Etapes Yougoslavia

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ÉTAPES YOUGOSLAVES
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DU M Ê M E AUTEUR

Sur les ondes (Ed. de la Liberté), 1945.


Les conditions de l' Unité (Ed. de la Liberté), 1946.
E n collaboration avec Albert Gazier & Pierre Ségille :
Les socialistes animateurs de la sécurité sociale (Ed.
du parti socialiste), 1949.

Contre le réarmement allemand (Ed. du parti socialiste),


1950.

Le rôle de l'O.R.T. dans l'émancipation et la dignité


de l'Homme (Ed. O.R.T., Genève), 1960.
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DANIEL MAYER

ÉTAPES
YOUGOSLAVES :
PRODUCTEUR, CITOYEN, HOMME

LES ÉDITIONS DE MINUIT


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© 1962 by LES ÉDITIONS DE MINUIT


7, rue Bernard-Palissy, Paris-6
Tous droits réservés pour tous pays
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« Le communisme comme l'abolition positive de la propriété


privée, de l'autoaliénation humaine, signifie l'appropriation
réelle de la nature humaine par et pour l'homme, donc le retour
complet de l'homme à lui-même en tant qu'être social, c'est-à-
dire en tant qu'être humain ; retour complet, accompli en pleine
conscience en sauvegardant toute la richesse du développement
antérieur. Ce communisme, en tant que naturalisme achevé,
s'identifie à l'humanisme et en tant qu'humanisme achevé il
s'identifie au naturalisme. Il est la véritable solution de l'anta-
gonisme entre l'homme et la nature, entre l'homme et l'homme.
Il est la vraie solution du conflit entre l'existence et l'essence,
entre l'objectivation et l'affirmation de soi, entre la liberté et
la nécessité, entre l'individu et l'espèce. Il est l'énigme résolue
de l'histoire et il sait qu'il en est la solution...
« La religion, la famille, l'Etat, le droit, la morale, la science,
l'art, etc. ne sont que des modes particuliers de la production
et tombent sous sa loi générale.
« La disparition positive de la propriété privée en tant
qu'appropriation de la vie humaine est, en conséquence, la fin
positive de toute aliénation, donc le retour de l'homme à son
existence humaine, c'est-à-dire sociale, et l'abandon de la reli-
gion, de la famille, de l'Etat, etc. L'aliénation religieuse ne
s'accomplit comme telle que dans le domaine de la conscience,
dans le for intérieur de l'homme, mais l'aliénation économique,
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c'est l'aliénation de la vie réelle : sa suppression s'étend, par


conséquent, à l'une et à l'autre. »
Karl MARX (Manuscrits économico-philosophiques de 1844)

« L'émancipation politique est la réduction de l'homme,


d'une part, au membre de la société bourgeoise, à l'individu
égoïste et indépendant, d'autre part au citoyen, à la personne
morale.
« Ce n'est que lorsque l'homme individuel réel aura repris
possession du citoyen abstrait, lorsqu'en tant qu'homme indi-
viduel dans sa vie empirique, dans son travail individuel, dans
ses rapports individuels, il sera devenu un être générique, ce
n'est que lorsque l'homme aura reconnu ses « forces propres »
comme forces sociales et les aura organisées comme telles, et
que par conséquent il ne séparera plus de lui la force sociale
sous l'aspect du pouvoir politique, c'est alors seulement que sera
réalisée l'émancipation humaine. »
Karl MARX (La Question juive, 1844).
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AVANT-PROPOS

A u m o m e n t où j e commence à r é d i g e r les notes q u i


vont s u i v r e et a u x q u e l l e s des a m i s e n t e n d e n t d o n n e r
les d i m e n s i o n s d ' u n livre, je sens c o n f u s é m e n t ce q u ' i l
f a u t éviter.
I l m e serait, je p e n s e , f a c i l e de t r o u v e r les accents
p r o p r e s à u n g u i d e t o u r i s t i q u e . L e s grottes de P o s t o j n a ,
l a côte d a l m a t e , les m o s q u é e s de S a r a j e v o et de M o s t a r ,
l a N e r e t v a , ses gorges, son p o n t en dos d ' â n e , les
fresques d ' O h r i d , le q u a r t i e r t u r c de S k o p j e , l ' é g l i s e
S a i n t - B l a i s e o u le p a l a i s S p o n z a de D u b r o v n i k , les
calmes venelles de la vieille Z a g r e b , q u e la v u e s u r
u n n o u v e a u gratte-ciel de q u a t o r z e étages n e p a r v i e n t
p a s à e n l a i d i r , les lacs de B l e d , de P l i t v i c e , d ' O h r i d
o u de P r e s p a ont été s u f f i s a m m e n t c h a n t é s p o u r q u e
je p u i s s e m e c o n t e n t e r de r e n v o y e r a u x i t i n é r a i r e s
h a b i t u e l s a m a t e u r s d ' a r t et a m a n t s de la n a t u r e .
A l ' a u t r e e x t r é m i t é de cette sorte de facilité, il m e
f a u t a u s s i r e f u s e r de f a i r e o u de r e f a i r e l ' é t u d e détaillée
des textes i n s t i t u t i o n n e l s de l a nouvelle Y o u g o s l a v i e .
O u t r e le p e u d ' i n t é r ê t q u ' y t r o u v e r a i t s a n s d o u t e le
lecteur, il y a u r a i t p r é t e n t i o n de m a p a r t à t e n t e r des
c o n f r o n t a t i o n s j u r i d i q u e s : j e m ' y p e r d r a i s bien vite
et, a p r è s tout, l a vie c o m p t e p l u s q u e les C o n s t i t u t i o n s et
les L o i s f o n d a m e n t a l e s .
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Au surplus, richesses naturelles ou culturelles sont


