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NUTRITION PARENTERALE ET GROSSESSE

PARENTERAL NUTRITION AND PREGNANCY

Lore Billiauwsa, Pierre-François Ceccaldib, Francisca Jolya


a
Service de Gastroentérologie, MICI et Assistance Nutritive, Hôpital Beaujon,
b
Service de Gynécologie Obstétrique Maternité, Hôpital Beaujon

Auteur correspondant : Lore Billiauws lore.billiauws@aphp.fr, 0140875616,

Hôpital Beaujon 100 boulevard du Général Leclerc 92110 Clichy

© 2021 published by Elsevier. This manuscript is made available under the Elsevier user license
https://www.elsevier.com/open-access/userlicense/1.0/
NUTRITION PARENTERALE A DOMICILE ET GROSSESSE

HOME PARENTERAL NUTRITION AND PREGNANCY

RESUME :

L’insuffisance intestinale chronique (IIC) est une situation clinique rare dont la principale

cause est le syndrome de grêle court (SGC). La pseudo-obstruction intestinale chronique

(POIC) est également une cause d’IIC. La nutrition parentérale à domicile (NPAD) a permis

d’augmenter la survie et la qualité de vie des patients ayant une insuffisance intestinale

chronique. Plusieurs grossesses sous NPAD ont été décrites. L’objectif de cette revue est de

faire la synthèse sur l’état des connaissances sur les grossesses en NPAD, et de faire le point

sur les adaptations nécessaires des traitements et de la nutrition.

En NPAD prolongée, les grossesses sont donc possibles, mais le taux de complications

maternelles liées à la maladie sous-jacente et à la NP est élevé. Un suivi rapproché et une

préparation à la grossesse doit être réalisé afin de prévenir et traiter d’éventuelles carences et

leurs effets délétères.

ABSTRACT :

Chronic intestinal failure is a rare disease and short bowel syndrome is its main etiology.

Chronic intestinal pseudo obstruction (CIPO) is also a cause of IIC. Home parenteral nutrition

(HPN) has improved survival and quality of life of patients with IIC. Some pregnancy during

HPN have been reported. The aim of this review was to summarize the state of knowledge on

pregnancy during HPN, and to resume the needed adaptations of treatments and PN.

During long term HPN, pregnancy are possible but the complication rate, due to PN and to

underlying disease, is high. A close follow-up end pregnancy preparation are necessary, in

order to prevent and treat some deficiencies and their deleterious effects.
Mots clés ; insuffisance intestinale chronique, nutrition parentérale, grossesse

Key words : chronic intestinal failure, parenteral nutrition, pregnancy

1. Introduction

L’insuffisance intestinale chronique est définie comme étant une réduction de la masse

fonctionnelle intestinale en deçà du minimum requis pour une absorption adéquate des

nutriments. Ce terme a été introduit par Fleming et al. en 1981. Afin de maintenir l’équilibre

nutritionnel et la croissance, il est nécessaire d’apporter des suppléments caloriques ou hydro-

électrolytiques intra-veineux (1).

Les causes d’IIC peuvent être classées en 5 groupes physiopathologiques :

- le syndromes de grêle court (SGC)

- les fistules intestinales

- Les pseudo-obstructions intestinales chroniques (POIC)

- les obstructions mécaniques

- les atteintes diffuses de la muqueuse intestinale (1).

Le syndrome de grêle court est la principale étiologie l’IIC, représentant 45 à 60% des cas.

Trois types anatomiques de SGC sont définis selon le type d’anastomose et la longueur des

segments intestinaux restants : l’entérostomie terminale, l’anastomose jéjuno-colique et

l’anastomose jéjuno-iléale avec colon en continuité (2). Cette anatomie va déterminer la prise

en charge.

Ensuite, arrivent par ordre de fréquence les fistules dans 10 à 20% des cas, et les entérites

dans 5 à 10% des cas.


Parmi les dysfonctions motrices, les POIC représentent 5 à 10% des cas d’IIC, et les

occlusions mécaniques (entérite radique, carcinose péritonéale) à 30% des cas (3).

