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Royaume du Maroc

Université Hassan II
Faculté des Sciences
Juridiques, Economiques et
Sociales-Ain Sebâa

Mémoire de fin d’études en licence


fondamentale
Droit privé section française

Le secret professionnel en droit


de travail et en droit pénal

Réalisé par l’étudiante :


Moudakir Kenza

Sous l’encadrement de :
Professeur Mr.Atrouch Brahim

2023-2024
Dédicace :

C'est avec profonde gratitude et sincères mots que je dédie ce travail de fin
d'études:

A mes chers parents, qui ont sacrifié leur vie pour ma réussite, qui ont toujours
été la lumière pendant mes nuits les plus sombres, que dieu leur prête bonheur
et longue vie.

A mon frère et toute ma famille qui m’ont chaleureusement encouragé et


supporté tout au long de mon parcours

A mes amis qui ont toujours été là pour moi et à qui je souhaite beaucoup de
succès également

A tous ceux que j’aime


Remerciements

En guise de reconnaissance, et ce n’est pas parce que la tradition l’exige, mais

parce que les personnes à qui s’adressent mes remerciements, le méritent

vraiment

Je tiens à témoigner mes sincères remerciements à toutes les personnes qui

ont contribué de près ou de loin à l'élaboration de ce modeste travail:

Mes sincères gratitudes à Mr Atrouch de nous avoir encadré, pour la qualité de

son enseignement, ses conseils et son intérêt incontestable qu’il porte à tous

les étudiants.

A mes très chers parents, aucun mot n’exprimera assez à quel point je leur suis

reconnaissante

A tous les professeurs, intervenants ainsi que le cadre administratif de la

faculté

Merci à vous
Résumé
Table des matières

Première partie : Traitement du secret professionnel

Chapitre 1 : le cadre juridique

Section 1 : notion générale


Section2 : notion spécifique

Chapitre 2 : les manifestations du secret professionnel


Section 1 : le secret de correspondances
Section 2 : le secret médical

Deuxième partie : effectivité du secret professionnel

Chapitre 1 : la consécration du secret professionnel


Section 1 : les acteurs
Section 2 : les moyens de protection

Chapitre 2 : les limites du secret professionnel


Section 1 : le pouvoir de l’employeur
Section 2 : le rôle du juge
Liste des figures
Introduction générale

« Le secret professionnel est une responsabilité sacrée qui doit être respectée en toutes

circonstances » -Florence Nightingale.

En tant que fondatrice de la profession infirmière moderne au XIXème siècle, Florence

comprenait à quel point il est crucial de préserver la confidentialité des informations

médicales, ce qui montre que le secret professionnel est un concept qui ne date pas d’hier,

et qui a connu éventuellement un succès sans précédent dans la plupart des pays à l’échelle

internationale. Il s’est généralisé à toutes les professions et à tous les domaines, de telle

sorte qu’il devient aujourd’hui un élément indispensable dans tous les secteurs d’activités.

C’est pourquoi, le législateur lui réserve une place privilégiée dans l’arsenal juridique.

En s’inspirant des législations des pays démocratiques, notamment son homologue français,

qui a définit la notion en question à l’article 226-13 du Code pénal comme une information à

caractère secret, dont la révélation par une personne qui en est dépositaire soit par état,

soit par profession, soit en raison d’une fonction ou d’une révision temporaire est punie de

sanctions prévues au même article, notre droit positif prévoit des règles spéciales

applicables à l’obligation du secret professionnel. En effet, l’article 446 du code pénal

marocain en pose le principe général qui met à la charge des professionnels une obligation

de ne pas révéler au grand public des secrets confiés par leurs clients, et qui s’inscrit

essentiellement dans le cadre du respect de l’ordre public, règle à laquelle on ne peut y

déroger
La question du secret professionnel, dans un contexte assez global, peut même être abordée

en termes de pouvoir. S’il est vrai que ‘’l’information c’est du pouvoir’’, alors il ne faut pas

être étonné que chaque individu soit animé de désirs paradoxaux : recevoir beaucoup

d’information et en donner le moins possible ‘’la connaissance des secrets d’autrui est un

pouvoir enivrant’’ (Michael Connelly, Le poète, Seuil 1997)

Le secret professionnel alors, est une obligation pour un professionnel de garder le silence à

l’égard des tiers concernant les informations personnelles à caractère secret.

L’information protégée peut prendre différentes formes, autrement dit, le secret couvre tout

ce qui est venu à la connaissance du professionnel, ce qui lui a été confié mais aussi tout ce

qui a été entendu, vu ou compris, en l’occurrence :

 Des paroles prononcées en toute confidence à un psychologue

 Des notes au dossier d’un travailleur social

 Un avis juridique donné par un avocat

Maintenant, que nous avons une idée générale à propos du secret professionnel, il serait

judicieux de s’interroger sur l’utilité de la notion en question.

Plus pratiquement, les choses en réalité se passent de la manière suivante : si vous consultez

un médecin ou vous demandez de l’aide auprès des travailleurs sociaux, par exemple, vous

devez souvent leur parler de votre vie privée, votre intimité, votre santé… et bien

évidemment, vous ne voulez pas que ces éléments soient connus de tous. La crainte que ce

professionnel divulgue ce que vous avez confié, vous conduira éventuellement à ne rien dire,

et c’est à ce niveau que le problème se pose ; vous ne demanderez ni l’aide nécessaire à

votre survie et à celle de votre famille, ni les soins adaptés à votre situation…
La finalité de l’instauration de telle disposition alors, réside dans la protection des intérêts

individuels de la personne qui a besoin de se confier à un professionnel, et donc établir une

relation de confiance entre le citoyen et les professionnels

Ce volet nous mène à soulever la problématique suivante, dans quelles mesures pouvons-

nous considérer que le secret professionnel est une obligation puisant ses origines,

manifestations et limites aussi bien en droit pénal qu’en droit de travail ?


Première partie : Traitement du secret

professionnel
Chapitre 1 : le cadre juridique

Section1 : notion générale

Le secret professionnel a d’abord concerné les médecins, puis les prêtres et les avocats

avant d’être étendu à d’autres professionnels considérés comme confidentiels nécessaires.

La première formulation de l’obligation du secret professionnel concerne d’abord les

médecins. On la fait généralement remonter à Hippocrate (de 460 à 356 av JC) « ce que tu as

appris de ton malade, tu le tairas dans toute circonstance(…). Les choses que dans

l’exercice ou même hors l’exercice de mon art, je pourrais voir ou entendre sur l’existence

des hommes et qui ne peuvent pas être divulguées au dehors, je les tairai… »

Beaucoup plus tard, s’instaura le secret des prêtres et notamment de ce qu’ils avaient appris

en confession

Un troisième secret professionnel est apparu, c’est celui de l’avocat, héritier du secret

professionnel du prêtre puisque l’avocat est issu du monde des clercs, dont il emprunte la

robe

Dans un contexte assez global, Il aborde la notion dans l’article 8 de la convention

européenne des droits de l’homme, intitulé « droit au respect de la vie privée et familiale »

1. « Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et

de sa correspondance »

2. « Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit

que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une
mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale,

à la sureté publique, au bienêtre économique du pays, à la défense de l’ordre et à

la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale,

ou à la protection des droits et libertés d’autrui »

En préservant le secret professionnel, la vie privée qui est un principe purement

constitutionnel, est également respectée. C’est la raison pour laquelle, différents arsenaux

juridiques internationaux ont veillé à instaurer l’obligation en question, notamment :

 Aux Etats Unis, plusieurs réglementations propres à chaque profession s’imposent en

l’occurrence, la fameuse loi relative au secteur médical « Health Insurance

Portability and Accountability Act » (HIPAA) adoptée en 1996 et mise à jour via le

« Health information Technology for Economic and Clinical Health Act » (HITECH

Act) en 2009 afin de réglementer les bonnes pratiques en matière de protection des

données personnelles dans le milieu de la santé surtout dans un monde où les

informations sont stockées en majeure partie en ligne ou à l’aide des procédés

technologiques.

De plus, Le Attorney Client Privilege qui met en œuvre le droit du client de refuser

et d’empêcher toute autre personne de divulguer les communications confidentielles

entre lui et son avocat. La cour suprême des Etats unis a déclaré qu’en garantissant

une telle confidentialité, le privilège encouragerait les clients à faire des révélations

« complètes et franches » à leurs avocats qui eux-mêmes, fourniront par conséquent

des conseils et représentations plus efficaces

Ils existent également d’autres lois spécifiques pour d’autres professions, telles que

le Family Educational Rights and Privacy Act (FERPA) pour les éducateurs et le

Gramm-Leach-Bliley Act (GLBA) pour les institutions financières


 En 1975, le secret professionnel est devenu un droit fondamental inscrit au chapitre

premier de la fameuse charte canadienne des droits et libertés de la personne. La

montée du professionnalisme au Québec exigeait sans doute une protection plus

importante des droits de la personne en ce domaine, ce qui semblait être le privilège

de quelques professions est devenu le droit de chacun

En effet, on peut se demander si le législateur a bien voulu conférer au secret

professionnel le rang de droit fondamental ayant une valeur prééminente. La

réponse se trouve au libellé même de l’article 9 de la Charte des Droits :

« Chacun a droit au respect du secret professionnel. Toute personne tenue par la loi

au secret professionnel et tout prêtre ou autre ministre du culte ne peuvent, même

en justice, divulguer les renseignements confidentiels qui leur ont été révélés en

raison de leur état ou profession, à moins qu’ils n’y soient autorisés par celui qui

leur a fait ces confidences ou par une disposition expresse de la loi. Le tribunal doit

d’office, assurer le respect du secret professionnel »

 Le législateur français n’a pas pu se libérer également de la même approche en vertu

de l’article 9 du code civil assurant à chacun le droit au respect de sa vie privée

« chacun a droit au respect de sa vie privée. Les juges peuvent, sans préjudice de la

réparation du dommage subi, prescrire toutes mesures, telles que séquestre, saisie

et autres propres à empêcher ou faire cesser une atteinte à l’intimité de la vie

privée… » . L’usager d’un établissement ou d’un service médico-social a donc le droit

à la non révélation des informations à caractère privé qu’il transmet ou que l’on

recense sur lui. Cette obligation de respect de la vie privée est à la charge de tout

citoyen, et donc a fortiori, des professionnels du social et du médico-social


De plus, le code pénal français dans son article L. 226-13 punit désormais l’infraction

de révélation : « la révélation d’une information à caractère secret par une

personne qui en est dépositaire soit par état ou par profession, soit en raison d’une

fonction ou d’une mission temporaire, est punie d’un an d’emprisonnement et de

15000 euros d’amende »

 En s’inspirant de leur homologue français, le législateur tunisien considère le secret

professionnel comme une obligation légale, morale générale et absolue et punit de

même l’infraction en vertu de l’article 254 du code pénal tunisien « sont punis de six

mois d’emprisonnement et de cent vingt dinars d’amende, les médecins,

chirurgiens et autres agents de la santé, les pharmaciens, sages- femmes et toutes

autres personnes qui, de par leur état ou profession, sont dépositaires de secrets,

auront, hors le cas où la loi les oblige ou les autorise à se porter dénonciateurs,

révélé ces secrets »

Tout comme le législateur algérien qui en pose le principe répressif en vertu de

l’article 301 du code pénal

Certes, qu’en est-il du législateur marocain ? Entamons à cet égard la notion spécifique afin

de répondre à la question initialement posée

Section 2 : notion spécifique

Deux positions s’affrontent sur le fondement du secret professionnel, est-ce une obligation

contractuelle ou c’est une obligation d’ordre public ?

