Admin,+22227 57781 1 CE
Admin,+22227 57781 1 CE
Admin,+22227 57781 1 CE
E-ISSN : 2665-7511
https://revues.imist.ma/?journal=AME
Résumé :
Ces dernières années, nous assistons à l’échelle mondiale à un niveau élevé de sensibilisation
aux questions de développement durable (DD), en particulier celles liées à la protection de
l’environnement. Les fonctions logistiques, à commencer par le transport, suivent cette
tendance et évoluent en permanence. Les aspects liés à la durabilité sont devenus des enjeux
majeurs pour les acteurs de la chaine logistique, notamment pour les entreprises de transport
routier de marchandises.
C’est dans ce sens que s’inscrit notre étude qui a pour objectifs de montrer le niveau de
conscience des transporteurs marocains vis-à-vis de l’importance du DD et dégager les
différentes pratiques mises en place, les motivations et les obstacles rencontrés.
Dans le présent article, nous montrerons, à travers une étude exploratoire basée sur des
entretiens semi-directifs effectués auprès de 13 transporteurs routiers de marchandises au
Maroc, que les transporteurs sont de plus en plus conscients de l’importance du DD et que
plusieurs pratiques sont déjà mises en place. Les principales motivations de cet engagement de
durabilité sont le soutien de l’État, la réglementation et les exigences des chargeurs, tandis que
l’informel, les conditions d’accès à la profession et la taille limitée des entreprises constituent les
principaux obstacles.
Summary:
In recent years, a high level of general awareness of sustainable development issues has been
observed, particularly those related to environmental protection. Starting with transport,
Logistics functions are constantly evolving as they follow this trend.
For supply chain actors, environmental and sustainability aspects have become major challenges,
particularly for road freight operators.
The present study is conducted in order to show the awareness level of Moroccan carriers
towards the importance of sustainable development, and also identify the already implemented
practices, the motivations and the obstacles encountered by these operators.
In this article, we will display, through a qualitative study based on semi-structured interviews
carried out with 13 road freight transporters in Morocco, that Moroccan transporters are
increasingly aware of the importance of sustainable development. A number of practices are
already implemented in this field. The key motivations towards this commitment to sustainability
are government support, regulations and the requirements of shippers, whereas factors such as
the access conditions to this career, the limited size and the existence of an informal sector still
represent obstacles to success of these measures.
Key words: Road freight transport ; sustainable development ; sustainable transport ; green
logistics and environmental sustainability.
Les organisations et la société civile portent un réel intérêt à l’impact de la logistique sur le
développement durable. Plusieurs recherches scientifiques et études se sont penchées sur ce
sujet. Le Forum économique mondial a estimé, selon une étude datant de 2009, que l’activité
logistique représente environ 5,5 % des émissions des gaz à effet de serre (désormais GES).
Selon la même étude, les installations logistiques sont responsables de 9 à 10% des émissions
des GES, tandis que le reste provient du transport de fret. Le transport routier de marchandises
quant à lui est responsable des deux tiers de ces émissions de GES. D’autres études et
recherches indiquent des parts plus importantes des opérations logistiques dans les émissions
des GES (AMDL, 2016). Depuis l’an 2000, les émissions de CO2 à l’échelle mondiale augmentent
de 3,1% par an, avec une progression trois (3) fois plus rapide que dans les années 1990.
À partir de ces constats, et dans un contexte défini par l’accroissement de l’intérêt des
organisations et des gouvernements pour le développement durable et le respect de
l’environnement, les entreprises et les acteurs économiques, ainsi que la société civile,
s’investissent de plus en plus dans des pratiques visant à diminuer l’impact environnemental,
social et sociétal de leurs opérations logistiques, dont le service de transport reste le centre
névralgique. Cette mutation vers un transport plus durable est aussi considérée par les
organisations comme argument de vente à des clients de plus en plus soucieux de l’empreinte
carbone des produits et des services qu’ils consomment.
Les transporteurs qui ne se préoccupaient auparavant que de la maîtrise des coûts et des délais
doivent désormais respecter leurs engagements environnementaux et adopter des méthodes
logistiques respectueuses de l’environnement avec moins de pollution et moins de dioxyde de
carbone.
Toutefois, et vu leurs tailles et leurs capacités actuelles, les transporteurs routiers de
marchandises marocains arriveront-ils à être en phase avec cette mutation vers un transport
durable ? Et dans quelle mesure les entreprises marocaines de transport routier de
marchandises s’intéressent-elles aux enjeux et aux pratiques du développement durable ?
