Ecofi 117 0107
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climatiques
Carlos García Paret, Santiago Lorenzo
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Dans Revue d'économie financière 2015/1 (N° 117), pages 107 à 126
Éditions Association Europe Finances Régulations
ISSN 0987-3368
ISBN 9782916920764
DOI 10.3917/ecofi.117.0107
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ADAPTER LES MARCHÉS FINANCIERS
AUX CHANGEMENTS CLIMATIQUES
CARLOS GARCÍA PARET*
SANTIAGO LORENZO**
L
e rapport de la Commission mondiale sur l’économie et le
climat1 est venu confirmer l’acuité des menaces induites par les
changements climatiques et les besoins de financement pour y
faire face. Le monde doit investir 93 000 Md$ au cours des quinze
107
prochaines années, soit entre 1 % et 4 % du PIB par an pour limiter le
réchauffement à 2 °C. Ces investissements sont en réalité assez proches
du scénario de maintien du statu quo et peuvent être couverts en grande
partie grâce aux structures et mécanismes existants, avec le soutien de
politiques, de réglementations et de signaux de marché adéquats.
Au-delà des engagements nationaux, bilatéraux et multilatéraux es-
sentiels sur le plan des mesures publiques de lutte contre les change-
ments climatiques, le défi majeur consiste à tirer parti des immenses
ressources et de la capacité d’innovation des marchés financiers pour
favoriser la transition vers une économie bas carbone et résiliente. Les
investisseurs privés ont besoin de visibilité et exigeront plus que jamais
une action publique très cohérente et de solides institutions capables de
garantir la transparence et des structures pérennes, tout en traitant les
problèmes socio-économiques avec les compromis nécessaires. La si-
gnature d’un accord international satisfaisant lors de la conférence Paris
Climat 2015 (Paris 2015) pourrait poser les bases adéquates en ce sens.
Enfin, les investissements à long terme dans l’économie réelle liés au
climat sont pour le système financier une opportunité de retrouver sa
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légitimité à la suite des dysfonctionnements révélés par la Grande
Récession qui a entraîné un fardeau en centaines de milliards de dollars
pour les contribuables, des millions de pertes d’emplois et une stagna-
tion économique.
À la veille de Paris 2015, nous essayons dans cet article de synthétiser
l’analyse des besoins d’investissements, la forme et les limites de la mo-
bilisation publique ainsi que les tendances et le potentiel des marchés
financiers afin de mieux comprendre comment réunir des milliers de
milliards pour alimenter un nouveau paradigme économique.
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formuler de meilleures politiques d’atténuation et d’adaptation en
amorçant le recours à des outils économiques grâce au protocole de
Kyoto. En outre, la Banque mondiale a lancé deux autres initiatives
majeures : (1) le développement climato-intelligent, qui souligne la
nécessité de solutions de développement évolutives et de recherches
pour quantifier les bénéfices sociaux des mesures en faveur du climat
pour les pays en développement, et, plus récemment, (2) un effort de
tarification du carbone à l’échelle internationale. Le corpus théorique et
de nombreuses expériences ont montré qu’au-delà du coût perçu de la
lutte contre les changements climatiques, de nombreuses opportunités
commerciales et de développement se profilent. Aujourd’hui, le coût de
l’inaction est supérieur à celui de la prise de décisions2. Ainsi, le concept
d’économie bas carbone et résiliente a été conçu comme un moyen de
stimuler la croissance, de créer des « emplois verts » et d’ouvrir de nou-
velles opportunités d’innovation dans le secteur du développement du-
rable tout en réduisant les émissions de CO2 et en s’adaptant aux condi-
tions plus extrêmes liées aux changements climatiques. Dans ce
contexte, une nouvelle notion de risque émerge, à savoir une combinai-
son de différents degrés de vulnérabilités, d’expositions et de dangers.
