0% ont trouvé ce document utile (0 vote)
58 vues10 pages

Ries 10810

Transféré par

Ldd Mba
Copyright
© © All Rights Reserved
Nous prenons très au sérieux les droits relatifs au contenu. Si vous pensez qu’il s’agit de votre contenu, signalez une atteinte au droit d’auteur ici.
Formats disponibles
Téléchargez aux formats PDF, TXT ou lisez en ligne sur Scribd
0% ont trouvé ce document utile (0 vote)
58 vues10 pages

Ries 10810

Transféré par

Ldd Mba
Copyright
© © All Rights Reserved
Nous prenons très au sérieux les droits relatifs au contenu. Si vous pensez qu’il s’agit de votre contenu, signalez une atteinte au droit d’auteur ici.
Formats disponibles
Téléchargez aux formats PDF, TXT ou lisez en ligne sur Scribd
Vous êtes sur la page 1/ 10

Revue internationale d’éducation de Sèvres

87 | septembre 2021
Les valeurs dans l’éducation

Le système éducatif gabonais


Adrien Makaya

Édition électronique
URL : https://journals.openedition.org/ries/10810
DOI : 10.4000/ries.10810
ISSN : 2261-4265

Éditeur
France Education international

Édition imprimée
Date de publication : 1 septembre 2021
Pagination : 38-45
ISBN : 978-2-85420-630-2
ISSN : 1254-4590

Référence électronique
Adrien Makaya, « Le système éducatif gabonais », Revue internationale d’éducation de Sèvres [En ligne],
87 | septembre 2021, mis en ligne le 01 septembre 2022, consulté le 25 mars 2023. URL : http://
journals.openedition.org/ries/10810 ; DOI : https://doi.org/10.4000/ries.10810

Ce document a été généré automatiquement le 25 mars 2023.

Tous droits réservés


Le système éducatif gabonais 1

Le système éducatif gabonais


Adrien Makaya

1 Le Gabon a une superficie de 267 667 km2, soit la moitié de la France. Il fait partie des
pays à revenu intermédiaire de la tranche supérieure, avec un PIB par habitant en
parité de pouvoir d’achat de 19 266 dollars US en 2017, ce qui le situe au 70 e rang
mondial. C’est l’un des pays les moins peuplés d’Afrique (2,1 millions d’habitants). Le
Gabon présente malgré tout toutes les caractéristiques d’un pays pauvre avec un indice
de développement humain (IDH) estimé à 0,703 en 2019, le plaçant au 119 e rang
mondial.
2 Actuellement, 82 % de la population vit en milieu urbain. Le poids de la jeunesse est
énorme : on estime à 37 % la population des moins de 15 ans et à 561 211 le nombre
d’élèves, tous niveaux confondus (MEN, 2020). Pourtant, cette taille réduite et la
richesse nationale n’empêchent pas le pays de disposer d’un système éducatif
représentant un modèle de réussite. En effet, le Gabon est le pays d’Afrique
subsaharienne qui consacre le moins de ressources au développement de son système
éducatif (2,7 %) du PIB, pour une moyenne de 3,8 % du PIB des pays d’Afrique
francophone. Néanmoins, le pays enregistre un taux d’alphabétisation des moins de 15
ans de 89,8 %. Parallèlement, l’accès à l’enseignement supérieur s’est assez largement
ouvert. La dégradation actuelle du système éducatif fait face à plusieurs défis, au-delà
des bonnes intentions affichées.

Les efforts produits dans le passé


3 Les réalisations observées au Gabon dans le domaine de l’éducation, de son
indépendance (1960) à l’année 2018, montrent que les progrès accomplis demeurent
insuffisants. L’accroissement de l’éducation masque des carences, notamment
l’inégalité dans l’attribution des ressources, le manque de résultats et l’inefficacité.

