Manuel Master Class Marie-Estelle Dupond

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Module 1
IDENTIFIER SON MOI TOXIQUE : LES MILLE VISAGES DU
SABOTEUR INTERNE

Pour identifier vos pensées et émotions négatives, observez-vous simplement


sans vous juger.

• Notez quel est votre état d’esprit spontané au réveil, s’il varie ou s’il est
toujours le même. Vous allez peut-être découvrir au passage que vous traînez
une sale fatigue et qu’il serait temps de voir un naturopathe et de songer à
votre vitalité qui, lorsqu’elle est en berne, vous pousse vers les idées et les
émotions négatives.
• N’oubliez pas que le moi toxique se niche dans le corps et que votre corps est
la maison de votre cœur et de votre esprit.
• Donnez-lui du repos, pas seulement des contraintes esthétiques, si agréables
soient-elles à court terme pour le moral.

Si nous voulons être véritablement heureux, nous devons donc démanteler tous les
systèmes de pensée, toutes les cascades d’émotions et d’attitudes qui, dans notre personnalité
et notre esprit, nous font tourner en rond et nous retiennent dans un présent aride où
l’épanouissement n’est pas possible.
Quand je parle d’épanouissement, je ne parle pas d’individualisme, du désir de prendre
toute la place. Non, mais de créer de l’espace en soi pour que tout notre potentiel puisse
s’exprimer dans des échanges choisis et de qualité où nous sommes la meilleure version de
nous-mêmes, tel un arbre qui porte de beaux fruits parce qu’il a des racines solides et ne ploie
pas sous les vents contradictoires des circonstances présentes. Pour cela, il ne faut pas permettre
à ce qui arrive de « connecter » des schémas et des croyances passés. Il faut se développer dans
une sorte de mémoire sans attachement. Autrement dit, conserver une part d’observateur
conscient en soi qui tranche net toutes les généralisations, projections, peurs, certitudes stériles
et aveuglantes. Garder cette disponibilité à soi-même, cette écoute de l’intérieur permet d’être
ouvert à la nouveauté et à l’extérieur, de faire la part de ce qui est bon ou mauvais.
Si nous voulons être en bonne santé, nous n’allons pas maquiller avec des médicaments

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les symptômes de fatigue et d’inflammation ou d’infection, mais arrêter ce qui entretient un
état d’être malsain et fragile. Si vous voulez détoxifier votre corps, vous n’allez pas prendre un
produit détoxifiant d’un côté, et avaler des produits industriels et du poulet en batterie de
l’autre. Vous allez cesser d’ingurgiter des aliments toxiques, tâcher de respirer un air sain et pas
seulement augmenter les doses de nettoyant, ce qui ne ferait qu’irriter et épuiser vos reins,
votre intestin et votre foie.
« Si nous voulons être heureux, nous devons d’abord nettoyer ce qui nous rend
malheureux. »
Nettoyer pas seulement dans les faits extérieurs et les relations, mais à la racine, en nous,
dans ce qui a permis d’opter pour de mauvais choix, dans ce qui nous a fait adopter de
mauvaises attitudes. Il faut donc interrompre les pensées et les émotions qui nourrissent
l’amertume et la douleur. Ce travail est d’autant plus difficile et long que les traumatismes ont
durci et justifié cette douleur. Jusqu’à ce que l’on comprenne que rester dans les effets du
traumatisme, c’est rester une victime et se priver de joie.
Personnellement, je sais le temps que cela m’a pris, à force de répéter des choix qui
prolongeaient le mal-être généré par ma mère. Il n’y a donc aucune position de « supériorité »
dans ce que j’écris ici. Ce n’est pas une décision mentale, c’est une action profonde de repli et
d’observation de soi, d’attention bienveillante à tout ce qui se passe en soi, pour désactiver la
douleur et s’envoler. C’est décider que le traumatisme ne modèlera pas notre personnalité et
partir avec curiosité et enthousiasme à la découverte de sa vraie personnalité, non altérée

Exercice
Repérez vos pensées toxiques.

• Prenez une feuille et faites trois colonnes en tête desquelles vous inscrirez :
« Émotions », « traits de caractère », « pensées ». Vous pouvez en ajouter une quatrième
intitulée « phrases automatiques ».
• Soit vous la remplissez sans en parler à personne, soit vous pouvez demander
à des personnes de confiance que vous sentez bienveillantes (ami, enfant déjà grand,
conjoint) si elles ont remarqué des phrases que vous dites très souvent. Cela peut
apporter un éclairage complémentaire très précieux.
• Notez les états émotionnels négatifs les plus récurrents dans votre vie actuelle,
ainsi que les traits de caractère qui vous définiraient et les pensées systématiques.
Je vous autorise à brûler la feuille juste après si cela vous aide à être plus sincère !

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Quelques exemples d’états émotionnels négatifs
Être anxieux, tendu, amer, stressé, confus, colérique, honteux, frustré, culpabilisé,
nerveux…
Traits de caractère :
Je-m’en-foutiste, caustique, impulsif, obsessionnel, inhibé, indécis, blasé, plaintif,
accusateur, de mauvaise foi, apitoyé, condescendant, suffisant, dramatique,
contrôlant, rigide, hypersensible, froid, calculateur, narcissique, distrait…
Pensées :
« Le mariage est infernal », « mon boss est un irrécupérable crétin », « je hais les
écologistes », « je n’y arriverai jamais », « mon banquier est un crétin doublé d’un
escroc », « je suis trop gros », « je n’ai pas le temps de faire tout ce que j’ai à faire »…
Tout cela est probablement vrai de votre point de vue, mais la question n’est pas là.
La vraie question : est-ce que ces pensées vous font avancer, ou est-ce qu’elles vous
tirent vers le bas ? Est-ce qu’elles vous aident à agir, ou est-ce qu’elles vous plombent ?

Qu’est-ce qu’une pensée toxique ?


Une pensée toxique n’est pas nécessairement un constat négatif, car un constat négatif est
le début d’un changement.
Une pensée est toxique si elle vous maintient dans la passivité, la rumination et la
victimisation.
Quand on passe de « je suis insatisfaite dans mon couple » à « les hommes sont égoïstes et bornés
», on fait du mal à tout le monde. On défigure et on désenchante la réalité possible d’un lien
positif. On se met à le croire, puis à le dire, et on distille du poison émotionnel. Cela abîme la
féminité et les rapports avec les hommes.
Vous allez constater que ce que vous ressentez et pensez aujourd’hui n’est que la
conséquence linéaire du passé. Newton a démontré la loi de cause à effet. C’était
révolutionnaire sur le plan de la physique, mais humainement, il faut vivre en dépassant les
idées de Newton, sinon on est coincé. Si vous avez en tête l’image très précise de celui que vous
voudriez être, comment vous voudriez vous sentir et agir, vous allez commencer à éprouver la
joie, l’épanouissement, la sensation de ce nouvel état d’être.

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En revanche, vous ne trouverez pas les maillons manquants entre les expériences du passé
et votre soi profond en restant ancré dans les émotions séquelles ou les héritages négatifs : peur,
culpabilité, rancune, etc. Mais seulement en décidant d’habiter déjà votre soi, et de commencer
à le dépoussiérer. Alors l’énergie que vous dégagerez sera différente et votre sensibilité aussi
sera différente. Vous serez plus léger pour certains détails, plus déterminé pour certaines
choses, plus clairvoyant pour d’autres. Parce que vous vous serez enraciné dans qui vous voulez
être.
Au lieu de baigner dans les résidus du passé, vous lui donnez un coup de pied en vous
jetant dans ce que vous voulez être, sans attendre que tout soit en place. Là, vous vous libérez
du passé, parce que, quoi que vous ayez vécu et quoi que l’on vous ait fait subir, vous êtes libre
de générer vous-même des émotions positives et élevées. C’est en elles que vous puiserez la
force, malgré les obstacles, de changer votre vie. Je l’ai fait et je n’avais pas lu Joe Dispenza.
J’étais très malade, avec un enfant à charge. Et c’est dans ce lit d’hôpital, avec ma perfusion,
que j’ai appuyé sur l’accélérateur de la transformation. J’ai éprouvé une gratitude et une joie
identiques à celles que j’éprouvais enfant quand tout allait mal et que je me réfugiais dans les
livres ou la méditation. Je me décollais des obstacles immédiats et j’imposais mon désir de vivre
comme plus fort que l’adversité.
L’amour inconditionnel de la vie, la gratitude et le désir sont les émotions positives élevées
qui peuvent tirer vers le haut l’état où nous sommes aujourd’hui. Et ceux que vous rencontrerez
vous diront des choses comme « avec toi, on se sent détendu ; tu es rayonnante », etc. En revanche,
ceux qui vous connaissent vous diront peut-être : « Il faut te faire soigner, tu n’es pas réaliste. »
Non, non, surtout pas ! Laissez- leur la peur et la menace. Ils ont inconsciemment peur que
vous quittiez le système de la peur. Et si vous vous affranchissez, vous les laissez seuls.
Comme la plupart des gens ont peur d’être seuls, ils ont besoin d’avoir du pouvoir et de
l’influence sur autrui pour être sûrs de ne jamais être seuls, sans se risquer pour autant à entrer
dans la bienveillance et le respect, comme si aimer la liberté d’autrui était dangereux.
Si vous vous aimez suffisamment vous-même, vous ne craindrez jamais la liberté d’autrui,
car vous savez qu’elle seule prouve la sincérité des relations. Parce qu’elle fonde les relations
sur le désir, non sur la dépendance.

Retrouver son identité profonde en dialoguant avec soi


L’idée, c’est de ne pas laisser les expériences définir, délimiter ou recouvrir votre identité
profonde, car cela vous enferme dans une dépendance à des occupations et des relations des-
tinées à occulter le mal-être engendré par cette aliénation. Et, une fois qu’on s’est pris au jeu,

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qu’on a perdu le recul, on prend très au sérieux tout ce à quoi on s’affaire – acheter une maison,
planifier les vacances, contrôler son conjoint et ses enfants, etc. – et on devient la version
névrosée, pénible et sans épaisseur de soi-même. On devient son ombre, une caricature. Très
adaptée socialement, mais intérieurement atrophiée. Cela engendre un aveuglement sur soi-
même, une attitude de jugement et de dureté envers autrui.
Plus vous oserez être vous-même, même si les circonstances et les apparences ne sont pas
encore au diapason, plus vous cultiverez la bienveillance envers autrui, naturellement. Sans
attendre que la crise existentielle, la dépression ou le cancer vous forcent, en stoppant net les
occupations et les addictions destinées à fuir (agitation, réseaux sociaux, etc.), à faire face à tout
ce qui n’est pas réglé mais seulement refoulé. La politique de l’autruche avec ses propres désirs
est aussi toxique qu’elle est inefficace avec les P-V. On finit toujours par payer. La différence,
c’est qu’être en dialogue avec soi n’est pas une punition. Malheureusement, l’éducation et
l’école ont oublié de mettre l’introspection au programme. Alors mutinez-vous !
Ici, maîtriser est l’inverse de contrôler. Il ne s’agit pas de vous contrôler mais de maîtriser
votre vie, d’avoir sans cesse en vous une partie qui observe et guide avec bienveillance. Un
témoin intérieur qui permet de ne pas rester collé à l’ambiance du passé, de se mettre en
marche.
Sans quoi, une séparation, une maladie ou la crise de la quarantaine vont vous donner la
sensation de perdre pied. Il vous faudra toujours plus de compensations, et vous oublierez de
vous demander ce qui compterait vraiment pour vous à la fin de votre vie. À côté de quoi vous
ne voudriez pas être passé le jour où vous mourrez. Au lieu de fuir la peur de la mort par divers
artifices, on peut utiliser la mort comme ce qui nous donne le droit de dire non à ce qui n’est
pas essentiel, le droit de ne pas se mettre la pression pour des futilités.

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Exercice : savoir s’observer
Pour identifier les pensées et les émotions qui vous intoxiquent, il est nécessaire de vous
observer.
• Regardez-vous agir et interagir pendant une journée ou une semaine comme si vous étiez
un étranger. Puis complétez les phrases suivantes :

1. Cette personne dépense une énergie énorme…


• à donner le change pour ne pas montrer que…
• pour faire plaisir en espérant recevoir de la reconnaissance… Etc.

2. Cette personne essaie de ne pas montrer qu’elle…


• souffre de la solitude…
• est frustrée…
• a peur d’échouer et se met une pression énorme… Etc.

Demandez-vous ce que vous avoueriez à votre meilleur ami si vous vous lâchiez complètement
sans peur d’être jugé et sans peur d’être effondré : car vous vous épuisez à vous masquer la
vérité sur vous-même.

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Les 5 blessures selon Lise Bourbeau
Présentées par Aurélie Gourguechon1, diplômée d’état en relation d’aide et hypnose.

C'est le psychiatre John Pierrakos qui a mis en exergue ces blessures de l'être. Il les a
regroupées en cinq catégories que nous détaillerons plus tard. Lise Bourbeau poursuivra ce
travail en écrivant "Les 5 blessures qui empêchent d'être soi-même".
Ces blessures sont ancrées au plus profond de nous dans notre inconscient, notre
subconscient. Au fur et à mesure de nos prises de conscience face à certains de nos
comportements ou grâce à certaines lectures, nous pouvons les conscientiser. Ces blessures se
sont installées de plusieurs manières.
Nous souffrons au moins tous de 3 blessures, avec l'une d'entre elles qui sera
prédominante.
Elles peuvent être transgénérationnelles.
La transmission transgénérationnelle s’effectue de manière subtile, implicite, indirecte et
inconsciente. Elle est façonnée par des idées, des processus, des phénomènes et une histoire familiale qui
passeraient « au travers » des générations, par des phénomènes qui ont lieu notamment en cas de
traumatismes vécus et non surmontés. Elle se construit par la manière dont les membres d’une famille
parlent d’un évènement, par le récit qu’ils en font. Les limites de ce qui est transmis sont floues,
difficilement abordables.
Elle se joue dans le long terme de la famille, entre les générations antérieures, présentes et futures ;
entre des générations qui se côtoient, celles qui ne se sont jamais côtoyées ou qui ne se côtoieront jamais.
Elle traverse le temps, et ce, dans un seul sens (passé vers futur ; générations antérieures vers générations
futures).
Ainsi, lorsqu’un traumatisme survient dans une famille, celle-ci peut enclencher un processus de
résilience et mobiliser des ressources afin d’éviter la transmission transgénérationnelle du traumatisme en
question (cft concept de résilience familiale).
Dans des familles qui ont subi des dommages extrêmes, les enfants peuvent avoir pour mission de
transmettre « quelque chose » des souffrances subies, de réparer les injustices ou encore de parvenir à une
grande réussite susceptible de rendre utile le sacrifice de la génération précédente.
Extrait de http://www.systemique.be/spip/spip.php?article806

1 https://www.hypnose-gourguechon.fr/blog/articles/les-5-blessures-de-l-etre-et-l-hypnose

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Ces blessures peuvent également être transmises directement par vos parents qui ont
également vécu des choses dans leur enfance.
Elles peuvent se développer durant la grossesse et l'enfance.
Ces blessures inconscientes vont conditionner vos comportements, votre manière d'agir,
votre rapport aux autres, vos émotions et vos réactions face à des situations particulières. Votre
vraie personnalité est dissimulée derrière ces comportements qui ne sont pas "le vrai vous". En
effet, une fois un travail effectué sur ses blessures, un client va se redécouvrir autrement, avec
de nouvelles manière d'agir. L'individu devient enfin lui-même.
Pour ne pas souffrir de la blessure qu'il porte, l'individu va porter une sorte "de masque".
L'explication des blessures et des masques qui va suivre, vous permettra de mieux
comprendre comment se mettent en place les choses.

LA BLESSURE DU REJET : LE MASQUE DU FUYANT


Cette blessure prend naissance quand un enfant est non désiré et qu'il est rejeté par l'un
de ses parents. La blessure est vécue avec le parent du même sexe. Cette blessure naît de la
conception à l'âge de 1 an.
En portant le masque du fuyant, l'individu met en avant des caractéristiques particulières
: ne croit pas à son droit d'exister, se croit nul et sans valeur, il recherche la solitude, il est
effacé, il fera tout pour se rendre invisible, se sent incompris, il est perfectionniste,
intellectuel.
Sa plus grande peur est la panique. Il évitera donc les situations dans lesquelles il pourrait
paniquer en les fuyant.
Le corps de la personne qui porte ce masque est façonné d'une certaine manière : mince,
étroit, contracté.

LA BLESSURE DE L'ABANDON : LE MASQUE DU DEPENDANT


Cette blessure prend naissance quand un enfant ne sent pas nourri affectivement et le
petit enfant peut se sentir abandonné dans diverses situations : le parent est très occupé par
son travail, par un autre enfant ; le parent est indisponible du fait de ses propres problèmes
de santé ; l'enfant doit être hospitalisé ou confié à la garde d'un proche pendant quelque temps
; le parent quitte le foyer et ne donne plus de nouvelles ; l'enfant est abandonné à sa naissance.

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La blessure est vécue avec le parent du sexe opposé. Cette blessure naît entre l'âge de 1 an et 3
ans.
En portant le masque du dépendant, l'individu met en avant des caractéristiques
particulières : il a un comportement de victime, il est fusionnel avec les autres, il a besoin de
présence, d'attention, de support, de soutien, il a des difficultés à faire les choses seul, il
demande des conseils mais ne les suit pas forcément.
Sa plus grande peur est la solitude. Il ne supporte pas d'être seul et cherche par
absolument à être entouré.
Le corps de la personne qui porte ce masque est façonné d'une certaine manière : long,
mince, manque de tonus, parties du corps tombantes ou flasques, dos courbé.

