Ries 10810
Ries 10810
87 | septembre 2021
Les valeurs dans l’éducation
Édition électronique
URL : https://journals.openedition.org/ries/10810
DOI : 10.4000/ries.10810
ISSN : 2261-4265
Éditeur
France Education international
Édition imprimée
Date de publication : 1 septembre 2021
Pagination : 38-45
ISBN : 978-2-85420-630-2
ISSN : 1254-4590
Référence électronique
Adrien Makaya, « Le système éducatif gabonais », Revue internationale d’éducation de Sèvres [En ligne],
87 | septembre 2021, mis en ligne le 01 septembre 2022, consulté le 25 mars 2023. URL : http://
journals.openedition.org/ries/10810 ; DOI : https://doi.org/10.4000/ries.10810
1 Le Gabon a une superficie de 267 667 km2, soit la moitié de la France. Il fait partie des
pays à revenu intermédiaire de la tranche supérieure, avec un PIB par habitant en
parité de pouvoir d’achat de 19 266 dollars US en 2017, ce qui le situe au 70 e rang
mondial. C’est l’un des pays les moins peuplés d’Afrique (2,1 millions d’habitants). Le
Gabon présente malgré tout toutes les caractéristiques d’un pays pauvre avec un indice
de développement humain (IDH) estimé à 0,703 en 2019, le plaçant au 119 e rang
mondial.
2 Actuellement, 82 % de la population vit en milieu urbain. Le poids de la jeunesse est
énorme : on estime à 37 % la population des moins de 15 ans et à 561 211 le nombre
d’élèves, tous niveaux confondus (MEN, 2020). Pourtant, cette taille réduite et la
richesse nationale n’empêchent pas le pays de disposer d’un système éducatif
représentant un modèle de réussite. En effet, le Gabon est le pays d’Afrique
subsaharienne qui consacre le moins de ressources au développement de son système
éducatif (2,7 %) du PIB, pour une moyenne de 3,8 % du PIB des pays d’Afrique
francophone. Néanmoins, le pays enregistre un taux d’alphabétisation des moins de 15
ans de 89,8 %. Parallèlement, l’accès à l’enseignement supérieur s’est assez largement
ouvert. La dégradation actuelle du système éducatif fait face à plusieurs défis, au-delà
des bonnes intentions affichées.
4 Le taux de scolarisation net dans l’enseignement primaire était déjà de 99,25 % en 1975
et de 91,23 % en 1997 selon la Banque mondiale. Il est actuellement supérieur à 94 %
(MEN, 2020). Si le pays avait presque atteint la scolarisation universelle vers la fin des
années 1970, la question de la qualité du système se pose.
5 Qu’il s’agisse du primaire, du secondaire ou du supérieur, la faible prise en compte de
l’enseignement et de la formation publics dans l’effort national remonte à la crise
économique des années 1980. À cette période, les investissements dans la construction
de nouvelles salles de classe, la réhabilitation et l’entretien de l’existant sont quasi-
absents.
6 On enregistre alors une augmentation du ratio enseignant/élèves induite par des
effectifs pléthoriques et un déficit d’enseignants en même temps que des taux d’échec
et de décrochage scolaires importants : 37 % au primaire, 26 % au collège et 23 % au
lycée (RESEN, 2012). Ces taux comptent parmi les plus élevés d’Afrique et sont de loin
les plus élevés de la sous-région d’Afrique centrale.
7 De plus, le Gabon dispose toujours d’une école publique laïque et gratuite regroupant
plus des deux tiers de la population scolaire. Dans les années 1990, sur 100 élèves âgés
de 6 à 11 ans, 86 étaient effectivement inscrits à l’école. En revanche, le niveau de
recrutement des enseignants s’est amélioré : le pourcentage d’enseignants ayant le titre
académique et le diplôme pédagogique requis est passé de 76 % à 83,4 %.
8 Par ailleurs, les différentes rencontres internationales (Jomtien, 1990 ; Dakar, 2000) et
nationales (1983, 1996, 1997, 1998) puis les États généraux de l’éducation, de la
formation et de la recherche (2010) ont débouché sur la mise en place d’une nouvelle
politique éducative. Ainsi la loi no 21/2011 du 14 février 2012 garantit l’accès à
l’éducation et à la formation à tout jeune, gabonais ou étranger, résidant au Gabon, âgé
de 3 à 16 ans.
9 En bref, puisque l’accès à l’éducation ne posait pas de problème, les autorités ont misé
sur la qualité. Cette dernière nécessite avant tout un investissement massif dans les
infrastructures, la maintenance, le financement de l’éducation ainsi que dans les
programmes, les manuels et guides pédagogiques. La réécriture des curriculums dans
un tel contexte s’est avérée nécessaire.
chaque enseignant une grille de critères objectifs, fiables et standardisés, tout autant
qu’ils permettent une meilleure prise en compte des trois principales fonctions de
l’évaluation : l’orientation par un test diagnostique, la régulation par des remédiations
collectives et individualisées et la certification par des décisions de passage plus
objectives.
12 Les arrêtés ministériels no 001810 et no 001809 du 10 août 2005 instaurent ainsi
« l’approche par les compétences de base », « les nouveaux processus d’évaluation des
acquis scolaires » et « la réduction de la scolarité primaire de six à cinq ans ». Cette
nouvelle organisation de l’école primaire est un raccourci qui mène au collège.
13 De nouveaux manuels ont été conçus et édités par l’IPN dans l’optique du
développement des compétences. Le gouvernement a assuré dans un premier temps la
gratuité des manuels et des cahiers de situations pour l’évaluation des compétences.
