Volc Explosif Run 1504
Volc Explosif Run 1504
Volc Explosif Run 1504
A LA REUNION
avril 2015
Ph. Mairine
Au Piton de la Fournaise,
le volcanisme
est avant tout effusif,
c'est-à-dire que le volume
des projections
(produits explosifs)
est minime (1 à 2 %)
par rapport au volume
des coulées de lave
(produit liquide, effusif)
Jean PERRIN
2000
Les éruptions sur les volcans-boucliers basaltiques peuvent devenir plus explosives quand l'eau s'en mêle. Si la rencontre se
fait entre l'eau et le magma, l'éruption sera hydromagmatique ; on dit aussi phréatomagmatique (diapos 6 à 28).
Parfois l'eau souterraine atteint des zones chaudes, mais sans magma, une éruption phréatique peut se produire (ci-dessus et
diapos 29 à 32).
Mayon – 1984
Wikimedia Commons
Quand l'éruption est "explosive", une grande partie du magma est pulvérisée C.G.Newhal
ainsi que des roches anciennes (diapos 35 à 66).
I
En milieu basaltique, les éruptions sont généralement effusives, mais quand le magma rencontre, en profondeur, de
grandes quantités d'eau, il se produit plusieurs phénomènes simultanés :
- l'eau se vaporise donc la pression des gaz s'accroît énormément,
- une partie du magma se solidifie très rapidement et donne du verre volcanique (sans microlites, hyalin),
- le magma réagit chimiquement avec l'eau, il y a hydratation du verre volcanique avec formation d’argile,
- le magma, refroidi, devient plus visqueux ;
tout ceci augmente considérablement l'explosivité du magma, l'éruption sera dite hydromagmatique (diapo 8) ; le magma et les
roches encaissantes seront pulvérisés et projetés haut et loin (nuages noirs), mélangés à de l'eau (nuages blancs).
Les morceaux (clastes) de verre volcanique sont appelés "hyaloclastites", argilisés ou non.
Tonga-2009
Dana Stephenson
(Getty Images)
Tonga-2009
Dana Stephenson
(Getty Images)
Tonga-2009
Dana Stephenson
(Getty Images)
Tonga-2009
Dana Stephenson
(Getty Images)
Tonga-2009
Dana Stephenson
(Getty Images)
Ce type d'éruptions concerne
le Massif de la Fournaise
depuis plus de 500 000 ans Alain de GOER de HERVE
et celui du Piton des Neiges Jean-Michel BELIN
pendant son activité effusive CRDP - Clermont-Ferrand - 1985
(> 3 000 000 à 250 000 ans).
Les explosions
hydromagmatiques ont déposé
des couches de hyaloclastites
(débris de verre) palagonitisées
sur plus de 60 m d'épaisseur
à proximité de la fissure
éruptive.
Ph. M. 2006
Le magma pulvérisé et projeté
retombe en constituant des couches,
pentées près du centre éruptif
(diapo précédente)
et quasi-horizontales plus loin.
Ph. M. 1990
Tous les grands volcans basaltiques ont projeté beaucoup de lave ; leur éruption a été rendue
plus explosive par la rencontre du magma et de l'eau souterraine.
Le Piton Babet (100 m de haut), à Saint Joseph, en est un exemple.
Ph. M. 2001
Le sous-sol des Hautes Plaines contient d'importantes réserves d'eau souterraine (trop profondes pour être exploitées) ;
un magma qui les traverse sera beaucoup plus explosif que la normale.
Le Piton Hyacinthe a eu une activité hydromagmatique il y a plus de 22 000 ans .
Tous les grands
volcans hors Enclos
ont eu une activité
éruptive compliquée
par l'eau.
Laboratoire
Géosciences-Réunion
Volcanisme excentrique sud
Deux types de roches sont typiques des éruptions basaltiques hydromagmatiques :
- les cendres plus ou moins argilisées (hydrolysées) ; ce sont des projections dont la
taille est inférieure à 2 mm ; elles peuvent s'étaler sur des dizaines de km 2 et forment des
cônes "surbaissés",
cendres trachytiques
du Piton des Neiges,
âgées de 22 000 ans
Couches de
cendres mises en
place lors
d'éruptions
hydromagmatiques
du Massif de la Isabelle PAYET
Fournaise
ND de la Paix
2003
Ph. M.
