Apc La Connaissance de L'homme 2020-2021

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COMPETENCE II :

TRAITER UNE
SITUATION RELATIVE
AUX CONDITIONS DE
L’HOMME DANS LA
SOCIETE

THEME : LES CONDITIONS DE LA


LIBERTE

FODJO KOUAKOU 78240323 APC COURS COMP II LECON1 TA


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LEÇON I : LA CONNAISSANCE DE L’HOMME

Situation d’apprentissage : Durant la récréation dans la cour de l’école, le chef de classe de


la TA1 du COLLEGE MODERNE LAFAYETTE, d’ordinaire calme et respectueux, agresse
violemment sa voisine. Pour comprendre le comportement imprévisible de leur camarade, les
élèves cherchent à connaître les caractéristiques de l’homme, établir le lien entre le
déterminisme psychologique et la responsabilité humaine et apprécier la complexité de la
nature humaine.

INTRODUCTION

Au fronton du temple d’Apollon à Delphes, il était inscrit ceci : « Homme connais-toi


toi-même ». Cette invitation avait pour but d’inviter l’homme à ne pas seulement considérer le
cosmos comme centre privilégié de la réflexion mais plutôt à faire aussi une introspection pour
déterminer ce qui le caractérise afin d’affirmer sa souveraineté. La question « qui suis-je ?»
traduit philosophiquement mieux cette inquiétude. En clair, la connaissance du monde est une
vaine aventure si elle n’est pas précédée par la connaissance de soi. Pour SOCRATE (469-399
av J-C), la connaissance de l’homme est possible parce qu’elle conduit à la sagesse qui est à la
fois science et Bien Suprême. Cependant, cela n’est pas le cas avec les philosophes comme
FREUD (1856-1939) qui remettent en cause cette connaissance claire de l’homme parce que
celui-ci possède des données qui échappent au contrôle de la raison. Qu’est-ce qui chez
SOCRATE et ses adeptes conduit effectivement à la connaissance de l’homme ? Ce pouvoir
traduit-il toute la nature humaine ? Autrement dit, peut-on en toute objectivité, affirmer que la
conscience et la mémoire expriment la totalité de la nature humaine ? N’existe-t-il pas aussi
chez l’homme d’autres caractéristiques par lesquels cette nature s’appréhende et qui remettent
en cause la souveraineté et la responsabilité de l’homme ?

I−L’HOMME, ETRE DE CONSCIENCE ET DE MEMOIRE

Dans le Vocabulaire technique et critique de la philosophie, André LALANDE


affirme que « La conscience est l’intuition plus ou moins claire que l’esprit a de ses états et
de ses actes ». Cela veut dire qu’être conscient, c’est penser, agir, percevoir et savoir en
même temps qu’on pense, qu’on agit, qu’on perçoit. C’est aussi poser un acte et juger de la
valeur de cet acte, c'est-à-dire savoir par la conscience si l’on a bien agi ou non. La
conscience est donc la faculté de connaissance et de jugement qui permet à l’homme de savoir
ce qui se passe en lui, autour de lui et de connaitre la valeur morale de ses actes.

A- LA CONSCIENCE, ESSENCE DE L’HOMME ET GAGE DE LIBERTE


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Si l’homme se sent diffèrent des autres êtres c’est bien parce qu’il possède une faculté
qui fonde sa dignité et sa supériorité : la conscience. En effet, à la différence des autres êtres,
l’homme est capable d’apprendre et de juger des choses. La conscience est donc une faculté
psychique rendant l’homme capable de connaissance et de jugement. Elle se présente ainsi sous
deux formes : une forme psychologique et une forme morale :
Elle est dite psychologique parce qu’elle guide les opérations intellectuelles de
l’homme ; le rendant ainsi capable de connaissance. Précisément la conscience psychologique,
qui se déchire en conscience spontanée et en conscience réfléchie, s’assimile ainsi à la pensée
rationnelle qui revient sur elle-même pour se penser et s’interroger. La conscience
psychologique apparait de ce point de vue comme le principe de toute connaissance dans la
mesure où elle concourt à la saisie des expériences qu’elle organise en savoir unifié. En un mot,
c’est elle qui me permet de penser. FEUERBACH (1804-1872) dans l’Essence du
christianisme souligne cette valeur de la conscience en ces mots : « Là où il y a conscience, il
y a capacité de science ». C’est donc dire que grâce à la conscience l’homme a la capacité de
connaitre. Se connaitre et connaitre son milieu.
Elle est dite morale parce qu’elle a la capacité de porter des jugements normatifs
immédiats sur les actions. Comme un juge, elle évalue les actions de l’homme. Pour certains
penseurs comme ROUSSEAU (1712-1778), elle est innée, infaillible et est le fondement de la
morale. Dans Émile ou de l’éducation, il l’affirme en ces termes : « Conscience !
Conscience ! Instinct divin (…) ; juge infaillible du bien et du mal qui rend l’homme
semblable à Dieu, c’est toi qui fais l’excellence de sa nature et la moralité de ses actions ».
De ce point de vue, elle apparait comme une lumière qui permet à l’homme de répondre de ses
actes et d’être transparent à lui-même En tant que sujet conscient, l’homme est un agent moral
car il arrive grâce à la conscience à apprécier en distinguant le bien du mal, le faux du vrai.