LA BLESSURE DE L'HUMILIATION : LE MASQUE DU MASOCHISTE


Cette blessure prend naissance quand un enfant sent la honte que le parent a de lui,
quand un enfant se sent humilié par le contrôle de ce parent (pas de liberté d'agir), l'enfant se
sent comparé, critiqué, rabaissé. La blessure est vécue en général avec la mère ou avec le parent
qui s'est occupé du développement physique. Cette blessure naît entre 1 an et 3 ans.
En portant le masque du masochiste, l'individu met en avant des caractéristiques
particulières : a honte de lui et des autres, a peur de faire honte, n'aime pas aller vite, contrôle
pour éviter la honte, prend beaucoup sur son dos, fusionnel, hypersensible, peut jouer à la
mère, compense et se récompense par la nourriture, a besoin de limite, se punie lui-même,
aime prendre soin des autres plus que de lui-même car n'écoute pas ses besoins, recherche la
douleur et l'humiliation, est performant, prend des responsabilité.
Sa plus grande peur est la liberté. Il est convaincu qu'il ne saura pas gérer sa liberté.
Le corps de la personne qui porte ce masque est façonné d'une certaine manière :
rondelet, gros, tension dans la nuque, à la gorge.

LA BLESSURE DE TRAHISON : LE MASQUE DU CONTROLANT


Cette blessure prend naissance quand un enfant a des parents centrés sur eux-mêmes et
qui utilisent la séduction avec l'enfant. L'enfant se sent trahi chaque fois que le parent ne tient
pas une promesse ou qu'il trahit sa confiance. Il vit également de la trahison lorsque son parent
de sexe opposé trahit l'autre parent, il prend cela pour lui. La blessure est vécue avec le parent
du sexe opposé. Cette blessure naît entre 2 ans et 4 ans.

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En portant le masque du contrôlant, l'individu met en avant des caractéristiques
particulières : exigeant avec lui, personne forte physiquement, manipulateur, séducteur, ne
tient pas ses promesses, ment facilement a beaucoup d'attentes, comprend et agit vite,
impatient avec les gens plus lents, intolérant, mental actif, forte personnalité, n'aime pas se
confier.
Sa plus grande peur est la dissociation, la séparation.
Le corps de la personne qui porte ce masque est façonné d'une certaine manière : corps
fort, chez l'homme épaules plus larges que les hanches, chez la femme hanches plus larges que
les épaules.

LA BLESSURE DE L'INJUSTICE : LE MASQUE DU RIGIDE


Cette blessure prend naissance quand un enfant a des parents autoritaires, sévères, froids.
L'enfant ne peut pas s'exprimer, ne peut pas s'affirmer. Il doit être parfait aux yeux de ses
parents. La blessure est vécue avec le parent du même sexe. Cette blessure naît entre 4 ans et
6 ans.
En portant le masque du rigide, l'individu met en avant des caractéristiques particulières
: perfectionniste, se coupe de ses émotions, recherche la justice, craint l'autorité, exigeant
envers lui, a de la difficulté a demander de l'aide, a besoin d'être constamment en action, ne
connaît pas ses limites, colérique, se sent apprécié pour ce qu'il fait et non ce qu'il est.
Sa plus grande peur est la froideur.
Le corps de la personne qui porte ce masque est façonné d'une certaine manière : droit,
rigide, à la recherche d'un corps parfait.

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Module 2

TRAUMATISMES ET SECRETS DE FAMILLE

Sursauts, sensation de nausée, effroi… Tôt ou tard, nous sommes tous amenés à vivre un
choc qui nous marque au point de revenir sous forme de réminiscences, nous prenant par
surprise, alors que nous le pensions oublié depuis longtemps.

L’IMPACT DES CHOCS TRAUMATIQUES


Après un traumatisme, sans nous en rendre compte, nous avons ainsi tendance à
« pousser » devant nous, à projeter ce qui est derrière et à interpréter les situations, paroles et
regards à l’aune de ce que nous avons vécu et qui a laissé son empreinte.
Si toute l’enfance a été marquée par le regard dévalorisant ou hostile d’un frère ou d’un
parent, il faudra un travail de décrassage de ces filtres pour ne plus aborder l’autre comme
potentiellement identique à cette figure du passé.
En effet, face à l’inconnu, le cerveau ne supportant pas le vide, nous le remplissons avec
ce que nous connaissons.
Lorsque nous rencontrons une nouvelle personne, nous avons parfois tendance
inconsciemment à la rapprocher de personnes que nous avons déjà connues. Et comme l’esprit
crée une réalité, nous sommes capables sans nous en apercevoir d’amener l’autre à se conduire
comme le frère ou le parent auquel il nous fait physiquement penser. Nous y reviendrons à
propos des relations amoureuses, pour voir comment une excessive méfiance ou des choix
inadaptés se mettent ainsi en place, mais aussi comment nous pouvons rendre nous-mêmes
toxique une personne qui ne l’était pas particulièrement au départ.
Les traumatismes les plus marquants s’exprimeront surtout par des symptômes en négatif :
ainsi l’anesthésie affective, la perte d’une vie émotionnelle peut représenter l’amputation
indispensable pour ne pas sombrer.

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Les traumatismes s’expriment dans et par le corps
Les émotions sont d’abord éminemment corporelles (cœur qui palpite, ventre noué, gorge
serrée). Le traumatisme modifie durablement la sensibilité à certaines sensations, le sommeil
ou la digestion. Son empreinte dessine des zones interdites sur le corps, comme cette jeune
femme qui ne supporte pas les bracelets tant cela lui rappelle l’emprise de son abuseur qui la
maintenait immobile par les poignets.
Le corps draine l’excès d’angoisse impensable, comme nous le rappellent a minima nos
somatisations quotidiennes avant un examen ou dans une période de stress : maux de dos,
vertiges, migraines, aigreurs d’estomac… Lieu et lien de l’affect, notre corps porte et colporte
le traumatisme qui ne peut se dire ou se penser librement et complètement.
Le véritable traumatisme est celui qui nous coupe de nos repères intérieurs et nous interdit
de ressentir : pour un enfant sous l’emprise d’un parent maltraitant ou pervers, ressentir le
mettrait en porte-à-faux avec les affirmations, injonctions et désirs de l’adulte. Or un enfant a
d’abord besoin de la sécurité d’un lien d’attachement, fût-ce au prix du reniement de soi. Il est
donc prêt à s’amputer de ses propres perceptions pour ne pas être en contradiction avec son
parent. Par conséquent, devenu adulte, il pourra lui arriver de ne pas prendre conscience que
l’eau est trop chaude et qu’elle le brûle, de penser qu’un rapport sexuel passe nécessairement
par la soumission à la brutalité, ou encore qu’il n’a pas sommeil alors qu’il a seulement appris
à être sans cesse sur le qui-vive, etc.

Culpabilité et sentiment d’absurde


Les traumatismes se traduisent également par une atteinte durable de la personnalité, à
travers la représentation de soi, d’autrui, des relations et des situations. En dépassant les
capacités de l’individu à réguler l’impact d’un événement, les traumatismes s’installent en
biaisant notre interprétation de la réalité. Ils vont souvent s’exprimer à travers un sentiment
de culpabilité diffus, comme une tentative de se raccrocher à quelque chose pour nommer le
mal-être. Telle cette jeune femme ayant vécu la mort de son nourrisson et qui ne pouvait que
se « sentir coupable pour ne pas devenir ivre de rage et de douleur ».
Le traumatisme est par définition ce qui fait éclater le sens commun et la continuité de
la réalité. Il a toujours à voir avec la mort, fût-elle symbolique et identitaire, en ce qu’il balaie
brutalement l’ordre établi. Chaos intime ou collectif, deuil ou déportation, il est bascule- ment
dans le non-sens. Or l’être humain ne peut sup- porter l’insensé. C’est pourquoi, lorsque nous
vivons un traumatisme, nous développons très souvent une culpabilité qui permet de limiter
le sentiment d’absurde en rapatriant sur nous-mêmes l’origine de la catastrophe :

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« Si je n’avais pas porté une jupe, je n’aurais pas été agressée », « Si j’avais eu une bonne note,
maman ne m’aurait pas enfermée à la cave », « Si je n’avais pas été au téléphone, j’aurais pu rattraper
mon fils avant qu’il ne tombe », etc. Autrement dit, nous établissons des liens de causalité
dépourvus de sens pour tenter d’expliquer l’insupportable. Cette culpabilité peut aller jusqu’à
la culpabilité d’exister.
En effet, l’expression majeure du traumatisme est la honte, qu’elle porte sur un aspect
du corps ou soit rationalisée dans tel ou tel complexe (origine sociale, taille, etc.).
Contrairement à la culpabilité, la honte ne se dit pas et s’avère plus difficile à déceler. Elle
désorganise la pensée. Elle réorganise la vie, à travers des conduites d’évitement majeur. Qu’il
s’agisse d’une honte consciente et ressentie, ou d’une honte d’exister encore plus primaire et
non identifiée, comme par exemple pour un enfant né d’un viol, la honte enfouie et colportée
au quotidien agit comme une marée noire intérieure qui étouffe les possibilités d’exister,
parfois même de survivre (comme le montrent les suicides chez des survivants de la Shoah, ou
les conduites à risque chez des adolescents qui ont été maltraités petits). Or, tant qu’il existe
un couvercle de honte, l’accès aux autres affects (révolte, colère, injustice…) est barré et il est
impossible de se libérer du poids des traumatismes. Ici, la psycho- thérapie est essentielle pour
apporter « les mots qui touchent (et guérissent) des maux qui rongent2 ».
Dans les traumatismes les plus violents, il s’agit d’un vol d’une partie de soi-même, voire
d’une impossibilité de constituer une identité unifiée et continue.
Cela ne donnera pas lieu à des symptômes « visibles » mais plutôt à un désinvestissement
des reliefs de la personnalité : des inhibitions, des « paralysies » relationnelles, des impasses et
des blancs pour se représenter ses propres affects – l’enjeu et l’impact de ce qui a été vécu
demeurant ignorés du sujet. L’esprit humain est capable de cliver, de fragmenter, de jeter aux
oubliettes des pans entiers de la réalité pour « tenir ». S’en libérer relève donc de la réintégration
de ces parties de soi, d’une appropriation, parfois effrayante, de son histoire, et c’est pourquoi
je parle de la psychothérapie dans mon précédent livre comme d’une archéologie des zones
cachées de soi-même. Elle est nécessaire pour retrouver l’unité et la plénitude, mais aussi le
sens de sa propre existence, dégagée du poids du passé.

Vivre avec la peur au ventre


Vivre avec la peur au ventre quand les autres semblent naviguer dans l’ordinaire d’une
banalité qui nous fait envie et dont on se sent séparé, comme derrière une vitre, vivre anesthésié
et sans cesse agité, vivre avec le poids de traumatismes omniprésents et non identifiés crée une

2 C’est ce que j’explique dans Découvrez vos superpouvoirs chez le psy, Eyrolles, 2015.

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sorte de seconde peau, terriblement visqueuse, qui nous intoxique constamment sans que les
autres puissent le comprendre. Qu’ils ne le sachent pas ou ne veuillent pas le voir, derrière les
rôles que l’on assume avec zèle, vivre traumatisé revient à évoluer dans l’existence comme un
écorché, porteur d’une maladie honteuse, c’est-à-dire altéré gravement dans son iden- tité et
son intégrité. D’une façon toutefois plus sournoise, car invisible, et qui fuse seulement à travers
l’alternance de la trop grande méfiance et de l’excessive confiance qu’ont laissées en nous les
traces de l’effroyable.
Cet effroyable peut être un viol, une séquestration, des abandons et des humiliations
répétées. Il peut avoir le visage d’une mère, d’un inconnu ou encore de toute une famille où
notre place était introuvable, magma de rivalités et de regards vides. Il faudra donc partir dans
la vie sans avoir eu le droit de préserver sa continuité d’être et la perception simple et fluide de
ses limites et de ses besoins.
Et le cortège de symptômes physiques – insomnies chro- niques, attaques de panique,
troubles digestifs majeurs, spasmophilie, dérèglement thyroïdien ou autre – vient signer
l’impossibilité pour le corps d’établir et de maintenir un équilibre serein en raison d’un stress
majeur intériorisé et chronique.

Traumatisme et suradaptation
Mais ces symptômes marquent aussi la tentative du corps de restaurer un tonus et un
contour, un dedans et une frontière dans ce qui – maltraitance maternelle, viol ou rejet – a
laissé en soi une terrible difficulté à éprouver que le sol nous porte, que l’espace et le temps ne
vont pas s’effondrer ou accélérer à chaque instant, et que l’éventuelle méchanceté ou jalousie
d’autrui, somme toute, n’a aucune importance et ne nous concerne pas. Entre anesthésie et
hypersensibilité, expérience trop violente et ignorance de la normalité, l’adulte traumatisé
devra pourtant imaginer que non, le pire n’est plus toujours certain, et qu’il a le droit et la
capacité de se défendre et de décider. Je parle de jalousie car l’adulte traumatisé est un adulte
souvent suradapté (pour éviter les coups ou parce que le traumatisme l’a plongé dans un état
de pilotage automatique où il exécute sans sentir).
En général, il s’acquitte mieux que bien des tâches qui lui reviennent : dans cet
hyperperfectionnisme fait de tension, de vigilance et d’angoisse, mais aussi d’un sentiment de
néant ou d’agonie, se mesure le poids du traumatisme qui nous laisse comme stupéfait, sidéré
et privé de la possibilité de penser ce qui nous est arrivé, soit parce que c’était trop violent, soit
parce qu’il en a toujours été ainsi (inceste répété, humiliations maternelles, abandon précoce,
par exemple).
Alors la petite fille sera jolie, bonne élève, et s’attirera plus tard la jalousie des femmes et

15
la concupiscence des hommes, sans savoir où se placer entre son envie de rejeter et son envie
de trouver les bras qui lui ont manqué. Le futur adulte aura enfoui le traumatisme et souvent
obéi à un surmoi tyrannique par une réussite parfaite qui ne lui procurera nullement les
relations apaisées qu’il recherche.
« Cette normalité à toute épreuve, nous dit Saverio Tomasella, est une des
manifestations majeures du traumatisme. En effet, il s’agit d’une suradaptation aux codes
sociaux qui semble assurer à la personne traumatisée de pouvoir rejoindre le monde des vivants
et ne pas en être exclue3. »
On l’appelle trop souvent résilience. Le sujet parlera sans émotions – s’il en parle – de ce
qui l’a détruit, tandis que sa tentative d’être lisse au sein de la famille ne lui attirera finalement
qu’incompréhension et jalousie, lui dont on ne veut surtout pas se rappeler d’où il revient. Le
traumatisme est intensifié et devient malédiction – ma pratique et mon travail personnel me
le montrent chaque jour – lorsque le choc est redoublé par le déni ou la trahison, qu’il s’agisse
d’un soldat revenant d’Afghanistan, comme c’était le cas de mon patient Luigi, d’un civil
déporté, d’un enfant violé dont la famille ne croit pas le récit, ou d’une petite fille manipulée
par sa mère et dont la solitude croît à mesure qu’elle tente de compenser sa perte d’amour.
Autrement dit, le traumatisme en générant peur et incommunicabilité rend celui qui le
subit prisonnier du silence, du malheur et de l’incompréhension. Il est condamné à donner le
change, en sentant bien qu’une partie de lui-même est laissée en friche, pour ne pas dire, part
à la dérive.
Le traumatisme crée des ruptures dans la continuité de vie, des coupures de mémoires,
comme je l’écris dans un roman4:
« Le déni parental a vitrifié votre mémoire et votre bouche s’arrête sur un cri muet…
Quand on vous vole jusqu’au droit de vous souvenir, que reste-t-il sinon votre mental ? »
Les mots qui viennent pour évoquer l’identité traumatisée sont des mots tels que trou
noir, désastre, tsunami, absence de repères, réalité qui vacille, éclatement du temps, effroi,
chute sans fin. Quoi qu’il en soit, il faudra se laver, se désintoxiquer de ce qui nous empêche
d’aborder l’avenir avec cette base de sécurité intérieure, de confiance, de limites et d’aptitude
à se faire respecter que les autres, plus préservés, moins fracassés, semblent avoir eu dans leur
jeu de départ, gratis, de fait.

3
Saverio Tomasella, Renaître après un traumatisme, Eyrolles, 2015, p. 81.
4
Pour une poignée de sourires, à paraître.

16
LE CAS DES SECRETS DE FAMILLE ET DES TRAUMATISMES
TRANSGÉNÉRATIONNELS
Suicides, incestes, disparitions, déportations, trahisons, usurpations, le secret de famille
est une porte verrouillée qui vient peser de tout son poids sur les générations suivantes, héritage
aussi réel et présent qu’un antécédent médical.
• À la première génération, le traumatisme est indicible, inracontable.
Le traumatisme isole le sujet de son environnement. Il évolue dans la vie comme revêtu
d’une seconde peau, dans un rôle permanent où toute son énergie passe à exclure le secret.
C’est le cas des survivants de la déportation, notamment. Il est impossible de raconter ce que
l’on a vécu, et pourtant il faut continuer à vivre parmi ses « anciens proches » qui sont devenus
des étrangers, semblant bouger et parler avec un autre rythme et dans une autre réalité. Le
secret se constitue.
• À la deuxième génération, l’indicible devient innommable.
On ne sait pas qu’il y a quelque chose, ou en tout cas pas quoi. Les enfants de déportés
disent souvent que leurs parents étaient silencieux et qu’eux-mêmes éprouvaient une honte
incompréhensible qu’ils ont toujours pensé être de la timidité. Il faut donc bien comprendre
que le traumatisme, en suscitant de la honte chez la victime, se transmet corporellement et de
manière inconsciente dans des résidus de terreurs, des cauchemars, ou une difficulté à
habiter sa vie à soi, à prendre la place qui nous revient légitimement dans la vie. Être sujet
quand on est l’enfant d’un être qui a été réduit au rang d’objet, que ce soit en étant le fils né
d’un viol ou un descendant de déporté, nécessite un travail d’accompagnement et de mise en
lumière des zones plus que sombres du passé.

• À la troisième génération, l’innommable devient impensable.


