (257) (256) (254) (258)

Figure 1 – Classification des éléments chimiques dans le tableau de Mendeleïev

Isobars
Même poids
atomique
12 13 14 15 16 17 18 19 20

O O O O O O O O O
26,9s 26,9s 70,6s 122s 26,9s 13,5s
2p β+ β+γ β+ε 99,76 0,04 0,20 β−γ β−γ
12 13 14 15 16 17 18 19

N N N N N N N N
11 ms 9,97ms 7,13s 4,17s 0,62s 0,3s
β+γ β+ 99,63 0,37 β−γ β−γ β−γ β−γ
8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18

C C C C C C C C C C C Isotopes
10-6fs 127ms 19,3s 20,3m 5730a 2,45s 0,75s 20ms 0,07s Même nombre
p β+ β+γ β+γ 98,9 1,1 β−γ β−γ β− β−γ β− de protons
7 8 9 10 11 12 13 14 15

B B B B B B B B B
-7 -3
10 fs 770ms 10 fs 12ms 17ms 14ms 9ms
β+ p 2α β−γ 19,9 80,1 β−γ β−γ β−γ β−
6 7 8 9 10 11 12 14
année
Be Be Be Be Be Be Be Be
10-5fs 53,28j 0,07fs 1,6Ma 13,8s 24ms 4ms 2p + 2n émission
2p α εγ β−γ 100 β− β−γ β− β−
émission d’électrons
5 6 7 8 9 11

Li Li Li Li Li Li émission de positrons
10-7fs 0,84s 0,18s 0,01s capture d’électrons
pα 7,5 92,5 β−2α β−α β−γ
3 4 5 6 7 8 9
émission γ
He He He He He He He émission de neutrons
10-6fs 807ms 10-6fs 119 ms très court émission de protons
0,0001 99,999 nα β− n β−γ n
1 2 3 14 p+n
H H H Be élément
12,43a 4ms demi-vie
99,985 0,015 β− β− mode de désintégration
Isotones
Même nombre
de neutrons
Stable Très
instable
T1/2 < 1 s

Figure 2 – Extrait de la table des nuclides, répartition des isotones, isobares et isotopes depuis l’hydrogène jusqu’à l’oxygène

Classiquement, tous les noyaux connus peuvent être classés en noyaux placés dans la même colonne de la classification de
fonction de leur nombre de charges N (nombre de neutrons Mendeleïev sont tous les isotopes connus d´un même élément. Les
présents dans un noyau) et de leur nombre de masse Z (nombre noyaux stables se situent dans la partie de la représentation N en
de protons). Dans cette représentation N en fonction de Z, tous les fonction de Z dite vallée de stabilité. La figure 2 donne une illus-

Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie


est strictement interdite. – © Editions T.I. P 4 215 – 3

Dossier délivré pour


DOCUMENTATION
24/12/2008
Dossier délivré pour
DOCUMENTATION
24/12/2008

ISOTOPES EN ANALYSE CHIMIQUE POUR LA GESTION DE L’EAU _____________________________________________________________________________

tration des répartitions des isotopes uniquement dans l’intervalle élément avec un facteur de fractionnement α, défini comme étant
entre hydrogène et oxygène. La vallée de la stabilité est indiquée le ratio du rapport des isotopes lourds (IL) sur les isotopes légers
en bleu foncé et comprend les isotopes 1H et 2H, 3He et 4He, 6Li et ( I ) de la phase A par rapport à celui de la phase B selon :
7Li, et ainsi de suite jusqu’à 16O, 17O et 18O. On constate que :
αA−B = (IL / I )A / (IL / I )B
– pour Z < 20, la vallée de stabilité est située au voisinage de la
droite N = Z ; Le fractionnement isotopique peut être dit à l’équilibre, représen-
– pour Z > 20, la vallée de stabilité est située au-dessous de cette tant alors les échanges isotopiques associés à une réaction à l’équi-
droite. libre. Il peut aussi être associé à un processus unidirectionnel
De facto, les noyaux avec des nombres identiques de protons irréversible ; on parle alors de fractionnement isotopique cinétique,
et/ou de neutrons sont plus stables. Les modèles modernes issus dû à la différence d’énergie entre les molécules impliquant des iso-
de la physique quantique (dits en couche ou en carapace) faisant topes différents. Tout processus métabolique met en jeu ce type de
intervenir les niveaux d’énergie dans les noyaux permettent de fractionnement où les isotopes les plus légers sont plus facilement
définir la série de ce que l’on appelle les nombres magiques de mobilisés. Ainsi, la photosynthèse fixe préférentiellement le 12C par
Z = 2, 8, 20, 28, 50 et 82 et N = 2, 8, 20, 28, 50, 82 et 126. Les rapport au 13C. Le fractionnement peut également être lié à un
noyaux atomiques d’un élément correspondant à ces nombres changement d’état. C’est le cas du cycle de l’eau où, du au fait que
magiques ont une grande stabilité impliquant une représentation les réactions impliquant les isotopes légers sont en général plus
importante dans la nature. rapides que celle impliquant les isotopes lourds, les phases
gazeuses sont toujours plus « légères » que les phases condensées
En dehors de la vallée de stabilité, les noyaux sont dit instables (liquide).
et correspondent aux noyaux qui ont un excès ou un défaut de neu-
trons par rapport aux isotopes stables de même nombre de charge. Exemple : lors de l’évaporation, la vapeur est proportionnellement
Au-delà de la valeur de Z > 83, les noyaux ne sont pas stables et plus riche en H216O par rapport à H218O (la condensation montre
sont dits radioactifs. Chaque noyau radioactif (noyau père) va se l’inverse), ce qui s’exprime par le facteur de fractionnement α selon :
transformer en noyau stable (noyau fils) en une ou plusieurs désin-
tégration(s) spontanée(s) en émettant une particule (α ou β) et αliq− vap = (18 O / 16O )liq / (18 O / 16O ) vap
généralement un rayonnement γ. Au cours de ce processus, il y a
une émission de particules qui peut être accompagnée de rayonne- Il faut cependant noter qu’il est généralement admis qu’au-delà
ments électromagnétiques. Ce phénomène porte le nom de de Z ≈ 20, ces fractionnements sont difficilement identifiables et
radioactivité. mesurables, dans l’état actuel des techniques analytiques.
Les noyaux instables se divisent en 3 catégories selon la place
qu’ils occupent par rapport à la vallée de la stabilité.
1.1.2 Isotopes d’éléments instables
– Les noyaux placés en bout de la vallée de la stabilité sont les
plus lourds. Ils atteignent la stabilité en émettant des particules α. Les isotopes se désintégrant par radioactivité s’appellent des iso-
– Les noyaux placés au-dessus et au-dessous de la vallée de la topes radioactifs ou isotopes pères et ils génèrent des isotopes dits
stabilité sont radioactifs β–. radiogéniques ou isotopes fils. Pour les isotopes « radioactifs-
radiogéniques », la désintégration radioactive de l’élément père
Chaque nucléide radioactif est caractérisé par la probabilité de réalise un fractionnement isotopique mais avec deux atomes diffé-
désintégration d’un noyau par unité de temps. rents. La vitesse de désintégration d’un isotope père P en isotope
Signalons enfin que deux éléments qui possèdent le même fils F est proportionnelle à la quantité d’isotope père selon :
nombre de nucléons sont des isobares (Z différents, A identiques).
dP /dt = − λ P
Exemple : le carbone 14 et l’azote 14.
avec λ constante de désintégration représentant la vitesse de ce
Des éléments qui ont le même nombre de neutrons sont dits processus et dépendant de l’isotope considéré.
isotones (Z différents, A différents, N identiques).
On obtient :
Exemple : le carbone 13 et l’azote 14.
P = P0 exp (−λt )

1.1.1 Isotopes d’éléments stables avec P0 quantité d’isotope père au temps t=0 diminuant
exponentiellement au cours du temps.
La distribution des éléments et leurs proportions isotopiques
sont liées à la stabilité de leur configuration nucléaire. Les Cela permet de définir la période de demi-vie (T1/2 en années)
configurations à Z et N pairs sont plus stables que les autres types qui correspond au temps au bout duquel la quantité initiale d’élé-
de configuration et les noyaux contenant les nombres magiques le ment père a été divisée par deux et s’exprime par :
sont tout particulièrement. T1/ 2 = ln(2) /λ
Ainsi, pour l’oxygène, élément caractérisé par le nombre magique La quantité F d’isotope fils observée au temps t est égale à la
Z = 8, les abondances des isotopes montrent une dominance de l’iso- quantité d’isotopes initiale F0 présente à l’état initial t = 0, augmen-
tope 16O (99,762 %), suivi du 18O (0,200 %) puis du 17O (0,038 %). tée de la quantité d’isotopes radiogéniques créée par désintégra-
Les autres isotopes de l’oxygène qui ont pu être mis en évidence sont tion de l’isotope père en un temps t. Cela s’exprime selon :
instables avec des durées de vie de quelques secondes (figure 2).
F = F0 + P [exp (λt ) − 1]
Pour les éléments dits stables, les différences de masses des
isotopes d’un même élément amènent l’existence de propriétés
La mesure des compositions isotopiques donne les proportions
physico-chimiques légèrement variables (volume molaire, vitesse
entre les isotopes et la notation en « rapport isotopique » se fait
de réaction, constante d’équilibre...). À ces différences de proprié-
avec au numérateur l’isotope radiogénique ou radioactif, et au
tés correspondent des comportements et des lois de répartition
dénominateur un isotope non radioactif et non radiogénique du
des isotopes différentes au cours des réactions chimiques. La prin-
fils, Fs . On obtient alors :
cipale est celle du fractionnement isotopique. Au cours d’une réac-
tion faisant intervenir un élément chimique avec des isotopes en
proportion différente, cette réaction privilégie un isotope de cet F /F s = (F /F s)0 + (P /F ) exp [(λt ) − 1]

Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie


P 4 215 – 4 est strictement interdite. – © Editions T.I.

Dossier délivré pour


DOCUMENTATION
24/12/2008
Dossier délivré pour
DOCUMENTATION
24/12/2008

______________________________________________________________________________ ISOTOPES EN ANALYSE CHIMIQUE POUR LA GESTION DE L’EAU