1. La notion travailliste
Toutes les notions relatives au travail, sont réglementées par le fameux Code de Travail qui a

évoqué clairement les formalités nécessaires à la conclusion du contrat déclenchant la

relation de travail en vertu de la loi 65-99 relative au Code du 3 juillet 2003. Une fois

formée, la convention met à la charge des deux parties, qui sont le salarié et son employeur

des droits mais surtout des obligations émanant des dispositions législatives ou

réglementaires du contrat, de la convention collective du travail, du règlement intérieur, ou

même des dispositions des textes réglementant la déontologie de la profession

conformément à l’article 21 du Code en question

On comprend alors que le respect du secret professionnel demeure une partie indissociable

de ces obligations auxquelles le salarié est tenu au cours de l’exercice de sa fonction

subordonnée à ce lien contractuel

La lecture de l’article 39 du code de travail qui dispose que « Sont considérées comme

fautes graves pouvant provoquer le licenciement du salarié : … la divulgation d’un secret

professionnel ayant causé un préjudice à l’entreprise… », nous mène à remarquer qu’à

l’exception du fait que la divulgation du secret professionnel porte préjudice à l’entreprise, Il

s’avère que législateur marocain n’a pas déterminé la nature des informations protégées par

le secret professionnel en matière de travail, certes, il s’agit généralement des informations

qui lui ont été connus à l’occasion de l’exercice de sa fonction ou mission notamment,

 des informations personnelles propres à chaque salarié en l’occurrence leurs

coordonnées, leurs numéros de sécurité sociale, leurs dossiers médicaux… ou même

les informations propres aux clients.

Plus spécifiquement, dans le monde de travail, on distingue entre :


 les secrets d’affaires, qui s’inscrivent dans le cadre des activités commerciales d’une

entreprise, ce sont des droits de propriété intellectuelle portant sur des

renseignements confidentiels pouvant être vendus ou faire l’objet de licences

En règle générale, tout renseignement commercial confidentiel qui confère à une entreprise

un avantage concurrentiel et n’est pas connu à d’autres personnes peut être protégé par le

secret d’affaires:

 il inclut des renseignements techniques tels que des données d’essais

pharmaceutiques, desseins et représentations graphiques de programmes

d’ordinateur

 des renseignements commerciaux tels que des méthodes de distribution, liste

de fournisseurs et de clients et stratégies publicitaires

Selon Bernard Carayon dans Sécurité Et Stratégies, quelques affaires fortement médiatisées

l’ont illustré : En 2005, une étudiante de nationalité chinoise ayant effectué un stage au sein

de l’équipementier Valeo a exporté plusieurs fichiers informatiques confidentiels de cette

société sur son disque dur personnel. En 2007, un ancien ingénieur de Michelin, qui

travaillait dans un centre de recherche classé « établissement à régime restrictif », a collecté

un nombre considérable d’informations confidentielles et a cherché à les vendre à des

entreprises étrangères concurrentes de Michelin.

 les secrets de fabrique qui mettent en place les procédés, techniques et méthodes

de fabrication spécifiques d’une entreprise en vue de produire, la distinguant de ses

concurrents

Ce type de protection n’est bien entendu valable que si l’aspect innovant de la création n’est

pas évident à reconstituer lorsque l’on achète le produit. Par exemple :


 la recette secrète de la boisson Coca Cola

 les ingrédients et la méthode de fabrication du parfum Chanel N°5

 les techniques de fabrication des puces électroniques utilisées par Intel, des moteurs

de Tesla, médicaments de Pfizer…

Le législateur marocain a prévu au code pénal cette notion en vertu de l’article 447 : « Tout

directeur, commis, ouvrier de fabrique, qui a communiqué ou tenté de communiquer à des

étrangers ou à des Marocains résidant en pays étranger des secrets de la fabrique où il est

employé, est puni de l'emprisonnement de deux à cinq ans et d'une amende de 200184 à

10.000 dirhams.

Si ces secrets ont été communiqués à des Marocains résidant au Maroc, la peine est

l'emprisonnement de trois mois à deux ans et l'amende de 200185 à 250 dirhams.

Le maximum de la peine prévue par les deux alinéas précédents est obligatoirement

encouru s'il s'agit de secrets de fabrique d'armes et munitions de guerre appartenant à

l'Etat.

Dans tous les cas, le coupable peut, en outre, être frappé pour cinq ans au moins et dix ans

au plus de l'interdiction d'un ou plusieurs des droits mentionnés à l'article 40 »

La question qui se pose à cet égard, qu’en est-il des professionnels libéraux ? Étant des non-

salariés, sont-ils concernés par l’obligation en question ? D’une autre part, à quel point est-

elle importante dans l’arsenal juridique en matière pénale ?

2. la notion pénaliste

Il est vrai que le secret professionnel constitue en quelque sorte, comme nous l’avons

élaboré, une obligation contractuelle, la conséquence inévitable : est-ce que le client peut
autoriser le professionnel à dévoiler des éléments de sa vie privée ? Certains, l’ont prétendu,

ainsi selon Pierre Galloch, magistrat, « chacun peut désormais autoriser tout personnel

soignant à divulguer une information relative à son état de santé » Mais une telle

affirmation s’avère incomplète du fait que le volet pénal qui est de grande importance est

souvent négligé. Personne ne peut nier que le droit pénal remplit 3 fonctions essentielles :

 Une fonction répressive sanctionnant certains comportements dangereux pour

l’ordre public ou contraires aux exigences de la vie en société

 Une fonction expressive exprimant les valeurs essentielles de la société

 Et enfin, la fonction protectrice constituant une garantie fondamentale de la liberté

individuelle qui se conforme aux principes de légalité des délits et des peines et donc

éventuellement, une garantie des intérêts collectifs

Ainsi, le droit pénal souligne le rapport entre la société et l’individu en prévoyant la réaction

de cette première envers ces comportements antisociaux. Le principe général du droit pénal

par conséquent, n’exclut guerre le secret professionnel dont la finalité principale déjà

étudiée dans notre introduction, réside principalement dans la garantie de la crédibilité de

certaines professions de fonctions sociales en établissant la relation de confiance entre le

professionnel et le citoyen, et donc une garantie des intérêts individuels et éventuellement

généraux En effet :

 le droit à la santé suppose que chacun puisse s’adresser à un médecin et lui révéler

sa vie intime, ses erreurs et ses douleurs, sans risquer que ces informations soient

divulguées

 le droit à la défense suppose que l’avocat tiendra secret ce que le client lui révèle et

ne l’utilisera pas sans son accord


 le droit à l’assistance, suppose l’impératif de secret des assistants de service social

 le droit à l’information libre et pluraliste que le journaliste pourra taire ses sources

Voilà pourquoi, le fondement du secret professionnel repose sur une notion d’ordre public,

plus qu’une obligation contractuelle comme le déclarait au début du siècle dernier l’éminent

juriste Emile Garçon, « Le bon fonctionnement de la société veut que le malade trouve un

médecin, le catholique un confesseur, mais ni le médecin, ni l’avocat, ni le prêtre ne

pourraient accomplir leur mission, si les confidences qui leur sont faites n’étaient assurées

d’un secret inviolable. Il importe donc à l’ordre social que ces confidents nécessaires soient

astreints à la discrétion et que le silence leur soit imposé sans condition ni réserve, car

personne n’oserait plus s’adresser à eux si on pouvait craindre la divulgation du secret

confié »

C’est la raison pour laquelle le législateur marocain a consacré une place importante au

secret professionnel dans le code pénal marocain en vertu de l’article 446 (modifié et

complété en vertu de la loi numéro 103-13)disposant que « les médecins, chirurgiens ou

officiers de santé, ainsi que les pharmaciens, les sages-femmes ou toute autres personnes

dépositaires, par état ou profession ou par fonctions permanentes ou temporaires, des

secrets qu’on leur confie, qui, hors le cas où la loi les oblige ou les autorise à se porter

dénonciateurs, ont révélé ces secrets, sont punis de l’emprisonnement d’un mois à six

mois et d’une amende de mille deux cent à vingt mille dirhams… »

A l’exception des médecins, chirurgiens ou officiers de santé, sages-femmes, pharmaciens,

encore une fois, il s’avère que le législateur marocain n’a pas expressément prévu une liste

exhaustive des personnes soumises à l’obligation du secret professionnel et à qui s’ajoutent

de nouvelles personnes, à chaque fois qu’elles se retrouvent dépositaires par état ou


profession ou en raison d’une fonction ou d’une mission temporaire des secrets qui leur sont

confiés, d’où l’importance de se référer aux textes de déontologie réglementant chaque

profession à titre de précision

Généralement, les professions concernées sont celles où les professionnels ont accès à des

informations confidentielles et sensibles dans le cadre de leurs travaux :

 Les métiers de la santé : médecins, infirmiers, pharmaciens, dentiste, etc.

 Le secteur juridique : avocats, notaires, magistrats, etc.

 Domaine financier : banquiers, métiers de comptabilité, conseillers financiers, etc.

 Education : Enseignants, professeurs, éducateurs, etc.

 Journalisme : journalistes d’investigation, reporters, etc.

 Sécurité et renseignement : agents de renseignements et sécurité, etc.

 Profession de la relation d’aide : Psychanalystes, conseillers conjugaux, etc.

 Secteur médico-social : personnes travaillant dans les maisons de retraites, les

centres pour les personnes handicapées, etc.

