Developpementdurable 11349
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Édition électronique
URL : https://journals.openedition.org/developpementdurable/11349
DOI : 10.4000/developpementdurable.11349
ISSN : 1772-9971
Éditeur
Association DD&T
Référence électronique
Bruno Boidin et Serge Francis Simen, « Industrie minière et programmes de développement durable
au Sénégal », Développement durable et territoires [En ligne], Vol. 7, n°2 | Juillet 2016, mis en ligne le 28
juillet 2016, consulté le 28 juin 2022. URL : http://journals.openedition.org/developpementdurable/
11349 ; DOI : https://doi.org/10.4000/developpementdurable.11349
Développement Durable et Territoires est mis à disposition selon les termes de la licence Creative
Commons Attribution - Pas d’Utilisation Commerciale 4.0 International.
Industrie minière et programmes de développement durable au Sénégal 1
1 Dans les pays pauvres, les entreprises minières sont aujourd’hui soumises à des demandes
de mesure de leur impact extra-financier. Elles sont également sollicitées pour construire,
avec les parties prenantes, des programmes de responsabilité sociale d’entreprise (RSE).
Les entreprises du secteur minier sont ainsi appelées à contribuer au développement
durable. Dans les déclarations politiques, les textes des institutions internationales et des
think tanks, il est généralement considéré que cette contribution au développement
durable doit passer par un dialogue entre les entreprises du secteur, les populations
locales et les gouvernements. Comme le suggère le Programme des Nations Unies pour
l’environnement, « un projet minier qui est développé, exploité et fermé avec une acceptabilité
écologique et sociale pourrait être considéré comme contribuant au développement durable »
(PNUE, 2002). Ainsi, le concept de développement durable dans l’industrie minière se
réfère à « l’approche de gestion qui intègre efficacement les questions économiques,
environnementales et sociales dans les opérations, visant à créer des avantages à long terme pour
les parties prenantes […] et à assurer le soutien, la coopération et la confiance des communautés
locales dans lesquelles l’entreprise évolue » (Bottin, 2009).
2 Le Sénégal est un exemple intéressant de ces enjeux. L’État y travaille à mettre sur pied
un cadre favorable au développement du secteur minier. Ces investissements rendent
nécessaire, afin de réduire l’impact négatif sur les populations locales et l’écosystème,
l’instauration d’un dialogue entre les entreprises, les populations locales et les
gouvernements.
3 Or la problématique du développement durable dans les pays à faible revenu se heurte à
des inégalités importantes de pouvoir entre, d’un côté, des firmes généralement
puissantes, de l’autre côté, des populations et des acteurs locaux peu préparés à intégrer
8 Le premier critère s’intéresse au modèle d’affaires qui prévaut dans l’entreprise : les
initiatives sont-elles fondées sur l’idée de faire évoluer le modèle d’affaires de
l’entreprise ou plutôt sur de simples actions externes ?
9 La notion de modèle d’affaires (business model dans les travaux en anglais), bien qu’étant
discutée dans la littérature, a été de plus en plus utilisée et étudiée par les chercheurs
travaillant sur les questions de RSE et par les think tanks et entreprises. Le modèle
d’affaires fait référence à la façon dont l’entreprise crée de la valeur économique en
s’appuyant sur les différents maillons d’une chaîne de valeur et répartit cette valeur entre
les différents participants (Zott, Amit, 2010). Sur la base d’un certain nombre de travaux
(Larue de Tournemine, Kern, Bissiriou, 2009, Deegan, Rankin, Tobin, 2002, Jenkins, 2004),
on peut retenir que la position d’une entreprise par rapport aux deux termes de
l’alternative, maintenir son modèle d’affaires ou au contraire le faire évoluer, est en
réalité fortement dépendante de la façon dont ses dirigeants perçoivent une véritable
politique de développement durable : l’entreprise est-elle principalement dans une
logique de légitimation/communication ou au contraire est-elle dans une perspective de
changement structurel de son projet économique impliquant une nouvelle stratégie de
développement ?
10 Le deuxième critère s’interroge sur le caractère intégré ou pas des initiatives de développement
durable. La gestion intégrée suppose la prise en compte en amont de toutes les dimensions
du développement durable dans les projets de l’entreprise.2 Cowell et al. (1999) montrent
que les industries d’extraction considèrent leur activité comme non antinomique avec un
modèle de développement durable. Jenkins (2004, p. 31) le confirme dans son étude. Or
cette position n’est pas celle de tous les stakeholders ou de tous les acteurs œuvrant dans le
développement (ONG, agences de coopération). Quairel et Capron (2013) ont mis en
évidence que le lien entre RSE et développement durable n’est pas si évident que les
discours des entreprises et des institutions ne semblent le dire. Si la convergence
institutionnelle entre le concept de développement durable et celui de RSE est une
tendance lourde, les limites de la prise en charge du développement durable par les
entreprises sont à prendre en compte, notamment la question de l’adéquation entre
l’échelle de l’entreprise qui demeure microéconomique, et le programme de
développement durable qui est macroéconomique.