Cette équation est la base des applications des systèmes rapport à la technique TIMS, a l’avantage de créer un très bon taux
isotopiques à la géochronologie (datation des roches comme les d’ionisation pour un grand nombre d’éléments. Dans les tech-
systèmes Rb-Sr, Sm-Nd, U-Pb...). niques ICP-MS-MC et TIMS, la chimie préparatoire, nécessaire pour
isoler l’élément chimique dont on veut analyser les isotopes, se
déroule dans des salles blanches en surpression avec des réactifs
1.1.3 En guise de résumé purifiés permettant une très faible contamination lors des phases
Par opposition aux isotopes stables présents dans une propor- de préparation des échantillons.
tion constante et connue à l’état naturel, les isotopes radioactifs Nota : pour plus de détails, on se référera aux articles concernant le principe et l’appa-
ont des proportions qui varient avec le temps dans les systèmes reillage en spectrométrie de masse [P 2 645], les applications en spectrométrie [P 2 646]
et dans l’environnement [7] [8].
géologiques. Qu’en est-il dans le cycle exogène, et tout particu-
lièrement dans le cycle de l’eau ? Sur la figure 1, sont illustrées les différentes systématiques iso-
Dans ce dernier, les isotopes radiogéniques des éléments lourds topiques appliquées, en développement et en projet, au BRGM.
ont la particularité de ne pas être fractionnés par les processus
physico-chimiques et compte tenu des constantes de temps, d’être
insensibles aux processus de décroissance. Le lien est donc direct 1.3 Quelques systématiques isotopiques
entre eau et minéral et/ou assemblage minéralogique qui par les
phénomènes d’altération fournit l’élément chimique étudié à l’eau
(Sr pour 87Sr/86Sr, Nd pour 144Nd/143Nd, Pb pour 1.3.1 Isotopes stables de la molécule d’eau
206, 207, 208Pb/204Pb). Contrairement aux isotopes radiogéniques,
Les isotopes stables de l’eau comprennent ceux de l’oxygène et
les abondances, initialement fixées, des isotopes stables peuvent
de l’hydrogène. Les abondances des isotopes de l’oxygène
être modifiées par les processus de fractionnement et ces modifi-
montrent une dominance de l’isotope 16O (99,762 %), suivi du 18O
cations peuvent être mises en évidence par les mesures de ces
(0,200 %) puis du 17O (0,038 %). Les abondances des isotopes de
rapports isotopiques et les processus, et donc « l’histoire » de
l’hydrogène consistent en deux isotopes stables, 1H et 2H (aussi
l’eau, décryptée.
nommé Deutérium), avec une abondance respective d’environ
Nota : pour plus de détails sur la chimie de la matière, on se référera aux articles de
Treuil [1] et Treuil et Joron [2] et à ceux de Fourcade [3] et Mook [4] pour les méthodes et
99,985 et 0,015 %. Le rapport des isotopes de l’oxygène et de
principes des isotopes. l’hydrogène est exprimé en unité delta de déviation par rapport à
un standard de référence. Ils sont mesurés par IRMS ou CF-IRMS.
On utilise la notation δ exprimée en parts pour mille avec :
1.2 Moyens de mesure δ = [(Réchantillon /Rétalon) − 1] × 1 000
Les isotopes d’un élément chimique sont mesurés par un spec- avec R rapport isotopique, isotope lourd sur isotope léger (par
tromètre de masse qui produit des ions dans une source sous vide exemple 18O/16O).
à partir d’un échantillon. Ces ions sont séparés selon leur rapport
masse/charge par une combinaison de champs électromagné-
Le standard de référence est le SMOW (Standard Mean
tiques incluant une accélération par un champ électrique et une
Ocean Water ) qui est une eau de mer moyenne, pris à 0 ‰.
séparation en masse par un champ magnétique. Ils sont enfin
détectés et exprimés en fonction de leur abondance relative.
Dans la spectrométrie de masse appliquée aux systématiques En l’absence d’évaporation ou d’échange avec des gaz dissous,
isotopiques pour nos études, trois grands types sont utilisés : les isotopes stables de la molécule d’eau se comportent comme
des traceurs conservatifs et reflètent le mélange des différentes
– les spectromètres de masse à source « gazeuse » (classique- recharges ayant alimenté les eaux souterraines considérées. L’his-
ment appelés IRMS pour Isotope Ratio Mass Spectrometer ) ; toire hydro-climatique d’un aquifère peut donc être reconstituée
– les spectromètres de masse à source « solide » (classiquement par l’abondance des isotopes stables lourds de l’oxygène (18O) et
appelés TIMS pour Thermo-Ionisation Mass Spectrometer ) ; de l’hydrogène (2H) dont les signatures correspondent à des envi-
– les spectromètres de masse à plasma à couplage inductif et ronnements et des épisodes hydro-climatiques spécifiques, ou des
multicollection ICP-MS-MC (Inductive Coupled Plasma-Mass Spec- altitudes de recharge différentes. Sous certaines conditions (faible
trometer-Multi Collector ). rapport eau/roche, temps de résidence long, température élevée
■ Les IRMS permettent de déterminer des rapports isotopiques en du réservoir, échange avec CO2 , évaporation...), les interactions
utilisant la technique hors ligne (c’est-à-dire préparation des roche – eau peuvent modifier la composition isotopique initiale de
échantillons sur une ligne séparée afin de les transformer en gaz), l’eau.
à double injection (pour mesurer en alternance l’échantillon
inconnu et un échantillon de référence). De manière identique, le 1.3.2 Isotopes du bore
CF-IRMS (Continuous Flux Isotope Ratio Mass Spectrometer ) uti-
lise la technique en ligne à débit continu (système de combustion Le bore est un élément en traces possédant deux isotopes
en ligne), pour la mesure de rapports isotopiques. stables 10B et 11B extrêmement solubles dans les fluides aqueux et
dont les abondances moyennes sont respectivement de 19,9 % et
■ La technique TIMS met en jeu la thermo-ionisation d’un élément 80,1 %. De même que pour les isotopes stables de la molécule
dans une source dite « solide » sous vide à des températures supé- d’eau, on utilise la notation δ exprimée en parts pour mille selon :
rieures à 1 000 oC. L’échantillon est déposé sous forme de gouttes
sur des filaments de rhénium, tungstène ou tantale ; l’évaporation δ 11B = [{(11B/10B)échantillon /(11B/10B)standard } − 1] ⋅ 103
de la solution laisse un sel sur le filament. Ce filament est chauffé
jusqu’à une température suffisante pour que le sel soit évaporé et
ionisé. Le standard de référence est le NIST/NBS 951 et les isoto-
■ Les ICP-MS-MC utilisent la méthode plasma des ICP-MS pour la pes du bore sont mesurés par TIMS ou ICP-MS-MC.
vaporisation des échantillons couplée avec la technique de spectro-
métrie de masse pour la séparation des isotopes. L’échantillon sous La grande différence relative de masse entre ses isotopes
forme de solution est envoyé dans la source du spectromètre où il stables ainsi que la forte réactivité géochimique de cet élément
est vaporisé et ionisé par un plasma, gaz partiellement ionisé sous entraînent un fractionnement isotopique naturel du bore de l’ordre
l’influence d’une forte différence de potentiel. Cette méthode, par de 90 unités delta.

Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie


est strictement interdite. – © Editions T.I. P 4 215 – 5

Dossier délivré pour


DOCUMENTATION
24/12/2008
Dossier délivré pour
DOCUMENTATION
24/12/2008

ISOTOPES EN ANALYSE CHIMIQUE POUR LA GESTION DE L’EAU _____________________________________________________________________________

Exemple : les valeurs du δ11B les plus basses (– 30 ‰) corres- ments, de grandes variations du rapport Rb/Sr se produisent au
pondent aux évaporites non-marines, tandis que le réservoir le plus cours des processus de réaction entre fluides et minéraux. Dans
enrichi en 11B est représenté par les saumures des lacs salés les processus d’altération, le strontium a un comportement plus
d’Australie et par la mer Morte en Israël (δ11B jusqu’à + 59 ‰). Le soluble que le rubidium vis-à-vis de la solution lixiviante. Par
réservoir océanique présente une valeur de δ11B mondialement conséquent, le rapport Rb/Sr augmente dans les minéraux rési-
constante de l’ordre de + 39,5 ‰. duels lors de lessivages progressifs alors que celui du fluide est
toujours bas.
Le bore présente ainsi un fort potentiel de signature isotopique Le strontium a quatre isotopes de masse 88, 87, 86 et 84, mesu-
en termes de mélange ou de processus spécifiques. rés par TIMS. Les isotopes 88, 86 et 84 sont stables et ont des
abondances liées à la nucléosynthèse (ensemble des processus
1.3.3 Isotopes du soufre et de l’oxygène aboutissant à la formation d’éléments chimiques). L’isotope 87 est
des sulfates radiogénique et est issu de la désintégration radioactive β du 87Rb.
Le rapport isotopique du strontium (87Sr/86Sr) d’un fluide est direc-
Le soufre possède 4 isotopes stables, 32S, 33S, 34S et 36S d’abon- tement relié à celui du minéral ou des associations minéralogiques
dances respectives 95 %, 0,76 %, 4,22 % et 0,014 %, mesurés par avec lesquelles le fluide a interagi. Les effets de fractionnements
IRMS ou CF-IRMS. Le soufre est impliqué dans plusieurs processus isotopiques liés à la différence de masse ne sont pas détectables
biogéochimiques et par ses divers degrés d’oxydation (– 2 à + 6), il pour des éléments dont la masse est proche de 80. De plus, les
est présent sous différentes formes (sulfates, sulfures...). L’étude effets de variations du rapport 87Sr/86Sr liés à la décroissance
des rapports isotopiques (34S/32S) et (18O/16O) dans les sulfates dis- radioactive du nucléïde père (87Rb) en nucléide fils (87Sr) ne sont
sous permet d’avoir une information sur l’origine de la minéralisa- pas significatifs, compte tenu de la courte échelle de temps à
tion et les processus impliqués comme l’oxydation de sulfures, la laquelle ces processus sont étudiés en géochimie environnemen-
réduction bactérienne des sulfates. De même que pour les isotopes tale par rapport à la période de décroissance du rubidium.
stables de la molécule d’eau, on utilise la notation δ. Le strontium est séparé du reste de la matrice de l’échantillon
sur des résines échangeuses d’ions. Le niveau de contamination
Le standard de référence est le SMOW (Standard Mean est inférieur à 0,5 ng pour la procédure chimique complète. Après
Ocean Water ) pour le rapport 18O/16O et le CDT (Cañon Diablo séparation chimique, l’échantillon est analysé sur un spectromètre
Troïlite ) pour le rapport 34S/32S. de masse à multicollection à source solide. Les rapports 87Sr/86Sr
sont normalisés à un rapport invariant 86Sr/88Sr de 0,119 4. La pré-
cision interne de chaque mesure du rapport 87Sr/86Sr est souvent
Dans les océans, le soufre existe essentiellement sous forme de
de l’ordre de ± 8 × 10–6 (2σ ).
sulfates et les rapports isotopiques (34S/32S) et (18O/16O) sont
constants, pour une période géologique donnée, du fait d’un état
de régime permanent entre les apports (eaux continentales, dis- La reproductibilité des mesures des rapports 87Sr/86Sr est
solution du SO2 de l’air) et les pertes (précipitation d’évaporite, testée par l’analyse répétitive d’un standard international
réduction des sulfates et précipitation des sulfures...). Actuelle- (NIST, matériau de référence NBS 987).
ment, la signature des océans est δ34S (SO4) = + 20 ‰ et δ18O
(SO4) = + 9,45 ‰. Les teneurs isotopiques en sulfates de l’atmos- Dans le cadre de l’étude des circulations de fluides, la nature a
phère sont en principe les mêmes que celles des océans mais les directement marqué ceux-ci. Dans une roche silicatée (granite...),
émissions volcaniques et industrielles, ainsi qu’une activité bacté- les différents minéraux présentent des rapports chimiques Rb/Sr et
rienne à la surface des océans, entraînent un appauvrissement en donc des rapports isotopiques 87Sr/86Sr différents en liaison avec
isotopes lourds. leur formation. Lors des phénomènes d’interaction eau-roche, le
La dissolution des minéraux sulfatés n’amène aucun fraction- rapport 87Sr/86Sr de la fraction de strontium libérée est différent de
nement isotopique mais leur précipitation entraîne un appauvris- celui de la roche totale et typique du ou des minéraux altérés et ceci
sement en isotopes lourds du sulfate restant en solution, qui se en liaison avec la « résistance » des minéraux vis-à-vis de l’agres-
traduit par une droite de pente 0,5 sur le diagramme δ34S versus sivité du fluide. Globalement, le strontium solubilisé dans la roche
δ18O. La réduction de sulfates en sulfures conduit à l’enrichis- et transporté vers l’extérieur du système formé par la roche est
sement en isotopes lourds du sulfate résiduel, avec un enrichis- beaucoup moins radiogénique (c’est-à-dire de rapport 87Sr/86Sr
sement 4 fois plus fort pour le soufre que pour l’oxygène. Cela se plus faible) que le strontium dans la roche non altérée. Par ailleurs,
traduit par une droite de pente égale à 4 dans le diagramme δ34S le strontium des argiles résiduelles est beaucoup plus élevé. Les
(SO4) versus δ18O (SO4). Quant à l’oxydation des sulfures en variations isotopiques observées dans les fluides peuvent être
sulfates, elle entraîne un léger appauvrissement en 34S si elle se fait issues du mélange de strontium de compositions isotopiques diffé-
par voie biologique. Pour 18O, la signature dépend de la part d’oxy- rentes provenant de différentes sources. Ainsi, dans le cas simple
gène de l’eau et d’oxygène de l’atmosphère et du fractionnement où deux sources de rapport isotopique ou chimique différents sont
qui accompagne l’incorporation de l’oxygène atmosphérique. présentes, la composition du mélange peut être déterminée. Les
variations du rapport isotopique du strontium dans un hydrosys-
tème donnent ainsi des informations sur :
1.3.4 Isotopes du strontium (1) l’origine et les proportions de mélange des différents
Le couple Rb-Sr se caractérise par un comportement géochi- composants fluides ;
mique très contrasté entre le rubidium (élément alcalin proche du (2) la nature et l’intensité des processus d’interaction roche – eau
potassium) et le strontium (élément alcalino-terreux proche du liés notamment à l’altération et à l’érosion.
calcium). Rb et Sr sont présents en tant qu’éléments traces (teneur
massique < 0,5 %) dans les différents types de roches. Ainsi, le 1.3.5 Isotopes de l’azote des nitrates
rubidium est présent en quantité évoluant entre le µg · g–1 (roches
ultrabasiques) et la centaine de µg · g–1 (roches de la famille des Les isotopes stables de l’azote sont le 15N (le moins abondant à
granites) ; le strontium est toujours présent avec des quantités 0,36 %) et le 14N (le plus abondant à 99,64 %). Ils sont mesurés par
supérieures à la centaine de µg · g–1. Le rubidium se localise préfé- IRMS et plus récemment par CF-IRMS. Comme pour les isotopes
rentiellement dans les minéraux potassiques (biotites, muscovites, stables de l’eau, on utilise la notation δ avec R = 15N/14N.
feldspaths potassiques) tandis que le strontium se situe préféren-
tiellement dans les minéraux calciques tels que les plagioclases et
les carbonates. De par le comportement opposé de ces deux élé- Le standard de référence est l’azote de l’air [4].

Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie


P 4 215 – 6 est strictement interdite. – © Editions T.I.

