Identité Polonaise

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Identité polonaise

Chopin se considérait, et était considéré par ses contemporains, comme un


Polonais. Ses compatriotes parlent de lui comme du compositeur national
polonais et ses amis font de même : Balzac écrit de Liszt et de Chopin : « Le
Hongrois est un démon, le Polonais un ange », Liszt parle de l'« artiste polonais ».
Chopin a passé les vingt premières années de sa vie en Pologne. À son
époque, cet élément est suffisant pour lui assurer une identité polonaise : le fait
d'avoir quitté la Pologne à l'âge de 20 ans et ne plus jamais y être retourné ne
modifie pas cette donnée primordiale. Alfred Cortot accorde une grande
importance au rôle éducatif de sa mère : « l'influence exercée par l'atmosphère
spécifiquement féminine du foyer familial, où jusque vers la treizième année, il
vivra, selon la formule consacrée, dans les jupes de sa mère et de ses sœurs
Cependant, cette identité n'est pas seulement la conséquence d'une jeunesse
polonaise et d'une convention sociale. Non seulement « Chopin, en Pologne s'est
construit polonais », mais le musicien revendique fréquemment son allégeance à ce
pays. L'oppression russe à partir de 1831 est ressentie par le musicien, comme « la
pathétique signification d'un tourment inguérissable et d'une blessure à jamais
ouverte ».
Le patriotisme douloureux de Chopin se traduit dans sa musique, comme Liszt
l'avait déjà remarqué : « et les plaintes de la Pologne empruntaient à ces accents je
ne sais quelle poésie mystérieuse, qui pour tous ceux qui l'ont véritablement sentie,
ne saurait être comparée à rien… ». Si cette dimension d'exilé du musicien
sarmate, comme l'appelle Robert Schumann, fréquemment évoquée par les
biographes du passé, est reprise par les musicologues contemporains, elle est
néanmoins interprétée différemment. Pour Eigeldinger, elle est maintenant
comprise comme une nostalgie typiquement slave, une sensibilité culturelle, qui
dépasse la contingence politique. Pour Liszt, Chopin « pourra être rangé au nombre
des premiers musiciens qui aient aussi individualisé en eux le sens poétique d'une
nation »

La France, terre d'élection


L'identité polonaise de Chopin n'est jamais niée, et la relation entre la France et
Chopin est importante. Même un nationaliste comme Lucien Rebatet, qui lui
octroie la nationalité française, écrit ensuite : « Chopin lui-même se serait élevé
contre cette naturalisation (française) ».
Un premier élément est l'origine française de son père, qui, en vertu des
dispositions du Code civil, permet à Frédéric de bénéficier de la nationalité
française. La reconnaissance du statut de Français est attestée par un passeport
émis le 1er août 1835. Cette solution évitait à Chopin de demander un passeport
russe, pays envahisseur de la Pologne, et contournait le statut de réfugié politique,
qui aurait interdit tout espoir de retour en Pologne. Néanmoins, les véritables
motivations de Chopin restent inconnues.
D'autre part, Chopin s'installe à Paris en 1831 et va y passer près de la moitié de sa
vie. La ville est, à cette époque, une des capitales culturelles du monde. Il y noue
ses amours et ses amitiés les plus importantes : Sand, Delacroix, Liszt ou Pleyel. Il
y rencontre le tout Paris
artistique : Balzac, Berlioz, Thalberg, Kalkbrenner, Érard, Heine, et aristocratique.
Selon Antoine Goléa, l'univers artistique et culturel dans lequel le compositeur a
produit l'essentiel de son œuvre est la France mais l'attachement de Chopin à son
pays natal et l'influence de l'univers polonais restaient très fort pendant toute la
période française.