Il se mue soit en répétition, soit en somatisations. Ainsi, le petit-fils d’un déporté à Dachau
me dira souffrir d’hallucinations et de terreurs nocturnes au cours des- quelles il a la sensation
d’être frappé et de grelotter. Il se réveille parfois sur le balcon, prêt à sauter, terrifié qu’on
l’abatte d’un coup de crosse de revolver. Il développe des troubles de mémoire car son esprit
est envahi par le retour du refoulé de quelqu’un d’autre, lequel n’est plus là pour parler, bien
sûr, donc se réapproprier cette réalité et en délivrer mon patient. La thérapie y parviendra en
retissant l’histoire.
De même, ma patiente dont la mère était le fruit d’un viol sera stérile jusqu’à la levée du
secret terrible qui enfermait sa mère et sa grand-mère. Somatisations, maladies chroniques plus
ou moins graves et irréversibles, troubles de la socialisation, addictions, perte de langage… le

17
corps, les liens psychiques et les liens humains sont marqués par ce quelque chose qui ne doit
pas être pensé. De fait, l’atteinte des fonctions cognitives ou motrices via des syndromes
parkinsoniens ou des démences précoces se développe en lieu et place d’une élaboration de
l’inavouable.
• À la quatrième génération, qu’advient-il de ce qui ne peut être pensé ?
Le traumatisme se manifeste par des troubles encore plus précoces. Même si toutes les
pathologies sont plurifactorielles, est-ce un hasard si la fréquence des troubles autistiques chez
les petits est plus élevée chez les descendants de victimes des camps nazis ? Bien que d’autres
facteurs entrent en compte et que ces troubles soient de plus en plus fréquents, cela illustre
néanmoins le fait que l’expérience et les facteurs épigénétiques viennent influencer l’expression
du génome et activer des maladies et des difficultés qui, dans un autre contexte et avec un autre
héritage émotionnel, ne se seraient peut-être jamais exprimées.
Autrement dit, lorsque le traumatisme fait l’objet d’un secret, il se répète et s’amplifie
jusqu’à la levée et l’élaboration du silence. Parce que tout ce qui ne s’exprime pas s’imprime.

18
Module 3
LES ÉMOTIONS ET LES PENSÉES QUI INTOXIQUENT
Couche par couche, à l’instar de sédimentations géo- logiques, notre personnalité s’est
forgée à travers les expériences donnant lieu à ce que nous pensons être notre identité. Le
foyer de notre enfance, les professeurs et les amis rencontrés, les déceptions, les découvertes,
les trahisons, les épreuves, les bonheurs vécus…
Nous enchaînons les années, les relations et les actions dans un processus d’accumulation
et nous revendiquons être celui qui a vécu tel ou tel événement. En fait, nous sommes
encrassés, ce qui nous rend de plus en plus aveugles à la réalité de l’autre et du présent. Et c’est
bien de cela qu’il s’agit quand nous devenons un parent qui a parfois oublié qu’il a été un
enfant. Nous devenons sclérosés.
Nettoyage intérieur
Mais nous devons nous souvenir que nous ne sommes pas ce que nous avons vécu et que
notre point de départ dans l’existence (milieu social et dynamique familiale), s’il nous a orientés
dans une certaine direction, nous a aussi mis des œillères et que ce que nous prenons pour
une évidence n’a peut-être aucune réalité dans la vie d’un autre.
Contrairement au sentiment d’autosatisfaction, qui ferme, la joie de se sentir vivant ouvre
les sens et l’esprit.

COMMENT JE ME SUIS PIÉGÉ(E) : PENSÉES ET CHOIX TOXIQUES


Certes, le jeu de départ, nous ne l’avons pas choisi : les uns ont eu la chance d’avoir une
enfance, d’autres ont été violés, trahis, abandonnés, manipulés, massacrés dans leur cœur
d’enfant. Et cela, qui nous a façonnés, rend parfois difficile la compréhension entre ceux qui
ont été protégés et ceux qui n’ont jamais senti la protection d’un amour parental
inconditionnel.
En fait, si nous décidions de tout oublier, nous pourrions nous dire : « Le point où j’en suis
arrivé et mes comportements actuels résultent de ce que j’ai vécu et de la distance que j’ai tenté de prendre
ou pas avec tout ça. Mais si j’osais rêver, si j’osais être fou, quelles envies exprimerais-je ? Quelles images
ai-je en moi, depuis mon plus jeune âge, et que je refuse de prendre au sérieux alors qu’elles indiquent la
place qui est la mienne ? »
C’est seulement quand on arrête la langue de bois avec soi qu’on peut commencer à trier
ses désirs, à trouver le juste milieu entre complexe d’infériorité et de supériorité, par exemple,

19
et à régler ses conflits avec soi et avec autrui.
Nettoyer sa personnalité de ses émotions parasites et des pensées qui en découlent est
nécessaire. Car si l’émotion est un mouvement indispensable à la vie, en tant que mouve- ment,
elle ne doit précisément pas se figer. Il est sain d’éprouver toutes sortes d’émotions négatives
et positives, de ne pas fuir le chagrin, la colère ou la peur, indicateurs essentiels de notre état,
mais la santé réside dans la diversité de ces réactions et non dans le fait d’être dominé par une
tonalité émotionnelle systématique.
« Ce n’est pas la tonalité d’une émotion qui la rend négative. C’est l’emprise
qu’elle a sur nous et notre relation avec elle. »
Heureusement qu’un enfant maltraité peut sortir de l’anesthésie émotionnelle et se mettre
en colère. Ce qui importe, c’est qu’il dépasse ensuite le stade de la colère pour expérimenter
enfin la paix et la joie que son enfance lui a volées. Car une émotion, dès lors qu’elle s’installe,
devient le fonde- ment de notre personnalité et bloque les autres, c’est-à-dire le mouvement de
la vie et l’expression de soi.
Dans la sous-partie précédente, j’ai pris l’exemple de la culpabilité. Plus globalement, les
émotions négatives qui nous empoisonnent toute la journée et repoussent le positif sont la
peur, la colère, le ressentiment, la culpabilité, l’anxiété, la jalousie, la honte, la haine, la
dépression… Mais l’on pourrait y ajouter la joie artificielle, l’insouciance permanente, etc.

Commençons par la peur


La peur me semble être l’émotion-matrice qui dirige le monde, plus que toute autre. Quelle
que soit votre peur – peur de l’échec, peur de tomber malade ou amoureux, peur d’être
abandonné, d’être déçu, de vous tromper, d’être seul ou de vous engager, de choisir ou d’être
influencé –, vous pouvez la rattacher à une peur primaire.
Quatre émotions constituent les murs de la prison qu’est devenue notre existence,
insidieusement, pour la plupart d’entre nous :
• La peur de la mort,
• la peur de la souffrance,
• la peur de la solitude
• et celle du vide.
Ces peurs nous intoxiquent alors que nous pouvons nous en débarrasser. La mort met fin
à la souffrance. La souffrance fait partie de la vie de chacun et nous sommes libres d’en tirer

20
force, expérience, connaissance, détachement et sagesse ; elle n’est donc pas solitude, elle fait
partie du jeu, comme la différence des générations, le temps, les contraintes physiologiques. La
solitude est l’aire de repli et de tranquillité d’où nous pouvons choisir ce que nous désirons, et
créer. Quant au vide, il est l’antichambre d’un nouveau plein positif.
Ce sont nos pensées qui créent notre vie : dès que nous le comprenons, nous prenons de
la distance par rapport aux stimulations de l’environnement. Nous sommes moins ballottés
par les médias, les appels, les humeurs, nous retrouvons un libre arbitre dans nos relations, car
nous sommes plus attentifs à notre état d’être, nous refusons de nous laisser emmener dans le
négatif. Nous prêtons attention à nos liens affectifs, souvent pris dans des routines et des
habitudes men- tales telles que « il réagit comme ça, il va penser que », etc. Car nous avons,
tous, mis en place ces certitudes pour nous protéger de la souffrance, nous venger du passé.
Mais c’est nous-mêmes que nous punissons en attribuant à autrui le masque de quelqu’un
d’autre.

Relations fantômes : le poids du passé


Nous établissons alors ce que j’appelle des relations fantômes, comme on parle de membre
fantôme. Une relation qui n’est plus là demeure par sa saveur et recouvre la nouveauté de la
rencontre. Pourquoi ?
Parce que la nature a horreur du vide et veut éviter la souffrance. Au lieu de prendre le
temps de découvrir l’inconnu qui nous fait face, nous le remplissons avec ce qui nous semble
y ressembler le plus dans notre « musette » affective. Mais ce n’est pas parce qu’il est grand,
blond et sûr de lui qu’il va se comporter avec vous comme votre frère aîné qui était grand,
blond et plein d’assurance !
Le problème, c’est que ces pensées et émotions subconscientes nous intoxiquent : ce que
nous dégageons conditionne ce que nous attirons. Nous allons donc rejouer des scénarios du
passé et inciter l’autre à nous traiter comme nous l’avons été, ou lui faire payer des déceptions
passées.
Nos premières expériences ont créé des connexions cérébrales, des sensations, des
émotions, des liens et des pensées qui sont comme le tissu de notre manière de percevoir la
réalité et de l’aborder. Le passé est donc toujours là.
Si votre père ne s’intéressait à vous que pour vos résultats scolaires, il vous sera
probablement très difficile de sentir la singularité de votre personnalité et de considérer que la
sécurité se trouve ailleurs que dans la réussite professionnelle. Allez-vous traîner toute votre vie
ce fardeau, ce casque cérébral qui vous colle la pression et vous focalise sur l’excellence et la

21
rapidité professionnelle, ou bien nettoyer ce sentiment chronique d’incompétence, de fragilité,
d’illégitimité peut-être, lié au discours d’un parent névrosé ou qui a eu le cœur brisé ?
En fait, tant que vous jouez à cache-cache avec certains de vos sentiments, vous pouvez être
sûr de perdre votre temps et de ne pas commencer à vivre. Tout le temps que nous passons à
maquiller notre vulnérabilité, nous ne l’employons pas à nous en délivrer. Nous nous adaptons
aux circonstances en craignant de rater des choses, mais en réalité, nous sommes… « à côté de
nos pompes ». Et nous l’acceptons !

Fausse image de soi


Joe Dispenza, chiropracteur de formation, auteur et conférencier, parle à ce propos d’écart
identitaire. Il y a, je le cite :
• « Qui nous semblons être : l’identité que je projette dans l’environnement extérieur ; qui
je veux que vous pensiez que je suis ; la façade ; l’idéal pour le monde. »
• « Qui nous sommes réellement : ce que je ressens ; qui je suis réellement ; comment je
suis intérieurement ; le soi idéal5. »
Il poursuit : « Pourtant, [ce que nous pensons être] c’est différent de ce que nous sommes,
c’est-à-dire ce que nous ressentons sans la stimulation de notre réalité extérieure : la honte et
la colère causées par un échec matrimonial ; la peur de la mort […] ; un sentiment
d’incompétence dû à l’insistance d’un parent sur le perfectionnisme […] ; une préoccupation
nourrie par la pensée de ne pas avoir le bon type de corps physique pour présenter une certaine
image au monde. C’est ce genre de sentiments que nous voulons cacher. Voilà pour- tant qui
nous sommes réellement, le vrai soi qui se dissimule derrière l’image que nous projetons12. »
Comme Joe Dispenza, je suis absolument convaincue qu’il ne faut pas se mentir à soi-même.
Il faut essayer de se dire le plus souvent possible : « Bon, sur quoi est-ce que je me
raconte des bobards ? Qu’est-ce que ceci ou cela me fait et qu’est-ce que je décide ? »
Sans quoi nous ne décidons rien de façon adulte et auto- nome, nous ne faisons que réagir
en surface, coûte que coûte, pour « sauver les meubles ». Il ne faut pas se leurrer en se réduisant
à ce que nous voulons paraître. Il ne faut pas se ratatiner dans un rôle. Seule l’acceptation de
notre histoire et de notre palette émotionnelle peut nous rendre la joie et le sentiment de
continuité et de cohérence, mais aussi un réel respect de soi et une véritable volonté, quelles

5 Joe Dispenza, op. cit., p. 165.

22
que soient les épreuves.
Le vernis que nous nous efforçons de préserver peut devenir chronophage et
paradoxalement entretenir une mauvaise image de soi, car nous ne sommes pas stupides, nous
sentons bien le désaccord et la frustration. Pourtant nous fuyons ce que nous ressentons
vraiment, car cela nous effraie alors que c’est toujours la voie vers une évolution, une évolution
vers un moi cohérent, harmonieux, capable de supporter certaines frustrations.
Nous pensons que nous n’avons pas le choix ou que c’est la meilleure stratégie qui soit.
Comme nous avons besoin d’être aimés et de nous sentir en sécurité, nous sacrifions le contact
avec la réalité de ce que nous sommes vraiment à un instant T, et nous commençons à nous
contorsionner sans même nous en apercevoir et à nous satisfaire de relations parfaitement
toxiques, ou stériles, ou fausses, dans lesquelles nous-mêmes sommes parfaitement faux.
Comme cela n’est pas satisfaisant, nous surinvestissons des satisfactions annexes (réussite,
satisfactions matérielles, etc.) en parvenant à nous faire croire que cela a du sens, que c’est
super motivant, qu’on mord dans la vie à pleines dents et qu’on s’éclate. En fait, si on fait un
arrêt sur image et qu’on prend de la hauteur, on s’aperçoit que Guignol en gendarme, à côté,
c’est beaucoup plus crédible ! Et nous repartons illico, sourire Colgate et iPhone en main, vers
nos incessantes conquêtes, vers nos esclavages fabriqués, de plus en plus robots et de moins en
moins présents. Nous devenons « chiants et superficiels », comme me le disait un patient à
propos de ce qu’il se sentait être devenu, au lieu d’être pro- fonds et drôles comme les enfants.
Agrippés à un personnage que nous poussons devant nous pour fuir notre sentiment de
vulnérabilité, d’incompréhension, de colère, d’angoisse ou de haine, nous nous heurtons les
uns aux autres ou nous nous évitons. Et nous nous persuadons que nous sommes vraiment ce
que nous voulons être, que nous sommes vraiment à notre place. De toute façon, nous sommes
bien trop débordés pour nous pencher sur ce genre de questionnement existentiel.

Redonner du sens à sa vie


Comme la plupart du temps nous voulons fuir notre mal-être, nous l’entretenons et
devenons dépendants de gratifications extérieures. Ce qui devient de plus en plus épuisant.
Car au fond, ce qui différencie l’homme des autres mammifères, ce qui lui donne de l’énergie,
c’est que sa vie ait un sens. D’où l’importance d’un lieu pour parler vrai sur soi, car il ne s’agit
pas de s’obliger à le dire à tout le monde, tant il est fatigant de devoir se justifier ou écouter les
conseils de proches dont les interprétations – et pour cause, ils ne sont pas là pour nous aider
à guérir – sont souvent très projectives. Quand nous commençons à évaluer la quantité
d’énergie dépensée en réaction à des expériences antérieures, nous réa- lisons que nous ne
sommes pas en possession de notre vie et que cela nous attache émotionnellement au passé.

23
Alors que nous pourrions investir cette énergie dans la création d’une nouvelle réalité,
différente du passé, ce qui nous permettrait non seulement de le vaincre mais d’évoluer.
Nos pensées suscitent en nous un état émotionnel, et nos croyances une attitude
correspondante. Nous attirons donc des situations qui répondent à cet état. Par exemple, si,
lors d’un examen, vous avez tellement peur d’échouer que vous êtes paralysé et inhibé, pensant
que le jury est contre vous, vous réussirez probablement beaucoup moins bien ce concours de
piano remporté par un candidat qui, après avoir travaillé dur et passionnément chez lui, a lâché
prise et s’est laissé aller au plaisir de jouer sans se demander ce que les autres en pensent.
Nous croyons que la réalité objective suscite des pensées et des émotions en réaction à ce
qu’elle est, en venant à oublier que c’est l’esprit subjectif qui crée la réalité objective. C’est
l’intuition d’une autre vérité qui a poussé Galilée et Copernic à découvrir autre chose. Si le
médecin William Harvey n’avait pas écouté son esprit, lui disant que le sang retourne peut-être
au cœur, nous ne serions pas aujourd’hui capables de com- prendre la réalité de la circulation
sanguine. Les vérités d’une époque ne sont pas la réalité tout entière et l’esprit subjectif possède
les images qui lui indiquent de nouvelles découvertes. Tant que nous restons au garde-à-vous
devant la réalité immédiate de notre corps et de notre environnement, nous ne développons
pas notre conscience, nous restons dans l’adaptation pure, l’agitation, le stress et la passivité
intérieure.

Intuition, visualisation et méditation


À l’échelle collective ou personnelle, affective ou professionnelle, notre esprit, notre état
émotionnel et nos convictions attirent un certain type d’expériences et de relations qui en
résultent, que ce soit en positif ou en négatif.
Lorsque nous apprenons à conduire, le moniteur nous répète de ne pas regarder l’obstacle
ou le milieu du virage mais la sortie. Ceci est valable pour tout. Lorsque vous souhaitez avoir
un enfant, vous ne regardez pas les inconvénients de la grossesse, vous rêvez au bébé que vous
aurez avec votre bien-aimé(e).
Autrement dit, on crée ce que l’on craint.
Par conséquent, nous avons le pouvoir de reprendre la main sur la réalité en développant
l’intuition, la visualisation et la méditation pour modifier l’état présent, comme cela se fait
avec les sportifs de haut niveau ou dans des situations de maladie. Rien d’extraordinaire là-
dedans, il s’agit simplement d’utiliser le potentiel de nos neurones pour créer d’autres
connexions, si l’on veut une explication neurologique, ou encore se mettre dans une autre
fréquence énergétique, si l’on préfère parler en termes quantiques. Cela fait toute la différence

24
entre « survivre et subir » et « choisir et créer ».
Lorsque nous sommes dans la peur, l’adaptation, nous activons les circuits de stress et de
survie, nos taux de cortisol sont élevés, l’organisme récupère moins bien et reste dans un état
inflammatoire, les intuitions ou la créativité ne peuvent venir. Nous faisons fuir ce qui est bon.

Résumons
L’être à les émotions à les pensées.

Les pensées à les actions à une nouvelle réalité


personnelle.

