1 s2.0 S098505621200091X Main
1 s2.0 S098505621200091X Main
1 s2.0 S098505621200091X Main
www.sciencedirect.com
Revue générale
Résumé
Les carences nutritionnelles sont considérées comme rares au sein de la population occidentale compte tenu de la pléthore alimentaire actuelle.
Cependant, en raison d’une alimentation riche en énergie mais pauvre du point de vue nutritionnel (pauvre en protéines, vitamines, minéraux et
fibres), des déficiences nutritionnelles en vitamines et minéraux sont fréquemment rapportées chez le sujet obèse. De plus, la chirurgie bariatrique
constitue actuellement le traitement le plus efficace de l’obésité morbide, mais une carence en micronutriments représente un problème important
dans les suites de la chirurgie, contribuant dès lors à aggraver les carences préexistantes. Dans ce travail, nous envisageons la prévalence des carences
nutritionnelles du sujet avec obésité morbide avant chirurgie bariatrique, les conséquences cliniques de ces déficiences et les recommandations
pratiques qu’il convient d’appliquer chez ce type de patients.
© 2013 Publié par Elsevier Masson SAS.
Abstract
It is a common belief that nutritional deficiencies are rare in the Western world due to a wide variety of food supply. However, obese people
usually consume dense-energy food but of poor nutritional value that lacks proteins, vitamins, minerals and fiber; consequently, a high prevalence
of micronutrient deficiencies in obese subjects has been reported. Moreover, bariatric surgery has been proven the most effective treatment of
morbid obesity, but micronutrient deficiency following bariatric surgery is a major concern, worsening pre-operative nutritional deficiencies. In
this article, we reviewed the litterature and highlighted the prevalence of nutritional deficiencies in the morbidly obese population prior to bariatric
surgery, clinical consequences of these deficiencies and practical recommendations for these subjects.
© 2013 Published by Elsevier Masson SAS.
1. Introduction certains cancers [2,3]. On estime que les sujets avec un IMC
entre 40 et 45 kg/m2 ont une espérance de vie diminuée de huit
L’obésité morbide, définie par un indice de masse corporelle à dix ans (ce qui est comparable aux effets du tabac) [4]. De
(IMC) supérieur à 40 kg/m2 (ou ≥ à 35 kg/m2 avec la présence plus, c’est surtout la prévalence de l’obésité sévère (IMC supé-
de comorbidités en relation avec l’obésité comme le diabète de rieur à 40 voire 50 kg/m2 ), associée aux comorbidités les plus
type 2) constitue un problème majeur de santé publique, car elle sévères, qui augmente à l’heure actuelle de façon la plus impor-
altère la qualité de vie [1] et favorise la survenue d’autres affec- tante dans la population adulte aux États-Unis [5]. Compte tenu
tions comme l’hypertension artérielle, l’hypercholestérolémie, des résultats décevants obtenus par les approches non chirurgi-
les maladies cardiovasculaires, le diabète de type 2 ou encore cales, la chirurgie de l’obésité ou chirurgie bariatrique représente
actuellement pour les sujets avec obésité morbide une moda-
lité thérapeutique majeure qui a connu un essor considérable
∗ Auteur correspondant. au cours de ces dernières années. Toujours aux États-Unis, le
Adresse e-mail : Nicolas.paquot@ulg.ac.be (N. Paquot).
0985-0562/$ – see front matter © 2013 Publié par Elsevier Masson SAS.
