Cartographie Des Marchés Et Des Risques
Cartographie Des Marchés Et Des Risques
Cartographie Des Marchés Et Des Risques
Cette étude a été coordonnée par la Division Études, stabilité financière et risques de l’Autorité des marchés financiers, et rédigée par les
personnes citées en dernière page. Elle repose sur l’utilisation de sources considérées comme fiables mais dont l’exhaustivité et l’exactitude
ne peuvent être garanties. Sauf mention contraire, les données chiffrées ou autres informations ne sont valables qu'à la date de publication du
rapport et sont sujettes à modification dans le temps. Toute copie, diffusion et reproduction de cette étude, en totalité ou en partie, sont
soumises à l’accord exprès, préalable et écrit de l’AMF.
-2-
SOMMAIRE
SYNTHÈSE...................................................................................................................................... 5
1. FINANCEMENT DE L’ÉCONOMIE – MACRO-FINANCE ........................................................... 11
SYNTHÈSE ............................................................................................................................................. 12
1.1. LES TENDANCES ........................................................................................................................... 12
1.2. LES RISQUES ................................................................................................................................ 24
2. ORGANISATION DES MARCHÉS ET INTERMÉDIATIONS ....................................................... 31
SYNTHÈSE ............................................................................................................................................. 32
2.1. MARCHÉS D’ACTIONS .................................................................................................................. 32
2.2. MARCHÉS OBLIGATAIRES ............................................................................................................ 38
2.3. MARCHÉS DE PRODUITS DÉRIVÉS ............................................................................................... 43
2.4. MARCHÉS DE MATIÈRES PREMIÈRES .......................................................................................... 48
2.5. MARCHÉS DE CRYPTO-ACTIFS ..................................................................................................... 55
2.6. FOCUS INNOVATION : LE DÉVELOPPEMENT DE L’INTELLIGENCE ARTIFICIELLE
DANS L’INDUSTRIE FINANCIÈRE .................................................................................................. 63
2.7. RISQUES CYBER ET OPERATIONNELS ........................................................................................... 67
3. GESTION D’ACTIFS .................................................................................................................. 71
SYNTHÈSE ............................................................................................................................................. 72
3.1. BILAN DE L’ANNÉE 2023 POUR LA GESTION COLLECTIVE MONDIALE ........................................ 72
3.2. RÉPARTITION DU MARCHÉ EN EUROPE ...................................................................................... 74
3.3. FOCUS SUR LES FONDS FRANÇAIS ............................................................................................... 75
3.4. LE POIDS DE L’INTERMÉDIATION DANS LA DISTRIBUTION DES FONDS FRANÇAIS –
FOCUS SUR L’ASSURANCE ........................................................................................................... 86
3.5. UN ENVIRONNEMENT DIFFICILE POUR LES FONDS IMMOBILIERS EN 2023 ............................... 87
3.6. ADOPTION DES OUTILS DE GESTION DE LA LIQUIDITÉ PAR LES FONDS FRANÇAIS..................... 92
3.7. FINANCE PRIVÉE AU NIVEAU MONDIAL : PERSISTANCE DES RISQUES,
ESSOR DES FONDS DE DETTE ....................................................................................................... 95
3.8. ETF : POURSUITE DE LA CROISSANCE DU MARCHÉ EUROPÉEN ................................................ 107
4. ÉPARGNE DES MÉNAGES...................................................................................................... 113
SYNTHÈSE ........................................................................................................................................... 114
4.1. CADRAGE MACRO-FINANCIER ................................................................................................... 114
4.2. ACTIVITÉ DES INVESTISSEURS PARTICULIERS FRANÇAIS EN BOURSE ....................................... 124
4.3. DIGITALISATION DES SERVICES FINANCIERS ............................................................................. 134
4.4. L’INTELLIGENCE ARTIFICIELLE (IA) DANS LES SERVICES D’INVESTISSEMENT PROPOSÉS AUX
PARTICULIERS ............................................................................................................................ 138
LISTE DES ACRONYMES.......................................................................................................142
LISTE DES GRAPHIQUES ......................................................................................................144
LISTE DES TABLEAUX ..........................................................................................................147
LISTE DES ENCADRÉS ..........................................................................................................147
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SYNTHÈSE
SYNTHÈSE
Comme chaque année, l’analyse des tendances structurelles proposée dans cette édition de la Cartographie des
marchés et des risques s’appuie sur les chiffres relatifs à l’année passée (2023) et au début de l’année en cours
(2024). La rédaction s’est achevée au 7 juin 2024 et le document ne traite donc ni des développements postérieurs
à cette date, ni de leurs conséquences en termes d’analyse de risque.
Les conditions macro-économiques se sont assouplies tandis que les divergences entre l’Europe et les États-Unis
s’accentuent
Afin de lutter contre les pressions inflationnistes, les principales banques centrales ont poursuivi en 2023 leur
mouvement de resserrement monétaire. Elles ont ainsi opéré plusieurs relèvements de leurs taux directeurs
jusqu’en septembre 2023, et ont commencé à réduire la taille de leur bilan. De fait, l’inflation a nettement reflué
dans toutes les grandes juridictions et l’impact sur la croissance mondiale s’est avéré limité. Les marchés boursiers
n’ont cessé de se montrer optimistes quant aux perspectives d’un atterrissage en douceur de l’économie et d’une
possible fin du resserrement monétaire. En conséquence, les conditions de marché se sont globalement
assouplies.