Il existe également une classification fonctionnelle de l’insuffisance intestinale :

- Type 1 : aigue, de courte durée et souvent régressive

- Type 2 : aigue et prolongée, nécessitant un support en NP significatif et prolongé, sur une

période de plusieurs semaines ou mois

- Type 3 : chronique, chez des patients stables nécessitant un support parentéral pendant des

mois ou années. Elle peut être réversible ou irréversible.

Le principal traitement de l’IIC est la NP. Il s’agit dans ce contexte d’IIC, d’une nutrition

parentérale au long cours.

La nutrition parentérale a été développée dans les années 1960. Initialement, elle n’était

possible qu’à l’hôpital. Puis, dans les années 1970-1980, il est devenu possible de rentrer à

domicile avec sa NP. Ceci a grandement amélioré la qualité de vie des patients sous NP au

long cours (4). Les recommandations d’utilisation de la NPAD ont été modifiées au cours des

années, et la NPAD est aujourd’hui un traitement efficace permettant une survie prolongée

chez les patients souffrant d’IIC.

Il est difficile de connaitre le nombre exact de patients en NPAD en France, notamment le

nombre de femmes en âge de procréer. Néanmoins, un estimation a été faite en 2017 d’après

les codes LPP (liste des produits et prestations) et a montré qu’il y avait en France 1463

patients entre 15 et 65 ans en NPAD de plus de 3 mois hors HAD (dont 276 entre 15 et 40ans

(données présentées par DD. Lescut aux Journées de Printemps en 2021).

La nutrition parentérale permet l’apport des besoins nutritionnels nécessaires : tant

énergétiques, qu’en macronutriments et micronutriments.


L’apport énergétique est calculé en fonction des dépenses énergétiques de repos. L’apport

optimal d’acides aminés est de l’ordre de 0,8 à 1,5 g/kg/j, soit 130 à 250 mg d’azote. L’apport

protéique représente le plus souvent 10 à 20% de l’apport calorique total. L’apport en lipides

doit être limité avec un apport de 1g/kg/j maximum en NPAD prolongée, afin de réduire le

risque de complications métaboliques hépatiques. Le reste de l’apport calorique sera apporté

par les glucides, en respectant un débit de perfusion adapté.

Les apports doivent tenir compte des capacités d’absorption de l’intestin restant pour éviter

l’hypernutrition qui peut être délétère.

La NP comporte néanmoins des risques. Les principales complications de la NPAD sont : les

infections et thromboses de cathéter central, et les hépatopathies. La fréquence des infections

de cathéter central est de 0,38 à 0,5 épisode par cathéter année, et celle des thromboses de

cathéter central est de 0,071 épisode par cathéter année. L’hépatopathie liée à l’insuffisance

intestinale est une complication assez fréquente dont les causes sont multiples (5,6).

En cas de SGC, dans les 2 à 3 années suivant la résection intestinale, il existe un phénomène

d’adaptation de l’intestin. Celle-ci se traduit par une hyperphagie compensatrice, une

adaptation colique avec hyperplasie des cryptes, et une adaptation hormonale (rôle des entéro-

peptides). Ainsi, selon le type de SGC, la longueur de grêle restant, le taux de citrulline et

l’efficacité de l’adaptation, la patiente pourra éventuellement être sevrée de la NP. Passé ce

délai de 2-3 ans, on parlera d’insuffisance intestinale chronique. Une étude réalisée en 2017

chez des patients ayant un IIC de cause bénigne met en évidence une dépendance à la NP à 5

ans de 39% (7). La dépendance à la NP a pu être réduite depuis quelques années grâce à

l’accès à de nouvelles thérapeutiques, notamment les analogues du GLP-2 qui ont un effet

trophique (8).
La NP a permis de prolonger la survie des patients ayant une IIC. De nos jours, cette survie

est estimée à plus de 60% à 5ans chez les patients ayant une IIC de cause bénigne (7).

De plus, les modalités actuelles de NPAD permettent aux patients d’avoir une qualité de vie

correcte, avec des activités physiques, une activité professionnelle et une vie de famille. Il a

été montré que la qualité de vie était meilleure sous NP que sans NP en cas de malnutrition

(4).