Dossier délivré pour


DOCUMENTATION
24/12/2008
Dossier délivré pour
DOCUMENTATION
24/12/2008

______________________________________________________________________________ ISOTOPES EN ANALYSE CHIMIQUE POUR LA GESTION DE L’EAU

Généralement, le δ15N est différent en fonction des sources de


nitrates. L’oxydation de la matière organique des sols produit de LSS-RSS
l’ammonium NH+4 qui par nitrification donne nitrites ( NO −2) puis 0,717

87Sr/ 86Sr
nitrates NO −3. Les nitrates issus de la minéralisation de la matière 8

organique ont des valeurs isotopiques contrôlées par la 0,7155


composition isotopique de l’azote minéralisable et des fraction-
nements isotopiques lors des processus de transformation. Les 0,714
nitrates produits ainsi dans les sols ont des δ15N compris entre 6 et
9 ‰. Le δ15N des engrais synthétisés à partir de l’azote de l’air
0,7125 9
varie entre – 4 et + 4 ‰. Les déchets organiques d’origine humaine
ou animale présentent une fermentation ammoniacale et les frac- LCS 10 10
2
tionnements induits amènent des valeurs de δ15N supérieures à 0,711
4
12

9 ‰. À l’inverse, la réduction des nitrates donne nitrites, NO, N2O 1

puis N2 gazeux. Un des problèmes pour utiliser le δ15N pour iden- 0,7095 5
6
13
63
11

tifier les sources de NO3 est de prendre en compte cette réaction RCS1 7
13

chimique de dénitrification lorsque celle-ci se produit car les isoto- RCS2 F


0,708
pes de l’azote fractionnent. L’isotope léger (14N) est préférentielle- 0 100 200 300 400 500
ment dans le N2 gazeux tandis que l’isotope lourd (15N) reste dans 1/Sr (µmol · L–1)
Échantillons no 1 à no 13
le nitrate résiduel. Dans ce cas, la composition initiale est perdue
et il est difficile de remonter à la source des nitrates. LSS Local Silicate Source
(source locale de poussières type silicate)

RSS Remote Silicate Source


2. Isotopes et cycle de l’eau (source lointaine de poussières type silicate)

LCS Local Carbonate Source


(source locale de poussières type carbonate)
2.1 Traçage dans l’atmosphère
RCS Remote Carbonate Source
Les aérosols sont la source principale des éléments chimiques (source lointaine de poussières type carbonate)
transportés par les pluies. L’atmosphère, par le biais des dépôts
secs (aérosols) ou humides (pluies), est reconnue comme une F Fertilisers (engrais)
source majeure des éléments dissous dans les hydrosystèmes
continentaux (eaux de surface et eaux souterraines). Les Figure 3 – Variations des rapports 87Sr/86Sr en fonction de l’inverse
composants dissous dans l’eau de pluie peuvent être divisés en des teneurs en strontium des eaux de pluies à l’échelle du bassin
versant [9]
trois groupes :
– ceux dérivés des aérosols marins ;
– ceux dérivés des aérosols terrigènes (poussières des sols, ■ Les proportions des différents apports (marin, continental dis-
émissions biologiques) ; tant ou local) ont été déterminées. Les isotopes du strontium ont
– ceux dérivés des activités anthropiques (industrie, agriculture...). été utilisés pour caractériser les sources non marines (par
Afin de mieux comprendre les apports par les pluies vers les exemple, continentales et anthropiques) après soustraction de la
bassins versants, à l’échelle locale, les rapports isotopiques du part d’origine marine en utilisant la teneur en Na comme référen-
strontium, du plomb et les concentrations en éléments majeurs et tiel d’origine marine, une méthode classique dans les études de
traces ont été mesurés dans des eaux de pluies collectées sur une géochimie des pluies. La part de strontium correspondante aux
période de 15 mois dans le Massif central [9] [10]. Chaque échan- apports d’origine marine, déterminée par le rapport Sr/Na, est
tillon représente une série mensuelle d’événements pluvieux pré- soustraite du strontium total et les rapports 87Sr/86Sr ainsi corrigés
levée automatiquement par un collecteur asservi au début et à la varient de manière importante entre 0,709 2 et 0,716 25. Ces rap-
fin de chaque événement pluvieux. Entre deux pluies, le collecteur ports pour les sources non marines indiquent l’existence de
est fermé et aucun dépôt sec (aérosols) ne peut y être introduit. plusieurs composantes, tant locales que lointaines, naturelles ou
Si l’on s’intéresse à une échelle plus grande, le suivi des pluies à anthropiques (figure 3).
l’échelle nationale permet d’établir un référentiel pour la fonction
entrée des hydrosystèmes (rivières et aquifères) sur le territoire L’étude des rapports 87Sr/86Sr des sources non marines montre
français en utilisant une dizaine de stations. Cette approche a été la prédominance de signatures carbonatées dans bon nombre
réalisée au travers des isotopes du strontium avec un essai de d’échantillons, indiquant l’origine des aérosols et constituant le
caractérisation des pluies à l’échelle du territoire [11]. premier composant. Ces apports de type carbonates peuvent trou-
ver leur origine dans les sédiments tertiaires (calcaires miocènes et
Enfin, la caractérisation fine d’un suivi des aérosols dans l’agglo- oligocènes) proches du site d’étude ou dans les dépôts marins du
mération parisienne par les isotopes du plomb apporte des bassin de Paris (jurassique à oligocène), du bassin d’Aquitaine et
contraintes en termes de sources et d’évolution temporelle à de la vallée du Rhône. Les différentes signatures de ces zones
l’échelle de plusieurs années par la comparaison des résultats de sources sont approchées par l’étude de la fraction dissoute de
différentes études menées sur une décennie [12]. rivières ne drainant qu’un faciès unique (par exemple, jurassique
inférieur, jurassique supérieur...) permettant de caractériser la
2.1.1 Caractérisation du signal des pluies signature isotopique de ces lithologies. Toutefois, l’abondance de
à l’échelle du bassin versant ces types de roches au nord, sud-est et sud-ouest de la zone
d’étude ne permet pas de déterminer l’origine exacte des masses
Un des objectifs de cette étude est de coupler les isotopes du d’air ayant véhiculé les aérosols en utilisant les isotopes du stron-
strontium avec les éléments majeurs et traces pour déterminer les tium seuls. La deuxième source est à relier à l’émission de pous-
différentes sources (sels marins et sources continentales) des élé- sières dans l’atmosphère en provenance de terrains de type
ments chimiques dans les pluies du Massif central [9]. Le second silicatés (granites, gneiss) dans le Massif central et de zones plus
objectif est de coupler les isotopes du plomb avec les éléments lointaines (Margeride, Morvan, Lozère). À nouveau, les rapports
traces métalliques dans le but de caractériser leur comportement 87Sr/86Sr de ce type de composant sont approchés par l’étude des
et leur région source [10] [13]. fractions dissoutes des rivières drainant ce type de roches.

Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie


est strictement interdite. – © Editions T.I. P 4 215 – 7

Dossier délivré pour


DOCUMENTATION
24/12/2008
Dossier délivré pour
DOCUMENTATION
24/12/2008

ISOTOPES EN ANALYSE CHIMIQUE POUR LA GESTION DE L’EAU _____________________________________________________________________________

Le dernier composant est lié aux apports anthropiques comme


15,75 les engrais. Les rapports 87Sr/86Sr de ces derniers sont compris
207Pb/204Pb

entre 0,7079 et 0,7087.


15,7 La répartition des signatures des pluies corrigées des apports
marins avec les composants précédemment décrits, se fait donc
15,65 entre trois extrêmes :
– un correspond aux sources silicatées ;
15,6 – un autre à la source locale de carbonates ;
– et un dernier englobant les sources lointaines de carbonates et
les engrais, comme illustré sur la figure 3.
15,55
■ Pour ce qui concerne les éléments traces, les variations de leurs
15,5 concentrations dans les pluies sont principalement liées :
– aux variations des sources des aérosols, telles que les change-
15,45 ments dans les proportions relatives des phases minérales
17 17,5 18 18,5 19 19,5 porteuses des éléments traces ;
206Pb/204Pb – à l’influence des sources anthropiques comme les industries,
y = 13,59 + 0,11x r = 0,99 l’agriculture (incluant les engrais), etc.
39
Aucun des éléments traces analysés ne montre de relation avec
208Pb/204Pb

la quantité de pluies tombée et aucune relation inter-élémentaire


ne peut être mise en évidence. La gamme de concentrations en
38,5 plomb varie entre 1,3 et 465 µg · L–1 soit une valeur moyenne de la
concentration des pluies de 50,2 µg · L–1 (avec écart-type de 112,8).
38 Ces fortes concentrations observées correspondent à la norme de
potabilité, de l’époque, en plomb des eaux de consommation. Elles
37,5 impliquent des taux de dépôts très élevés, en pondérant par la
quantité de pluie tombée, clairement plus forts que ceux trouvés
37
dans les zones dites non polluées. Ainsi, le plomb est l’élément
trace le plus amené par les pluies avec une valeur moyenne de
996 µg · m–2 · an–1. À titre de comparaison, l’antimoine est l’élé-
36,5 ment le moins amené avec 1,12 µg · m–2 · an–1.
Les compositions isotopiques en plomb dans les pluies varient
36
fortement comme mis en évidence par l’étude du rapport
17 17,5 18 18,5 19 19,5 206Pb/204Pb
206Pb/204Pb
(17,94 à 19,22) associés aux autres rapports isotopiques
du plomb. Les données, ainsi reportées dans les diagrammes
y = 23,34 + 0,79x r = 0,96
classiques de corrélation isotopique (206Pb/204Pb en fonction de
207Pb/204Pb et 206Pb/204Pb en fonction de 208Pb/204Pb) avec les
Eau de pluie, Massif central pôles anthropiques (essence, industriel) et naturels, définissent des
Eau de pluie, Bassin parisien, Roy, 1995 alignements (figure 4).
Essence, Roy, 1995
Exemple : les données des pluies du Massif central présentent des
Composants naturels, Elbaz-Poulichet et al, 1984 compositions isotopiques qui sont plus élevées que les pluies du
Bassin parisien [10], ce qui démontre une variabilité des compositions
Composants industriels, Petit, 1977 isotopiques plus importante.
Stériles miniers, Massif central, Marcoux, 1986
Un modèle de mélange prenant en compte cinq composants doit
être envisagé pour expliquer les variations observées. Cinq signa-
207 204 tures de cinq composants sont nécessaires mais la prise en compte
Figure 4 – Variations des rapports Pb/ Pb en fonction de
206
Pb/204Pb et 208Pb/204Pb en fonction de 206Pb/204Pb des eaux des données de la littérature implique de changer de référentiel. En
de pluies à l’échelle du bassin versant [10] [13] effet, si la méthode de mesure des isotopes du plomb par spectro-
métrie de masse permet l’accès à l’isotope 204 (le moins abondant),
l’utilisation des ICP-MS ne le permet pas, leur sensibilité n’étant pas
suffisante. Classiquement, les très nombreuses études environne-
Signature essence mentales récentes avec les isotopes du plomb déterminés par
1,09 à 1,124 ICP-MS utilisent les rapports 207/206 ou 206/207 et 208/206.
Le changement de référentiel en prenant les rapports
206Pb/207Pb permet de caractériser les cinq signatures des cinq
Signature minière Signature industrielle composants qui sont :
1,135 à 1,215 1,13 à 1,18
206Pb/207Pb – une signature du type essence [14] ;
1,151 à 1,222 – une signature du type du fond naturel comme montré dans les
sédiments pré-industriels [15] ;
– une signature du type des apports industriels avec de
multiples origines très difficiles à contraindre [15] ;
Signature naturelle Signature agricole – une signature du type amendement agricole (engrais, amende-
1,197 à 1,206 1,16 à 1,5 ments minéraux, [10]) ;
– une signature due aux stériles miniers [16].
Figure 5 – Variations des rapports 206Pb/207Pb des eaux de pluies L’ensemble étant illustré sur la figure 5. Toutefois, aucune contri-
à l’échelle du bassin versant et des pôles purs impliqués
dans les sources de plomb (essence, industrie, agriculture, bution relative de ces cinq composants ne peut être déterminée car
naturelle, et minière) [10] toutes les sources s’alignent dans les diagrammes classiques Pb-Pb.

Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie


P 4 215 – 8 est strictement interdite. – © Editions T.I.

Dossier délivré pour


DOCUMENTATION
24/12/2008
Dossier délivré pour
DOCUMENTATION
24/12/2008

______________________________________________________________________________ ISOTOPES EN ANALYSE CHIMIQUE POUR LA GESTION DE L’EAU


Niveau de pluie (mm)

Niveau de pluie (mm)


240 240
200 200
160 Paris 160
120 Brest Est 120
80 Orléans 80
40 Tours 40
0 0
-2 4
-2 4
-2 4
4
-2 3
-2 3

-2 3

05 0 0 4
07 004

09 004
10 004

4
-2 3
-2 3

11 04
-2 4

08 04
03 04
-2 3

12 04
03 00
04 00
05 00
00
09 00
10 00

01 00

00
11 00
08 00

02 00
12 00

0
0
0

0
Clermont-Ferrand

-2
-2

-2
-2

-2
-2

-2
-2
-2

-2
07

01
Niveau de pluie (mm)

Niveau de pluie (mm)


240 240
200 200
160 Dax 160
Montpellier
120 120
80 80
40 40
0 0

17-05/25 05
28-06 /17- 05

15-05/12 04
0706/ 5-05
-0 07 6
25-05/03 04

12-04/06 03
27-10 05-08
-2 4
-2 4
-2 4
-2 4
4

19 07 8-06
05-08 /19-07

21 7
-2 3
-2 3

06-01 30- 01
-2 3

17-10 27- 10

08
-2 3

1611/1 7-10
-2 3

06-03 06-01
-2 4

30-01 /17 2
-2 3

17 -12 6- 1

- /1 -0
7/ -0
- /1 1
03 00
04 0 0
05 00
06 00
00
09 00
10 00

01 00

1
11 00
08 00

02 00
12 00

-
-

-
03-04/22-

2
-2

/
/
/

/
22-03
07

-
31
1994 1995

Figure 6 – Localisation des stations de prélèvements des eaux de pluies à l’échelle du territoire (Brest, Dax, Orléans [11]) et ceux de la littérature
(Clermont Ferrand, [9], Tours [17], Paris [18] [19], Montpellier [20] et dans l’est de la France [21])