Quand nous sommes dans le désir, nous sommes plus forts que les contraintes présentes,
elles n’ont pas eu raison de nous, notre corps respire paisiblement, il n’est pas entièrement
happé par l’adaptation, et nous restons vivants, attirant ce que nous voulons sans être dans
l’attente, la peur ou l’espoir. Comme le montre Joe Dispenza : « Un nouvel état d’être crée une
nouvelle personnalité… et une nouvelle personnalité produit une nouvelle réalité personnelle.
» Il ajoute : « On ne peut entretenir des pensées différentes de nos émotions et s’attendre à un
changement. La combinaison de nos pensées et de nos émotions constitue notre état d’être.
Changez votre état d’être et vous changerez votre réalité6. »
C’est pourquoi je dis à mes patients, lorsqu’ils sont pressés :
« Regardez ce que vous voulez, pas ce dont vous ne voulez pas. En revanche, observez
attentivement toutes les pensées, attitudes, émotions et actions qui vous éloignent de la
personne que vous seriez si vous viviez cela. Tant que vous vous coulerez dans le désir des
autres, au lieu de vivre votre rêve, votre vie sera un cauchemar et vos relations seront violentes
et décevantes. »

6 Joe Dispenza, op. cit., p. 157

25
Exercice
Pour identifier vos pensées et émotions négatives, observez-vous simplement sans
vous juger.

• Notez quel est votre état d’esprit spontané au réveil, s’il varie ou s’il est
toujours le même. Vous allez peut-être découvrir au passage que vous traînez une
sale fatigue et qu’il serait temps de voir un naturopathe et de songer à votre vitalité
qui, lorsqu’elle est en berne, vous pousse vers les idées et les émotions négatives.
• N’oubliez pas que le moi toxique se niche dans le corps et que votre corps est
la maison de votre cœur et de votre esprit.
• Donnez-lui du repos, pas seulement des contraintes esthétiques, si agréables
soient-elles à court terme pour le moral.

26
Module 4
SE LIBERER DE SON CORPS TOXIQUE
Le moi toxique se loge dans un corps imbibé de stress et de peur à un âge où
l’insouciance est essentielle à la mise en place des défenses immunitaires, au développement
cérébral, à la croissance, à l’installation des rythmes entre système d’activité (concentration,
tension musculaire) et de repos (digestion, sommeil), puis des rythmes pubertaires.
C’est l’âme et le cœur de l’enfant qui sont agressés, sa perception du réel, son
apprentissage des limites et des relations, mais aussi la vitalité de son corps : on connaît les
liens entre immunité et relations de tendresse. Les douleurs des patients ne sont pas que
des émotions refoulées, mais aussi la résultante d’un corps si apeuré qu’il a parfois suffoqué
au lieu de s’oxygéner. Quand on a connu cela, il faudra travailler sur le corps, car même en
prenant conscience des défaillances parentales, la différence est la même qu’entre un corps
ayant grandi dans l’air sain de la montagne et un organisme qui se serait formé dans la
banlieue de Tchernobyl.
Par conséquent, ce ne sont pas seulement vos pensées qu’il faudra modifier, comme le
dit Joe Dispenza, il faudra aussi transcender le corps et lui offrir autre chose. Rien de mystique
ou d’inaccessible dans cette notion de transcendance. Il s’agit simplement de l’élévation du
corps par- delà les séquelles du passé. « Simplement » ? Oui, la route est longue, j’en sais
quelque chose. Mais cela se fait en identifiant les sensations liées au parent toxique. Par
exemple, le cou et les épaules qui se tendent, les yeux qui brûlent, les jambes qui se dérobent,
la gorge sèche, ou encore des diarrhées et des nausées. Personne ne pourra vous dire que
vous exagérez. Votre corps sait (votre corset, dirait un lacanien) ce qui va s’abattre sur vous.
Vous verrouillez votre dos contre les insultes, vous ne pouvez rien garder, ou vos oreilles
vous brûlent, vos mâchoires se serrent, et quand vous vous couchez, vous avez des décharges
nerveuses et des sueurs froides.
L’étayage corporel, la respiration, la relaxation accompagnée, la réappropriation de
son alimentation et de ses envies corporelles vont être la clé pour s’extraire d’une
mentalité mortifère et aller vers la vitalité et le bonheur. Sans quoi vous arriverez peut-
être à ne plus voir vos parents, mais vous vivrez toujours la même relation avec vous-
même et le monde extérieur.
C’est à vous de faire le chemin.

27
PRENDRE SOIN DE VOTRE CORPS
Nous avons vu précédemment en quoi les expériences, les émotions et les pensées
s’impriment et s’expriment dans notre corps. Se libérer de notre ennemi intérieur demande
un travail corporel et pas seulement mental.
De même que nous nous servons du corps pour modifier notre état mental (alcool,
sport, nourriture visant à augmenter notre énergie ou à nous calmer), nous pouvons
passer par le corps pour accroître notre lucidité, et, inversement, utiliser notre esprit pour
transformer notre corps. Les interactions sont constantes et bidirectionnelles.

La conscience part du corps


La conscience de soi naît des soins corporels mère-bébé. Les soins du corps
représentent un mouvement de récupération et de repli narcissique, puisque notre
premier contact avec la vie a consisté en bains, changes et soins divers. Notre première
relation à autrui s’est constituée autour des soins de santé et de bien-être.
Être excessivement préoccupé de son bien-être corporel ou de son apparence est
donc une manière de se rassurer, particulièrement dans une société qui en est obsédée,
mais négliger sa santé et sa vitalité, c’est négliger la maison de notre âme. Prendre soin
de son corps, comme une mère est attentive à l’équilibre corporel de son bébé, c’est
donner à son esprit des conditions agréables d’existence.
Nous créons et pensons mieux lorsque nous sommes en bonne santé, même si la
maladie, en tant que crise, peut être l’occasion d’une prise de conscience.
« En vérité, le corps est le serviteur de l’esprit. Il s’ensuit que si le corps est devenu l’esprit, le
serviteur est devenu le maître7 », résume Joe Dispenza. Dans Découvrez vos super- pouvoirs chez
le psy, j’explique à quel point il est important d’écouter les signaux de son corps. Pour
régler nos points faibles et soutenir notre immunité, il ne faut pas hésiter à lui consacrer
du temps, de l’énergie et de l’argent.
En effet, lorsque notre vitalité est en berne, nous passons à côté de nombreuses
opportunités, nos idées sont plus confuses, nous perdons notre joie de vivre et notre idéal,
ce qui crée des problèmes relationnels et des impasses en termes de réalisation. Prendre
chaque jour soin de son corps, sans obsession hygiéniste mais avec joie et bienveillance,
veiller aussi à diversifier ses plaisirs (voyages, sport, sexe, repas, culture…), cela permet

7 Joe Dispenza, Rompre avec soi-même, op. cit., p. 71.

28
d’éviter d’en arriver à devoir consommer antibiotiques et/ou antidépresseurs qui perturbent
l’équilibre prodigieux que notre corps est capable de maintenir si nous l’y aidons un petit
peu. Loin de moi l’obscurantisme consistant à dire que les découvertes de la chimiothérapie
sont néfastes.
Mais dans de nombreux cas, nous pourrions nous en passer. Qu’il s’agisse de la santé de
l’individu ou des finances publiques, nous aurions tout intérêt à entretenir notre terrain et nos
capacités naturelles de protection contre les maladies plutôt qu’attendre la crise et devoir
recourir à des traitements coûteux pour la Sécurité sociale comme pour notre méta- bolisme
hépatique. La nature est notre mère : puisez-y vos ressources en premier lieu. Vous serez
émerveillé.

Les émotions structurent notre cerveau et se logent dans notre ventre


Que savons-nous aujourd’hui, grâce à l’avancée des neuro- sciences et des recherches,
sur le rôle de l’intestin ? Que le ventre est notre deuxième cerveau (on pourrait dire notre
pré-cerveau). Dans l’intestin se joue la synthèse des neuromédiateurs qui conditionnent
notre état émotionnel (voir plus loin l’encadré sur les principaux neuromédiateurs).
Lorsque je travaillais avec l’institut Montsouris et le service de gastro-entérologie de
l’hôpital Saint-Louis, une étude longitudinale (le suivi d’une population représentative dans
le temps) nous a permis de constater le parallèle entre parasitoses intestinales (maladies
tropicales, par exemple) ou encore maladies inflammatoires chroniques intestinales et
troubles psychiques (dépression, pensées paranoïaques, etc.). De même qu’empoisonner ou
affamer quelqu’un modifie sa façon de penser, notre flore intestinale détermine notre
énergie, notre vitalité et notre humeur. Nous savons par exemple qu’une flore intestinale
fortement perturbée (dysbiose8, candidose9), tout comme une porosité intestinale23
majeure entraînant inflammations et perte de minéraux, joue sur le moral et l’humeur en
induisant une confusion mentale, puisque la synthèse des neuromédiateurs est perturbée,

8 La dysbiose est un déséquilibre de la flore bactérienne présente dans l’intestin, aussi appelée
microbiote. La candidose en est un exemple : elle correspond à la prolifération exagérée du Candida
albicans, une bactérie présente à l’état normal pour assimiler notamment les glucides, mais que
l’industrialisation de l’alimentation, la consommation fréquente d’antibiotiques et de sucre raffiné
font augmenter de façon pathologique à l’heure actuelle chez beaucoup d’individus. Elle entraîne
de nombreux troubles chroniques tels que la fatigue, des douleurs et un besoin accru de sucre.
9 La porosité intestinale est une altération de la muqueuse intestinale qui ne joue plus correctement
son rôle de filtre. Elle laisse passer les toxines dans l’organisme.

29
notamment celle de la sérotonine, notre antidépresseur naturel.
Or nous avons tendance à consommer des molécules chimiques liées à des excipients
à effet notoire (ce n’est rien de le dire), tels que le lactose, pour rétablir un bon moral.
Pourtant, il suffirait bien souvent d’améliorer l’état intestinal du sujet pour éviter une
surenchère. L’usage des psychotropes pourrait alors être réservé à des cas précis, à des
pathologies majeures ou aux suites immédiates de traumatismes extrêmes. On éviterait
ainsi les effets secondaires à long terme sur le cerveau, notamment en termes de
rétrécissement et de dépendance. Car il ne faut pas se leurrer : en modifiant l’activité ou
les réactions synaptiques, ces molécules modifient l’architecture cérébrale – c’est
d’ailleurs ce qu’on leur demande – mais laissent une empreinte durable sur le cerveau
qui s’est réorganisé autour de cette béquille. Or il se peut que votre humeur soit
dépressive de façon chronique parce que vous manquez de vitalité en raison
d’intolérances intestinales non identifiées.
Si vous prenez des antidépresseurs, des somnifères ou des anxiolytiques, vous vous
retrouverez avec deux problèmes, le second prolongeant le premier. Avant de consommer
des médicaments qui vont interagir avec votre équilibre global et solliciter exagérément votre
foie, il faut d’abord essayer de comprendre votre intestin, matrice de vos neuromédiateurs.
Un ami naturopathe me disait en souriant :
« La paix des ventres, c’est la paix dans le monde et dans les ménages. »
Si ce que je vous dis vous semble obscur ou douteux, imaginez que vous êtes prisonnier
et que pour vous déshydrater et créer un état d’angoisse, l’on vous prive de sommeil et d’eau,
d’air frais et de lumière. Vous réaliserez vite que votre moral est le reflet de votre état
corporel (et pas seulement l’inverse). Avez-vous les idées claires après trois nuits blanches et
une gastro ? Avez-vous une pêche d’enfer quand vous manquez de soleil depuis des mois ?
Non, bien sûr. Votre environnement intérieur est constitué par le passé et par votre corps.
Jour après jour, vous pouvez modifier l’information que reçoivent vos cellules et, par la
même occasion, cesser d’imaginer que les gènes décident in fine de votre destin. L’expérience
influence l’expression génétique. Si un traumatisme peut engendrer des mutations
génétiques, alors le positif peut inhiber l’expression de gènes défaillants. Si les gènes
contiennent le passé, à nous de faire du présent un passé qui poussera nos gènes vers un
futur heureux.

Quand le moi toxique se niche dans le corps


Si toute votre enfance, vous avez été amené à vous sentir coupable, inquiet, même

30
en voulant consciemment être heureux et positif, vos cellules et votre cerveau ont baigné
dans cette atmosphère. Et lorsqu’enfin vous vous détendez, cela crée une surprise,
presque un manque, et vous risquez de retourner inconsciemment vers des situations qui
vous ramènent au niveau de négatif précédent, parce que la nature a horreur du vide et
que le changement est perçu comme un danger, même lorsque le désir le plus sincère est
présent.
Voilà pourquoi je parle de détox. Nous sommes dépendants de nos vieilles émotions.
Nous les projetons sur de nouvelles relations et cela nous décourage peu à peu dans notre
lien à l’autre. Nous sabotons le lien avant de le créer. En outre, ce poison émotionnel stresse
notre corps : nous activons donc le code génétique dans sa version négative et nous entravons
les fonctions de réparation cellulaire.
Le moi toxique se niche dans le corps car l’immunité s’est constituée dans l’enfance
(atmosphère familiale, habitudes alimentaires), et les souvenirs ont marqué nos cellules
d’une information de « stress danger » ou au contraire de bien- être. Vous serez donc en mode
« survie et vigilance » ou au contraire « assurance et créativité », ce qui correspond à deux
biologies opposées au plan hormonal et à deux états d’esprits contraires.
Si vous avez été carencé en affection, votre cerveau émotionnel ne s’est pas développé
de la même manière que si vous avez fait l’expérience d’une base d’amour sécurisante. De
même, les mères qui, pour avoir la paix, dressent leur petit à la propreté de façon
intransigeante, par exemple en obligeant leur enfant à faire sur le pot à heures fixes, créent
des fixations à ce qu’on appelle le stade anal, avec des préoccupations hypocondriaques ou
des constipations chroniques.
Autrement dit, se libérer de son moi toxique exige de travailler sur son corps. Pour
certains, ce sera le yoga, pour d’autres la relaxation, pour d’autres encore la naturopathie
et une réadaptation de l’alimentation, ou la médecine chinoise. Mais le corps est notre
base de départ. Donc, bien que psycho- logue au pays du dualisme cartésien, j’ai toujours
l’habitude de dire : « Le corps d’abord », me référant à l’ouvrage10 du psychiatre et
psychanalyste Christophe Dejours.
Et la méditation est le seul moyen d’aller reprogrammer des engrammes corporels
dysfonctionnels. De fait, la méditation est l’outil ultime pour transformer ce sur quoi il
nous semble impossible d’agir, parce qu’elle modifie l’activité et les ondes cérébrales.
Parce qu’elle modifie les constantes bio- logiques, l’humeur, la concentration, la

10 Christophe Dejours, Le Corps, d’abord, Payot, 2001.

31
créativité, elle constitue l’outil le plus puissant pour « déconnecter » notre avenir des
influences négatives du passé.

Principaux neuromédiateurs

• Les principaux neuromédiateurs sont synthétisés dans notre intestin à partir


des acides aminés et des acides gras, c’est-à-dire de l’alimentation.
• La noradrénaline, « starter » de l’action, est synthétisée à partir d’un acide aminé,
la L-tyrosine, présent notamment dans la viande rouge, le café, le fromage.
• La dopamine, responsable de la motivation et de la fluidité de nos mouvements,
est synthétisée à partir de la L-dopa, que l’on trouve par exemple dans les œufs et les
aliments riches en vitamine B, d’où les tremblements et la dépression des patients
parkinsoniens ou alcooliques.
• La sérotonine est l’hormone du « bien-être ». Vous en synthétisez lorsque vous
consommez de la volaille, des agrumes, du chocolat, des glucides complexes. Miam ! Vive
le poulet rôti et un bon quatre- heures, puisque la sérotonine est en berne en fin d’après-
midi - ce qui explique le chagrin des nourrissons vers 18 heures. Pour éviter les fringales,
il est recommandé de consommer un goûter sucré, afin d’aider le cerveau à passer en
douceur de la sérotonine du jour à la mélatonine de la nuit.

EXPULSER LE HAMSTER DE SA CAGE : COMMENT FAIRE ?


Lorsque vous commencerez le bilan d’un domaine de votre vie ou que vous
méditerez sur une émotion, vous serez bombardé d’émotions négatives, de jugements, de
regrets, de culpabilité, d’agacement et vous serez tenté de ressasser des pensées anxiogènes
: ça, c’est le hamster qui tourne comme un fou sur sa roue. Le rongeur de notre esprit.
Vous savez, celui qui vous fait juste monter en pression sans rien proposer comme
solution. Et qui répète : « Qu’est-ce qu’il m’énerve, mais qu’est-ce qu’il m’énerve, c’est
insupportable » et puis « Je vais jamais y arriver, je vais jamais y arriver, je vais jamais y arriver ».
Vous venez de perdre trois précieuses secondes à vous doucher émotionnellement avec
du stress. Bon. Si ça vous fait plaisir, tout va bien ; mais si vous considérez qu’il vous

32
prive d’un tas de moments sereins et de votre tranquillité d’esprit en vous rendant
dépendant émotionnellement, il est temps de virer le rongeur.

Se concentrer
• Concentrez-vous sur le domaine de vie, l’émotion ou la situation que vous
voulez nettoyer.
• Respirez profondément, assurez-vous de ne pas être dérangé, et dites-vous :
« OK, je plonge là-dedans, je vais mettre tout ça au clair. »

• Si vous avez décidé de regarder la colère qui est en vous, imaginez que vous
êtes chez vous et que vous invitez votre colère à parler avec vous. Cette fois,
vous n’avez plus peur, vous n’êtes plus fuyant, méprisant ou complaisant envers
elle.
• Vous l’invitez à s’asseoir et vous lui dites : « OK, on ne s’est pas beaucoup parlé
toi et moi, mais je vois bien que tu veux prendre de plus en plus de place. Qui es-tu ? D’où
viens-tu ? Quand as-tu grandi ? Qu’est-ce qui t’a fait grandir, toi, ma colère ? »11
• Une fois les pensées et les émotions négatives visualisées, sorties au grand jour,
demandez-leur ce qu’elles ont à vous proposer de positif.