Revue internationale d’éducation de Sèvres, 87 | septembre 2021


Le système éducatif gabonais 2

Amélioration de l’accès à l’éducation

4 Le taux de scolarisation net dans l’enseignement primaire était déjà de 99,25 % en 1975
et de 91,23 % en 1997 selon la Banque mondiale. Il est actuellement supérieur à 94 %
(MEN, 2020). Si le pays avait presque atteint la scolarisation universelle vers la fin des
années 1970, la question de la qualité du système se pose.
5 Qu’il s’agisse du primaire, du secondaire ou du supérieur, la faible prise en compte de
l’enseignement et de la formation publics dans l’effort national remonte à la crise
économique des années 1980. À cette période, les investissements dans la construction
de nouvelles salles de classe, la réhabilitation et l’entretien de l’existant sont quasi-
absents.
6 On enregistre alors une augmentation du ratio enseignant/élèves induite par des
effectifs pléthoriques et un déficit d’enseignants en même temps que des taux d’échec
et de décrochage scolaires importants : 37 % au primaire, 26 % au collège et 23 % au
lycée (RESEN, 2012). Ces taux comptent parmi les plus élevés d’Afrique et sont de loin
les plus élevés de la sous-région d’Afrique centrale.
7 De plus, le Gabon dispose toujours d’une école publique laïque et gratuite regroupant
plus des deux tiers de la population scolaire. Dans les années 1990, sur 100 élèves âgés
de 6 à 11 ans, 86 étaient effectivement inscrits à l’école. En revanche, le niveau de
recrutement des enseignants s’est amélioré : le pourcentage d’enseignants ayant le titre
académique et le diplôme pédagogique requis est passé de 76 % à 83,4 %.
8 Par ailleurs, les différentes rencontres internationales (Jomtien, 1990 ; Dakar, 2000) et
nationales (1983, 1996, 1997, 1998) puis les États généraux de l’éducation, de la
formation et de la recherche (2010) ont débouché sur la mise en place d’une nouvelle
politique éducative. Ainsi la loi no 21/2011 du 14 février 2012 garantit l’accès à
l’éducation et à la formation à tout jeune, gabonais ou étranger, résidant au Gabon, âgé
de 3 à 16 ans.
9 En bref, puisque l’accès à l’éducation ne posait pas de problème, les autorités ont misé
sur la qualité. Cette dernière nécessite avant tout un investissement massif dans les
infrastructures, la maintenance, le financement de l’éducation ainsi que dans les
programmes, les manuels et guides pédagogiques. La réécriture des curriculums dans
un tel contexte s’est avérée nécessaire.

La mise en place de l’APC dans les programmes

10 L’innovation pédagogique appelée « approche par les compétences » (APC) et « les


nouveaux processus d’évaluation des acquis scolaires » étaient préconisés par le plan de
lutte contre le redoublement (2001), afin d’augmenter le rendement interne du
système. Elle a été assurée par les techniciens de l’Institut pédagogique national (IPN), à
travers le projet « Soutien à l’éducation de base » financé par l’Union européenne, avec
l’accompagnement d’une expertise internationale composée de De Ketele, Roegiers et
de l’équipe du Bureau d’ingénierie en éducation et en formation (BIEF 1), tous
spécialistes des curriculums d’éducation et de formation en APC.
11 L’APC rend l’élève acteur de son apprentissage, et l’enseignant concepteur et animateur
des situations-problèmes qui mobilisent les ressources cognitives, psychomotrices et
socio-affectives de l’apprenant. Les nouveaux processus d’évaluation fournissent à

Revue internationale d’éducation de Sèvres, 87 | septembre 2021


Le système éducatif gabonais 3

chaque enseignant une grille de critères objectifs, fiables et standardisés, tout autant
qu’ils permettent une meilleure prise en compte des trois principales fonctions de
l’évaluation : l’orientation par un test diagnostique, la régulation par des remédiations
collectives et individualisées et la certification par des décisions de passage plus
objectives.
12 Les arrêtés ministériels no 001810 et no 001809 du 10 août 2005 instaurent ainsi
« l’approche par les compétences de base », « les nouveaux processus d’évaluation des
acquis scolaires » et « la réduction de la scolarité primaire de six à cinq ans ». Cette
nouvelle organisation de l’école primaire est un raccourci qui mène au collège.
13 De nouveaux manuels ont été conçus et édités par l’IPN dans l’optique du
développement des compétences. Le gouvernement a assuré dans un premier temps la
gratuité des manuels et des cahiers de situations pour l’évaluation des compétences.
14 Quinze ans après l’instauration de l’APC, l’IPN a procédé au réajustement des
curriculums. Cependant, la mise en œuvre de l’APC n’est pas suffisamment intégrée
dans les dispositifs de formation initiale et continuée. L’enseignement pré-primaire,
même sans être généralisé, a connu un développement considérable sur l’ensemble du
territoire.

