Sido, Synthèse, La Mère

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Points de synthèse Sido.

1) Quelle est la place et l’importance du motif des « points cardinaux » ?

Lors de sa première parution, en 1929, l’oeuvre avait pour titre Sido ou les Points cardinaux. Si dès 1930,
lorsque Colette ajoute les deux chapitres du Capitaine et des Sauvages, le titre devient plus sobrement Sido
(que seul son père nommait ainsi p.54), les points cardinaux sont un motif assez récurrent pour structurer le
texte. Ils apparaissent une douzaine de fois, comme des jalons guidant le lecteur.

La première occurrence du motif fait du jardin de la maison natale le centre névralgique du village : « nous
entendions, au Sud. Au Nord… A l’Est… » p. 45. Jardin qui donne le ton aux moeurs paisibles et sociables du lieu,
comme lorsque sa mère dialogue avec ses voisins, à l’aveugle, d’un jardin à l’autre, et reçoit réponse à ses
demandes, ou leur envoie des bouquets de violette.(p. 50 à 53). Les points cardinaux tout au long structurent
alors l’espace à partir du jardin, comme lors de la visite d’une « mitoyenne de l’Est » p. 60, de l’évocation, de «
l’Ouest » voisin nommé ainsi par métonymie, p. 61, ou la façon dont l’enfant évite d’aller chez « la malade de
l’Est » p. 68.
L’autrice traite aussi de « l’importance singulière » que Sido accordait « aux points cardinaux, à leurs dons
comme à leurs méfaits »(p.53) : ils sont personnifiés et deviennent comme des créatures, l’Ouest comme un
allié, le Sud capable de caprices ou de miracles, l’Est le traître dont il faut se méfier : « A contrecoeur elle
faisait pacte avec l’Est » p. 69…Mais surtout elle la montre capable d’en percevoir les signes et de les
décrypter pour prédire le temps à venir : « avertie par ses antennes,, ma mère…goûtait le temps, me jetait un
cri : « La bourrasque d’Ouest ! Cours ! .p. 47 ou « Elle captait les avertissements éoliens …elle centralisait les
enseignements d’ouest …il pleut sur Moutiers. Il pleuvra ici dans deux ou trois minutes seulement » (p.54). Les
points cardinaux sont mystérieusement liés à Sido et font d’elle une sorte de déesse de la nature.
L’écriture va plus loin en plaçant la mère au centre d’une étoile désignant les points cardinaux, une sorte de
Rose des vents imaginaire. L’autrice en appelle ici à l’imagination de l’enfant qu’elle était : « Mon
imagination, mon orgueil d’enfant situaient notre maison au centre d’une rose de jardins, de vents, de rayons,
dont aucun secteur n’échappait tout à fait à l’influence de ma mère » p. 51. Elle s’en sert pour exprimer une
relation privilégiée entre la mère et l’enfant, persuadée d’une sorte de pouvoir magique maternel
commandant aux éléments comme aux êtres. Elle rend cette foi avec un mélange d’émotion et d’humour : «
prodiges familiers » (p.51) perçus par les yeux de l’enfant intimement convaincue des pouvoirs surnaturels de
sa mère « Apport de songe, fuit d’une lévitation magique, jour de sabbat, le piquet…tombait couché aux pieds
de ma mère » (p.52) . Ou encore lors de l’anecdote de la victoria, l’enfant « voit » le vent du sud faisant pleuvoir
les grenouilles. Mais l’adulte, malgré la distance de l’humour et la naïveté évidente de l’enfant, reste sous le
charme et se dit capable « de le voir encore ».
Colette adulte, si tôt initiée par sa mère, comme elle demande au réveil « d’où vient le vent » (p.53) et
s’intéresse aux présages du temps, toutefois décolorés par sa mort. Et c’est sans doute pour leur redonner
couleur qu’elle en fait un fil directeur de son texte, allant jusqu’à le clôturer doublement sur ce motif. Elle place
à nouveau Sido et son enfance « au centre de l’imaginaire étoile à huit branches » (p.72) qui se défit lors du
départ de sa douzième année. Mais l’écriture la rend éternelle en fixant pour toujours l’image de Sido « le front
levé » recueillant « les rumeurs, les souffles et les présages » qui lui arrivent « par les huit chemins de la rose
des vents » (p.73). Le symbole livre donc l’image la plus fidèle de Sido comme il structure le texte.

2) Comment Colette relie-t-elle célébration de la nature et éloge de la figure maternelle ?