immuables. Et, si les lois sont changeantes, elles ne
font, la plupart du temps, que codifier les changements
intervenus depuis la proclamation des actes qui les
ont précédées.
Plus particulièrement en Yougoslavie, rien n'a la
fatuité de se proclamer définitif. Tout est mouvant. Si
le socialisme ne saurait être remis en question, aucune
des formes qu'il entend, là-bas, revêtir, n'a trouvé son
aspect dernier. Chacun le sent et beaucoup le disent.
Il me faudra donc traiter moins ce qui est que ce
qui est en train de se créer, moins ce que j'ai vu que
ce que l'on pressent, moins ce que l'on a fait que ce
vers quoi l'on tend.
La perspective, l'aspiration de cette forme de socia-
lisme, que les événements ont imposé à ceux qui le
construisaient au moins autant que leur propre ima-
gination n'en a créé les formes, voilà ce à quoi je
voudrais m'attacher — fût-ce au détriment de certaines
questions particulières : ce petit livre n'a pas la pré-
tention d'être exhaustif.
Des deux révolutions (le mot n'est pas de moi)
qu'a connues le jeune Etat, celle de 1941-1945, instituant
le communisme, celle de 1948 le coupant de Moscou,
nul ne saurait dire quelle est la plus importante.
La première rompait avec le passé, un passé disparate
suivant les régions, les dominations successives et
contradictoires, et créait une société nouvelle. La
seconde réconciliait la construction à peine née avec
les traditions nationales dont on esquissait la synthèse,
et la rapprochait de l'homme.
L'une et l'autre ont des aspects irréversibles. J ' a i
cru les déceler. Sans doute me suis-je quelquefois
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trompé. Sans doute y aura-t-il encore, avant que le


Socialisme (avec le grand S dont rêvent plus d'hommes
qu'on ne le croit généralement) ne connaisse la fin
de son évolution, beaucoup de changements, beaucoup
d'incertitudes, beaucoup de marches contrariées, beau-
coup d'erreurs et beaucoup de redressements.
Une chose m'apparaît toutefois certaine : c'est
qu'il y a des évolutions sur lesquelles on ne revient
pas. On ne remonte pas le cours de l'histoire. Les
dirigeants yougoslaves sont contraints à l'originalité
par rapport à tous ceux qui, çà et là, entendent trans-
former les modes de production et de propriété.
Ils en sont encore — parce que leur économie les
y oblige, parce qu'ils ont tout à bâtir, les richesses et
les cadres, les usines et les hommes, et, par surcroît,
leur unité, faite du respect de leur diversité — à la
période de protection du producteur. Ils esquissent
cependant déjà la protection du citoyen. Ils ont choisi
d'aller à l'homme. Ils ne peuvent, sans se démentir,
ne pas poursuivre leur marche en avant dans ce sens.
Leur en donner acte, c'est sans doute nous engager.
C'est peut-être aussi les engager eux-mêmes. Leur
persévérance peut se nourrir de notre confiance.
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I. — QUELQUES DONNÉES ÉLÉMENTAIRES

Quel que soit mon désir de ne pas répéter des


évidences, il me faut bien rappeler dès l'abord
quelques données de fait qu'il est indispensable
d'avoir présentes à l'esprit si l'on veut émettre un
jugement objectif sur l'effort entrepris.
Un dirigeant de Belgrade dressait pour moi, en
1957, ce petit tableau express de son pays : la
Yougoslavie, selon lui, c'est :
— six républiques ;
— cinq nationalités ;
— quatre langues ;
— trois religions ;
— deux alphabets ;
— une fédération.
Les plus malicieux (je ne dis pas les plus hostiles)
substituent à « une Fédération » : « un parti ».
Il n'en demeure pas moins qu'ont été effectivement
fédérés les éléments disparates que constituent :
— les nationalités serbe, croate, Slovène, macé-
donienne et monténégrine ;
— réparties dans les républiques de Serbie
(capitale Belgrade), de Croatie (capitale Zagreb),
de Slovénie (capitale Ljubliana), de Macédoine
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(capitale Skopje), de Monténégro (capitale Titograd,