Dans ce nouveau paradigme, l’innovation est un élément clé pour
mener à bien la transition dans un délai très court. Des politiques 109
d’innovation adéquates interconnectées avec le système financier pour-
raient accroître et accélérer les résultats de la transition souhaitée. Selon
l’Agence internationale pour les énergies renouvelables (IRENA –
International Renewable Energy Agency), « le coût du solaire photo-
voltaïque a chuté de deux tiers entre la fin de 2009 et la fin de 2013,
une évolution comparable à celle observée lors de la révolution infor-
matique » (IRENA, 2014). La Chine domine cette accélération dans le
secteur des énergies renouvelables. En 2010, un programme à cinq ans
avait fixé un objectif cumulé de 5 GW (gigawatts) à atteindre avant
2015. En 2014, cet objectif est passé à 35 GW et devrait doubler d’ici
à 2017 pour atteindre 70 GW.
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En ce sens, le cinquième rapport du GIEC (Groupe d’experts
intergouvernemental sur l’évolution du climat) publié en 2013-2014
alerte sur le fait que le scénario de maintien du statu quo nous amènerait
à une augmentation de la température de 3,7 °C à 4,8 °C d’ici à la fin
du XXIe siècle. Mais quel délai faut-il prévoir pour la transition ? Le pic
d’émissions prévu par le scénario RCP2.6 (representative concentration
pathways)3 devrait être atteint en 2020 (GIEC, 2014). En outre, selon
l’Agence internationale de l’énergie (AIE), l’ensemble des désinvestis-
sements des secteurs à forte intensité de carbone et des investissements
dans une économie bas carbone et résiliente doivent être effectués au
cours des deux prochaines décennies pour rester dans les limites du
Scénario 450. Enfin, le taux de découplage et l’indice Low Carbon
Economy Index (PwC) montrent que l’économie doit diminuer son
intensité en carbone de 6,2 % par an jusqu’en 2100 (scénario 2 °C). En
2013, ce taux de réduction n’était que de 1,2 %.
Par conséquent, il est important de définir des cadres politiques
stables permettant d’intégrer aujourd’hui les perspectives à long terme
dans les décisions prises concernant les investissements dans les infras-
tructures des secteurs de l’énergie, des transports, de la construction, de
l’agriculture et de la gestion de l’eau. Selon l’OCDE (Organisation de
coopération et de développement économiques), « les choix opérés
110
aujourd’hui concernant les types, les caractéristiques et les emplace-
ments des infrastructures nouvelles et rénovées définiront le niveau
futur des émissions et la résistance de nos économies aux changements
climatiques » (OCDE, 2013).
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Graphique 1
Total des nouveaux investissements
dans les énergies et combustibles renouvelables
(2004-2013, en Md$, REN21)
Graphique 2 111
Évolution des flux d’investissements
(2010-2029, en Md$/an)
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En outre, les investissements dans le secteur des énergies renouve-
lables ont chuté de 250 Md$ en 2012 à 214 Md$ en 2014 (REN21,
2014)4, montant encore loin de celui requis pour le déploiement à
l’échelle internationale (500 Md$ en 2020 et 1 000 Md$ en 2030)5. En
revanche, les investissements dans les combustibles fossiles n’ont pas
chuté. Avec plus de 1 100 Md$ par an, ce secteur représente la plus
grande part des investissements actuels. Le GIEC souligne la nécessité
d’inverser les flux d’investissements dans le secteur de l’énergie : plus
d’investissements dans l’efficacité énergétique et les énergies renouve-
lables et moins dans les combustibles fossiles.
Par ailleurs, le rapport de la Commission mondiale sur l’économie
et le climat affirme que la demande en infrastructures pour une éco-
nomie intense en carbone au cours des quinze prochaines années est
estimée à 89 000 Md$ (6 000 Md$ par an). En combinant les énergies
renouvelables avec des investissements réduits dans les combustibles
fossiles, des villes plus compactes et une gestion plus efficace de la
demande en énergie, les infrastructures sobres en carbone totaliseront
un besoin d’investissements de 93 000 Md$ (6 200 Md$ par an). En
d’autres termes, le capital requis pour la transition vers une économie
bas carbone serait supérieur de seulement 5 % par rapport au scénario
de maintien du statu quo. Ainsi, le problème de l’investissement dans
112
la transition vers une économie bas carbone est en réalité une question
de réaffectation des ressources existantes.