Son influence est particulièrement marquée en France. Pour le musicologue
Eigeldinger l'allégeance de Debussy vis-à-vis du Maître polonais est patente. Cette
influence, aussi présente chez Ravel ou Fauré, ne se limite pas à la musique : « Par
là le musicien anticipe le principe verlainien : « Rien de plus cher que la chanson
grise / Où l'indécis au précis se joint ». Son impressionnisme musical se retrouve
en peinture : « en vue de produire un poudroiement sonore assez analogue à
certains effets de lumière, à la fois flous et précis, dans la peinture d'un Monet
Années polonaises 1810-1830
En 1807, naît Ludwika, puis Frédéric (le 1er mars 1810). Frédéric est
seulement ondoyé à la naissance et n'est baptisé que le 23 avril, par le vicaire de la
paroisse Saint-Roch de Brochow, Jozef Morawski, qui établit l'acte de baptême ; le
même jour, le curé, Jan Duchnowski, établit l'acte de naissance, en tant que
« fonctionnaire de l'état civil de la commune paroissiale de Brochow, département
de Varsovie ».
Ils déménagent à Varsovie quelques mois après la naissance de Frédéric. Ils
habitent d'abord dans l'ancien palais de Saxe, qui abrite le lycée, et ouvrent un
pensionnat pour les fils des riches familles terriennes. Deux autres filles naissent
en 1811 et 1812. En 1817, la famille déménage avec la pension au palais
Kazimierz, en même temps que le lycée de Varsovie.
Les parents de Frédéric achètent rapidement un piano, instrument en vogue dans la
Pologne de cette époque. Sa mère y joue des danses populaires, des chansons ou
des œuvres classiques d'auteurs comme le Polonais Ogiński. Les enfants sont
initiés très tôt à la musique.
Frédéric se révèle précocement très doué. Il n'a que 6 ans lorsque ses parents
décident de confier sa formation à un musicien tchèque, Wojciech Żywny51,
violoniste qui gagne sa vie en donnant des leçons de piano chez les riches familles
de Varsovie. Il a probablement été formé par un élève de Bach à Leipzig. Ce
professeur est original ; il apprécie surtout Bach, alors peu
connu, Mozart et Haydn, c'est-à-dire des compositeurs d'une autre époque. Il est
sceptique vis-à-vis des courants contemporains comme le « style brillant »
d'un Hummel, alors très en vogue. Une spécificité de Żywny est de laisser une
grande liberté à l'élève, sans imposer de méthode particulière ou de longues heures
d'exercices abrutissants. Que le professeur de piano du musicien ait été un
violoniste de métier fait parfois dire que « Chopin a pratiquement été
autodidacte ». Si toute sa vie, Le Clavier bien tempéré sera considéré par Chopin
comme la meilleure introduction à l'étude du piano, ses premières compositions
sont plus dans l'air du temps. En 1817, il compose deux polonaises inspirées des
œuvres d'Ogiński. Le langage harmonique est encore pauvre, mais la subtilité et
l'élégance, qui caractériseront plus tard les œuvres du maître, sont déjà latentes
Comme le fait remarquer le compositeur André Boucourechliev, « les gens ne
rêvent que de petits pianistes » ; à l'âge de 8 ans, Frédéric a tout de l'enfant
prodige. Si les comparaisons avec Mozart ne manquent pas, les situations sont
néanmoins différentes car Nicolas Chopin n'a rien d'un Leopold Mozart. Frédéric
se produit fréquemment dans les cercles mondains de l'aristocratie de
Varsovie, « mais jamais son père n'en retirera un sou ». À 8 ans, le musicien joue
avec un orchestre et cette prestation est évoquée dans la presse locale. Il joue
souvent devant le grand-duc Constantin, frère du tsar, une fois devant la
célèbre « cantatrice Catalani qui lui donna en souvenir une montre en or » et à
partir de 1818 le « petit Mozart » est déjà célèbre à Varsovie. Le musicien gardera
toute sa vie un goût prononcé pour la politesse et la sophistication de la vie
aristocratique à laquelle il a été initié dès son plus jeune âge.
Le jeune Chopin grandit « comme dans un berceau solide et moelleux », dans une
atmosphère aimante et chaleureuse où il développe un caractère doux et espiègle,
sous le regard affectueux de sa mère qui, au dire de George Sand, « sera la seule
passion de sa vie ».