L’amélioration globale semble permettre aux banques centrales de mettre fin à la hausse des taux directeurs,
même si cette évolution majeure intervient de manière différente selon les zones géographiques. En particulier, le
niveau d’inflation en zone euro (2,6 % en mai 2024), proche de la cible des 2 %, a permis à la Banque centrale
européenne (BCE) de procéder en juin 2024 à une première diminution de ses taux directeurs de 25 points de base
(pb). En revanche, bien qu’en baisse, l’inflation aux États-Unis se maintient à 3,3 % incitant la Réserve fédérale
américaine (Fed) à laisser ses taux inchangés à ce stade. Ces divergences se retrouvent dans l’évolution contrastée
des rendements des emprunts d’État à long terme depuis le début de l’année 2023 – aux États-Unis, les taux
souverains nominaux ont augmenté plus qu’en Europe – ainsi que dans le différentiel de croissance, dont les
prévisions ont été revues à la hausse pour les États-Unis à 2,7 % pour 2024 et à la baisse à 0,8 % pour la zone euro,
par le FMI.
Les risques politiques et géopolitiques restent forts. Ils pourraient être porteurs de mauvaises surprises pour les
marchés financiers et peser sur les conditions macro-économiques
Le contexte international n’a, pour le moment, pas altéré le dynamisme des marchés : les valorisations boursières
se sont accrues jusqu'à des niveaux records, alors que la volatilité reste faible et avoisine des plus bas historiques.
L’année 2023 a été marquée par un net rebond des principaux indices mondiaux : aux États-Unis, l’indice S&P 500
a progressé de plus de 24 %, et le Nasdaq de plus de 44 % (dividendes réinvestis).
En France, le CAC 40 a augmenté de 20,1 % (dividendes réinvestis). Cette progression s’est poursuivie début 2024,
portée par la bonne orientation des bénéfices des sociétés et l’ampleur des rachats d’actions. Le CAC 40 a ainsi
franchi la barre symbolique des 8 000 points.
Les marchés primaires obligataires ont également fait preuve de dynamisme malgré le renchérissement des
conditions de financement : les émissions ont ainsi progressé de plus de 5 % sur l’ensemble de l’année. Alors
qu’elles avaient atteint en 2022 un plus bas sur 15 ans, les émissions d’obligations à haut rendement ont connu,
en particulier, un rebond notable de l’ordre de 60 % en 2023. Sur les marchés actions en revanche, le sensible
redémarrage des introductions en bourse depuis le début de l’année 2024 (les capitaux levés ont dépassé
11 milliards d’euros, plus que sur l’ensemble de l’année 2023) reste insuffisant pour enrayer l’attrition des cotes
observée depuis la crise financière de 2007.
Après la contraction des encours en 2022, la gestion collective a bénéficié d’effets de valorisation, mais a aussi
connu un pic de collecte, non loin des records historiques au niveau mondial (2 130 milliards d’euros d’après
l’EFAMA). En France, la collecte a été positive pour les fonds monétaires (45 milliards d’euros) et obligataires
(10 milliards) mais négative pour les fonds actions (24 milliards d’euros de décollecte). Les marchés de crypto-actifs
ne sont pas en reste : après une année 2023 marquée par les stigmates du « crypto winter », le cours du Bitcoin a
dépassé les 70 000 dollars, soit une progression de plus de 60 % depuis le début d’année, sans doute soutenue par
l’approbation par la SEC des premiers fonds indiciels bitcoin au comptant en janvier 2024.
Cependant, les tensions géopolitiques restent fortes, alimentées par des conflits armés dans plusieurs régions du
monde (Ukraine, Moyen-Orient, etc.) et les fortes tensions commerciales avec la Chine. D’autre part, le calendrier
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électoral est chargé avec, notamment, des scrutins récents (élections européennes, Inde) et à venir en France, au
Royaume-Uni et aux États-Unis.
De plus, la sensibilité des marchés aux « mauvaises nouvelles » semble s’être accrue et la matérialité des
ajustements pourrait être d’autant plus grande, en Europe, que les primes de risque sur les marchés actions
apparaissent très faibles, signe que les intervenants sur les marchés ne perçoivent pas ces risques comme très
prégnants. L’hétérogénéité est importante entre grandes et petites entreprises mais aussi entre secteurs : en
Europe, les valeurs cycliques ont enregistré des surperformances significatives par rapport aux valeurs défensives,
reflétant des anticipations de reprise économique optimistes qui pourraient être contrariées.
Une période prolongée de taux d’intérêt élevés pourrait être source de difficultés de financement pour les
agents économiques et augmenter le risque de crédit
La fin de la hausse des taux est un fait majeur. Pour autant, le rythme et l’ampleur du phénomène restent incertains
et un scénario de taux durablement élevés pourrait prévaloir. Les coûts de financement resteront
vraisemblablement élevés, et pèseront particulièrement sur les entreprises dont une partie significative de la dette
obligataire arrivera à échéance d’ici à fin 2026. À ce stade, les conditions sur les marchés de la dette d’entreprise
restent, néanmoins, favorables : la liquidité se maintient à un bon niveau historique et reflète notamment la très
bonne tenue du marché primaire. Initié en octobre 2023, le resserrement des primes de risque des émetteurs les
moins bien notés se poursuit, témoignant d’une hausse de l’appétit pour le risque des investisseurs. Toutefois, si
l’agence de notation S&P estime que le taux de défaut des titres de la catégorie spéculative, après une hausse
quasi-continue depuis deux ans à 4,1 % en avril 2024, devrait se stabiliser à 3,75 % en mars 2025, elle envisage qu’il
puisse atteindre 5 % en cas de croissance très modeste ou de récession, et de maintien prolongé des taux d’intérêt
aux niveaux actuels. De plus, les délais de paiement ont continué de s’allonger en 2023 dans toutes les zones
géographiques, accroissant le risque de trésorerie, en particulier pour les petites et moyennes entreprises (PME)
et les très petites entreprises (TPE), pour lesquelles ils constituent un important facteur de fragilité. S’ils
commencent à s’éroder, les niveaux actuels de leur trésorerie restent néanmoins supérieurs à ceux d’avant la crise
Covid et le taux de marge des PME françaises a globalement résisté malgré le ralentissement de l’activité 1.