Les bombes en chou-fleur sont des projections denses, très dures, qui résultent de la trempe du magma par l'eau.
Les gaz volcaniques dissous n'ont même pas eu le temps de "s'exprimer" et de faire des bulles.
Ph. M. : Cratère Julien ; 1981. (Echelle : 1€)
Quelques éruptions fournaisiennes compliquées par l'eau :
En août-septembre 2004 une coulée pahoehoe a construit une plate-forme en mer. Dans celle-ci, la lave
circulait dans des tunnels débouchant sous le niveau marin. La rencontre eau-magma était explosive ;
des lambeaux de lave et de la cendre retombaient autour des deux volcans "bord de mer".
Les explosions
hydromagmatiques
sont très violentes
quand le rapport massique
entre l'eau et le magma
se situe entre 0,2 et 2.
Le cratère Commerson,
les Trous Blancs (proches
du Nez de Bœuf), le Trou
de Cissia et le Grand Trou
(Grand Coude) peuvent
être considérés comme
des maars.
Ph. M. 2004
Le 31 du mois d'août (2004), nous vîmes de la côte au vent, deux types d'explosions ; celles du
premier plan (la bulle orange), bruyantes, correspondent à un mélange eau-magma plus explosif que
celles à l'arrière plus proches de la mer.
Ces dernières envoient en continu des projections moins chaudes (rouges) avec un bruit feutré.
Jean PERRIN 2007
Le volcan du 2 avril 2007 a émis de la lave avec un débit énorme, pouvant atteindre 150 m 3/s.
Quand ce flot arrive en mer, des poches d'eau sont piégées dans cette lave, elles se vaporisent et explosent
en projetant du verre volcanique et des cristaux d'olivine aux alentours, en particulier sur le village du Tremblet.
Ph. M. 2007
Les roches résultant d'explosions hydromagmatiques côtières ont des tailles variées, allant du ballon de rugby à la
cendre en passant par des lapilli, le tout constitué par du basalte vitrifié (parfois un peu argilisé, niveaux beiges) et des
cristaux d'olivine (formés dans une chambre magmatique, avant l'éruption).
Cette photo a été prise sur le flanc nord du volcan "bord de mer" présenté sur la diapo suivante.
Hervé DOURIS 2007
Les projections d'un volcan "bord de mer" d'avril 2007 ont bâti cet édifice en gradins,
recouvert ensuite par des coulées en gratons. (L'hélicoptère vole du sud au nord.)
Jean LEGROS 1961
Pendant la vidange latérale de la chambre magmatique supérieure en avril 2007, la colonne de roches surmontant
celle-ci descend par à-coups. L'eau qui imprègne le cône est aspirée, arrive dans des zones chaudes, se vaporise et
explose en pulvérisant les vieilles laves. Les cendres recueillies sur les panneaux solaires de l'Observatoire
Volcanologique ne sont pas vitreuses (donc pas de magma vitrifié et pulvérisé) et sont riches en microlites.
Les limites des accidents géologiques
sont difficiles à tracer car,
sur le terrain, l'érosion a fait reculer
les falaises tectoniques et des coulées
ont pu les recouvrir par la suite.
PS 1 et 2 : accidents de la Plaine
des Sables ; env 65 et 40 000 ans
Diapo suivante
Guy BILLARD 1974
Modifié Ph. M. 2007
Sur cet affleurement côtier du Piton Rouge (Etang Salé), des bombes et des lapilli
sont cimentés par de la cendre (volcanique) marron.
(Diamètre du cache = 52 mm) Ph. M. 2005
II
Ces analyses montrent les différences entre les basaltes et les laves "différenciées" du Piton des Neiges :
Dans le cas d'une chambre alimentée en permanence par un magma basaltique primitif chaud, les premiers cristaux qui
apparaissent et croissent lors du refroidissement lent du liquide sont surtout ceux d'olivines, de pyroxènes et de
feldspaths plagioclases plutôt calciques. Ces minéraux sont plus pauvres en SiO2 (silice) que le magma, celui-ci "s'enrichit"
(relativement) en silice ; il en est de même pour le sodium et le potassium. Par contre ils prélèvent beaucoup de
magnésium et de calcium, ce qui fait baisser la concentration de ces éléments dans le liquide résiduel.