L’homme étant le seul être capable de connaissance et de jugement, on ne peut que le


définir que par cette faculté. La conscience constitue donc l’essence de l’homme. Dans
Méditations métaphysiques, René DESCARTES ne manque pas de relever cela puisqu’il
dit : « je ne suis précisément parlant qu’une chose qui pense ». La nature du « je » sujet se
réduit essentiellement à la pensée, autre nom de la conscience. C’est la raison pour laquelle on
ne saurait définir l’homme en faisant fi de cette faculté. On note que consécutivement à ces
analyses, la notion de conscience se révèle comme un grand privilège offert à l’être humain
dans la mesure où pour elle l’homme n’est plus simplement un vivant parmi les vivants. Il
devient sujet responsable et libre. La conscience est fondamentalement principe de liberté et de
responsabilité. C’est elle qui élève l’homme et le grandit comme l’exprime Emmanuel KANT
(1724−1804) : « posséder le ‟je″ dans sa représentation : ce pouvoir élève l’homme
infiniment au-dessus de tous les autres êtres vivants sur la terre ». cf. Anthropologie du point
de vue pragmatique. Par conséquent, c’est elle qui fonde la nature humaine dans toute sa
grandeur et sa dignité.
Fondant ainsi la nature humaine, elle est aussi la faculté qui garantit la liberté de
l’homme. Se présentant en effet sous sa forme morale, elle a dans son champ plusieurs faits

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parmi lesquels elle apprécie ceux qui sont justes, injustes, vrais, faux, biens, mauvais. Elle ne
s’intéresse pas à tous de la même manière. Elle privilégie certains et néglige d’autres. Ce qui
veut dire que la conscience fait une sélection, un choix. De ce fait, Henri BERGSON nous fait
savoir que partout où il y a vie, il y a conscience ; celle-ci est pouvoir des choix vitaux. Il dit
clairement dans Évolution créatrice que : « la conscience correspond exactement à la
puissance de choix dont l’être vivant dispose (…) conscience est synonyme d’invention et de
liberté ». C’est donc dire que grâce à la conscience l’homme est capable de faire des choix et
d’inventer de l’action.
Ce pouvoir conféré à l’homme est ce qui justifie sa liberté c’est-à-dire sa capacité à
s’assumer à innover, à choisir ce qui dans son champ est nécessaire et à rejeter ce qu’elle ne
trouve pas nécessaire. Jean Paul SARTRE (1905-1980) dans L’Être et le néant ne sépare pas
choix et conscience. Il déclare clairement que « choix et conscience sont une seule et même
chose ». C’est parce qu’il les identifie que SARTRE pense que l’homme conscient, capable de
choix est un être est libre.

ACTIVITE D’APPLICATION :

TEXTE 1 :

Conscience
C’est le savoir revenant sur lui-même et prenant pour centre la personne humaine elle-
même, qui se met en demeure de décider et de se juger. Ce mouvement intérieur est dans toute
pensée ; car celui qui ne se dit pas finalement : « Que dois-je penser ? » ne peut être dit penser.
La conscience est toujours implicitement morale ; et l’immoralité consiste toujours à ne
point vouloir penser qu’on pense, et à ajourner le jugement intérieur. On nomme bien
inconscients ceux qui ne se posent aucune question d’eux-mêmes à eux-mêmes. Ce qui n’exclut
pas les opinions sur les opinions et tous les savoir-faire, auxquels il manque la réflexion, c'est-
à-dire le recul en soi-même qui permet de se connaitre et de se juger ; et cela est proprement la
conscience.
Rousseau disait bien que la conscience ne se trompe jamais, pourvu qu’on l’interroge.
Exemple :ai-je été lâche en telle circonstance ? Je ne le saurai si je veux y regarder. Ai-je été
juste en tel arrangement ? Je n’ai qu’à m’interroger ; mais j’aime bien mieux m’en rapporter à
d’autres. En général l’état d’esclavage intime est très finement senti pourvu qu’on ne
s’étourdisse point de maximes empruntées.
Alain, Définitions, in Alain, Les arts et les dieux, P. 1045, la pléiade, Gallimard