Par conséquent, répondons à la question initialement posée : Tout comme les salariés, il est

clair maintenant que les professionnels libéraux sont bel et bien tenus du secret

professionnel

Quant à la nature des informations couvertes par le secret professionnel, la législation

marocaine dans son article 446 du code pénal parle de « secrets qu’on leur confie » sans

définir ou déterminer ces « secrets ». La législation française, quant à elle, dans son nouveau

code pénal de 1994, à l’article 216-13, avait substitué le terme « secrets » à « des

informations à caractère secret » mais toujours sans définir cette appellation qui porte déjà

sur des informations apprises aux professionnels dans le cadre de l’exercice de leurs
professions ou missions comme l’indiquent les deux codes. De cette approche, marocain ou

français, le législateur a bien voulu souligner qu’il s’agissait des éléments de vie privée

connus ou appris, mais également, est visé ce qui aura été compris ou deviné à l’occasion de

l’exercice de la profession.

Ainsi la situation sociale, familiale, financière, médicale d’une personne, sa régularité sur le

territoire, ses antécédents judiciaires, ses coordonnées sont des éléments relatifs à la vie

privée et donc couverts par le secret professionnel

3. Notion à caractère spéciale : la loi 09-08 relative à la protection des personnes

physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel

L’utilisation de plus en plus croissante des nouvelles technologies d’information et de

communication exige la mise en place d’une loi qui vise essentiellement la protection des

données à caractère personnel échangées à cet égard, c’est la raison pour laquelle le

législateur marocain a instauré la loi 09-08 en vue d’harmoniser sa législation avec le droit

européen et notamment avec la Directive Communautaire n°95/46

 Nature des données à protéger

La loi n°09-08 s’applique au traitement des données à caractère personnel, sous quelque

forme que ce soit relatives à une personne physique identifiée ou identifiable. Le nom,

prénom, adresse, courriel, photographie d’identité, numéro d’identification, empreintes

digitales constituent par exemple des données à caractère personnel. On comprend alors

que les informations protégées par le secret professionnel font partie de ces données

puisque ces dernières ont été définies dans l’article premier de la loi en question comme

« toute information, de quelque nature qu’elle soit et indépendamment de son support, y

compris le son et l’image, concernant une personne physique identifiée ou identifiable »


 Obligations de secret professionnel

l’article 26 de la loi en question met à l’égard des responsables du traitement des données à

caractère personnel l’obligation de respecter le secret professionnel , disposant dans le

premier alinéa que « Le responsable du traitement de données à caractère personnel, ainsi

que les personnes qui, dans l’exercice de leurs fonctions, ont connaissance de données à

caractère personnel traitées, sont tenues de respecter le secret professionnel même après

avoir cessé d’exercer leurs fonctions, dans les termes prévus par la loi pénale »

Chapitre 2 : Les manifestations du secret

professionnel

Section 1 : le secret de correspondances

La correspondance peut se définir comme un envoi à une personne déterminée, peu

importe qu'il arrive ou non à destination, quel que soit son contenu ou son support (papier,

électronique, téléphonique, etc.). La correspondance doit donc réunir deux éléments

déterminants : un envoi et un destinataire déterminé

L'envoi d'un message à plusieurs personnes qui ne sont pas précisément identifiées, à l'instar

d'un tract publicitaire, ne constitue donc pas une correspondance. La correspondance doit

avoir été envoyée. Un projet de lettre ne constitue donc pas une correspondance

I. Atteinte au secret de correspondances

1) L’élément matériel

a) La correspondance
La correspondance peut être matérialisée ou dématérialisée. Bien qu’il s’agisse d’un contenu

professionnel, c’est bel et bien une correspondance

 La correspondance matérialisée fait référence à la communication qui utilise des

supports physiques tels que le papier, les lettres ou les colis

 La correspondance dématérialisée, quant à elle, se réfère à la communication

électronique, cela correspond aux appels téléphoniques, aux SMS, aux échanges par

messagerie électronique, aux courriels ou encore aux fax.

b) Le comportement caractérisant l’atteinte au secret des correspondances

L’ouverture, la destruction ou suppression, le détournement, l’interception, la divulgation et

l’utilisation sont des comportements caractérisant l’atteinte à la confidentialité des

correspondances

-L’ouverture signifie que la correspondance doit être close et que l’auteur ouvre la lettre.

-La destruction correspond à la disparition de la correspondance, temporairement ou

définitivement. Les correspondances peuvent être détruites de différentes manières, en

fonction du support utilisé. Concernant les messages électroniques, ils peuvent être

supprimés de la boîte de réception et du dossier des éléments supprimés, tandis que les

lettres physiques peuvent être déchirées ou détruites par le feu. Il existe également des

méthodes de destruction plus sécurisées, telles que le broyage des documents papier ou

l'utilisation de logiciels spécialisés pour effacer définitivement les données électroniques.


-Le détournement concerne le contenu de la lettre. Cela signifie que l’on prend

connaissance des informations, et on les utilise pour d’autres finalités.

-l’interception est le fait de capturer, d’écouter ou de lire des communications privées sans

le consentement des personnes impliquées. Cela peut se produire lors de l’interception de

courriers électroniques, de messages texte, de conversations téléphoniques…

-La divulgation correspond au fait de transmettre la correspondance à un tiers ou au public,

notamment par transmission aux médias.

- L’utilisation correspond à l’utilisation des informations contenues dans la lettre et non pas

à l’utilisation du support. Il faut également qu’il y ait l’installation d’un appareil de nature à

permettre la réalisation de telles interceptions.

2) L’élément moral

L'élément moral se traduit essentiellement par l'intention ou la volonté de violer la

confidentialité des échanges. Lorsqu'une personne viole le secret des correspondances, elle

agit délibérément en connaissance de cause, en portant atteinte à la confiance et à la vie

privée des individus et procède à l’ouverture, la destruction, le détournement, l’interception,

la divulgation et l’utilisation de ces correspondances

Si l'on pense que la correspondance nous est adressée, il s'agit d'une erreur de fait. Ne

seront cependant sanctionnés que les agissements volontairement malveillants et /ou

commis par mauvaise foi. Ouvrir par accident le courrier d'une personne vivant à son

domicile n'est a priori pas une infraction si cela n'arrive qu'une seule fois, par manque

d'attention

II. Fondements juridiques


1) En droit pénal

a) Le législateur français

 L’article 226-15 du code pénal, modifié par la loi n°2011-525 du 17 mai 2011 :

Le fait, commis de mauvaise foi, d’ouvrir, de supprimer, de retarder ou de détourner des

correspondances arrivées ou non à la destination et adressées à des tiers, ou d’en prendre

frauduleusement connaissance, est puni d’un an d’emprisonnement et de 4500 euros

d’amende. Est puni des mêmes peines le fait, commis de mauvaise foi, d'intercepter, de

détourner, d'utiliser ou de divulguer des correspondances émises, transmises ou reçues par

la voie électronique ou de procéder à l'installation d'appareils conçus pour réaliser de telles

interceptions

 L’article du 432-9 du code pénal

Le fait, par une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de

service public, agissant dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions ou de sa

mission, d'ordonner, de commettre ou de faciliter, hors les cas prévus par la loi, le

détournement, la suppression ou l'ouverture de correspondances ou la révélation du

contenu de ces correspondances, est puni de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros

d'amende.

b) Le législateur marocain

 L’article 448 du code pénal

Quiconque, hors les cas prévus à l'article 232, de mauvaise foi, ouvre ou supprime des

lettres ou correspondances adressées à des tiers, est puni de l'emprisonnement d'un

mois à un an et d'une amende de 200 à 500 dirhams ou de l'une de ces deux peines

seulement
 L’article 447-1

Est puni d'un emprisonnement de six mois à trois ans d'une amende de 2.000 à 20.000

dirhams, quiconque procède, sciemment et par tout moyen, y compris les systèmes

informatiques, à l'interception, à l'enregistrement, à la diffusion ou à la distribution de

paroles ou d'informations émises dans un cadre privé ou confidentiel, sans le

consentement de leurs auteurs.

2) Dispositions spécifiques

a) Le législateur français

 La loi n°91-646 relative au secret des correspondances émises par la voie des

communications électroniques

Le principe est annoncé dans l'article 1:

« Le secret des correspondances émises par la voie des communications électroniques

est garanti par la loi. Il ne peut être porté atteinte à ce secret que par l'autorité publique,

dans les seuls cas de nécessité d'intérêt public prévus par la loi et dans les limites fixées

par celle-ci. »

b) Le législateur marocain

 L’article 24 de la constitution

Les communications privées, sous quelque forme que ce soit, sont secrètes. Seule la

justice peut autoriser, dans les conditions et selon les formes prévues par la loi, l'accès à

leur contenu, leur divulgation totale ou partielle ou leur invocation à la charge de

quiconque(…)

 La loi n°31-13 relative au droit d’accès à l’information


Le droit à l’information est un principe garanti constitutionnellement en vertu de l’article

27. Certes, ce droit n’est guère absolu, l’accès à l’information demeure subordonné à des

limites comme le précise le deuxième alinéa de l’article 27: « Le droit à l'information ne

peut être limité que par la loi, dans le but d'assurer la protection de tout ce qui

concerne la défense nationale, la sécurité intérieure et extérieure de l'Etat, et la vie

privée des personnes, de prévenir l'atteinte aux libertés et droits fondamentaux

énoncés dans la présente Constitution, et de protéger les sources des informations et

les domaines déterminés avec précision par la loi »

La loi n°31-13 le précise également dans son article 7 qui exclut l’accès à toutes les

informations relatives à la défense nationale, à la sécurité intérieure de l’Etat, à la vie

privée des personnes ou celles ayant le caractère de données personnelles ainsi que les

informations dont la divulgation est susceptible de porter atteinte aux libertés et droits

fondamentaux prévus à la constitution, enfin, l’exception concerne également les

informations revêtant un caractère confidentiel en vertu des textes législatifs particuliers

dont la divulgation en l’occurrence porte atteinte à la confidentialité des délibérations du

Conseil des ministres et du Conseil du gouvernement, des investigations et enquêtes…

Par conséquent, les correspondances dont le contenu comporte des informations d’accès

interdit notamment celles déterminées par l’article 7 engagent la responsabilité de leurs

auteurs en vertu de l’article 29 de la loi n°31-13 qui met en œuvre l’obligation du secret

professionnel en cette matière

 L’article 108 du code de la procédure pénale

Le législateur a interdit la capture, l’interception, l’enregistrement et la sauvegarde des

appels téléphoniques ou toute correspondance effectuée par le biais des systèmes


informatiques en précisant les limites de ce principe à travers lequel le pouvoir du juge

d’instruction ainsi que celui du procureur général du roi est étendu à l’occasion d’une

procédure d’instruction.