Il faut noter que plusieurs recherches et études se sont intéressées à l’adoption des pratiques de
développement durable par les prestataires de services logistiques, notamment les
transporteurs au sein des pays développés et industrialisés. Néanmoins, un nombre très
restreint d’études empiriques se sont concentrées sur l’application des pratiques liées au respect
de l’environnement par les prestataires de services logistiques au niveau des pays en voie de
développement comme le Maroc (Elbaz, 2016, p.2), c’est d’ailleurs ce qui nous a poussé à mener
cette étude.
Nous présenterons en premier lieu une revue de littérature cernant les concepts, les enjeux et
les pratiques de développement durable dans la logistique et le transport de marchandises, pour
ensuite présenter le contexte de l’étude, la méthodologie et les résultats de notre étude
exploratoire.
1. Cadre théorique
Il sera question, dans cette section, de présenter les éléments de définition du développement
durable, de la durabilité environnementale et de présenter le lien qui existe entre ces concepts
et les dimensions « logistique » et « transport de marchandises ».
Notons tout d’abord que le développement durable désigne « le développement qui répond aux
besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à satisfaire leurs
propres besoins » (Bruntland et al., 1987). Cette définition fait comprendre que si le
développement social, environnemental et économique, ne sont pas pris en compte en même
temps, on ne pourra pas parler de développement durable.
Au niveau de la littérature logistique, plusieurs travaux de recherche ont traité les différents
aspects de la durabilité, notamment Björklund et Forslund, 2013; Srivastava, 2007; Wu et Dunn,
1995. Cependant, bien que les trois aspects de développement durable doivent être pris en
compte simultanément, la plupart des recherches effectuées sur le développement durable dans
le domaine de la logistique et du transport concernent plus particulièrement l’aspect
environnemental en liaison avec l’aspect économique (Seuring et Muller, 2008). Cette
intersection a donné naissance au concept de « logistique verte » qui peut être considérée
comme ayant les mêmes objectifs de la logistique tout en cherchant à minimiser l’impact
environnemental de ses activités.
Désormais, le défi majeur des managers des chaines logistiques est d’arriver à optimiser et
réduire les coûts tout en respectant les exigences environnementales (Zhu et al., 2008). C’est
dans ce sens que la logistique verte semble être une nouvelle approche permettant de
réconcilier ces deux finalités, puisqu’elle fait référence à un type de logistique qui est à la fois
écologique et économiquement fonctionnel (Rodrigue et al., 2001).
La gestion de la chaine logistique verte est définie par Lai et Wong (2012) comme étant la
capacité d’une organisation à améliorer l’efficacité opérationnelle tout en répondant aux
attentes sociales et de protection de l’environnement. Dans ce sens, Rao et Holt (2005)
montrent aussi que la compétitivité des entreprises est renforcée par l’amélioration des
performances environnementales, puisqu’elles sont capables d’atténuer l’impact
environnemental de leurs activités de production et de services, se conforment aux
réglementations environnementales et répondent efficacement aux exigences et préoccupations
environnementales de leurs clients (Rao et Holt, 2005, p. 898).
Avant d’étendre leurs recherches sur les autres maillons de la supply chain, les chercheurs se
sont d’abord intéressés au domaine du transport, puisqu’il s’agit du maillon le plus nuisible à
l’environnement. Ainsi, la plus importante étape de l’« écologisation » du système logistique
1
Aucune définition universelle n’existe à ce jour. Il semblerait qu’il n’y ait pas encore de consensus au niveau des
enjeux et des pratiques de la gestion de la chaine logistique verte (Zhu et al., 2008).
Au niveau européen, et après avoir identifié les trois difficultés majeures du secteur de
transport, notamment « la croissance inégale des différents modes de transport, qui reflète la
meilleure adaptation de la route aux besoins de l’économie moderne ; la congestion de certains
grands axes routiers et ferroviaires ; et les nuisances à l’égard de l’environnement et de la santé
des citoyens » (Meunier et Zéroual, 2006, p.7), la politique européenne vis-à-vis du
développement durable a tracé comme objectif le report du mode de transport routier vers des
modes de transports plus durables et moins polluants, tout en encourageant les chargeurs à
utiliser le transport intermodal.