Consigne
Dégage la problématique de ce texte

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Corrigé de l’Application

• Thème : La définition de la conscience


• Problème : Qu’est-ce qu’à proprement parler la conscience ?
• Thèse : Selon Alain, la conscience est non seulement une faculté psychologique mais
aussi morale
• Antithèse : La conscience ne signifie rien
• Structure logique : (3mouvements)
-1er mouvement :(L1-L5) « Conscience…dit penser »
Titre : La conscience comme retour du sujet sur lui-même.
-2e mouvement : (L6-L11) « La conscience… proprement la conscience ».
Titre : La conscience est toujours jugement moral.
-3e mouvement : (L11-L17) « Rousseau…empruntées ».
Titre : La conscience est infaillible
• Démarche argumentative : Dans un premier moment l’auteur nous montre que la
conscience est une réflexion sur soi-même. Ensuite, il affirme qu’elle est toujours un
jugement moral. Finalement, il conçoit la conscience comme un faculté infaillible.
• Intention : Alain veut montrer que la conscience fait la grandeur de l’homme
• Enjeu : La connaissance de l’Homme.

B−LA MÉMOIRE, SPÉCIFICITÉ HUMAINE

Du latin « Memoria », la Mémoire désigne la faculté qui permet le souvenir. Elle est cette
aptitude qui permet à l’homme de rappeler les perceptions déjà vécues et de les conserver. En cela, il
permet de jeter un pont entre le passé et le présent. En ce sens elle est un attribut majeur de la nature
humaine et constitue une donnée essentielle de l’esprit humain. En effet, la connaissance ne peut se faire
en dehors de la mémoire qui est cette autre dimension de la conscience qui permet d’enregistrer les faits
passés et de les faire revivre ; autrement dit elle est ce qui permet à la conscience de réactualiser, se
souvenir, se rappeler.
Pour Henri BERGSON, elle se définit par rapport à la conscience. Dans Énergie spirituelle, il
dit ceci : « conscience signifie d’abord mémoire » c’est dire que toute conscience est avant tout
conservation et accumulation du passé dans le présent. Si la conscience est vue sous cet angle dans son
rapport avec la mémoire, cela revient à dire que la mémoire est une réalité psychique sur laquelle
l’homme peut s’appuyer pour connaitre. C’est ce qui a fait dire PLATON (427-348 av J-C) dans Ménon
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ceci : « apprendre, c’est se souvenir ». Rien que pour dire que l’apprentissage consiste à se rappeler, se
souvenir des connaissances acquises dans une vie antérieure dans laquelle l’âme a contemplé les idées
parfaites des choses (la réminiscence).
Si elle permet de réactualiser le passé, tout notre passé ne se fait pas présent. La conscience laisse
un pan de notre histoire personnelle et collective tomber dans l’oubli. Cette dimension de la conscience
laisse entrevoir que cette faculté n’est pas toute souveraine mais comporte des limites.
On peut considérer l’oubli comme étant un défaut qui intervient dans l’affirmation de la mémoire.
Car si la conscience ou la mémoire n’arrive pas à conserver le passé, il nous arrive en cela d’être fort
malheureux car nous aurions souhaité posséder une mémoire infaillible. Malheureusement, l’oubli nous
prive de certaines informations indispensables à notre bonheur. En effet, nul n’est sans ignorer les
aspects négatifs de l’omission. A titre d’exemple, un individu malade qui oublie de prendre ses
médicaments risque de voir son mal s’empirer et le conduire inexorablement vers la mort. Toutefois,
l’oubli est-il systématiquement négatif ? Ne demeure-t-il pas parfois une donnée positive de la
mémoire ?
Aux yeux de certains philosophes et penseurs, l’oubli a une fonction vitale dans l’équilibre de
l’individu. En effet, pour certaines situations de notre vie passée et même présente, nous voudrions ne
conserver aucune trace. Ainsi tout ce qui s’avère inutile, nuisible, insignifiant est mis à l’écart par la
mémoire en vue de permettre une adaptation au présent et d’assurer l’équilibre de notre personnalité ;
telle est la fonction sélective de la mémoire.
Sans l’oubli, l’individu serait écrasé par le poids de son passé. Il nous libère du passé en nous
aidant à vivre le présent de façon plus sereine. C’est ce que Friedrich NIETZSCHE souligne quand il
écrit : « Il est possible de vivre presque sans souvenir et de vivre heureux comme le démontre l’animal,
mais il est impossible de vivre sans oublier. » cf. Généalogie de la morale. C’est dire que la mémoire,
au moyen de l’oubli, a une fonction libératrice, car ce dernier intervient pour nous soulager d’un passé
douloureux. Cela est confirmé par Jean DELAY lorsqu’il fait observer, dans Les dissolutions de la
mémoire, que « l’oubli ne nuit pas nécessairement à l’homme, car dans l’histoire des peuples et des
hommes certains évènements et même certaines tragédies ne sont surmontées que par le moyen de
l’oubli, vecteur de tolérance. » Cette affirmation est rendue plus claire par cette pensée de Georges
GUSDORF extraite de Mémoire et personne : « L’oubli est la condition de l’être humain. ».
Quiconque refuse d’oublier demeure ligoté par son passé. Tous les évènements laisseront des traces dans
sa conscience meurtrière. En un mot l’oubli est la condition réelle de l’action. Car il permet au sujet de
rejeter le passé et d’entreprendre dans le présent.