 La loi 09-08 relative à la protection des personnes physiques à l’égard du

traitement des données à caractère personnel

Le traitement concerne toute opération ou tout ensemble d'opérations portant sur des

données à caractère personnel réalisé ou non par le biais de procédés automatisés

notamment la collecte, l'enregistrement, l'organisation, la conservation, l'adaptation ou la

modification, l'extraction, la consultation, l'utilisation, la communication par transmission,

diffusion ou toute autre forme de mise à disposition, le rapprochement ou l'interconnexion,

ainsi que le verrouillage, l'effacement ou la destruction. Rappelons, par ailleurs, qu'une seule

de ces opérations suffit à constituer un traitement de données à caractère personnel qui

sera soumis aux dispositions de la loi n°09-08 et qui ont été définies dans l’article premier de

la loi en question comme « toute information, de quelque nature qu’elle soit et

indépendamment de son support, y compris le son et l’image, concernant une personne

physique identifiée ou identifiable » Le nom, prénom, adresse, courriel, photographie

d’identité, numéro d’identification, empreintes digitales constituent par exemple des

données à caractère personne

Le responsable du traitement est tenu de prendre toutes précautions utiles, au regard de la

nature des données et des risques présentés par le traitement, pour préserver la sécurité

des données et, notamment, empêcher qu'elles soient déformées, endommagées, ou que

des tiers non autorisés y aient accès. Cette obligation relève de l'article 23 de la loi n°09-08

Section 1 : le secret médical


Le secret médical fait partie des traditions médicales les plus anciennes comme en témoigne

le serment d’Hippocrate qui fonde la morale médicale : « ce que dans l’exercice de mon art,

ou même hors du traitement, dans l’exercice de la vie humaine, j’aurai vu ou entendu qu’il

ne faille divulguer, je le tairai, estimant que ces choses-là ont droit au secret des

mystères »

Il incarne un des piliers de l’exercice de la médecine, puisque « il n’y a pas de soins sans

confidences, de confidences sans confiance, de confiance sans secret » comme l’indique

Bernard Hoerni dans son livre Ethique et déontologie médicale

1. Le cadre juridique : champ d’application

Au Maroc, cette obligation trouve son fondement juridique à la fois dans le code pénal en

vertu du fameux article 466 du code pénal et plus spécifiquement dans le code de

déontologie médicale. L’article 4 de ce dernier dispose que : « le médecin doit à son malade

le secret absolu en tout ce qui lui a été confié ou qu’il aura pu connaitre en raison de

confiance qui lui a été accorée ».

Puisque l’infraction de divulgation du secret professionnel est toujours subordonnée à une

qualité spécifique issue principalement de la profession exercée, le législateur français, a

abordé une approche plus inclusive en ce qui concerne les personnes soumises à cette

obligation dans le secteur médical en vertu de l’article L.1110-4 alinéa 2 du Code de la santé

publique « excepté dans le cas de dérogation expressément prévus par la loi, ce secret

couvre l’ensemble des informations concernant la personne venues à la connaissance du

professionnel, de tout membre du personnel de ces établissements, services ou

organismes et de toute autre personne en relation, de par ses activités, avec ces

établissements ou organisme. Il s’impose à tous les professionnels intervenants dans le


système de santé. » De même, plusieurs articles de ce code ont évoqué cette obligation qui

se trouve tantôt à l’égard du médecin, tantôt à ceux qui l’entourent « le médecin doit veiller

à ce que les personnes qui l’assistent dans son exercice soient instruites de leurs

obligations en matière de secret professionnel et s’y conforment » article R.4127-72

suivant la même logique, aux termes de l’article 466 du code pénal « les médecins,

chirurgiens ou officiers de santé, ainsi que les pharmaciens, les sages-femmes ou toute

autres personnes dépositaires, par état ou profession ou par fonctions permanentes ou

temporaires, des secrets qu’on leur confie, le législateur marocain a bien voulu opté pour la

même approche de son homologue français, car il parait que l’obligation s’étend également

aux auxiliaires qui assistent le médecin dans l’exercice de son art. Ainsi, sont soumis à ce

secret :

 Les étudiants en médecine en stage, les externes, les internes (en milieu

hospitalier), les dentistes, les pharmaciens, les sages-femmes

 Toutes les professions qui contribuent aux soins : auxiliaires médicaux

(infirmiers, masseurs, kinésithérapeutes, pédicures, podologues,

orthophonistes…)

 Les psychologues, les diététiciens et les assistantes sociales

 Les laboratoires d’analyses et leurs laborantins, les préparateurs en

pharmacie sont tenus au secret médical dans la mesure où un résultat

d’examen et une ordonnance peuvent renseigner sur un diagnostic

 D’autres médecins peuvent connaitre l’état de santé d’un patient, en dehors

de tout contexte de soins : les médecins du travail et les médecins conseils de


la Caisses de Sécurité Sociale sont également soumis au secret professionnel

médical

2. Le contenu de l’obligation :

La notion du secret médical couvre l’ensemble des informations concernant la personne

venues à la connaissance du professionnel de santé dans l’exercice de sa fonction, c’est-

à-dire non seulement ce qui lui a été confié mais aussi ce qu’il a vu, entendu, et compris

conformément à l’article 4 du code de la déontologie médicale. Au sens large, il s’agit de

l’ensemble des informations médicales et individuelles. On attend alors du professionnel

une discrétion totale, même sur ce qu’il peut déduire des propos du patient ou de ses

constatations et sur les éléments non médicaux

Ainsi, sont couverts par le secret médical :

 Les déclarations d’un malade

 Les diagnostics

 Les dossiers

 Les informations génétiques

 Les rapports de filiation

 Mais aussi les conversations surprises au domicile lors d’une visite, les

confidences des familles conformément à l’article 21 du code de déontologie

médicale « le médecin ne doit pas s’immiscer dans les affaires de famille »

La divulgation des informations peut prendre des formes diverses :

 De propos tenus en public ou en privé et qui peuvent avoir été filmés ou enregistrés
 Un contenu inapproprié de certificats

 Des certificats ou attestations fournis à des tiers

 La circulation d’informations sur des supports informatiques non protégés

La diffusion de messages électroniques

Le secret doit être absolu vis-à-vis de toute personne étrangère au patient, y compris la

famille et les proches. Le patient peut demander à ce que personne ne soit informé de sa

pathologie, ni même de son hospitalisation ou de sa prise en charge et cette demande doit

être respectée. Il conviendra de le noter dans le dossier médical. Certes, lorsque le patient

est un mineur, le code marocain de déontologie prévoit autrement en vertu de l’article 26

qui dispose que « Hors le cas prévu à l'article précédent le médecin attaché à un

établissement comportant le régime de l'internat doit, en présence d'une affection grave,

faire avertir les parents et accepter ou provoquer, s'il le juge utile, la consultation du

médecin désigné par le malade ou sa famille », et dans un contexte plus précis, l’article 32

du même code met l’accent sur l'obligation du médecin en cas d'indication d'avortement

thérapeutique hors le cas d'extrême urgence, lorsqu’il sait que la malade consentante est

mineure, il doit avant de pratiquer l'intervention s'efforcer d'obtenir le consentement du

mari ou des membres de la famille exerçant la puissance paternelle. Notons qu’il ne peut

être procédé à un avortement thérapeutique que lorsque, la vie de la mère se trouve

gravement menacée, cette opération permet d'espérer sauver la vie de la mère.

De même, Il est possible de partager des informations avec un proche choisi par le patient

conformément à l’article 31 du même code marocain disposant que « un pronostic fatal ne

doit lui être révélé qu’avec plus grande circonspection : mais il doit l’être généralement à
la famille. Le malade peut interdire cette révélation ou désigner les tiers auxquels elle doit

être faite »

3) Des exemples de condamnation pour violation du secret médical

 Une condamnation civile

D’après un article de l’avocat Marc Wahed, avocat au Barreau de Marseille :

En 2018, la Cour d'Appel de Paris a condamné un médecin généraliste à une amende de 10

000 euros pour violation du secret médical. Le médecin avait communiqué à la CPAM (Caisse

primaire d'assurance maladie) des informations médicales confidentielles sur l'état de santé

de l'un de ses patients, dans le but de justifier un arrêt de travail. Les informations

communiquées par le médecin étaient plus détaillées que nécessaire, et comprenaient

notamment des éléments relatifs à la vie privée et à l'intimité du patient. Le patient avait

porté plainte pour violation du secret médical. La Cour d'Appel de Paris a considéré que le

médecin avait commis une violation intentionnelle du secret médical, en divulguant des

informations confidentielles sans le consentement du patient, et sans que cela soit justifié

par une obligation légale ou réglementaire. La Cour a également souligné que la violation du

secret médical avait porté atteinte à la vie privée du patient, et avait entraîné pour celui-ci

un préjudice moral. La Cour a donc condamné le médecin à une amende de 10 000 euros,

ainsi qu'à verser des dommages et intérêts au patient.

 Une condamnation pénale

En 2017, un médecin généraliste a été condamné à 6 mois de prison avec sursis et à une

amende de 10 000 euros pour violation du secret médical. Le médecin avait communiqué à

un journaliste des informations confidentielles sur l'état de santé d'un célèbre homme

politique français, sans le consentement de ce dernier. Le parquet avait été saisi par la
victime, et avait ouvert une enquête. Le médecin avait reconnu les faits lors de l'audience, et

avait présenté des excuses publiques à la victime. Le tribunal a considéré que le médecin

avait commis une violation intentionnelle du secret médical, en divulguant des informations

confidentielles sans justification légale ou réglementaire, et en portant ainsi atteinte à la vie

privée de l'homme politique.

 Une condamnation déontologique

En 2019, l'Ordre des médecins a sanctionné un médecin généraliste pour violation du secret

médical. Le médecin avait transmis à une entreprise des informations médicales

confidentielles sur l'un de ses patients, dans le cadre d'une procédure de reclassement

professionnel.

En conséquence, le Conseil de l'Ordre a prononcé une sanction disciplinaire à l'encontre du

médecin, consistant en un avertissement inscrit au dossier du médecin pendant 5 ans. Le

médecin a également été tenu de verser des dommages et intérêts au patient.