Compte tenu de l’amélioration de la prise en charge des patients avec IIC, nous avons pû

observer des grossesses en nutrition artificielle. Aussi, le but de cette revue est de faire une

synthèse sur l’état des connaissances sur les grossesses en NPAD, et de faire le point sur les

adaptations nécessaires des traitements. Le sujet de la grossesse en nutrition entérale n’est pas

abordé ici, celle-ci concernant principalement les patientes avec hyperemesis gravidarum.

2. Nutrition de la femme enceinte

Il existe chez la femme enceinte une adaptation physiologique. Celle-ci comporte un

accroissement progressif de l’appétit, une adaptation précoce du métabolisme de nombreux

nutriments (avec augmentation de l’absorption de fer, de calcium et d’acides gras poly-

insaturés qui sont mis en réserve en début de grossesse et utilisés en fin de grossesse), et une

utilisation des réserves naturelles (9). Grâce à cette adaptation physiologique, il a été affirmé

qu’une alimentation variée et équilibrée devrait être suffisante pour couvrir les besoins de la

grossesse mais peut devenir insuffisance en cas de pathologies associées.

2.1. Les besoins de la femme enceinte

Durant la grossesse, la femme a des besoins énergétiques et en nutriments différents de la

femme non enceinte.


Tout d’abord il y a une prise de poids obligatoire. Celle-ci a été estimée à 7,5 kg, ce qui

correspond à la croissance foeto-placentaire, le liquide amniotique, le développement de

l’utérus et des seins et l’expansion sanguine maternelle. A cette prise de poids obligatoire

s’ajoute une prise de poids variable, correspondant à l’augmentation des liquides

extracellulaires, des réserves adipocytaires et des stocks protéiques maternels. La prise de

poids totale « idéale » est ainsi de 12 kg environ.

Les besoins énergétiques sont augmentés durant les 2ème et 3ème trimestres de grossesse. En

effet, les besoins énergétiques sont augmentés d’environ 300kcal/j lors du 2è trimetstre, et de

450 kcal/j pendant le 3è trimestre de grossesse.

De même, les besoins en nutriments sont modifiés au cours de la grossesse. Le tableau 1

résumé les apports nutritionnels recommandés pour les principales vitamines.

Une prise de poids insuffisante est associée à une augmentation du risque de retard de

croissance in utero, d’accouchement prématuré, de petit poids de naissance, de morbidité et de

mortalité périnatales.

Les carences, qui peuvent s’aggraver en cas de malabsorption, ont des répercussions

potentiellement graves pour le développement fœtal.

- La carence en folates peut avoir de graves répercussions sur le déroulement de la

grossesse, en favorisant la survenue d’anomalies du développement des tissus

maternels et surtout du fœtus (risque d’anomalie de fermeture du tube neural) (11).

Une supplémentation systématique est donc recommandée dès qu’il existe un projet de

grossesse, et durant le premier trimestre de grossesse. Celle-ci sera orale quotidienne

et intraveineuse mensuelle lors des hôpitaux de jours dans notre pratique.

- La carence en vitamine D, qui est présente chez 30% des femmes accouchant entre

mars et juin, peut être responsable d’hypocalcémie chez l’enfant et de faible densité
minérale osseuse. Une supplémentation en vitamine D est donc recommandée en cas

d’accouchement prévu au printemps.

- La carence en vitamine K a un important effet tératogène avec un risque d’hémorragie

intracérébrale chez le fœtus et un risque malformation osseuse (12). Il n’y a pas de

recommandation de supplémentation systématique chez les femmes enceintes, la

carence étant très rare en l’absence de malabsorption.

- La carence en vitamine A est quant à elle responsable de troubles visuels (13).

- La carence en fer est également fréquente chez les femmes enceintes, et se complique

d’anémie pendant la grossesse chez 1 à 3% des femmes. En cas d’anémie par carence

martiale, il existe un risque augmenté de prématurité, de retard de croissance in utero

et de mortalité péri-natale.

- La carence en iode au cours de la grossesse, même modérée, peut modifier les

paramètres fonctionnels thyroïdiens maternels. Elle pourrait également avoir des

conséquences sur la maturation du cerveau fœtal et être associée à des troubles du

développement neurocognitif chez l’enfant (14).

- Une carence en zinc est tératogène (15).