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Mais si l’oubli préside parfois aux destinées de la mémoire qu’on identifie de la conscience,
n’est-ce pas le signe que la conscience elle-même est faible, qu’elle a des limites ?

ACTIVITE D’APPLICATION :

Texte 2 :

L’oubli n’est pas seulement vis inertiae, comme le croient les esprits superficiels ; c’est bien
plutôt un pouvoir actif, une faculté d’enrayement dans le vrai sens du mot, faculté à quoi il faut
attribuer le fait que tout ce qui nous arrive dans la vie, tout ce que nous absorbons se présente
tout aussi peu à notre conscience pendant l’état de « digestion » (on pourrait l’appeler
absorption psychique) que le processus multiple qui se passe dans notre corps pendant que nous
« assimilons » notre nourriture. Fermer de temps en temps les portes et les fenêtres de la
conscience ; demeurer insensibles au bruit et à la lutte que le monde souterrain des organes à
notre service livre pour s’entraider ou s’entredétruire ; faire silence, un peu, faire table rase dans
notre conscience pour qu’il y ait de nouveau de la place pour les choses nouvelles, et en
particulier pour les fonctions et les fonctionnaires plus nobles, pour gouverner, pour prévoir,
pour pressentir ( car notre organisme est une véritable oligarchie) voilà, je le répète, le rôle de
la faculté active d’oubli, une sorte de gardienne, de surveillante chargée de maintenir l’ordre
psychique, la tranquillité, l’étiquette. On en conclura immédiatement que nul bonheur, nulle
sérénité, nulle espérance, nulle fierté, nulle jouissance de l’instant présent ne pourraient exister
sans faculté d’oubli. L’homme chez qui cet appareil d’amortissement est endommagé et ne peut
plus fonctionner est semblable à un dyspeptique (…)

Friedrich NIETZSCHE, Généalogie de la morale

Consigne :
Dégage la problématique de ce texte

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Corrigé de l’Application
• Thème : La fonction de l’oubli
• Problème : Quelle est la fonction de l’oubli ?
• Thèse : L’oubli est un pouvoir actif qui permet de maintenir l’ordre psychique
• Antithèse : L’oubli est négatif en soi
• Structure logique : (2 mouvements)
-1er mouvement : (L1-L15) « L’oubli…étiquette »
Titre : La fonction positive de l’oubli
-2e mouvement : (L15-19) « On en conclura…dyspeptique »
Titre : L’oubli comme condition du bonheur
• Démarche argumentative : Dans ce texte, l’auteur donne tout d’abord la fonction
positive de l’oubli. Ensuite, il montre que l’oubli est la condition du bonheur.
• Intention : Montrer la valeur de l’oubli
• Enjeu : Le Bonheur de l’homme.