La décision du Conseil de l'Ordre a été publiée dans un journal professionnel, afin d'informer

les confrères du médecin des faits reprochés et de la sanction prononcée


Deuxième partie : L’effectivité du secret
professionnel
Chapitre 1 : La consécration du secret

professionnel

Section 1 : Les acteurs

Comme nous l’avons déjà élaboré, l’obligation du secret professionnel ne produit ses effets

qu’à travers une qualité typique conférée à l’occasion de l’exercice d’une fonction ou

mission déterminées. A cet égard, afin de concrétiser notre étude, il serait judicieux de

mettre en lumière le volet pratique et entamer des exemples des différents acteurs qui

restent tenus de cette mesure confidentielle

1) Le secret bancaire

Le secret bancaire désigne l’obligation légale à laquelle est tenue une banque, de ne pas

divulguer à des tiers les données qu’elle détient sur son client. Cette obligation a été

instaurée au Maroc par la loi n◦103-12 relative aux établissements de crédit et organismes

assimilés. Le même principe est prévu par la législation française en vertu de la loi n◦84-46

relative à l’activité et au contrôle des établissements de crédit

Dans son article 180, la loi bancaire marocaine dispose que « Toutes les personnes qui, à un

titre quelconque, participent à l’administration, à la direction ou à la gestion d’un

établissement de crédit, d’un organisme assimilé ou qui sont employés par ceux-ci, les

membres du Conseil National du crédit et de l’épargne, du comité des établissements de

crédit, du comité de coordination et de surveillance des risques systémiques, du conseil

d’administration et le personnel de la société gestionnaire, les personnes chargées, même

exceptionnellement, de travaux se rapportant au contrôle des établissements soumis à la


surveillance de Bank Al-Maghrib en vertu de la présente loi et, plus généralement, toute

personne appelée, à un titre quelconque, à connaitre ou à exploiter des informations se

rapportant à ces établissements, sont strictement tenus au secret professionnel pour

toutes les affaires dont ils ont à connaitre, à quelque titre que ce soit, dans les termes et

sous peine des sanctions prévues à l’article 446 du code pénal… » Alors, les personnes

soumises au secret bancaire sont clairement déterminées par l’article 180

Certes, le législateur marocain n’a pas déterminé la nature des données protégées par le

secret bancaire, il s’est contenté d’utiliser l’expression «, toute personne appelée, à un titre

quelconque, à connaitre ou à exploiter des informations se rapportant à ces

établissements, sont strictement tenus au secret professionnel pour toutes les affaires

dont ils ont à connaitre, à quelque titre que ce soit » en pratique, on parle souvent des :

 données ayant un caractère confidentiel : données chiffrées telles que le solde d’un

compte bancaire, le montant d’un prêt consenti à un client…

 données suffisamment précises et de nature à porter atteinte au secret des affaires

ou au secret de la vie privée : l’existence d’un compte détenu par un client, sa

nature, un incident de paiement, le contenu d’un document comptable communiqué

par le client non publié au greffe, des documents contractuels communiqués par le

client…

 données parvenues à la connaissance du banquier au titre de sa profession et non

pas à titre personnel : toute information confidentielle révélée à la banque à

l’occasion d’une demande de crédit

Qu’en est-il de la durée de cet engagement ?


Malgré l’ambiguïté du législateur marocain à ce propos, conformément au principe de la

bonne foi, l’établissement bancaire demeure tenu au secret professionnel bancaire même

après que le lien contractuel prenne fin et quel que soit la cause de la rupture,

volontairement ou dû au décès du client, car c’est la garantie des intérêts de ce dernier qui

prime. Une fois décédé, les héritiers du défunt disposeront du droit de bénéficier de toutes

ses informations et donc l’obligation produira ses effets de sorte à mettre en œuvre la

responsabilité de l’établissement en cas de la divulgation du secret professionnel bancaire, la

législation suisse sur les banques et les caisses d’épargne dans son article 47, alinéa 3

dispose que « la violation du secret professionnel demeure punissable alors même que la

charge, l’emploi ou l’exercice de l’emploi a pris fin » de plus, le législateur égyptien l’a

clairement prévu dans son article premier de la loi sur la confidentialité des comptes

bancaires qui dispose que « …L’interdiction reste en vigueur même si la relation entre le

client et la banque prend fin pour quelque raison que ce soit »

2) le secret du fonctionnaire public

Le législateur marocain définit le fonctionnaire public dans l’article 2 du Dahir n◦1-58-008

du 24 Février 1958 portant Statut Général de la Fonction publique, comme « toute personne

nommée dans un emploi permanent et titularisée dans un grade de la hiérarchie des

cadres de l’administration de l’Etat »

D’après cette définition, il est clair que l’une des conditions nécessaires d’acquisition de telle

qualité, est « être titularisé dans un grade de la hiérarchie des cadres de l’administration de

l’Etat », toutefois , ils existent quelques fonctionnaires publiques qui sont en principe

concernées par la définition de l’article 2, mais qui n’ont pas fait l’objet de son champ
d’application de façon à ce qu’ils soient régis par des lois qui leur sont spéciales aux termes

de l’article 4 du même Dahir et qui sont :

 Les magistrats

 Militaires des forces armées royales

 Corps des administrateurs du ministère de l’intérieur

La catégorie suivante est celle qui fera l’objet de notre étude, est concernée essentiellement

par les dispositions du dahir, mais pourront déroger de certaines d’autres en vertu de statuts

particuliers conformément à l’article 4 du même dahir

 Les membres du corps diplomatique et consulaire

 Le corps enseignant

 Corps de l’inspection générale des finances

 Corps de secrétariat greffe

 Agents du service actif de l’administration des douanes et impôts

 Inspecteurs, contrôleurs et gardes maritimes de la marine marchande

 Officiers de port, le personnel des phares et des eaux et forets

Le secret professionnel s’applique principalement alors à cette catégorie de fonctionnaires

publiques, obligation qui n’a pas échappé aux dispositions mises en place dans la loi de la

fonction publique en vertu de son article 18 qui dispose que « indépendamment des règles

instituées dans le code pénal en matière du secret professionnel, tout fonctionnaire est lié

par l’obligation de discrétion professionnelle pour tout ce qui concerne les faits et

informations dont il a connaissance dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses

fonctions. Tout détournement, toute communication contraire au règlement de pièces ou

documents de service à des tiers sont formellement interdits … ». Le législateur français n’a
guère exclu la notion en question en instaurant la loi n◦83-634 en 1998 qui a été intégrée au

Code général de la fonction publique entré en vigueur en 2022 dans son article 26 qui

dispose que «les fonctionnaires sont tenus au secret professionnel dans le cadre des règles

instituées dans le code pénal. Les fonctionnaires doivent faire preuve de discrétion

professionnelle pour tous les faits, informations ou documents dont ils ont connaissance

dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de leurs fonctions »

Les informations protégées par le secret des fonctionnaires publiques n’ont pas été

clairement déterminées puisqu’une expression assez générale a été mise en place « tout ce

qui concerne les faits et informations dont il a connaissance dans l’exercice ou à l’occasion

de l’exercice de ses fonctions ». Tout dépendrait alors de la nature de la fonction publique

en question, toutefois, le législateur marocain a interdit formellement toute communication

de pièces ou documents accessibles au fonctionnaire suite à l’exercice de sa fonction

Pratiquement, s’il s’agit par exemple :

 Du corps enseignant, le secret professionnel pourrait inclure informations liées aux

étudiants notamment les résultats scolaires, leurs dossiers académiques, difficultés

personnelles…

 Des membres du corps diplomatique et consulaire, souvent ce sont les informations

liées aux relations internationales, aux traités, négociations diplomatiques… D’une

autre part, cela inclut également les informations personnelles des citoyens et des

ressortissants étrangers…

 Du corps du secrétariat greffe, cela pourrait comprendre les informations liées aux

procédures judiciaires, aux dossiers des tribunaux, délibérations et décisions

judiciaires…
 Des membres du corps de l’inspection générale des finances, nous pourrions parler

des informations liées aux finances publiques, aux audits, aux enquêtes fiscales,

toutes les données sensibles liées aux affaires financières de l’Etat…

3) Le secret du journaliste

Conformément à loi n◦13.90 portant création du Conseil National de la Presse,

promulguée par Dahir Al-Sharif n◦24.16.1, notamment son article 2, qui tient compte des

nobles normes, les bonnes pratiques et règles professionnelles accumulées par le

domaine journalistique au niveau national et international, le Conseil National de la

Presse établit la charte nationale d’éthique et des règles de la presse, comme charte

morale basée sur la responsabilité sociale des journalistes envers le public et qui met

l’accent , à l’addition de plusieurs principes, sur le respect de la vie privée et l’intimité

des individus qui ne doivent pas être touchées ou transmises sauf en cas de rapport avec

un intérêt public clairement justifié

Le secret professionnel dans le domaine de la presse est une notion assez complexe du

fait que le journalise est tenu de maintenir l’équilibre entre des principes purement

constitutionnels « la liberté de la presse en vertu de l’article 28 », « le droit à

l’information en vertu de l’article 27 », et « le droit à la protection de la vie privée en

vertu de l’article 24 » qui est un droit garantissant à chaque individu le contrôle et la

protection de sa vie personnelle, ses informations personnelles et de sa sphère intime.

Ceci dit, que chacun dispose du droit de décider quelles informations sur sa vie privée

doivent être partagées et quelles informations doivent restées confidentielles. En tenant

compte de l’impact potentiel de leurs reportages sur la vie des personnes, les

journalistes doivent alors vérifier l’exactitude des informations et obtenir le


consentement avant de divulguer des détails personnels sensibles conformément à

l’article 89 de la loi n◦88.13 relative à la presse et à l’édition à propos de la protection de

la vie privée et du droit à l’image disposant que « constitue une atteinte à la vie privée

toute imputation à une personne, dont l’identification est rendue possible,

d’allégations infondées ou divulgation de faits, de photographies ou de vidéos à

caractère intime de personnes ou en rapport avec leur vie privée, sauf si cette dernière

a un lien étroit avec la vie publique ou un impact sur la gestion de la chose publique.

Elle est passible de la peine prévue au 1er alinéa de l’article 85 ci-dessus relatif à la

diffamation, toute publication se faisant en absence de l’accord et du consentement

préalables en vue de porter atteinte à la vie privée des personnes et de les diffamer… »

4) Le secret professionnel de l’avocat

L’avocat n’a qu’une logique : celle de défendre son client par tous les moyens légaux qui sont

mis à sa disposition. C’est un combat permanent entre l’intérêt général, l’intérêt public et

l’intérêt de l’individu qui est le seul que défend l’avocat. L’avocat se trouve dans une

contradiction permanente : respecter la loi et défendre son client.

1. Le domaine d’application

Toutes les informations et tous les documents que l’avocat apprend de son client ou de

l’autorité chargée de l’enquête et qui sont de nature privée, que ce soit pendant ou en

raison de l’exercice de sa profession, sont considérés comme des informations

confidentielles, à moins qu’il n’y ait une nécessité qui permette la divulgation. L’avocat est lié

par cette obligation sur la base du contrat d’agence entre lui et son client ou sur la base de la

disposition de la loi et il lui est donc interdit de divulguer les secrets que son client lui a

confiés ou dont il a pris connaissance à l’occasion de l’exercice de sa profession


a. Dans le monde

 La Cour européenne des droits de l’homme n’a pas manqué de relever : « le secret

professionnel des avocats a une grande importance tant pour l’avocat et son client

que pour le bon fonctionnement de la justice. Il s’agit à n’en pas douter de l’un des

principes fondamentaux sur lesquels repose l’organisation de la justice dans une

société démocratique »

 L’organisation des nations unies a mis l’accent sur l’ensemble des devoirs de l’avocat

à l’égard de ses clients y compris la protection des droits de l’homme et les libertés

fondamentales, agir avec vigilance conformément à la loi, aux normes reconnues et à

la déontologie de la profession d’avocat et surtout respecter le secret professionnel.