Formation des enseignants

15 Au Gabon, le système scolaire a connu quelques avancées depuis l’avènement de la


démocratie et la libéralisation de l’action syndicale. Le nombre d’enseignants est passé
de 4 707 à 5 107 entre 1994-1995 et 1998-1999. Il est en 2020-2021 de 1 062 enseignants
du premier degré dans les écoles publiques. Au primaire, cette croissance s’explique
entre autres par l’ouverture, dans les années 1990, de nouvelles écoles primaires à la
suite des mouvements de grève d’enseignants pour tenter de réduire le ratio maître/
élèves dans les grandes villes du pays. Au cours de cette même période, on a enregistré
la fermeture des « collèges d’enseignement normal » (CEN) qui formaient en modèle
« simultané2 », en trois ans, après l’obtention du brevet (BEN) du premier cycle du CEN.
16 Cette formule jugée coûteuse par des programmes d’ajustement structurel de la Banque
mondiale, en raison de la limitation des ressources budgétaires du pays, fut remplacée
en 1995 par de nouvelles structures de formation initiale et continue des enseignants
du premier degré : les écoles normales d’instituteurs (ENI). Ces dernières ont été
conçues selon un modèle consécutif, qui consiste à recruter par voie de concours les
titulaires du baccalauréat de l’enseignement général et technique. Elles étaient
chargées surtout d’assurer la formation professionnelle (en un an puis en deux ans à
partir de l’année 2010). Les ENI prétendent être plus adaptées et ont pour mission
d’offrir une formation plus appropriée, courte et professionnalisante, afin d’être
capables de répondre aux besoins de formation des élèves gabonais.
17 Une étude réalisée par Makaya (2014) a permis de mesurer les effets de la formation sur
les élèves. La principale question était de savoir si la formation, telle qu’elle se
déroulait dans les ENI, prenait en compte l’innovation APC introduite dans le système
éducatif gabonais. Cela suppose que les élèves instituteurs en formation initiale soient
formés sur la base d’un certain type d’effets souhaitables de la formation, eux-mêmes
dépendants des effets souhaitables chez les élèves dans les classes.

Revue internationale d’éducation de Sèvres, 87 | septembre 2021


Le système éducatif gabonais 4

18 En effet, le référentiel actuel3 de formation initiale des instituteurs, en définissant


l’enseignant comme un professionnel qui développe des compétences, transforme
l’identité enseignante. Il précise les quatre compétences professionnelles à développer
et leurs modalités d’évaluation.
19 Pour ce qui est de la formation continuée des acteurs du terrain à l’appropriation et à la
mise en œuvre de l’APC dans les écoles primaires gabonaises, près de 4 000 personnes
ont été formées par les experts nationaux de l’IPN. Outre les enseignants, les conseillers
et inspecteurs pédagogiques ont été impliqués. Mais ces formations APC conçues et
assurées par l’IPN selon une modalité en cascade ont induit une déperdition
progressive de qualité, faute de mesures de régulation et de contrôle. La durée des
formations était beaucoup plus longue pour les formateurs et insuffisante pour les
enseignants, qui sont pourtant les utilisateurs immédiats du curriculum (CIEP, 2010).
Des formations et suivis pédagogiques devraient se poursuivre pour que l’adoption de
la nouvelle approche devienne irréversible et évolue vers une pédagogie plus active.
Ces formations sont d’autant plus valables en milieu rural, où les circonstances sont
plus difficiles.
20 La formation initiale et continuée des enseignants et des encadrants des collèges et des
lycées relève de l’École normale supérieure (ENS), qui a adopté en 2010 le système
licence-master-doctorat (LMD). Cette nouvelle configuration a nécessité le remodelage
du contenu et des dispositifs de formation. Mais les effectifs sont pléthoriques au
regard des dimensions des salles de formation.
21 Le curriculum de la formation initiale des enseignants du secondaire, tel qu’il est
développé encore aujourd’hui, devrait en principe être dépendant du curriculum APC.
Or, en l’absence d’un référentiel officiel de formation initiale des enseignants du
secondaire, chaque formateur de l’ENS opère des choix dans une liste de contenus
relevant de sa discipline.
22 Enfin, les grèves intempestives des enseignants du primaire, secondaire, supérieur et
des apprenants, au fil des années académiques, ont pour principales revendications la
formation des enseignants en qualité et en quantité, l’amélioration des conditions de
travail, de vie et d’études ainsi que le financement de l’éducation. Tous ces aspects
participent de la dégradation actuelle du système éducatif.