On peut considérer la nature d’une part, le portrait maternel d’autre part, comme les deux thèmes principaux
du texte, tout d’abord clairement reliés par la tonalité lyrique.
Colette évoque les jardins de son village natal à travers l’exclamation nominale laudative « Oh ! Aimable vie
policée de nos jardins » ! Elle s’adresse aux fleurs du sien par une apostrophe lyrique « O géraniums, ô
digitales… ». Elle prolonge la célébration de son jardin par celle des saisons, introduite par une formule digne
d’un conte merveilleux « Il y avait dans ce temps-là de grands hivers et de brûlants étés ». Et les négations qui
suivent les placent au dessus de tout : « Mais aucun été, sauf ceux de mon enfance, ne commémore le
géranium écarlate… » « Aucun hiver n’est plus d’un blanc pur à la base d’un ciel bourré de nues ardoisées »
.Lyrisme non pas éthéré mais s’exprimant très concrètement par les sens : cf le goût des deux sources révérées
au retour des promenades à l’aube. p. 50.
Même lyrisme pour évoquer la figure maternelle, par exemple comme croquée sur le vif lors d’un de ses
retours de Paris « Surtout elle nous rapportait son regard gris voltigeant…elle revenait ailes battantes, inquiète,
de tout ce qui , privé d’elle, perdait la chaleur et le goût de vivre ». (p.39) Et l’autrice d’enchaîner sur l’odeur de
son manteau, faisant appel au sens et à la synesthésie comme pour la nature. Ou encore la dernière image
donnée de Sido, convoquant la métaphore de « la Rose des vents », récurrente dans l’oeuvre (cf question 1). Ce
lyrisme est d’ailleurs revendiqué dans le présent de l’écriture, livrant le projet esthétique : « Je la chante, de
mon mieux. Je célèbre la clarté originelle… » p. 61

Ce lyrisme commun est alors porté par l’écriture du souvenir commémorant la pureté de l’enfance comme un
paradis perdu. La nature célébrée est celle de la maison natale, du jardin, du village, de la nature
environnante : retour à l’origine auquel la mère participe aussi de façon essentielle. Les dernières lignes
associent Sido et l’enfance pour les dire « heureuses l’une et l’autre, l’une par l’autre », et fixent l’image de Sido
« dans le jardin ». Colette date « la mauvaise fortune » du jour du départ de Saint Sauveur, et du fait que sa
mère « appartint moins à son jardin, à sa dernière enfant » mis sur le même plan. Ainsi la nature et la figure
maternelle sont intrinsèquement reliées à la nostalgie du paradis perdu de l’enfance.

Mais la relation que l’on peut établir entre l’éloge de la nature et celui de la mère passe plus précisément par
le regard que la mère porte sur la nature. La nature est en effet pour Sido une préoccupation constante, un
centre d’intérêt puissant, sans doute le principal : « toute présence végétale agissait sur elle comme un
antidote » p. 44. Colette la montre comme une femme soucieuse de bien tenir son ménage mais se forçant à le
faire alors que son jardin est son élément vital : elle oppose ainsi « son glorieux visage de jardin » à « son
soucieux visage de maison ». Son jardin, festival de couleurs, est bien sûr magnifique mais elle ajoute aux
connaissances et à la compétence l’amour du vivant qui l’a toujours émerveillée : cf son regard sur la poignée
de neige p. 48 ou sur ses roses. p. 44 . Ou encore son jardin expérimental, dit « musée d’essais » où la « foi » et
une « curiosité universelle » lui font tenter de nouvelles plantations. Cet amour de ses fleurs va d’ailleurs si
loin qu’elle peut les préférer aux humains et les refuser à un mort ou à un culte, malgré sa grande générosité
et son attention aux êtres : p. 59 et 60. Ainsi l’amour de la nature la place au dessus des conventions :
anecdote du merle p. 62. Cela prend chez elle une forme d’appel à une liberté un peu sauvage, à une mystique
toute personnelle remplaçant le Dieu de la religion par la Nature qu’elle révère par-dessus tout : « la tête à la
rencontre du ciel dont elle bannissait les religions humaines »

Colette alors fait de sa mère l’initiatrice qui l’a éveillée à cet amour du vivant. Celle qui, grâce à sa « rurale
sensibilité, son goût fin de la province » p. 61 lui a appris, à regarder et à s’émerveiller : cf le don de l’aube p.
49. Plusieurs scènes associent la mère parlant à la fillette avec une sorte d’autorité sacrée : de futures plantes
à respecter, des prodiges météorologiques auxquels elle a assistés, ou encore du temps qu’elle prédit.. De ses
présages, l’adulte se souvient et les imite par tendresse invétérée p. 53 mais aussi par une sorte de
ressemblance que la mère avait devinée p.58 et que l’adulte cultive p. 63.. L’écriture du souvenir, reliant
célébration de la mère et de la nature, fait se rejoindre la mère et la fille dans une sorte de mimétisme
étonnant.

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