Les taux élevés pèsent également sur le secteur de l’immobilier commercial. En 2023, les hausses de taux opérées,
combinées aux difficultés structurelles liées au développement du télétravail, ont contribué à une baisse des prix
et à une raréfaction des transactions. Le coût de la dette pour les acteurs du secteur a, dans le même temps, été
considérablement renchéri. Si la décollecte ne soulève pas d’inquiétude en termes de stabilité financière, les fonds
immobiliers français ont connu une baisse d’encours de plus de 12 milliards soit 6 % des 206 milliards d’euros
d’encours affichés fin 2022.
Dans un tel contexte de taux, le développement de la finance privée (fonds de private equity et fonds de dette
privée) suscite des interrogations. L’encours mondial des fonds de private equity atteint 13 100 milliards de dollars,
tiré par la croissance des fonds de LBO (et Growth), de dette et d’infrastructures. Aux États-Unis et en Europe, près
300 milliards de dette de LBO seront à refinancer en 2025 et 2026, alors que l’investissement, et plus encore les
sorties en capital des fonds, ont significativement baissé. Les fonds de dette privée connaissent aussi une évolution
très dynamique, avec un encours dépassant 2 100 milliards de dollars au niveau mondial. Si les encours et les
risques restent contenus à ce stade, en particulier en Europe, le levier est, dans une partie du secteur, significatif.
D’autre part, la valorisation des actifs des fonds est un exercice difficile reposant sur de nombreuses hypothèses
et appréciations d’experts : elle pourrait donc faire l’objet de révisions substantielles. Enfin, ce segment entretient
des interconnexions importantes avec les secteurs bancaire et de l’assurance.
En réponse aux risques émanant du secteur de la gestion d’actifs mis en lumière ces dernières années (risque de
liquidité et risque de levier), différents travaux ont été lancés, afin d’identifier et d’analyser les axes de
renforcement de la résilience : le Conseil de stabilité financière (FSB) et l'Organisation internationale des
commissions de valeurs (OICV) ont notamment revu récemment leurs recommandations sur la gestion de la
liquidité dans les fonds ouverts et sur les fonds monétaires. Ces recommandations ont déjà été en partie reflétées,
en Europe, dans les révisions des directives AIFM et OPCVM. En France, l’adoption des outils de gestion de la
1
Banque de France, Rapport sur la stabilité financière - Juin 2024
-7-
liquidité, qui permettent de limiter le risque de cessions forcées à prix décotés et d’assurer le traitement équitable
des porteurs de parts, s’est substantiellement améliorée en 2023, avant même l’entrée en application de ces
nouvelles exigences. Les travaux internationaux se poursuivent et devraient notamment permettre d’améliorer le
suivi du levier des acteurs financiers non-bancaires (en particulier les fonds d’investissement, les assurances et les
fonds de pension). Ces éléments devront être pris en compte dans les réflexions sur la mise en œuvre d’un cadre
macroprudentiel pour le secteur non bancaire, lancées par la Commission européenne début 2024.
Un regain de l’appétence au risque des investisseurs particuliers, favorisé par une digitalisation croissante, qui
augmente aussi le potentiel d’arnaques
La hausse des taux d’intérêt et l’inflation ont fait évoluer les attentes des épargnants en matière de placements
financiers : si la crise du Covid avait accentué la préférence pour les dépôts bancaires, la phase d’inflation et de
hausse des taux d’intérêt qui s’est ensuivie a réorienté l’épargne des ménages des dépôts à vue vers les comptes
sur livret. Parallèlement, concernant les actifs risqués, on note un intérêt croissant pour les placements en titres
de dettes là où l’on observait des retraits depuis 2007.
L’activité en bourse des particuliers se maintient à des niveaux supérieurs à ceux observés avant la crise Covid et
se caractérise par une tendance récente favorable aux ETF et aux néo-brokers. Ce phénomène est observé en
particulier chez les jeunes, avec de nouveaux risques liés aux phénomènes de gamification et de copy trading, et
ce d’autant plus qu’il s’agit d’une population moins expérimentée et susceptible de surestimer ses compétences
en finance 2.
Le développement continu d’une offre de produits complexes et de trading, le recours croissant à l‘intelligence
artificielle et l’influence de plus en plus forte des réseaux sociaux, devraient continuer à favoriser ces évolutions.
Une nouvelle loi promulguée en 2023, ainsi qu’un code de bonne conduite, et la mise en place d’un certificat de
l’influence responsable dans la finance en France, visent d’ores et déjà à encadrer l’activité des « fininfluenceurs ».
De plus, l’intérêt des investisseurs se tourne de plus en plus vers les crypto-actifs (9% des Français en détiennent,
alors qu’ils ne sont que 7% à détenir des actions cotées en direct). Ceux-ci constituent le « produit financier » le
plus fréquemment détenu par les nouveaux investisseurs (54 % d’entre eux). Le nombre de réclamations reçues et
le nombre de litiges sont en nette hausse et portent désormais principalement sur les crypto-actifs.
Les risques cyber se matérialisent avec une nette augmentation du nombre d’attaques et des pertes associées
Le nombre de cyberattaques a globalement augmenté dans le monde, et l’industrie financière compte pour environ
15 % des attaques répertoriées par le Center for international and security studies at Maryland (CISSM) 3. A ceci
s’ajoute l’augmentation du montant des pertes extrêmes.
Bien qu’aucun incident d’ordre systémique ne soit intervenu à ce jour, le potentiel de contagion dans le cas de la
paralysie d’un acteur d’importance majeure sur un marché est préoccupant. La filiale américaine de la banque
chinoise ICBC Financial Service, victime d’une attaque de type « rançongiciel » début novembre 2023, en est une
illustration, même si le choc a pu être contenu, avec des répercussions mineures sur les marchés des Treasuries
américains et du repo où elle opérait. L’émergence de l’intelligence artificielle concourt également aux
développements d’attaques plus complexes et sur un nombre plus important d’acteurs.