Il est clair que le secret professionnel de l’avocat est général et absolu du fait que c’est un

droit opposable et un devoir pour l’avocat envers son client. En d’autres termes, il existe un

lien de confiance entre l’avocat et son client, indispensable à l’élaboration d’une défense

efficace. Voilà pourquoi, plusieurs législations ont consacré une place considérable au secret

professionnel au sein de leur arsenal juridique national, notamment :

 la législation française en vertu de l’article 160 du décret du 27 novembre 1991

 la législation tunisienne en vertu du décret n°79 de 2011 réglementant la profession

d’avocat

 la législation égyptienne en vertu de l’article 65 de la loi 17 de 1983

b. Au Maroc

Dans le même sens, le législateur marocain n’a pas pu écarter la notion en question et a mis

en place le Dahir du 10 septembre 1993 réglementant la profession d’avocat dans le chapitre

relatif aux obligations de l’avocat dans son article 36 qui dispose que : « L’avocat, en toute
matière, ne doit commettre aucune divulgation contrevenant au secret professionnel. Il

doit notamment respecter le secret de l’instruction en matière pénale et s’abstenir de

communiquer tout renseignement pris des dossiers ou de publier des pièces, documents

ou lettres intéressant une information en cours »

2. Le contenu de l’obligation

Puisque le législateur marocain a utilisé une expression assez générale, il convient de

préciser que les renseignements concernés sont :

 D’abord, ceux reçus du client

 Ensuite, ceux reçus à son profit

 Mais aussi, les renseignements à propos de tiers dans le cadre des affaires

concernant ledit client

 Enfin, les déductions personnelles qu’il a pu en faire

Conformément à l’article 36 du dahir réglementant la profession d’avocat, le secret

professionnel pourrait couvrir généralement :

 Les activités directement liées à l’exercice des droits de la défense

 Les activités de conseil

 Les correspondances et consultations destinées au client

 Les correspondances avec les confrères

 Les notes d’entretien

 Toutes les pièces du dossier

3. Le secret de l’avocat en quelques chiffres


D’après le journal du Village de la justice, le Baromètre des Droits, observatoire mis en place

par le Barreau de Paris, vient de rendre publics les résultats de l’étude d’opinion menée en

avril 2021 sur le secret professionnel de l’avocat. En effet, deux questionnaires ont été

soumis, l’un à 1000 personnes représentatives de la population française de plus de 18ans,

l’autre auprès d’un échantillon représentatif des avocats inscrits au Barreau de Paris (607

réponses) et les résultats sont surprenants :

 La bonne nouvelle :

Pour 93% des répondants non-avocat, le secret professionnel de l’avocat est au moins

aussi important que le secret médical. Du côté des avocats répondants, 85% estiment

qu’il faut renforcer leur secret professionnel pour en faire un "parfait équivalent du

secret médical

 Les moins bonnes nouvelles.

Les répondants non-avocat et les avocats considèrent que le secret des échanges est

menacé, notamment dans la sphère "numérique". Du côté des particuliers, il s’agit :

 des risques de piratage des échanges (risque très important à 56%) ;


 des écoutes téléphoniques (risque très important à 48%) ;

 de l’espionnage et des indiscrétions des proches (risque très important à 43%) ;

 des perquisitions au sein des cabinets d’avocat (risque très important à 38%)

Toujours du côté des avocats, on notera que 74% d’entre eux pensent que leur secret

professionnel n’est pas garanti lorsqu’ils échangent par téléphone, courrier, mail ou sms

Le Bâtonnier Cousi, lors de la présentation des résultats, le disait clairement :

« Nous avons découvert un certain nombre d’outils qui nous fascinaient, mais qui sont

parfois dangereux. Il faut que nous puissions, dans le cadre des formations du Barreau,

dans le cadre du plan numérique, expliquer que l’on ne peut pas travailler avec [sur

n’importe quels outils, hébergés à l’étranger notamment], parce qu’ils sont contraires au

secret professionnel (...). Nous avons besoin d’une éducation, d’une formation sur la

protection dans l’utilisation de ces outils ».

Maintenant que nous avons une idée claire des acteurs tenus du secret professionnel, la

question qui se pose, comment garantir le respect de ces informations confidentielles de

façon à empêcher leur divulgation ?


Section2 : les moyens de protection

Autres que les moyens classiques tels que la sensibilisation des employés sur l’importance

du secret professionnel afin qu’ils puissent comprendre les conséquences potentielles de

leurs actions, divers mesures préventives existent afin de garantir une telle protection :

 L’instauration d’un arsenal juridique garantissant la protection du secret

professionnel

International ou marocain, le rôle du législateur demeure crucial dans la garantie de la

protection du secret professionnel du fait qu’il s’est forcé à déterminer les droits, obligations

et surtout les sanctions en cette matière purement confidentielle, et ce par le biais :

 Des codes de déontologie professionnelle

 Des dispositions réglementaires en droit pénal :

Rappelons que le législateur marocain a prévu des sanctions au code pénal dans la section

relative aux atteintes portées à l’honneur, à la considération des personnes et de la violation

des secrets en vertu des articles 446, 447 et 448. Certes, suivant le principe général posé par

l’article 446, la violation de telle obligation encourt la peine suivante : « l'emprisonnement

d'un mois à six mois et d'une amende de mille deux cent à vingt mille dirhams » de plus,

elle est subordonnée à des conditions qui doivent être réunies aux termes de l’article en

question

A l’addition des conditions générales nécessitant que la personne soit « dépositaire, par

état ou profession ou par fonctions permanentes ou temporaire » et que la situation soit

soumise au secret professionnel par un texte législatif ou réglementaire ( condition qui n’est

pas absolue du fait que certaines activités sont subordonnées à l’obligation en question
même si aucune réglementation ne la prévoit) , la lecture de l’article nous mène à mettre en

place deux conditions pour que nous puissions parler d’une véritable violation encourant les

peines prévues à l’alinéa précédent :

 L’élément matériel : la révélation d’une information

L’infraction est reprochable au professionnel trop bavard : elle se commet donc par la

parole. Mais elle est également reprochable au professionnel qui transmet à autrui un

document couvert par le secret ou qui met volontairement sous ses yeux un document

confidentiel pour lui permettre d’en prendre connaissance sans s’en dessaisir totalement.

Ces formes aboutissent au même résultat qu’une communication orale

Le terme « révélation » pourrait être discuté en ce qu’il suppose littéralement une

information précédemment ignorée. Or, ici, peu importe que les faits aient déjà été connus

par d’autres personnes et que la révélation ne fasse que confirmer ou préciser des soupçons

déjà largement répandus. Ce qui est essentiel, c’est la communication d’une information

dont le dépositaire ne devait normalement pas faire état. Ce qui est sanctionné, c’est

davantage le manquement à l’obligation de se taire imposée au confident que la divulgation

d’une information secrète. L’agent doit donc être puni parce que, en révélant une

information qui lui avait été remise à titre confidentiel, il a trahi la confiance que sa

profession est censé inspirer à chacun. Dans la même logique, il faut considérer que

l’infraction existe même lorsque la révélation est faite à une personne qui est également

soumise au secret professionnel

 L’élément moral : l’intention

Il s’agit d’une parfaite conscience de ce que l’information n’aurait pas dû être révélée.

L’infraction ne peut résulter d’une simple imprudence. Elle suppose que l’agent ait su qu’il
était dépositaire d’un secret et ait eu conscience de trahir la confiance d’autrui en révélant

ce secret. L’infraction n’est donc pas constituée contre un professionnel qui laisserait trainer

sur son bureau le dossier concernant un client dont l’objet serait lisible sur la couverture

Aucune intention de nuire n’est en avantage exigée. Peu importe le mobile qui anime

l’agent. Il en va de même pour la volonté de satisfaire le droit du public à l’information, le

souci de respecter la vérité, etc.

 Des lois spécifiques ; voici quelques exemples :

 La loi organique n°106-13 portant statut des magistrats

Aux termes de l’article 96 : « Tout manquement par un magistrat à ses devoirs

professionnels, à l'honneur, à l'honorabilité ou à la dignité constitue une faute susceptible

de faire l’objet d'une sanction disciplinaire » Ainsi que l’article 97 qui démontre que le

magistrat peut être immédiatement suspendu de ses fonctions lorsqu'il est pénalement

poursuivi ou s’il a commis une faute grave notamment la violation du secret professionnel et

la divulgation du secret des délibérés

 le Dahir du 10 septembre 1993 réglementant la profession d’avocat

L’article 59 dispose que « Est puni d'une peine disciplinaire tout avocat qui a contrevenu

aux dispositions de la loi, aux règlements ou aux règles de la profession et de ses usages,

ou qui a failli aux règles de la probité ou de l'honneur même lorsqu'il s'agit de faits commis

en dehors du cadre professionnel. Le conseil de l'ordre exerce le droit de procéder aux

poursuites et de prononcer les peines disciplinaires. »

De même, l’article 60 démontre les sanctions disciplinaires applicables « les sanctions

disciplinaires sont :
-L'avertissement.

-Le blâme.

-La suspension, laquelle ne peut excéder trois années.

La radiation du tableau des avocats ou de la liste du stage où le retrait de l'honorariat. La

décision prononçant l'avertissement, le blâme ou la suspension peut comporter à titre de

sanction accessoire, l'affichage de son dispositif dans le secrétariat de l'ordre pour une

durée déterminée »

 Dahir portant statut général de la fonction publique

L’article 73 met l’accent sur la sanction du fonctionnaire ayant commis une faute, qu'il

s'agisse d'un manquement à ses obligations professionnelles ou d'une infraction de droit

commun, l'auteur de cette faute peut être immédiatement suspendu par l'autorité ayant

pouvoir disciplinaire.

 Loi 09-08 relative à la protection des personnes physiques à l’égard du

traitement des données à caractère personnel

Le législateur a instauré plusieurs mesures afin de garantir la protection des données

personnelles notamment les obligations de confidentialité à l’égard des responsables de

traitement en vertu des articles 23 et 24, sans oublier la mise en vigueur d’un système

correctionnel comprenant divers sanctions (de l’article 51 à 66) pour les différentes formes

d’atteinte contre ces données à caractère personnel


D’une part, aux termes de l’article 23, le responsable du traitement doit mettre en œuvre les

mesures techniques et organisationnelles appropriées pour protéger les données à caractère

personnel contre la destruction accidentelle ou illicite, la perte accidentelle, l’altération, la

diffusion ou l’accès non autorisé, notamment lorsque le traitement comporte des

transmissions de données dans un réseau , il doit également choisir un sous-traitant qui

apporte des garanties suffisantes au regard des mesures de sécurité et cette relation doit

être régie par un contrat ou un acte juridique de sorte à ce que les mêmes obligations lui

incombent également . Enfin, aux fins de la conservation des preuves, les éléments du

contrat ou de l’acte juridique relatif à la protection des données sont consignés par écrit ou

sous une autre forme équivalente.