http://dx.doi.org/10.1016/j.nupar.2012.10.013
J. De Flines et al. / Nutrition clinique et métabolisme 27 (2013) 82–86 83
nombre de patients opérés est passé de 20 000 en 1992 à plus de avant chirurgie bariatrique), en fer (15 %) et en zinc (entre 20 et
100 000 en 2003 ; de nombreux travaux ont bien établi l’intérêt 30 %). Une autre étude, prospective et monocentrique, menée
de ces techniques, non seulement sur la perte de poids substan- chez 232 sujets obèses (IMC ≥ 35 kg/m2 ) étudiés consécutive-
tielle même à long terme, mais également sur l’amélioration de ment avant chirurgie bariatrique, démontre principalement une
la qualité de vie [6] et la réduction significative du risque de déficience en zinc (25 %), en vitamine B12 (18 %) et une carence
morbi-mortalité [7,8]. Par ailleurs, il est maintenant bien établi sévère en vitamine D (25 %) avec hyperparathyroïdie secondaire
qu’un suivi nutritionnel spécifique et rigoureux doit être réalisé [12]. Près de 50 % des sujets présentaient au moins une de ces
chez les patients ayant bénéficié d’une chirurgie de l’obésité, trois déficiences. Concernant la vitamine D, on sait que la défi-
afin d’éviter l’apparition de carences nutritionnelles à moyen et cience (12–20 ng/mL) et même la carence (< 12 ng/mL) sont
long terme [9]. Plus récemment, l’attention a été attirée sur la hautement prévalentes chez les sujets obèses, suite probable-
situation nutritionnelle des sujets présentant une obésité mor- ment à un stockage dans le tissu adipeux (bien que la relation
bide. En effet, en dépit d’un apport calorique excessif, la faible entre l’importance de la déficience et l’IMC ne soit pas constam-
qualité nutritionnelle des aliments ingérés – à forte teneur calo- ment retrouvée). Cette importante prévalence de la déficience en
rique mais à pauvre valeur nutritionnelle (manque de protéines, vitamine D impose une supplémentation rigoureuse après chirur-
de vitamines, de minéraux et de fibres) – conduit bon nombre de gie, mais un dépistage préopératoire est également souhaitable
sujets avec obésité morbide à présenter des carences nutrition- compte tenu que ce déficit précède le plus souvent la chirurgie
nelles avant l’intervention chirurgicale [10,11], suggérant que bariatrique.
les déficiences nutritionnelles observées en postopératoire ne Une autre étude prospective menée chez des sujets adres-
sont pas seulement le résultat de la malabsorption induite par la sés pour prise en charge d’une obésité morbide a comparé le
chirurgie et la perte de poids rapide, mais sont aussi le résultat niveau plasmatique de différentes vitamines avec un groupe
d’une forme préexistante de malnutrition. de sujets sains. On retrouve chez 11 à 38 % des sujets obèses
Dans cette revue, nous analysons quelles sont les carences une déficience en vitamine B6, C, D et E, l’importance de la
nutritionnelles préopératoires du sujet obèse les plus fréquem- déficience étant en relation avec la sévérité de l’obésité [13].
ment observées, leur prévalence, leur impact clinique potentiel Schweiger et al. [14] ont tenté d’identifier chez des sujets avec
et le type de prise en charge qui pourrait être proposé. obésité morbide avant chirurgie bariatrique les relations pou-
vant exister entre les déficiences nutritionnelles et le statut
2. Carences nutritionnelles chez le sujet avec obésité socio-économique et les comorbidités. Aucune relation entre les
morbide déficiences nutritionnelles et le niveau d’éducation, le revenu ou
la présence de comorbidités (diabète, hypertension, dyslipidé-
Au cours de ces dernières années, différents travaux ont été mies ou stéatose hépatique) n’a cependant été mise en évidence.
publiés visant à cerner la prévalence des carences nutritionnelles Enfin, une étude récente démontre chez des femmes obèses avant
chez le sujet avec obésité morbide, ces études ayant été pour la chirurgie bariatrique l’importante prévalence de la carence en
plupart menées chez des sujets qui devaient bénéficier d’une cuivre (68 %) et en zinc (74 %) [15]. Le Tableau 1 résume les
chirurgie bariatrique. Toutefois, la plupart de ces études ont été principales déficiences nutritionnelles rapportées chez les sujets
effectuées de manière rétrospective, parfois sans groupe témoin, avec obésité morbide avant chirurgie bariatrique.
rendant l’interprétation des résultats malaisée. Les déficiences En collaboration avec le service de chirurgie digestive du
sont toujours estimées au travers du dosage plasmatique, ce CHU de Liège, nous avons analysé la prévalence des principales
qui ne constitue pas toujours un bon reflet de l’état exact des déficiences nutritionnelles chez 113 patients devant bénéficier
réserves et les résultats obtenus sont de plus très variables d’une d’une chirurgie bariatrique (Tableau 2). Nous retrouvons des
étude à l’autre. Enfin, les conséquences cliniques de ces carences
nutritionnelles, souvent a minima, demeurent mal connues et il Tableau 1
n’existe actuellement aucune étude rapportant les résultats d’une Prévalence des principales déficiences nutritionnelles (%) observées avant chi-
supplémentation nutritionnelle préopératoire chez le sujet avec rurgie bariatrique chez des individus présentant une obésité morbide (les chiffres
entre parenthèses se rapportent aux références bibliographiques).
obésité morbide.
