PHILOSOPHIE Chapitre 1 La Conscience Definit-Elle L'homme

Télécharger au format docx, pdf ou txt
Télécharger au format docx, pdf ou txt
Vous êtes sur la page 1sur 5

#FFB3C6 PHILOSOPHIE

CHAPITRE 1 : LA CONSCIENCE DEFINIT-ELLE


L’HOMME ?

Nous rencontrons la notion de « conscience » dans un grand nombre de mots de la


langue française. Nous disons que nous avons « bonne conscience » lorsque nous
avons le sentiment de n’avoir rien à nous reprocher, ou au contraire « mauvaise
conscience » quand nous nous sentons coupable de quelque chose (nous avons alors
un poids « sur la conscience »). Nous agissons « consciencieusement », c’est-à-dire
d’une manière appliquée, ou « par acquis de conscience », afin d’avoir l’esprit
tranquille. On parle, en particulier au sein des Etats de droit républicain, de « liberté
de conscience », du droit de croire ou de ne pas croire, de choisir telle ou telle religion.
Dans un autre registre, nous disons « avoir conscience » ou « prendre conscience de
nos actes » pour exprimer le fait que nous agissons en connaissance de cause, en
nous rendant compte de ce que nous faisons. Au contraire, nous « perdons
conscience » lorsque le contact avec les choses est rompu, par exemple quand nous
nous évanouissons.
Les premières formules réfèrent à la conscience entendue comme une capacité de
jugement moral et les dernières à la conscience entendue comme une capacité de
connaissance .Aussi parle-t-on de « conscience morale » et de « conscience
psychologique » (on notera que là ou le français n’a qu’un mot pour qualifier cette
dualité , l’anglais en possède deux ) .La notion de « conscience » nous reconduit par
conséquent à la connaissance et à la morale , c’est-à-dire à deux dimensions ,
théorique et pratique , de l’existence humaine . Tout se passe donc bien comme si la
conscience définissait ou caractérisait l’humanité.
Toutefois, la question se pose de savoir si la conscience est véritablement capable de
déterminer précisément et justement l’être humain. En effet, l’homme n’est-il pas
aussi, et peut être d’abord, un être composé de matière, de molécules et d’atomes, un
organisme fait de chair et de sang situé au sein du monde et au milieu des choses ? Il
semble résumer l’homme à sa conscience conduise à promouvoir abusivement l’une
de ses dimensions au détriment des autres. En outre, il parait discutable de faire de la
conscience l’apanage ou le privilège exclusif de l’homme. Si l’homme est conscient, ce
n’est peut-être pas d’abord parce qu’il est un être humain, mais parce qu’il est un être
vivant qui avant de connaitre le monde et de faire le bien doit survivre et trouver les
moyens de sa subsistance. En ce sens, la conscience n’apparait plus comme le propre
de l’homme, mais le propre du vivant en général. Finalement, il n’est plus si évident
que la conscience caractérise l’homme, par distinction avec le reste de ce qui existe
La conscience définit-elle l’homme ? C’est de deux choses l’une. Ou bien la conscience
caractérise l’homme en son double versant psychologique et moral. Ou bien la
conscience ne suffit pas à définir l’homme puisque l’homme ne se réduit pas a sa
conscience d’une part et d’autre part puisqu’il n’est pas légitime de rabattre toute
conscience sur la conscience humaine