Lâcher prise ou accueil


C’est l’étape du lâcher-prise et de l’accueil. Certains l’appellent acceptation. Je
préfère parler d’accueil, car pour beaucoup acceptation rime avec résignation. Or il ne
s’agit nullement de se résigner, de se laisser envahir. Car pour transformer et faire grandir
quelque chose, ou un enfant, il faut commencer par l’accueil bienveillant de ce qui est.
Si vous rejetez ne serait-ce qu’un pour cent de vous- même, vous constituez un
ennemi intérieur. Qui s’exprimera en maladie physique, en troubles du comportement
alimentaire, en agressivité ou en échec. Il faut aimer et accueillir, sans pour autant
l’accepter, ce que l’on veut changer. Vous aimez votre enfant, cela ne veut pas dire que
vous n’allez pas l’accompagner avec détermination pour qu’il apprenne à se tenir debout,
puis à demander plutôt que prendre ou pleurer. Mais si vous rejetez un pour cent de
votre enfant, vous l’empêcherez de devenir honnête et solide. Vous en ferez quelqu’un
d’insécure et de peureux, obligé de manipuler.

11 Thich Nhat Hahn, Prendre soin de l’enfant intérieur, op. cit., p. 21. 133

33
Avec votre vécu intérieur, c’est pareil. Par conséquent, « la première fonction de la pleine
conscience est de reconnaître, et non de combattre.» Si difficile que cela soit, nous devons faire
corps avec ce que nous voulons connaître et comprendre.
Si vous ne dialoguez pas avec votre souffrance, vous allez la répéter.
La perpétuer et nourrir votre souffrance par des stratégies de fuite et de compensation
qui vous laisseront toujours insatisfait. En réalité, elles ne seront jamais que des actes
concernant cette souffrance, des réponses à cette souffrance, donc des actes tournés vers ce
que vous avez vécu dans le passé et non vers ce que vous êtes aujourd’hui dans le monde tel
qu’il est aujourd’hui.
N’ayez pas de regrets concernant le passé. Vous êtes aujourd’hui plus riche que vous ne
l’étiez hier, il ne peut en être autrement, quoi que vous ayez perdu.

Pourquoi c’est si dur de nous libérer de la souffrance ?


Le problème, c’est que nous ne voulons pas nous libérer de la souffrance. Nous voulons
garder notre rancune, notre chagrin, notre froideur ou notre dédain. Nous retirons des
bénéfices à être devenus des durs à cuire, convaincus que l’amour n’existe pas et que les
femmes ou les hommes sont méprisables et bons à être séduits puis jetés ou maintenus à
bonne distance. Ou, inversement, des hypersensibles à fleur de peau, car cela nous donne
une bonne raison de ne pas avancer, de nous plaindre ou de nous faire plaindre et prendre
en charge, ou simplement de rester collé à ceux qui nous ont fait du mal.
Or, quitter nos proches et briser l’énergie qui nous ramène vers eux (la rancune, la
soumission, etc.) s’avère extrêmement difficile car nous sommes des mammifères, c’est-à-dire
des êtres vivants dont la survie dépend du lien d’attachement. C’est pourquoi nous devons
nous enraciner en nous-mêmes et nous attacher à autre chose qu’à notre passé toxique, si
familial ou familier soit-il. L’empreinte de l’habitude est d’autant plus forte que des circuits
cérébraux se sont créés.
Si vous avez été maltraité ou soumis à des stress intenses dans votre petite enfance, le
développement de votre cortex orbitofrontal ou des circuits de récompense a été perturbé,
ce qui conduit naturellement à des addictions ou des difficultés de mémoire et de
concentration, ou encore d’endormissement. Mais nous n’avons pas d’autre choix si nous
voulons interrompre rapidement et définitivement les souffrances inutiles. Si nous ne
rompons pas avec ce qui nous a intoxiqués, nous devenons des générateurs de négativité
pour nous-mêmes ou pour autrui. La souffrance fait partie de la vie, mais ce n’est pas une
raison pour entretenir ou accepter celles qui peuvent être pulvérisées.

34
Agir en pleine conscience
Agir en pleine conscience et accueillir le négatif est le contraire de se laisser aller à
la déprime, à la rage, ou à une fuite en avant qui consiste à faire l’autruche pour
accumuler encore plus de regrets à l’avenir. Il n’y a qu’en approchant le négatif que vous
pourrez mettre du positif et de la lumière dans les zones sombres de votre vie.
Visualisez ce que vous désirez et cela neutralisera la peur, comme un bon
antibiotique émotionnel. Le hamster va être instantanément privé de carburant. Vos
surrénales (les glandes qui réagissent au stress) vous diront merci. Et sans vous en rendre
compte, votre visage, vos yeux seront souriants, ensoleillés, confiants, ce qui vous rendra
attirant et non pas inquiétant ou glacial.
Méditer nous permet de prendre de la hauteur, de considérer que ce qui a été nous
a appris des choses – et qu’il n’est pas forcément négatif que c’en soit fini. C’est remplacer
les jugements et les certitudes par des questions. Mais c’est aussi remplacer les doutes par
des questions.
Si les questions sont ouvertes, les ruminations nous enfer- ment et envoient des
signaux négatifs à notre corps, ce qui accroît notre découragement puisque la fatigue
anéantit la joie de vivre. Car le hamster ronge et décourage. Il envoie du stress oxydatif à
nos cellules, ce pourquoi nous avons besoin de consommer du sucre ou de l’alcool pour
relâcher la tension. Le hamster se nourrit de la peur et nos peurs nourrissent le hamster.
Virer le hamster de la cage par la méditation, c’est donc remplacer le terme échec par le
terme expérience.

35
Module 5
L’ÉTAT DES LIEUX
Faire un état des lieux est extrêmement bénéfique pour éviter le « mur » de la crise du
milieu de vie. Cela réclame une disponibilité à soi-même que vous trouverez pour les uns
dans le cabinet d’un psy, pour d’autres en partant une semaine en vacances faire de la
randonnée avec des inconnus, pour d’autres encore en partant seul une ou deux fois par an.
Ou même en faisant les trois, en fonction des périodes de votre vie.
Le contact avec la nature et l’éloignement du quotidien permettent de rapatrier
l’énergie et l’attention orientés sur le faire vers le point où vous en êtes, vos besoins, votre
état du moment, et de mieux vous entendre en faisant taire le brouhaha de la routine. Mais
vous ne ferez pas en une journée le bilan de votre vie. Il est donc préférable de choisir une
question dans un domaine précis. Par exemple, vous partirez quelques jours tout seul au
bord de la mer ; vous vous adonnerez à votre sport favori et vous ferez des grasses matinées
en ayant simplement en tête, non comme une obsession mais plutôt comme un thème : «Où
est-ce que j’en suis et qu’est-ce que je veux sur le plan professionnel ? » Ou encore, comme une de
mes patientes partie faire une semaine de randonnée avec un organisme de voyage : « Cette
semaine, j’observe sans réfléchir tout ce qui me vient concernant mes relations avec chaque membre de
ma famille. » Un carnet, une paire de chaussures, et vous verrez que la nature, de douces
méditations et des nuits pleines de rêves font un sacré travail de mise en lumière. Vous ne
rêvez pas. Ça va venir !
Dans le cabinet d’un psy, vous serez plutôt invité à dire tout ce qui vous vient à
l’esprit sans rien essayer d’organiser. Si vous faites le bilan seul, vous trouverez ci-dessous,
au risque d’être peu poétique, quelques idées de questions pour vous aider à guider votre
réflexion.
Si les contraintes vous empêchent de partir, prenez un temps pour vous seul, chaque
semaine, durant lequel vous irez vous asseoir dans un café ou un jardin avec un carnet
pour poser les choses par écrit. Votre esprit va prendre les rênes et vous y verrez plus
clair.

LE BILAN DE VOTRE PERSONNALITE


Demandez-vous qui vous voulez être. Cela peut sembler idiot, mais nous faisons
rarement un raisonnement dans ce sens. Nous pouvons nous torturer des années à ne
pas nous aimer, d’autres à essayer de fuir toute question, alors qu’en fait il suffirait de se

36
donner le droit de se poser une seule question : « Qui est-ce que je veux être ? » Ce n’est
pas une démarche artificielle ou schizophrène. C’est seulement utiliser son libre arbitre
et son pouvoir humain pour diriger sa vie, malgré tout ce qui nous détermine. Avoir
clairement et précisément en tête l’homme ou la femme que vous voulez être va vous
indiquer ce qui doit sortir de votre vie et ce qui doit y entrer. Les frontières entre vous,
les autres, et les rôles que vous jouez seront plus nettes.
Quand vous allez commencer à nettoyer votre personnalité, ne vous jugez
pas.
Ne vous critiquez pas. Soyez calme et bienveillant envers vous-même. Vous
pouvez être fier et confiant. Il n’y a pas d’échec possible. Vous vous remettez
en question, pour le meilleur, et c’est un outil génial.
Imaginez que vous venez d’acheter une maison pour laquelle vous avez eu un coup de
cœur, mais on vous dit que c’est une folie parce qu’il y a tout à refaire. Vous seriez plein
d’entrain, d’inquiétude et d’excitation, puis vous prendriez les choses les unes après les
autres. La toiture, puis l’électricité, etc. Alors ne vous en faites pas. Personne ne vous
demande de changer ou ne vous met la pression. Vous avez décidé de faire ce travail
personnel comme vous ouvririez grand les fenêtres : pour mieux respirer. Vous allez
continuer à assumer le quotidien, mais simplement, dans un moment de solitude, vous vous
demanderez :
• Qu’est-ce que je ferais si j’étais plus audacieux et plus futé ?
• Que ferais-je si je ne doutais pas de moi ?
• Qu’est-ce que j’aimerais changer en moi ?
• Qu’est-ce que je me force toujours à être ?
• Qu’est-ce que je ne me permets jamais d’être ?
Vous allez vous projeter dans votre vie et votre personnalité optimales, celles qui vous
rendent heureux, donc indépendant, énergique, équilibré et pacifique.
Votre personnalité, vos attitudes actuelles vont vous apparaître comme les seuls
responsables des barrages, freins, impasses, contradictions et incohérences qui vous gênent
pour avancer. Vous n’allez plus être surpris de ce qui vous arrive. Vous allez décider d’être
cohérent. Calme, déterminé et cohérent. Et vous allez poser les décisions, les paroles et les
actes les uns après les autres, comme autant de pierres pour reconstruire votre nouvelle
maison.
Mais d’abord il faut arracher les mauvaises herbes. Vous allez identifier ce qui vous

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intoxique dans votre personnalité. Par exemple, les imitations de modèles appris, qui vous
font être quelqu’un d’autre que vous-même. Car cela vous fait faire de mauvais choix ou
éviter de belles opportunités. Et cela vous rend, par « effet papillon », sûrement moins bon
pour autrui que vous ne pourriez l’être naturellement et sans effort.
Vous pouvez penser à des situations où vous vous sentez pleinement vous-même et
à des rôles dans lesquels vous vous épanouissez, en essayant de savoir pourquoi. Est-ce
parce que les autres me renvoient une bonne image de moi – c’est socialement gratifiant
–, ou est-ce parce que lorsque je fais cela je vibre d’amour, je me sens vivante et remplie
de chaleur et de lumière ? Est-ce que je m’éclate quand je transmets des choses à mon
enfant, ou est-ce que je dois jouer à la maman parfaite (et donc lui demander de jouer à
l’enfant parfait), prononçant des phrases toutes faites pour arriver à faire le job ? Ce que
j’écris peut vous choquer, mais la langue de bois avec soi-même aboutit à des catastrophes,
et c’est pour cela que je m’exprime de façon assez directe. Si vous voulez vraiment avoir
la vie dont vous rêvez, vous avez besoin de vous dire la vérité.
Pensez ensuite à des gens dont vous aimez la personnalité.
• Qu’aimez-vous chez eux ?
• Leur flegme ?
• Leur énergie ?
• Leur charisme ?
• Leur capacité d’adaptation ?
• Leur refus du compromis ?
• Leur indépendance ?
• Leur humour ?
• Leur bienveillance ?
Cette méditation active permet de découvrir que vous pouvez être qui vous voulez,
même si des frustrations et des contrariétés vous poussent vers les aspects sombres de
vous-même. En étant celui que vous avez envie d’être, même si toutes les conditions ne
sont pas réunies, vous allez attirer les situations qui correspondent à cette « version »
idéale de vous-même. Vous êtes plus fort que les circonstances, car votre bonheur
intérieur vous rend joyeux et souriant, même si tout le monde est morose. Le négatif n’a
pas plus d’emprise que cela sur vous. Vous avez préservé, à l’heure de la téléréalité et de
Facebook, une intimité émotionnelle, un jardin intérieur où vous faites pousser de beaux
arbres. Un espace où vous vous sentez bien dans vos baskets, allégé. Maintenant que vous

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avez identifié où se loge votre moi toxique, et quelle personne vous avez envie d’être, vous
n’allez plus répondre aux expériences de la même manière.

LE BILAN PROFESSIONNEL
Le plus simple est de vous rappeler ce que vous vouliez faire quand vous étiez
adolescent, ou de retrouver une image que vous aviez de vous petit quand vous vous projetiez
à l’âge adulte. Il y en a certainement une, derrière les archétypes du pompier ou du président
de la République.
Ensuite, prenez votre CV. Peut-être n’y a-t-il pas de rapport entre ce que vous vouliez
faire et ce que vous faites. Par exemple, vous rêviez d’être reporter et vous travaillez dans la
finance. Ne vous laissez pas aller à la rancœur, au découragement ou à la culpabilité.
Le détour était probablement nécessaire à la consolidation de certaines forces, à la
maturation de votre rêve. La vie est faite de cycles et on ne peut pas brûler les étapes. La
période de l’adaptation sociale précède celle où l’on fait passer avant le reste ses vraies envies.
Nous avons besoin de trouver notre autonomie financière, même si cela passe par des études
et un travail qui ne nous passionnent pas toujours. Il faut une cer- taine confiance en soi
pour vivre de sa passion, une confiance que nous n’avons pas toujours à 25 ans, ou que
nous ne pouvons écouter, pour des raisons financières.
Ainsi, une avocate qui avait beaucoup travaillé dans de gros cabinets a pu saisir, comme
nombre de jeunes mamans, l’arrivée de la maternité comme le « bon moment » pour enlever
son costume, utiliser ses connaissances juridiques et réaliser son rêve, plus adapté à une vie
de maman, d’être à son compte comme professeur de méditation et de yoga.
De nos jours, la vie professionnelle n’est plus linéaire, du fait des conjonctures
économiques et de l’allongement de l’espérance de vie. Nous aurons tous plusieurs métiers,
alors que nos grands-parents pouvaient passer toute leur carrière dans un ministère ou une
banque.
L’expatriation du conjoint, qui fait que l’on démissionne et que l’on va ouvrir un
restaurant au Canada, un cancer qui dit « stop » et nous incite à développer une activité
artistique laissée de côté à 40 ans… Une fois que l’on a « payé » son tribut à l’adaptation,
vient le cycle de l’« individuation », où nous parvenons à faire ce qui nous correspond.
Nous avons des contacts ou assez d’assurance pour créer un nouveau réseau. Il n’y a pas
de « trop tard ». Les « pas encore » ne sont pas des « jamais » et la frustration ou l’attente
sont souvent une forme de gestation.
Libérez-vous du moi toxique qui vous noie dans le découragement. Un congé de

39
formation, un bilan de compétences, une année sabatique, un congé parental,
l’expatriation du conjoint… : il existe beaucoup de moyens de transition. Now is the good
time!

Exercice
Vous pouvez aussi compléter les phrases suivantes :
• Dans un an, je voudrais être…
• Le jour de ma retraite, je voudrais pouvoir me dire que…
• Je serais deux fois plus épanoui dans mon travail si…
• Je ne veux plus…

LE BILAN DE VOTRE VIE SENTIMENTALE


Le bilan est à la fois une prise de conscience du passé et une préparation du futur.
Si vous êtes dans une relation de longue durée, engagé par le mariage, cela ne vous
conduira pas nécessairement à la séparation, mais à modeler la relation vers plus
d’échanges ou des échanges différents. Vous allez ainsi enrichir votre couple, approfondir
votre sexualité et vous épanouir sans conflit.
Le bilan se fait donc en deux temps. Établir votre « CV amoureux » va vous permettre
de comprendre ce que chacune des relations passées vous a apporté et retiré. Faites-le depuis
votre premier amour même s’il vous semble sans importance. Les amours de jeunesse se
vivent avec une grande richesse d’imaginaire et de fantasmes et sont très importants pour se
comprendre. Ils nous ont formés à la relation. Et les premiers chagrins ont parfois déformé
l’image de soi. Il ne faut pas les minimiser, même et surtout si votre mère s’est moquée de
vos premiers désarrois.
Vous pouvez vous poser les questions suivantes :
• Qu’est-ce qui m’a enrichi dans chacune de mes relations précédentes ?
• Qu’est-ce que je cherche en vain, et est-ce à un partenaire amoureux de me
l’apporter ?