2.1.2 Caractérisation du signal des pluies dans les pluies en provenance de terrains silicatés (comme les
à l’échelle du territoire poussières émises depuis les zones de granites). Pour Brest,
l’influence des aérosols locaux, issus de l’altération des granites
Trois sites d’étude ont été suivis entre 2003 et 2004 avec des (avec des forts rapports 87Sr/ 86Sr) en est sûrement la cause. Pour
préleveurs intégrateurs de pluies installés et suivis à : Dax, la seule source potentielle provient des aérosols biogéniques
– Brest, à moins de 5 km de l’océan Atlantique ; émis par la forêt des landes avec des rapports 87Sr/ 86Sr élevés, en
– Dax, à 30 km de l’océan Atlantique ; liaison avec ceux de la formation géologique des « sables des
– Orléans, à 400 km de l’océan Atlantique. landes ».
D’autres sites, issus de la littérature, ont été utilisés et incluent : Ces résultats permettent de définir et de calculer les apports
Clermont Ferrand [9], Tours [17], Paris [18] [19], Montpellier [20] et atmosphériques en strontium provenant des pluies soit aux eaux
pour finir dans l’est de la France (Aubure, Strasbourg, [21]). Ces de surface, soit aux aquifères. Ils permettent aussi, avec leur signa-
différentes stations, ainsi que les niveaux de pluies sur les quatre ture isotopique, d’aider à caractériser les apports anthropiques ou
premières stations de suivi, sont indiqués sur la figure 6 donnant ceux résultant des interactions eau-roche comme mis en œuvre,
la répartition à l’échelle du territoire des points de prélèvements. par exemple, dans les études de Petelet-Giraud et al. [22] et Négrel
La figure 7 [11] résume les valeurs moyennes des rapports et Petelet-Giraud [23].
87Sr/ 86Sr des différentes stations de collection de pluies. La dévia-
tion standard (1σ) ainsi que les sources autres que les aérosols 2.1.3 Caractérisation des aérosols en milieu urbain
marins sont indiquées. Ces sources concernent les apports prove-
nant de l’érosion des roches, depuis les basaltes avec des bas rap- Des concentrations importantes de particules fines, pouvant
ports 87Sr/ 86Sr jusqu’aux granites avec les rapports les plus atteindre 300 µg · m–3 pour les particules PM10 , (< 10 µm en dia-
élevés. Les apports anthropiques concernent les émissions des mètre), sont mises en évidence dans les grandes agglomérations.
incinérateurs, les rejets des automobiles, les engrais, et les émis- Ces particules, avec un impact santé très important, sont de plus
sions liées aux chauffages urbains. Les enseignements majeurs de en plus étudiées afin d’en caractériser les origines dans l’air
cette étude sont les suivants. urbain.
– La grande variation des rapports 87Sr/86Sr démontre les diffé- Les isotopes du plomb sont un traceur fiable des sources de
rentes sources de strontium dans les pluies, la valeur marine plomb dans l’atmosphère, y compris dans l’air urbain, compte
(0,70917) n’est jamais observée, y compris dans les sites proches tenu des variations isotopiques des sources de plomb (essence,
de l’océan (Brest, Dax). émissions industrielles, charbon, mais également les émissions
– Aucune augmentation ou diminution régulière des rapports naturelles). La distinction entre ces différentes sources peut être
87Sr/86Sr avec la distance à l’océan n’est observée. faite par les mesures des isotopes du plomb. Comparé avec la
– Le rapport 87Sr/ 86Sr inférieur à celui de l’océan met en avant le signature naturelle des sédiments non contaminés, celles des
rôle joué par les formations carbonatées dans le contrôle de la sources de pollution sont reliées avec les minerais d’origine [24].
valeur des pluies. Cependant, pour l’est de la France, Paris et Les études d’impact des émissions de plomb sont facilitées depuis
Montpellier, un apport d’origine anthropique ne peut être les années 1980 par la bonne connaissance des signatures isoto-
complètement rejeté. piques du pôle « automobile », principale source de plomb dans
– Des rapports 87Sr/ 86Sr élevés pour Brest, Clermont-Ferrand, l’atmosphère jusqu’à la mise en place de la réduction des teneurs
Orléans, l’est de la France et Dax reflètent les apports d’aérosols en plomb des essences (dans les années 2000 en France).

Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie


est strictement interdite. – © Editions T.I. P 4 215 – 9

Dossier délivré pour


DOCUMENTATION
24/12/2008
Dossier délivré pour
DOCUMENTATION
24/12/2008

ISOTOPES EN ANALYSE CHIMIQUE POUR LA GESTION DE L’EAU _____________________________________________________________________________

87Sr/86Sr
0,715

Gneiss
87Sr/86Sr Granite
Brest 0,714

0,7135 Dax
Orléans
0,713 Clermont-Ferrand 0,713
Aubure
0,7125 Tours
Est
0,712 Paris 0,712
Chauffage
Montpellier Miocène et oligocène
0,7115 urbain
marnes et calcaire
Eau de mer (tertiaire Massif central)
0,711 0,711

0,7105

0,71 0,71
Incinérateurs
0,7095
Jurassique inférieur
0,709 Strasbourg Crétacé inférieur 0,709
Tertiaire (Bassin parisien)
0,7085
Jurassique supérieur
Crétacé supérieur 0,708
0,708
0 100 200 300 400 500 600 700 800 Engrais
Rejets des
Distance à l’océan Atlantique (km) automobiles

0,705

Basaltiques
0,704
(0,703 à 0,705)

0,703

87 86
Figure 7 – Variations des rapports Sr/ Sr en fonction de la distance à l’océan Atlantique des eaux de pluies à l’échelle du territoire [11]

En dépit de la diminution des teneurs en plomb dans la tropos- et les données définissent des alignements. La plupart des échan-
phère, cet élément reste majoritairement d’origine anthropo- tillons se positionnent dans la partie haute des apports issus des
génique dans les aérosols atmosphériques. activités industrielles (au sens large [12]). D’autres se positionnent
dans la partie basse des apports issus des activités industrielles,
La source majeure des aérosols à Paris reste la circulation auto-
montrant le rôle toujours présent des apports issus du trafic routier.
mobile et le chauffage des habitations.
Un dernier échantillon se positionne près du pôle naturel (issu de
En 2002, des échantillons de particules issues des émissions particules provenant de l’érosion des sols et des roches).
automobiles ont été prélevés et analysés. Une trentaine d’échan- Replacé dans un contexte temporel avec les aérosols prélevés
tillons de PM10 a été collectée avec un volume de filtration de en 1995 par Monna et al. [15] et les pluies prélevées par Roy [19]
1 m3 · h-1 pendant 48 à 72 h en bordure de l’agglomération pari- en 1993, les isotopes du plomb ont permis de suivre l’évolution de
sienne, à 2 m du sol et en centre ville à 14 m du sol. Le premier l’origine du plomb atmosphérique à Paris. Comparativement à la
représente l’impact de la circulation automobile et le second la pollu- dernière étude [12], les aérosols prélevés en 1995 [15] montrent
tion de fond de la ville. une origine clairement issue du trafic routier. L’évolution vers une
composante plus industrielle traduit la diminution des apports en
Les isotopes du plomb ont été déterminés sur l’extraction par plomb par les essences. Les données des pluies de 1993 [19] se
l’acide HBr par ICP-MS-MC Neptune de Thermo Fisher Scientific positionnent plus vers le pôle industriel avec néanmoins une
[12]. Les concentrations en plomb des PM10 varient entre 258 et composante essence toujours bien présente.
878 µg · g–1 pour le site en centre ville et entre 347 et 727 µg ·g–1
pour le site en bordure de l’agglomération parisienne. Les isotopes
du plomb montrent également de grandes variations avec plus de 2.2 Gestion des aquifères alluviaux
0,2 de variation sur le rapport 206Pb/ 204Pb comparé à l’erreur ana-
lytique sur ce rapport (0,1 %). Après une restitution en partie de la pluie vers l’atmosphère, les
Les données des aérosols sont reportées dans les diagrammes conditions naturelles du sol et du sous-sol divisent l’écoulement
classiques de corrélation isotopique 206Pb/ 204Pb en fonction de des eaux en leur offrant deux voies différentes.
207Pb/ 204Pb et 206Pb/ 204Pb en fonction de 208Pb/ 204Pb (figure 8). Les – Le ruissellement et l’écoulement superficiel dans les cours
pôles anthropogéniques sont représentés, comme dans la figure 4 d’eau constituent la voie rapide. Système de transfert, le fleuve est

Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie


P 4 215 – 10 est strictement interdite. – © Editions T.I.

Dossier délivré pour


DOCUMENTATION
24/12/2008
Dossier délivré pour
DOCUMENTATION
24/12/2008

______________________________________________________________________________ ISOTOPES EN ANALYSE CHIMIQUE POUR LA GESTION DE L’EAU

le vecteur des agents et des produits des réactions d’érosion chi-


mique ou mécanique qui ont lieu à l’interface entre l’atmosphère
207Pb/204Pb

15,8 et la croûte terrestre.


Industrie
Plomb – A contrario, l’infiltration et l’écoulement souterrain dans les
15,7 pré-industriel aquifères constituent la voie lente.
lle
ore Dans un système fluvial et son bassin versant, le cheminement
t emp Cette
on étude de l’eau est un continuum depuis les précipitations atmosphé-
15,6 luti
Évo (2002) riques jusqu’à l’océan, à travers le ruissellement, l’évapotranspira-
tion, l’infiltration, l’écoulement dans les rivières, la zone non
15,5 saturée (ZNS) et les systèmes aquifères. Ainsi, le continuum
Pluie à Paris (Roy. 1996)
Trafic routier Aérosols à Paris (Monna et al. 1995) hydrologique entre les eaux souterraines et les eaux de surface est
15,4
un axe fort de recherche sur les ressources en eau en termes de
Plomb pré-industriel développement durable.
38,5
208Pb/204Pb

Industrie Les eaux souterraines en milieu alluvial, de par leurs propriétés


Cette hydrauliques favorables, constituent une grande partie des res-
38 le
rel étude sources en eau à l’échelle européenne (eau potable, eau pour l’irri-
m po (2002)
37,5 t e gation et les activités industrielles...). Ces aquifères libres avec une
n
tio porosité et une conductivité hydraulique importantes sont vulné-
olu Pluie à Paris (Roy. 1996)
37 Év rables aux pollutions et de plus en plus sollicités du fait de l’aug-
mentation constante de la consommation en eau. Comprendre ces
36,5 Aérosols à Paris (Monna et al. 1995) systèmes aquifères afin de pouvoir les gérer au mieux et mettre en
Trafic routier œuvre les moyens de gestion afin de les protéger et de préserver
36
16,5 17 17,5 18 18,5 19 les ressources en eau est un objectif majeur du concept de déve-
206Pb/204Pb loppement durable [25].
L’étude de la plaine alluviale de l’Île du Chambon (100 ha) qui se
situe dans la vallée de l’Allier à proximité de Vichy (illustrée sur la
Figure 8 – Variations des rapports 207Pb/204Pb et 208Pb/204Pb figure 9) avait pour objectif de coupler les traçages chimiques et
en fonction de 206Pb/204Pb des particules atmosphériques PM10 , isotopiques aux méthodologies classiques de caractérisation des
(< 10 µm en diamètre) à Paris [12] aquifères alluviaux, pour étudier les relations hydrauliques et les

Fz
Allier

Se
in
e
Paris Fy-z

e Orléans
Loir
Vichy

Massif
central

C2

g3M
Orléans FuA

e
Loir

1 km A
Vichy
Ile du Chambon Échantillon
Allie
r

FuA : alluvions de l’Allier (sables, graviers et galets)


Loir

Fy-z : alluvions de la vallée du Sichon (sables, graviers, galets)


e

Fz : alluvions de la vallée de l’Allier et de la Sioule (sables, graviers, galets)


A : formation complexe des versants (matériaux argilo-calcaires)
C2 : colluvions
g3M : marnes, calcaires et argiles de l’Oligocène supérieur

a cartes de localisation b carte géologique simplifiée de la zone d’étude

Figure 9 – Carte du champ captant de la plaine alluviale du Chambon [26]

Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie


est strictement interdite. – © Editions T.I. P 4 215 – 11

Dossier délivré pour


DOCUMENTATION
24/12/2008
Dossier délivré pour
DOCUMENTATION
24/12/2008

ISOTOPES EN ANALYSE CHIMIQUE POUR LA GESTION DE L’EAU _____________________________________________________________________________

Puits 3 Puits 3
242

241

240

Pz 12 Pz 8 Puits 2 Pz 12 Pz 8 Puits 2

Puits 1 Puits 1
Pz 9 Puits 4 Pz 9
Pz 11 Pz 11
Pz 10 Pz 10

Pz 7 Pz 7

Pz 13 Pz 13

Pz 5 Pz 5 241
Pz 4 Pz 4
Pz 6 Pz 6

24
Pz 2

2
Pz 2
Pz 1 Pz 1
Pz 3 Pz 3

a basses eaux b hautes eaux

Localisation des échantillons (puits, prézomètre Pz et rivière)