La dégradation actuelle du système éducatif


23 L’école publique était autrefois une référence pour les enfants de la République. Les
établissements privés confessionnels (surtout catholiques) affichaient également cette
image de qualité, fruit d’une vieille collaboration entre l’État et l’Église catholique. Mais
plusieurs crises ont paralysé le système éducatif.

Causes

24 La nouvelle loi d’orientation adoptée en 2012 rend l’école préprimaire (3 à 5 ans)


obligatoire sur l’ensemble du territoire national. Les effectifs du primaire enregistrent
dans le même temps un taux moyen d’accroissement annuel de 3 %. En l’absence d’une
politique économique viable pour fixer les populations, deux provinces sur neuf ont vu

Revue internationale d’éducation de Sèvres, 87 | septembre 2021


Le système éducatif gabonais 5

leurs effectifs décroître. L’exode rural provoque le surpeuplement des structures


d’accueil des principales villes.
25 De plus, le déficit de programmation des constructions des établissements, du pré-
primaire au supérieur, et les difficultés de la formation des enseignants ont contribué,
entre autres, à la dégradation actuelle du système éducatif. Le taux de redoublement
moyen oscille entre 30 à 40 % au primaire et au secondaire, alors que les chiffres sont
respectivement de 7 % et 24 % pour la moyenne des pays africains anglophones et
francophones. Les études montrent que le redoublement est le premier facteur qui joue
négativement sur les apprentissages.
26 Selon Mvono (2000), un tiers des redoublants ont en réalité un niveau suffisant pour
passer en classe supérieure. Des études préconisent même un passage automatique au
sein des sous-cycles. Cette propension à faire redoubler systématiquement les élèves
« moyens » (pour la plupart) révèle, chez les enseignants, non seulement une
conception élitiste de l’éducation mais également des conceptions profondément
ancrées dans la façon d’évaluer les acquis des élèves.
27 Enfin, il est aujourd’hui question de réduire les 90 jours de vacances (en pratique,
120 jours) comme stipulé dans la loi no 21/2011, article 8, pour s’aligner sur les
standards internationaux (45 à 60 jours). L’aménagement des rythmes scolaires
mériterait sans doute un large débat national car, dans la situation actuelle, un tel
calendrier entrerait en contradiction avec l’ambition du gouvernement de mettre en
place un système éducatif de qualité.
28 En ce qui concerne l’enseignement supérieur, l’Université Omar Bongo, la première
université du pays, est spécialisée dans les lettres, les sciences humaines et sociales, le
droit et les sciences économiques. Le nombre de bâtiments conçus en 1970 pour
accueillir 8 000 étudiants est quasiment inchangé à ce jour, pour des effectifs avoisinant
les 30 000 étudiants. La résidence universitaire est fermée depuis plus d’une décennie
sans projet de réouverture. L’infrastructure sportive et de loisirs est quasi inexistante.
Les enseignants-chercheurs ne disposent pas d’un espace individuel de travail. Le
problème des infrastructures est aussi posé à l’Université des sciences de la santé (USS)
et à l’Université des sciences et techniques de Masuku, dans la province du Haut-
Ogooué. Nous pouvons clairement imaginer les conditions d’études des étudiants pour
répondre aux standards du LMD dans les universités gabonaises…