Si la mère Justyna est une figure clé de la petite enfance de Frédéric, son père joue
un rôle majeur durant les années de lycée. Nicolas lui apprend l'allemand, le
français et, quand Frédéric le souhaite, il dispose dans cette langue d'un « joli coup
de plume » comme en témoigne une lettre à George Sand : « Votre jardinet est tout
en boules de neige, en sucre, en cygne, en fromage à la crème, en mains de
Solange et en dents de Maurice ». La position sociale du père est devenue celle
d'un intellectuel établi et, tous les jeudis, Frédéric voit défiler des figures
intellectuelles phares du Varsovie de l'époque comme l'historien Maciejowski, le
mathématicien Kolberg, le poète Brodziński et les musiciens Elsner, Jawurek
ou Würfel En 1822, Żywny n'a plus rien à apprendre au jeune Chopin et le
Tchèque Václav Würfel devient son professeur d'orgue. À l'opposé de Żywny, ce
professeur est un tenant du « style brillant » : « la musique de style brillant
s'éloignait considérablement des modèles et idéaux classiques et apportait le
souffle d'une esthétique et d'un goût nouveaux. Les procédés du jeu virtuose,
inconnus jusqu'alors et introduits à présent… ». Elsner, directeur du Conservatoire,
dans la même mouvance que Würfel, donne de temps en temps à Frédéric des
cours d'harmonie et de théorie des formes musicales. Ce style fascine le jeune
musicien, qui, en 1823, interprète des concertos de style brillant de Field et de
Hummel dans le cadre de concerts de bienfaisance. Cette influence est aussi visible
dans ses compositions, par exemple les Variations en mi majeur, composées durant
ces années de lycée C'est à l'occasion des vacances, passées dans la campagne
polonaise, que Frédéric prend conscience de la richesse du patrimoine de la
musique populaire. Il passe plusieurs étés à Szafarnia en Mazovie et participe à une
noce et à des fêtes des moissons. Dans ces occasions, il n'hésite pas à prendre un
instrument. Il transcrit les chansons et danses populaires avec le soin et la passion
d'un ethnologue. Il parcourt les villages et les bourgs des environs à la recherche de
cette culture et va jusqu'à payer une paysanne pour obtenir un texte exact 71. Sa
passion ne se limite pas à la Mazovie, puisque sa Mazurka en si bémol majeur de
1826 intègre des formules rythmiques de la région d'origine de sa mère, la
Cujavie72.
Selon André Boucourechliev, à travers à la fois l'intelligentsia à laquelle son père
lui donne accès, la campagne populaire et l'amour maternel, « construit Polonais,
Frédéric n'avait pas à hésiter sur son appartenance : pour lui, comme pour sa
famille, les jeux étaient faits ». Et, comme le remarque la biographe Marie-Paule
Rambeau, « c'est seulement après dix-huit ans d'exil que Frédéric dira qu'il s'est
attaché aux Français comme aux siens »
Haute École de Musique (1826–1829)
À l'automne 1826, le musicien amateur quitte le lycée pour la Haute École de
Musique de Varsovie (Główna Szkoła Muzyki, actuelle université de musique
Frédéric-Chopin)75, qui sous la direction de Józef Elsner appartenait au
département des Beaux Arts de l' Université de Varsovie. Il y fait la rencontre
d'Ignacy Feliks Dobrzyński, son condisciple également très doué, et suit à
l'université les cours de l'historien Bentkowski ainsi que ceux du poète Brodziński.