Au niveau de la chaine logistique, le transport reste l’opération qui contribue le plus à l’impact
négatif sur l’environnement (Wu et Dunn, 1995). Les auteurs montrent que le transport est la «
principale source de danger pour l’environnement dans le système logistique » (Wu et Dunn,
1995, p. 32). Ils affirment que pour parvenir à un système logistique respectueux de
l’environnement, il est indispensable de prendre des décisions logistiques visant à minimiser les
émissions des transports.
D’après le livre blanc, le mode de transport routier est responsable de plusieurs externalités
négatives impactant négativement l’environnement, la société et les citoyens (TK’Blue, 2016),
dont la plus connue et la plus médiatisée concerne les émissions de CO2. D’autres externalités
négatives sont pourtant responsables de plusieurs nuisances sanitaires, économiques et
environnementales importantes ignorées et négligées dans la plupart des études.
Dans ce sens, il convient de présenter les différentes externalités négatives du transport routier
de marchandises listées par TK’Blue Agency et regroupées en catégories principales (TK’Blue,
2016, p. 9-10) :
- Le bruit : cet élément affecte sur le long terme la santé des citoyens et peut causer
des maladies cardio-vasculaires causées par le stress et la perturbation du sommeil
engendrés par le bruit des véhicules routiers.
- Les coûts de la congestion : cet élément affecte à la fois les coûts liés à la perte de
temps à l’intérieur de l’entreprise qu’à son extérieur. Le coût internalisé à l’entreprise
est celui lié au temps perdu par l’opérateur et aux retards de livraison supportés par ses
2
Il faut distinguer les gaz polluants et les GES. Les gaz polluants (CO, NOx, particules…) ont des effets nocifs sur la
santé de l’homme. Les GES sont essentiellement composés de dioxyde de carbone (CO2) et participent au
réchauffement climatique.
L’aspect écologique du transport réside dans le fait de chercher à diminuer les pollutions issues
des transports, notamment la pollution sonore et les émissions CO2 et des autres particules.
Kammas (2016) explique que cet aspect se concrétise principalement par « la massification du
chargement et la suppression au maximum du retour à vide, l’utilisation des modes de
transports moins polluants, via les véhicules dotés des derniers systèmes de motorisation (Euro
5 et Euro 6), électriques et/ou au GPL, qui facilitent une logistique urbaine fluide et propre à
toute heure de la journée et non aux heures limitées de livraison » (Kammas, 2016, p. 40).
Selon McKinnon (2003), il est possible de réduire les émissions des transports en modifiant le
mode de transport, la demande de transport ou en améliorant l’utilisation des véhicules. Selon
l’auteur, comme les ressources sont utilisées plus efficacement, l’amélioration de l’utilisation des
véhicules est souvent considérée comme un très bon moyen de concilier les performances
économiques et environnementales.
Dans son rapport « Transport Outlook 2017 », l’OCDE (2017) souligne que « l’optimisation des
itinéraires ou le partage des camions entre différentes entreprises permettraient d’accroître les
coefficients de chargement et de limiter les déplacements à vide. Les gains d’efficience ainsi
générés pourraient se traduire par une diminution d’un tiers des émissions de CO2 imputables
aux camions » (OCDE, 2017, p.13). De son côté, le Centre d’études et de recherches sur les
qualifications (CEREC) a montré que « pour avoir un transport écofriendly (i.e. ami de
l’environnement) et assurer la durabilité du fret, il est impératif de se focaliser sur les formations
en éco-conduite et sur une meilleure optimisation et massification des circuits les plus locaux »
(CEREQ, 2017, p.17).
TK’Blue (2016) démontre également qu’une optimisation des ressources humaines et des
technologies contribue efficacement à la mise en place des conditions favorables à un transport
Notons à ce propos que la formation à l’éco-conduite est destinée à réduire les émissions de
CO2 en jouant sur le mode de conduite (conduite « douce » ou « rationnelle »). En effet, selon
l’étude de TK’Blue (2016), un mode de conduite doux peut réduire de 15 à 20 % la
consommation d’un véhicule. En plus, le gain énergétique est doublé par des gains de réduction
sur le plan des accidents et sur l’entretien des véhicules (TK’Blue, 2016, p. 27).