Les effets : « l’avoir détermine le savoir »

29 Depuis plus d’une vingtaine d’années, le privé est devenu la règle et le public une
exception (surtout pour le pré-primaire et le primaire et en nette progression pour le
secondaire et le supérieur). Dans un tel système, où « l’avoir détermine le savoir », on
assiste à un dépeuplement des établissements publics au profit de ceux du privé laïc,
qui s’implantent partout dans les grandes villes, de l’enseignement pré-primaire à
l’enseignement supérieur en passant par le primaire, le collège et le lycée.
30 Les effectifs du secteur privé se sont accrus plus rapidement que ceux du public (3 %
contre 1 %). Ce phénomène s’explique entre autres par les nombreuses grèves qui ont
paralysé le réseau des écoles publiques, dont les personnels sont des agents publics de
l’État. Les parents qui en ont les moyens se tournent vers le réseau des écoles privées
laïques. Certaines écoles ne reçoivent pas l’autorisation officielle des services de
l’inspection générale du ministère. Mais la pression de scolarisation est telle que les

Revue internationale d’éducation de Sèvres, 87 | septembre 2021


Le système éducatif gabonais 6

autorités accordent continuellement des moratoires, en attendant que les


établissements incriminés respectent les normes.
31 D’un autre côté, on observe aussi un retour massif des élèves issus des établissements
primaires privés laïcs vers les établissements publics réputés de qualité, au moment de
l’entrée en 6e au collège. La raison semble être simple : l’orientation des élèves en 6 e
s’appuie sur les vœux des parents, sur la performance de l’élève en classe et aux
épreuves écrites au certificat d’études primaires (CEP) et sur le nombre de places
disponibles dans chaque établissement. Les établissements publics réputés sont les plus
sollicités, en l’absence d’une politique de carte scolaire. Le phénomène d’effectifs
pléthoriques s’est déplacé du primaire vers le secondaire, voire le supérieur. Les
autorités éducatives sont parfois amenées à transformer des établissements publics
primaires en collèges. Elles s’appuient sur le dépeuplement de l’école publique, dont les
élèves et leurs familles, à la recherche de la qualité des apprentissages, migrent vers les
structures privées laïques, quelle que soit leur réputation, fuyant ainsi les différentes
crises scolaires dans les réseaux publics et privés confessionnels. Ces mêmes autorités
éducatives réduisent également le crédit horaire des disciplines, afin de pallier le
déficit accumulé des salles de classe et des enseignants. Il n’est pas rare de trouver des
établissements publics n’ayant pas de professeurs dans certaines disciplines
scientifiques.
32 Ces vagues migratoires des élèves vers les structures privées permettent aux parents
qui le peuvent de s’assurer que leurs enfants sont régulièrement en classe et achèvent
le programme de l’année en cours, car le calendrier scolaire est tout aussi
problématique. L’école publique, voire privée confessionnelle4, offre régulièrement une
triste réalité faite d’arrêts systématiques des cours, d’absentéisme et désengagement
professionnel de certains enseignants.
33 Le secteur privé laïc n’étant pas totalement subventionné, il semble se poser dans le
secteur éducatif un problème d’égalité des chances entre tous les enfants de la
République. L’enseignement public est aujourd’hui le symbole du fossé qui ne cesse de
se creuser entre la majorité de la population, qui n’a pas le choix d’une école publique
moribonde, et une minorité, dont la progéniture est scolarisée soit hors du Gabon soit
dans les structures privées locales, voire dans les écoles publiques conventionnées 5
réservées à une élite.
34 Face à une telle situation, l’école de la République gabonaise peut-elle encore être
l’ascenseur social par excellence, le facteur de nivellement des inégalités à la naissance,
et le haut lieu de l’éclosion et du raffermissement de l’amour de la patrie et du
sentiment national qu’elle était jadis ?
35 Cette situation appelle évidemment des politiques éducatives nouvelles. Ces dernières
concernent sans doute potentiellement les différents niveaux scolaires, mais en priorité
celui de l’enseignement fondamental6, qui devrait être prioritaire pour deux raisons : 1)
il constitue le socle de tout développement éducatif national, 2) il est caractérisé à la
fois par des interrogations sur la qualité et par une faible efficacité interne.