14 Quinze ans après l’instauration de l’APC, l’IPN a procédé au réajustement des
curriculums. Cependant, la mise en œuvre de l’APC n’est pas suffisamment intégrée
dans les dispositifs de formation initiale et continuée. L’enseignement pré-primaire,
même sans être généralisé, a connu un développement considérable sur l’ensemble du
territoire.
Causes
29 Depuis plus d’une vingtaine d’années, le privé est devenu la règle et le public une
exception (surtout pour le pré-primaire et le primaire et en nette progression pour le
secondaire et le supérieur). Dans un tel système, où « l’avoir détermine le savoir », on
assiste à un dépeuplement des établissements publics au profit de ceux du privé laïc,
qui s’implantent partout dans les grandes villes, de l’enseignement pré-primaire à
l’enseignement supérieur en passant par le primaire, le collège et le lycée.
30 Les effectifs du secteur privé se sont accrus plus rapidement que ceux du public (3 %
contre 1 %). Ce phénomène s’explique entre autres par les nombreuses grèves qui ont
paralysé le réseau des écoles publiques, dont les personnels sont des agents publics de
l’État. Les parents qui en ont les moyens se tournent vers le réseau des écoles privées
laïques. Certaines écoles ne reçoivent pas l’autorisation officielle des services de
l’inspection générale du ministère. Mais la pression de scolarisation est telle que les
*
**
43 La réalité de l’école gabonaise est telle que l’on voit émerger un véritable marché
scolaire, en raison du danger que représentent des crises scolaires interminables, le
faible engagement des enseignants, l’insuffisance des infrastructures, les mauvaises
conditions de travail, le taux de redoublement le plus élevé au monde, un faible temps
effectif d’apprentissage et un faible rendement interne et externe. On assiste,
impuissant, au phénomène de ségrégation scolaire provoquée par une école de la
République agonisante depuis plus de trois décennies, et qui résiste grâce à la
standardisation des procédures figurant dans le curriculum et au relèvement du niveau
de recrutement des étudiants dans les écoles de formation des professeurs. La voie à
suivre est celle d’un rapport public/privé qui ne relève nullement d’une opposition
indépassable mais d’un partage entre l’expérience de gestion (privé) et l’expérience
pédagogique (public).
44 En définitive, les performances de l’école gabonaise sont limitées lorsqu’on les compare
à l’influence des caractéristiques des élèves et de leurs familles. Elles le sont davantage
si on les croise avec l’âge des élèves.
BIBLIOGRAPHIE
CIEP (2010). Étude sur les réformes curriculaires par l’approche par compétences en Afrique. Paris : CIEP
CONFEMEN (2020). PASEC 2019. Qualité des systèmes éducatifs en Afrique subsaharienne francophone.
Performances et environnement de l’enseignement-apprentissage au primaire. Dakar : CONFEMEN.
MAKAYA, A. (2014). La formation initiale des enseignants au Gabon. Quels effets sur les conceptions de
futurs enseignants de trois cohortes successives ? Louvain-la-Neuve : Presses universitaires de
Louvain.
MVONO MENGUE L. (1997). L’école primaire au Gabon : Analyse des déterminants de la réussite aux
cours préparatoires 1re et 2e année. Lille : Atelier national de reproduction des thèses, thèse à la
carte.
NOTES
1. Le BIEF est une société de conseil et d’intervention, composée d’une vingtaine de spécialistes
qui travaillent dans le champ de l’éducation, de la formation, et de la gestion de projets (NdlR).
2. On peut distinguer deux principaux modèles de formation initiale des enseignants selon la
manière dont les deux volets sont combinés. Le volet professionnel peut être dispensé soit en
même temps que le volet général (modèle simultané), soit après celui-ci (modèle consécutif).
3. Le référentiel a été élaboré par les équipes de l’IPN et des ENI encadrées par Makaya (2014) et
des membres du laboratoire « dispositif-motivation-apprentissage » de la faculté de psychologie
et des sciences de l’éducation de l’Université catholique de Louvain.
4. Les enseignants exerçant dans les établissements privés confessionnels sont pour la grande
majorité des fonctionnaires de l’État.
5. Ces écoles publiques sont liées par une convention entre l’État gabonais et une association
française. Elles développent des programmes français et emploient aussi bien des contractuels
français que des enseignants fonctionnaires gabonais appartenant à l’enseignement public.
6. L’enseignement fondamental ou éducation de base concerne les cycles pré-primaire,
élémentaire et secondaire inférieur.
7. MEN (2018). Task Force Formation-Education-Emploi. Document inédit.
INDEX
Index géographique : Gabon
Mots-clés : accès à l’éducation, approche par compétences, formation des enseignants, école
privée, école publique, redoublement
Palabras claves : acceso a la educación, enfoque por competencias, formación de docentes,
escuela privada, escuela pública, repetición
Keywords : access to education, skills-based approach, teacher education, private schools, public
schools, grade repetition
AUTEUR
ADRIEN MAKAYA
Adrien Makaya a été instituteur, puis chercheur à temps plein à l’Université catholique de
Louvain, où il a obtenu sa thèse de doctorat. Inspecteur-chercheur à l’Institut pédagogique
national (Gabon), formateur d’enseignants à l’École normale supérieure et à l’École normale des
instituteurs de Libreville, il a assuré la coordination des équipes de la réforme curriculaire au
Gabon. Il dirige aujourd’hui l’Institut pédagogique national du Gabon. Courriel :
mak_adrien[at]yahoo.fr