I.LA CONSCIENCE CARACTERISE L’HOMME


LA CONSCIENCE DISTINGUE L’HOMME DES ÊTRES INANIMÉS
La conscience de sois est une spécificité humaine selon Hegel, philosophe allemand
du XIXe siècle. Traditionnellement, on distingue la conscience morale de la conscience
psychologique et, au sein de la conscience psychologique on distingue la conscience
« immédiate » de la conscience « réfléchie ». La conscience immédiate est la capacité
à prendre connaissance des choses dans le monde et de nos idée dans notre esprit
(par exemple, je perçois un arbre, je conçois un triangle rectangle) et la conscience
réfléchie consiste en l’aptitude à revenir sur ce qu’on pense ou fait ( je sais que je suis
en train de percevoir un arbre , je sais que je suis en train de concevoir un triangle
rectangle ) . La conscience réfléchie renvoie a l’étymologie du mot « conscience »,
lequel provient du latin cum scientia qui signifie « avec science », « accompagné de
savoir ».Pour Hegel , la distinction pertinente n’est pas tant celle de la conscience
immédiate et la conscience réfléchie ( ce qu’il appelle la « manière théorique » de
prendre conscience de soi) que celle de la connaissance des choses naturelles et de la
connaissance de notre esprit .La « réflexivité » signifie , non pas revenir sur ce qu’on
pense ou fait , mais prendre connaissance de l’esprit qu’on est , par différence avec
les choses naturelles .
Le « pour soi »ou la conscience de soi est ce pouvoir de l’esprit qui lui permet de
revenir sur lui-même pour se connaitre .Il existe deux façon pour l’esprit de faire
retour sur lui , deux mode de conscience : la « manière théorique » (ou intérieure) ,
c’est-à-dire la conscience réfléchie , l’aptitude a revenir sur ce qu’on pense et fait ;et
la « manière pratique » (ou extérieure) , c’est-à-dire la capacité a transformer la
nature visible et à pouvoir se rapporter ,à partir de cette transformation ,à l’esprit
transformateur jusque-là invisible et inaperçue.
LA CONSCIENCE DEPLOIE PLAINEMENT SES POUVOIRS AVEC
L’HOMME
Si la conscience définit l’homme, c’est en raison du fait que l’homme pousse au plus
loin ses pouvoirs de connaissance et de jugement moral. C’est en effet chez l’homme
que le savoir et la science trouvent leur degré de réalisation le plus abouti. L’être
humain est l’être connaissant par excellence. D’une part, il connait le monde
(conscience immédiate), non seulement grâce a sa perception et à ses sens, mais
également au moyen de théories, d’instruments, de démonstration et
d’expérimentation scientifique. Sa curiosité le conduit même a s’interroger sur des
objets inobservable, invisible, impalpable, tels que l’être, Dieu, l’âme ou le monde,
lesquels constituent les domaine de la métaphysique et de la religion, de la
philosophie et de la spiritualité. D’autre part l’homme se connais (conscience
réfléchie). Il sait qu’il existe ; il prend connaissance de ses pensées, de ses perceptions
et de ses actions ; il se questionne sur son identité, sur qui il est individuellement ; il
se demande ce qu’il est, car il est capable de poser la question : « la conscience
définit-elle l’homme ?»
En outre, l’homme est l’être moral par excellence. Il est capable de s’imposer des
limites, de respecter des règles, de subordonner son action à des principes moraux. Il
est sans cesse troublé par l’opposition de ses désirs et de ses devoirs. Il est confronté
à des « cas de conscience », des dilemme qui engagent ses multiples convictions,
notamment morales ou religieuses, et qui révèlent souvent l’incompatibilité.
L’HOMME EST UNE CONSCIENCE
Si la conscience définit l’homme, si l’être humain est par conséquent l’être conscient
par excellence, c’est en raison du fait qu’il est une conscience. Il faut en effet franchir
un pas de plus et considérer la conscience, non plus comme ce qu’on a, mais comme
ce qu’on est, non plus comme un pouvoir de connaître et de juger, mais comme la
nature de l’homme. Contrairement aux apparences, l’homme ne serait pas
fondamentalement un être vivant, le produit tardif d’une évolution biologique
buissonnante et hasardeuse, ni un fragment de matière pourvu d’une âme, mais une
chose qui pense, un esprit ou
une conscience.C’est ce qu’affirme Descartes. Dans ses Méditations métaphysiques
(1641), il cherche à établir des connaissances « indubitables », c’est-à-dire qui
résistent au doute. Pour ce faire, il va commencer dans la première des six
méditations par vider son esprit de toutes ses anciennes croyances, notamment sa
croyance en l’existence du monde extérieur et des corps et sa croyance dans la vérité
des propositions mathématiques. La deuxième méditation s’ouvre sur la première
certitude : aussi longtemps que je doute, j’existe, car pour douter, il est nécessaire
d’exister. Alors qu’il vient juste d’établir qu’il est certain « que je suis », Descartes se
demande aussitôt « ce que je suis ». Il va alors reprendre ses anciennes opinions sur le

Moral : un jugement est « moral » lorsqu’il attribue une valeur (bonne, mauvaise, droite,
transgressive, convenable, déplacée…) à une conduite humaine. L’adjectif « moral » est
formé sur le latin mos, moris, qui signifie « conduite » et « règle de conduite »: telle
conduite est-elle conforme à la règle?