11 Le troisième critère concerne le caractère plus ou moins inclusif des initiatives prises par les
entreprises vis-à-vis des communautés cibles. Les initiatives sont-elles fondées sur une approche
d’inclusion de la communauté ou une approche réparatrice, séparée, paternaliste ?
12 Ainsi, Renouard et Lado (2012), étudiant le cas des compagnies pétrolières dans le Delta
du Niger, estiment que le groupe Total fonde ses actions de développement durable sur
une conception réparatrice et paternaliste plutôt que sur un dialogue avec les
communautés, une inclusion de celles-ci dans les programmes et un respect des valeurs et
normes locales. Cette question est importante car le degré d’inclusion des communautés
peut être déterminant sur l’efficacité des programmes en termes d’indicateurs de
développement humain, d’inégalités, d’environnement etc. Ainsi Lompo (2013, p. 235),
dans le cas des programmes de RSE conduits par les compagnies pétrolières dans le Delta
du Niger, montre que les initiatives qui associent la communauté développent des
avantages collectifs (amélioration des capacités de mobilisation du village), tandis que
celles qui ne l’associent pas développent des avantages strictement individuels (souvent
au profit de ceux qui sont déjà les mieux lotis et au détriment des plus pauvres).
13 Jenkins (2004, p. 32) estime que les firmes, plutôt que de définir la communauté pour elle-
même, la définissent en réalité par rapport à l’entreprise, mettant la firme au cœur d’une
communauté dont les différentes parties graviteraient autour d’elle. Il existe donc des
effets très différenciés selon la façon dont les entreprises définissent leurs programmes
de RSE en lien avec les populations locales. Le niveau d’inclusion ou au contraire
d’exclusion de la communauté hôte dans les initiatives des promoteurs miniers peut
influer sur l’impact final et la durabilité des programmes.
14 Le quatrième critère cherche à déterminer si l’entreprise privilégie ou pas l’acceptabilité sociale des
projets. L’acceptabilité sociale peut être définie comme « l’assentiment de la population à un
projet ou à une décision résultant du jugement collectif que ce projet ou cette décision est supérieur
aux alternatives connues, y compris le statu quo » (Gendron, 2014, p. 117). Dans le secteur
minier de nombreux mouvements d’opposition sont souvent constatés. La réponse du
promoteur peut prendre plusieurs formes. Dans un premier cas, elle se résume à une
stratégie de communication et de relations publiques visant à informer et à convaincre
les parties prenantes du bien-fondé du programme minier. Dans un deuxième cas, les
promoteurs miniers admettent qu’ils ont intérêt à établir un véritable dialogue avec les
parties prenantes et, ainsi, favoriser l’« acceptabilité sociale » du projet. Pour Caron-
Malenfant et Conraud (2009, p. 15), celle-ci résulte « d’un processus par lequel les parties
concernées construisent ensemble les conditions minimales à mettre en place pour qu’un projet, un
programme ou une politique s’intègre harmonieusement, et à un moment donné, dans son milieu
naturel et humain ». Ainsi, l’acceptabilité sociale traduit une dynamique sociale qui peut ou
non s’inscrire dans un renouvellement institutionnel ou dans un processus explicite de
dialogue social dans une perspective participative.
15 Les différents enjeux qui viennent d’être énoncés constituent des volets essentiels pour
estimer le caractère plus ou moins intégré des programmes de développement durable
portés par les entreprises. À cet effet, le tableau 1 présente de façon synthétique les
caractéristiques de deux types de programmes au regard des quatre critères examinés
supra. À gauche on trouve les caractéristiques d’un programme qui reposerait sur une
vision peu évolutive de l’entreprise dans ses relations avec son environnement social et
institutionnel. À droite on est en présence d’un programme qui serait beaucoup plus
abouti dans son processus de dialogue entre les acteurs, offrant ainsi des caractéristiques
bien plus proches des ambitions du développement durable. Les quatre critères énoncés
ainsi que ces deux cas polaires servent de grille de référence à l’étude que nous allons
maintenant présenter. Cette grille met en évidence qu’un programme de développement
durable intégré devrait respecterait quatre conditions : i) faire évoluer le (ou être associé
à une évolution du) modèle d’affaires de l’entreprise ; ii) reposer sur un modèle de gestion
intégré ; iii) être fondé sur l’inclusion des communautés environnantes ; iv) être
socialement accepté en privilégiant la co-construction du programme.