Concentration plasmatique Prévalence de résultats
2.1. Prévalence des carences nutritionnelles anormaux, en %
Vitamine B1 15 [10]
Deux revues de la littérature publiées en 2008 avaient pour Vitamine B12 3 à 18 [10,14,15]
but de déterminer la prévalence des déficiences nutritionnelles Acide folique 2 à 25 [10,12,14,15]
Vitamine D 25 à 70 [10,12,15]
en vitamines [10] et minéraux [11] chez le sujet obèse. Dans Fer 14 à 35 [11,14]
ces deux travaux, toutes les études publiées ont été prises en Ferritine 5 à 24 [11,12,14,15]
compte, sans aucune restriction, et les résultats doivent dès lors Hémoglobine 3 à 18 [12,14,15]
être interprétés avec une certaine précaution. En ce qui concerne Sélénium 58 [11]
les vitamines, des déficits en vitamine B1 (environ 15 % des Zinc 25 à 74 [12,15]
Cuivre 68 [15]
sujets) et en vitamine D (40 %) sont régulièrement observés. Magnésium 5 [12]
Concernant les minéraux, l’attention était portée sur des défi- Albumine 0 à 13 [12,14,15]
ciences assez fréquentes en sélénium (près de 60 % des sujets
84 J. De Flines et al. / Nutrition clinique et métabolisme 27 (2013) 82–86
[23] Kelly PJ, Shih VE, Kistler JP, Barron M, Lee H, Mandell R, et al. Low vita- [28] Mechanick JI, Kushner RF, Sugerman HJ, Gonzalez-Campoy JM, Collazo-
min B6 but not homocyst(e)ine is associated with increased risk of stroke Clavell ML, Spitz AF, et al. AACE/TOS/ASMBS guidelines. Guidelines
and transient ischemic attack in the era of folic acid grain fortification. for clinical practice for the perioperative nutritional, metabolic, and non-
Stroke 2003;34:51e–4e. surgical support of the bariatric surgery patient. Sur Obes Relat Dis
[24] Wei EK, Giovannucci E, Selhub J, Fuchs CS, Hankinson SE, Ma J. Plasma 2008;4:S109–84.
vitamin B6 and the risk of colorectal cancer and adenoma in women. J Natl [29] Chambrier C, Sztark F. Recommandations de bonnes pratiques cli-
Cancer Inst 2005;97:684–92. niques sur la nutrition périopératoire. Actualisation 2010 de la conférence
[25] Khaw KT, Bingham S, Welch A, Luben R, Wareham N, Oakes S, de consensus de 1994 sur la « nutrition artificielle périopératoire
et al. Relation between plasma ascorbic acid and mortality in men and en chirurgie programmée de l’adulte ». Nutr Clin Metab 2011;25:
women in EPIC-Norfolk prospective study: a prospective population 48–56.
study. European prospective investigation into cancer and nutrition. Lancet [30] Cassle S, Menezes C, Birch DW, Shi X, Karmali S. Effect of preoperative
2001;357:657–63. weight loss in bariatric surgical patients: a systematic review. Surg Obes
[26] Nyyssonen K, Parviainen MT, Salonen R, Tuomilehto J, Salonen JT. Vita- Relat Dis 2011;7:760–7.
min C deficiency and risk of myocardial infarction: prospective population [31] Van Nieuwenhove Y, Dambrauskas Z, Campillo-Soto A, van Dielen F,
study of men from eastern Finland. BMJ 1997;314:634–8. Wiezer R, Jansen I, et al. Preoperative very low-calorie diet and operative
[27] Scragg R, Sowers M, Bell C. Serum 25-hydroxyvitamin D, diabetes, and outcome after laparoscopic gastric bypass: a randomized multicenter study.
ethnicity in the third national health and nutrition examination survey. Arch Surg 2011;146:1300–5.
Diabetes Care 2004;27:2813–8.