Dans ce contexte, il est à rappeler que les transporteurs routiers doivent désormais doter leurs
flottes d’informatique embarquée, d’objets connectés et d’équipements aux technologies
avancées. Ces outils technologiques, qui se sont multipliés ces dernières années, permettent
d’améliorer les performances des métiers du transport, d’assister en temps réel le chauffeur
pour le maintien d’une conduite rationnelle et d’assurer le suivi des programmes de
maintenance des véhicules routiers. Cette utilisation des progiciels métiers et des nouvelles
technologies contribue au quotidien à l’optimisation des opérations logistiques de transport
(TMS) ou d’entreposage (WMS) et, par conséquent, à la réduction des émissions de GES.
Cependant, l’un des fondements de base d’un transport routier écoresponsable est la disposition
d’un parc de véhicules nouveau et performant, comme en témoigne l’expérience réussie de
l’Union Européenne, à travers l’instauration des normes européennes, notamment la norme
EURO VI3.
Il est certain que le camion électrique est très vertueux en matière de consommation
énergétique, mais il reste pour le cas de transport de marchandises une solution moins efficace
et sous optimisée. Dans le cas du transport routier de marchandises, les moteurs thermiques
restent les plus performants et les plus intéressants grâce à l’apport des avancées
technologiques aux engins routiers lourds, comme les motorisations diesel EURO VI, qui
3
Nous pouvons constater un grand progrès de réduction d’émissions d’oxydes d’azote et de particules après la
mise en application de ces normes : « Entre 1988 et 2010, on estime que les poids lourds ont divisé par 8 les
émissions de NOx, par 20 les émissions de particules. Dans le même temps, la consommation a été divisée par 2,
alors que la puissance des camions a augmenté de 50% » (AKANEA, 2015, p.2).
2. Contexte de l’étude
Nous trouvons par ailleurs d’autres impacts environnementaux négatifs relatifs aux différentes
défaillances du transport de marchandises dangereuses. El Khayat (2012) montre à ce sujet que
« le transport de marchandises dangereuses souffre de graves défaillances en matière de
sécurité. Certes une réglementation vient d’être approuvée mais son application nécessitera une
politique rigoureuse et praticable » (El Khayat, 2012, p. 67).
Il est également à noter que les offres de groupage permettant la mutualisation des flux restent
encore très rares, ce qui amène à une massification des transports, une congestion routière et
un nombre de retours à vide très élevé.
D’un autre côté, les statistiques nationales relatives à la sécurité routière sont alarmantes. Nous
constatons une évolution continue du nombre d’accidents de la route, causant des morts et des
blessés, ce qui a pour conséquence un coût social élevé ainsi qu’un coût économique non
négligeable pour les transporteurs relatifs à la réparation des véhicules, aux pertes de temps et
au remboursement des dommages et intérêts aux victimes.
Dans le même cadre, la Fédération Nationale des Transports Routiers (FNTR), par l’entremise de
ses différentes associations, s'est aussi engagée dans la durabilité par la création du label RSE,
par la mise en œuvre de la loi sur l’environnement, par la création d’un observatoire national,
mais aussi par l’instauration d’un contrat programme entre l’Etat et les partenaires sociaux
visant le développement des pratiques de développement durable.
3. Méthodologie :
Vu son aspect explorateur et qualitatif, l’outil que nous avons utilisé pour cette étude
exploratoire est celui de l’entretien semi-directif. À la lumière du principe de saturation de
l’information fondé par Glaser et Strauss (1967), notre échantillon a été fixé en 13 entretiens,
pour la sélection des entreprises à contacter, nous avons essayé de diversifier l’échantillon
choisi, notamment au niveau de la taille et la couverture géographique, de telle façon que les
résultats obtenus puissent être globaux. Ainsi, les données de cette recherche ont été
rassemblées auprès des transporteurs routiers de marchandises au Maroc (5 très petites
entreprises, 4 PME, 3 grandes entreprises et le SNTL Group). Les entretiens ont étaient réalisés
en face à face sur le site de l’entreprise, chaque entretien a duré environ 20 à 25 minutes en
fonction de la disponibilité et la volonté du répondant. Les entretiens ont été enregistrés et
transcrits de façon systématique.
