Chapitre Deuxieme

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Chapitre deuxième : CADRE THEORIQUE DE LA CROISSANCE

ECONOMIQUE ET INVESTISSEMENT EN RDC


2.1 introduction

La RDC, pays continent et premier foyer de peuplement de l’Afrique Centrale avec une
population estimée à 84 millions d’habitants en 2018, soit 69% de la population totale
de la région, accuse de nombreux reculs économiques, démocratiques et sociaux, et
cela, malgré ses richesses minières, pétrolières et forestières notamment. L’instabilité
sécuritaire qui perdure complexifie encore davantage la situation. Dans ce contexte, les
élections de 2018 et la transition politique pacifique du pouvoir qui y a été associée ont
ouvert la voie à la stabilisation politique, la croissance économique et aux progrès
sociaux. La RDC est un pays fragile compte tenu de la faiblesse de ses institutions et du
niveau important de corruption et d’impunité. L’Etat reste aussi centralisé et a des
difficultés à assurer sa pré-sence sur l’immensité du territoire. Ces limites l’empêchent
aussi de faire face à l’ensemble des conflits récurrents en particulier à l’Est du pays, qui
engendrent des mouvements massifs de population. Les sources de fragilité sont aussi
liées à la pauvreté de la population et à l’insécurité alimentaire (15,5 millions de
personnes en 2019). Malgré les grandes richesses du pays, celui-ci a pris beaucoup de
retard dans la diversification de ses activités économiques. Le secteur minier continue
d’être le moteur de la croissance économique qui est très insuffisamment inclusive et
peu génératrice d’effets sur l’amélioration du bien-être des populations. Les diagnostics
établis par le Bilan Commun de Pays (CCA) en 2019 et l’exercice d’Analyse Rapide
Intégrée (RIA) réalisé en 2016 pour les 17 Objectifs de Développement Durable (ODD),
ont permis de conclure que les trajectoires des ODD de la RDC s’orientent sur une pente
ascendante, qui permettra de relever les défis de gouvernance, paix, sécurité et
d’inclusion économique, sociale et territoriale. Cependant plusieurs contraintes et
lacunes freinent la mise en place des ODD, notamment dans les domaines de la santé,
l’éducation et la sécurité alimentaire. Certains ODD ne sont ainsi pas reflétés dans
l’élaboration des politiques sectorielles (constat quasiment systématique pour l’ODD 5
sur le genre). La coordination entre les acteurs dans les différents secteurs reste faible,
limitant par là-même l’harmonisation des documents programmatiques, la
mutualisation des approches et des moyens dans une vision commune de résultats
collectifs significatifs.

La RDC s’est dotée d’un plan quinquennal de développement pour la période 2019-2023
qui se réfère à l’Etude Prospective de la RDC à l’horizon 2040 visant à ce que « en 25
ans, les potentiels des secteurs extractifs et agricoles de la RDC auront été mis en
valeur, dans l’optique de construire une économie diversifiée à croissance inclusiveet à
revenu intermédiaire ». Le Plan quinquennal a bien intégré les principales
préoccupations des ODD et la vision de l’Afrique 2063. Ce plan a retenu trois piliers
stratégiques :

• Consolidation de la paix, respect des droits humains, protection des civils, cohésion
sociale et démocratie

• Croissance économique inclusive, développement agricole, capture du dividende


démographique, protection et gestion durable des ressources naturelles

• Accès aux services sociaux de base et assistance humanitaireL’UNSDCF devra


contribuer, d’ici 2024, à créer les meilleures conditions pour la mise en œuvre des ODD.

A travers lui, le SNU visera à ce que les populations pauvres et vulnérables améliorent
leurs revenus, leur sécurité alimentaire et bénéficient de l’accès aux services sociaux de
base grâce à de nouvelles politiques publiques et une gouvernance efficace porteuse
d’effets sur la paix, la cohésion sociale, la protection de l’enfant et de la femme contre
toutes les formes de violence et de discrimination.

2..2 vision nationale de la croissance économique

La RDC s’est dotée d’un plan quinquennal de développement pour la période 2019-2023
qui se réfère à l’Etude Prospective de la RDC à l’horizon 2040 visant à ce que « en 25
ans, les potentiels des secteurs extractifs et agricoles de la RDC auront été mis en
valeur, dans l’optique de construire une économie diversifiée à croissance inclusive et à
revenu intermédiaire ». Le Plan quinquennal a bien intégré les principales
préoccupations des ODD et la vision de l’Afrique 2063. Le plan quinquennal 2019-2023
met l’accent sur la problématique centrale de la gouvernance et la paix comme élément
déclencheur et Ce plan de développement connaitra un glissement d’une année
puisque l’année 2019 a été marqué une longue période de négociations entre les parties
prenantes pour mettre le nouveau gouvernement en septembre 2019 à la suite des
élections présidentielles et législatives de 2018.accélérateur pour la restauration de la
confiance en la capacité de l’Etat à assurer l’état de droit, à consolider durablement la
paix, la sécurité et l’accélération du processus de diversification de l’économie dans le
cadre d’un nouveau schéma de croissance inclusive durable soucieuse de la gestion
durable des ressources naturelles.Le plan quinquennal de développement 2019-2023 a
retenu cinq piliers stratégiques :
• Pilier 1 : Valorisation du capital humain, développement social et culturel .