Tableau 1. Projet peu intégré dans l’environnement social versus projet intégré dans
l’environnement social
- Coordonnateur du
Programme d’appui
au - Responsables des - Familles habitant les localités hôtes des
Secteur Minier (PASMI) (1) programmes de projets miniers : essentiellement, les
- Conseiller départemental développement personnes en contact direct avec le projet :
24 Les modes de collecte et de traitement des données sont précisés dans le tableau 3.
Analyse de contenu
Primaires 39 Entretiens semi directifs
thématique
25 Nous avons mené 39 entretiens semi directifs auprès des acteurs composant l’échantillon.
Nous avons également utilisé une méthode documentaire basée sur l’analyse de données
secondaires et externes : presse, supports de communication d’institutions impliquées
dans le secteur minier et rapports d’acteurs institutionnels. Cette analyse affine les
résultats de l’étude et permet d’objectiver les discours. Les thèmes abordés lors des
interviews ainsi que leur correspondance avec la grille d’analyse sont précisés dans le
tableau 4.
Correspondance avec la
Personnes
Thèmes grille d’analyse (tableau
interviewées
1)
Identifier :
- Quelles sont les initiatives en matière - Le modèle de gestion
de développement durable ? (intégrée/non intégrée)
- Quelle approche est utilisée dans la privilégié par l’entreprise
Responsables des construction du projet (consensus avec - Le mode d’inclusion de la
programmes de les parties prenantes ou simple communauté (approche
développement information diffusée aux parties inclusive/non inclusive)
durable prenantes/ approche intégrée ou non mis en œuvre par
Ingénieurs de la intégrée/ approche inclusive ou non l’entreprise
production inclusive) ? - Le modèle d’acceptabilité
- Quels sont les mécanismes en œuvre sociale (objectif de
dans la production et leur impact sur convaincre ou objectif de
l’environnement ? co-construire) suivi par
l’entreprise
Identifier :
Identifier :
26 Les entretiens ont fait l’objet de prise de notes synchrone. Une analyse des discours a
ensuite été conduite afin de mettre en évidence les caractéristiques de la colonne 3 du
tableau, correspondant à la grille de lecture élaborée dans la section 1 (tableau 1).
28 Le contenu des entretiens fait d’abord apparaître des divergences d’attentes et d’enjeux
perçus selon les acteurs. À cet égard, trois représentations émergent.
29 La première représentation est celle des institutions publiques, qui est focalisée sur un équilibre
à trouver entre deux objectifs, sous contrôle des autorités publiques : d’un côté, le
développement économique source à la fois de prospérité pour la région et de recettes
fiscales pour les acteurs publics ; de l’autre côté, un développement respectueux de
l’environnement et des communautés. En effet, on observe à la fois un regain d’activités
du secteur minier, soutenu par l’initiative du gouvernement qui encourage
l’investissement privé national ou international et l’idée que, dans le cadre des différents
outils législatifs mis en place (cf. supra), « l’État doit jouer un rôle de suivi et de contrôle des
activités minières, dans un cadre clair, transparent et non discriminatoire » (entretien avec le
Directeur Général des Mines et de la Géologie). Cet avis est cohérent avec le Rapport
national sur le développement durable10 (octobre 2009), dont les réflexions sur ce concept
réunissaient les notions de protection de l’environnement, d’efficience économique, de
bien-être des populations et finalement de justice sociale. Ces objectifs sont également
affirmés dans le Plan Sénégal Emergent (PSE) qui fixe comme principe de « garantir un
31 Enfin, la troisième représentation des enjeux est celles des entreprises minières. Les représentants
de ces dernières, tout en évoquant la nécessité d’être socialement acceptées, mettent
principalement en avant l’amélioration des conditions permettant de faire du profit et de
bénéficier d’un cadre juridique favorable à l’accès à (et à la garantie de) la propriété. Les
entreprises insistent sur le rôle d’institutions fortes qui permettraient de garantir ce
cadre. A cet égard, il est tout à fait remarquable que l’accent soit mis par les entreprises
sur les droits de propriété, garantis par les acteurs publics, alors que les populations et les
chefs coutumiers s’inspirent plutôt du droit d’usage coutumier sur des ressources
communes. Il semble y avoir une rupture entre deux conceptions de la gestion de
l’environnement.