40
Ce questionnement vous permettra d’accepter le transitoire et de laisser mourir ce qui
devait mourir. Une relation n’est pas là pour rendre heureux, elle est là pour rendre
conscient et échanger des choses. Chaque personne que nous aimons a une fonction dans
notre vie comme nous avons une fonction dans la sienne. Ce qui importe, c’est de
l’expliciter, d’en être conscient. Sinon nous sommes dépendants, aveuglés ou
manipulateurs. Le bilan permet de comprendre la fonction de chaque relation passée. Et de
faire grandir et évoluer la relation actuelle, ou en tout cas de se préparer par l’élagage
intérieur au bon choix et non à une nouvelle déception. Il est extrêmement important de
ne pas faire l’autruche et de s’avouer que, peut-être, les relations précédentes ont échoué
tout simplement parce que nous ne nous aimions pas assez nous-mêmes, ou encore parce
que nous n’avions pas envie d’être en couple mais que nous ne l’assumions pas socialement.
Certains patients trouvent difficile d’assumer, dans leur environnement familial ou
amical, qu’ils n’ont aucune envie actuellement d’être en couple ; d’autres ont du mal à
admettre qu’ils ont envie d’être en couple alors qu’ils prétendent préférer la solitude parce
qu’ils ne sont pas guéris du passé.
Entre chaque relation, il y a un temps de deuil nécessaire. C’est ce qui provoque des
tensions chez ceux qui se rencontrent alors qu’ils sont déjà en couple. Il est très difficile
de faire en même temps un mouvement de séparation et un d’attachement. D’un côté,
la nouvelle rencontre peut aider à dégager le passé. D’un autre, le nouveau partenaire se
prend dans la figure tous nos préjugés négatifs ou nos suspicions sur la relation homme-
femme.
Personnellement, j’ai un peu tendance à penser qu’il faut faire une détox
sentimentale entre deux relations.
Pour se retrouver soi, ne pas se perdre et ne pas faire porter à l’autre nos casseroles.
Mais on n’est pas toujours dans le contrôle et il y a des « rencontres-transitions » qui nous
per- mettent de passer d’une phase de notre existence à une autre. Ce n’est pas bien ou
mal. C’est ainsi. Tout ce qui importe, c’est de respecter l’autre.
Le temps vient où une relation affective stable est souhaitable pour la majorité
d’entre nous. Papillonner sans cesse laisse sur sa faim et n’améliore ni l’image que l’on a
de soi, ni celle qu’on a de l’autre. On dépense de l’énergie dans ces liens sans substance.
À terme, la plupart des êtres humains ont besoin d’un lien d’attachement privilégié et
qui dure plusieurs années avec un autre adulte. Pas par faiblesse. Mais parce que
l’échange avec une personne qui nous convient, à la fois suffisamment proche et
suffisamment complémentaire de soi, permet d’exprimer des aspects de notre
personnalité qui restaient en friche et avaient envie de s’exprimer – je ne parle pas

41
forcément de la maternité ou de la paternité.
Ne vous jugez pas en observant votre vie affective. Oui, les ruptures sont difficiles, mais
elles sont souvent nécessaires pour mûrir et exister. Il y a plus de couples qui durent pour
de mauvaises raisons que de séparations injustifiées. Bien sûr, toute séparation est difficile.
Se séparer est toujours le constat d’une fin, avec le sentiment que l’on a investi de l’énergie
dans quelque chose qui ne le méritait pas. Mais ne vous jugez pas. Vous en tirerez la
signification en observant. Le chemin se fait en marchant. Et en matière de relations
amoureuses, la route est parfois longue pour trouver celui ou celle aux côtés de qui on peut
être soi.
Et de répondre aux questions suivantes :
• Ai-je eu la sensation d’être une femme ?
• Ai-je eu la sensation d’aimer ou d’être dépendante ?
• Qu’ai-je appris sur moi ?
• Qu’ai-je appris sur la relation ?
• Qu’en ai-je tiré de positif ?
• Qu’est-ce que j’ai perdu avec cette relation (joie de vivre, confiance en moi,
confiance en l’homme, tranquillité d’esprit, etc.) ?

Se poser les bonnes questions


Dans un deuxième temps, vous allez préparer votre chemin en vous posant certaines
questions. Vous sortez de l’adaptation immédiate à la relation actuelle et vous allez expliciter
ce que vous recherchez quand vous êtes dans un lien amoureux. C’est-à-dire vos besoins et
vos désirs actuels, et non plus l’idéal que vous avez forgé à travers les modèles du passé.
Même si le couple de vos parents dure depuis la fac, vous n’êtes pas forcément fait pour cela,
ou vous n’avez peut-être pas rencontré la personne qui vous donne envie de passer toute
votre vie avec elle.
Pour la rencontrer, quoi qu’il en soit – si tel est votre souhait –, vous devez d’abord
pouvoir répondre à certaines questions :
• Comment serait la relation idéale ?
Vivrait-on ensemble, ou pas ?
Qu’est-ce qui est essentiel pour moi : les voyages ? la vie sociale ? l’indépendance ?
les projets communs ? la complicité ? le soutien mutuel ? avoir des enfants ? partager

42
les mêmes valeurs ? La même vision de l’existence ?
Quelle place prend émotionnellement (pas intellectuellement) la sexualité pour
moi ? Est-ce que c’est vraiment important ? Est-ce que je réalise que l’alchimie
physique influence beaucoup mes sentiments ? Est-ce que je peux être bouleversé
par un rapport sexuel ? Etc.

• Quelles sont les qualités essentielles pour moi chez un partenaire ?


Ai-je besoin de l’admirer intellectuellement ?
Ai-je besoin qu’il (elle) soit indépendant(e) ? tendre ? responsable ?
Ces qualités ne sont pas celles que vous croyez devoir rechercher, mais ce sont
pourtant celles qui font que vous vous sentirez bien dans la relation, aujourd’hui,
avec vos blessures et vos désirs, c’est-à-dire en sécurité et libre à la fois.

Recevoir ce dont on a besoin


Il ne s’agit pas de faire un portrait-robot, car la vie nous sur- prend toujours, mais de
parvenir à savoir ce qui pour vous constituerait une impasse (l’infidélité pour les uns, la
possessivité pour d’autres, la radinerie ou le manque d’élégance, etc.) En revanche, si
vous visualisez les qualités indispensables d’un futur partenaire, vous serez surpris de
constater que vous rencontrez enfin, comme par hasard, une personne qui vous
correspond. Parce qu’en réalité, vous avez clairement émis cette intention.
Cela m’est arrivé sur le plan sentimental et sur le plan de l’amitié. J’ai toujours reçu
ce dont j’avais besoin au moment où j’étais enfin prête à le recevoir et à l’accepter, sans
peur d’être déçue ou de perdre le contrôle en m’attachant à un homme. Pour cela, nous
devons nettoyer les relations éventuellement toxiques de l’enfance et comprendre que si
nous avons un type d’attachement insécure ou ambivalent, nous aurons toujours peur
que notre objet d’amour nous fasse du mal (pour les enfants maltraités) ou nous
abandonne (pour les enfants carencés et abandonnés).
Couper les liens toxiques ne suffit pas.
Il ne suffit pas de divorcer ou de ne plus voir quelqu’un pour en être
libéré.
De nombreux adultes dont les parents sont morts depuis longtemps et qui viennent en
thérapie vivent avec une image d’eux-mêmes et un discours intérieur calqués sur les «

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amabilités » parentales. Par conséquent, il faut nettoyer ce monde intérieur. Sans quoi, la
peur, l’anxiété, la culpabilité, la sou- mission à certains préjugés ou encore le sentiment
d’infériorité ou de contrainte vous poursuivront, et vous entrerez en contact avec autrui –
conjoint, enfants, amis – encrassé par le passé. Vous vous sentirez inutilement incompris ou
frustré, alors qu’au départ c’est vous qui n’êtes pas en pleine possession de votre libre arbitre
et de votre bien-être.
Si vous vous présentez à l’autre dans cet état d’accablement intérieur, cet état de victime,
comment voulez-vous vivre une relation qui soit saine, dans laquelle vous seriez vous-même
et oseriez dire non quand l’autre proposerait quelque chose ? Au passage, vous deviendriez
vous-même toxique, puisque l’autre n’aurait d’autre fonction dans votre vie que de
compenser, justifier ou réparer un manque en vous hérité du passé. Mais cet autre ne
comprendrait rien à vos demandes, lui aussi certainement pris au piège dans les mailles du
passé ; et, au lieu d’être deux amants, vous ne seriez que deux victimes liées par un rapport
sadique.
Vous pouvez étendre le bilan de votre vie affective à toutes vos relations et expliciter
vos attentes dans la relation avec vos amis, avec vos collègues et avec les autres membres de
votre famille, notamment vos enfants. Vous en tirerez une clarté mentale impressionnante
et vous améliorerez ces relations sans le moindre effort. Comme l’écrit joliment Arnaud
Riou, dans son ouvrage12 éponyme : « Parent conscient, enfant confiant… »
Cet état des lieux concernant votre personnalité, votre vie affective ou professionnelle
vous a permis d’identifier vos pensées stériles, vos comportements destructeurs et vos
attentes ambivalentes. Si cela vous semble difficile dans le domaine relationnel, c’est normal.
Explorer son fonctionnement relationnel nécessite un dialogue avec un autre qui fait miroir.
Si la démarche psychanalytique ne vous attire pas, vous pouvez vous tourner vers l’analyse
transactionnelle.
Cette approche s’est développée aux États-Unis quand les psys ont dû faire face à
une demande énorme à la fin de la guerre du Viêtnam. Il fallait répondre rapidement
aux besoins de patients traumatisés. L’analyse transactionnelle permet d’identifier
rapidement les scénarios de vie et les jeux relationnels implicites dans lesquels nous
sommes pris. Maintenant que vous avez identifié quels sont les aspects de vous-même et
de votre vie qui vous satisfont et quels sont ceux qui vous déplaisent, vous allez pouvoir
vous détoxifier émotionnellement et les transformer.

12 Arnaud Riou, Au nom de l’enfant. Parent conscient, enfant confiant, Les Éditions de l’Homme, 2010.

44
Module 6

LA DÉTOX ÉMOTIONNELLE
Travailler sur son corps et faire des bilans ne servira à rien de manière durable si
nous n’avons pas en outre une hygiène émotionnelle. Après tout, comme je le dis dans
Découvrez vos superpouvoirs chez le psy, nous avons déjà un système physiologique de
traitement et d’élimination des toxines phy- siques ; nous avons aussi inventé des façons
de traiter nos déchets : poubelles, conduits, centrales, etc. Mais nous devons également
être outillés pour éviter la pollution émotionnelle et traiter nos déchets intérieurs.

Se libérer de ses émotions négatives


Identifier nos émotions fondamentales, les accepter, les libérer puis les faire circuler
est la clé de la transformation et, surtout, de la santé : le stress, la colère chronique, le
chagrin refoulé font partie des facteurs favorisant le déclenchement des maladies. C’est la clé
de la santé physique mais aussi relationnelle : il est difficile d’être bien dans des liens quand
on se sent mal au-dedans.
Pourquoi avons-nous plus de mal à nous défaire de nos émotions que des relations,
activités, pensées ou biens maté- riels dont nous ne voulons plus ? C’est que, contrairement
à nos poubelles de cuisine ou nos organes de digestion, nous acceptons de garder des déchets
émotionnels.
Nous sommes capables de changer d’avis, mais quand il s’agit de changer d’émotion
fondamentale, nous avons parfois l’impression de renoncer à notre identité.
Nous conservons par-devers nous des tickets de colère, que nous remettons en
circulation dans les échanges avec autrui, et, inévitablement, nous retombons dessus : « Tu
vois, je te l’avais bien dit, les femmes ne sont pas fiables. Pourtant, ça n’a rien à voir avec
mon histoire précédente. » Ou encore, convaincus d’avoir raison, nous ruminons notre
indignation et nous fabriquons de la haine de l’autre. Sans comprendre que ces émotions,
c’est d’abord nous qu’elles dérangent, car nous sommes encore en train de penser à cet autre
au lieu de créer du positif ! Nos émotions négatives non transformées nous parasitent.
Nous nous identifions à elles.
Si vous êtes en plein divorce et que vous vous sentez très en colère, par exemple, vous
pouvez penser que faire baisser cette colère est une façon de vous soumettre. Pas du tout.
Vous n’excuserez pas plus les bassesses éventuelles de l’autre ; simplement, vous serez plus

45
imperméable, immunisé contre l’agression que cela représente pour votre corps. Ce sera un
problème à gérer, pas un stress qui fait monter votre rythme cardiaque et votre cortisol,
détruisant au passage votre image du couple. Au contraire, vous aurez retiré à l’autre son
pouvoir sur vous : votre corps restera neutre face aux mails d’avocat et aux sms pénibles.
Mais cela demande un vrai travail, sans quoi il s’agit seulement de refouler, de serrer les
dents – et votre tension va faire un bond !
La détox émotionnelle, c’est l’inverse de l’inhibition ou de la répression
des émotions !
Il ne s’agit pas d’aller crier dans la forêt (quoique, si ça vous détend, Fontainebleau
est vaste), mais de balayer votre état émotionnel et, par des méditations, de transformer
votre environnement intérieur. Car toutes les émotions anciennes ou présentes, non
identifiées, jouent le rôle d’un filtre sur votre perception du réel ; elles vous font passer
à côté de belles choses, voire devenir quelqu’un que vous n’êtes pas, vivant des
expériences qu’il n’aime pas, ce qui entretient votre colère ou votre chagrin, bref, une
émotion négative.
Cela s’appelle méditer pour transformer sa personnalité. Il s’agit de prendre de la
hauteur, d’observer comme des nuages qui passent tous les mouvements émotionnels en
nous. De garder une part de soi en position d’observation. Surtout pas de jugement ou
de mouvement d’« essuie-glace ». Non, juste un regard, un témoin intérieur. Les Chinois
appellent cela l’empereur, et ils disent qu’il est logé dans le cœur.

L’aide de la méditation
La méditation vous a permis de faire le bilan. Maintenant, elle va vous aider à la fois
à nettoyer les émotions négatives et à construire ce qui vous convient. N’ayez pas peur !
La méditation, cela ne requiert aucune aptitude particulière.
Personnellement, ce n’était pas mon truc. En bonne cartésienne, j’ai longtemps
préféré réfléchir et anticiper que méditer. Mais j’ai découvert l’extension de la pensée par
la méditation et cela m’a notamment permis de guérir bien plus rapidement de certains
problèmes de santé. La méditation fonctionne dans tous les domaines et n’exige pas que
l’on reste quatre heures par jour assis en tailleur.
Même si je pratique le morning miracle (quelques minutes de méditation dans le noir
complet avant de me lever le matin, jusqu’à ce que je me sente parfaitement équilibrée dans
mon énergie, « clean » de tout parasite mental – sachant que le « parfaitement » varie selon
que j’ai bien dormi ou que j’ai la grippe, une tonne de travail et un enfant malade), je médite

46
essentiellement en étant active : en faisant la vaisselle, en conduisant, dans la queue du
supermarché, quand je nage ou en marchant. Théoriquement, il faudrait être assis. En
pratique, on n’a souvent pas le temps et ça fait mal aux jambes. L’essentiel étant de modifier
vos ondes cérébrales pour rester sans cesse alerte, conscient et présent à vous-même et à
autrui, faites comme cela vous est le plus facile. Soyez vous-même, pas un aspirant fakir.

• La première fonction de la méditation de pleine conscience est de reconnaître,


d’identifier les émotions et les sentiments.
• Puis de les accueillir, c’est-à-dire de stopper net tout jugement et toute surenchère
émotionnelle. Si vous êtes en colère, pas la peine de vous sentir coupable ou en colère d’être
en colère. La colère est là, elle vous dit quelque chose. Même si votre enfant vous déplaît,
vous n’allez pas le rejeter. Ne rejetez pas ce qui est en vous, même si vous comptez le
transformer.
• Vous allez soulager votre émotion, c’est la troisième fonction de la pleine
conscience. C’est ce que j’ai décrit dans la première partie de cet ouvrage.
• La quatrième fonction de la pleine conscience, à mon sens, c’est l’ouverture.

Nécessaire ouverture
Une fois que nous sommes enracinés en nous-mêmes et nettoyés, nous pouvons nous
ouvrir. Le vent ne fait pas tomber un arbre bien enraciné. En faisant ce chemin, nous
devenons plus bienveillants envers autrui, mais aussi moins sensible : nous ne rentrons plus
dans les « jeux » de l’autre, nous demeurons conscients qu’il s’agit d’une personne en train
de souffrir, très probablement, incapable de le voir et qui projette sur nous ses détritus
émotionnels. Nous nous écartons alors ou nous nous défendons simplement, mais sans
haine.
Quant aux inconnus, nous les percevons désormais sans inquiétude, mais aussi sans
naïveté, avec bienveillance. Nous sommes capables de ne pas nous irriter contre un voisin
de mauvaise humeur, lui aussi certainement en train de lutter contre sa souffrance ou de
la maquiller. Nous lui sourions et tout le monde respire mieux.
Pour transformer la souffrance, il ne faut pas la combattre frontalement, mais
l’accueillir sans la nourrir. Dialoguer avec elle. « Je ressens ceci parce que j’ai vécu cela,
j’ai été en contact avec cela. OK. Donc ce n’est pas moi. Je ne suis pas le mal que maman
m’a fait, j’en porte seule- ment les stigmates. D’ailleurs, désormais, je vais cicatriser et
même utiliser ces stigmates pour créer des choses positives avec les autres et dans mes

47
activités. » Vous allez vous réparer, prendre soin de vous. C’est ce que j’appelle larguer le
passé. Je le répète : un bon largage, ça soulage ! Seulement, cela ne suffit pas.

Profiter du bonheur de vivre


Pour éloigner le négatif, il faut augmenter la dose de beau et de bon. Par conséquent,
tout au long de votre détox émotionnelle, veillez à avoir des moments de plaisir simple,
à intensifier le bonheur de vivre. Cela peut être jouir plus consciemment de vos repas,
des moments que vous passez avec vos enfants, des rapports sexuels, de vos trajets en
voiture, devenus l’occasion de méditer et d’écouter de la musique… Pour vous recharger
dans ce travail de détoxification émotionnelle, accordez-vous des bonnes choses. On ne
peut pas simplement vider l’eau sale de l’aquarium : il faut aussi mettre de l’eau propre.
Sinon, il n’y a plus d’eau, les poissons vont mourir et vous irez rechercher la boue du
passé. Parfois, nous avons besoin de plus, car nous évacuons des détritus monumentaux!
Dans ce cas, un voyage ou quelques jours de retraite au bord de la mer ou à la montagne
permettent d’associer la vidange à un moment de bien-être, de tranquillité, tout en
ménageant la possibilité de belles rencontres. N’oubliez pas que la nature a horreur du vide.
Quand vous vous nettoyez, quand vous lâchez des schémas anciens, nourrissez-vous
physiquement et émotionnellement avec du bon.
Pour vous, cela veut peut-être dire plus de temps culturel, de musique, de concerts, de
vieux films – ou alors de la marche. À vous de sentir comment vous nourrir sans vous fuir,
comment vous remplir de « bon » sans vous assommer de consommation.

Se libérer du passé
La détox n’est pas un repli mais une ouverture. La solitude est notre meilleure amie,
notre base de départ à partir de laquelle nous allons vers l’autre, nettoyé du passé ; mais à
condition d’utiliser cette solitude pour démasquer nos poisons émotionnels.
La détox émotionnelle par la méditation consiste à se souvenir sans souffrir, c’est-à-dire
à acquérir une mémoire sans charge émotionnelle. À tirer les leçons du passé sans éprouver
la lourdeur du regret, du chagrin ou de la rancune. Cela vous permettra, à moindre coût,
de ne pas replonger dans les mêmes situations de souffrance ; autrement dit, vous aurez
renversé le destin : au lieu de vous peser indéfiniment, les épreuves du passé vont vous servir.
Les rêves éveillés ou nocturnes sont essentiels pour nettoyer son système de pensée.
On pourrait dire que les rêves nocturnes sont des nettoyages et aussi des informations.