Les quatre principaux axes de l’étude portent sur la prise de conscience de l’importance des
pratiques de développement durable, les différentes pratiques déjà mises en place, les
principales motivations et les obstacles empêchant les transporteurs routiers de marchandises à
adopter ces pratiques de transport durable. Ci-dessous le guide d’entretien :
Pour analyser les entrevues nous avons en premier lieu écouté attentivement les
enregistrements et effectué des relectures des transcriptions afin de pouvoir condenser les
données, puis nous avons relevé les extraits les plus significatifs répondant à l’objectif de notre
étude. Chaque entrevue contient des informations qu’il faut déterminer, classifier, trier, analyser
et interpréter afin d’en extraire les significations.
Pour traiter les discours issus des entretiens réalisés nous avons opté pour la méthode de
l’analyse de contenu. L’utilisation de cette méthode permet de décoder les avis des
transporteurs et leurs opinions sur l’importance des pratiques de développement durable et
l’intérêt qu’ils portent aux fondements d’un transport routier de marchandises durable.
La prise de conscience des enjeux du développement durable dans le transport est devenue
obligatoire par l’Etat depuis la COP22, puisque le Maroc a interdit l’entrée à son territoire des
camions de la génération antérieure à Euro 5. Encore, et ce à partir de 2020, la France, qui
constitue le partenaire historique et le client principal des transporteurs marocains opérant dans
le Transport International Routier de Marchandises, donnera aux transporteurs marocains
l’autorisation de circulation à des engins d’Euro 5 et Euro 6 uniquement.
Les transporteurs doivent désormais être de plus en plus conscients des enjeux du
développement durable aussi bien pour optimiser les coûts que pour respecter l’environnement.
Les quatre principales motivations qui pourraient pousser les transporteurs routiers à adopter
des pratiques de développement durable, les plus mentionnées dans la littérature, sont : l’aspect
réglementaire, l’aspect marketing et l’intérêt des consommateurs soucieux de l’environnement,
l’aspect économique (l’utilisation de modes de transport écologique permet de réduire les couts
liés au carburant et à l’entretien des moteurs) ainsi que les aspects écologique et
environnemental (notamment la norme ISO 14000 qui a motivé l’adoption d’une logistique
verte).
Il est aussi à souligner que le Maroc a fait un pas vers l’avant dans l’amélioration de la qualité du
carburant, qui constitue la cause principale de la pollution. Selon le secrétaire général de l’AMTRI
et dirigeant d’une entreprise de transport routier de marchandises, le Maroc s’est engagé ces
dernières années dans l’amélioration de la qualité du carburant en terme de teneur en soufre,
puisqu’aujourd’hui le gasoil offert est de 50 ppm, alors qu’auparavant les transporteurs routiers
utilisaient le gasoil 5000 ppm.
D’autres motivations, qui poussent surtout les grandes et moyennes entreprises de transport
routier de marchandises au Maroc à s’engager dans le développement durable, concernent la
concurrence, les stratégies RSE des entreprises et les certifications ISO octroyées dans ce sens.
Les grands chargeurs et donneurs d’ordre comme les multinationales et les grandes entreprises
ont un cahier des charges bien précis avec un certain nombre d’exigences, notamment sur le
côté social, réglementaire et environnemental. Par conséquent, les exigences des chargeurs
constituent une motivation supplémentaire pour les grandes entreprises marocaines de TRM
pour rouler de manière plus durable.
En dehors de l’ensemble de ces motivations, il faut signaler que l’élément essentiel pour la mise
en place des pratiques de développement durable et des initiatives vertes reste la volonté des
dirigeants et des chefs d’entreprises, ainsi que la culture de l’entreprise et son style managérial.
4.3. Les démarches déjà prises par les transporteurs routiers marocains :
Parmi les bases et les pratiques du transport durable, il y a d’abord le renouvellement du parc et
l’utilisation des nouveaux moyens et méthodes de transport. À ce propos, les primes à la casse
sont octroyées par le gouvernement pour les véhicules âgés de plus de 20 ans pour dépasser et
éliminer progressivement les anciennes générations de camions et de poids-lourds émetteurs
d’un nombre important de GES et de particules en faveur des véhicules routiers nouvelle
génération moins polluants, notamment Euro 4, Euro 5 et Euro 6.
Dans ce sens, les grandes entreprises, comme le groupe SNTL, se dotent de flottes de véhicules
très développées, avec de nouvelles technologies à bord permettant d’optimiser les itinéraires et
de rationnaliser la consommation du carburant. L’ensemble des PME interrogées utilisent des
poids lourds de Norme EURO 4 et EURO 5, ce qui n’est pas le cas pour les TPE.
