Compte Rendu Universalisme Maela Lobert
Compte Rendu Universalisme Maela Lobert
Compte Rendu Universalisme Maela Lobert
« Agis de telle sorte que tu traites l’humanité aussi bien dans ta propre personne que dans la
personne de tout autre toujours comme une fin, et jamais simplement comme moyen. ». Cette
citation est tirée de la Fondation de la Métaphysique des mœurs écrit par Emmanuel Kant en
1785. Ce livre traite de la philosophie morale et des principes éthiques fondamentaux. Kant,
dans sa philosophie développe de nombreuses fois le principe de l’universalisme. Selon lui,
l’universalisme est un principe qui tend l’humanité à trouver le Bien suprême, c’est-à-dire un
consensus universel qui permettrait une paix intangible. Il développe l’idée de l’universalité
politique dans son texte : Idée d’une histoire universelle au point de vue cosmopolitique. Dans
ce traité, il tente de trouver un sens universel, qui touche tous les êtres humains. Ce sens c’est
le progrès vers le Bien suprême qui se traduit politiquement par l’établissement d’une
constitution civile parfaite. Pour ce faire, Kant explique qu’il faut bouleverser régulièrement la
formation intérieure de la pensée des citoyens.
Or, à travers le temps, la politique s’est emparée de cette idée de l’universalisme et en a changé
l’essence. C’est justement ce que dénonce la militante féministe et antiraciste Rokhaya Diallo
dans son texte Universalisme, parut dans l’ouvrage Feu ! Abécédaire des féminismes présents,
en 2021 dans les éditions Montreuil : Libertalia. Ce livre met en avant l’idée qu’il existe
différents concepts du féminisme et donne ainsi des définitions, explications, critiques, lié au
féminisme. Dans le passage sur l’universalisme, Rokhaya Diallo donne une critique sévère sur
le féminisme universaliste. Elle explique en quoi l’universalisme ne sert plus le progrès social
mais le conservatisme de la classe dominante et donc comment l’universalisme protège, dans
le cas de notre société patriarcale, les hommes blancs et hétérosexuels. Aujourd’hui,
l’universalisme est devenu une doctrine qui saisit la vérité et l’autorité dans le consensus de la
majorité. Le féminisme universaliste qui se présente comme un féminisme qui se bat pour toutes
les femmes peu importe leur religion, couleur de peau, ethnies etc…, provient de cet
universalisme qui ne convient qu’aux hommes blancs. Le féminisme universaliste propose un
féminisme qui « convient à tous » et impose donc une hiérarchie dans les différents groupes
féministes. Puisque le féminisme de l’universel est revendiqué par la majorité, les autres formes
de féminismes deviennent illégitimes.
Rokhaya Diallo va développer cette idée en prenant l’exemple de la cancel culture. Elle
démontrera à travers des exemples qu’il existe une véritable chasse aux sorcières. Puis, elle
expliquera pourquoi l’universalisme crée cette censure des minorités au lieu d’abattre les
inégalités.
Tout d’abord, qu’est-ce que la « cancel culture » ? La cancel culture fait référence à une pratique
sociale récente qui consiste à boycotter publiquement un individu ou une œuvre problématique.
Il s’agit de dénoncer en annulant, en évitant l’individu ou l’entreprise problématique. Par
exemple, si j’écoute une musique dont je juge les paroles racistes, je peux procéder à la cancel
culture et ne plus jamais écouter de musique de l’artiste en question. Il s’agit là de pousser
l’artiste à se remettre en question et à arrêter de financer un racisme banalisé. Mais cela ne
revient qu’à un choix individuel. C’est moi en tant qu’individu qui décide d’arrêter d’écouter
cet artiste, je le censure seulement pour moi-même, pour ne pas avoir à entendre quelque chose
qui heurte mon système de valeur. Jamais la cancel culture empêche les personnes souhaitant
écouter cette musique problématique de l’écouter. Or, Rokhaya Diallo dénonce un retournement
de situation. Alors que les vraies victimes sont les personnes insultées dans ce morceau de
musique (si nous reprenons notre exemple fictif), la société d’aujourd’hui va inverser les rôles.
Les personnes insultées qui boycottent l’artiste vont être accusées de ne pas respecter la liberté
d’opinion. Or, le racisme n’est pas une opinion légitime mais une violation du droit humain. En
partant du principe que ce sont les victimes d’actes sexistes, racistes etc…, qui parce qu’elles
se protègent ou se défendent des attaques qui leur sont faites, sont les bourreaux, les actes
discriminants ne peuvent que se démultiplier. Car, maintenant, être sexiste est presque devenu
une opinion légitime à défendre au nom de la liberté d’expression.