Graphique 3
Total des besoins d’investissements
(2015-2030, en milliers de Md$, dollars constants de 2010)
Note : les chiffres sont donnés à titre indicatif, le taux d’incertitude est levé.
Source : Calderon et Stern (2014).
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Graphique 4
Investissements actuels et recommandés
pour une économie bas carbone
(en Md$)
113
Note : le rapport Calderon-Stern recommande une plage d’investissements de 1 % à 4 % jusqu’en 2030
dans le cadre du scénario 2 °C.
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L’approche publique doit largement s’appuyer sur des mécanismes
basés sur le marché et s’accompagner d’une vaste mobilisation du
secteur privé. Comme l’affirme l’OCDE dans sa stratégie pour le
financement climatique : « Le financement public seul ne suffira pas à
répondre aux besoins d’investissements. Le secteur public de chaque
État joue et continuera à jouer un rôle de premier plan pour guider et
relancer l’investissement quand cela est nécessaire. Il doit s’attacher à
remédier aux principales défaillances et externalités du marché ainsi
qu’à fournir des biens publics. Toutefois, parvenir à un développement
bas carbone et résilient aux changements climatiques nécessitera un
engagement du secteur privé à grande échelle, face aux besoins crois-
sants d’infrastructures et aux contraintes budgétaires. » (OCDE,
2013).
En effet, dans les économies de marché, il est évident que l’engage-
ment du secteur privé est crucial pour l’augmentation des ressources, le
renforcement de l’innovation et le déploiement rapide de la transition
vers une économie bas carbone. Néanmoins, cet engagement doit se
faire avec le soutien de cadres et de politiques climatiques clairs et
précis, car « de faibles politiques en matière de climat induisent un
risque réglementaire qui suscite l’incertitude des investisseurs privés »
(ibid.).
114
Le retour à l’approche descendante de l’action publique
L’approche descendante (top-down) de la CCNUCC a atteint son
apogée avec le protocole de Kyoto en 1997, suivi d’initiatives telles que
le paquet climat-énergie de l’Union européenne. Néanmoins, la confé-
rence de Copenhague en 2009 a marqué la fin de cette approche en
instaurant une approche ascendante (bottom-up) plus dynamique :
« Au-delà des négociations complexes sur le climat menées à l’échelle
internationale, la politique relative aux changements climatiques sus-
cite un intérêt croissant et plusieurs économies sont en train de plani-
fier, de mettre en œuvre ou de perfectionner leurs mesures d’atténua-
tion à l’échelle nationale. » (Banque mondiale, 2014).
Il faut noter que les villes sont responsables de plus de 75 % des
émissions de carbone, les transports et les bâtiments figurant parmi les
principaux émetteurs. Par ailleurs, elles représentent environ 80 % de
la production économique totale et environ 70 % de la consommation
totale d’énergie. Le développement des villes jouera un rôle clé dans
l’orientation future de l’économie mondiale et du climat. Aujourd’hui,
la croissance urbaine n’est ni planifiée, ni structurée, et engendre des
coûts économiques, sociaux et environnementaux considérables.
Toutefois, pour atteindre un niveau adéquat d’action en faveur du
climat, l’approche descendante doit être maintenue : « L’agenda positif
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ne doit pas se substituer à l’agenda central de la conférence qui est
d’aboutir à un accord entre les États qui ont ratifié la CCNUCC en
1994, pour avancer sur le chemin de la décarbonisation des écono-
mies » (de Perthuis et al., 2014).