À cette époque, la querelle littéraire entre les partisans d'une esthétique classique et
les romantiques fait rage à Varsovie. Le poète choisi par Frédéric représente la
modernité, à l'opposé du professeur Ludwik Osiński. Pour Brodziński,
l'artiste « agit toujours mieux lorsqu'il met à profit l'inspiration, lorsqu'il se montre
moins sévère envers certains écarts, … Qu'il laisse le sentiment se déverser et
l'écarte ensuite, tel un juge froid, pour polir son œuvre, la compléter et la
corriger… ». Pour Boucourechliev, « telle exactement sera la méthode de
composition de Chopin — conforme à son tempérament à la fois spontané et
amoureux de la perfection… ». L'influence du cours de littérature ne se limite pas à
sa position sur le romantisme. Dans un pays de plus en plus bâillonné par
l'autoritarisme russe, la création d'un art national est une préoccupation du poète,
partagée par Elsner, ainsi que par de nombreux intellectuels polonais. Brodziński
précise : « … je répète que les œuvres des génies, dépourvues de sentiments
patriotiques, ne peuvent être sublimes… ».
À la Haute École de Musique le jeune musicien apprend la rigueur dans la
composition. En 1828 Chopin écrit sa première sonate, en ut mineur. Cette
obsession de maîtriser parfaitement les techniques de son art dans une œuvre
monumentale conduit à des faiblesses et « tout ici l'emporte sur la spontanéité de
l'inspiration qui saisit l'auditeur dans les autres œuvres du jeune compositeur ». À
la même époque, le musicien compose deux polonaises, en ré mineur et en si
bémol majeur qui « expriment une envie spontanée de composer », mais « elles ont
toutefois recours à des fonctions tonales très simples ». C'est néanmoins vers cette
époque, que Chopin atteint sa maturité avec des œuvres comme les Variations en si
bémol majeur sur le thème de Là ci darem la mano du Don Giovanni de Mozart, à
l'origine d'un célèbre article de Schumann qui utilise l'expression « chapeau-bas
messieurs, un génie ! ». C’est aussi dans cette période que le musicien parvient à
intégrer dans des œuvres déjà matures, une sensibilité polonaise, avec par exemple
un Rondeau de concert à la Krakowiak, terminé en 1828, ou son Nocturne no 20,
dédié à sa sœur aînée Ludwika Chopin

Voyages à Berlin et Vienne


Pour Chopin, l'essentiel en effet ne se joue plus à Varsovie. En 1829, il
déclare : « que m'importent les louanges locales ! Il faudrait savoir quel serait le
jugement du public de Vienne et de Paris ». Depuis l'âge de 18 ans, il supporte de
moins en moins le « cadre étroit de Varsovie ». Un premier voyage à Berlin est
organisé en septembre 1828 avec le scientifique et professeur de zoologie Feliks
Jarocki, ami de Nicolas qui assistait à un congrès de naturalistes. Mais le séjour
s'avère décevant : ni concert ni rencontre intéressante. Cependant, pendant ces
quinze jours, il va cinq fois à l'opéra, il y savoure la musique de Cimarosa (Le
mariage secret), Spontini (Cortez), Onslow (Le Colporteur) et Weber (Der
Freischütz), bien que déçu par les mises en scènes et l'interprétation ; mais c'est
surtout l'exécution de l’Ode à sainte Cécile de Haendel qui l'emballe
et « s'approche de l'idéal de la grande musique » dit-il dans une lettre à ses parents.
Après son retour à Varsovie, il entend de nouveau Hummel et pour la première
fois Paganini au théâtre national l'été suivant. Il se rend à plusieurs des dix concerts
que l'italien y donne : il est abasourdi par l'extrême virtuosité. Le 19 juillet un
banquet est donné en l'honneur du violoniste et Elsner lui remet une tabatière
portant l'inscription : « Au chevalier Niccolò Paganini, les admirateurs de son
talent ». Dans la foulée des concerts, Chopin compose une paraphrase assez
fade intitulée souvenir de Paganini, publié seulement en 1881, et, sous le choc
de « cet univers de la virtuosité transcendante » de l'Italien, commence à écrire les
premières études de l'opus 10 : les numéros 8 à 11. Les concerts suivants auxquels
il assiste, donnés par Heller et Lipiński, ne font que souligner le génie de Paganini.