Le sens des écoulements principaux est indiqué par les flèches

Figure 10 – Cartes piézométriques réalisées en basses et hautes eaux dans la plaine alluviale de l’Île du Chambon [26]

transferts de solutés au sein même des aquifères et entre la rivière alluviale. Pour les eaux de surface, l’Allier ne présente pas de diffé-
et les eaux souterraines [25] [26]. La plaine alluviale de l’Île du rence de signature isotopique entre l’amont et l’aval du champ
Chambon, principalement utilisée pour l’agriculture et pour l’éle- captant que ce soit en basses eaux (0,71133) ou en hautes eaux
vage, est constituée par : (0,71126-0,71127).
– les dépôts alluviaux quaternaires de l’Allier ; Les différentes sources potentielles de pollutions présentes sur
– les dépôts sablo-argileux du Bourbonnais (argiles, sables et ou au voisinage de la plaine alluviale ont été analysées. Ces don-
cailloutis dérivés des roches cristallines, métamorphiques et volca- nées sont tout à fait dans la gamme des valeurs habituellement
niques du Massif central) ; relevées [27] [28] [29] [30].
– les dépôts carbonatés lacustres de l’Oligocène.
– Les engrais ammonitrates (à base de nitrate d’ammonium
Les cartes des gradients hydrauliques (figure 10) montrent deux NH4NO3) présentent des teneurs faibles en Sr (2 µg · L–1) avec un
trajectoires référentielles qui sont en accord avec les lois topogra- rapport isotopique de 0,70791. Ces données sont tout à fait dans la
phiques. La première va du coteau à l’ouest vers la rivière, la gamme des valeurs habituellement relevées.
seconde est pseudo-parallèle à la rivière et correspond probable-
– Les engrais chlorurés sont, quant à eux, plus riches en Sr
ment à un paléo-chenal. En outre, la figure 10 montre que les
(86 µg · L–1) et présentent une signature isotopique plus élevée à
circulations sont identiques en hautes et basses eaux.
0,71155.
Les variations de composition isotopique en strontium des eaux
de surface et des eaux souterraines résultent des interactions – Les fumiers d’origine animale présentent des teneurs en Sr
eau-roche ou des apports polluants qui peuvent avoir des signa- comprises entre 150 et 300 µg · L–1 pour des rapports isotopiques
tures isotopiques différentes. De plus, les variations des signatures allant de 0,70890 à 0,71035.
isotopiques en Sr, entre les basses et hautes eaux et au sein de – Enfin, les effluents de stations d’épuration ont des rapports
87Sr/86Srcompris entre 0,71061 et 0,71092 pour des teneurs en Sr
l’aquifère alluvial, peuvent permettre d’identifier les sources de Sr
et les phénomènes de mélanges. comprises entre 190 et 430 µg · L–1.
Les rapports isotopiques du Sr (87Sr/86Sr) des eaux souterraines La figure 11 montre l’évolution des rapports 87Sr/86Sr en fonc-
de la plaine alluviale varient entre 0,70871 et 0,71180 en période de tion de l’inverse de la teneur en Sr et met en évidence les faibles
basses eaux (juillet) et entre 0,70871 et 0,71179 durant les hautes modifications de signature de chacun des points entre les basses
eaux (février). La valeur la plus basse est observée pour les points et hautes eaux, traduisant un bon mélange des eaux sur, au mini-
situés les plus à l’ouest de la zone, dans les coteaux tandis que les mum, un cycle hydrologique. Les points se répartissent selon deux
plus élevées sont observées dans la partie centrale de la plaine axes, traduisant un mélange d’eau impliquant au moins trois

Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie


P 4 215 – 12 est strictement interdite. – © Editions T.I.

Dossier délivré pour


DOCUMENTATION
24/12/2008
Dossier délivré pour
DOCUMENTATION
24/12/2008

______________________________________________________________________________ ISOTOPES EN ANALYSE CHIMIQUE POUR LA GESTION DE L’EAU


87Sr/86Sr

100

Proportion de mélange (%)


e
ial
uv

Nappe 80
all

Basses eaux (juil-02)


e
0,712 alluviale

l
ia
%

10 5 1

v
lu
50

al
1 2 60
7 6

%
4 4 3
10
0,7115
40
13 Allier
0,711 2
3 20
5
co 0 %
90 %

te
0,7105 au
0
Allier

8 100

Proportion de mélange (%)


0,71
90

80

Hautes eaux (fev-03)


%
co

0,7095
tea

50 % Allier

60
u

0,709 Puits 40
12
Piézomètre
Nappe des Allier
coteaux Basses eaux
0,7085 20
0,001 0,002 0,003 0,004 0,005 0,006
1/Sr (L · µg–1) 0
PZ 1
PZ 2
PZ 3
PZ 4
PZ 5
PZ 6

PZ 8
PZ 13

Puits 1
Puits 2
Puits 3
Puits 4
Figure 11 – Variations des rapports 87Sr/86Sr en fonction de
l’inverse des teneurs en strontium dans les eaux de la plaine
alluviale de l’Île du Chambon et l’Allier en basses eaux [26]
Nappe des coteaux
Nappe alluviale
composantes. La première est représentée par la rivière Allier,
Allier
avec un rapport 87Sr/ 86Sr élevé et un rapport 1/Sr élevé. Deux
droites de mélange partent de cette composante eau de surface :
Les ouvrages Pz7, Pz9, Pz10 et Pz12 ne figurent pas dans ce diagramme.
– l’une vers un pôle de rapport 87Sr/ 86Sr élevé et un rapport 1/Sr Ils représentent respectivement la composante « nappe alluviale »
faible (représenté par les piézomètres Pz7 et Pz10) ; sensu stricto et la composante « nappe des coteaux »
– l’autre vers un pôle de rapport 87Sr/ 86Sr faible et un rapport
1/Sr faible (représenté par le piézomètre Pz12).
Ces deux pôles reflètent certainement deux types d’interaction Figure 12 – Proportions de mélange dans les puits et piézomètres
de la plaine alluviale de l’Île du Chambon [26]
eau-roche.
La droite de mélange qui relie l’Allier à Pz7 et Pz10 traduit l’infil-
tration des eaux de surface au sein des formations alluviales bor- – Les eaux usées quant à elles ont à la fois des rapports isoto-
dant la rivière, et les eaux souterraines qui se situent le long de piques et des teneurs en Sr dans la gamme des eaux souterraines.
cette droite sont donc marquées par les relations eaux de surface – Ces sources anthropiques ne définissent donc pas de
eaux souterraines. Le long de cette droite de mélange, ce sont les composante claire et peuvent être considérées comme négligea-
variations de concentrations en Sr qui sont prépondérantes, les bles au regard des quantités de Sr remobilisables par les interac-
rapports isotopiques variant peu, traduisant un effet de dilution tions eau-roche.
par les eaux de surface pauvres en Sr.
Les isotopes du Sr ont permis d’identifier deux composantes de
La droite de mélange qui relie Pz7-Pz10 à Pz12, à l’inverse de la
l’eau souterraine (nappe alluviale sensu stricto et nappe des
précédente, montre de faibles variations de la teneur en Sr et de
coteaux) et une composante eau de surface (Allier) qui composent
fortes variations du rapport 87Sr/ 86Sr. Le rapport isotopique le plus
un mélange ternaire dont les proportions varient au sein des
faible (Pz12) traduit la signature d’une composante typiquement
ouvrages de la plaine alluviale (figure 11). Pragmatiquement,
marine (via l’interaction entre des roches déposées en milieu marin
connaissant les signatures des deux termes d’un mélange et de la
à l’Oligocène et l’eau actuelle), alors que les rapports les plus élevés
résultante de celui-ci, il est possible de calculer les proportions des
(Pz7 et Pz10) traduisent l’interaction avec une composante continen-
deux termes. Les calculs de mélange, à l’aide de l’outil isotopique
tale transportée par l’Allier depuis la partie sud de la Limagne.
Sr [26], ont permis de quantifier de façon relativement précise la
Au niveau de la plaine alluviale de l’Île du Chambon, les sources contribution relative de chacune de ses composantes au sein de
potentielles de pollution ont été caractérisées (engrais chimiques, chacun des puits et piézomètres.
fumiers et eaux usées).
La figure 11, où sont reportées les droites de mélanges gra-
– Les engrais chimiques présentent des teneurs en Sr beaucoup duées, illustre le calcul de mélange en basses eaux au sein de la
plus faibles que celles mesurées dans les eaux de la plaine alluviale plaine alluviale. Les proportions de chacun des termes du mélange
et n’induisent donc aucune modification de la signature des eaux. dans chaque ouvrage (puits et piézomètres) sont reportées dans la
– Les fumiers présentent des signatures isotopiques partielle- figure 12 en basses eaux et en hautes eaux. Les calculs montrent
ment identiques à celles des eaux souterraines du champ captant. l’existence de deux flux :

Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie


est strictement interdite. – © Editions T.I. P 4 215 – 13

Dossier délivré pour


DOCUMENTATION
24/12/2008
Dossier délivré pour
DOCUMENTATION
24/12/2008

ISOTOPES EN ANALYSE CHIMIQUE POUR LA GESTION DE L’EAU _____________________________________________________________________________

– l’un, localisé tout au nord de la plaine alluviale (figure 10) et avec des valeurs de 48 à 49 mg · L–1. Les écoulements des eaux sou-
qui affecte les puits 2 et 3 en apportant de l’eau en provenance des terraines (voir § 2.2 et figure 10) montrent deux lignes directrices
coteaux ; avec une venant des coteaux et une correspondant à un ancien che-
– l’autre, localisé à une centaine de mètres plus au sud et qui nal de la rivière. Les apports anthropiques sont de type engrais chi-
implique en majorité les eaux de la nappe alluviale. miques et fumier pour ce qui concerne l’agriculture. Deux stations
Il semble donc qu’il y ait plusieurs circulations préférentielles au d’épuration de la plaine sont également des sources possibles de
sein de la plaine alluviale qui contrôlent la proportion de chacune nitrates. Les déterminations des isotopes de l’azote et du bore sur
des composantes (Allier, nappe des coteaux, nappe alluviale) dans les sources potentielles de contamination (engrais et stations d’épu-
chaque puits et piézomètre, et ce, malgré les très faibles distances ration) sont cohérentes avec les valeurs données par la littérature
entre certains des ouvrages (quelques dizaines de mètres parfois). comme synthétisé par Widory et al. [29] [30] pour la France.
Par contre, les concentrations en bore des engrais sont infé-
rieures à la limite de détection de 10 µg · L–1 et les rapports isoto-
Ces calculs ont donc permis de conforter les hypothèses de
piques δ11B n’ont pu être déterminés. Ces mêmes rapports varient
circulation au sein de la plaine alluviale telles que mises en
entre 11,6 et 19,2 ‰ dans les fumiers et sont constants dans les
évidence par les cartes piézométriques, mais aussi de les affi-
rejets des stations d’épuration – 1,8 ± 0,1 ‰ (n = 2, avec n nombre
ner en montrant localement des circulations préférentielles
d’observations). Les concentrations en NO3 des eaux souterraines
non identifiables par les outils hydrologiques conventionnels.
variant entre la limite de détection (< 0,2 mg · L–1) et 53 mg · L–1
avec une valeur moyenne sur la zone de 30 ± 13 mg · L–1 (n = 26),
et une valeur moyenne de 2,5 ± 1,8 mg · L–1 (n = 4) dans la rivière
2.3 Eaux souterraines et origine Allier. Les valeurs correspondantes en δ15N varient entre 5,1 et
des contaminations azotées 42,4 ‰ dans les eaux souterraines et entre 10,5 et 13,7 ‰ dans la
rivière Allier. Le plus fort δ15N (42,4 ‰) est associé à la plus faible
L’origine des nitrates dans un hydrosystème est souvent concentration en NO3 (8 mg · L–1) reflétant, dans cette partie de la
multiple. Les sources potentielles de pollution par les nitrates sont : zone, un processus de dénitrification. Les concentrations en bore
dans les eaux souterraines varient entre 36 et 205 µg · L–1
– les précipitations atmosphériques qui apportent de l’azote
(concentration moyenne de 94 ± 44 µg · L–1), tandis que celle de la
sous forme NO3 , NH4 et NO2 mais en quantité relativement faible
rivière Allier est de 53 ± 23 µg · L–1. Les δ11B varient entre – 0,6 et
(de 5 à 15 kg N · ha–1 · an–1) ;
15,4 ‰ dans les eaux souterraines. Ces mêmes δ11B dans la rivière
– la nitrification de l’azote ammoniacal des engrais organiques,
Allier varient entre 1,3 ± 1 ‰.
des déchets agricoles, des amendements organiques ;
– la minéralisation de l’azote organique par les micro-orga- Les apports de NO3 dans les eaux souterraines semblent donc
nismes du sol ; provenir des applications des engrais, avec des fortes teneurs en
– les engrais minéraux et les eaux usées domestiques (stations nitrates et faibles en chlorures, et d’une autre source de pollution,
d’épuration et assainissement autonome). avec de fortes teneurs en ces deux éléments (figure 13). Les points
les plus contaminés en chlorures ont des teneurs de ce dernier pro-
Les nitrates sont des sels très solubles qui ne subissent prati-
ches de celles des eaux de rejets des stations d’épuration, mais des
quement pas d’interaction avec les particules du sol, contrairement
teneurs en NO3 plus élevées. Cette similitude des concentrations
à l’azote ammoniacal et à l’azote organique. Les nitrates non
peut indiquer les eaux de rejet comme une des sources de
consommés par les systèmes racinaires des plantes sont entraînés
contamination des eaux souterraines du site. Les plus faibles
par les eaux de drainage.
teneurs en NO3 des eaux de rejet pouvant être reliées aux réactions
La recherche des causes d’une contamination de l’eau par les de dénitrification lors des processus de traitement. Dans ce cas, en
nitrates peut être réalisée en partie à l’aide des concentrations en utilisant la relation linéaire entre chlorures et nitrates dans les échan-
nitrates et des isotopes de l’azote (rapport isotopique 15N/14N), car tillons des eaux de rejet, on estime la teneur en NO3 initiale avant
la plupart des sources d’azote dans le milieu présentent des signa- traitement à environ 70 mg · L–1 (figure 13). À l’exception d’un point
tures isotopiques différentes. Cependant, cette recherche n’est (PZ3 dans la figure 13), qui montre des caractéristiques claires de
faisable qu’en partie car la composition isotopique des nitrates dénitrification avec un δ15N élevé et une teneur en NO3 faible comme
reflète à la fois l’origine des nitrates (par exemple, les différentes l’atteste la valeur en 1/NO3 , aucun autre point ne peut être suspecté
sources de nitrates) et les transformations que subissent les d’avoir subi de tels processus. Ainsi, les échantillons d’eau souter-
nitrates dans l’hydrosystème. Certains processus comme la déni- raine s’alignent dans la représentation δ15N-1/NO3 (figure 13). Une
trification affectent la composition isotopique des nitrates sur valeur de δ15N de 6,2 ± 0,5 ‰ peut être définie pour la source de
lesquels ils agissent [29]. pollution et cette valeur est en complet désaccord avec celles des
Afin de pallier à ce traceur unique et non conservatif, une straté- sources locales de NO3 : engrais, urée (– 12,7 ‰) et ammonitrates
gie est de coupler les isotopes de l’azote avec les isotopes d’un (0,3 ‰), fumiers (14,9 ‰) et les rejets des eaux usées (17,4 ‰).
élément au comportement plus conservatif. C’est ce qui a été fait Si l’on se réfère aux indicateurs chimiques (c’est-à-dire NO3 vs.
en couplant les isotopes de l’azote et du bore, ce dernier étant Cl, figure 13), les rejets des eaux usées des stations d’épuration
considéré comme co-migrant des nitrates. Le bore est un traceur jouent un rôle dans le bilan de l’azote. En prenant la teneur en
conservatif en raison de sa forte solubilité en solution aqueuse azote et le δ15N des rejets, il est possible de calculer les caractéris-
(sous forme d’acide borique) et de l’absence d’effets associés à tiques initiales, avant tout processus de dénitrification, des eaux
l’évaporation, à l’oxydoréduction et à la volatilisation. Des fraction- usées. Le facteur de fractionnement ε utilisé est de – 6 ‰, et
nements peuvent être cependant liés à des phénomènes de sorp- d’après la loi de distillation de Rayleigh :
tion. Le bore présente ainsi un fort potentiel de signature en
termes de mélange ou de processus spécifiques. δ 15Nrésiduel NO3 − δ 15 NinitialNO3 = ε ln ([NO3 ]/[NO3initial])
De plus en plus d’études sur l’origine des nitrates couplent les Le δ15N pour NO3 avant tout traitement dans les stations d’épu-
déterminations des isotopes de l’azote avec celles du strontium et ration est de 7,4 ‰.
du bore [29] [30].
Combiné avec la teneur en NO3 initiale avant traitement de
Parmi celles réalisées, l’étude de la plaine alluviale de l’Île du 70 mg · L–1 estimée précédemment, les eaux de rejets avant déni-
Chambon présente un intérêt quant au problème posé. trification se positionnent à la base de la corrélation exprimée
Les puits d’alimentation en eau potable (AEP) montrent depuis dans la figure 13. La systématique isotopique de l’azote identifie
quelques années, et en dépit de toutes les mesures prises, des donc les eaux de rejets comme la principale source de NO3 dans
teneurs en nitrates proche de la limite de potabilité de 50 mg · L–1 les eaux souterraines.

Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie


P 4 215 – 14 est strictement interdite. – © Editions T.I.

Dossier délivré pour


DOCUMENTATION
24/12/2008
Dossier délivré pour
DOCUMENTATION
24/12/2008

______________________________________________________________________________ ISOTOPES EN ANALYSE CHIMIQUE POUR LA GESTION DE L’EAU

Pz 3 dénitrifié

40
Cl (mg · L–1)

Engrais chlorés
10 000 30
1 000
100 Fumier de bovins
Dénitrification
20 au travers de
la station Eau usées
Eau Dénitrification Eau usée
d’épuration (mesures)
30 usées avant
dénitrification

20 10
Mélange avec
engrais azotés
10 Allier Eau usée
Engrais azotés avant
dénitrification
0 0
0 20 40 60 24 000 25 000 0 0,04 0,08 0,12 0,16
NO3 (mg · L–1) 1/NO3 (mg · L–1)

a variation des teneurs en NO3 et Cl b

40 Eau de pluie

30
Fumier
de bovins
20

10

0
Allier
Eau usées
– 10
0,001 0,01 0,1 1
1/B (L · µg–1)

Figure 13 – Bilan de l’azote de la nappe alluviale de l’Île du Chambon [30]

Cette interprétation est confirmée par l’utilisation de la systéma-


tique isotopique du bore. Dans un diagramme δ11B en fonction de des écoulements des eaux souterraines vers les captages expli-
1/B (figure 13), deux groupes de points s’individualisent. Bon quent les fortes teneurs en NO3 dans ces derniers. La politique
nombre de points s’expliquent par un mélange entre les eaux de à mettre en œuvre dans ce cas, afin de réduire les teneurs en
pluies et les rejets des eaux usées des stations d’épuration. L’autre NO3 , est de déplacer la zone de rejet des eaux usées en dehors
groupe de points montrent des teneurs plus faibles en bore des lignes d’écoulement des eaux souterraines.
(< 50 µg · L–1) et des δ11B de l’ordre de 10 à 15 ‰. Cela peut résul-
ter d’un mélange entre la recharge (eaux de pluie ayant rejoint les
eaux souterraines) et la rivière Allier, en accord avec les 2.4 Eaux souterraines et eaux de surface
conclusions découlant des isotopes du strontium illustrés dans le
paragraphe 2.2.
dans le contexte des crues
de nappes : cas de la Somme
L’utilisation couplée des systématiques isotopiques de
Au cours de l’année 2001, la France a été marquée par des inon-
l’azote, des nitrates et du bore concourt à identifier les eaux
dations à répétition d’une rare ampleur. Le nord et l’ouest du pays
de rejets des stations d’épuration comme la source majeure
ont été envahis pendant plusieurs semaines en début d’année et les
de la pollution par les nitrates dans les eaux souterraines.
régions de l’Est ont été touchées en décembre. L’inondation est une
Cependant, les stations d’épuration ne rejettent de l’azote que
submersion (rapide ou lente) d’une zone pouvant être habitée ; elle
sous la forme NH 4 . Seul des processus de nitrification lors
correspond au débordement des eaux lors d’une crue.

Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie


est strictement interdite. – © Editions T.I. P 4 215 – 15

Dossier délivré pour


DOCUMENTATION
24/12/2008
Dossier délivré pour
DOCUMENTATION
24/12/2008

ISOTOPES EN ANALYSE CHIMIQUE POUR LA GESTION DE L’EAU _____________________________________________________________________________


2H (‰ SMOW)

0 Rivière avril 2001


Rivière octobre 2001
Eaux souterraines avril 2001
ne
Li
Eaux souterraines octobre 2001 er
at 0
Bassin parisien W 1
– 20 ric +
Aquifère de la craie teo 18 O
e
a lM =8
ob 2 H
Gl

– 40
– 40

– 44

– 60
– 48 Eaux récentes
du Bassin
parisien
– 52

– 80 Brest et Orléans
domaine de pluie – 56 Eaux fossiles
du Bassin
parisien
– 60
– 8,5 –8 – 7,5 –7 – 6,5 –6

– 100
– 11 – 10 –9 –8 –7 –6 –5 –4 –3 –2 –1 0
18O (‰ SMOW)

Le champ bleuté correspond à la variabilité des pluies de Brest et d'Orléans


La droite météorique mondiale (GMWL) d'équation 2H = 8 18O + 10 est représentée

Figure 14 – Diagramme des isotopes stables de la molécule d’eau  18 O −  2H des eaux souterraines du bassin de la Somme [32]

Les inondations fluviales sont liées à l’augmentation du débit conjointe de la chimie des eaux et des traçages isotopiques per-
d’un fleuve. Elles ne sont que le phénomène résultant de la crue met de mettre en évidence la nature des flux d’eau, tels que ruis-
qui est une véritable respiration du fleuve. Les inondations sellement et apports de nappes. L’aquifère principal de la vallée de
occupent la plaine d’inondation constituée du lit mineur où la Somme est la nappe de la craie représentée par les craies per-
s’écoule le cours d’eau en temps normal et du lit majeur qui est la méables du Turonien supérieur et du Sénonien.
zone basse de chaque côté de la rivière. Lors d’une inondation, le
cours d’eau sort de son lit mineur et se répand dans son lit majeur. Une campagne de prélèvement a été réalisée au maximum de la
crue en avril 2001, période où le débit de la Somme à Abbeville a atteint
Les inondations pluviales ont lieu souvent après de fortes pluies, 100 m3 · s–1. Deux autres campagnes ont eu lieu en octobre 2001 et
de type orages, dans des petits bassins ou dans des zones où le septembre 2002 sur les mêmes points de prélèvements et durant une
sol a été imperméabilisé. Le sol ne peut plus absorber de surplus période de plus basses eaux avec un débit de la Somme < 50 m3 · s–1.
d’eau et cette absence d’infiltration provoque un ruissellement en Les points de prélèvement des eaux souterraines ont été répartis sur
flots rapides. des puits, des forages (Airaines, forage à 85 m ; Fontaine-sur-Somme,
A contrario, les inondations de nappes sont dues à un déborde- forage à 20 m) et des résurgences dans la nappe de la craie.
ment indirect. En effet, à la suite de fortes précipitations prolon-
L’ensemble des teneurs en isotopes stables des eaux de la
gées, les nappes peuvent être saturées en eau. Le niveau du sol
nappe est situé dans un intervalle très réduit par rapport aux
n’étant pas le même partout, aux points les plus bas, le surplus
entrées de pluies dans une représentation classique δ2H en fonc-
d’eau ressort inondant les alentours.
tion de δ18O (figure 14). Cette faible variation des teneurs en isoto-
L’étude du bassin de la Somme lors de la période maximale pes stables traduit un mélange des eaux dans la nappe à l’échelle
d’inondation en avril 2001 et lors d’une période de plus bas niveau d’au moins un cycle hydrologique. Ce mélange se traduit par la
en octobre 2001 est basée sur la géochimie des eaux avec les élé- gamme restreinte des signatures δ18O et δ2H des eaux de la nappe
ments majeurs et traces et les systématiques isotopiques de l’oxy- lors des deux périodes de prélèvement. Ce type de pondération du
gène, de l’hydrogène et du strontium [23] [31]. Elle a pour objectif signal d’entrée par le réservoir souterrain a déjà été mis en évi-
de caractériser la chimie et les compositions isotopiques des eaux dence sur les eaux de la nappe de la craie en Haute Normandie et
de surface et souterraines de la nappe de la craie. L’utilisation sur les eaux « récentes » de la nappe de la craie dans le bassin de

Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie


P 4 215 – 16 est strictement interdite. – © Editions T.I.

Dossier délivré pour


DOCUMENTATION
24/12/2008
Dossier délivré pour
DOCUMENTATION
24/12/2008

______________________________________________________________________________ ISOTOPES EN ANALYSE CHIMIQUE POUR LA GESTION DE L’EAU

87Sr/86Sr

0,7081
Fon
0,7084 Pluie tain
Hautes et e-s
1/Sr # 40 basses eaux ur-
0,7082 So
mm
e

ux
0,708

ea
0,708

es
0,7078

ss
Ba
0,7076 Inondation

0,7074 Craie

0,2 0,3 0,4 0,5 0,6


n
0,7079 io
d at
on
In

Ca
Bouchon

th
eu
x
Ai
0,7078 ra
ine
s

Querrieu Senlis le Sec

Eaux souterraines

0,7077 Avril 2001


Octobre 2001
Vadencourt
Septembre 2002

0,2 0,3 0,4 0,5 0,6


1/Sr (L · µmol –1)

87
Figure 15 – Variations des rapports Sr/86Sr en fonction de l’inverse des teneurs en strontium des eaux souterraines du bassin de la Somme [23]