D’une autre part, l’article 24 énumère plusieurs garanties afin établir la protection en

question notamment un contrôle de : l’entrée dans les installations, des supports de

données, de l’insertion, de l’utilisation, de l’accès, de la transmission, de l’introduction et

enfin un contrôle du transport

 Le contrôle d’accès aux informations

Il est important de limiter l’accès aux informations confidentielles en mettant en place :

 des systèmes d’authentification : afin de vérifier l’identité de la personne avant de lui

accorder l’accès à des informations sensibles tels que les mots de passe, les cartes

d’identité …

 le chiffrement des données : qui consiste à transformer les informations en un format

illisible, appelé texte chiffré, cela se fait à l’aide d’un algorithme et d’une clé de

chiffrement, seul son propriétaire pourrait décoder le texte chiffré et le rendre lisible

à nouveau
 systèmes de sauvegarde et de récupération des données : garantissent la

disponibilité des données en cas de perte ou dommage

 la gestion des droits d’accès : permet le contrôle des personnes habilitées à voir,

modifier ou supprimer certaines données

 systèmes de pare-feu : permettent de protéger les données contre les attaques

externes en bloquant les accès non autorisées

 les procédés physiques de surveillance : serrures, caméra de surveillance, capteurs de

mouvement…

 Accords de confidentialité

En vue de protéger le secret professionnel, les employeurs sont incités à définir toutes

les obligations à l’égard de leurs employés déterminant les informations qui doivent être

gardées confidentielles, les personnes autorisées à y accéder, les mesures de sécurité à

prendre ainsi que les conséquences en cas de violation, notamment en insérant aux

contrats de travail la clause de confidentialité et de non concurrence que nous aurons

l’occasion d’étudier dans la partie qui suit


Chapitre 2 : les limites du secret professionnel

Une question se pose à cet égard, l’obligation du secret professionnel, est-elle absolue ou

connaît des exceptions ?

Le législateur marocain a prévu dans le code pénal en vertu de l’article 446, une exception

assez spécifique « Toutefois, les personnes énumérées ci-dessus n'encourent pas les peines

prévues à l'alinéa précédent : Lorsque, sans y être tenues, elles dénoncent les avortements

dont elles ont eu connaissance à l’occasion de l’exercice de leur profession ou de leurs

fonctions;

Lorsqu’elles dénoncent aux autorités judiciaires ou administratives compétentes les faits

délictueux et les actes de mauvais traitement ou de privations perpétrés contre des

enfants de moins de dix-huit ans ou par l’un des époux contre l’autre ou contre une femme

et dont elles ont eu connaissance à l’occasion de l’exercice de leur profession ou de leurs

fonctions »

Par conséquent, dans certaines circonstances, une information qui remplit pourtant toutes

les conditions pour être protégée par le secret professionnel ne sera pas protégée. En voici

quelques :

 La renonciation

Une personne qui a fait des confidences à un professionnel peut renoncer d’elle-même à la

protection du secret professionnel. Par la suite, l’information pourra donc être dévoilée à

d’autres personnes.

 En cas de danger
Un professionnel peut dévoiler une information qui serait normalement protégée par le

secret professionnel afin de prévenir un acte de violence (dont un suicide). Le professionnel

doit croire qu’il y a un risque sérieux et urgent de mort ou de blessures graves pour une

personne ou un groupe de personnes identifiables

 Les intentions criminelles

Si un client demande un avis à un professionnel dans le but de commettre un crime, la

rencontre et l’information partagée ne sont pas protégées par le secret professionnel (abus

sur mineurs, la violence domestique ou les menaces terroristes.)

 En matière médicale

D’une part, il y a plusieurs situations où la divulgation est permise par la loi, notamment

l’exercice du droit de la défense d’un médecin accusé de faute médicale dans les limites de

l’innocence. Il y a également la déclaration de maladies professionnelles et d’accidents de

travail, les agressions sexuelles, le consentement de la victime pour un témoignage en sa

faveur, une maladie urgente nécessitant une intervention locale, nationale et internationale.

D’une autre part, la divulgation pourrait même être imposée par la loi, notamment

- Déclarations de décès et de naissance, conformément à l’article 22 du 4 octobre 1915

relatif au régime de l’état civil abrogé par le Dahir du 2 septembre 1931 : la non déclaration

expose à des sanctions pénales conformément à l’article 468 du code pénal ;

- La sollicitation d’aide devant une personne en péril (article 431 du code pénal) ;

- La dénonciation d’un crime, avortement …(article 446 du code pénal) ;


- La déclaration de malades mentaux aux autorités (article 17 de la loi relative aux malades

mentaux) ;

- La déclaration d’épidémies, de maladies contagieuses, conformément au Décret Royal N°

55461 du 26 juin 1967 ;

- L’instruction pénale d’un dossier médical en présence d’un membre du conseil de l’Ordre

des médecins ;

- Une expertise médico-légale ;

- Un état d’alcoolisme dangereux (admis en France).

Section 1 : les pouvoirs de l’employeur

Qu’il soit chef d’entreprise ou dirigeant d’une société, l’employeur dispose, au sein de son

établissement, d’un certain nombre de pouvoirs. On en dénombre trois : le pouvoir de

direction, le pouvoir réglementaire et le pouvoir disciplinaire.

 Le pouvoir réglementaire et de direction

L’employeur fixe les règles internes à l’entreprise en matière de sécurité, de santé et de

discipline ainsi que toutes les notions d’organisation, de gestion et de bonne marche de

l’entreprise. Un règlement intérieur reprenant l’ensemble de ces dispositions est obligatoire

dans toute entreprise ou organisme employant habituellement au moins 10 salariés

conformément à l’article 138 du code de travail qui dispose que : « Tout employeur

occupant habituellement au minimum dix salariés est tenu, dans les deux années suivant

l'ouverture de l'entreprise ou de l'établissement, d'établir, après l'avoir communiqué aux

délégués des salariés et aux représentants syndicaux dans l'entreprise, le cas échéant, un
règlement intérieur et de le soumettre à l'approbation de l'autorité gouvernementale

chargée du travail. Toute modification apportée au règlement intérieur est soumise aux

formalités de consultation et d'approbation prévues à l'alinéa précédent. » . Ce règlement

doit contenir plusieurs dispositions y compris celles relatives à l’organisation du travail, aux

mesures disciplinaires et à la protection de la santé et à la sécurité des salariés qui doivent

être informées aux salariés aux termes des articles 139 et 140 du même code

Suivant le principe général, il est claire que les employeurs peuvent inscrire au règlement

intérieur et dans les contrats de travail les principes et modalités concernant ce devoir de

confidentialité afin d’empêcher la réalisation d’une telle violation inhibant le bon

fonctionnement de l’activité de l’entreprise et surtout portant atteinte aux règles de bonne

conduite et moralité conformément à l’article 24 disposant que « l’employeur est tenu de

prendre toutes les mesures nécessaires afin de préserver la sécurité, la santé et la dignité

des salariés dans l’accomplissement des tâches qu’ils exécutent sous sa direction et de

veiller au maintien des règles de bonne conduite, de bonnes mœurs et de bonne moralité

dans son entreprise »

Le secret professionnel dans le monde de travail, ne se manifeste que par une obligation

parmi plusieurs d’autres auquel le salarié est tenu de respecter à l’occasion de l’exercice de

sa fonction aux termes de l’article 21 du code de travail disposant que «Le salarié est soumis

à l'autorité de l'employeur dans le cadre des dispositions législatives ou réglementaires, du

contrat de travail, de la convention collective du travail ou du règlement intérieur. Le

salarié est également soumis aux dispositions des textes réglementant la déontologie de la

profession. » Ainsi, dans le but de se protéger, de protéger leur savoir-faire et leur

patrimoine, les employeurs peuvent insérer des clauses au contrat appelée clause de
confidentialité qui est une stipulation du contrat de travail interdisant strictement au salarié

de divulguer les informations confidentielles propres à l’entreprise en interne ou à des

personnes extérieures, elle peut être insérée au moment de la conclusion du contrat ajoutée

même après sa conclusion

La validité de cette clause est subordonnée à la nécessité d’occuper une position qui permet

au salarié d’avoir accès à ces informations sans restreindre sa liberté dans l’exercice de ses

fonctions, donc la clause doit être proportionnée à l’objectif recherché. De même, elle doit

être détaillée de sorte à ne pas porter à confusion en cas de non-respect en précisant la

nature des informations à ne pas divulguer, ceci dit :

 une clause de confidentialité pour un poste de comptable peut porter sur les

comptes des entreprises clientes

 pour un poste de ressources humaines, elle peut porter sur le dossier des salariés ou

la divulgation de la rémunération à des tierces

 pour un directeur commercial ou de production, elle peut porter sur les secrets de

fabrique ou la stratégie commerciale

Une fois le salarié rompt son contrat avec l’employeur, il n’est plus soumis à cette

confidentialité. Toutefois, la clause pourrait avoir une date d’application qui peut s’étendre

au-delà de la présence du salarié en entreprise, certes, il faut que la date de démarrage et la

date de fin soient mentionnées au contrat. Voici un exemple ci-dessous :


D’une autre part, nous retrouvons la clause de non concurrence qui vise à limiter la liberté

d’exercice du salarié même après la rupture du contrat de travail, en l’interdisant d’exercer

certaines activités chez un concurrent, ainsi, les deux clauses se rapprochent dans le sens où

elles visent à protéger les intérêts de l’employeur, mais une question s’impose : dans quel

but l’employeur opterait-il pour une telle interdiction ? il parait que la finalité derrière cette

clause n’est pas si loin de celle en matière de confidentialité puisque l’interdiction d’exercice

est destinée essentiellement à protéger les secrets sensibles de l’entreprise connus au

salarié contre les éventuelles atteintes portées par les concurrents une fois munis de ces

secrets.
Puisque le contrôle du bon déroulement de l’activité fait naturellement partie des missions

et pouvoirs de l’employeur. Le souci de l’employeur à cet égard, est de savoir établir

l’équilibre entre cette prérogative et entre la protection des données personnelles de ses

employés. Alors, jusqu’où peut-il aller?