Revue internationale d’éducation de Sèvres, 87 | septembre 2021


Le système éducatif gabonais 7

Les défis actuels : au-delà des bonnes intentions


affichées
36 Huit ans après les États généraux, les décisions prises sont restées au stade d’intentions.
Les conclusions des travaux de la Task Force Formation-Éducation-Emploi 7 ont proposé
une thérapie de choc d’ici fin 2022. C’est dans ce cadre que le Plan stratégique de
l’éducation nationale (PSEN) a été produit par les nouvelles autorités éducatives.
37 Le problème d’accès étant presque résolu, la stratégie des décideurs est de viser en
premier lieu les conditions d’une école de qualité pour tous (EQPT) : les ressources et
notamment les infrastructures, la maintenance, le financement, les programmes et ses
ensembles pédagogiques, les ressources humaines, les affectations, la formation et
l’accompagnement.
38 En matière d’infrastructures scolaires, outre les constructions et les extensions des
salles de classe dans des zones et établissements clairement identifiés, il s’agira de
procéder à la recherche de nouveaux sites dans les bassins pédagogiques à forte densité
de population. Il faut combler le déficit de 3 400 salles de classe, principalement dans
les grandes villes à forte densité démographique. Certains nouveaux établissements
sont en voie d’achèvement. Cette politique de renforcement des capacités d’accueil des
élèves permettra, à court terme, de réduire le nombre d’élèves orientés dans les
établissements privés reconnus d’utilité publique, privés laïcs et confessionnels, et par
conséquent, de réaliser des économies budgétaires en ce qui concerne les frais
d’écolage. Il est également question de recruter près de 1 400 enseignants du
secondaire, notamment dans les disciplines scientifiques. Les diplômés de l’École
normale supérieure sont recrutés prioritairement.
39 Sur le plan des ressources pédagogiques, l’élaboration d’un continuum entre l’école
primaire et le collège (école fondamentale) permettra, non seulement de fédérer et de
concilier les initiatives curriculaires en termes de compétences en cours, mais
également d’intégrer les thématiques émergentes et les nouvelles filières de formation
dans l’enseignement technique et professionnel.
40 Le troisième étage de cette pyramide est la pédagogie. Dans cette logique, seront
initiées des réformes structurelles et pédagogiques dans les écoles de formation des
enseignants (ENS, ENSET, ENI), à travers la mise en place et le fonctionnement de
l’Université des sciences de l’éducation (USE), véritable outil de mise en cohérence des
ressources humaines en matière de formation.
41 Le quatrième niveau de la pyramide est la fonction de production, afin d’améliorer les
indicateurs quantitatifs (abandons, redoublement, réussites aux examens nationaux,
promotion) mais aussi qualitatifs relatifs aux niveaux de performance, de progression/
régression, d’analyse des écarts faibles/forts.
42 À cet effet, le Secrétariat d’orientation scolaire, universitaire et professionnelle (Sosup),
constitue un véritable outil d’aide et de suivi des apprenants. Enfin, le système éducatif
sera confronté au défi de la généralisation dans le pré-primaire, actuellement dominé
par les écoles privées laïques.