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Une sorte de « reset », de processus de digestion, d’élimination, et d’assimilation. Tandis
que les rêves éveillés sont des orientations : les méditations, les moments propices à
l’imaginaire où, tout en marchant, par exemple, vous vous projetez dans la situation que
vous désirez (une femme enceinte se projetant avec son bébé à la maison, une danseuse
visualisant le soir de la première, etc.), vous permettent de ne pas rester collé à ce que
vous connaissez et constituent non plus des nettoyages mais des nourritures, des apports
d’énergie et une sorte de configuration et d’orientation vers la réalisation de votre soi.
Nous ne pouvons changer de vie si nous appréhendons le lendemain avec un éternel
goût de peur et de doute dans la bouche. Tant que nous faisons la navette entre l’état
émotionnel lié au passé et l’anticipation anxieuse de ce qu’il faut faire pour s’assurer un
bon avenir, le présent ne nous nourrit pas et nous sommes tellement dans la peur que
nous en oublions la fluidité possible de la vie. Notre corps comme notre esprit est
indisponible pour le bonheur et la réussite. Tant que vous vivez non détoxifié du passé,
vous faites de votre avenir une simple variante du passé. Se transcender, c’est être avant
de faire. Alors le faire ne coûtera pas d’efforts mais sera presque naturel, parfois très
surprenant, amusant et réjouissant !

Retrouver son enfant intérieur


Quoi qu’il en soit, il est insuffisant d’accueillir les émotions, les pensées ou les parties
de soi que nous voulons transformer. Nous devons ensuite dialoguer avec elles. Les
écouter, mais aussi leur répondre. Accueillir l’enfant intérieur qui est resté si longtemps
muselé dans la peur et l’insécurité, ou la blessure d’enfance, et lui dire : « OK, les adultes
t’ont fait du mal et ensuite, j’ai grandi en te laissant tellement de côté que maintenant
nous sommes clivés. Mais je ne te laisserai plus tomber. Je ne te gaverai pas de télévision
ou de bière pour te calmer sans me fatiguer. Je t’écoute et maintenant je fais corps avec
toi, parce que tu étais un enfant aimant la vie et que je n’ai pas envie de me dessécher, je
n’ai pas envie de te négliger comme certains adultes l’ont fait. Je vais prendre soin de toi
comme personne ne l’a jamais fait. »
En expérimentant ces retrouvailles intimes avec votre enfant intérieur, vous atteignez le
stade de l’indépendance, même si vous avez été maltraité, car vous pratiquez l’amour
inconditionnel. Vous remplacez le narcissisme, l’égocentrisme et la consommation par la
responsabilité, le dialogue intérieur, la prise en charge de celui que vous êtes et de vos
besoins. Vous acceptez de porter en vous les résidus de vos ancêtres et les graines de vos
descendants sans pour autant subir vos ancêtres et transmettre inconsciemment la
souffrance à vos descendants. Vous stoppez cela, vous n’êtes plus un maillon passif ; vous

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vous retournez sur vous-même et vous faites un pas de côté.
Ce pas de côté vous fait sortir de l’autoroute de la consommation frénétique et vous
permet de rester conscient, même si vous continuez bien entendu à vivre avec votre temps
et à en apprécier les plaisirs. Mais il n’y a plus de murs entre vous et vous-même. Vous
devenez celui qui protège les générations futures des transmissions familiales négatives. Vous
avez peut-être sauvé vos descendants d’un accident ou d’un cancer.

ACCORDS TOLTEQUES
«- Mon cœur craint de souffrir, dit le jeune homme […].
- Dis-lui que la crainte de la souffrance est pire que la souffrance elle-même. Et
qu’aucun cœur n’a jamais souffert alors qu’il était à la poursuite de ses rêves.

Paulo Coelho, L’Alchimiste.


»
Libérés de notre moi toxique, nous devenons semblables à des guerriers toltèques. Nous
ne vivons plus selon le désir de l’autre, ou en fonction des blessures du passé, mais nous
sommes vraiment nous, individués, déterminés, ouverts, clairvoyants.
Dans Les Quatre Accords toltèques – petit bijou qui simplifie radicalement et
définitivement l’existence –, Don Miguel Ruiz décrit les quatre principes selon lesquels
vivaient les guerriers toltèques :
1. Avoir une parole impeccable.
2. Ne rien prendre personnellement.
3. Faire de son mieux, ni plus (pour ne pas s’épuiser) ni moins (pour ne pas se
culpabiliser).
4. Ne pas faire de suppositions concernant les attitudes ou les paroles d’autrui. (Ne
pas anticiper, ne pas mentaliser. Rester soi sans projeter ou attribuer à l’autre des
intentions. Car soit on se trompe, soit on entre dans son jeu.)
Vous remarquerez que les principes 1 et 3 se prolongent, et que les principes 2 et 4
sont complémentaires également. Se libérer de son moi toxique, c’est se comprendre, se
connaître et aussi accepter que la vie est faite d’étapes et d’épreuves qui peuvent être
utilisées positivement et non subies. Les contes et les mythes sont là pour aider enfants
et adultes à se représenter ce qu’ils sont en train de vivre existentiellement, dans l’époque
et la culture qui sont les leurs, toujours différentes de l’espace-temps des récits

50
imaginaires. Michel Odoul, auteur et conférencier, a rapproché les caps de l’existence des
douze travaux d’Hercule. Les écu- ries d’Augias, la ceinture d’Hippolyte, le lion de
Némée, le sanglier d’Erymanthe, la biche de Cérynie, les pommes du jardin des
Hespérides représentent symboliquement le type d’épreuve que nous sommes en train
de vivre lorsque nous traversons un deuil, une séparation, une maladie ou un échec.

51
Module 7

LE POUVOIR DE LA MÉDITATION DE PLEINE


CONSCIENCE
Mais alors, allez-vous me demander, comment nettoyer ses pensées et sa personnalité
des vieux déchets du passé ? Le coaching ou le raisonnement intellectuel vont vous
demander des efforts comportementaux, lesquels ne tiendront pas dans le temps si vous
n’utilisez pas votre pensée intuitive et vos capacités de méditation.

Se déconditionner
Il faut donc employer autre chose que le mental ou le comportement pour se
transformer réellement et durablement, et surtout pour se sentir en possession de cette
transformation. Sans quoi cette dernière restera superficielle, mécanique et fra- gile. Nous
n’en jouirons pas réellement et, au premier imprévu, au premier stress, tous les acquis vont
s’évanouir.
Lorsque vous méditez, vous êtes simplement en train de vous libérer et de vous
affranchir des contraintes du corps, du temps et de l’espace immédiat, pour choisir la réalité
de demain, que cela concerne votre santé corporelle ou vos réalisations extérieures.
La pleine conscience et la visualisation permettent d’utiliser à la fois notre
cerveau gauche et notre cerveau droit et de les harmoniser dans la direction que
nous voulons.
Recourir à la méditation permet de se placer d’ores et déjà dans l’état de bonheur que
l’on recherche, à partir duquel nous allons amener notre personnalité et notre mode de vie
au niveau de joie et d’épanouissement dont nous rêvons, mais dont nous pensons, par
incrédulité, qu’il est inaccessible.
« Si vous avez entretenu des émotions négatives pendant des années, elles ont créé un état d’être
automatique », résume Joe Dispenza. Votre corps est conditionné à la morosité.

S’alimenter de façon plus saine


Vous pouvez donc utiliser la méditation de pleine conscience mais également
recourir, en parallèle, à une alimentation plus naturelle pour alléger votre esprit (je ne

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parle pas de maigrir, mais de nourrir les cellules sans les empoisonner aux métaux lourds,
pesticides et autres perturbateurs endocriniens, pour que votre cerveau fonctionne de
manière optimale).
En effet, les neuromédiateurs responsables de votre humeur et de votre capacité à
gérer vos émotions sont synthétisés dans votre intestin. Plus votre intestin est intoxiqué,
plus il vous sera difficile de vous placer dans un état d’être élevé.
Par la méditation et le choix d’une alimentation de qualité, vous allez
déconditionner le corps à la fatigue et donc à la tristesse ou aux pensées de
découragement ; vous allez vous hisser vers un autre « être au monde », moins anxieux et
plus confiant, sans être naïf. On a ainsi remarqué qu’en fonction de leur micro- biote13,
des souris pouvaient adopter des comportements suicidaires ou, au contraire, sains et
adaptés. Cela ne sert à rien de pratiquer le positive thinking (pensée positive)
artificiellement. Il s’agit de déprogrammer vos cellules de la négativité.

Allumer la lampe de pleine conscience


Comme l’écrit Thich Nhat Hanh : « Si la souffrance est pré- sente dans chacune des cellules
de notre corps, les graines de compréhension profonde et de bonheur véritable héritées de nos ancêtres
le sont également. Elles sont là à notre disposition. La lampe de la pleine conscience est en nous, et
nous pouvons décider de l’allumer à tout moment14. »
La libération consiste à ne plus subir les impressions, mais à percevoir clairement ce qui
a été, ce qui est et ce qui sera. La perception est un « acte de connaissance intérieure et personnelle.
Elle requiert à la fois un mouvement vers l’extérieur – contact et observation –, puis un recueillement
en soi-même15 ». De par sa qualité informative, la perception est distincte de l’émotion. Elle
permet un filtrage dénué de jugement et d’a priori, une acceptation simple de ses ressentis

13 Le microbiote, ou flore intestinale, désigne la population de bactéries vivant dans le côlon. Ces
dernières permettent l’assimilation des nutriments et déterminent un grand nombre de fonctions
physiologiques périphériques et cérébrales, telles que l’humeur, le stockage des graisses, la sécrétion
des hormones de satiété, des neuromédiateurs impliqués dans l’anxiété, la prise de décision,
l’équilibre émotionnel, etc. avec des gens anxieux ou culpabilisants quand vous étiez petit. Votre
corps est donc toujours bloqué dans le passé. C’est pour- quoi la psychothérapie ne fonctionne que
lorsqu’elle intègre un travail corporel : certains de mes patients choisissent pour cela le yoga, un travail
avec un ostéopathe psychosomaticien, la médecine chinoise traditionnelle ou encore le qi gong pour
amener le corps et le fonctionnement cérébral vers d’autres ondes, d’autres flux énergétiques…
14 Thich Nhat Hanh, Prendre soin de l’enfant intérieur, op. cit., p. 11.
15 Saverio Tomasella, Renaître après un traumatisme, op. cit.

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profonds, sans déni et sans dramatisation.
Ni fuite, ni gel de soi, ni exagération, la perception permet de faire ce qui est juste
pour soi, elle est donc prise en charge de soi, autonomie par l’élaboration d’une pensée
personnelle de soi qui n’est ni culpabilité, ni jugement, ni égocentrisme nombriliste. Elle
rend possible le dialogue avec soi, qui per- met d’aborder sainement autrui avec moins
d’agressivité, de peurs, de projections ou d’illusions.
La méditation nous fait peur et nous ennuie tant que nous pensons qu’il s’agit de
faire le vide. Il y a le sommeil pour cela, et les divertissements. Je ne parle donc pas de la
recherche du vide hindouiste, que je refuse de pratiquer, car elle constitue, à mon sens,
une forme de refus de notre condition humaine. Je ne pense pas que le vide puisse
chasser le laid ou le mauvais. Mais je crois qu’il faut cultiver le bon et le beau pour
transformer le négatif.
Nous ne pouvons pas faire que ce qui a été n’ait pas été. Nous ne pouvons pas
annuler l’expérience. Je parle donc d’une méditation active qui est un accompagnement
de soi, un éclairage intérieur, non pas la recherche du vide ou de l’anesthésie
émotionnelle.

Méditer c’est aussi apprendre à se connaître


En tibétain, méditer signifie « se familiariser avec ». Il s’agit donc de se connaître, de
se familiariser avec son propre fonctionnement mental, corporel et émotionnel.
C’est exactement ce que font les sportifs de haut niveau pour se corriger, quand ils
visualisent leurs gestes en regardant des vidéos. On sait aujourd’hui que le cerveau crée
des connexions avec des neurones miroirs qui améliorent les performances sans même
effectuer le moindre geste. Nous pouvons donc nous familiariser avec chaque émotion
ou pensée toxique, au lieu d’y adhérer, puis la transformer, la désactiver ou l’utiliser au
service d’une nouvelle vie.
Par exemple, ne plus subir notre colère en la réprimant sous forme d’ulcère ou en la
projetant sur autrui, mais décider de l’utiliser comme source de créativité artistique et tirer
des rancunes du passé une source utile de sublimation et de gratification.
Évidemment, cela demande de se couper des stimulations extérieures et de méditer
quelques minutes chaque jour. Mais il n’est pas nécessaire pour cela de passer quatre heures
par jour assis en tailleur sur des clous !
Au début, vous aurez besoin d’être tout à fait au calme, assis ou allongé. Puis, peu à

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peu, vous pourrez méditer plus souvent. Cela vous sera plus naturel et vous pourrez aussi
méditer en étant actif : en voiture, dans le train, dans la file du supermarché, et même en
accomplissant une tâche domestique ou un entraînement sportif.

Méditer c’est « cultiver son soi » et travailler sur ses émotions


En sanskrit, méditer signifie « cultiver le soi ». Je considère ces deux définitions, tibétaine
et sanskrite, comme une continuité.
Il faut se connaître d’abord, pour se transformer ensuite.
D’abord on fait l’état des lieux, ensuite on nettoie et on met autre chose en place. Avez-
vous envie que votre jardin soit envahi de mauvaises herbes, de pierres sur lesquelles vous
trébuchez, et que de jolies fleurs ne puissent y pousser, que les arbres meurent faute d’être
nourris ? Non, bien sûr.
Vous pouvez donc travailler sur toutes les émotions qui semblent générer en vous de la
toxicité et qui prennent la place de la joie, la sécurité, le désir, la gratitude, l’ouverture, la
positivité, l’inspiration, l’humour. Ces émotions négatives peuvent être la peur, la haine,
le ressentiment, la frustration, la colère, le regret, l’envie, la jalousie, le découragement, la
tristesse, le dégoût, le manque, la persécution, le jugement, la malveillance, la honte,
l’anxiété, l’abandon, la trahison ou la dépression.
Elles vous guident vers ce qui reste à régler dans votre passé ou votre personnalité.
Elles correspondent cérébralement à des circuits de neurones et génèrent des cascades
d’hormones. Vous pouvez les modifier, réorganiser votre cerveau et changer votre état
corporel. Ne plus en être l’esclave vous permettra d’attirer et de mettre en œuvre des
situations qui vous procureront de la satisfaction, de l’énergie et de la joie.
Pour que ce ne soit pas artificiel, il faut avoir intégré et dépassé les émotions
négatives, c’est-à-dire admis notre souffrance et nos blessures, afin de créer
progressivement une mémoire sans souffrance. Seules la méditation et la psycho- thérapie
peuvent vous permettre de vous libérer des émotions toxiques sans avoir la sensation de
nier votre ressenti, de vous mentir à vous-même ou de perdre votre identité. Car nous
sommes nombreux à être construits sur une émotion centrale qui nous donne
l’impression d’exister et qui finit par nous caractériser : la colère, la victimisation…
L’émotion est donc figée alors qu’étymologiquement le terme « émotion » provient
de l’ancien français motion, lui-même issu du latin motio, c’est-à-dire « mouvement ». Nous
nous sommes figés autour d’une position de vie unique. Et c’est ce pivot qu’il faut briser
pour cesser d’être « automatique » et redevenir vivant. Ne pensez-vous pas, en lisant ceci,

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à tel ou tel proche toujours prêt à « pousser une gueulante » ? La colère fait partie de ses
masques, comme la docilité chez d’autres, qui entrave le contact réel et libre avec soi et
autrui, souvent pour éviter la rencontre avec des affects dépressifs.

Méditer c’est transformer les émotions négatives en énergie


La méditation va vous permettre de transformer les émotions négatives en énergie.
Quelle quantité d’énergie est bloquée, figée dans un rôle que je joue pour compenser le
passé, obéir à ma colère, ma peur ou mon anxiété ? Toutes ces émotions qui me constituent
et me structurent, tous ces discours qui ont forgé ma vie présente font partie de moi mais
ne sont pas moi.
Je vais donc les transformer en flux d’énergie pour être vrai- ment moi – pas le produit
de mon passé et de mes vexations/ frustrations/traumatismes/ambitions. À partir de ce
moment, vous ouvrez une porte, LA porte, vous détenez le sésame qui fait que rien ni
personne ne peut vous empêcher d’être rempli de lumière, de joie, d’amour et de gratitude.
Personne ne vous pillera, car vous serez parfaitement capable de vous en aller quand
vous n’aurez plus envie de donner. Personne ne vous influencera, puisque vous aurez décollé
à l’intérieur de vous-même ce qui vous retenait dans la peur. Vous ne pourrez plus faire taire
votre désir et votre intuition. Vous réaliserez que personne (pas même vous) ne représente
plus qu’un individu sur sept milliards et que la notion de pouvoir, par conséquent, est très
relative. Ce sont vos pensées et vos émotions qui se sont rigidifiées. La réalité, elle, est en
mutation constante ; elle est souple, y compris votre réalité biologique et cérébrale.
Vous croyez que votre corps est le même mais pas une de vos cellules n’est identique à
celles d’il y a un an. Tout se renouvelle sans cesse, donc tout peut toujours changer, et bien
plus simplement que vous ne le pensez.
Dès lors, vous serez non seulement plus joyeux et plus léger, mais en outre, vous serez
en pleine possession de votre attention à ce qui se passe ici et maintenant, de vos capacités
d’observation, d’intuition et de prise de décision. Nous pouvons nommer la partie de soi
qui nous intoxique le générateur de mal-être ou de mauvais choix. Cela aide à prendre
conscience qu’il est en nous, puis à le mettre à distance et à lui dire non.
Je propose parfois cela à des patients adolescents qui ont besoin de sentir les
contours de leur personnalité et de faire dialoguer différents aspects d’eux-mêmes pour
devenir peu à peu ce qu’ils sont vraiment. Certains l’appelleront le tyran, d’autres
l’obsessionnel, d’autres encore le trouillard, ou Calimero.
Identifier le moment où notre petit saboteur interne prend la parole et les

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commandes, c’est garder la possibilité de res- ter maître du jeu et de dire : « OK, tu reviens
me pourrir l’existence, mon vieux démon, mais tu ne me gâcheras pas cette relation-là, c’est en adulte
libre que je vais me conduire. Alors tes discours rabat-joie sur le fait qu’aucun homme n’en vaut la
peine et que je suis vulgaire avec du rouge à lèvres carmin, eh bien, tu peux repartir avec. Moi, je
vais embrasser cet homme-là, pas parce que j’ai confiance en lui, mais parce que j’ai confiance en
moi pour m’en aller si ça ne me convient pas, et que je préfère faire ce qui me plaît que me priver
de peur d’être jugée, ça me volerait de bons souvenirs. »
Cela vous aidera à identifier qui parle en vous. Votre mère jalouse ? Votre culpabilité
d’exister dans votre féminin alors que votre petite sœur est gravement malade ? Votre
père incapable de tolérer que sa fille soit une femme sexuée des- tinée à d’autres hommes?
Votre peur d’être incapable de quitter un homme ? Votre traumatisme de la dernière
relation qui vous a volé votre joie de vivre ?