Paris. Par contre, contrairement au bassin de Paris, il n’y a pas l’Avre au cours des deux périodes était en bonne partie liée au
d’eau « fossile » (avec des signatures plus négatives) dans les ruissellement. Les eaux de nappes ne présentent pas cette sur-
échantillons considérés. charge chimique, ce qui les distingue et permet de suivre la pro-
Les variations du rapport 87Sr/86Sr sont importantes dans le gression du mélange des unes et des autres dans la Somme. La
système étudié et représentatives de sources de strontium réelle- chimie des eaux de la Somme traduit, en effet, d’amont en aval
ment différentes. Dans un diagramme classique de mélange entre une évolution en partant d’une alimentation dominée par le ruis-
les rapports isotopiques 87Sr/ 86Sr et l’inverse de la concentration sellement, progressivement diluée par les apports des eaux sou-
en Sr, on observe deux relations linéaires dans les eaux souterrai- terraines, beaucoup plus abondants, de chimie différente, venu
nes, l’une regroupe les échantillons prélevés en avril, l’autre ceux des versants, au point que la signature chimique des eaux de la
prélevés en octobre (figure 15). Dans chacune des relations, plu- Somme se rapproche de celle des nappes en aval. La progressivité
sieurs familles d’eau sont mises en évidences : Vadencourt et des variations du faciès chimique de l’eau de la Somme donne une
Fontaine-sur-Somme en sont les pôles extrêmes. Si la résurgence indication sur les segments de cours d’eau le long desquels
de Vadencourt ne présente pas de variation des rapports isoto- l’apport des nappes a été le plus significatif.
piques et des concentrations en Sr entre les deux campagnes de Graphiquement, la représentation des faciès chimiques des eaux
prélèvements, Fontaine-sur-Somme montre un rapport et une de rivières montre des points répartis entre un pôle représenté par
concentration en Sr plus élevés en octobre qu’en avril. Il faut noter l’Avre et un champ de points groupés, représentatif des eaux sou-
que l’ensemble des valeurs des eaux souterraines montrent des terraines. C’est ce que montre la figure 16 à travers les teneurs en
rapports 87Sr/ 86Sr très significativement supérieurs à celui de la chlorures et les isotopes du strontium. Entre les deux campagnes
craie (0,70737) puisque le plus bas des rapports est celui de la de prélèvements, peu de différences apparaissent. Cela laisse à
résurgence de Vadencourt (0,70769). Cette double observation penser que le système, du moins en l’état du suivi que nous avons
laisse à penser que le système roche-eau dans la craie n’est pas effectué, est peu variable dans les apports des différents réservoirs.
homogène. L’existence de variabilités dans les signatures isoto- Cette figure résume le fonctionnement que l’on peut envisager
piques de la roche et dans les processus d’interactions entre eau et actuellement sur le bassin de la Somme. On retrouve, sous une
roches serait à étudier plus en détails. pression anthropique de nature agricole, des rapports 87Sr/ 86Sr et
Quelle que soit la période de prélèvement sur le bassin, les des teneurs en chlorures qui augmentent conjointement. Les eaux
concentrations relativement plus élevées en chlorures et autres souterraines sont groupées dans un triangle. Dans les eaux de sur-
éléments chimiques (Mg, Sr) mesurées dans l’Avre sont le reflet face, il apparaît une relation linaire depuis un pôle marqué par le
d’apports anthropiques importants en éléments chimiques liés aux lessivage d’épandages agricoles (rivière Avre et Somme amont) et
pratiques agricoles. Au cours du lessivage des champs par le ruis- un terme qui est analogue au faciès de l’Hallue et de la Selle, riviè-
sellement, ces éléments sont passés en solution dans les eaux et res fortement alimentées par les eaux souterraines. L’Avre est très
ont atteint la rivière. On peut en conclure que l’alimentation de marqué par le lessivage des engrais ainsi que le cours amont de la

Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie


est strictement interdite. – © Editions T.I. P 4 215 – 17

Dossier délivré pour


DOCUMENTATION
24/12/2008
Dossier délivré pour
DOCUMENTATION
24/12/2008

ISOTOPES EN ANALYSE CHIMIQUE POUR LA GESTION DE L’EAU _____________________________________________________________________________


87Sr/86Sr

Domaine
des engrais
0,7083

Eaux de surface
0,7082

Avre
Somme
amont
0,7081
Oise (Roy et al., 1999)
Somme
0,708

Selle

0,7079 Ancre

0,7078

Hallue

0,7077

Eaux souterraines

0,7076
400 600 800 1 000 1 200 Cl (µmol · L–1)

Figure 16 – Variations des rapports 87Sr/86Sr en fonction de la teneur en chlorures des eaux de surface et souterraines du bassin de la Somme [23]

Somme. Les points de la Somme d’amont en aval (regroupés dans qui permettent une meilleure approche de l’hétérogénéité de ces
le champ Somme) se positionnent dans un système de mélange milieux et de leurs interconnections. Nouveau concept de gestion
entre les entrants amont (Avre et Somme amont), marqués par le des eaux à l’échelle européenne, la Directive cadre sur l’eau
ruissellement et l’influence anthropique et les entrants soit de type DCE [32] définit un objectif communautaire pour la protection des
eaux souterraines, soit des affluents très influencés par les eaux eaux intérieures de surface, de transition, côtières et souterraines,
souterraines (comme l’Ancre, la Selle et l’Hallue). en vue de :
– prévenir et de réduire leur pollution ;
La variété de composition des eaux souterraines résulte – promouvoir leur utilisation durable ;
donc soit de variations lithologiques dans la craie, soit – protéger leur environnement ;
d’apports anthropiques. La variété de composition des eaux de – améliorer l’état des écosystèmes aquatiques ;
rivières, chimique et isotopique, est liée à l’influence de tous – atténuer les effets des inondations et des sécheresses.
les apports, souterrains, superficiels, plus ou moins marqués
par des apports anthropiques (engrais). L’utilisation conjointe La directive cadre a défini un référentiel commun pour l’éva-
de la chimie des eaux et des traçages isotopiques a permis de luation et la surveillance de l’état des ressources en eau [33]. Ce
mettre en évidence la nature des flux d’eau, par exemple ruis- référentiel repose sur la notion de masses d’eau, définie comme
sellement et apports de nappes, lors de la période maximale un volume distinct d’eau souterraine à l’intérieur d’un ou plu-
d’inondation en avril 2001 et lors des périodes de plus bas sieurs aquifères. L’aquifère est défini comme une ou plusieurs
niveau. La géochimie isotopique confirme et apporte des élé- couches souterraines ou autres couches géologiques d’une
ments nouveaux à l’analyse hydrodynamique des phéno- porosité et de perméabilité suffisante pour permettre soit un
mènes d’inondations résultant des crues de nappes. écoulement significatif d’eau souterraine, soit le captage de
quantités importantes d’eau souterraine ([34] ; article 2 de la
DCE).
2.5 Eaux souterraines à l’échelle
du bassin : hétérogénéités, Les masses d’eau sont le support des plans de gestion. Pour
interactions et processus de gestion cibler cette gestion, il est nécessaire de définir des critères de réfé-
rence, aussi bien sur la qualité des eaux que sur l’état volumique
La compréhension des milieux naturels et de leur variabilité des nappes ou des masses d’eau. Les objectifs environnementaux
dépend des progrès de la mesure de paramètres caractéristiques à atteindre et fixés par la directive intègrent notamment le bon état

Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie


P 4 215 – 18 est strictement interdite. – © Editions T.I.

Dossier délivré pour


DOCUMENTATION
24/12/2008
Dossier délivré pour
DOCUMENTATION
24/12/2008

______________________________________________________________________________ ISOTOPES EN ANALYSE CHIMIQUE POUR LA GESTION DE L’EAU

EM-1
ES-3
District
EM-3 Adour-Garonne
EI-1
EM-10 EM-4
ES-2 Points d’échantillonnage
EM-5 EM-? EI-4
EI-3 Bergerac Eaux souterraines
Bordeaux EM-8 Sables SIM infra-molassique Ecocène
EM-7 EM-2
EM-13
EM-11 Ecocène Inférieur EI
ES-1
EM-12 Ecocène Moyen EM
EM-9
Ecocène Supérieur ES
SIM-1 Montauban Paléocène P
Mont-de-Marsan
SIM-6
Masse d’eaux souterraines 5071
P-1 SIM-14 EI-2 ES-4
P-4 Masse d’eaux souterraines 5082
SIM-15 SIM-2
Dax SIM-7 SIM-13
SIM-10
SIM-3 Toulouse SIM-4
P-2 SIM-11
P-3 SIM-8
Pau SIM-9 SIM-5
SIM-12

P-5

Figure 17 – Localisation de la zone d’étude du projet CARISMEAU http://carismeau.brgm.fr

quantitatif et chimique des masses d’eau souterraines. La DCE fixe Les isotopes s’interprètent en premier lieu en corrélant les rap-
ainsi un objectif de « bon état » des milieux aquatiques à l’horizon ports isotopiques mettant en jeu les éléments chimiques liés au
2015, et ceci avec obligation de résultats. sein d’une même molécule comme par exemple 18O et 2H de l’eau.
L’objectif du projet CARISMEAU est de caractériser les différentes Pour les isotopes des ions simples (B, Sr, Li...), un premier élément
masses d’eau souterraines profondes des aquifères situés dans les d’interprétation consiste à corréler les variations isotopiques avec
couches géologiques d’âge Eocène du district Adour-Garonne, en les variations de la concentration de l‘élément. Ainsi, le rapport
87Sr/ 86Sr du strontium est corrélé avec la teneur de cet élément. La
termes de connaissance des hétérogénéités et des interconnexions
entre les aquifères. Cette approche est incontournable pour la ges- détermination des pôles purs est nécessaire afin d’interpréter les
tion des aquifères telle que prévue par la DCE. La caractérisation données et ainsi de caractériser les différentes masses d’eau par
détaillée nécessite d’identifier la stratification de l’eau souterraine rapport aux encaissants et aux différents processus (mélange, frac-
au sein de la masse et la composition chimique et isotopique des tionnement isotopique...). Ainsi, au sein d’une même masse d’eau,
eaux souterraines. La masse d’eau ciblée dans cette étape du projet on peut déterminer les hétérogénéités et, en comparaison avec les
est celle du système des sables Eocène constituant une série d’aqui- autres masses d’eau on peut étudier les connexions (drainance,
fères majeurs : Paléocène, sables infra-molassiques Eocène, Eocène mélange...) potentielles.
inférieur, Eocène moyen, Eocène supérieur dont l’emplacement des Les traceurs isotopiques retenus pour cette étude associent des
points prélevés est indiqué sur la figure 17. traceurs d’interaction eau-roche, de mélange, d’origine des eaux,
de processus..., chaque traceur couvrant une ou plusieurs de ces
Le projet CARISMEAU (http://carismeau.brgm.fr) s’appuie ainsi
caractéristiques. C’est l’association de ces outils avec leurs pro-
fortement sur l’annexe II de la DCE (directive-cadre européenne sur
priétés respectives qui permet d’améliorer la connaissance de ces
l’eau), § 2. Eaux Souterraines, § 2.2 de cette annexe. La caractérisa-
grands systèmes aquifères.
tion détaillée requise met tout particulièrement en avant, entre
autres, le besoin de connaître les caractéristiques de stratification
de l’eau souterraine au sein de la masse et de la composition chi- Les résultats présentés ci-après sont issus des fiches de
mique des eaux souterraines, y compris les contributions découlant synthèse des outils isotopiques disponibles sur le site web du
des activités humaines. Dans le cadre de ce projet, différentes projet CARISMEAU http://carismeau.brgm.fr et correspondent
approches ont été appliquées, notamment : aux isotopes stables de l’eau [35], aux isotopes du
– les outils isotopiques dits usuels (isotopes de l’oxygène et de strontium [36], aux isotopes des sulfates dissous [37].
l’hydrogène, isotopes du soufre et de l’oxygène des sulfates) ;
– les outils isotopiques novateurs (isotopes du strontium, de
2.5.1 Isotopes stables de la molécule d’eau
l’uranium et du thorium) ;
– les outils isotopiques potentiels (isotopes du bore et lithium) qui Comme décrit précédemment, l’abondance relative des isotopes
constituent un moyen d’améliorer grandement les connaissances stables des éléments chimiques légers, par exemple de masse
des masses d’eau. atomique inférieure ou égale à 20, varie dans la nature et ces

Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie


est strictement interdite. – © Editions T.I. P 4 215 – 19

Dossier délivré pour


DOCUMENTATION
24/12/2008
Dossier délivré pour
DOCUMENTATION
24/12/2008

ISOTOPES EN ANALYSE CHIMIQUE POUR LA GESTION DE L’EAU _____________________________________________________________________________

L’approche par les isotopes stables permet donc de mettre en


évidence que les différents niveaux aquifères du bassin
2H (‰ SMOW)