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(2013) : « Même si le financement climatique a fortement augmenté
depuis le lancement du FSF, nous ne sommes pas certains que toutes
ces ressources soient nouvelles et supplémentaires. »
Graphique 5
Investissements climatiques : besoins et réalité
dans les pays en développement
(en Md$)
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un système de calcul de répartition des charges en 2014, pour déterminer
la répartition des 100 Md$ annuels au sein de la communauté des do-
nateurs. Les États-Unis devraient donner à eux seuls près de 30 Md$, ce
qui reviendrait à doubler leur aide publique au développement actuelle.
La France, quant à elle, devrait contribuer à hauteur de 6,7 Md$, son aide
publique au développement représentant aujourd’hui 12,7 Md$. Dans
les deux cas, nous mesurons la difficulté d’augmenter les contributions
d’ici à 2020, bien que nous nous basions sur des scénarios d’ajustement
budgétaire et de faible croissance qui semblent être la tendance pour les
prochaines années. Pour aller plus loin avec ce système de calcul, il serait
très intéressant d’étudier l’éventuelle contribution de certains pays en
développement dotés d’importantes responsabilités et capacités. Il est
communément admis qu’au-delà de 2020, le partage traditionnel des
responsabilités devra être revu.
Graphique 6
Financement climatique
(en M$)
117
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À la lumière des besoins croissants d’investissements dans des solu-
tions à faibles émissions et du rôle dominant que le secteur privé joue
déjà dans les investissements verts, tout instrument financier spécifique
sera insuffisant pour couvrir les besoins. Le dispositif consacré au
secteur privé du Fonds vert pour le climat pourrait faciliter l’utilisation
effective de l’argent public pour mobiliser le secteur privé en travaillant
sur le risque, la réduction des écarts ou l’identification de synergies avec
d’autres volets de ce fonds.
En analysant les flux du financement climatique issus de sources
publiques, on remarque que les banques multilatérales de dévelop-
pement ont mobilisé 23,8 Md$ en 2013 (MDB, 2014) dont
14,1 Md$ (soit 60 %) de financement public. S’ajoute à cela un
groupe significatif d’acteurs compétents regroupant dix-neuf banques
nationales de développement sous le nom de Club international du
financement du développement. Dans ce groupe hétérogène, on
retrouve des institutions majeures telles que la Kreditanstalt für
Wiederaufbau (KfW, Allemagne), l’Agence française de développe-
ment (AFD, France), le Banco Nacional de Desenvolvimento Eco-
nomico e Social (BNDES, Brésil), la Japan International Cooperation
Agency (JICA, Japon) et la China Healthcare Business Development
118 (ChDB, Chine). Lors du sommet sur le climat en septembre 2014,
le Club international du financement du développement a annoncé
être en passe de mobiliser 100 Md$ par an pour de nouvelles activités
de financement vert/climatique d’ici à la fin de 2015. La plus grande
partie du financement vert de ses membres, à savoir 87 Md$, a été
investie dans des activités de lutte contre les changements climatiques
procurant des avantages connexes en matière de développement
durable.
Pourtant, tous ces chiffres sont encore loin du total des besoins
s’élevant à 1 000 Md$, comme l’a rappelé la secrétaire exécutive de la
CCNUCC, Christiana Figueres7.
En observant la taille du défi et les limites de la mobilisation publi-
que, la nécessité d’un changement systémique devient évidente, en vue
d’aligner progressivement toutes les décisions financières sur l’objectif
d’une société bas carbone. Par conséquent, la mobilisation du secteur
privé a une place importante à prendre.
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vise à ouvrir le débat autour de stratégies d’investissement permettant
une action plus cohérente des banques multilatérales et nationales de
développement.
Si l’on s’intéresse spécifiquement au secteur du charbon, les recher-
ches du WWF sur les investissements dans le secteur du charbon par les
institutions bilatérales ou multilatérales sont particulièrement éloquen-
tes (WWF, 2014). En premier lieu, il faut rappeler que les centrales au
charbon représentent seulement 40 % de la production d’énergie
mondiale, mais qu’elles sont responsables de plus de 70 % des émis-
sions du secteur de l’énergie. Il faut ajouter que même les centrales au
charbon les plus efficaces sont au moins deux fois plus polluantes que
les centrales au gaz et environ 175 fois plus polluantes que les techno-
logies d’exploitation des énergies renouvelables.