 En matière de surveillance des correspondances électroniques, la règle est que le

matériel informatique mis à la disposition du salarié soit destiné à un usage

professionnel. L’employeur, de ce fait, dispose du droit de contrôler les mails

professionnels, ceux ayant un caractère personnel ne peuvent être contrôlés qu’en cas

de motif grave ou légitime et en présence du salarié et d’un huissier de justice lorsqu’il

s’agit de dresser un constat officiel.

Les adresses des sites visités, la durée de la connexion, les fichiers téléchargés, les

enregistrements effectués par le salarié sur son poste de travail ont un caractère

professionnel. Par conséquent, ils peuvent être, à tout moment, contrôlés par

l’employeur à condition que le salarié soit averti des moyens de contrôle installés par son

employeur.

 Pour ce qui est des fichiers, dossiers, documents et autres outils informatiques, ils sont

destinés à un usage professionnel et ne peuvent être cryptés. Ils peuvent être contrôlés

par l’employeur à tout moment, sauf s’ils sont identifiés comme personnels.

 S’agissant de l’enregistrement des conversations téléphoniques sur le lieu de travail, la

pratique est autorisée si elle fait l’objet d’une information préalable du personnel.

 Quant à la mise en place d’un système de vidéosurveillance pour contrôler l’activité

des salariés, elle ne peut se faire que si les représentants du personnel ont été
préalablement consultés et sous réserve de déclaration à la commission nationale. La

durée du stockage des images est limitée dans le temps en vertu de la loi.

 l’utilisation de techniques de géolocalisation des salariés nomades n’est admise

qu’après avoir consulté préalablement les représentants des salariés.

D’une manière générale, les tribunaux sociaux au Maroc sont méfiants vis-à-vis des preuves

résultant de moyens de surveillance électronique. L’année dernière, le tribunal social de

Casablanca a refusé de visionner un enregistrement vidéo, présenté par l’employeur d’un

établissement hôtelier filmant le directeur de nuit recevoir dans une chambre de l’hôtel, à 3

h du matin, une jeune femme qui a quitté l’hôtel trois heures après. Le propriétaire de

l’établissement voulait apporter au tribunal la preuve que son directeur de nuit avait commis

une faute grave justifiant son licenciement. Le juge, qui a considéré le licenciement comme

régulier, a préféré se baser sur une preuve classique, le témoignage d’un employé de l’hôtel

qui a servi au couple cette nuit-là, du champagne au début et une bouteille de whisky au

réveil.

 Le pouvoir disciplinaire

Le pouvoir disciplinaire de l'employeur fait référence à son autorité pour prendre des

mesures disciplinaires envers les employés en cas de non-respect des règles et des politiques

de l'entreprise notamment l’avertissement, le blâme, un deuxième blâme ou la mise à pied

pour une durée n'excédant pas huit jours, un troisième blâme ou le transfert à un autre

service ou, le cas échéant, à un autre établissement, le lieu de résidence du salarié étant pris

en considération enfin le licenciement aux termes de l’article 37 et 38 du code de travail


En revenant à l’article 39 du code de travail, afin de pouvoir parler d’une véritable violation

du secret professionnel engendrant le licenciement pour faute grave, des conditions doivent

être réunies :

 La divulgation doit avoir pour conséquences l’apparition d’un préjudice

conformément à l’article 39 « Sont considérées comme fautes graves pouvant

provoquer le licenciement du salarié : … la divulgation d’un secret professionnel

ayant causé un préjudice à l’entreprise… »

Autrement dit, porter atteinte à l’entreprise de manière à compromettre la

confidentialité de ses informations sensibles qui lui sont propres (les stratégies

commerciales, projets en cours, informations propres aux clients…) qui pourraient

donner un avantage concurrentiel à d’autres entreprises, causer des préjudices

financiers, nuire à la relation de confiance entre l’entreprise et ses employés d’où la

baisse de l’engagement et de la motivation

 La relation de subordination entre le salarié et l’employeur : ce lien est matérialisé

par le contrat de travail. La divulgation qui a porté dommage à l’entreprise doit alors

avoir constituer une violation du contrat et plus spécifiquement la clause de

confidentialité au cas où elle y serait prévue, ou du règlement intérieur ou des

dispositions des textes de déontologie de la profession conformément à l’article 21

du code de travail qui dispose « la salarié est soumis à l’autorité de l’employeur

dans le cadre des dispositions législatives ou réglementaires, du contrat de travail,

de la convention collective du travail ou du règlement intérieur. Le salarié est

également soumis aux dispositions des textes réglementant la déontologie de la

profession »
 L’information doit être de nature secrète : elle doit être partagée avec l’intention

qu’elle soit gardée secrète, qu’elle ne soit pas divulguée à une autre personne, sont

exclus les informations publiques ou déjà accessibles au public

 Le salarié doit avoir divulgué l’information dans l’exercice de ses fonctions au sein

de l’entreprise

La divulgation du secret professionnel peut entraîner un licenciement sans préavis ni

indemnité ni versement de dommages-intérêts, mais avant il faudrait que le salarié soit

entendu par l’employé ou le représentant de celui-ci en présence du délégué des salariés ou

le représentant syndical en vue de se défendre, un procès-verbal est dressé à cet effet aux

termes des articles 61 et 62. L’employeur est tenu de présenter les motifs de sa décision qui

doit être remise au salarié intéressé en mains propres et le contrat de travail prend fin une

fois notifié du licenciement


Section 2 : le rôle du juge

Dans le cadre des dispositions relatives à la déontologie de la profession qui reflètent les

principes primordiaux d’exercice de la magistrature ainsi que la loi organique n°106-13

portant statut de la magistrature et aux termes de son article 40, tout magistrat doit prêter

lors de sa première affectation dans le corps de la magistrature un serment : « je jure

devant Dieu le Tout Puissant d’exercer mes fonctions en toute impartialité, loyauté et

dévouement et préserver les qualités d’honorabilité et de dignité, et le secret des

délibérations afin de préserver le prestige et l’indépendance de la magistrature, et de

m’engager à l’application impartiale de la loi et de me conduire en tout comme un

magistrat intègre »

Suivant la même logique, il s’avère que le juge demeure une partie indissociable dans la

protection du secret professionnel, et son rôle y demeure crucial tantôt en tant que garant

des droits relatifs à la vie privée et la dignité des justiciables en cette matière de

confidentialité, tantôt, en tant qu’un acteur qui reste tout comme ses homologues que nous

avons étudié dans la première partie, bel et bien tenue à l’obligation en question

1) Le juge, en tant qu’un acteur tenu au secret professionnel

Le législateur a clairement mis à l’égard du magistrat l’obligation du respect du secret

professionnel en considérant sa divulgation comme étant une faute grave en vertu de

l’article 97 de la loi organique 106-13, celui-ci peut être suspendu de ses fonctions par cette

occasion

a) Secret des délibérés


Délibérer, c'est examiner les différents aspects d'une question, peser les avantages et les

inconvénients avant de prendre une décision. Tous les juges délibèrent, qu'ils siègent en

formation à juge unique ou en collégialité. Le secret des délibérations permet d'éviter une

individualisation de la solution, rendue au nom de la juridiction dans son entier. Le secret

maintenu sur les divergences internes à la juridiction permet de sauvegarder l'unité

substantielle de la décision, à laquelle doivent être attachées une autorité de la chose jugée

et une force exécutoire incontestables, juridiquement et moralement.

Paradoxalement, le secret peut intéresser les formations à juge unique : ainsi, un juge

unique ne peut pas délibérer en présence de tiers et il ne saurait exprimer publiquement les

hésitations et ou réflexions personnelles qui ont précédé sa décision : les seules explications

qu'il est tenu de livrer figurent dans la motivation de sa décision.

Le secret en question entraîne plusieurs obligations : il impose aux juges de délibérer hors la

présence de tiers, du public, des parties et de leurs avocats ; il leur interdit la divulgation de

ce qu'ont été les discussions et de la façon dont chacun des magistrats de la collégialité s'est

prononcé

b) Le secret d’instruction

Aux termes de l’article 15 du code de la procédure pénale : « La procédure au cours de

l'enquête ou de l'instruction est secrète. Toute personne qui concourt à cette procédure

est tenue au secret professionnel dans les conditions et sous les peines prévues au Code

pénal »

En respectant une telle obligation, le juge aboutira à la garantie de l’efficacité des

investigations et donc préserver la présomption d’innocence devant bénéficier à toute

personne mise en cause dans une procédure. Il est effectivement de l’intérêt de tous, que les
investigations, visant à déterminer les conditions de commission d’une infraction, l’identité

de son possible auteur, ou tendant à la faire cesser, puissent se dérouler sans que la

publicité donnée par les médias leur ôte toute utilité, toute efficacité. Si des projets de

perquisition ou d’interpellation sont révélés avant l’heure - au prétexte que cela

constituerait des « informations » - on imagine sans mal qu’ils seront vains.

2) Le juge, en tant que garant des droits des justiciables

Conformément aux principes de l’indépendance, neutralité, impartialité et intégrité du juge,

celui-ci s’engage dans l’exercice des missions judiciaires à l’application de la loi de façon

juste selon les fondements de la justice et de l’équité tels que reconnus universellement en

vue de garantir une justice équitable pour tous, et dans un contexte plus précis, lorsqu’il

s’agit de la protection du secret professionnel, le juge peut recourir à certaines mesures qui

traduisent les mécanismes de telle protection, notamment à travers :

a) L’examen des cas où la divulgation pourrait être autorisée

C’est au juge qu’incombe le pouvoir de décider si les intérêts en matière de secret

professionnel prime sur la tenue à l’obligation.

- Il peut décider que la recherche de la vérité devant les tribunaux ou le droit d'une personne

de se défendre dans une poursuite civile sont plus importants que le droit au secret

professionnel ;

- De même, lorsqu'il y a une menace imminente pour la vie ou la sécurité d'une personne ;

- Lorsqu'il y a des soupçons de crimes graves tels que le terrorisme, la traite des êtres

humains ou les violences sexuelles ;

- Lorsqu'il y a des enquêtes sur des fraudes ou des activités illégales ;


- Lorsqu'il y a une nécessité de protéger l'intérêt public, comme dans les cas de santé

publique ou de sécurité nationale.

b) Interdiction de divulgation

Paradoxalement, le juge peut émettre des ordonnances de non divulgation pour empêcher

les parties impliquées dans une affaire de révéler des informations protégées par le secret

professionnel

c) Sanctions en cas de violation du secret professionnel

Puisque le juge ne fait qu’appliquer la loi, celui-ci peut à cet effet imposer des amendes, ou/

et de se déclarer compétent pour la poursuite pénale ou civile engendrant la réparation des

dommages-intérêts en application du fameux article 77 du doc


Conclusion
Références bibliographiques et webographiques

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