Psychologique : l’adjectif « psychologique » renvoie au grec ancien psukhê, « l’âme ».


Au sens moderne, la psychologie est l’étude de l’esprit. Par conséquent, la conscience «
psychologique » baptise le versant « psychique » de la conscience, l’aptitude de notre esprit
à la connaissance.

Théorique : le terme « théorique » vient du verbe grec ancien theorein qui signifie « voir
». Une théorie est une manière de « voir » les choses, c’est-à-dire de les expliquer, qui
repose sur une « vision » intellectuelle, c’est-à-dire sur l’esprit humain. En tant qu’adjectif, «
théorique » désigne le domaine de la connaissance.

Pratique : le terme « pratique » vient du verbe grec ancien prattein, « agir ». En tant
qu’adjectif, il renvoie notamment au domaine de l’action humaine en sa dimension morale
et il se distingue de l’adjectif « poétique », construit sur le grec ancien poiein, « faire », qui
qualifie le registre de la production (technique et artistique) et de l’adjectif « théorique » qui
a partie liée à l’ordre de la connaissance.
sujet pour ne conserver que la seule réponse qui échappe au doute: je suis une
conscience.

La conscience ne suffit pas à caractériser l’homme


L’homme est irréductible à une conscience
Certes, la conscience définit l’homme, mais elle ne définit pas tout l’homme. En effet,
ce n’est pas parce que l’être humain est conscient qu’il est une conscience. Il est aussi
un être vivant pourvu d’un corps et situé parmi les choses. C’est l’une des objections
qu’émet Hobbes à l’encontre de Descartes:

« Je suis une chose qui pense. C’est fort bien dit; car de ce que je pense, ou de ce que j’ai une
idée, soit en veillant, soit en dormant, l’on infère que je suis pensant: car ces deux choses, Je
pense et Je suis pensant, signifient la même chose. De ce que je suis pensant, il s’ensuit que je
suis, parce que ce qui pense n’est pas un rien. Mais où notre auteur ajoute: c’est-àdire un esprit,
une âme, un entendement, une raison, de là naît un doute. Car ce raisonnement ne me semble
pas bien déduit, de dire: je suis pensant, donc je suis une pensée; ou bien je suis intelligent
donc je suis un entendement. Car de la même façon je pourrais dire: je suis promenant, donc je
suis une promenade. Monsieur Descartes, donc prend la chose intelligente et l’intellection, qui
en est l’acte, pour une même chose; ou du moins il dit que c’est le même que la chose qui
entend et l’entendement, qui est une puissance ou faculté d’une chose intelligente. Néanmoins,
tous les philosophes distinguent le sujet de ses facultés et de ses actes, c’est-à-dire de ses
propriétés et de ses essences, car c’est autre chose que la chose même qui est, et autre chose
que son essence. Il se peut donc faire qu’une chose qui pense soit le sujet de l’esprit, de la
La critique que formule Hobbes consiste principalement à mettre au jour chez
Descartes une erreur de raisonnement, une faute logique. La démonstration de
Descartes touchant mon existence est bien fondée : je pense donc j’existe, car pour
penser il est nécessaire d’exister ; ce qui n’existe pas ne peut pas penser. En
revanche, la démonstration touchant mon essence relève du « sophisme », c’est-à-dire
du raisonnement mal construit : je pense donc je suis un esprit, car pour penser il est
nécessaire de n’être qu’un esprit ou qu’une conscience, c’est-à-dire quelque chose
d’immatériel ou d’incorporel. Autant le rapport entre le fait de penser et le fait
d’exister paraît nécessaire, autant la relation entre être conscient et être une
conscience semble arbitraire. Car qu’est-ce qui m’assure que le fait d’être conscient
ne repose pas sur « quelque chose de corporel » ? Contrairement à Descartes, Hobbes
a les faits et les observations de son côté : tous les êtres conscients dont nous avons
connaissance sont incarnés, doués d’un corps, et il existe une corrélation établie
scientifiquement entre la conscience et le cerveau. Il semble donc que le fait d’être
conscient implique nécessairement le fait d’être quelque chose de corporel. Par
conséquent, il est aussi absurde de conclure que l’homme est une conscience du fait
qu’il est conscient que de déduire que je suis une promenade du fait que je me
promène. À partir de l’acte ou du pouvoir, ici la capacité d’être conscient de ou de
penser à (« l’intellection »), on ne peut rien déduire et on ne doit rien conclure de
définitif quant à l’essence de « la chose intelligente » qui réalise cet acte ou possède
ce pouvoir.
Des degrés de conscience aux degrés d’humanité
Si nous revenons de la conscience qu’on est à la conscience qu’on a, si donc l’homme
est conscient plutôt qu’il n’est une conscience, nous devons remarquer que l’être
humain est plus ou moins conscient, il manifeste divers degrés de conscience. Un
nouveau-né par exemple ne possède pas une conscience du monde aussi différenciée
qu’un adulte. Lorsque nous rêvons, nous avons conscience de cela à quoi nous rêvons,
mais nous ne sommes pas conscients de rêver. Dans le rêve, la conscience immédiate
ne peut s’accompagner de conscience réfléchie : si nous prenons conscience du fait
que nous rêvons, nous nous réveillons. Certaines expériences-limites nous font même
passer dans des états de conscience extrêmes, que ce soit par la prise de
psychotropes (lesquels nous font accéder à un sentiment dit « d’hyperconscience »),
ou à la suite de maladies ou d’accidents qui imposent une anesthésie ou conduisent à
un coma, c’est-à-dire à une perte totale de conscience. Le problème est donc le
suivant : si l’homme se définit par la conscience d’une part et s’il est plus ou moins
conscient selon l’âge, selon l’heure, selon son état de santé d’autre part, il semble
qu’il faille alors en déduire que l’homme peut s’avérer plus ou moins homme. Il paraît
donc problématique de faire de la conscience la définition de l’homme puisqu’il
suffirait de s’endormir ou de s’évanouir pour se déshumaniser.
La conscience est irréductible à la conscience humaine
En affirmant que la conscience définit l’homme, nous présupposons qu’elle ne définit
que l’homme, et donc qu’elle lui est propre. Or c’est là une représentation des choses,
héritée de Descartes, qui a fait son temps. En effet, les découvertes scientifiques du
siècle dernier ont chassé l’idée que l’homme serait le seul animal doté d’une
conscience et qu’il y aurait une rupture ou un saut – un saut conscientiel précisément
– du non-humain à l’humain. La biologie de l’évolution, la génétique et l’éthologie ont
mis en évidence la profonde continuité des règnes du vivant ainsi que l’inscription de
l’homme au sein du buisson évolutif: l’être humain appartient à la famille des grands
singes ou des « hominidés » et il ne possède qu’une faible différence génomique avec
les bonobos, les chimpanzés, les gorilles et les orangs-outans. De ce fait, la conscience
aussi bien psychologique que morale apparaît comme un continuum du vivant plutôt
que comme le propre de l’homme. L’éthique animale anglo-saxonne a avancé pour
qualifier la conscience des animaux évolués la notion de « sentience », cela de
manière à dire que, si ces animaux ont bien une « conscience » (c’est-à-dire un
rapport à un milieu environnant), ce rapport est dominé par la « sensibilité » ou
l’affectivité (c’est-à-dire par la relation à soi). Le lézard qui bronze sur une pierre au
soleil ne se rapporte pas à la pierre comme un objet possédant des propriétés
connaissables, comme une roche ou une matière minérale solide, mais comme une
chose qui lui est plaisante.
Mais la conscience n’est pas seulement le fait des animaux évolués. Elle paraît
indissociable du vivant. L’amibe, l’un des organismes les plus rudimentaires que l’on
connaisse, réagit en se rétractant lorsqu’on la touche, ce qui signifie qu’elle a une
interaction avec son environnement et donc une forme de conscience minimale de
celui-ci. Même les végétaux manifestent à leur façon une conscience et une
connaissance de leur environnement. Les plantes sont sensibles à leur orientation, à la
température, à l’humidité et à leurs congénères. Si nous savons depuis longtemps
qu’elles sont sensibles à la lumière, certains biologistes les dotent en outre du contact
(on parle de « thigmomorphogenèse », c’est-à-dire de la capacité à modifier sa
croissance en raison d’un contact avec les choses du milieu) et même d’une forme
d’audition: ainsi de la Desmodium gyrans qui agite ses folioles à la réception d’ondes
sonores. La conscience ne définit donc pas tant l’être humain que l’être vivant.

La conscience limite l’homme dans sa connaissance de lui-même


La conscience limite l’homme dans la connaissance de ses déterminations

Vous aimerez peut-être aussi