En outre, selon le rapport de IRENA (2014), l’utilisation des tech-
nologies fossiles pour la production d’énergie ne se justifie plus en
termes de rentabilité. En réalité, le coût des énergies renouvelables a
chuté à un rythme rappelant celui de la révolution numérique. Les
coûts du secteur photovoltaïque ont baissé de deux tiers entre 2009
et 2013. Cet argument est également mis en avant par la Deutsche
Bank dans son rapport évoquant une « seconde ruée vers l’or ». Elle y
indique que dix-neuf marchés régionaux dans le monde ont déjà atteint 119
la parité réseau. La réduction des coûts de l’énergie éolienne est moins
prononcée, mais néanmoins remarquable, de 30 % entre 2008 et 2013.
Pourtant, l’analyse des investissements des banques multilatérales de
développement et des banques nationales de développement dans le
secteur du charbon à l’étranger livre des résultats surprenants qui
contredisent leur engagement en faveur du climat. En effet, au cours
des sept dernières années (2007-2013), les banques multilatérales de
développement ont apporté en moyenne environ 2 Md$ par an au
secteur du charbon à l’étranger. En plus de cela, les pays développés ont
soutenu le secteur du charbon à l’étranger à hauteur de 5,2 Md$ par an,
principalement via leurs agences de crédit à l’exportation. Concrète-
ment, sur la période 2007-2013, les pays européens, en contradiction
totale avec leur rôle autoproclamé de chefs de file de la lutte contre
le réchauffement climatique dans le cadre des négociations de la
CCNUCC, ont massivement financé le secteur du charbon à l’étranger
avec un total de 7 Md$, soit 1 Md$ par an.
La pression internationale exercée par plusieurs ONG et des groupes
d’experts, comme l’OCDE, a suscité des premières réponses au cours
des deux dernières années. Dans ce contexte, le secrétaire général de
l’OCDE, Angel Gurria, a demandé en octobre 2013 à « tous les États »
de remettre en question leur soutien au secteur du charbon à l’échelle
nationale et internationale. Il a été suivi par la secrétaire exécutive de la
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CCNUCC, Christiana Figueres, qui a demandé en novembre de
« fermer toutes les centrales sous-critiques et de laisser la plupart des
réserves de charbon dans le sol ».
Malgré d’importants engagements pris par les pays de l’OCDE en
octobre 2014, la plupart des agences de crédit à l’exportation, la
Banque africaine de développement, la Banque asiatique de dévelop-
pement et la Banque interaméricaine de développement incluaient
toujours le secteur du charbon dans leurs portefeuilles d’investisse-
ments et de financements.
Où trouver l’argent ?
Le financement climatique issu du secteur public est en 2012 de
172 Md$ dans le monde. Cette même année, le secteur privé, étroi-
tement associé à des institutions politiques, a contribué à hauteur de
186 Md$ (CPI, 2014). Par conséquent, le secteur privé a joué un rôle
crucial, représentant 14 % du programme de financement précoce
(2010-2012) et 34 % des investissements climatiques des banques
120 multilatérales de développement. Ces montants doivent pourtant aug-
menter si l’on veut combler l’écart en matière d’investissement. Mais où
trouver l’argent ?
Dans le monde, l’épargne a régulièrement augmenté au cours de la
dernière décennie jusqu’à atteindre 18 000 Md$ en 2013 (Meridiam,
2014). Par ailleurs, le montant des actifs des fonds de pension des treize
principaux marchés représentait 75,6 % du PIB en 2012 et 83,4 % à la
fin de 2013 (ibid.). À des fins de comparaison, les besoins annuels d’in-
vestissements pour la transition vers une économie bas carbone et rési-
liente aux changements climatiques représentent entre 1 % et 4 % du
PIB mondial (Calderon et Stern, 2014). Par ailleurs, le rôle des investis-
seurs institutionnels semble être de plus en plus important. On dénom-
bre dans le monde environ 250 investisseurs institutionnels appliquant
une politique d’action en faveur du climat.