II− DES LIMITES DE LA CONSCIENCE AUX MANIFESTATIONS DE


L’INCONSCIENT COMME LIMITE DE LA LIBERTÉ HUMAINE

A-DES LIMITES DE LA CONSCIENCE

Avec les philosophes rationalistes comme DESCARTES ou Blaise PASCAL, la


conscience reste la faculté psychique qui fait de l’homme un sujet transparent à lui-même et
libre. Mais cette valeur absolue de la conscience sera remise en cause et va justifier ses
défaillances. Ainsi pour LEIBNIZ (1646-1716), la conscience est ignorante des phénomènes
qui la composent. Dans Nouveaux essais sur l’entendement humain, il affirme qu’ « Il y à
tout moment une infinité de perceptions en nous dont nous ne nous apercevons pas ». Ce qui
signifie que la conscience n’est pas pleinement consciente dans les moindres détails de tout ce
qui l’affecte. En effet pour lui, la conscience est discontinue, plusieurs phénomènes de notre
vie intérieure échappent à son contrôle. Elle ne saisit donc pas l’entièreté de notre psychisme
comme le prétendent les cartésiens. Si tel est le cas son autonomie n’est pas justifiée.
C’est d’ailleurs ce qui réconforte les philosophes du soupçon tels que Karl MARX
(1818-1883), NIETZSCHE (1844-1900) et même FREUD (1856-1939) qui la considèrent
comme une réalité secondaire et déterminée. Pour MARX, la conscience de l’homme loin
d’être un principe autonome, se présente comme le produit des conditions matérielles sociales
et historiques ; elle ne constitue pas un monde à part avec ses lois et jouissant d’une autonomie,
mais apparait plutôt comme le résultat de plusieurs facteurs de l’existence qui la déterminent.
La conscience est donc aliénée par les représentations sociales dominantes et par les
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infrastructures économiques. C’est en ce sens qu’il affirme dans L’idéologie allemande : « ce
n’est pas la conscience qui détermine leur existence, c’est au contraire leur existence sociale
ou condition de vie réelle qui détermine leur conscience »
De son côté, NIETZSCHE, ne dit pas autre chose dans Le Gai Savoir : « L’homme
pense sans cesse mais ne le sait pas ; la pensée qui devient conscience n’est que la plus petite
partie, la plus médiocre et la plus superficielle. » pour lui, la réalité physiologique est le
principal facteur à laquelle la conscience, réalité psychique est soumise. C’est dire de façon
claire que le corps est la réalité essentielle à laquelle la conscience est subordonnée. La
conscience n’est que le reflet de la réalité organique. Il identifie tout l’être même au corps.

Ces critiques adressées à l’encontre de la conscience, vont être à l’origine de nombreuses


recherches dont l’aboutissement est la découverte de l’Inconscient par le Dr. Sigmund FREUD
(1856−1939).
B−DE LA DECOUVERTE AUX MANIFESTATIONS DE L’INCONSCIENT
1-La découverte de l’Inconscient

C’est surtout avec FREUD (médecin psychanalyste autrichien) que la conscience va perdre sa
valeur et sa supériorité au profit de l’inconscient. Elle ne va plus constituer à elle seule l’essence du
psychisme humain. C’est donc à FREUD que nous devons véritablement la découverte de l’inconscient.
Dans L’interprétation des rêves, il déclarait que « pour mieux comprendre la vie psychique, il est
indispensable de cesser de surestimer la conscience. ». A partir de ses expériences cliniques qu’il
pratiquait sur les malades, FREUD conclut à l’existence, dans le psychisme humain, d’une zone obscure
qu’il nomme inconscient et qui serait le siège de nos actes refoulés, de nos instincts, de nos désirs
primaires. L’inconscient est donc le terme utilisé par FREUD pour désigner tout ce qui échappe à la
conscience. Cette découverte est le fait de ce qu’on appelle la psychanalyse ou la psychologie des
profondeurs. Mais qu’est-ce que la psychanalyse ?
La psychanalyse est une méthode de recherche psychologique destinée d’une part à relever les
préoccupations inconscientes que nous refusons d’admettre, de mettre en évidence les raisons profondes
de nos comportements afin de mieux nous connaître et nous comprendre.
Ce qu’il y a d’essentiel ici, c’est que la découverte de l’inconscient par la psychanalyse va
marquer une véritable rupture avec la conception classique du psychisme humain qui, jusque-là, n’était
réduit qu’à la seule conscience et/ou la mémoire. Désormais, l’inconscient devient la réalité la plus
importante du psychisme humain car il représente, selon FREUD, les 9/10e de l’appareil psychique.
Dans L’Interprétation des rêves, il persiste en ces termes : « L’inconscient est le psychisme lui-même
et son essentielle réalité. » De cette affirmation, il apparait que l’inconscient est l’instance psychique
qui détermine l’homme à décider, à choisir et à agir ; l’homme agit la plupart du temps sans savoir les
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raisons profondes qui le poussent à agir ainsi. L’inconscient, c’est donc le domaine de l’impénétrable,
de la zone interdite à une explication rationnelle. Pour comprendre cela, FREUD a divisé l’appareil
psychique en trois composantes : le Moi, le Surmoi et le Ça.