Une éruption laissera s'échapper du basalte plus ou moins riche en olivines, plagioclases et pyroxènes et les cristaux
accumulés dans le fond des chambres donneront des roches grenues : dunites (péridotite magmatique) ou gabbros.
La chimie du magma varie peu quand la chambre est alimentée régulièrement par le bas, les laves émises sont "non
différenciées".
Dans le cas contraire quand la chambre est isolée, après l'émission de basaltes et la cristallisation de gabbros, la
fraction du magma restante, plus froide, enrichie en SiO2, Na, K et appauvrie en Mg et Ca ne permettra plus la formation
de l'olivine …. De nouveaux minéraux apparaissent : plagioclases plus sodiques, feldspaths potassiques (orthoclases) et
même, à la fin, du quartz : les cristaux changent donc au fur et à mesure que la fraction du liquide (résiduelle) diminue et
évolue (= se différencie). Pour les laves, la différenciation se traduit par le passage des basaltes aux hawaiites (roches
pintades) puis aux mugéarites, aux benmoréites et enfin aux trachytes (diapo suivante).
Ces deux derniers magmas différenciés sont "froids" (600 - 900°C), "riches" en silice, sodium et potassium, ils sont
donc plus visqueux et comme ils sont aussi riches en gaz dissous, ils produiront des éruptions explosives à La Réunion et
plus rarement des dômes de lave.
[Le phénomène est plus complexe dans les détails mais en gros, l'explication reste correcte.]
Laboratoire Géosciences Réunion
Des analyses chimiques de laves émises par le Piton des Neiges sont présentées dans ce diagramme. On peut suivre
une lignée évolutive des basaltes aux trachytes qui correspond à la différenciation progressive des magmas de ce
massif volcanique depuis la fin de son alimentation mantellique, il y a 450 000 ans.
Où ?
Les "roches pintades" sont des hawaiites, c'est-à-dire des laves riches en mégacristaux de feldspaths plagioclases.
Ces cristaux, moins denses que le magma, montent vers le haut de la chambre et sont pris par le magma ascendant
vers la surface.
Ces roches ont été émises à plusieurs périodes de l'histoire du Piton des Neiges (voir diapo "Quand ?").
II b
Les formations profondes et différenciées
du Piton des Neiges
Ph. M. 2005
La Chapelle de Cilaos est constituée de syénite. C'est une roche grenue contenant surtout des feldspaths
potassiques formés aux dépens d'un magma trachytique dans une chambre magmatique différenciée et superficielle.
La prochaine fois que vous irez y faire de l'escalade ou du canyonning, pensez-y.
N'hésitez pas à scanner vos roches avec une forte définition à condition d'avoir une cassure assez plate
(n'oubliez pas de poser un transparent sur la vitre).
Sur ces deux scans de syénites, les cristaux rosés sont des feldspaths potassiques (variété anorthose).
Sur la vue de droite, on peut observer, dans un creux de la roche, des grands cristaux d'anorthose mais aussi
trois cristaux de quartz gris centimétriques ; dans les espaces libres de la roche, le dernier "jus" très riche
en silice a permis la croissance de mégacristaux de quartz.
Ph. M. 2000
Pour monter de la chambre magmatique à la surface, le magma suit une cheminée volcanique. A la fin de
l'éruption le magma se solidifie dans son conduit et donne un "dyke". Celui-ci est visible à Mafate, pas très loin de
Marla, il est constitué d'un trachyte du Piton des Neiges (trachyte est un nom masculin).
Ph. M. 2007
Le magma ascendant n'arrive pas toujours en surface, il peut s'injecter entre deux couches préexistantes,
les écarter et se solidifier en profondeur : il forme alors un sill.
Dans la Rivière Fleurs Jaunes, à Salazie, de nombreux sills affleurent, dégagés par l'érosion. Celui de
gauche, rosé, est composé de trachyte.
Juste pour le fun, pour ceux qui ont appris que "La Loire prend sa source au pied du Mont Gerbier des Joncs",
le voici en couleur, c'est un dôme bâti par une lave visqueuse et différenciée.
A La Réunion, le Cap Anglais, à Bébour est un exemple (rare) de dôme-coulée.
Pub : Allez visiter le site du Professeur Ch. NICOLLET ; ses photos et explications de géologie sont remarquables.