32 En réponse aux effets de leurs activités et à l’image négative qui s’ensuit, les entreprises
que nous avons étudiées proposent, chacune selon leurs priorités, des programmes dits
de développement durable. Il est intéressant de remarquer que ces différents
programmes et les entretiens avec les représentants des entreprises font apparaître un
effort d’identification des différentes « parties prenantes » et de leurs rôles potentiels. 13
33 Cependant, au-delà de cette apparente homogénéité dans l’identification des rôles des
« parties prenantes », nous constatons que plusieurs modèles de mobilisation de ces
acteurs coexistent. Nous avons regroupé les différentes initiatives en deux groupes en
fonction de leur paradigme plus ou moins inclusif des acteurs locaux dès le départ de la
démarche. Ces deux approches sont identifiées dans l’implémentation des programmes
prenant en compte les objectifs du développement durable.
34 Une première conception est l’approche volontaire dans laquelle le programme de RSE est
conçu par la direction et les parties prenantes simplement informées de ce programme.
C’est le cas de l’entreprise exploitant le phosphate et le calcaire industriel (entreprise
locale).14 L’extrait suivant est révélateur de cette vision qui place l’entreprise au centre du
programme et la considère comme le moteur naturel de celui-ci : « [l’entreprise] s’attèle
sans cesse à l’amélioration des conditions de travail et de vie des travailleurs 15 et de leur famille…
[et pour l’entreprise] l’objectif social est d’amener les populations à assimiler l’entreprise comme le
véritable instrument de développement de la localité, un instrument au travers duquel la vie
économique et sociale des populations s’organise (infrastructure, santé, éducation…) » (entretien
avec un responsable développement durable). Dans ce premier cas, l’entreprise se
considère comme incontournable et au cœur de toute politique de développement
durable.
35 Une deuxième conception est l’approche collaborative au sens d’un contrat moral établi entre
l’entreprise et les autres acteurs. Cette conception se retrouve dans les programmes
portés par les multinationales. Les pratiques définies à l’international sont alors
appliquées au contexte local en fonction des enjeux du territoire et du temps de présence
dans la zone d’implantation.16 Cette collaboration peut passer par des contrats
d’engagement tels que, dans le cas qui nous concerne, l’engagement des concessionnaires
miniers pour une dotation annuelle destinée aux investissements sociaux pour les
populations et collectivités locales abritant les projets miniers17 (voir la loi n° 2003-33 du
24 novembre 2003)18.
36 Les caractéristiques des deux approches sont présentées dans le tableau 5.
Population supposée
ignorante, formulant des
Conception de la
inquiétudes considérées
mobilisation des
comme injustifiées alors Désir de contribuer ensemble au projet
populations et
que l’entreprise « fait
collectivités
beaucoup pour la
population »
Contribution des
Forte (mais plutôt avec les acteurs
acteurs à la
Faible institutionnels comme l’État, les collectivités
conception des
locales)
programmes de DD
Information et éducation
Communication
de la population
Participation de la population
Outils Relation publique
Concertation
Marketing social
Relations communautaires
Consultation
Forte contestation
Pérennité du projet Consensus social (convergent)
(divergent)
37 Dans l’approche volontaire, le projet de développement durable est arrêté sans véritable
participation de tous les acteurs. De type « top-down », cette méthode limite l’acceptabilité
sociale du projet car la population et les autres acteurs n’ont pas toujours leur mot à dire
dans les axes développés dans le projet minier. L’approche collaborative de type “bottom-up”
implique les acteurs institutionnels dans la construction d’un cadre adapté (qui prendrait
en compte les préoccupations sociale et environnementale) pour une exploitation
minière responsable. L’État, les collectivités, les communes, les chefs coutumiers et guides
religieux sont appelés à donner leur points de vue sur le projet minier de l’entreprise.
38 Malgré les avantages que semble présenter l’approche collaborative en termes d’inclusion
et d’acceptabilité sociale, il convient cependant de relativiser les succès de cette
approche, pour deux raisons principales. D’abord, différentes faiblesses apparaissent en
termes de cadrage du processus par les acteurs publics. Les entretiens font état d’une
mauvaise coordination par le Ministère chargé des Mines, d’un faible rôle attribué aux
collectivités locales dans le processus, d’une compétition pour l’accès aux fonds sociaux
ou encore d’une récurrence de demandes hors programme. Ainsi, il n’est pas certain que
les autorités publiques jouent pleinement leur rôle dans la coordination des acteurs.