• Pour FREUD, en effet, le Moi constitue le siège de la volonté, de la pensée, de la liberté, de la


responsabilité et plus simplement de ce qui assure l’identité propre de l’homme. C’est la partie
consciente de l’homme et est régie par le principe de réalité.
• Quant au Surmoi, il représente le juge, la censure, l’interdicteur. C’est l’ensemble des exigences
familiales, sociales, des interdits, des totems, des tabous, du processus autoritaire. Ils jouent un
rôle majeur dans le fonctionnement de la personnalité de l’individu.
• Enfin, le Ça constitue le réservoir des pulsions c’est-à-dire des forces agressives, affectives, les
tendances les plus profondes de l’homme, les instincts primaires, les désirs et surtout les désirs
sexuels nommé « libido ». Régi par le principe de plaisir, le Ça est la partie animale de l’homme.
Ses contenus sont inconscients et sont représentés par des pulsions appelées aussi besoins ou
instincts. Chez FREUD on distingue deux sortes de pulsions : « l’Eros » qui est la pulsion de
vie, de la sexualité et le « Thanatos » qui est la pulsion de mort, de destruction et d’agressivité.
2-Les manifestations de l’Inconscient

Malgré les contestations des rationalistes et des moralistes mais aussi des religieux qui dénoncent
le caractère grotesque et injurieux de l’inconscient, FREUD, dans L’Interprétation des rêves, le justifie
en ces termes : « L’inconscient est un mécanisme psychique dont nous sommes forcés de reconnaître
l’existence parce que nous la déduisons de ces manifestations. » En effet, il se manifeste constamment
dans la vie normale ou pathologique à travers les rêves, les actes manqués, les conduites névro-
psychotiques, etc.
• Les rêves : FREUD note que du fait qu’il s’active ou survient volontairement, le rêve est
un phénomène inconscient. Car ce qui n’a pu être satisfait à l’état d’éveil, à cause de la
présence refoulante du Surmoi, le sera pendant le temps de sommeil grâce au rêve. Le
rêve constitue de ce fait la satisfaction symbolique des désirs refoulés à l’état de veille.
Le rêve est absolument indispensable à l’équilibre mental ou psychologique. Il est aussi
essentiel que l’alimentation et le sommeil. Le rêve permet la libération des soucis, des
hostilités, des colères, des revendications, des espoirs, des désirs. Il fait surtout remonter
à la surface les difficultés intérieures dont il nous soulage.
• Les actes manqués : ils se composent aussi bien des souvenirs d’enfance, des oublis que
des lapsi qui sont des fautes de la parole, des erreurs de lecture et d’écriture qui échappent
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à la volonté du sujet conscient. Nous pouvons aussi citer les actes symptomatiques tels
que les tics, les obsessions, certaines habitudes quotidiennes qui consistent à jouer
uniquement avec un objet particulier, à se tirailler les cheveux, les oreilles, etc. Notons
que ces actes ne sont pas gratuits. Au contraire, ils ont tous un sens. Ils signifient
clairement ce que nous avons voulu cacher, trahissent nos réelles intentions.
• Les névro-psychotiques ou maladies mentales : Elles comprennent : d’une part, les
névroses qui sont des affections psychiques caractérisées par des troubles plus ou moins
manifestes du comportement, c’est-à-dire non conforme aux exigences de la vie ordinaire,
mais sans altération de la personnalité, elles peuvent s’exprimer par des angoisses, des
perversions sexuelles telles que le voyeurisme, la masturbation, le masochisme, le
sadisme, etc. ; d’autre part, elles se manifestent par des psychoses qui sont des affections
mentales graves dont le malade n’a pas conscience parce qu’ici il y a atteinte de la
personnalité. Autrement dit, les psychoses sont des maladies mentales graves qui
entraînent la personnalité de l’individu à sombrer dans le délire, l’hystérie, la paranoïa ou
la folie.
En somme, grâce à la psychanalyse, FREUD a accompli, à travers la théorie de l’inconscient,
une révolution dans la connaissance de l’homme.