À l’exception de deux TPE, les transporteurs interrogés font bénéficier leurs chauffeurs de la
formation en éco-conduite qui fait partie du programme national de la sécurité routière pour
leur apprendre à conduire de façon à consommer moins de carburant et de causer moins
d’accidents.
Il est également à noter que les véhicules routiers de nouvelle génération autorisés à l’entrée au
Maroc consomment en plus du carburant un additif écologique nommé le « AdBlue », un
carburant écologique fabriqué à base d’engrais fertilisants qui s’ajoute au gasoil et qui diminue la
consommation de l’énergie fossile au profit de l’énergie verte. La plupart des stations de service
marocaines offrent aujourd’hui cet additif écologique.
D’autres pratiques mises en place par les transporteurs interrogés concernent la réduction, dans
la mesure du possible, des retours à vide et l’optimisation du remplissage des camions, ce qui
s’est traduit en un gain de productivité non négligeable pour ces entreprises.
La taille réduite des entreprises de TRM marocaines ainsi que le poids de l’informel dans le
secteur sont aussi des obstacles aux pratiques du transport durable et éco-responsable. Les
petites et microentreprises ne peuvent pas renouveler leurs parcs de véhicules en permanence
et doter leurs flottes de nouvelles technologies et de l’informatique embarquée, d’autant plus
que leur situation financière ne leur permet pas d’accéder aux crédits leasing ni de payer les
formations pour leur personnel.
Soulignons aussi que la formation en éco-conduite est payante, ce qui fait que plusieurs TPE ne
font pas bénéficier leurs chauffeurs de cette formation et revendiquent sa gratuité pour que
tous les chauffeurs puissent en profiter. Les transporteurs demandent par ailleurs à ce que l’âge
des véhicules délimité par l’Etat soit diminué pour qu’ils puissent bénéficier de la prime à la
casse à partir de 15 ans.
Par ailleurs, les gérants interviewés ont déclaré que le prix cher des investissements verts ainsi
que l’incertitude de leur rentabilité constituent aussi des obstacles majeurs aux pratiques du
transport écoresponsable. La plupart des dirigeants doutent toujours des gains économiques
pouvant être escomptés après l’adoption des pratiques de développement durable, sans oublier
le manque de personnel qualifié pouvant travailler sur des initiatives de respect de
l’environnement.
Conclusion et perspectives :
Cette étude exploratoire a permis de constater que la mutation du transport routier vers un
transport plus durable qui respecte l’environnement est possible. En effet, un ensemble de
pratiques ont été entreprises pour le développement d’un transport qui a pour finalité, autre
Le Maroc a défini dans ce cadre une stratégie nationale relative au secteur de transport routier
de marchandises qui s’inscrit dans les efforts mondiaux pour la réduction des GES et la lutte
contre la pollution résultant du transport routier, tout en cherchant à concilier les deux piliers :
développement durable et performance. En effet, l’État s’engage, entre autres, à rendre les
parcs de véhicules plus propres et performants, mais aussi à former et qualifier les chauffeurs en
éco-conduite et à améliorer la qualité du carburant utilisé.
À travers cette étude, nous avons montré que la prise de conscience de l’importance des
pratiques de développement durable est de plus en plus présente, bien que son ampleur soit
encore limitée au niveau des petites entreprises de transport routier de marchandises. Nous
avons constaté que le soutien de l’État ainsi que la réglementation constituent les principaux
catalyseurs de cet engagement de durabilité environnementale suivis des exigences des
chargeurs qui demandent de plus en plus de services éco-responsables. Cependant, plusieurs
obstacles entravent cet engagement de durabilité environnementale, à savoir les conditions
d’accès à la profession, la taille limitée des entreprises de transport routier de marchandises,
leur situation financière et leur style de management, ainsi que le manque de plateformes
logistiques permettant la mutualisation des flux et du groupage.
Bibliographie :
Agence Marocaine de Développement Logistique AMDL. (2016). Charte marocaine en faveur de
la logistique verte. http://www.amdl.gov.ma.
Akanea. (2015). Le défi des éco conformités dans le transport routier de marchandises.
https://akanea.com/images/Le_defi_des_ecoconformites_dans_le_TRM.pdf.
Björklund, M. et Forslund, H. (2013). The purpose and focus of environmental performance
measurement systems in logistics. Journal international de la productivité et de la gestion du
rendement, Vol. 62, No. 3, pp. 230-249.