Ensuite, il existe un décalage entre les points de vue des acteurs publics et des entreprises
d’un côté, et ceux des populations de l’autre. Ainsi, d’après le Directeur des Mines,
l’instauration d’un projet minier concerté avec les acteurs permet d’instaurer une base
5. Enseignements et discussion
39 Deux enseignements peuvent être mis en avant. Le premier enseignement concerne les
réponses apportées par le terrain aux questions posées sur la vision du développement
durable sous-jacente aux actions engagées par les entreprises. Les résultats de l’enquête
montrent que les entreprises étudiées ont adopté une perspective peu intégrée du
développement durable au regard de la grille de lecture proposée dans la section 1.
Reprenons un à un les quatre critères de la grille d’analyse. S’agissant du modèle d’affaires
(critère 1), il est intéressant de constater que les caractéristiques initiales de celui-ci ne
semblent pas avoir évolué vers un nouveau modèle. Ainsi, la proposition de valeur faite
aux clients est inchangée (l’extraction minière, cœur de métier des entreprises, se
poursuit) et l’architecture de valeur n’est pas véritablement transformée dans la mesure
où les populations continuent d’être considérées comme des ressources qu’il convient, au
mieux, de protéger des impacts négatifs de l’activité sans leur donner un rôle actif dans le
processus d’élaboration des programmes de développement durable. De façon liée, il
n’apparaît pas dans les entretiens que les responsables des entreprises ont intégré en
amont toutes les dimensions du développement durable, comme le supposerait un modèle
de gestion intégrée (critère 2). Il est plutôt fait état de programmes visant à corriger les
effets négatifs en aval. Cependant, tant pour le modèle d’affaires (critère 1) que pour le
modèle de gestion (critère 2), il convient de rester prudent sur les conclusions à apporter
et une enquête plus approfondie des programmes serait nécessaire. S’agissant des
caractéristiques d’inclusion et d’acceptabilité sociale (critères 3 et 4), l’enquête a permis de
mettre en évidence une faible avancée dans ces deux dimensions. L’inclusion semble plus
affirmée par les entreprises et, dans une certaine mesure, par les Pouvoir publics (de
façon quelque peu incantatoire), que réellement mise en œuvre, même si l’approche
coopérative est considérée par les acteurs précités comme un modèle à suivre. En
conséquence, l’acceptation sociale des programmes semble faible du point de vue des
représentants des acteurs sociaux, qui s’estiment négligés dans le processus d’élaboration
et de mise en œuvre. La défiance de ces derniers par rapport aux entreprises et aux
acteurs publics est alors patente.
40 Le deuxième enseignement est plus général. Il porte sur l’intérêt de rouvrir la discussion,
engagée depuis plus de quarante ans, sur le modèle de développement durable pertinent
dans les pays à faible revenu. En effet, si le développement durable est devenu le terme
consacré par les organisations internationales à partir des années 1980, la question de
l’équilibre entre priorités économiques, sociales et environnementales est plus ancienne.
Or, on trouve dans certains travaux antérieurs au « Rapport Brundtland » (CMED, 1987)
des approches qui insistent sur la nécessité de rétablir la place des populations dans les
processus politiques et les programmes de développement. Ainsi, la notion
d’écodéveloppement initiée par Ignacy Sachs et Maurice Strong (Sachs, 1980) préfigurait
celle de développement durable tout en proposant un schéma d’action donnant plus de
place aux acteurs sociaux. Le projet d’écodéveloppement était plus radical que la version
du développement durable devenue dominante depuis la fin des années 1980. En effet, le
développement durable va s’imposer comme un concept à vocation universaliste ne
différenciant pas les niveaux de développement. Cette approche consensuelle conduit à
rejeter la possibilité de sentiers de développement spécifiques et à prendre peu en
compte les rapports de forces internes. D’un modèle accordant une place importante aux
spécificités des pays à faible revenu, initié par Strong et Sachs, on passe alors à un modèle
universel de développement durable. Les critiques sur l’inadaptation du développement
durable « version Brundtland » aux caractéristiques des pays pauvres n’ont à cet égard
pas manqué. Ainsi le développement durable tel qu’il a été interprété à partir du
« Rapport Brundtland » demeure un projet qui ne remet pas en cause la spécialisation
primaire des pays à faible revenu. Les bailleurs de fonds ont alors cherché à promouvoir
le développement dit durable tout en maintenant des objectifs de forte croissance assise
sur l’exploitation des ressources. Pour rendre compatibles ces deux mouvements, la
promotion de la « bonne gouvernance » a permis de mettre en avant la « bonne gestion »
des ressources tout en maintenant leur exploitation intensive. Cette bonne gestion est
alors présentée par les Institutions de Bretton Woods comme un mode de management
public plus transparent, moins corrompu et surtout redevable (“accountable”) devant les
populations et les bailleurs de fonds. L’OCDE participe à ce mouvement de
responsabilisation en y incluant les entreprises : les principes d’aide à la prévention des
conflits violents édictés par cette organisation (profitabilité, responsabilité sociale et
bonnes pratiques gouvernementales) supposent en effet d’impliquer tous les acteurs
publics et privés dans un mouvement de croissance non destructrice sur les plans social
et environnemental. Or cette conception du développement durable fait la part belle au
volontarisme des acteurs et aux vertus de l’éthique individuelle. Mais de telles initiatives
prennent finalement peu en compte les rapports de force et les inégalités structurelles
prégnants sur le plan local, comme l’illustre le caractère relativement artificiel de la
coopération entre les entreprises et les populations locales dans les résultats d’enquête
que nous avons présentés. Ces populations expriment alors leur défiance par rapport aux
acteurs institutionnels et aux entreprises et l’acceptabilité sociale des projets de
développement durable s’en trouve singulièrement amoindrie.