- Le calcium joue un rôle dans la minéralisation du squelette fœtal au 3ème trimestre ;

en cas de carence cette minéralisation ne se fait pas correctement, et il existe une

augmentation du risque de pré-éclampsie.

En raison de ces conséquences potentielles des carences, il semble primordial d’éviter

toutes ces carences que ce soit chez la femme enceinte en bonne santé ou atteinte de

malabsorption.

En cas de syndrome de grêle court, le risque de carence est augmenté. Ce risque dépend

de l’intestin résiduel. En effet, en cas de jéjunostomie, les pertes hydro-sodées sont au

premier plan. En cas de SGC en anastomose jéjuno-colique, la malabsorption lipidique


prédomine, avec par conséquent un risque de carences en vitamines liposolubles (A, D, E

et K). La carence en vitamine K doit donc systématiquement être recherchée (par

détermination du TP) en raison de sa tératogénicité. De plus, il existe un risque de déficit

en vitamine B12 du fait de la résection iléale étendue. En cas de SGC en anastomose

jéjuno-iléale avec colon en continuité, le risque de carence est moins important. En ce qui

concerne les patientes ayant une POIC, il existe un risque de carence liée à une

malabsorption. Etant donné l’atteinte diffuse du système digestif dans ce cas, la patiente

est exposée à toutes les carences sans distinction.

A l’inverse, un excès en certaines vitamines peut également être délétère, notamment en

vitamine A (16).

2.2. Spécificités de la nutrition parentérale chez la femme enceinte

Chez la femme enceinte sous NP, il est nécessaire de réévaluer les besoins en NP en fonction

des la situation physiologique liée à la grossesse mais également aux éventuelles

répercussions sur l’état digestif. En effet, la grossesse pourrait avoir une influence sur les

ingesta, sur la motricité digestive (avec par exemple une aggravation des vomissements en cas

de POIC). En cas de vomissements importants, il faudra penser à compenser ces pertes. Il est

également primordial de réévaluer les ingesta en cours de grossesse. En effet, il est retrouvé

dans 2/3 des SGC en anastomose jéjuno-colique, une hyperphagie compensatrice permettant

de diminuer la dépendance à la NP. Toute modification significative de ces ingesta pourrait

être responsable d’une modification du statut nutritionnel si la NP n’était pas adaptée en

fonction de ces paramètres évolutifs. Le but de la NP en cas d’insuffisance intestinale est de

pallier à la malabsorption et/ou à la carence d’apport et en aucun cas à réaliser une

hypernutrition. Au cours de la grossesse, il faudra tenir compte des fonctions intestinales et de

la modification des besoins liés à la grossesse (augmentation des besoins caloriques à partir
du deuxième trimestre et des besoins en certains micronutriments). Une surveillance

rapprochée des apports énergétiques, en vitamines et en oligoéléments est donc primordiale.

Une attention particulière doit être portée à la surveillance de l’équilibre glycémique, et

notamment la glycémie nocturne en cours de perfusion car il existe un risque d’insulino-

résistance ou de diabète gestationnel.

Par ailleurs, en cas de traitement par analogue du GLP-2, celui-ci doit être interrompu dès le

désir de grossesse, en veillant bien à adapter la NP au décours de l’arrêt.

La grossesse est un facteur de risque de certaines complications en raison d’un état

d’immunodépression relative et d’un état pro-thrombotique. Ainsi, on peut faire l’hypothèse

qu’en cas de NP, la grossesse expose à des complications liées au cathéter central. En effet,

une étude a montré que la fréquence des infections de voie veineuse centrale était augmentée

pendant la grossesse (17). De même, le risque de thrombose sur cathéter central pourrait être

augmenté.

La composition d’un point de vue qualitatif des poches de NP fait l’objet d’une attention

particulière. En effet, une étude réalisée en 1977 chez l’animal suggérait que l’apport de

lipides était délétère pendant la grossesse avec augmentation du risque de prématurité (18).

Ceci n’a jamais été prouvé chez l’homme mais certaines équipes continuent de s’interroger

sur l’innocuité des lipides. En pratique, dans notre centre nous ne modifions pas nos pratiques

sur la prescription de lipides durant la grossesse.