Encouragé par Elsner, il se rend une première fois à Vienne (31 juillet–19 août
1829) et y « fait fureur ». Ce court voyage ne lui suffit pas. Comme au Hongrois
Liszt, le métier d'artiste impose à Chopin une carrière internationale et Constance
Gladkowska lui écrit : « Pour faire la couronne de ta gloire impérissable, tu
abandonnes les amis chers et la famille bien-aimée. Les étrangers pourront mieux
te récompenser, t'apprécier ». Ce n'est cependant pas sans appréhension qu'il quitte
sa terre natale et il écrit à Tytus : « Lorsque je n'aurai plus de quoi manger, tu seras
bien forcé de me prendre comme scribe à Poturzyn ».
Le 2 novembre 1830 Chopin quitte Varsovie en direction de Kalisz et il quitte la
Pologne le 4 novembre en direction de Breslau (ville allemande en Silésie,
aujourd'hui Wrocław en Pologne). Le musicologue Boucourechliev
s'interroge : « Malgré le zèle nationaliste de ses thuriféraires polonais, poussé à
l'excès (et toujours cultivé), malgré les déclarations et les pleurs sur la patrie
occupée, malgré sa famille, restée là-bas, qui dut venir un jour à Carlsbad pour
revoir son glorieux rejeton, Chopin ne mit jamais plus le pied en Pologne…
Pourquoi cet abandon — pour ne pas dire ce refus obstiné

Paris (1831-1838)
Arrivé à Paris le 5 octobre 1831, Chopin s'installe dans le quartier bohème et
artiste, au 27 du boulevard Poissonnière Le contexte politique parisien est
favorable à la cause polonaise. De nombreux émigrés ont rejoint cette capitale et
les plus importants forment une communauté que fréquente le musicien dans les
salons de l'hôtel Lambert, dans l'île Saint-Louis ; il devient aussi membre de
la Société littéraire polonaise et donnera même en 1835 un concert de bienfaisance
au profit des réfugiés. Il n′est cependant pas vraiment militant et le tapage des
manifestations le dérange : « Je ne puis te dire la désagréable impression que m′ont
produite les voix horribles de ces émeutiers et de cette cohue mécontente Durant
cette période qui suit la bataille d'Hernani, les romantiques sont actifs dans tous les
domaines. Victor Hugo écrit Notre-Dame de Paris (1831), Le roi s'amuse (1832)
et Balzac écrit ses œuvres majeures, tandis que Delacroix innove et traduit le
romantisme en peinture. En musique, Berlioz est le chef de file des romantiques.
Dans ce domaine, la première place est néanmoins tenue par l′art lyrique, avec
pour vedette Rossini. Le piano est pratiqué par les plus grands
virtuoses : Liszt et Kalkbrenner habitent la capitale. Avec d'autres brillants
interprètes comme Hiller, Herz ou Pleyel, ils font de Paris la capitale du monde
pianistique.
Chopin y est, dans un premier temps, un auditeur infatigable. Il découvre Le
Barbier de Séville, l'italienne à Alger, Fra Diavolo ou encore Robert le Diable, qui
le laisse bouleversé : « Je doute qu'on ait atteint jamais au théâtre, le degré de
magnificence auquel est parvenu Robert le Diable ». Le musicien rencontre
rapidement Kalkbrenner et son admiration n'a pas de mesure : « Tu ne saurais
croire comme j'étais curieux de Herz, de Liszt, de Hiller, etc. Ce sont tous des
zéros en comparaison de Kalkbrenner ». Cette rencontre lui permet de donner un
premier concert le 25 février 1832. Il ne fait pas salle comble et le public est
surtout formé par des Polonais, mais la critique n'est pas mauvaise. François-
Joseph Fétis écrit dans la Revue musicale : Son « Concerto a causé autant
d'étonnement que de plaisir à son auditoire, […] Trop de luxe dans les
modulations, du désordre dans l'enchaînement des phrases… ». Il se produit de
nouveau les 20 et 26 mai et la critique devient plus élogieuse : « Monsieur Chopin
est un très jeune pianiste qui, à mon avis, deviendra très célèbre avec le temps,
surtout comme compositeur ». Cette période est riche en concerts donnés par le
musicien. Si, en 1833, le compositeur-pianiste est encore un soliste étranger dans la
capitale, l'année 1834 est celle de la transition et lors de son concert du 25
décembre, il est devenu, pour la critique spécialisée, l'égal des plus grands
Éloignement des explosions politiques
Chopin a en quelque sorte joué à cache-cache avec les révolutions de son temps.
