PHILOSOPHIE Chapitre 1 La Conscience Definit-Elle L'homme
PHILOSOPHIE Chapitre 1 La Conscience Definit-Elle L'homme
PHILOSOPHIE Chapitre 1 La Conscience Definit-Elle L'homme
Moral : un jugement est « moral » lorsqu’il attribue une valeur (bonne, mauvaise, droite,
transgressive, convenable, déplacée…) à une conduite humaine. L’adjectif « moral » est
formé sur le latin mos, moris, qui signifie « conduite » et « règle de conduite »: telle
conduite est-elle conforme à la règle?
Théorique : le terme « théorique » vient du verbe grec ancien theorein qui signifie « voir
». Une théorie est une manière de « voir » les choses, c’est-à-dire de les expliquer, qui
repose sur une « vision » intellectuelle, c’est-à-dire sur l’esprit humain. En tant qu’adjectif, «
théorique » désigne le domaine de la connaissance.
Pratique : le terme « pratique » vient du verbe grec ancien prattein, « agir ». En tant
qu’adjectif, il renvoie notamment au domaine de l’action humaine en sa dimension morale
et il se distingue de l’adjectif « poétique », construit sur le grec ancien poiein, « faire », qui
qualifie le registre de la production (technique et artistique) et de l’adjectif « théorique » qui
a partie liée à l’ordre de la connaissance.
sujet pour ne conserver que la seule réponse qui échappe au doute: je suis une
conscience.
« Je suis une chose qui pense. C’est fort bien dit; car de ce que je pense, ou de ce que j’ai une
idée, soit en veillant, soit en dormant, l’on infère que je suis pensant: car ces deux choses, Je
pense et Je suis pensant, signifient la même chose. De ce que je suis pensant, il s’ensuit que je
suis, parce que ce qui pense n’est pas un rien. Mais où notre auteur ajoute: c’est-àdire un esprit,
une âme, un entendement, une raison, de là naît un doute. Car ce raisonnement ne me semble
pas bien déduit, de dire: je suis pensant, donc je suis une pensée; ou bien je suis intelligent
donc je suis un entendement. Car de la même façon je pourrais dire: je suis promenant, donc je
suis une promenade. Monsieur Descartes, donc prend la chose intelligente et l’intellection, qui
en est l’acte, pour une même chose; ou du moins il dit que c’est le même que la chose qui
entend et l’entendement, qui est une puissance ou faculté d’une chose intelligente. Néanmoins,
tous les philosophes distinguent le sujet de ses facultés et de ses actes, c’est-à-dire de ses
propriétés et de ses essences, car c’est autre chose que la chose même qui est, et autre chose
que son essence. Il se peut donc faire qu’une chose qui pense soit le sujet de l’esprit, de la
La critique que formule Hobbes consiste principalement à mettre au jour chez
Descartes une erreur de raisonnement, une faute logique. La démonstration de
Descartes touchant mon existence est bien fondée : je pense donc j’existe, car pour
penser il est nécessaire d’exister ; ce qui n’existe pas ne peut pas penser. En
revanche, la démonstration touchant mon essence relève du « sophisme », c’est-à-dire
du raisonnement mal construit : je pense donc je suis un esprit, car pour penser il est
nécessaire de n’être qu’un esprit ou qu’une conscience, c’est-à-dire quelque chose
d’immatériel ou d’incorporel. Autant le rapport entre le fait de penser et le fait
d’exister paraît nécessaire, autant la relation entre être conscient et être une
conscience semble arbitraire. Car qu’est-ce qui m’assure que le fait d’être conscient
ne repose pas sur « quelque chose de corporel » ? Contrairement à Descartes, Hobbes
a les faits et les observations de son côté : tous les êtres conscients dont nous avons
connaissance sont incarnés, doués d’un corps, et il existe une corrélation établie
scientifiquement entre la conscience et le cerveau. Il semble donc que le fait d’être
conscient implique nécessairement le fait d’être quelque chose de corporel. Par
conséquent, il est aussi absurde de conclure que l’homme est une conscience du fait
qu’il est conscient que de déduire que je suis une promenade du fait que je me
promène. À partir de l’acte ou du pouvoir, ici la capacité d’être conscient de ou de
penser à (« l’intellection »), on ne peut rien déduire et on ne doit rien conclure de
définitif quant à l’essence de « la chose intelligente » qui réalise cet acte ou possède
ce pouvoir.