2.3. Cas rapportés

Peu d’études ont été consacrées aux grossesses survenant sous NP au long cours. La prise en

charge de ces grossesses sous NP au long cours, et les complications pouvant survenir sont
donc très peu connues. Seuls quelques cas rapportés concluent à la possibilité de mener une

grossesse à terme, même en cas de pathologie gastro-intestinale sévère.

Le premier cas de grossesse sous NPAD a été publié en 1981, chez une patiente atteinte de

maladie de Crohn qui s’était compliquée de syndrome sub-occlusif (19). Plusieurs autres cas

ont été rapportés par la suite, au total en 2015: 14 grossesses avaient été publiées chez 12

patientes sous NP pour IIC. Les principales complications notées étaient la prématurité et des

cas d’hémorragie de la délivrance.

Par la suite, 2 études avec plus de patientes ont été publiées. Tout d’abord une étude

rétrospective, observationnelle, multicentrique réalisée dans 4 centres agrées français de

NPAD pour l’adulte: Clichy, Rouen, Bordeaux, entre 1980 et 2014 (20). 21 grossesses ont été

rapportées chez 15 patientes (11 SGC, 3 POIC, 1 entéropathie), parmi elles 2 grossesses

étaient post fécondation in vitro. La durée de NPAD médiane avant conception était de 8 ans.

La prise de poids médiane en cours de grossesse était de 10kg, et une baisse des ingesta était

notée en cours de grossesse.

Lors de 67% des grossesses il y avait des complications maternelles: 1) gynécologiques avec

2 hémorragies post partum et 1 rupture utérine, chez des patientes POIC, 2) complications

liées à la pathologie sous-jacente ( principalement syndrome subocclusif), et 3) complications

liées à la NP: infections de cathéter (n=5, dont 1 endocardite et 1 thrombose de cathéter

veineux central). Le taux de complication était plus important chez les POIC que chez les

autres causes d’insuffisance intestinale.

En ce qui concerne le devenir des nouveau-nés, 55% naissaient prématurément, et 30%

étaient hypotophiques. Deux détresses respiratoires sur maladie des membranes hyalines

étaient survenues, un arrêt cardio-respiratoire sur fausse route récupéré, et une mort fœtale in

utero sur possible vasculopathie.


La deuxième étude, anglaise, monocentrique a rapporté 5 grossesses chez 5 patientes (1 SGC,

3 POIC, 1 Crohn) (21). Le taux de complication complications maternelles était de 40%.

Aucune infection de cathéter n’était notée. La prise de poids maternelle était de 5kgs. Deux

des 5 nouveau-nés étaient prématurés et avaient des complications à type de détresse

respiratoire et sepsis.

2.4. Fertilité et IIC :

Il y a très peu de données dans la littérature concernant la fertilité chez ces patientes. Il existe

une très probable diminution de la fertilité, d’origine multifactorielle, avec notamment la

présence d’adhésions abdominales. Dans ce contexte, le risque de grossesse ectopique et

fausse couche semble augmenté (22).

A l’inverse, il faut être prudent quant au mode de contraception utilisé. En effet la

contraception orale peut être inefficace en raison d’une absorption diminuée, qui sera

dépendante de la longueur de grêle restant. Il est donc nécessaire de privilégier les autres

types de contraception (stérilet, anneau, implanon etc).

3. Suivi gynécologique :

Le suivi conjoint entre le médecin spécialiste de la nutrition et le gynécologue-obstétricien

doit se faire lors des trois principaux temps de la gestation: préconceptionnel, au cours de la

grossesse et en post-partum.

En préconceptionnel, il est important d’évaluer l'éventualité du retentissement d’une grossesse

sur la santé de la patiente et de répondre à ses possibles questions. Le gynécologue-

obstétricien s'évertuera à rechercher toute complication de la maladie princeps ou de ses


traitements pouvant retentir sur la fertilité du couple en général et de la femme bénéficiant

d’une NPAD en particulier, et de prescrire le bilan de fertilité adéquat.