II c
Les formations explosives
du Piton des Neiges
Nicolas VILLENEUVE 2006
Le sommet actuel du Piton des Neiges ne correspond pas à l'ancien, détruit par le Bras Rouge. Sur ses pentes
et les flancs érodés affleurent de grandes quantités de projections, traversées à gauche par des cheminées
terminales du volcan : les toutes dernières éruptions sommitales n'ont pas été calmes.
Trois carottages de sédiments
marins profonds ont été effectués au
large de La Réunion.
Des analyses géochimiques et
isotopiques ont permis de repérer et
de dater 34 niveaux de cendres
volcaniques correspondant à 34
éruptions explosives présentées ci-
contre. Ces événements sont plus
nombreux que ceux notés à terre,
l'érosion a fait son œuvre d'oubli.
Pour ces auteurs, la période la
plus explosive est celle comprise
entre 170 et 150 ka.
Dans ce type d'éruption, le magma est proche de la surface, il est visqueux et très riche en gaz. Cette "mousse"
explose en continu et déborde des fissures. Le liquide est pulvérisé en cendre (écailles vitreuses < 2 mm) et en
morceaux très vésiculés (les ponces). Pendant le trajet, des bulles de ponces explosent et entretiennent l'énergie de
propulsion des nuées …
Ph. M. 2007
Les orgues de Salazie sont visibles sur les flancs du cirque, elles peuvent atteindre 100 m de haut ; celles-ci sont observables à partir de
la D48, entre Mare à Poule d'Eau et Hell-Bourg.
Plusieurs nuées ardentes ont rempli les anciennes dépressions de Bélouve et Bébour vers 170 ka puis vers 100 ka.
Les roches étant encore "chaudes" quand elles se sont déposées, leur solidification a été lente et les fentes de retrait ont pu s'organiser
à 120°. Ces coulées de pyroclastites sont épaisses car leur volume est énorme et elles n'ont pas pu s'étaler.
Ph. M. 2007
La zone industrielle 3 de Saint Pierre est bâtie sur une coulée de ponces et cendre. Les ponces sont noires
bien que de nature trachytique. La cendre beige qui les réunit provient des explosions sommitales mais aussi de
l'explosion de ponces sous la pression de leur gaz, pendant le voyage sur les pentes du Piton des Neiges.
Deux coulées de ponces et cendre sont visibles
derrière la station d'essence "Tuf" sur la 4 voies
entre St Pierre et St Louis ; on peut s'y garer
facilement (localisation sur la diapo 61).
Ph. M. 2007
Cette colonne lithostratigraphique
(=log) montre trois coulées de
pyroclastites qui se sont étalées à la
sortie du Cirque de Cilaos, sur le delta
alluvionnaire de la Rivière St Etienne.
L'emplacement du forage est indiqué
sur la diapo suivante.
Ph. M.
Laboratoire Géosciences-Réunion
2006
Les "tufs" de Saint Gilles sont aussi des coulées de ponces et cendre, leur extension devait concerner toute
la planèze ouest. Ils affleurent en particulier sur les côtés de la route du théâtre. Ils sont beiges.
La "Dalle soudée du Maïdo" se
retrouve dans les Hauts, de la Roche
Ecrite au Coteau Kerveguen, en passant
par le Maïdo..
Ph. M. 2005
Les laves explosives et
différenciées de Sainte
Suzanne affleurent au nord
de notre île ; elles se sont
mises en place pendant la
phase terminale du Massif du
Piton des Neiges (Phase IV).
Eruptions explosives
et Risque Majeur
Sainte Rose et Saint Philippe (hors Enclos) sont concernés par un aléa centennal. Les Pitons Armand, Moka, Indivis et
le Gros Piton (Ste Rose), ceux de Takamaka, d'Ango … les Puys Ramond (St Philippe) sont actuels.
La Plaine des Palmistes, Saint Benoît et Saint Joseph (à l'est de la Riv Langevin) peuvent être bousculés mais l'aléa
reste millénaire. La dernière éruption de cette zone (le Piton Chisny) ) est âgée de 400 ans.
Rassurez-vous, l'Observatoire Volcanologique veille.
En guise de conclusion : si vous voyez une nuée ardente de près, sachez que vos chances de survie sont minimes ;
les nuages doivent descendre les fortes pentes du Volcan à plus de 100 km / h.
Photo Alberta GARCIA - 1991 - Pinatubo
PhM