Pluie moyenne pondérée - Dax


Adour-Garonne se sont rechargés à des époques différentes, allant
– 30 de l’actuel (partie nord de la zone d’étude avec EM1, EM2, ES3,
EM-1 figure 17), à des périodes beaucoup plus anciennes, de l’ordre de
ES-3 EM-2 16 à 35 000 ans, sous un régime climatique plus froid que l’actuel
– 40
correspondant à la dernière période glaciaire (Würm).
ue Pluie moyenne
– 50 riq pondérée - Massif central Ces résultats peuvent s’inclure dans la stratégie de gestion des
t éo le ressources en eau de la région. En particulier, l’aquifère des sables
é
m ia ale
te nd oc
infra-molassiques dont la ressource est très largement utilisée, et
oi mo
– 60
D r
u e l l) qui présente en différentes localisations des eaux très anciennes,
SIM-4 riq tra que l’on peut qualifier de « fossiles » et dont on connaît mal le
éo n
ét if ce taux de renouvellement.
– 70 P-3 m s
te as
oi (M
Dr
– 80 2.5.2 Isotopes S et O des sulfates dissous
– 11 – 10 –9 –8 –7 –6 –5 –4
18O (‰ SMOW) Les compositions isotopiques des sulfates permettent de tracer
l’origine des sulfates dissous : oxydation de sulfures, dissolution
Sables infra-molassiques Ecocène SIM d’évaporites (gypse ou anhydrite), apports atmosphériques... De
Ecocène Inférieur EI plus, l’activité bactérienne est la cause fréquente des ségrégations
Ecocène Moyen EM isotopiques entre les espèces stables du soufre.
Ecocène Supérieur ES
Paléocène P
Les concentrations en sulfates sont très variables, de 0,4 µg · L–1
Craie-Bassin parisien (Kloppmann et al. , 1998)
pour la plus faible jusqu’à 961 µg · L–1. Les compositions isoto-
piques δ34S et δ18O des sulfates dissous présentent également des
Figure 18 – Diagramme des isotopes stables de la molécule d’eau gammes de variation très large : de – 2,7 ‰ à 39,8 ‰ pour δ34S et
 18 O −  2H des eaux souterraines du projet CARISMEAU [35] de 2,6 ‰ à 16,1 ‰ pour δ18O. Les disparités observées concernent
tous les niveaux aquifères considérés (Paléocène, Eocène et sables
infra-molassique), quelle que soit la localisation géographique du
variations sont liées à des fractionnements par des processus phy- point de prélèvement.
siques ou chimiques et organiques. En l’absence d’évaporation ou
d’échange avec des gaz dissous, les isotopes stables de la molé- Les différents échantillons sont représentés dans la figure
cule d’eau se comportent comme des traceurs conservatifs et classique δ34S en fonction de δ18O pour les sulfates dissous
reflètent le mélange des différentes recharges ayant alimenté les (figure 19, [36]). L’approche isotopique a permis de clairement
eaux souterraines considérées. L’histoire d’un aquifère peut donc identifier les sources de sulfates dissous pour les niveaux aquifè-
être reconstituée par l’abondance de ces isotopes. À noter que les res considérés, à savoir l’oxydation de sulfures sédimentaires
eaux infiltrées lors d’épisodes climatiques plus froid que l’actuel (pôles source 1 et 2) et la dissolution d’évaporites (pôle source 3).
enregistrent des valeurs en δ18O et δ2H plus négatives dues à la Un fractionnement isotopique des sulfates par réduction bacté-
baisse générale des températures (effet paléo-climatique). rienne a été également mis en évidence pour l’aquifère des sables
Les différents échantillons sont représentés dans la figure infra-molassique, permettant d’expliquer les valeurs de δ34S supé-
classique δ2H en fonction de δ18O (figure 18, [35]). Sur ce dia- rieures à 25 ‰. Ce processus de réduction bactérienne s’accentue
gramme, la droite météorique mondiale est représentée (il s’agit en suivant les lignes d’écoulement de l’aquifère des sables
d’une relation globale à l’échelle mondiale), tout comme celle du infra-molassique, ce qui montre un important contrôle de l’hydro-
Massif central (mesures réalisées localement sur des cumuls men- géologie sur la composition géochimique des eaux souterraines.
suels de pluie) avec les valeurs moyennes pondérées associées, Les disparités spatiales de compositions isotopiques des sulfates
représentatives de la signature moyenne de la recharge locale. dissous entre les différents niveaux aquifères et au sein d’un
même aquifère sont discutées à la lumière des disparités des
Les eaux souterraines présentent une grande variation des faciès lithologiques dans les formations géologiques considérées.
signatures isotopiques (δ2H et δ18O), à la fois entre les différents Le contrôle important de la dissolution d’évaporites (à la fois sous
aquifères et au sein d’un aquifère. Les échantillons avec les forme de halite, de gypse et d’anhydrite) a été mis en évidence sur
valeurs les moins négatives (EM1, EM2, ES3) provenant du nord 3 domaines principaux du bassin Adour-Garonne :
du bassin (près de l’estuaire de la Gironde) montrent des signa-
tures proches de celles des pluies côtières actuelles (la valeur – (1) au sud-est du bassin dans la région de Toulouse ;
obtenue à Dax est représentée). À l’opposé, les valeurs les plus – (2) au sud-ouest du bassin dans la région de Dax ;
négatives (P3) provenant de l’aquifère Paléocène (à 860 m de pro-
fondeur) représentent une eau « fossile » avec une signature clai- – (3) au nord-ouest du bassin dans la région de Bordeaux.
rement plus négative que les eaux de pluies actuelles.
Ce résultat est en accord avec la répartition des niveaux évapori-
Les eaux de l’aquifère des sables infra-molassiques montrent tiques et des dômes de sels documentés pour le bassin sédimen-
une grande gamme de variation le long de la droite météorique taire aquitain. Le contrôle de l’altération de roches silicatées et de
mondiale, ce qui exclu tout effet d’évaporation des eaux. Ces roches carbonatées sur la géochimie des eaux souterraines a
variations ne peuvent pas être simplement corrélées avec la locali- également été mis en évidence. Ces processus aboutissent, de la
sation spatiale des échantillons et reflètent la période de recharge même manière que pour les roches évaporitiques, à des disparités
de l’aquifère. Les valeurs les plus négatives de SIM4 (localisé sur spatiales de composition géochimique au sein d’un aquifère.
la bordure est du bassin à 177 m de profondeur) représentent une L’oxydation de sulfures (qu’ils proviennent des roches silicatées ou
eau « fossile », comme l’indique les « âges » déterminés avec les des roches carbonatées) constitue une source de sulfates dissous
isotopes du carbone-14, de l’ordre de 16 à 35 000 ans. De telles prépondérante dans les zones de recharge de l’aquifère des sables
valeurs ont été montrées dans les études des eaux profondes du infra-molassique et au sud et sud-est de Bergerac pour l’aquifère
bassin de Paris, en liaison avec des recharges lors de périodes de l’Eocène moyen. Tous ces résultats viennent donc en appui de
climatiques plus froides (ante 18 000 ans). la stratégie de gestion des ressources en eau de la zone d’étude.

Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie


P 4 215 – 20 est strictement interdite. – © Editions T.I.

Dossier délivré pour


DOCUMENTATION
24/12/2008
Dossier délivré pour
DOCUMENTATION
24/12/2008

______________________________________________________________________________ ISOTOPES EN ANALYSE CHIMIQUE POUR LA GESTION DE L’EAU

40

sulfate (‰ CDT)
SIM-1

35

SIM-3 SIM-8
34S

30
P-4
Réduction bactérienne P-2
25 EM-3
Pôle source 3
Dissolution d'évaporites
20 P-1
ES-4

SIM-6 EM-4
ES-3
15 EM-5 EM-7
SIM-2 EI-2 ES-1
EM-2 SIM-7
t
ui

SIM-2bis EM-12
nn ind

EM-11
ér que

10
e

EM-6
i
ba top

ie

ES-2
so
ct
ti

SIM-9 P-5
en
em

n
io

5 EM-1
nn

ct
du
pa ctio


a

EM-9
a
Fr

SIM-4 EM-13
rl

EM-8
Pôle source 1 Pôle source 2
0
0 2 4 6 8 10 12 14 16 18 20
18O
sulfate (‰ SMOW)

Sables infra-molassiques Eocène SIM


Eocène inférieur EI
Eocène moyen EM
Eocène supérieur ES
Paléocène P

Figure 19 – Diagramme des isotopes stables des sulfates dissous  34S −  18 O des eaux souterraines du projet CARISMEAU [36]

2.5.3 Isotopes du strontium – La seconde droite joint les pôles 1 et 3, ce dernier étant carac-
térisé par un 87Sr/86Sr = 0,71500 et Sr2+ = 6 µmol · L–1.
Parce que les effets de fractionnements isotopiques liés à la dif-
férence de masse ne sont pas détectables pour des éléments dont – La troisième droite joint les pôles 2 et 3.
la masse est proche de 80 et que les effets de variations du rapport
isotopique liés à la décroissance radioactive du nucléide père (87Rb) – Le pôle 1 représente l’altération des roches évaporitiques, avec
en nucléide fils (87Sr) ne sont pas significatifs, le rapport isotopique de fortes concentrations en Sr2+ (> 350 µmol · L–1) et un rapport
du strontium (87Sr/86Sr) d’un fluide est directement relié à celui du reflétant celui de l’eau de mer à l’époque du dépôt de ces forma-
minéral ou à des associations minéralogiques avec lesquelles ce tions (87Sr/86Sr = 0,7072).
fluide a interagi. Dans le cas des roches évaporitiques et carbona- – Le pôle 2 correspond à l’altération de carbonates avec cepen-
tées, l’absence du rubidium (exclu lors des phases de précipitation dant une concentration en Sr2+ faible et un rapport 87Sr/86Sr
des sels ou de la calcite) implique l’enregistrement de la valeur de (0,70900) plus élevé que celui des carbonates Eocène (≈ 0,7072). Ce
l’eau où a eu lieu la précipitation et l’absence d’évolution au cours pôle, matérialisé par des échantillons localisés au nord de la zone
du temps (pas de décroissance radioactive). Dans le cas de l’inte- (proches de l’estuaire de la Gironde), ne représente pas les carbo-
raction entre eau et roches évaporitiques et carbonatées, le rapport nates Eocène mais l’effet de la surexploitation de l’aquifère Eocène
isotopique du strontium est un enregistrement fidèle de celui de qui induit une drainance verticale depuis l’aquifère sus-jacent Mio-
l’eau de mer de l’époque du dépôt (Faure, 1986). Les concentrations cène (rapports 87Sr/86Sr entre 0,7089 et 0,7091).
en strontium sont très variables entre 1,8 et 42 µmol · L–1. Les varia-
tions du rapport 87Sr/86Sr sont importantes dans le système étudié, – Le pôle 3 avec des valeurs 87Sr/86Sr élevées est représenté par
compte tenu de l’incertitude de mesure (20 × 10–6) par spectromé- des échantillons localisés sur les bordures des Pyrénées et du
trie de masse. Ces variations sont en effet représentatives de sour- Massif central. Ces valeurs sont en accord avec les eaux d’altéra-
ces de strontium réellement différentes. Le rapport minimal observé tion de roches silicatées (granites...) dont les rapports 87Sr/86Sr
est de 0,70759 et le rapport maximal est de 0,71245. évoluent entre 0,712 et 0,718.
Le diagramme classique de mélange entre les rapports isoto- Les isotopes du strontium montrent l’hétérogénéité lithologique
piques 87Sr/86Sr et l’inverse de la concentration en Sr met en évi- à l’échelle de la zone d’étude avec des rapports 87Sr/86Sr élevés
dence l’existence d’au moins 3 pôles de mélange, les lignes les dans les zones de bordure (zone de recharge). Ces rapports sont
joignant sont des droites de mélange binaire (figure 20), [37]. liés à l’interaction avec des roches silicatées. Cette systématique
– La première droite joint les pôles 1 et 2 avec comme caractéristiques isotopique met aussi en évidence le rôle joué par les aquifères
87Sr/86Sr = 0,70725 ; Sr2+ = 60 µmol · L–1 et 87Sr/86Sr = 0,70900 ; sus-jacent, qui répondent dynamiquement à la forte sollicitation de
Sr = 1,4 µmol · L–1.
2+ l’aquifère des sables infra-molassique.

Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie


est strictement interdite. – © Editions T.I. P 4 215 – 21

Dossier délivré pour


DOCUMENTATION
24/12/2008
Dossier délivré pour
DOCUMENTATION
24/12/2008

ISOTOPES EN ANALYSE CHIMIQUE POUR LA GESTION DE L’EAU _____________________________________________________________________________


87Sr/86Sr

0,715
Pôle 3

0,714

0,713

0,712
SIM-4
SIM-1

0,711 SIM-6

ES-4
0,71 SIM-7
SIM-9

EM-9 EM-2
EM-11 P-5
0,709 SIM-8 ES-1 ES-3
ES-2 EM-1
EM-4 EM-12
SIM-3 EM-8 EM-3SIM-2
EM-5 EM-6 EI-4 Pôle 2
SIM-5
P-2 P-3
EM-7 P-1EI-1 SIM-2 EM-13
0,708 P-4 EI-3
EI-2

Pôle 1
0,707
0 0,1 0,2 0,3 0,4 0,5 0,6 0,7
1/Sr (L · µmol–1)
Sables infra-molassiques Eocène SIM
Eocène inférieur EI
Eocène moyen EM
Eocène supérieur ES
Paléocène P

87
Figure 20 – Variations des rapports Sr/86Sr en fonction de l’inverse des teneurs en strontium des eaux souterraines du projet CARISMEAU [37]

3. Conclusion
Les avancées technologiques des dernières années [5] [6] [7]
dans le domaine de la mesure des isotopes ont ouvert la voie à de Remerciements
multiples applications de ces outils dans le cycle de l’eau [7] [8].
De plus en plus se développent soit de nouveaux outils isoto- Les études présentées dans ce dossier sont issues, pour la
piques (Li, Cd, Zn... [7]), soit de nouvelles applications d’outils plupart, des programmes de recherche du BRGM menés
« classiques », en particulier l’approche multi-isotopique. Cette depuis plusieurs années. Elles sont le résultat de la collabora-
approche multi-outils permet de réduire les hypothèses de fonc- tion des chercheurs, ingénieurs et techniciens répartis dans
tionnement des systèmes et donc de mieux contraindre les déci- les laboratoires et dans les services thématiques du BRGM
sions de gestion des ressources en eau. Toutefois, cette approche aussi bien en termes de développement que d’application.
couplée « outils isotopiques – gestion des ressources » doit être Sans l’ensemble des isotopistes du BRGM, ces études ne
encore plus poussée afin d’arriver à considérer les isotopes et pourraient exister.
leurs applications en terme d’outils de gestion et pas uniquement
de connaissance des systèmes.

Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie


P 4 215 – 22 est strictement interdite. – © Editions T.I.

Dossier délivré pour


DOCUMENTATION
24/12/2008

Vous aimerez peut-être aussi