Conclusion
41 À partir d’une revue de littérature et d’une enquête de terrain, cet article cherche à
contribuer aux travaux qui s’interrogent sur les convergences ou les divergences de
conceptions d’un programme de développement durable et sur la prise en compte des
perceptions et des enjeux du côté des acteurs locaux. Les industries minières au Sénégal
constituent un terrain d’étude intéressant dans la mesure où les autorités publiques ont
montré un certain volontarisme dans l’incitation des entreprises à prendre en compte
leur impact sociétal. De ce point de vue, on peut reconnaître que l’existence d’initiatives
de la part des entreprises concernées constitue en soi une avancée indéniable.
42 Néanmoins, l’hypothèse formulée dans l’introduction de cet article (les acteurs ont des
visions différentes du programme de développement durable) semble confirmée par
l’enquête de terrain. À cet effet, nous avons d’abord construit une grille d’analyse
originale de la façon dont les programmes de développement durable sont construits et
intégrés aux préoccupations locales. Notre grille d’analyse montre d’abord qu’un modèle
peu intégré dans son environnement social a toutes les chances de présenter des
défaillances simultanément dans ces quatre dimensions et que ces défaillances tendent à
se renforcer mutuellement. En effet, une gestion non intégrée en amont des questions
sociales, sociétales et environnementales implique une faible inclusion de la communauté
dans le processus d’élaboration des projets, entraînant alors une faible acceptabilité
sociale. Cette même gestion peu intégrée est accompagnée d’une évolution limitée du
modèle d’affaires de l’entreprise.
43 À partir de la grille ainsi élaborée nous avons montré que, dans le cas des industries
minières sénégalaises étudiées, malgré les avancées vers des modèles de gestion plus
respectueux de l’environnement et des acteurs sociaux, beaucoup reste à faire en ce qui
concerne l’intégration des programmes dans leur environnement social, en particulier au
regard des perceptions que les populations et leurs représentants ainsi que les ONG ont
des programmes concernés. Du point de vue de ces acteurs, l’inclusion est faible et la
perception dominante est la défiance par rapport aux entreprises, dont les activités sont
d’abord considérées comme ayant un impact négatif sur les populations. À cet égard, l’un
des points de divergence majeure mis en évidence est le fait que, pour les entreprises, la
priorité demeure le maintien des droits de propriété garantis par les acteurs publics sur
les zones exploitées ; il n’est pas surprenant que les populations, dont la relation à
l’environnement est fondée sur des droits d’usage, considère alors les droits de propriété
détenus par d’autres acteurs comme une menace sur leur propre capacité à assurer leurs
conditions de vie. En somme, ce constat rejoint toutes les critiques émises sur la
prédominance des droits de propriété privée dans le système économique. Dans la gestion
des ressources naturelles, la détention des droits de propriété pour l’exploitation de ces
ressources est-elle un obstacle à la préservation de ces ressources ? C’est toute la question
posée par Pierre Dardot et Christian Laval (2014) qui considèrent que le « commun » est
inappropriable et que les droits de propriété devraient être remis en cause au profit de
droits à l’activité économiques garantis par la puissance publique. Il serait intéressant
d’approfondir cette question en l’appliquant à la position des autorités publiques
sénégalaises par rapport au pouvoir détenu par les entreprises d’extraction.