L’entrée en vigueur en 2025 de la directive sur la résilience opérationnelle numérique (Digital Operational
Resilience Act, DORA) va doter l’Union européenne des outils de gestion des risques spécifiques à la digitalisation
des services financiers et aux interconnexions sur un large panel d’acteurs. Ainsi, les règles définies s’appliqueront
aux acteurs financiers mais aussi aux entreprises tierces leur fournissant des services informatiques considérés
comme critiques, et qui représentent, elles aussi, des cibles potentielles de cyberattaques.
2
OCDE (2023). Les nouveaux investisseurs en France : attitudes, connaissances et comportements :
https://www.oecd.org/fr/daf/fin/education-financiere/new-retail-investors-in-France-FR.pdf
3
Harry, C., & Gallagher, N. (2018). Classifying cyber events. Journal of Information Warfare, 17(3), 17-31.
-8-
Les investissements restent insuffisants en Europe, notamment en faveur de la transition climatique
Les investissements dans les domaines stratégiques pour la croissance (notamment l’éducation et les nouvelles
technologies), la défense et la lutte contre le réchauffement climatique, restent insuffisants, notamment en
Europe. Dans le cas du financement de la transition énergétique, le financement par le marché a connu un
ralentissement sensible : en 2023 les émissions durables se sont élevées à 300 milliards d’euros, soit une baisse de
15 % par rapport à 2022. Même s’il repart début 2024, il reste très en deçà des besoins estimés. En effet, la
Commission européenne a chiffré les investissements à 620 milliards d'euros par an, auxquels s’ajoutent
125 milliards d’euros pour la transformation numérique. Dans ce contexte, l'Union des marchés de capitaux devrait
jouer un rôle clé, par sa vocation à mobiliser, encourager et orienter des financements de long de terme plus
importants.
-9-
Synthèse des risques :
- 10 -
CHAPITRE 1 :
CHAPITRE 2 :
1 FINANCEMENT DE L’ÉCONOMIE –
MACRO-FINANCE
SYNTHÈSE
L’environnement macro-financier a fait preuve de résilience. L’activité mondiale a résisté et les pressions
inflationnistes se sont atténuées de manière plus forte et rapide qu’attendu, conduisant les valorisations
boursières vers de nouveaux records historiques au printemps 2024. Sur les marchés primaires, les émissions
obligataires sont restées dynamiques malgré le renchérissement des conditions de financement. En revanche, sur
les marchés d’actions, la situation est plus mitigée et le sensible redémarrage des introductions en bourse depuis
le début de l’année reste insuffisant pour enrayer l’attrition des cotes observée depuis l’éclatement de la crise des
subprimes.
Les risques demeurent globalement à un niveau élevé. Les risques politiques et géopolitiques sont particulièrement
élevés. Plusieurs conflits sont en cours dans différentes régions du monde avec des risques d’escalade importants.
De plus, 2024 est la plus grande année électorale de l’histoire : près de la moitié de la population est appelée à
voter, avec en point d’orgue les élections présidentielles américaines en fin d’année.
La baisse de l’inflation a permis aux principales banques centrales de mettre fin à l’augmentation des taux.
Toutefois, la persistance de tensions inflationnistes pourrait limiter les baisses de taux ou en ralentir le rythme et
créer des différences entre zones géographiques accentuant les divergences entre l’Europe et les États-Unis. Elle
pourrait également avoir des conséquences économiques et financières défavorables. En particulier, le maintien
des taux d’intérêt à des niveaux durablement élevés pourrait peser sur les demandes intérieures et la croissance,
et les conditions de financement des agents économiques.
Enfin, les investissements dans les domaines stratégiques pour la croissance, l’éducation et les nouvelles
technologies, ainsi que dans la défense et la lutte contre le réchauffement climatique, restent insuffisants en
Europe. Dans ce contexte, l'Union des marchés de capitaux devrait avoir un rôle clé à jouer par sa vocation à
mobiliser, encourager et orienter des financements de long terme plus importants.
1.1.1. Une divergence des cycles économiques et financiers de part et d’autre de l’Atlantique
La désinflation rapide a permis à la BCE de procéder à une première baisse des taux en juin 2024
En 2023, malgré leur atténuation notable et plus rapide qu’initialement anticipée, la persistance de tensions
inflationnistes a conduit les principales banques centrales des pays industrialisés à poursuivre leur politique de
normalisation monétaire (Graphique 1 et Graphique 2). Elles ont ainsi opéré plusieurs nouveaux relèvements de
leurs taux directeurs au cours du premier semestre 2023 et ont confirmé la réduction de la taille de leur bilan,
celle-ci étant particulièrement marquée dans des pays comme les États-Unis, le Royaume-Uni ou la Suède. Dans la
zone euro, le bilan annuel consolidé de l’Eurosystème a diminué de 12 % en 2023, du fait notamment du
remboursement du troisième volet des opérations de refinancement à plus long terme ciblées (Targeted Longer-
Term Refinancing Operations, TLTRO III) et, dans une moindre mesure, de la baisse des actifs détenus à des fins de
politique monétaire. Autre fait notable, la Banque du Japon (BoJ) a mis fin en mars 2024 à sa politique de taux
d’intérêt négatifs (portés à 0,1 %) et de contrôle des taux d’intérêt 4. Elle a également commencé de réduire ses
achats de titres de dette d’entreprise et arrêté ses opérations de rachat d’ETF et de fonds immobiliers cotés (J-
REITs).