C- LA VIOLENCE, UNE AUTRE CARACTERISTIQUE DE L’HOMME


La violence est l’expression de la brutalité, de l’agressivité. Elle consiste à faire un usage
abusif de la force pour nuire à autrui. Selon FREUD, il s’agit d’une disposition qui est inscrite dans la
nature de l’homme. Autrement dit, nous venons au monde avec les gènes de la violence consignés dans
nos données intuitives, c’est-à-dire dans le Ça. Et c’est ce que la société, la force morale et le Surmoi
tentent de canaliser afin que le Moi puis vivre en paix avec les autres. FREUD va plus loin dans son
développement sur la nature violente de l’homme. Il écrit dans Malaise dans la civilisation que
« l’homme n’est point cet être débonnaire, au cœur assoiffé d’amour, dont on dit qu’il se défend
quand on l’attaque, mais un être, au contraire, qui doit porter au compte de ses données intuitives
une bonne somme d’agressivité (…) L’homme est, en effet, tenté de satisfaire son besoin d’agression
aux dépens de son prochain ». Cela est on ne peut plus clair. L’homme ne doit donc pas seulement être
vu comme un être bon, humain, réconfortant, mais également comme un lion affamé et prêt à tout faire
pour assouvir cette faim même si c’est au péril de sa vie ou de celle de son semblable. Il tue et viole sans
raison valable.

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L’homme exerce sur son prochain plusieurs types de violence : physique, morale, psychologique
ou intellectuelle. Ceux-ci n’ont qu’un seul but : avilir, exploiter et tuer. C’est ce que nous montre tous
les jours l’actualité : guerres, arnaques, viols, mensonges, corruption, harcèlement, etc. NIETZSCHE
avait déjà défendu cette idée. Car conformément à ce qu’il appelle la volonté puissante, il soutient que
les choses sont faites pour s’affronter jusqu’au péril de leur vie, jusqu’au péril du plus faible. Il écrit :
« Vivre, c’est essentiellement assassiné sans relâche. » C’est donc dire que la vie des hommes s’articule
autour de cette réalité inévitable à laquelle nul ne peut se soustraire.
C’est ce caractère bestial présent en l’homme et sa composition biologique qui confortent Jean
ROSTAND (1894-1977) dans sa position lorsqu’il affirme dans Science et génération que : « l’homme
est un animal, un animal comme les autres ». Ceci pour dire qu’il n’y pas vraiment pas de différence
entre la composition biologique et le comportement de l’animal et ceux des hommes.
Au regard de toutes ces analyses, on peut retenir que dans la perspective freudienne, l’Inconscient
est la faculté prédominante du psychisme humain. Raison pour laquelle, Paul Valery conclut que « la
conscience règne mais ne gouverne pas » cf. Mauvaises pensées et autres. Mais faut-il rabaisser
l’homme à ce niveau ? Ce sont ces injures faites à l’homme qui vont pousser à critiquer cette théorie
freudienne de l’inconscient.
ACTIVITE D’APPLICATION :
Texte 3 :
Quiconque s’est fait du corps une représentation tant soit peu exacte- des nombreux systèmes
qui y collaborent, de tout ce qui s’y fait en solidarité ou en hostilité réciproque, de l’extrême
subtilité des compromis qui s’y établissent, etc. -jugera que toute espèce de conscience est
pauvre et étroite en comparaison. […] Ce dont nous avons conscience, que c’est peu de chose !
A combien d’erreur et de confusion ce peu de conscient nous mène. C’est que la conscience
n’est qu’un instrument ; et en égard à toutes les grandes choses qui s’opèrent dans l’inconscient,
elle n’est, parmi les instruments, ni le plus nécessaire ni le plus admirable, - au contraire, il n’y
a peut-être pas d’organe aussi mal développé, aucun qui travaille si mal de toutes les façons ;
c’est en effet le dernier venu parmi les organes, un organe encore enfant- pardonnons lui ses
enfantillages […] Il nous faut donc renverser la hiérarchie : tout le « conscient » est
d’importance secondaire, du fait qu’il nous est proche, plus intime, ce n’est pas une raison, du
moins une raison morale, pour l’estimer plus haut. Confondre la proximité avec l’importance,
c’est la justement notre vieux préjugé.
NIETZSCHE, La Volonté de puissance, Gallimard
CONSIGNE : Dégagez la problématique de ce texte
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CORRIGE DE L’APPLICATION

• Thème : La dévalorisation de la conscience


• Problème : Quelle valeur doit-on accorder à la conscience ?
• Thèse : L’auteur soutient que la conscience est un organe mal développé et
secondaire
• Antithèse : La conscience fait la grandeur de l’homme
• Structure logique : (3 mouvements)
- 1er mouvement : (L1-L5) « Quiconque…en comparaison »
Titre : La conscience est moins riche que le corps
- 2e mouvement : (L5-L12) « Ce dont…ses enfantillages »
Titre : La conscience est un organe inachevé
- 3e mouvement : (L12-L16) « Il nous faut … vieux préjugé »
Titre : La conscience joue un rôle mineur
• Démarche argumentative : Le premier mouvement de ce texte montre que la
conscience est moins riche en comparaison au corps. Ensuite, l’auteur dans un
deuxième mouvement conçoit la conscience comme un organe inachevé. Enfin
le 3e mouvement affirme l’infériorité de la conscience dans le psychisme
humain.
• Intention : Relever la suprématie de l’Inconscient sur la conscience
• Enjeu : La connaissance de l’homme