Ce pilier concourt au renforcement des secteurs sociaux et à la promotion des emplois


en vue de l’inclusion sociale. A travers ce pilier, les priorités du Gouvernement
consisteront à : (i) faire de l’éducation la clé du changement et le principal ascenseur
social ; (ii) mettre en place la couverture santé universelle afin de contribuer à
l'amélioration de l'état de santé de la population avec équité et protection financière ; (iii)
promouvoir l’emploi et la formation professionnelle continue ; (v) autonomiser la femme,
promouvoir la jeunesse et assurer la protection sociale des groupes vulnérables.

• Pilier 2 : Renforcement de la bonne gouvernance, restauration de l’Etat et


consolidation de la paix.

Ce pilier vise à renforcer le rôle de l’Etat en tant qu’acteur actif pour impulser le
changement en mettant en avant la question de structuration des institutions et des
services publics, pour leur permettre de mieux jouer leur rôle, dans un objectif
d’efficacité, d’efficience et de gouvernance renforcée pour la satisfaction des usagers
afin de consolider la paix et la sécurité. Les priorités du Gouvernement consisteront à :
(i) Pacifier le pays et promouvoir la réconciliation nationale et la coexistence pacifique ;
(ii) Restaurer l'état de droit, et l’autorité de l’Etat et consolider la démocratie ; (iii)
Renforcer les capacités en bonne gouvernance ; (iv) Lutter contre la corruption et les
crimes économiques ; (v) Consolider la stabilité macroéconomique, assainir les
finances publiques et renforcer le système financier.

• Pilier 3 : Consolidation de la croissance économique, diversification et


transformation de l’économie.

La consolidation des bases de l’économie et la stabilité macroéconomique en vue


d’améliorer les perspectives de croissance passera par l’accélération de la
diversification économique notamment à travers l’agriculture pour une croissance
soutenue, inclusive et résiliente. Les priorités du Gouvernement viseront à : (i) améliorer
le climat des affaires et promouvoir l'entrepreneuriat ; (ii) développer l'agriculture et
l'agro-industrie ; (iii) diversifier l'économie et développer le commerce, l'industrie ainsi
que les PME/PMI ; (iv) rendre le secteur des mines et des hydrocarbures attractifs et
performants ; (v) développer le tourisme, la culture et les arts.
• Pilier 4 : Aménagement du territoire, reconstruction et modernisation des
infrastructures :

L’objectif de ce pilier vise à privilégier les infrastructures qui portent sur la création des
réseaux de communication et de transport et relient les centres de production ou de
transformation aux centres d’approvisionnement, indépendamment des limites des
provinces. Il s’agira d’instaurer les conditions nécessaires pour une forte compétitivité
interne et externe de la production nationale. Les priorités du Gouvernement vont
consister à : (i) aménager le territoire et équilibrer les espaces ; (ii) développer et
moderniser les infrastructures de transport et voies de communication pour relier les
provinces ; (iii) développer les infrastructures pour améliorer l'accès à l'électricité et à
l'eau ; (iv) promouvoir le développement des technologies de l'information et de la
communication (TIC).

• Pilier 5 : Environnement et développement durable équilibré

Ce pilier vise la création des meilleures conditions pour un développement industriel


respectueux des exigences de l’équilibre écologique et l’environnement de santé des
populations. La lutte contre les changements climatiques et leurs répercussions sera
intensifiée. Les priorités du Gouvernement vont consister à : (i) protéger
l'environnement et lutter contre le changement climatique ; (ii) assurer le
développement rural et urbain ; (iii) assurer une gestion durable de forêts ; (iv) créer les
conditions d’un développement durable ; (v) réduire les effets néfastes de retombées de
l’exploitation forestière sur la population autochtone ; (vi) assurer un
développementéquitable de provinces.