4
Décidée en 2016, cette politique visait à maîtriser le niveau des taux à long terme afin de maintenir une courbe des taux suffisamment pentue
pour atténuer l’impact de taux directeurs négatifs sur le secteur financier.
- 12 -
Graphique 1 : Inflation dans l’OCDE et évolution des prix des Graphique 2 : Taux d’intérêt directeurs et bilan des
matières premières banques centrales
Dans certains pays émergents, le recul de l’inflation a permis aux banques centrales d’abaisser leurs taux
directeurs. C’est essentiellement le cas des pays d’Amérique latine. Partout il a permis de mettre fin au mouvement
de hausse des taux directeurs initié en 2022.
Depuis le début de 2024, le mouvement de désinflation semble marquer le pas, notamment aux États-Unis, où la
croissance demeure robuste malgré un ralentissement de l’activité plus important qu’attendu, sans remettre en cause
l’arrêt des hausses de taux. Cela a conduit la Réserve fédérale américaine (Fed) à communiquer en mai sur un report
dans le temps d’une baisse de ses taux directeurs et a entraîné un rebond des anticipations d’inflation sur les marchés
(Graphique 4). En revanche, le niveau d’inflation en zone euro (2,6 % en mai 2024), plus proche de la cible de la banque
centrale (2 % sur le moyen terme), a permis à la BCE de procéder en juin 2024 à une première diminution de ses taux
directeurs de 25 points de base (pb).
- 13 -
Graphique 4 : Inflation aux États-Unis et en Europe
Plusieurs facteurs pourraient concourir à maintenir l’inflation à des niveaux supérieurs aux cibles des banques
centrales pour une durée plus longue qu’initialement anticipé. Tout d’abord, les prix des matières premières,
notamment des produits pétroliers, sont à nouveau orientés à la hausse du fait de la prolongation de l'accord de
réduction de la production de brut par les pays membres de l’OPEP, alors que les dispositifs de soutien tarifaire
nationaux apportés aux ménages sont peu à peu levés. Par ailleurs, si les difficultés d’approvisionnement ont
continué de diminuer dans l’industrie – à l’exception du secteur automobile –, les tensions géopolitiques au Proche
et Moyen Orient ont accentué les problèmes de transport maritime en Mer Rouge, contribuant à un
renchérissement important du fret, ce qui pourrait à terme peser de nouveau sur les coûts de production
(Graphique 5 et Graphique 6). Enfin, la hausse des prix dans le secteur des services demeure soutenue. Pour autant,
il convient de rappeler que, selon les projections de la BCE, l’inflation zone euro devrait s’établir à 2,2 % en 2025
puis 1,9 % en 2026 et revenir ainsi vers sa cible.
- 14 -
Dans ce contexte, la Chine qui, à l’inverse, connaît des pressions déflationnistes, fait figure d’exception. Cette
tendance s’explique pour l’essentiel par la faiblesse de la consommation des ménages et par le fait que l’économie
chinoise a été épargnée par le choc sur les prix énergétiques : le maintien des relations avec l’Iran et la Russie, qui
font l’objet de sanctions occidentales, lui a en effet permis de profiter d’un approvisionnement à faible coût.
L’activité en Europe a stagné en 2023 alors qu’elle est restée très robuste aux États-Unis
L’activité économique mondiale est restée résiliente en 2023 et sur les premiers mois de 2024. Selon les prévisions
du FMI et de l’OCDE 5, elle pourrait progresser de 3 % en 2024, niveau comparable à celui atteint en 2023
(Graphique 7). Pour autant, les divergences entre zones géographiques se sont accentuées.
En Europe, la croissance est globalement apparue très modeste en 2023, sauf dans les pays d’Europe du sud
comme l’Italie et, dans une moindre mesure, l’Espagne. L’inflation, liée à la crise énergétique, et les effets du
resserrement monétaire opéré par les banques centrales, ont pesé sur les demandes intérieures, notamment en
Allemagne et au Royaume-Uni. Peu affectée par la crise énergétique, l’activité est restée à l’inverse très dynamique
aux États-Unis, où les effets de la politique monétaire restrictive ont été par ailleurs atténués par une politique
budgétaire expansionniste. La dynamique des salaires a constitué un puissant soutien à la consommation des
ménages, qui ont aussi fait usage de l’épargne contrainte accumulée pendant la crise du Covid. Enfin, la croissance
économique est restée soutenue dans les grandes économies émergentes. Malgré un rebond post-crise sanitaire
inférieur aux attentes, du fait de la crise immobilière et la faiblesse de la demande intérieure, l’activité a accéléré
en Chine en 2023 et sur les premiers mois de 2024, mais reste sur des sentiers de croissance en deçà de ceux
prévalant avant la pandémie.
5
Perspectives de l’économie mondiale (Avril 2024) et Perspectives économiques de l'OCDE (Mai 2024).
- 15 -
Graphique 8 : Contribution à la croissance économique en Europe et aux États-Unis
Depuis le début de l’année 2024, un sensible raffermissement de l’activité européenne est toutefois perceptible,
notamment dans le secteur des services (Graphique 9) et la confiance des ménages s’est améliorée même si elle
reste en deçà des tendances de long terme (Graphique 10). La fin de la politique de resserrement monétaire et un
début de baisse des taux viennent soutenir ce mouvement.
Graphique 9 : Indice PMI des directeurs d’achats (Purchasing Graphique 10 : Confiance des ménages
Managers Index)
75
70
65
60
55
50
45
40
35
30
- 16 -
la BCE à plus brève échéance, compte tenu d’une convergence plus rapide vers la cible d’inflation et de l’atonie de
l’activité. Fait notable : les écarts de rendements (spreads) des obligations souveraines au sein de la zone euro se
sont réduits. L’écart entre les taux souverains à 10 ans italien et allemand a ainsi diminué de 70 pb entre le pic
atteint à l’été 2023 et début juin 2024 (Graphique 12). Quant à l’écart entre les taux des obligations d’État allemand
et français, il est resté stable depuis le début du resserrement monétaire, aux alentours de 50 pb.