L’OCDE a calculé que seulement 1 % de ces actifs sont alloués aux
infrastructures. De plus, des recherches effectuées par Preqin Ltd.
indiquent que 61 % des détenteurs d’actifs liés aux infrastructures sont
en dessous de leurs objectifs d’investissement. Ainsi, l’appétit pour
l’investissement dans les infrastructures devrait augmenter jusqu’à 5 %
à 6 %, soit cinq fois le niveau actuel. Cela représente une excellente
occasion d’investir massivement dans des infrastructures sobres en
carbone et résilientes aux changements climatiques.
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Graphique 7
Évolution des marchés des investisseurs institutionnels dans le monde
(en milliers de Md$)
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ont révélé les difficultés et les défis que pose ce type d’instruments
climatiques.
Les deux autres mécanismes inclus dans le protocole de Kyoto sont
le Mécanisme de développement propre (MDP) et la mise en œuvre
conjointe. Le plus important en termes de résultats visibles et de
mobilisation du secteur privé est le MDP. Pour la Banque mondiale,
les revenus de ce dernier constituent à ce jour la principale source de
financement des mesures d’atténuation dans les pays en développe-
ment. Dans le cadre du MDP, entre 2001 et 2012, 155 pays ont
développé 7 700 projets qui ont pu canaliser environ 130 Md$ et évité
l’émission de 1 400 MtCO2e8.
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ou l’épargne disponible sur les comptes courants, et favoriser le désin-
vestissement des combustibles fossiles ;
– abaisser le coût du capital ;
– gérer les risques associés aux nouvelles technologies, aux pays en
développement, aux nouveaux marchés ou aux changements climati-
ques dans la gestion des portefeuilles et des investissements ;
– faciliter l’accès au capital bon marché pour les petites et moyennes
entreprises des secteurs clés ;
– soutenir l’innovation au sein des start-up des secteurs clés ;
– démontrer la rentabilité des projets sobres en carbone par le biais
d’indices spécialisés.
En d’autres termes, il faut rééquilibrer le rapport risques/bénéfices
des infrastructures dans le domaine de l’énergie et, plus généralement,
de toutes les infrastructures résilientes aux changements climatiques.
Une autre forme d’innovation intéressante repose sur la tentative d’in-
troduction de l’éco-conditionnalité dans les injections massives de capi-
taux effectuées par les banques centrales ou le Fonds monétaire interna-
tional (FMI) par le biais d’un ensemble d’instruments, les politiques
monétaires non conventionnelles intelligentes10. Ces mécanismes met-
tent en avant leur capacité à fournir une grande quantité de fonds à bas
coûts pour les projets verts et à réduire les risques liés aux investissements 123
verts pour les investisseurs privés. Ils pourraient également avoir des
bénéfices macroéconomiques connexes dans certaines circonstances. À
court terme, ils pourraient même contribuer à stimuler l’investissement,
les prêts bancaires et la croissance en Europe, et ouvrir la voie à un cadre
pour les politiques vertes à long terme. On dénombre trois propositions :
– le recours à des droits de tirage spéciaux émis par le FMI pour
financer un fonds vert pour le climat international ;
– un assouplissement quantitatif vert permettant aux banques cen-
trales de racheter des obligations dont les recettes seraient utilisées pour
financer des projets sobres en carbone ;
– la création de « certificats carbone » émis par une banque centrale
qui permettraient aux promoteurs de projets verts de rembourser une
partie de leurs prêts auprès des banques commerciales à l’aide des
certificats obtenus grâce à la réduction des émissions.
Un projet récent baptisé Lab11 est à l’origine d’autres idées inno-
vantes. En mai 2014, un appel a été lancé afin de recueillir de nouvelles
idées dans le domaine du financement climatique et transmis directe-
ment à près de 400 individus et organisations, y compris des repré-
sentants des gouvernements, des investisseurs privés, des promoteurs de
projets, des institutions de financement du développement et des
organisations de la société civile. Les principaux résultats de ce projet
devraient être dévoilés en 2015.