44 Enfin, il convient de souligner les limites de notre étude en ce qui concerne l’analyse des
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NOTES
1. Nous remercions les rapporteurs dont les remarques ont été particulièrement utiles en vue
d’améliorer l’article sur le plan analytique.
2. La gestion intégrée, que Meur Ferec (2007) considère comme une nouvelle méthode de
gouvernance, a été en particulier appliquée à la gestion des zones côtières. On parle alors de
gestion intégrée des zones côtières, définie par Billé comme un « processus dynamique par lequel
une stratégie coordonnée est développée et mise en œuvre pour l’allocation des ressources
environnementales, socioculturelles et institutionnelles afin d’assurer la conservation et l’usage
multiple et durable de la zone côtière » (Billé, 2006). Cette définition est tout à fait transposable à
d’autres enjeux environnementaux et sociétaux comme ceux liés à l’extraction minière dans les
pays soumis à de fortes pressions environnementales, tels que les pays pauvres. Ray-Valette et
Antona (2009) considèrent que « la gestion intégrée des zones côtières (GIZC) vise à introduire les
principes du développement durable dans l’aménagement des zones littorales. Il s’agit d’une démarche
d’action publique qui se veut à la fois intégrée et concertée en réponse : aux besoins de gestion des
externalités et interactions multiples qui caractérisent ces espaces, à la reconnaissance de la pluralité des
objectifs du développement durable et, aux impératifs de décentralisation et de gouvernance qui mettent
l’accent sur les conditions de participation de la société civile pour renforcer la légitimité et l’efficacité des
politiques publiques ».
3. « Le sous sol du Sénégal offre une grande diversité de substances minérales comprenant des métaux
précieux (or et platinoïdes), des métaux de base (fer, cuivre, chrome, nickel), des minéraux industriels
(phosphates, calcaires industriels, sels, barytine etc.) des minéraux lourds (zircon et titane), des pierres
ornementales et matériaux de construction… » (APIX, 2010).
4. Le Code Minier réaffirme la propriété de l’État sur les ressources minérales, les types de
substances minérales sujettes à règlement et leur régime légal, l'accès aux titres miniers, les
droits et obligations du détenteur du titre minier, les incitations spéciales accordées en phases
d’exploration et d'exploitation, et le règlement des différends.
5. Voir la loi n° 2003-36 du 24 novembre 2003 portant Code minier et du décret n° 2004-647 du 17
mai 2004 portant les modalités d’application de ladite loi.
6. On citera le Plan d’Orientation de Développement Économique et social (PODES), la Stratégie
de réduction de la pauvreté (SRP) et la stratégie de croissance accélérée (SCA) et la Stratégie
Nationale de Développement Durable (SNDD).
7. « Approche territoriale du développement durable : à la recherche d’une meilleure
gouvernance locale », Moustapha Sene, Le soleil, 16 avril, 2014, consulté le 30/07/2014 : http://
www.lesoleil.sn/index.php?option=com_content&view=article&id=38478:approche-territoriale-
du-developpement-durable-a-la-recherche-dune-meilleure-gouvernance-locale-&catid=78:a-la-
une&Itemid=255.
8. Au Sénégal, les Permis d’exploitation et les concessions minières sont octroyés par décret pris
sur le rapport du Ministre chargé des mines après enquête publique destinée à évaluer les
conséquences de l’exploitation sur l’environnement et sur les populations (code minier de la
République du Sénégal).
9. La conception et l’usage des outils de communication collectés impliquent des jeux de pouvoir
qui peuvent contribuer à décrypter les divergences de conceptions et de perceptions d’un
programme de développement durable. Tout en reconnaissant cet enjeu, les auteurs n’ont pas
développé leur analyse sous cet angle et assument à cet égard les limites de leur étude.
10. Voir la contribution du Sénégal 18 è et 19 è sessions de la Commission du développement
durable des Nations unies (octobre 2009).
11. « La deuxième réforme majeure, réalisée en 1996 « dans le souci d’accroitre la proximité de l’État
et la responsabilité des collectivités locales », consacre la régionalisation avec, notamment, l’érection de la
région en collectivité locale, la création de communes d’arrondissement. » (Exposé des motifs de la Loi n
° 2013-10 du 28 décembre 2013 portant Code général des Collectivités locales).