Graphique 11 : Évolution des taux des obligations souveraines à 10 Graphique 12 : Spreads de taux souverains par rapport au Bund
ans (en %) à 10 ans (en points de base)
Les conditions de financement des agents privés sur les marchés financiers ont connu des évolutions quelque peu
similaires : la détente observée au second semestre 2023, notamment pour les entreprises de la catégorie spéculative
(high yield), s’est interrompue en début d’année 2024 (Graphique 14). Les conditions de financement se sont ensuite
stabilisées, sauf pour les entreprises les mieux notées (investment grade) aux États-Unis pour lesquelles elles se sont
légèrement dégradées, conduisant à un resserrement des écarts de rendement entre les entreprises. Sur le segment
des obligations à haut rendement, les taux se situaient toujours à niveaux significatifs, aux alentours de
respectivement 6 et 8 % en Europe et aux États-Unis.
- 17 -
Graphique 14 : Taux des obligations corporate (%)
12
11
10
9
8
7
6
5
4
3
2
1
0
-1
02/01/20
02/03/20
02/05/20
02/07/20
02/09/20
02/11/20
02/01/21
02/03/21
02/05/21
02/07/21
02/09/21
02/11/21
02/01/22
02/03/22
02/05/22
02/07/22
02/09/22
02/11/22
02/01/23
02/03/23
02/05/23
02/07/23
02/09/23
02/11/23
02/01/24
02/03/24
02/05/24
Bofa Euro Corporate Index Bofa US Corporate Index
Ice Bofa Euro AAA-AA Corporate Index Ice Bofa US AAA-AA Corporate Index
Bofa Euro High Yield Index Bofa US High Yield Index
Pour autant, la perception du risque s’est améliorée depuis l’automne, comme l’illustre la baisse des spreads de crédit,
particulièrement marquée pour les obligations spéculatives, et des credit default swaps (CDS).
Graphique 15 : Spreads marchés obligataires corporate 6 (pb) Graphique 16 : Indices CDS corporate en Europe (pb)
1200
1000
800
600
400
200
6
Les spreads corporate utilisés sont les OAS (option-adjusted spread) qui prennent en compte les options attachées à l’obligation et calculent
le spread par rapport au swap de taux libellés en euros pour les spreads européens et par rapport au swap de taux libellés en dollars pour les
spreads américains.
- 18 -
Graphique 17 : Bénéfices attendus et valorisations boursières
Les principaux indices ont ainsi atteint de nouveaux records historiques au printemps 2024, la volatilité des indices
se maintenant à des niveaux faibles (Graphique 18 et Graphique 19).
Graphique 18 : Évolution des indices boursiers Graphique 19 : Évolution de la volatilité implicite en Europe
(100=01/01/07) et aux États-Unis (%)
90
80
70
60
50
40
30
20
10
0
juil.-19
juil.-20
juil.-21
juil.-22
juil.-23
janv.-19
janv.-20
janv.-21
janv.-22
janv.-23
janv.-24
avr.-19
avr.-20
avr.-21
avr.-22
avr.-23
avr.-24
oct.-19
oct.-20
oct.-21
oct.-22
oct.-23
Les perspectives favorables de la croissance aux États-Unis, l’appréciation du dollar et, surtout, le poids plus élevé
des valeurs technologiques dans leur composition, ont contribué à la surperformance des indices américains. De
fait, depuis quelques années, l’essentiel de leur progression est portée par seulement quelques valeurs du secteur,
les « Magnificent Seven » 7 (Graphique 20). En Europe, un phénomène similaire de concentration est également
observé autour d’une dizaine de valeurs, les « Granolas » 8 issues de secteurs d’activité néanmoins plus variés
qu’aux États-Unis (technologie, santé et luxe). Sur l’année 2023, les trois valeurs françaises de ce groupe, dont le
poids dans l’indice Stoxx Europe 600 s’élève à 25 %, ont représenté la moitié de la progression de l’indice.
En revanche, le rebond des cours des foncières cotées à partir de l’été 2023, qui avait été favorisé par les
perspectives d’assouplissement monétaire, s’est interrompu au printemps lorsque les anticipations sur l’évolution
des taux d’intérêt sont devenues moins favorables (Graphique 21). Si les ratios de Loan to value (endettement net
7
Nvidia, Amazon, Microsoft, Alphabet/Goggle, Meta/Facebook, Apple et Tesla.
8
Il s’agit de GSK, Roche, ASML, Nestlé, Novartis, Novo Nordisk, L'Oréal, LVMH, AstraZeneca, SAP et Sanofi.
- 19 -
rapporté à la valeur du portefeuille immobilier) se sont améliorés, ils n’ont pas retrouvé leur niveau d’avant la
pandémie et la situation du marché immobilier professionnel complique un peu plus la gestion par les sociétés de
leurs actifs immobiliers et donc leur trajectoire de désendettement.
Graphique 20 : Performances des valeurs américaines Graphique 21 : Évolution de l’indice Euro Stoxx 600
(100=01/01/2019) (taux de variation, en %)
Source : Refinitiv Datastream ; Dernière observation 07/06/2024 Source : Refinitiv Datastream ; Données au 07/06/2024
De même, le décrochage des petites et moyennes valeurs par rapport aux grandes capitalisations observé en
Europe en 2022 s’est confirmé en 2023, du fait notamment de leur sensibilité plus forte au cycle industriel
européen et à l’augmentation des coûts de financement. Depuis la fin d’année 2023, un net rebond est perceptible
mais les petites et moyennes valeurs restaient, au début du mois de juin 2024, largement en deçà des niveaux qui
prévalaient avant l’invasion de l’Ukraine et le début de la crise énergétique.