dont le nom est le vestige d'une esquisse fugace du
culte de la personnalité) et de Bosnie-Herzégovine
(capitale Sarajevo) ;
— parlant les langues serbe, croate, slovène et
macédonienne (encore que la présentation de deux
langues distinctes, serbe et croate, soit artificielle
et faite pour les besoins de la cause ; il s'agit pra-
tiquement de la même langue, que les vieux Serbes
appellent serbe, les vieux Croates, croate, les autres,
serbo-croate, et que les jeunes générations, pour qui
l'unité yougoslave est une réalité plus sensible
qu'aux anciennes, appellent tout bonnement le
yougoslave, ce qui est une définition plus senti-
mentale que philologique) ;
— s'exprimant en caractère latin ou cyrillique ;
— et fidèles des religions orthodoxe, catholique
et musulmane.
Encore faut-il, pour être complet, ne pas négliger
l'existence de nombreuses minorités de toutes
origines, dont on prend plus particulièrement
conscience dans les deux unités autonomes consti-
tuées respectivement à l'extrême nord et à l'extrême
sud-ouest de la république serbe, et qui sont la
province autonome de Voïvodina et la région auto-
nome de Kossovo-Métohija (plus couramment
appelée d'une contraction : Kosmet).
Au total, et pour une population évaluée en 1953
à 17 millions en chiffres ronds, on notait, suivant le
caractère ethnique :
— 7 millions de Serbes ;
— près de 4 millions de Croates ;
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— 1 500 000 Slovènes ;


— un peu moins de 1 million de Macédoniens ;
— un peu moins de 500 000 Monténégrins ;
mais aussi :
— 750 000 Albanais ; 502 000 Hongrois ;
260 000 Turcs ; 85 000 Slovaques ; 85 000 Tziganes ;
62 000 Bulgares ; 61 000 Allemands ; 60 000 Rou-
mains ; 37 000 Ruthènes ; 37 000 Valaques ;
36 000 Italiens ; 35 000 Tchèques ; 12 000 Russes ,
et plusieurs milliers de Grecs, de Juifs, de Polonais
d'Autrichiens, et de tenants de nationalités diverses
tant slaves que non slaves.
Il semble que les prévisions du mouvement de
populations globales à venir dans les années res-
pectent approximativement ces proportions-là. Au
total, on estime à plus de 18 millions le nombre
des Yougoslaves en 1960 et à environ 20 800 000 leur
nombre en 1970.
Mais les chiffres n'expliquent pas à eux seuls le
problème qu'une telle mosaïque de peuples pose à
ceux qui ont la charge de créer l'Etat si l'on ne
rappelle également ce que fut leur histoire respective,
ou, plutôt, ce que cette histoire a engendré de luttes
entre eux.
Les Slovènes, qui avaient eu, au VII siècle, leur
royaume provisoirement indépendant, ont été succes-
sivement incorporés à l'Empire franc, au Saint-Empire
romain germanique et à l'Empire austro-hongrois.
Slaves, ils conservent leur langue à travers les vicis-
situdes que leur impose la dynastie des Habsbourg.
Les Croates connaissent un sort sensiblement
identique puisque, de Byzance à Vienne, en passant
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par l'empire de Charlemagne, et quoique en conser-


vant de leur démêlés avec les Hongrois une certaine
autonomie, ils n'auront été libres de toute suze-
raineté étrangère que de la fin du I X siècle au début
du X I I
Si les Hongrois conquièrent les terres habitées par
les Croates, au contraire, les Serbes voient longtemps
en eux les alliés qui arrêteront l'avance turque dans
les balkans. Un siècle après la prise de Constan-
tinople, le seul îlot d'indépendance de ce qui constitue
l'actuelle Yougoslavie est la république de Raguse
(aujourd'hui Dubrovnik), perdue dans un littoral
dalmate dominé par Venise.
Il faudra attendre la fin du XVII siècle pour que
les révoltes inspirées par la misère et l'oppression
de quelque chose qui commence à ressembler à une
prise de conscience nationale avant la lettre ne soient
plus totalement écrasées. C'est le commencement du
recul turc. Successivement, Monténégro et Serbie
du Nord se libèrent. Ils entraîneront, à l'occasion de
la révolte de chrétiens bosniaques, la Russie dans
leur guerre contre la Turquie, mais c'est l'Empire
austro-hongrois qui s'empare de la région constituée
par la Bosnie et l'Herzégovine tandis que le traité
de San Stefano crée la « grande Bulgarie », vassale
de la Russie des Tzars.
Dans le dernier discours qu'il ait prononcé en
France, exactement le 25 juillet 1914, à Lyon-Vaise,
Jean Jaurès, éclairant les dramatiques événements
qui allaient déclencher la guerre, déclarait : « Les
Russes qui vont peut-être prendre parti pour les
Serbes contre l'Autriche vont sans doute dire :
« Mon cœur de grand peuple slave ne supporte
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CET OUVRAGE A ÉTÉ
ACHEVÉ D'IMPRIMER
LE 17 SEPTEMBRE 1962
SUR LES PRESSES DE

L'IMPRIMERIE JACQUES ET
DEMONTROND A BESANÇON
ET INSCRIT DANS LES
REGISTRES DE L'ÉDITEUR
SOUS LE NUMÉRO 474

Dépôt légal 3e trimestre 1962, n° 6830.


Imprimé en France.

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