2.3. Physionomie du système financier congolais

Le système financier Congolais, bien qu’en turbulence et en balbutiement, a progressé


au fil du temps (graphique 1), les indicateurs de développement financier illustrent cette
dynamique. Le ratio crédit bancaire au secteur privé et le ratio de la masse monétaire
retracent cette dynamique accrue depuis les années 2000 conjuguée avec un
accroissement, bien que frêle de service financier (graphique 2).
Ce paysage en
progression chiffrée du système financier est loin du niveau du développement d’un
secteur financier, car la taille du système est encore embryonnaire et, est très bas, avec
un ratio masse monétaire sur PIB évoluant toujours en deçà de 15% et un ratio de
profondeur financier (crédit bancaire au secteur privé en pourcentage du PIB) évolutif
en deçà de 10%. De plus l’économie nationale accuse un besoin de financement, par le
truchement de la différence entre l’épargne nationale et l’investissementnational, cet
aspect pourrait indiquer la faiblesse du système financier à soutenir une croissance
durable (graphique 3).
2.4 Données et méthodologie

L’objectif de l’étude est d’examiner la relation de causalité entre le développement


financier et la croissance économique. Les variables de séries temporelles retenues
pour cette étude couvrent la période trimestrielle de 2004-2019. Ces données sont
extraites des Indicateurs du développement dans le monde (WDI, 2020) de la Banque
mondiale, des perspectives de l’économie mondiale (WEO, avril 2020) du Fonds
monétaire international (FMI). Le produit intérieur brut (PIB) réel est utilisé comme
indicateurpour mesurer la croissance économique. En même temps, trois variables qui
sont le ratio de crédit bancaire au secteur privé au PIB (DCP), le ratio masse monétaire
au PIB(Dev), les flux de capitaux (différence entre épargne national et l’investissement
national) du système financier (S-I), sont utilisés comme les indicateurs du
développement financier. Dans cette étude, la méthode du modèle vectoriel
autorégressif (VAR) est adoptée pour estimer la dynamique de causalité entre le
développement financier et la croissance économique. Les tests de racine unitaire de
Dickey-Fuller augmentés sont calculés pour des séries individuelles afin de prouver si
les variables sont stationnaires. Le test de Dickey-Fuller augmenté (ADF) implique
l’estimation des trois équations suivantes, dans notre calcul nous estimons une seule
équation :

Où 𝜈 𝑡 est le résidu, 𝑝 est le décalage choisi suivant le critère d’information Bayésien


(BIC).L'hypothèse nulle est que 𝑦 𝑡 = 𝑦 𝑡 −1 + 𝜈 𝑡

où 𝜈 𝑡 ≈ 𝑁 𝐼 𝐷 (0, 𝜎 2). Selon l’hypothèse nulle, 𝜗 sera biaisé négativement dans un


échantillon limité, ainsi un seul test est nécessaire pour déterminer

𝐻 0: 𝜗 = 0[𝑦 𝑡 ≈ 𝐼 (1)] contre 𝐻 1: 𝜗 < 0[𝑦 𝑡 ≈𝐼 (0)]. Ce modèle est moins restreint,
car il prend en compte une tendance déterministe (Pinshi, 2020 ; Athanasios et
Antonios, 2010).La méthodologie développée par Granger nous permet d’évaluer si la
causalité entre le développement financier et la croissance économique. Nous
distinguons deux variables, la croissance économique 𝑦 𝑡 et le développement
financier 𝑥 𝑡 . Le test de causalité au sens de granger (Granger, 1969) suppose que 𝑥
cause 𝑦 𝑡 si la prévision de 𝑦 𝑡 fondée sur l’information passée de 𝑥 𝑡 et de 𝑦 𝑡 est
meilleure que la prévision fondée uniquement sur l’information passée de 𝑦 𝑡 . En
d’autres termes, 𝑥 𝑡 cause 𝑦 , veut simplement dire que 𝑥 𝑡 a un pouvoir prédictif sur
𝑦 .
2.5 Les théories de la croissance économique… ou de son absence

Le lecteur avisé aura déjà compris que la théorie parfaite devrait pouvoir expliquer
l’ensemble des mutationséconomiques qu’a connu notre monde ainsi que les
déterminants profonds de l’existence ou de l’absence de croissance économique à un
endroit et une époque donnés. Si les évolutions les plus récentes de la théorie de la
croissance tendent vers cet idéal, c’est grâce au rapprochement qui a pu s’opérer entre
les modèles dits de stagnation et les modèles dits de croissance. Nous commencerons
par évoquer ces deux types de modèles avant d’envisager la manière de les réconcilier.