Graphique 22 : Évolution comparée des indices boursiers selon la
taille des entreprises – France
Les rendements boursiers ont été améliorés par les politiques de distribution de dividendes, qui ont dépassé
1 660 milliards de dollars en 2023, en hausse de 5 % sur un an, selon la société Janus Henderson Investors. En
revanche, les rachats d’actions ont reculé de 14 %, constat qui reflète surtout les mouvements observés sur le
marché américain, ce dernier représentant près de 70 % des volumes mondiaux. Dans ce pays où les rachats
d’actions sont massivement financés par endettement, la hausse du coût du crédit a pesé sur les montants
distribués, qui ont reculé de 17 %. Ce repli a particulièrement affecté le secteur technologique mais a partiellement
été compensé par la progression des dividendes. Ainsi, l’entreprise Meta a réduit ses rachats d’actions de plus de
30 % mais a versé son premier dividende en 2024.
En France, les montants distribués aux actionnaires ont atteint un record historique à près de 100 milliards d’euros
pour les sociétés du CAC 40, soit une hausse de plus de 20 % par rapport à 2022, dont 67 milliards d’euros de
dividendes (Graphique 23). Le CAC 40 dividendes réinvestis a ainsi progressé de 20 % en 2023 contre 16,5 % hors
dividendes réinvestis. Les rachats d’actions ont également atteint un montant record, à 33 milliards d’euros, soit
- 20 -
une hausse de près de 30 % par rapport à 2022. Le développement des rachats d’actions n’est pas propre à la
France : il s’observe également dans de nombreux autres pays d’Europe continentale, tels que l’Italie, l’Espagne, la
Norvège et la Belgique. Pour autant, les entreprises européennes ayant augmenté leurs rachats en 2023 ont été
quasiment aussi nombreuses que celles qui les ont réduits et la hausse des rachats d’actions reste plus faible que
celle des dividendes.
Graphique 23 : Dividendes et rachats d’actions en France Graphique 24 : Dividendes et rachats d’actions en Europe et
(en milliards d’euros) aux États-Unis (en milliards de dollars)
120 1 600
1 400
100
1 200
80
1 000
60 800
600
40
400
20 200
0
0 2016 2017 2018 2019 2020 2021 2022 2023 2016 2017 2018 2019 2020 2021 2022 2023
2016 2017 2018 2019 2020 2021 2022 2023
États-Unis Europe
Dividendes en numéraire Rachats d'actions
Dividendes Rachats d'actions
Malgré un environnement moins propice, les marchés primaires obligataires sont apparus très
dynamiques
L’activité sur les marchés primaires obligataires au niveau mondial est restée dynamique en 2023 et sur les
premiers mois de 2024 malgré la poursuite du resserrement monétaire dans la plupart des régions du globe et la
montée des tensions géopolitiques. Les émissions ont ainsi progressé de plus de 5 % sur l’ensemble de l’année.
Alors qu’elles avaient atteint en 2022 un plus bas de 15 ans, les émissions d’obligations à haut rendement ont
connu en particulier un rebond notable de l’ordre de 60 % en 2023, rebond qui s’est poursuivi sur les premiers
mois de 2024, notamment aux États-Unis. Les émissions dans les pays émergents ont également progressé de
manière substantielle, avec une hausse des montants levés de plus de 10 %. L’hiver 2023 a été particulièrement
actif, les émetteurs profitant de la détente des taux d’intérêt dans un contexte d’anticipation de baisse des taux
par les banques centrales pour faire appel au marché.
Graphique 25 : Émissions obligataires dans le monde Graphique 26 : Émissions obligataires high yield, Monde
(en milliards d’euros) (en milliards d’euros)
10 000
9 000 700
8 000
600
7 000
500
6 000
5 000
400
4 000
300
3 000
2 000 200
1 000
100
0
2019 2020 2021 2022 2023 2024 22 T4 23 T1 23 T2 23 T3 23 T4 24 T1 24 T2*
S1* 0
Sociétés non financières Sociétés Financières Gouvernements 2019 2020 2021 2022 2023 2024 22 T4 23 T1 23 T2 23 T4 24 T1 24 T2
S1*
- 21 -
Après un sensible ralentissement en 2023, les émissions d’obligations durables (sustainability et sustainability-
linked bonds, obligations sociales ou obligations vertes 9) sont également apparues dynamiques sur les premiers
mois de 2024. Dans un contexte macro-financier moins favorable, les besoins de financement de la transition
énergétique et l’intérêt des investisseurs pour cette classe d’actifs continuent de soutenir ce segment de marché,
et plus précisément celui des obligations vertes, qui restent prépondérantes.
Graphique 27 : Émissions obligataires sur le segment de la finance durable (en milliards d’euros)
1 200
1 000
800
600
400
200
0
2018 2019 2020 2021 2022 2023 2024 S1*
Obligations vertes Obligations durables SLB Obligations sociales
Marchés d’actions
Malgré la bonne tenue des valorisations et la réduction de la volatilité boursière, l’activité sur le marché des
introductions en bourse a continué de ralentir en 2023. Le montant des capitaux levés lors de ces opérations au
niveau mondial s’est en effet inscrit en baisse de près de 40 %, atteignant un niveau historiquement faible. Ce
mouvement reflète avant tout le recul du nombre d’opérations en Chine et à Hong Kong. À l’inverse, un sensible
raffermissement est perceptible aux États-Unis depuis l’automne, en termes de nombre comme de montants, mais
les volumes demeurent très limités. En Europe, les capitaux levés ont dépassé 11 milliards d’euros sur les cinq
premiers mois de 2024, soit plus que sur l’ensemble de l’année 2023. Une tendance similaire est observée en
France, mais concerne essentiellement le marché des valeurs de croissance et les volumes demeurent à des
niveaux faibles, inférieurs à un milliard d’euros.