12. Selon notre corpus de données, les démarches de développement durable des entreprises ne
sont pas toujours comprises par les populations alors que les impacts négatifs de leur activité
sont largement visibles : menaces sur les activités traditionnelles de production et de
subsistances des populations ; dégradation de l’environnement et du cadre de vie ; dégradation
des écosystèmes combinée aux pollutions (eaux de nappes et de surface, des sols, de l’air…) ;
émergence de nouvelles pandémies (paludisme…) ; compétition sur les ressources (eaux, sols,
métaux précieux) débouchant sur des conflits ; incompréhension et mouvement d’humeur par
rapport au recrutement de la main d’œuvre locale ; manque d’information sur les activités
minières ; activités opaques excluant de fait un débat et donc une participation effective des
populations ou groupes les plus significatifs dans la prise de décision qui les concerne (source de
l’acceptabilité sociale du projet minier).
13. L’expression de partie prenante est ici entendue dans son sens générique comme synonyme
d’acteur social et institutionnel, même si un rapprochement peut être fait avec la théorie des
parties prenantes (Freeman, 1984) qui a fait l’objet de nombreuses controverses que nous
n’abordons pas dans cet article.
14. L’État y est présent (actionnaire minoritaire) malgré le partenariat noué avec les indiens
(actionnaire majoritaire). Cette entreprise a traversé plusieurs crises avec un risque de cessation
d’activités (une chaudière a été en panne pendant plusieurs mois, mettant en péril l’activité du
groupe).
15. Le cas étudié compte 1.982 employés permanents. À cela il faut ajouter environ 4 000
employés temporaires et plus de 5 000 emplois issus d’activités dérivées.
16. Cela peut vouloir dire qu’ouvrir le marché aux entreprises multinationales peut avoir un
impact positif sur l’adoption de pratiques RSE impliquant des collaborations avec les différents
acteurs locaux et nationaux.
17. Les montants des engagements sont précisés dans les conventions minières négociées entre
l’État et les sociétés minières. Trois compagnies sont concernées dans l’exploitation de l’or du fer
et des phosphates.
18. Article 55 (code minier) - Une partie des ressources fiscales provenant des opérations
minières est versée dans un fonds de péréquation destinée aux collectivités locales. Les
conditions et les modalités de ce versement sont fixées par décret. Les sommes ainsi utilisées
sont en franchise de l’impôt sur les bénéfices industriels et commerciaux. Les modalités
d’opération et d’alimentation.
19. Cette présentation présente des points communs avec celle de P. Batellier dont l’objectif était
cependant différent puisqu’il s’agissait de comparer la démarche d’acceptation et celle
d’acceptabilité dans les processus de décision publique. P. Batellier, Revoir les processus de
décision publique : de l’acceptation sociale à l’acceptabilité sociale, Gaïa Presse, Analyse, 1er
octobre 2012, http://gaiapresse.ca/fr/analyses/index.php?id=303, consulté le 11 mars 2013.
20. Un cadre de concertation est un organe structuré et transparent réunissant le promoteur
minier, les communautés hôtes et les représentants de l’État pour traiter des questions actuelles
et futures concernant les rapports entre les parties intéressés aux opérations minières.
RÉSUMÉS
Cet article compare les perceptions des différents acteurs territoriaux sur les programmes de
développement durable mis en place par les entreprises minières au Sénégal. Une grille d’analyse
des caractéristiques des programmes de développement durable est construite puis appliquée à
travers une enquête qualitative conduite auprès des acteurs locaux. Nous concluons que, malgré
les avancées permises par les initiatives conjointes entre les acteurs publics et les entreprises, les
projets concernés demeurent peu intégrés et faiblement inclusifs vis-à-vis des populations et de
leurs représentants. La faible inclusion se traduit alors par une acceptabilité sociale limitée des
projets et questionne la capacité des entreprises à faire évoluer leur modèle économique.
This article compares the perceptions of different local actors about sustainable development
programmes put in place by mining companies in Senegal. We built an analytical grid of the
characteristics of sustainable development programmes. This grid was used for the qualitative
survey. We conclude that, despite the progress made through the initiatives between private and
public stakeholders, these programmes are insufficiently integrated and inclusive. The weak
inclusiveness leads to a low social acceptability and slows down the evolution of the companies
towards a new business model.
sustainable development, corporate social responsibility, mining companies, Senegal, inclusion
INDEX
Mots-clés : développement durable, responsabilité sociale, industrie minière, Sénégal , inclusion
AUTEURS
BRUNO BOIDIN
Bruno Boidin est économiste et maître de conférences, habilité à diriger des recherches. Ses
travaux portent sur les questions de développement, de développement durable et de santé, en
particulier en Afrique subsaharienne. CLERSE, Université Lille 1, bruno.boidin@univ-lille1.fr