2.5.1 Théorie de la stagnation

La théorie Malthusienne permet d’expliquer pourquoi, pendant des siècles, le progrès


technique, tel que par exemple les inventions reprises au Tableau 1, n’a pas amélioré les
conditions de vie. Attribuée à Malthus, cette théorie s’inspire de travaux anciens tels
que le chapitre de Bruckner (1767) sur les obstacles que dresse l’excès de population
humaine. Si elle a été formulée par Malthus dans son Essai sur le Principe de la
Population (1798), on la trouve également dans les écrits de Ricardo (1817). Notons
que les économistes classiques plaçaient les interactions entre sphère démographique
et sphère économique au centre de leur pensée, ouvrant la voie, en cela, à la théorie de
la croissance unifiée qui naitra deux siècles plus tard (voir section 3.3). Récemment
formalisée par Ashraf et Galor (2011), la théorie Malthusienne se construit autour de
deux hypothèses. La première consiste en une technologie de production où les biens
agricoles sont produits avec du travail et de la terre; la terre est disponible en quantités
fixes.Les rendements du travail, seul facteur variable, s’avèrent de plus décroissants.
Ces rendements décroissants impliquent qu’ajouter plus de travail réduit la productivité
horaire de l'individu. Arrive alors la seconde hypothèse, celle d’une fécondité (nette de la
mortalité infantile) fonction croissante de la quantité de nourriture disponible pour tout
un chacun. Une plus faible quantité de nourriture par personne implique une plus forte
mortalité (“positive checks” dans la terminologie de Malthus) et une plus faible
fécondité (les individus se marient plus tard et ont moins d’enfants par année de
mariage, ce que Malthus nomme “preventive checks”). Lorsque la technologie de
production s’améliore, pensons, par exemple, à l’invention des outils métalliques, la
génération innovante bénéficie de meilleures conditions de vie. Le surcroît de nourriture
augmentant la fécondité, la taille de la génération suivante est plus grande ce qui
diminue la productivité de chaque travailleur, la loi des rendements décroissants est à
l’oeuvre. Le temps passant, la population converge vers un nouvel état stationnaire où la
quantité de nourriture par individu revient à son niveau initial: l’accroissement de la
productivité engendré par l’invention des outils en métal a été compensé par la
croissance de la taille de la population. Les innovations technologiques mènent
finalement à une plus grande population et non à de meilleures conditions de vie.

La théorie Malthusienne parait n'avoir aujourd'hui qu'un intérêt historique. Pourtant, le


mouvement prônant la croissance zéro, voire la décroissance, a incontestablement des
accents malthusiens. Il y est aussi question de ressources limitées, en quantité fixe,
tout comme la terre dans le modèle de Malthus. Il est aussi question de l'impossibilité
d'une croissance soutenue, car butant sur la contrainte de cette ressource fixe, et des
rendements décroissants par rapport aux autres facteurs de production. Une réécriture
complète de Malthus avec des mots modernes est sans doute possible, mais nous
laissons cet exercice aux tenants de la croissance zéro.

2.5.2 Théories de la croissance

On distingue deux voire trois grands types de modèles de croissance: le modèle de


croissance néoclassique, également nommé modèle de croissance exogène; le modèle
de croissance endogène et les modèles de piège à pauvreté.

a) La croissance néoclassique

La première source de croissance potentielle, celle qui a alimenté et alimente encore le