Son absence marquée dans les conflits de quelque ordre que ce soit, aussi bien
politiques qu’idéologiques, met à jour un trait particulier de son caractère.
Le musicien a quitté Varsovie quelques semaines avant la grande insurrection de
Novembre 1830 et commencement de la guerre russo-polonaise. Varsovie résiste
pendant plus de six mois, comptant sur l'appui de la France mais Louis-
Philippe Ier lui refuse son aide. Chopin apprend avec douleur la prise de Varsovie
par les Russes (8 septembre 1831) ; agité de ces événements, il écrit à sa famille
restée en Pologne : « Dieu, Dieu. Motion de la terre, dévorent les gens de cet âge.
Soit le plus dur châtiment tourmenté les Français, que nous n'avons pas venu pour
aider. »
Il a composé son Étude Révolutionnaire (Étude sur le bombardement de Varsovie)
opus 10, no 12 et prélude op. 28 no 2 et 24.
Chopin était, lors de ces événements, à Vienne avec son ami Tytus qui, lui, est
retourné au pays prêter main-forte aux résistants polonais. Un an plus tard, au
printemps 1831, Chopin continue de fuir les tourments politiques en renonçant à
son projet de voyage en Italie (à cause des insurrections de Bologne, de Milan,
d’Ancône et de Rome).
Arrivant à Paris un an après les Trois Glorieuses, Chopin avait encore échappé aux
troubles du pays et avait juste regardé du haut du balcon de son appartement de la
rue Poissonnière les dernières agitations populaires.
Pour finir, c’est au début de la révolution de 1848 que Chopin quitte la France pour
sa tournée en Angleterre.

Œuvres principales
Au sein du catalogue des œuvres de Frédéric Chopin, certaines compositions se
distinguent clairement et demeurent parmi les plus jouées de tout le répertoire
classique pour piano. Ces œuvres incontournables sont :
 les 21 Nocturnes pour piano, dont trois posthumes ;
 le cycle des 24 Préludes pour piano ;
 le cycle des 24 Études pour piano ;
 les 69 Mazurkas pour piano dont 58 publiées ;
 les 17 Valses ;
 les quatre Ballades pour piano ;
 les deuxième et troisième sonates ;
 les Polonaises ;
 les 4 Impromptus de Chopin ;
 les 4 Scherzos ;
 les deux concertos pour piano et orchestre en mi mineur et fa mineur.
Chopin a aussi composé plusieurs Variations pour piano et orchestre, des Trios,
une première Sonate op.4 (très peu jouée), quelques Fantaisies, une Berceuse et
quelques œuvres pour violoncelle
Technique pianistique
À travers des monuments comme les Cycles d'Études op. 10 et op. 25,
les 4 Ballades, les Nocturnes, les 24 Préludes op. 28, les quatre Scherzos, ou les
deux concertos pour piano, Chopin a révolutionné le piano et a inventé une
véritable école avec l'apport de nouvelles sonorités, ainsi qu'une nouvelle vision de
l'instrument. Sa musique mélodieuse reste une des plus atypiques et adulées du
répertoire romantique. Il disait lui-même : « Quand je suis mal disposé, je joue sur
un piano d'Érard et j’y trouve facilement un son tout fait ; mais quand je me sens
en verve et assez fort pour trouver mon propre son à moi, il me faut un piano
Le jeu de Chopin n'était, aux dires des gens qui l'ont connu, jamais immuable,
jamais fixé. Le caractère spontané de ses interprétations est décrit de la même
façon par les auditeurs du Polonais. « Entendre le même morceau joué deux fois
par Chopin, c'était, pour ainsi dire, entendre deux morceaux différents. » Comme le
soulignait encore la princesse Marcelina Czartoryska : « Tout comme il était sans
cesse à corriger, changer, modifier ses manuscrits — au point de semer la
confusion chez ses malheureux éditeurs face à la même idée exprimée et traitée
parfois diversement d'un texte à l'autre —, ainsi se mettait-il rarement au piano
dans le même état d'esprit et de disposition émotionnelle : en sorte qu'il lui arrivait
rarement de jouer une composition comme la fois d'avant

Les nocturnes de Chopin


Les Nocturnes sont 21 morceaux de musique romantique pour piano seul
composés par Frédéric Chopin entre 1827 et 1846. Ils tiennent une place
importante dans le répertoire de concert contemporain. Bien que Chopin n'ait pas
inventé le nocturne, il a popularisé le genre et l'a répandu, à partir de la forme
développée par le compositeur irlandais John Field.