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Addendum : le champ de la conscience humaine16
par Mark Waldman et Jean-Dominique Michel

16 Source : programme de formation NeuroWisdom, https://www.jdmichel.com/neurowisdom

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Cette question comme nous l’avons déjà indiqué a fait l’objet de plus de 46’000
études scientifiques depuis 1946 ! Toutefois, les découvertes les plus importantes dans
le domaine des neurosciences ont été réalisées au cours des quinze dernières années.
Nous avons pour notre part proposé que les centaines de formes discrètes d’états de
conscience identifiées par les chercheurs pouvaient être regroupées en cinq grandes
catégories (ou niveaux) :

Conscience instinctive
Conscience automatique (habitudes)
Conscience intentionnelle
Conscience imaginative
Conscience réflexive

Les trois premiers niveaux semblent exister chez toutes les créatures vivantes dotées d'un
système nerveux centralisé (un cerveau), ce qui signifie qu'elles ont un contrôle volontaire
sur leurs comportements et leurs décisions. Elles apprennent, forment des souvenirs et des
habitudes à peu près de la même manière que les humains. En fait, la plupart des
mammifères et des oiseaux font preuve, à des degrés divers, d'imagination, de créativité et
d'états de conscience oniriques que l'on croyait autrefois réservés aux seuls êtres humains. Il
existe même de plus en plus d’indices que certaines espèces animales ont des capacités
similaires de réflexion sur la nature de leur existence.
Cependant, nous pensons qu'il existe un 6ème niveau de conscience qui permet aux êtres
humains de se transformer, ainsi que de transformer leur cerveau, de manière unique et
remarquable. En étudiant les images de scanner cérébraux de sujets qui s’adonnent
régulièrement à des pratiques spirituelles contemplatives, le Pr Newberg et nous-mêmes
avons observé des changements structurels dans les principales zones du cerveau générant la
perception de la réalité. Ces altérations neurologiques nous permettent de mieux maîtriser
nos émotions et d’être plus attentifs aux besoins des autres. Ainsi, le stress diminue, la
productivité augmente et il devient possible d’avoir accès à une meilleure connaissance de
notre propre nature et du monde.
Autrement dit, lorsque nous apprenons à entrer dans ces états de conscience supérieurs,
nous commençons à expérimenter ce qu’Abraham Maslow définissait comme
l’accomplissement de soi, et d’autres l’éveil ou l’illumination. Ces deux derniers mots ayant un

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sens différent (moins pragmatique et plus mystique) en français que leurs équivalents anglais,
nous avons préféré ici retenir l’expression de « conscience éclairée ».
Nous avons choisi la forme d’une pyramide car chaque niveau de conscience dépend
des processus qui régissent les niveaux inférieurs. Si, d’un point de vue neurologique,
quelque chose ne va pas bien à un niveau, cela peut considérablement entraver le
fonctionnement des niveaux supérieurs tout en ne gênant que modérément celui des
niveaux inférieurs.

Niveau 1 : Conscience instinctuelle


A la base de la pyramide, là où l’organisme est directement en contact avec son
environnement (réalité), nous avons schématiquement une forme de conscience qui nous
permet de modifier volontairement notre attention et de bouger notre corps de façon à
satisfaire nos besoins vitaux.
C’est également à ce niveau que les êtres humains et les animaux réagissent
émotionnellement à ce qui leur arrive et interagissent avec leur environnement. Comme Jon
Kabat-Zinn (le créateur en 1979 du modèle de « réduction du stress fondé sur la pleine
conscience ») l’a relevé, le cerveau est l’organe de l’expérience par excellence. Nos émotions
sont susceptibles d’influer sur presque tous les aspects de nos interactions avec le monde.
Lorsque nos circuits émotionnels sont endommagés ou surchargés, il est possible que nous
nous sentions pris au piège d’une peur ou d’une rage sans fin, ou que nous soyons relégués
dans un état où nous ne ressentions presque plus rien.

Déclaration de Cambridge sur la conscience (2012)

L'absence de néocortex ne semble pas empêcher un organisme de ressentir des états affectifs.
Des données convergentes indiquent que les espèces animales non-humaines possèdent les substrats
neuro-anatomiques, neurochimiques et neurophysiologiques des états conscients, ainsi que la
capacité de se livrer à des comportements intentionnels. Par conséquent, la force des données
probantes nous amène à conclure que les humains ne sont pas seuls à posséder les substrats
neurologiques de la conscience. Différentes espèces, notamment l'ensemble des mammifères et des
oiseaux ainsi que de nombreuses autres espèces telles que les pieuvres, possèdent également ces
substrats neurologiques.

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Niveau 2 : Conscience automatique
Nos impulsions motivationnelles proviennent également du niveau 1. Elles nous
poussent à rechercher instinctivement les événements agréables et à éviter les événements
désagréables. Par l’expérience, nous développons des compétences en vue d’améliorer notre
existence, et automatisons tout un ensemble de fonctionnements (perceptuels comme
comportementaux) qui visent à rechercher le plaisir et à éviter la douleur. Ce faisant, nous
suscitons des niveaux de fonctionnement neural supérieurs, où l’apprentissage et la
formation de souvenirs ont lieu, à savoir au niveau 2.
Ces automatismes ou habitudes sont engrammés dans les noyaux gris centraux, ce qui
nous permet de disposer d’un répertoire utile de réponses stéréotypées. Et d’économiser
ainsi beaucoup d’énergie psychique en n’ayant pas à ré-évaluer constamment des situations
connues, pour lesquelles nous avons précisément automatisé des réponses adéquates.
Lorsque nous faisons une expérience agréable, de la dopamine est libérée, ce qui stimule
une nouvelle forme de conscience décisionnelle ordinaire (niveau 3). Lorsque l’expérience
est douloureuse, ce niveau de conscience tend à se refermer pour laisser place à des réactions
instinctives (niveau 1) et des comportements acquis (niveau 2).
Pour le dire autrement, la douleur réduit la profondeur de la conscience tandis que le
plaisir l’augmente. A travers cette expérience d’apprentissage par la douleur et le plaisir, nous
construisons lentement – dès l’enfance – tout un répertoire de comportements ordinaires
qui interviennent sans que nous nous en rendions compte la plupart du temps au quotidien.
Chez les humains, bien qu’il existe un degré évident de conscience de soi lors de
nouveaux apprentissages, dès que ces expériences s’inscrivent dans notre mémoire, ce sont
ces comportements automatiques qui tendent à prendre le dessus. C’est le domaine de
l’inconscient, celui où la plupart des thérapeutes œuvrent à modifier les schémas
comportementaux et cognitifs inadaptés qui limitent notre croissance, notre développement
et notre productivité.

Niveau 3 : Prise de décision intentionnelle


Ce niveau de conscience ordinaire, comme Andy Newberg (professeur de médecine à
l’Université Jefferson de Philadelphie) et nous-mêmes aimons l'appeler, est celui où
s'effectuent la plupart de nos efforts de concentration et de prise de décision au quotidien. Il
est également connu sous le nom de mémoire de travail à court terme et contient juste assez
d'informations pour nous permettre de faire des choix conscients d'un moment à l'autre. Par
exemple, vous êtes probablement très conscient d'être en train de lire en ce moment, mais

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vous n'avez qu'une vague conscience de ce livre, de la chaise sur laquelle vous êtes assis ou de
la plupart des sons ambiants dans la pièce. En fait, il est impossible d'être conscient de tout
ce que vous vivez, et de nombreux exercices de ce programme vous permettront de constater
par vous-même à quel point la conscience quotidienne est limitée.
Même si la conscience de tous les jours est incroyablement limitée, elle a le pouvoir de
modifier arbitrairement le fonctionnement de certaines parties du cerveau. Par exemple,
nous pouvons changer nos habitudes et nos comportements si nous le voulons vraiment, et
nous pouvons accéder délibérément à des niveaux de conscience supérieurs que peu d'autres
animaux peuvent atteindre. Cependant, nous devons apprendre à le faire en maîtrisant l'art
de passer d'un niveau de conscience à un autre.

Niveau 4 : Conscience imaginative (créativité)


Lorsque la conscience ordinaire se fatigue – ce qui se produit après 15 à 20 minutes de
concentration au plus – l’activité neuronale passe à un autre état de conscience dans lequel
l’esprit erre dans un univers imaginaire et donc fantastique. Notre cerveau devient alors plus
actif que lorsque nous nous concentrons sur une tâche, ce qui est contre-intuitif : nous avons
habituellement l’impression que nous sommes plus actifs mentalement quand nous sommes
concentrés que lorsque nous nous déconcentrons et partons dans nos rêveries !
Jusqu’à récemment, on n’avait accordé que peu d’attention à cet état de conscience
particulier que l’on considère aujourd’hui comme essentiel pour conserver un cerveau sain.
Comme l’image suivante le montre, quand notre esprit commence à errer et à faire
toutes sortes d’associations bizarres (en sautant « du coq à l’âne »), l’activité neuronale se
déploie dans tout le cerveau tandis que des centaines de pensées, de sentiments, d’images et
de souvenirs différents sont produits, traités et mémorisés de manière semi-consciente.
Il s’agit d’un état d’esprit très créatif que connaissent
bien les philosophes, les artistes, les musiciens et les
inventeurs. C’est dans cet état que des scientifiques
comme Einstein ont trouvé des solutions fulgurantes à
certains de leurs casse-têtes et que les enfants créent les
cauchemars et peurs irrationnelles qui apparaissent si
convaincants pour eux.
La plupart du temps, au quotidien, nous oscillons
constamment entre ces trois niveaux de conscience
habituelle, intentionnelle et créative.

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Décider consciemment d’entrer dans un état relaxé et hypnotique de conscience
librement flottante, c’est à la fois rafraîchir son esprit et accroître sa motivation, sa
productivité et sa confiance.

Niveau 5 : Conscience réflexive


Pour entrer dans le niveau de conscience suivant, il faut faire deux choses. En premier,
il convient de choisir consciemment et délibérément de s’établir dans un mode d’attention
détendu et ouvert. Ensuite, de prêter attention à tous les sentiments, pensées et sensations
qui traversent notre champ de conscience ; il suffit alors de les observer sans jugement.
Cette forme d’attention aux contenus de notre conscience (ou introspection) est depuis
la nuit des temps au cœur même de la quête philosophique et spirituelle.
Elle a donné récemment naissance à un nouveau champ de connaissances appelé
« neurosciences contemplatives », lequel nous offre des moyens validés et efficaces pour
réduire le stress, l’anxiété et la dépression, tout en développant l’empathie, la compassion et
l’intuition.
La conscience réflexive mobilise certaines des structures évolutives les plus récentes
du cerveau – comme l’insula et le cortex cingulaire antérieur – qui mettent des décennies à
atteindre leur maturité complète chez un individu. Toutefois, comme l’ont montré nos
études du cerveau par PET-scan, passer en moyenne 12 minutes par jour à pratiquer certains
exercices de pleine conscience (comme ceux contenus dans le présent programme), fera
augmenter l’activité dans ces parties du cerveau et modifiera même progressivement leur
structure. Il s’agit ici du niveau où l’intuition se forme, laquelle permet, une fois intégrée
dans la conscience intentionnelle nichée dans le cortex préfrontal dorsolatéral, d’atteindre
une autre dimension de la conscience.

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Niveau 6 : Conscience transformationnelle
Plus vous observez les processus de votre esprit tout en restant dans un état de détente et
de bienveillance, plus votre cerveau se met à fonctionner d'une manière profondément
différente. Les sentiments négatifs perdent leur pouvoir, et un sentiment de sérénité
intérieure prend le dessus à mesure que vous prenez conscience du moment présent.
Soudain, vous vous sentez plus vivant et vous prenez conscience du fait que vous observez ce
qui se passe en vous et à l’extérieur de vous tout en étant conscient d’observer (ce que l’on
appelle « méta-cognition »).
Nombreuses sont les personnes qui vivent cette prise de conscience comme une
« révélation », en réalisant que leurs pensées sont simplement le jeu naturel de la conscience
qui n’a au fond que peu à voir avec ce qu’elles sont. Plus une personne reste dans cet état de
conscience élevé, plus elle voit émerger tout à coup de nouvelles perspectives. Dans les
milieux de la spiritualité, ce moment est parfois appelé un moment d’éveil, terme qui, au
XVIIème siècle, renvoyait à la notion d’un individu qui était parvenu à une compréhension
très profonde de la « vraie » nature de l’existence – sens que ce terme conserve dans la
plupart des traditions contemplatives de l’Orient. Dans cette vision des choses, l’éveil est
considéré comme un état de conscience transcendant.
Existe-t-il des preuves neurologiques venant étayer la notion de conscience
transformationnelle ou d’éveil, cet état de conscience où la vie gagne en sens et en
cohérence ? Nous le pensons effectivement car nos études en neuro-imagerie montrent
qu’un état de contemplation profond génère des modifications structurelles particulières
dans les parties du cerveau impliquées dans notre représentation de la réalité. Ce qui
corrobore la possibilité de modifier nos perceptions et nos réactions instinctives et
habituelles (niveau 1) par rapport au monde.

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Dans cette image, le scanner du cerveau du haut montre un thalamus normal, dont les
deux parties sont actives (en rouge) lorsque nous sommes réveillés. Lorsque nous dormons,
les deux parties sont inactives. Or, comme on le voit sur le scanner du bas réalisé sur un
méditant expérimenté en état de conscience élargie, un côté du thalamus est très actif tandis
que l’autre semble endormi. Ce phénomène est très rare, sauf chez les personnes pratiquant
la méditation, l’introspection et la pleine conscience depuis des années.
Ce cerveau paraît comme à moitié éveillé et à moitié endormi ce qui -c’est l’hypothèse
que nous avons formulée- permet d’avoir un meilleur accès à des états oniriques ouverts à
l’imagination, la créativité et l’intuition. Cela suggère également qu’une personne qui
connaît « l’éveil » voit véritablement le monde autrement. Ces personnes font preuve de
valeurs sociales plus fortes, manifestent davantage d’empathie, de compassion et de
générosité envers les autres et se disent plus satisfaites de tous les aspects de leur vie.
Le programme NeuroWisdom vous guidera à travers des exercices particuliers dont
l’objectif est de vous permettre de passer consciemment d’un état de conscience à l’autre,
tout en vous offrant la possibilité d’opérer une transformation intérieure. Même s’ils ne
durent qu’une ou deux minutes, ces brefs moments d’éveil peuvent littéralement changer
votre vie en vous conférant un sentiment intérieur durable de sens et de cohérence. Et vous
aider à définir plus aisément les bons objectifs pour vous-même dans votre vie.
Si vous êtes novice en matière de méditation et de pleine conscience, ce cours vous
donnera les bases d’une pratique et de stratégies visant à améliorer votre vie. Peu importe
que vous soyez croyant ou non : les exercices du programme ne sont liés à aucun dogme ou
tradition religieuse. Ils sont compatibles avec les différentes confessions mais conviennent
aussi aux personnes agnostiques ou athées. Nombre de ces stratégies sont maintenant
enseignées dans des systèmes laïcs comme les hôpitaux et cliniques ou encore les écoles et
universités de différents pays.
Si vous avez une pratique spirituelle, nos recherches montrent que ces exercices la
renforceront. Ces recherches démentent également la croyance habituelle selon laquelle la
durée de la méditation influerait sur ses effets et qu’il nous faudrait sans cesse répéter la
même technique. Au contraire, de brèves périodes d’introspection et de relaxation (même
aussi courtes que quelques dizaines de secondes une ou quelques fois par heure) peuvent
être tout aussi bénéfiques pour vous, à condition d’en faire une pratique quotidienne.
Si vous l’interrompez, votre cerveau revient naturellement aux habitudes et aux
comportements antérieurs. Comme nous l’avons évoqué plus haut, le cerveau recherche la
nouveauté. Donc, si vous ne changez pas le style de votre pratique régulièrement, l’ennui
risque même d’interférer avec le développement des états de conscience élargie.

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Quelles modifications du cerveau peut-on voir lorsqu’une personne pratique la pleine
conscience, la méditation ou l’introspection ? Comme le montrent les deux tableaux ci-après,
issus des travaux de l’équipe de recherche en neurosciences Newberg & Waldman, elles sont
importantes.
Le premier fait apparaître que lors de notre étude portant sur des méditants chevronnés,
nous avons observé jusqu’à 26 % de modifications dans l’activité des zones clés du cerveau.
Les images ci-dessous montrent les modifications qui surviennent dans les régions frontales
et pariétales du cerveau.

En comparant les différences entre les méditants réguliers et les non-méditants, nous
avons mis en évidence que de nombreuses structures étaient modifiées, parfois jusqu’à 13 %.
Nous ne connaissons aucune autre forme d’entraînement du cerveau susceptible de
provoquer de telles modifications.

Modifications structurelles de différentes zones du cerveau observées sur des méditants expérimentés.

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