Pourtant, la vraie censure existe bel et bien mais elle est très discrète car illégale et illégitime.
Rokhaya Diallo explique que les minorités n’ont pas le pouvoir de censure qu’il leur est accusé
d’avoir. Au contraire, ce sont ces minorités qui sont censurées. Dès qu’une femme sort du cadre
attendu par la société, cette dernière se fera lyncher médiatiquement. Et c’est ici que nous
pouvons parler d’une véritable chasse aux sorcières. Les sorcières, ce sont celles qui sortent des
normes imposées par la société. La norme principale, c’est : « Sois belle et tais-toi. ». Ne prends
pas de place, sois donc svelte pas trop grande, ne prend surtout pas plus de place qu’un homme.
Sois jeune, la maturité, la sagesse, c’est pour les hommes, ne montre pas que tu puisses être
comme eux ou même meilleure. Ne fais pas de bruit, souris, ne dérange pas la machine
patriarcale. Si une femme, fait trop de bruit, bouge, si elle sort de sa cage elle sera chassée.
C’est exactement ce qu’il s’est passé pour Maryam Pougetoux. La jeune femme a publiquement
pris la parole afin de dénoncer les inégalités scolaires. Or, étant musulmane, elle sort du cadre,
des attentes qu’on a d’une femme. C’est une sorcière, on la censure en ignorant ses propos et
en se focalisant seulement sur son voile. Sa parole est automatiquement annulée. Quelque temps
plus tard, c’est à l’Assemblée nationale que Maryam Pougetoux subit à nouveau une
discrimination. Lors du discours de cette dernière, une députée de la majorité sort de la salle
criant aux droits des femmes et à la laïcité car Maryam Pougetoux portait l’hijab. Or, cette
dernière ne faisait rien d’illégal en portant ce vêtement. De plus, l’universalisme devrait faire
en sorte que chaque femme puisse s’exprimer librement. Mais dans cette situation précise, une
femme car elle ne correspond pas aux attentes de la société semble moins légitimée à
s’exprimer. C’est ainsi que le féminisme universaliste met en place une hiérarchie entre les
femmes. Une femme qui rentre dans les normes sociales peut donc évincer celle qui ne l’est
pas.
Après avoir chassé les sorcières car elles n’étaient pas de la bonne couleur de peau, on continue
en chassant les sorcières dites misandres. C’est le cas d’Alice Coffin et de Pauline Harmange,
les deux femmes souhaitent prendre de la distance avec le patriarcat, elles tentent publiquement
de sortir temporairement et intellectuellement de ce système et on les accuse de vouloir éliminer
les hommes. Il y a ici, une nouvelle fois un renversement de situation car ce sont bien les
femmes qui se font tuer car elles sont femmes et non l’inverse. Rokhaya Diallo nous explique
que la misandrie ne peut pas être comparée à la misogynie. La misogynie vient du patriarcat et
touche toutes les relations humaines et a un impact concret sur des vies humaines alors que la
misandrie n’est qu’une tentative de protection des femmes. Une femme, en étant misandre se
méfie et se protège des hommes. Il est tout à fait légitime qu’une femme soit en colère contre
les hommes. De plus, comme le souligne l’intellectuel Albert Memmi, bien que les minorités
aient une haine envers la majorité qui les discrimine, elles n’ont pas le pouvoir de discriminer
cette majorité. Il semble donc que cette haine soit inoffensive.
Mais alors, pourquoi cette chasse aux sorcières ? Il y a une chasse aux sorcières car quand la
femme sort de sa fonction de femme imposée par le patriarcat elle remet en question ce système.
Elle remet donc aussi en question la fonction de l’homme dominant. Car l’homme n’a pas une
nature dominante et la femme n’a pas une nature de soumission. Quand une femme montre sa
liberté, elle sème la panique. Au lieu de se remettre en question il est plus facile de la censurer
et de garder son petit confort. Ainsi, le féminisme universaliste protège les normes sociales.
L’universalisme protège les hommes car il cherche à avoir leur acquiescement. Or, pour avoir
l’accord de la majorité il ne faut rien changer. C’est ainsi que le féminisme universaliste ne fait
rien pour les femmes, au contraire. Si le féminisme ne choque pas, ne crée pas de problèmes
c’est qu’il est creux, qu’il ne dénonce rien. Si la majorité est d’accord avec le féminisme
universaliste c’est parce que ce dernier est un féminisme peureux.