Cette forme de nocturne repose sur un mouvement lent d'expression pathétique,
divers ornements mélodiques et une partie centrale accélérée. Il est souvent
de structure ABA, avec une mélodie très souple et ornementée, accompagnée par
une main gauche aux arpèges ondulants.
Les nocturnes 1 à 18 furent publiés de son vivant, par deux ou par trois, dans
l'ordre de leur composition. Les numéros 19 à 21 ont en fait été écrits en premier,
avant son départ de Pologne, mais publiés après sa mort. Le numéro 20 ne portait
d'ailleurs pas le titre de « nocturne », mais depuis sa publication en 1870, il est
généralement inclus dans les partitions et les enregistrements de l'ensemble
À l'époque de la naissance de Chopin en 1810, John Field était déjà un
compositeur accompli. Le jeune Chopin finit par devenir un grand admirateur de
Field, s'inspirant dans une certaine mesure de la technique de jeu et de composition
du compositeur irlandais.
Chopin avait composé cinq de ses nocturnes avant de rencontrer Field pour la
première fois. Dans sa jeunesse, on disait souvent à Chopin qu'il avait la même
sonorité que Field, qui, à son tour, a été décrit plus tard comme ayant une sonorité
« chopinesque ». Le compositeur Friedrich Kalkbrenner, l'une des premières
influences de Chopin, a demandé un jour si Chopin était un élève de Field. Alors
que Chopin tenait Field en grand respect et le considérait comme l'une de ses
principales influences, Field avait une vision plutôt négative de l'œuvre de Chopin.
Après avoir rencontré Chopin et entendu ses nocturnes en 1832, Field aurait décrit
le compositeur comme un « talent de malade ». Néanmoins, Chopin continue à
admirer Field et son œuvre et à s'en inspirer tout au long de sa vie.
Les nocturnes de Chopin présentent de nombreuses similitudes avec ceux de Field,
tout en conservant un son distinct et unique qui leur est propre. Un aspect du
nocturne que Chopin a repris de Field est l'utilisation d'une mélodie de type
chanson à la main droite. C'est l'une des caractéristiques les plus importantes, sinon
la plus importante, du nocturne dans son ensemble. L'utilisation de la mélodie
comme chant confère une plus grande profondeur émotionnelle à la pièce, attirant
davantage l'auditeur. En plus de la mélodie de la main droite, Chopin a continué à
utiliser une autre « nécessité » des nocturnes, celle de jouer des accords brisés à la
main gauche pour servir de rythme à sa mélodie « vocale » de la main droite. Une
autre technique utilisée par Field et poursuivie par Chopin est l'utilisation plus
intensive de la pédale. En utilisant davantage la pédale, la musique gagne en
expression émotionnelle grâce à des notes soutenues, ce qui confère au morceau
une aura dramatique. Ces principaux attributs du nocturne de Field ont inspiré
Chopin, qui les a développés pour créer le nocturne de Chopin.