Des degrés de conscience aux degrés d’humanité
Si nous revenons de la conscience qu’on est à la conscience qu’on a, si donc l’homme
est conscient plutôt qu’il n’est une conscience, nous devons remarquer que l’être
humain est plus ou moins conscient, il manifeste divers degrés de conscience. Un
nouveau-né par exemple ne possède pas une conscience du monde aussi différenciée
qu’un adulte. Lorsque nous rêvons, nous avons conscience de cela à quoi nous rêvons,
mais nous ne sommes pas conscients de rêver. Dans le rêve, la conscience immédiate
ne peut s’accompagner de conscience réfléchie : si nous prenons conscience du fait
que nous rêvons, nous nous réveillons. Certaines expériences-limites nous font même
passer dans des états de conscience extrêmes, que ce soit par la prise de
psychotropes (lesquels nous font accéder à un sentiment dit « d’hyperconscience »),
ou à la suite de maladies ou d’accidents qui imposent une anesthésie ou conduisent à
un coma, c’est-à-dire à une perte totale de conscience. Le problème est donc le
suivant : si l’homme se définit par la conscience d’une part et s’il est plus ou moins
conscient selon l’âge, selon l’heure, selon son état de santé d’autre part, il semble
qu’il faille alors en déduire que l’homme peut s’avérer plus ou moins homme. Il paraît
donc problématique de faire de la conscience la définition de l’homme puisqu’il
suffirait de s’endormir ou de s’évanouir pour se déshumaniser.
La conscience est irréductible à la conscience humaine
En affirmant que la conscience définit l’homme, nous présupposons qu’elle ne définit
que l’homme, et donc qu’elle lui est propre. Or c’est là une représentation des choses,
héritée de Descartes, qui a fait son temps. En effet, les découvertes scientifiques du
siècle dernier ont chassé l’idée que l’homme serait le seul animal doté d’une
conscience et qu’il y aurait une rupture ou un saut – un saut conscientiel précisément
– du non-humain à l’humain. La biologie de l’évolution, la génétique et l’éthologie ont
mis en évidence la profonde continuité des règnes du vivant ainsi que l’inscription de
l’homme au sein du buisson évolutif: l’être humain appartient à la famille des grands
singes ou des « hominidés » et il ne possède qu’une faible différence génomique avec
les bonobos, les chimpanzés, les gorilles et les orangs-outans. De ce fait, la conscience
aussi bien psychologique que morale apparaît comme un continuum du vivant plutôt
que comme le propre de l’homme. L’éthique animale anglo-saxonne a avancé pour
qualifier la conscience des animaux évolués la notion de « sentience », cela de
manière à dire que, si ces animaux ont bien une « conscience » (c’est-à-dire un
rapport à un milieu environnant), ce rapport est dominé par la « sensibilité » ou
l’affectivité (c’est-à-dire par la relation à soi). Le lézard qui bronze sur une pierre au
soleil ne se rapporte pas à la pierre comme un objet possédant des propriétés
connaissables, comme une roche ou une matière minérale solide, mais comme une
chose qui lui est plaisante.
Mais la conscience n’est pas seulement le fait des animaux évolués. Elle paraît
indissociable du vivant. L’amibe, l’un des organismes les plus rudimentaires que l’on
connaisse, réagit en se rétractant lorsqu’on la touche, ce qui signifie qu’elle a une
interaction avec son environnement et donc une forme de conscience minimale de
celui-ci. Même les végétaux manifestent à leur façon une conscience et une
connaissance de leur environnement. Les plantes sont sensibles à leur orientation, à la
température, à l’humidité et à leurs congénères. Si nous savons depuis longtemps
qu’elles sont sensibles à la lumière, certains biologistes les dotent en outre du contact
(on parle de « thigmomorphogenèse », c’est-à-dire de la capacité à modifier sa
croissance en raison d’un contact avec les choses du milieu) et même d’une forme
d’audition: ainsi de la Desmodium gyrans qui agite ses folioles à la réception d’ondes
sonores. La conscience ne définit donc pas tant l’être humain que l’être vivant.