*
**

Revue internationale d’éducation de Sèvres, 87 | septembre 2021


Le système éducatif gabonais 8

43 La réalité de l’école gabonaise est telle que l’on voit émerger un véritable marché
scolaire, en raison du danger que représentent des crises scolaires interminables, le
faible engagement des enseignants, l’insuffisance des infrastructures, les mauvaises
conditions de travail, le taux de redoublement le plus élevé au monde, un faible temps
effectif d’apprentissage et un faible rendement interne et externe. On assiste,
impuissant, au phénomène de ségrégation scolaire provoquée par une école de la
République agonisante depuis plus de trois décennies, et qui résiste grâce à la
standardisation des procédures figurant dans le curriculum et au relèvement du niveau
de recrutement des étudiants dans les écoles de formation des professeurs. La voie à
suivre est celle d’un rapport public/privé qui ne relève nullement d’une opposition
indépassable mais d’un partage entre l’expérience de gestion (privé) et l’expérience
pédagogique (public).
44 En définitive, les performances de l’école gabonaise sont limitées lorsqu’on les compare
à l’influence des caractéristiques des élèves et de leurs familles. Elles le sont davantage
si on les croise avec l’âge des élèves.

BIBLIOGRAPHIE
CIEP (2010). Étude sur les réformes curriculaires par l’approche par compétences en Afrique. Paris : CIEP

CONFEMEN (2020). PASEC 2019. Qualité des systèmes éducatifs en Afrique subsaharienne francophone.
Performances et environnement de l’enseignement-apprentissage au primaire. Dakar : CONFEMEN.

MAKAYA, A. (2014). La formation initiale des enseignants au Gabon. Quels effets sur les conceptions de
futurs enseignants de trois cohortes successives ? Louvain-la-Neuve : Presses universitaires de
Louvain.

MEN (2020). Plan stratégique de l’éducation nationale 2020-2022. Document inédit.

MVONO MENGUE L. (1997). L’école primaire au Gabon : Analyse des déterminants de la réussite aux
cours préparatoires 1re et 2e année. Lille : Atelier national de reproduction des thèses, thèse à la
carte.

NOTES
1. Le BIEF est une société de conseil et d’intervention, composée d’une vingtaine de spécialistes
qui travaillent dans le champ de l’éducation, de la formation, et de la gestion de projets (NdlR).
2. On peut distinguer deux principaux modèles de formation initiale des enseignants selon la
manière dont les deux volets sont combinés. Le volet professionnel peut être dispensé soit en
même temps que le volet général (modèle simultané), soit après celui-ci (modèle consécutif).
3. Le référentiel a été élaboré par les équipes de l’IPN et des ENI encadrées par Makaya (2014) et
des membres du laboratoire « dispositif-motivation-apprentissage » de la faculté de psychologie
et des sciences de l’éducation de l’Université catholique de Louvain.

Revue internationale d’éducation de Sèvres, 87 | septembre 2021


Le système éducatif gabonais 9

4. Les enseignants exerçant dans les établissements privés confessionnels sont pour la grande
majorité des fonctionnaires de l’État.
5. Ces écoles publiques sont liées par une convention entre l’État gabonais et une association
française. Elles développent des programmes français et emploient aussi bien des contractuels
français que des enseignants fonctionnaires gabonais appartenant à l’enseignement public.
6. L’enseignement fondamental ou éducation de base concerne les cycles pré-primaire,
élémentaire et secondaire inférieur.
7. MEN (2018). Task Force Formation-Education-Emploi. Document inédit.

INDEX
Index géographique : Gabon
Mots-clés : accès à l’éducation, approche par compétences, formation des enseignants, école
privée, école publique, redoublement
Palabras claves : acceso a la educación, enfoque por competencias, formación de docentes,
escuela privada, escuela pública, repetición
Keywords : access to education, skills-based approach, teacher education, private schools, public
schools, grade repetition

AUTEUR
ADRIEN MAKAYA
Adrien Makaya a été instituteur, puis chercheur à temps plein à l’Université catholique de
Louvain, où il a obtenu sa thèse de doctorat. Inspecteur-chercheur à l’Institut pédagogique
national (Gabon), formateur d’enseignants à l’École normale supérieure et à l’École normale des
instituteurs de Libreville, il a assuré la coordination des équipes de la réforme curriculaire au
Gabon. Il dirige aujourd’hui l’Institut pédagogique national du Gabon. Courriel :
mak_adrien[at]yahoo.fr

Revue internationale d’éducation de Sèvres, 87 | septembre 2021

Vous aimerez peut-être aussi