L'une des plus grandes innovations apportées par Chopin au nocturne a été
l'utilisation d'un rythme plus libre, une technique basée sur le style de musique
classique. Chopin a également développé la structure du nocturne en s'inspirant
des aria d'opéra italiens et français, ainsi que de la forme sonate. Le
compositeur Franz Liszt a même insisté sur le fait que les nocturnes de Chopin
étaient influencés par les arias bel canto de Vincenzo Bellini, une affirmation
confirmée et reprise par de nombreux acteurs du monde de la musique. Une autre
innovation de Chopin a été l'utilisation du contrepoint pour créer une tension dans
les nocturnes, une méthode qui a encore renforcé le ton dramatique et la sensation
de la pièce elle-même. C'est principalement à travers ces thèmes d'influence
opératique, de rythmes plus libres et d'expansion vers des structures plus
complexes et un jeu mélodique que Chopin a laissé sa marque sur le nocturne.
Nombreux sont ceux qui considèrent le « nocturne de Chopin » comme un
mélange entre la forme et la structure de Field et le son de Mozart, affichant un
thème d'influence classique/romantique dans la musique

Les derniers jours du musicien


Le samedi 14 octobre 1849, Chopin est dans son lit de mort au no 12 de la place
Vendôme à Paris, il a de longs accès de toux épuisants. Lors d’un de ces accès,
alors que Gutmann le tient dans ses bras, Chopin reprenant son calme lui adresse la
parole : « Maintenant, j’entre en agonie. » Il poursuit avec autorité : « C’est une
faveur rare que Dieu fait à l’Homme en lui dévoilant l’instant où commence son
agonie ; cette grâce, il me l’a faite. Ne me troublez pas. »
Chopin est entouré de ses amis de toujours et Franchomme rapportera un murmure
de Chopin de cette soirée : « Elle m’avait dit pourtant que je ne mourrais que dans
ses bras. »
Le dimanche 15 octobre arrive Delphine Potocka de Nice. Après avoir apporté le
piano dans la chambre du mourant, à la demande de Chopin, la comtesse chante.
Même si tous les amis du musicien sont présents, certainement à cause de
l’émotion générale, personne ne peut se souvenir quels sont les morceaux de son
choix. L’image restée de cette journée est celle du râle du mourant imposant à tous
ses amis de se mettre à genoux devant son lit.
Le lundi 16 octobre, Chopin perd la voix, la connaissance pendant plusieurs heures
et, revenant à lui, met sur papier ses dernières volontés : « comme cette terre
m’étouffera, je vous conjure de faire ouvrir mon corps pour que je ne sois
pas enterré vif. »
Il s’adresse ensuite à ses amis pour leur donner de dernières instructions :
« On trouvera beaucoup de compositions plus ou moins esquissées ; je demande,
au nom de l’attachement qu’on me porte, que toutes soient brûlées, le
commencement d’une méthode excepté, que je lègue à Alkan et Reber pour qu’ils
en tirent quelque utilité. Le reste, sans aucune exception, doit être consumé par le
feu, car j’ai un grand respect pour le public et mes essais sont achevés autant qu’il
a été en mon pouvoir de le faire. Je ne veux pas que, sous la responsabilité de mon
nom, il se répande des œuvres indignes du public Chopin fit ses adieux à ses amis.
Ses paroles ne sont pour la plupart pas connues mais il dit à Franchomme : « Vous
jouerez du Mozart en mémoire de moi » et à Marceline et Mlle Gavard : « Vous
ferez de la musique ensemble, vous penserez à moi et je vous écouterai. »
Ils redisent tous devant le mourant, toute la nuit, les prières des agonisants.
Gutmann lui tient la main et lui donne à boire de temps à autre. Le docteur se
penche vers Chopin en lui demandant s'il souffre. « Plus », répond Chopin et ce
sont ses derniers mots.
Le mardi 17 octobre 1849, à 2 heures du matin, Chopin a cessé de vivre et tous ses
amis sortent pour pleurer. Auguste Clésinger moule le visage et les mains de la
dépouille mortelle, de nombreux dessins sont réalisés, dont un de Teofil Antoni
Kwiatkowski. Les autres amis apportent les fleurs préférées du musicien.

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