débat, est l’accumulation de capital physique. Pour que le capital puisse être un moteur
de croissance à long terme, la production d’une économie doit être proportionnelle au
stock de capital utilisé dans le processus de production (rendements constants du
capital). Dans ce cas, la croissance sera proportionnelle à l’investissement, que cet
investissement vienne de l’économie locale via l'épargne, ou du reste du monde. A la
suite de Solow (1956), la théorie économique orthodoxe a établi que les rendements du
capital ne sont pas constants mais décroissants: il n’est pas possible d’accroître la
production par travailleur indéfiniment en augmentant simplement le nombre de
machines que ces derniers utilisent. En effet, pour générer une croissance soutenue par
l'augmentation du capital, il faudrait que l'épargne des ménages qui finance ce capital
augmente dans une même proportion. A cette fin, le revenu d'où cette épargne est tirée
devrait également augmenter proportionnellement. En raison des rendements
décroissants du capital, les revenus et l'épargne croissent à un taux moindre que le
capital lui-même, rendant toute croissance illimitée impossible. Autrement dit, si le
nombre de machines par employé croît à un taux constant le surcroit de machines finira
par entrainer un accroissement de productivité insuffisant pour financer un tel
investissement.Bien que, par ses rendements marginaux décroissants, le capital est
incapable de soutenir la croissance économique à long terme, il n’en reste pas moins
une des sources de croissance les plus importantes à court et moyen terme. McGrattan
(1998) montre que, dans de nombreux pays, la période d’après guerre se caractérise par
une relation positive et fortement significative entre taux d’investissement moyen et
croissance. L’émergence des tigres est-asiatiques lors de la seconde moitié du 20ieme
siècle est un exemple typique de cette relation: ces pays ont rattrapé les pays riches
essentiellement en accumulant du capital. Le capital physique ne pouvant pas être le
moteur de la croissance à long terme, au moins tout le temps que ses rendements
demeurent décroissants, il existe au moins une autre variable responsable de
l’accroissement du revenu par tête au cours du temps. Enfantée par Solow (1956), la
théorie néo-classique de la croissance conclut que le progrès technique, exogène, est le
moteur de la croissance à long terme. Il est source de croissance car il rend le travail
plus efficace puisque plus à même de travailler avec beaucoup de machines. Dans le
modèle de Solow, la croissance de la population est exogène et ne réagit pas aux
variations du niveau de vie. De plus, il n’existe pas de facteur de production en quantité
fixe tel que la terre. Ces deux particularités expliquent pourquoi le progrès technique y
est source de croissance économique alors qu’il ne l’est pas dans le modèle
Malthusien.Avec ses rendements décroissants du capital et son progrès technique
exogène, le modèle de croissance néoclassique a des implications empiriques fortes.
Premièrement, il prédit une convergence des niveaux de revenu par tête au niveau
international, à la condition que les pays en question partagent des structures
économiques proches. Les pays qui se trouvent loin de leur sentier de croissance de
long terme (ici, la situation où l’accumulation de capital ne contribue plus à la
croissance et où seul le progrès technique compte) devraient croître plus vite que les
pays qui ont déjà beaucoup accumulé. Pourquoi? Parce qu’en ayant accumulé peu, les
pays en retard bénéficient de forts rendements du capital physique, chaque
investissement rapporte gros et ces pays croissent vite.Selon cette théorie,
l’investissement international devrait donc aller des pays du Nord fortement dotés en
capital vers les pays du Sud aux rendements élevés. Cette arrivée massive de capitaux
dans les pays du Sud devrait alorspermettre aux écarts de revenus entre les deux
grandes zones de se réduire. Dans un papier célèbre, Lucas (1990) pointe l’existence
d’un paradoxe : alors que le capital par tête est bien moins élevé dans les pays pauvres,
le capital des pays riches n’y afflue pas. Il existerait deux grandes raisons à ce
phénomène. Premièrement, les fondamentaux des pays du Sud seraient différents des
fondamentaux des pays du Nord, le Nord et le Sud ne partageraient donc pas le même
sentier de croissance rendant toute convergence illusoire. Deuxièmement, même si les
fondamentaux des pays riches et pauvres étaient les mêmes, le marché international du
capital est imparfait puisque l’information n’y est pas symétrique : l’investissement
dans les pays pauvres donne lieu à des rendements incertains. La prudence quant à
l’incertitude des rendements pousse les acteurs des pays riches à fortement sous-
investir dans les pays pauvres à fort potentiel de croissance. Alfaro et al. (2008)
montrent que ces deux canaux expliquent bien empiriquement le paradoxe de Lucas, la
faible qualité des institutions des pays pauvres, déterminants essentiels des structures
économiques de ces derniers, semble être l’élément le plus important de la divergence.Il
existe une vaste littérature empirique sur l’existence et la vitesse de la convergence
entre pays (voir Durlauf and Quah, 1999). A la fin des années 1990, il existait un
consensus empirique autour d’une convergence mais une convergence beaucoup plus
lente que celle prédite par la théorie néoclassique. Cette conclusion est aujourd’hui
partiellement remise en question par la forte croissance Est-Asiatique qui entraîne une
décroissance des inégalités de revenu au niveau mondial (van Zanden et al., 2014).Une
seconde implication du modèle de croissance néoclassique concerne directement
l'éventualité d'un retour à une période de stagnation lors du 21ème siècle. Sous les
hypothèses du modèle néoclassique, une condition nécessaire et suffisante de la
croissance consiste en un progrès technique soutenu. Même si le modèle ne dit rien sur
la source de ce progrès, on imagine difficilement ce dernier s'arrêter. En outre, aux
tenants de la croissance zéro, un néoclassique dirait: "vous voulez arrêter le progrès
technique?" On voit bien dans cette dernière question tout l'écart qui sépare le concept
de croissance dans les modèles économiques de sa compréhension populaire. Les
tenants de la croissance zéro tout comme les néoclassiques doivent se rendre à une
évidence : pour perpétuer, la marche technologique devra permettre de produire plus
avec moins de ressources naturelles, les contributions d’économistes néoclassiques
aussi célèbres que Solow (1974), Stiglitz (1974) et Dasgupta & Heal (1974) ont depuis
longtemps fait ce constat. A cette condition, qu’il semble de plus en plus probable de
satisfaire,4la croissance zéro nous apparaît plus comme une chimère qu’un futur
tangible.Une troisième implication du modèle de croissance néoclassique est qu’à long
terme, les politiques économiques affectent le niveau de revenu par tête mais pas sa
croissance: une mauvaise gouvernance ne peut pas affecter la croissance de long
terme puisque cette dernière ne dépend que du progrès technique exogène. L’exemple
de la divergence économique qui s’est opérée entre Haiti et la République Dominicaine
nous amène cependant à remettre en question cette conclusion. Possédant des
structures économiques initialement proches, ces deux pays partagent la même île et
avaient le même revenu par tête en 1950 (1027$ par personnes en République
Dominicaine contre 1051$ en Haïti). Le Graphique 4 nous montre pourtant bien à quel
point la République Dominicaine a divergé d’Haiti du fait d’une meilleure gouvernance. Si
ce phénomène peut être considéré comme un phénomène de long terme, alors on peut
conclure que la politique joue un rôle dans le processus de croissance à long terme et
qu’un cadre théorique alternatif est nécessaire, ce cadre nous est fourni par la théorie
de la croissance endogène.