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La dynamique de désinvestissement
chez les investisseurs institutionnels
Au-delà de l’agenda positif sur l’investissement vert, le GIEC calcule
qu’il est nécessaire de désinvestir des combustibles fossiles à hauteur
d’environ 560 Md$ par an entre 2010 et 2029 (scénario 2 °C). Le
« désinvestissement des combustibles fossiles » est un concept qui peut
refléter diverses considérations sociétales. Enjeux environnementaux,
positions morales et éthiques, préoccupations économiques relatives
au délaissement des actifs et diversification du portefeuille peuvent
justifier le désinvestissement. Récemment, l’AIE a alerté les investis-
seurs : « Près de 300 milliards d’actifs liés aux combustibles fossiles
pourraient devenir des actifs délaissés avec le renforcement des politiques
climatiques d’ici à 2035. » (WWF France, 2014).
Graphique 8
Impact des changements climatiques sur la valeur des actifs
124
Source : 2o II (2013).
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gestionnaire d’actifs d’Europe (Amundi) et le principal mécanisme de
divulgation des émissions carbone au monde (CDP), la Coalition pour
la décarbonisation des portefeuilles (Portfolio Decarbonization Coali-
tion – PDC) a été annoncée lors du sommet sur le climat de l’ONU.
Le total des actifs dans le secteur du pétrole et du gaz s’élevant à
5 000 Md$, cet engagement ne représente pas plus de 2 % du total. En
revanche, son impact sur l’évolution des modèles est considérable.
Cette dynamique de désinvestissement a toutefois certaines limites,
identifiées dans un rapport de Bloomberg New Energy Finance12. Par
exemple, aujourd’hui, la catégorie d’actifs liés à l’énergie propre n’est
simplement pas assez vaste pour absorber les montants substantiels de
capitaux désinvestis des combustibles fossiles.
NOTES
1. Voir le site : http://newclimateeconomy.report/.
2. Rapport Stern sur les sites : http://webarchive.nationalarchives.gov.uk/ et www.hm-treasury.gov.uk/
media/4/3/executive_summary.pdf.
3. Les profils représentatifs d’évolution de concentration (RCP – representative concentration pathways)
sont quatre trajectoires de concentration (et non d’émission) de gaz à effet de serre définies par le GIEC 125
dans son cinquième rapport d’évaluation en 2014.
4. Selon Bloomberg, le total des investissements dans l’énergie propre s’élevait à 310 Md$ en 2014, soit
une augmentation de 16 % par rapport aux 268,1 Md$ de 2013 et plus de cinq fois le montant de
60,2 Md$ atteint une décennie plus tôt, en 2004, mais 2 % de moins que le record historique de
317,5 Md$ atteint en 2011. Voir le site : http://about.bnef.com/press-releases/rebound-clean-energy-
investment-2014-beats-expectations/.
5. Voir le site : www.ceres.org/resources/reports/investing-in-the-clean-trillion-closing-the-clean-energy-
investment-gap/view.
6. Voir le site : http://news.gcfund.org/wp-content/uploads/2015/02/pledges_GCF_dec14.pdf.
7. Voir le site : www.rtcc.org/2013/10/22/un-climate-chief-underlines-green-climate-fund-concerns/
#sthash.lnjG5 m7D.dpuf.
8. Soit 1 400 mégatonnes d’équivalent CO2.
9. Voir le site : http://newsroom.unfccc.int/unfccc-newsroom/un-climate-summit-ban-ki-moon-final-
summary/.
10. Voir le site : www.cdcclimat.com/Climate-Report-no46-Smart.html?lang=en.
11. Voir le site : http://climatefinancelab.org/ideas/.
12. Bloomberg New Energy Finance sur le site : http://about.bnef.com/white-papers/fossil-fuel-divestment-
5-trillion-challenge/.
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