Au cours de la grossesse, chaque trimestre a ses points d’attention maternels et fœtaux. Le

premier trimestre est classiquement le temps des petits « maux » retrouvés chez beaucoup de

parturiente : nausées, vomissements, troubles du sommeil … Si les vomissements se

prolongent, il ne faudra pas hésiter à vérifier leur retentissement métabolique et rechercher

une cause comme une dysthyroïdie. Le second et le troisième trimestre peuvent être avec la

croissance fœtale et utérine associées, les moments où apparaissent des douleurs abdominales

consécutives à des interventions chirurgicales abdominales. Il faudra dans la mesure du

possible apprendre à la patiente à distinguer aussi les contractions utérines, normalement

jusqu’à une dizaine par jour, des mouvements actifs fœtaux qui sont parfaitement normaux et

recherchés. A cette occasion il paraît indispensable de rappeler à la patiente de ne pas

s’automédiquer en antalgiques, certains ayant comme les anti-inflammatoires non stéroïdiens

des effets sur le bon développement fœtal. Concernant l’enfant, il peut être justifié de

pratiquer des biométries échographiques fœtales vers 28 SA (semaines d’aménorrhées) et 36

SA en plus des échographies fœtales habituelles trimestrielles pour s’assurer de sa bonne

croissance. Il n’y a pas de contre-indication, bien au contraire, à ce que la patiente bénéficie

aussi des cours de préparation à l’accouchement par une sage-femme, voire d’une surveillance

hebdomadaire au domicile ou en consultation d’exploration fonctionnelle du bon déroulement

de la grossesse.

Enfin, le terme de 36 SA paraît le bon moment pour discuter de façon collégiale et avec la

patiente sur le mode d’accouchement à lui proposer compte tenu de ses antécédents et de

l’évolution de la grossesse. Elément important du post-partum, l’allaitement sera abordé aussi

avec la patiente.
L’allaitement en NPAD est tout à fait possible et à encourager comme dans la population

générale. Toutefois, il faudra maintenir des apports caloriques parentéraux élevés (le plus

souvent maintien des apports du 3è trimestre de grossesse) , prenant en compte l’énergie

requise pour l’allaitement.

4. Synthèse :

En NPAD prolongée, les grossesses sont possibles. Mais, le taux de complications maternelles

liées à la maladie sous-jacente et à la NP est élevé, notamment infections de cathéter central.

Un suivi spécifique doit être réalisé pour les patientes atteintes de POIC, notamment en raison

du risque augmenté d’hémorragie de la délivrance et du risque de transmission de la maladie

Un suivi rapproché et une préparation à la grossesse doit être réalisé afin de prévenir et traiter

d’éventuelles carences et leurs effets délétères.

Il n’existe pas de recommandation nationale ou internationale sur le suivi en cas de grossesse

en NPAD. Un suivi spécifique rapproché semble indispensable, afin de prévenir les carences

et les corriger si elles existent, éviter la toxicité de certaines supplémentations, et d’adapter le

protocole de NP dans le but de couvrir au plus près les besoins de la patiente. Nous suggérons

un suivi mensuel avec adaptation de la NP, complémentation en vitamines et oligo-éléments

systématique, apport en folates intraveineuse et vitamine D systématique et apport en fer

intraveineux fréquent. La fréquence de la surveillance biologique avec notamment le dosage

des vitamines et du TP sera augmentée. Ce protocole de suivi est réalisé dès le désir de

grossesse par la patiente. Une harmonisation des protocoles de préparation et de suivi de

grossesse semble indispensable pour les centres experts NPAD.

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Tableau 1 : Besoins nutritionnels estimés pendant la grossesse et en dehors de la


grossesse (9,10,14)

Apport nutritionnel Femmes non enceintes Grossesse


Folate (µg/j) 400 600
Fer (mg/j 18 27
Vitamine A (µg EAR*/j) 700 770
Vitamine C (mg/j) 75 85
Vitamine D (µg/j) 5 5
Calcium (mg/j) 1000 1000
Zinc (mg/j) 8 11
Vitamine B6 (mg/j) 1,3 1,9
Magnésium (mg/j) 310 (19-30ans) 350 (19-30ans)
Vitamine B12 (mg/j) 2,4 2,6
Iode (µg/j) 150 200
*EAR=équivalent d’activité rétinol

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