b) la croissance endogène

Afin de modéliser la croissance économique comme un phénomène endogène,


l’hypothèse de la décroissance desrendements des facteurs de production
accumulables (le capital humain et le capital physique) doit être remise en question.
Comment? En considérant les externalités liées à l’accumulation de capital. Si
l’investissement d’une entreprise implique des externalités positives sur les autres
firmes ou sur les individus, le rendement privé (celui qui revient à la firme) de cet
investissement est plus petit que son rendement social (le rendement qui revient à
l’économie dans son ensemble). Il se peut donc que les rendements privés du capital
restent décroissants, ne contredisant pas par là les résultats de la littérature empirique,
alors que les rendements sociaux s’avèrent constants.

Prenons l’exemple des investissements dans la recherche, ces derniers bénéficient,


avec des rendements décroissants, aux firmes qui les ont consentis; si les rendements
privés de la recherche et développement étaient constants, les firmes y investiraient des
sommes infinies. Maintenant, les avancées scientifiques ou techniques issues de la
recherche privée vont bénéficier aux autres entreprises (pensons à la technologie Blue
Ray créée par Sony) impliquant par la même des rendements sociaux plus élevés que
les rendements privés.5La croissance endogène peut donc se baser sur les avancées
du savoir, avancées produites par exemple par la science fondamentale et qui ont
permis des progrès technologiques. Les théoriciens de la croissance ont mis en
évidence l’importance du secteur de recherche et développement qui, sur la base des
avancées technologiques, développe de nouveaux biens ou améliore la qualité de ceux
qui existent déjà (voir Aghion & Howitt, 1992 ainsi que Helpman & Grossman, 1991).
Cette théorie accorde au secteur de la recherche et du développement un rôle
fondamental dans la création de richesse. Elle souligne également l’importance
première de la relation entre innovation et pouvoir de marché: l’incitation à innover
provient des droits de monopoles sur les nouveaux produits ou procédés, monopole à
l’origine de bénéfices nouveaux. L’existence de ces monopoles a ouvert des débats à la
fois passionnants et fondamentaux sur les politiques de protection des innovations par
les brevets et sur le niveau optimal de subvention de la recherche. Concernant la
question des brevets, le champ d’application de ces derniers, les brevets dormants et
l’encadrement des prix de monopole appliqués par les firmes détentrices de brevets
sont les sujets les plus discutées;le débat sur les tarifications de la trithérapie dans les
pays en développement en est un exemple édifiant (voir Barnard, 2002).Accumuler du
capital humain est un autre moyen de soutenir le processus de croissance. En effet,
même si un pays ne peut pas accroitre son offre de travail indéfiniment, il peut
améliorer la qualité de sa force de travail. Cette “qualité” fait référence au capital
humain qui incorpore, entre autres éléments, l’éducation, l’expérience et le capital santé
des travailleurs. Le capital humain peut être accumulé de deux manières: en début de
vie, en allant à l’école ou plus généralement en s’éduquant; et par la suite, en
accumulant de l’expérience (apprentissage par la pratique) ou par des stages
professionnels.6L’investissement dans l’éducation formelle (par opposition à
l’acquisition d’expérience et les stages) a cru de manière substantielle partout dans le
monde. En Angleterre par exemple, le nombre d’années moyen passées à l’école est
passé de 2 en 1820 à plus de 14 aujourd’hui. Dans les pays en développement, les taux
de scolarisation ont fortement cru entre 1960 et 2000. Cependant, malgré le boom de
l’éducation qu’ils ont connu, bon nombre de pays pauvres n’ont pas connu de décollage
économique. En général, la littérature empirique souligne l’absence de corrélation entre
le niveau moyen d’éducation et les taux de croissance. L’accumulation de capital
humain semble être une condition nécessaire mais non suffisante du décollage et de la
croissance. La littérature récente sur le lien entre éducation et croissance incorpore
depuis quelques années une telle notion, mesurée par les scores obtenus aux tests
internationaux en mathématiques et en sciences, comme les tests de l’OCDE PISA. La
corrélation entre ces mesures de qualité du capital humain et la croissance est positive,
forte, et robuste (voir OCDE, 2010). On pourrait s’attendre a priori à ce que cette
corrélation soit entièrement tirée par le comportement exceptionnel de quelques tigres
asiatiques, qui combinent excellence aux tests PISA et croissance très rapide depuis la
fin de la seconde guerre mondiale. L'analyse de l'OCDE montre toutefois que l’ensemble