III−LE PROCES DE L’INCONSCIENT ET LA QUESTION DE LA


RESPONSABILITE DE L’HOMME

A- L’INCONSCIENT, UNE THEORIE CONTRE LA MORALE

Le freudisme a été sévèrement remis en cause par certains penseurs moralistes comme
ALAIN (1861-1951) pour qui l’inconscient tel que défini par FREUD, présente l’homme
comme un être porté par la satisfaction constante de sa libido et manifestant en tout temps la
violence comme un animal redoutable. En effet, admettre un système inconscient en l’homme,
c’est porter atteinte à la moralité, c’est remettre en cause toute cette conscience morale qui
fonde la moralité des actions de l’homme. ALAIN affirme à ce propos dans Eléments de
philosophie ceci : « Le freudisme si fameux, est un art d’inventer en chaque homme un
animal redoutable ». Il estime que Freud légitime une double personnalité chez tous les êtres
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humains. Désormais, le sujet n’est plus responsable de la plupart de ses actes. Or la morale
commande que l’on se réfère toujours à la conscience, à la raison, au Moi, unique fondement
de notre existence et de nos actions. C’est pourquoi, « la plus grave de ses erreurs est de croire
que l’inconscient est un autre Moi, un Moi qui a ses préjugés, ses passions, ses ruses, une
sorte de mauvais ange, diabolique conseiller… contre quoi il faut comprendre qu’il n’y a
point de pensée nous sinon l’unique sujet, je ; cette remarque est d’ordre morale » Éléments
de philosophie et il ajoute plu tard qu’à force de valoriser les appétits sexuels « L’inconscient
est une méprise sur le moi, c’est une idolâtrie du corps »la théorie freudienne ainsi tend à
valoriser le corps au détriment de la conscience qui fonde la morale humaine.

B- L’INCONSCIENT, UNE THEORIE CONTRE LA LIBERTE

La théorie freudienne de l’inconscient a également été critiquée par Jean Paul SARTRE, cet
existentialiste français pour qui la liberté est le propre de l’homme. Pour lui, l’inconscient comme centre
de l’homme signifie que le « Je » pensant est une illusion et qu’il serait mieux de dire « ça pense », « ça
agit » plutôt que « je pense », « j’agis. » L’homme se trouve ainsi réduit à l’animal, à l’automate. Or,
l’homme est un être de liberté c'est-à-dire responsable de ses actes. Dans cette perspective, SARTRE
crie à « la mauvaise foi » des adeptes de l’inconscient freudien et de celui qui prétend agir sous l’effet
de l’inconscient. Un tel individu renonce à sa responsabilité et à sa liberté. L’être humain agit par motif
(en connaissance de cause) et non par mobile (de manière inconsciente). « L’homme nait libre et sans
excuse » L’Être et le néant. Pour lui malgré les vicissitudes de la vie, l’homme demeure toujours libre
et conscient des actes qu’il pose. De ce part, évoquer l’idée de l’inconscient, c’est nier la souveraineté
de la conscience et par résonance la responsabilité de l’homme face à ses actes. En cela SARTRE
conclut de la manière suivante : « Evoquer l’idée de l’inconscient c’est faire preuve de mauvaise foi ».
cf. L’existentialisme est un humanisme. L’inconscient est donc un mensonge à soi-même pour fuir nos
responsabilités. L’homme est essentiellement conscient et n’y a donc aucune excuse, aucun alibi pour
justifier nos inconduites. En tout état de cause, SARTRE refuse absolument toute idée d’inconscient.
CONCLUSION
En définitive, la découverte de l’inconscient a permis d’entreprendre une nouvelle approche de
son être qui se résumait jusque-là à la conscience et à la mémoire. A ce titre, nul ne saurait rejeter le fait
que l’homme est un être pluridimensionnel, un être dont la nature est d’être un être complexe. Car s’il
est doué de conscience et de mémoire, il est tout aussi déterminé par l’inconscient. Toutefois, la théorie
de l’inconscient, tout en demeurant révolutionnaire, ne doit pas autoriser à s’en servir comme un prétexte
pour légitimer les mauvais actes. Alors il revient, pensons-nous, à l’être humain de faire prévaloir la
conscience, la raison, le bon sens en toute situation afin de consolider sa responsabilité et sa liberté ainsi
que ces rapports en société avec ses semblables.
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