des pays considérés contribuent à la force de cette relation. Il y a également lieu de
noter que l’effet mis en lumière est quantitativement fort: avoir le niveau de qualité de la
Finlande plutôt que celui de la moyenne de l’OCDE procure un avantage de croissance
de 0.87% chaque année. Cumulé sur quelques années, l’écart de niveau de vie généré
par ce différentiel de croissance devient rapidement impressionnant. Le coût d’un
système éducatif de mauvaise qualité semble donc exorbitant.Les institutions sont
souvent décriées ou encensées pour leur rôle dans la promotion de la croissance. Dans
lesmodèles de croissance endogène, la qualité des politiques économiques peut
influencer les taux de croissance de l’économie à long terme. Acemoglu et al. (2002)
affirment que parmi les pays colonisés par les Européens au 16ieme siècle, ceux qui
étaient relativement riches sont aujourd’hui pauvres en comparaison des pays qui
étaient initialement plus pauvres. Comment expliquer un tel renversement? Par le type
d’institutions que les pays colonisateurs ont imposéaux pays colonisés: des institutions
extractives ont été mises en place dans les pays riches en ressources naturelles, elles
avaient pour but d’enrichir le colonisateur plutôt que de se concentrer sur la prospérité
du pays. Dans les zones moins bien dotées en ressources naturelles, l’incitation à
soumettre les populations était moins forte ce qui a permis de ne pas brider le
développement d’institutions favorisant la prospérité de l’espace colonisé. L’expansion
ou le déclin des pays autrefois colonisés s’expliquerait donc principalement par des
facteurs exogènes, institutionnels, liés à la colonisation. D’autres auteurs ont également
établi un lien entre les faibles performances économiques de bon nombre de pays en
développement et la prévalence de la corruption, la fragmentation ethnique, les guerres
(civiles ou non), etc.

c) la croissance unifiée

La théorie de la croissance unifiée, telle que nommée par ses fondateurs que sont Galor
(2011) et ses co-auteurs Weil et Moav, partage la même ambition d’expliquer l’histoire
des revenus dans un cadre unique. Contrairement aux approches précédentes, cette
théorie ne s’appuie pas sur des modifications exogènes des institutions et de la
technologie mais "embarque" le mécanisme du changement dans le modèle lui même.
Les premiers stades de l’économie se caractérisent par un équilibre Malthusien stable
où la population croit lentement à la suite d’améliorations technologiques. La lente
hausse de la densité de population accélère le rythme du progrès technique car une
population plus dense génère plus d’idées, permet une spécialisation plus fine et peut
supporter des villes plus grandes. Le progrès technique devient de plus en plus rapide
et afin d’être implémenté, finit par requérir des travailleurs munis de capital humain -
capital qui s’accumule principalement par l’éducation. Naît alors une demande pour ce
capital humain de la part des entreprises. Afin d'y répondre, les parents choisissent de
mettre moins d’enfants au monde, ce qui leur permet d'investir davantage dans les
connaissances de chacun; comme dans les modèles de croissance endogène,
l’accumulation de capital humain permet alors de soutenir une croissance économique
de long terme. Dans ce cadre, la taille de la population joue un rôle essentiel. Durant la
stagnation, toutes les variables sont constantes sauf la taille de la population et le
progrès technique. Arrivé à un certain point, la taille de la population passe un seuil
critique au delà duquel la transition s’opère.Plutot que de baser le décollage sur une
croissance de la densité démographique, il est possible de modéliser la révolution
industrielle comme le fruit d’un changement dans la composition de la population.
Supposons que deux types de personnes co-existent et qu’un type possède un avantage
évolutionnaire (elles se reproduisent plus vite), dès lors, sa part dans la population croit
lentement au cours du temps. Lorsqu’il atteindra une taille critique, ce groupe
provoquera le décollage. Le type de personnes compatibles avec la croissance
économique gagnera finalement la course évolutionnaire (deviendra le type dominant
dans la population), cela peut correspondre aux personnes qui valorisent fortement
l’éducation (Galor et Moav, 2002) ou celles qui ont un esprit d’entreprise (Clark, 2007).
La question de la transmission du type des parents vers les enfants reste une question
ouverte même si des éléments de réponse sont apportés par Baudin (2010).Galor (2011)
met en évidence que le lien entre croissance démographique et décollage économique
est structuré par l’arbitrage entre qualité et quantité des enfants, un concept introduit
par Becker (1960). Cet arbitrage vient d’une simple contrainte de budget à laquelle tous
les parents potentiels et tous les pays font face:

Dépense totale en faveur des enfants = nombre d’enfants x dépenses par enfant.

Pour une dépense totale inchangée, il n’est possible d’améliorer la qualité des enfants
(entendue au sens de leur éducation, leur santé économique ou biologique) qu’en
réduisant leur nombre. Par conséquent, la baisse de la fécondité observée pendant la
transition démographique permet d’accroitre les dépenses d’éducation et de santé
envers les enfants ce qui rend plus facile la croissance du stock de capital humain d’une
génération à l’autre. Le Graphique 5 montre pour la Suède que la baisse de la fécondité
a été accompagnée par une croissance forte de l’éducation formelle ainsi qu’une
croissance de la taille des individus ce qui témoigne d’une meilleure nutrition et d’une
moindre exposition aux maladies lors de la jeunesse (de la Croix and Licandro, 2013).
L’éducation et la santé sont deux composants essentiels du capital humain.On peut
retenir de la théorie de la croissance unifiée que la croissance démographique constitue
initialement un avantage car cette dernière permet d’atteindre une taille de population
compatible avec l’innovation, l’accumulation de capital et donc la croissance
économique. Pour que le décollage se pérennise, il est cependant fondamental que les
individus réduisent leur nombre d’enfants et y substituent de l’éducation.

2.6 théories sur l'investissement

Voici un aperçu détaillé des principales théories sur l'investissement :

2.6.1. Théorie keynésienne de l'investissement:

- Développée par l'économiste John Maynard Keynes dans les années 1930.

- Selon cette théorie, les décisions d'investir dépendent principalement de deux


facteurs :

✓. Le taux d'intérêt : une baisse du taux d'intérêt rend l'investissement plus rentable
et stimule l'investissement.
✓ Les anticipations des entrepreneurs sur la demande future : des anticipations
positives poussent les entreprises à investir davantage.

- Les politiques économiques peuvent donc stimuler l'investissement en agissant sur


ces deux facteurs (baisser les taux d'intérêt, soutenir les anticipations positives).

2.6.2. Théorie néoclassique de l'investissement :

- Développée dans les années 1960 par économistes comme Jorgenson.

- Met l'accent sur le coût d'usage du capital comme principal déterminant de


l'investissement.

- Le coût d'usage dépend du prix des biens d'investissement, du taux d'intérêt, du taux
d'amortissement, et des incitations fiscales.

- Les entreprises investissent jusqu'à ce que le produit marginal du capital soit égal à
son coût d'usage.

- Permet d'expliquer l'impact des politiques fiscales sur l'investissement (ex : crédits
d'impôt).

2.6.3. Théorie de l'accélérateur flexible:

- Développée dans les années 1950 par économistes comme Chenery.

- Postule que l'investissement dépend principalement de la variation de la production.

- Lorsque la production augmente, les entreprises investissent pour s'adapter à cette


hausse de la demande.

- Le taux d'investissement est donc fonction du taux de variation de la production.

- Permet d'expliquer le caractère cyclique de l'investissement.

2.6.4. Théorie de l'ajustement du stock de capital :

- Développée dans les années 1960 par économistes comme Eisner.

- Considère que les entreprises adaptent progressivement leur stock de capital pour
atteindre leur niveau "optimal".

- Le niveau optimal dépend de variables comme le taux d'intérêt, les prix, la demande,
etc.
- Le rythme d'ajustement du stock de capital dépend des coûts d'ajustement (coûts
d'installation, de démontage, etc.).

En résumé, les principales théories de l'investissement se distinguent par les facteurs


qu'elles mettent en avant (taux d'intérêt, anticipations, coût d'usage du capital, variation
de la production, ajustement du stock de capital). Elles permettent d'analyser l'impact
des politiques économiques sur l'investissement des entreprises.

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