500
400
300
200
100
-
2018 2019 2020 2021 2022 2023 2024 2022 2022 2023 2023 2023 2023 2024 2024
S1* T3 T4 T1 T2 T3 T4 T1 T2*
Etats-Unis Europe de l'ouest Asie Moyen orient Reste du monde
Source : Bloomberg
*Données au 07/06/2024
9
Les sustainability bonds, ou obligations durables, sont des obligations dont le produit contribue à financer des projets nouveaux ou existants
ayant des objectifs en matière environnementale, sociale et/ou de gouvernance (ESG). Un sustainability-linked bond est un emprunt obligataire
ayant également des objectifs en matière d’ESG, mais dont les caractéristiques, notamment financières, peuvent varier selon que ces objectifs
extra-financiers sont atteints ou non. Une obligation sociale (social bond) est une obligation dont l’objectif est de financer des projets ayant un
impact social positif sur des populations cibles.
- 22 -
Les émissions de titres de capital d’entreprises déjà cotées au niveau mondial se sont infléchies en 2023 dans
l’ensemble des zones géographiques, à l’exception des États-Unis (Graphique 29). Ce mouvement s’est poursuivi
depuis le début de l’année 2024. Après un repli de 20 % en 2023, les émissions de titres de capital à Paris se sont
sensiblement raffermies, avec près de 3 milliards d’euros de capitaux levés sur les cinq premiers mois de l’année
2024.
450
400
350
300
250
200
150
100
50
0
2019 2020 2021 2022 2023 2024 2022 2023 2023 2023 2023 2024 2024
S1* T4 T1 T2 T3 T4 T1 T2*
Europe États-Unis Autres
Source : Eikon
*Données au 07/06/2024
En revanche, le rebond des émissions d’obligations convertibles observé à partir du second semestre 2022 s’est
confirmé depuis, mais les montants levés restent bien en deçà des niveaux atteints lors des années précédentes
(Graphique 30). La remontée des taux d’intérêt rend cette classe d’actifs attractive par rapport aux obligations
classiques. Cette tendance concerne également le segment des obligations convertibles contingentes (contingent
convertible bonds, ou CoCos aussi appelées Additional Tier 1 ou AT1). L’activité et les prix sur ce segment de marché
s’étaient effondrés fin mars 2023 après que le régulateur helvétique a décidé la dépréciation totale d’obligations
convertibles contingentes de Crédit Suisse dans le cadre du sauvetage de la banque. La clarification par les
régulateurs européens sur leurs interprétations respectives des réglementations en vigueur a contribué à rétablir
la confiance et à la reprise de l’activité sur ce marché, soutenue par ailleurs par la sortie de l’environnement de
taux bas, favorable à la profitabilité du secteur financier.
200
40
180 35
160 30
140 25
120 20
100 15
80 10
60 5
40 0
janv-23
mai-23
févr-23
janv-24
mai-24
févr-24
avr-23
sept-23
avr-24
juin-23
oct-23
juin-24
2024 S1
août-23
déc-23
2018
2019
2020
2021
2022
2023
mars-23
mars-24
juil-23
nov-23
20
- 23 -
1.2. LES RISQUES
1.2.1. La perspective d’un assouplissement monétaire moins rapide et/ou plus modéré qu’attendu
accroît les risques sur le financement des agents économiques
La hausse de l’inflation a permis de mettre fin aux hausses des taux directeurs des banques centrales. Mais le
fléchissement de la trajectoire de désinflation, comme son évolution divergente entre les États-Unis et la zone
euro, complique singulièrement leur tâche, notamment de la BCE, compte tenu de l’atonie de la croissance
économique européenne. En effet, bien que cette hypothèse soit peu probable, opter pour une baisse prononcée
alors que les taux américains resteraient inchangés pourrait favoriser les investissements en dollars, une remontée
des taux longs et une dépréciation de l’euro, et donc de l’inflation importée. À l’inverse, privilégier le statu quo ou
une baisse très modeste des taux d’intérêt directeurs risque de peser sur la reprise économique en zone euro, les
finances publiques et l’investissement.
L’impact de la réduction des taux directeurs des banques centrales sur la partie longue de la courbe des taux et
donc sur les conditions de financement pourrait du reste s’avérer limitée, compte tenu notamment du niveau élevé
du risque géopolitique et de l’importance des programmes d’émissions souveraines à venir en Europe comme aux
États-Unis dans un contexte de réduction du bilan des banques centrales. L’effet pourrait être amplifié si celles-ci
parviennent à ancrer les anticipations par le biais de la forward guidance et/ou décident d’assouplir le processus
de quantitative tightening.
Graphique 32 : Primes de risques sur les marchés actions Graphique 33 : Évolution de l’indice Skew
250
200
150
100
50
0
janv.-19
sept.-19
janv.-20
sept.-20
janv.-21
sept.-21
janv.-22
sept.-22
janv.-23
sept.-23
janv.-24
juil.-19
juil.-20
juil.-21
juil.-22
juil.-23
mars-19
mars-20
mars-21
mars-22
mars-23
mars-24
nov.-19
nov.-20
nov.-21
nov.-22
nov.-23
mai-19
mai-20
mai-21
mai-22
mai-23
mai-24
En Europe, les valeurs cycliques ont enregistré des surperformances significatives par rapport aux valeurs
défensives, reflétant des anticipations de reprise économique optimistes (Graphique 34). Dans un contexte où les
risques géopolitiques demeurent élevés, le risque de correction boursière ne peut être écarté, notamment si le
scénario d’accélération de l’activité devait ne pas être vérifié.
10
Il s’agit du supplément de rendement anticipé par rapport au taux sans risque exigé par les investisseurs pour investir dans des actions.
- 24 -
Graphique 34 : Performances des valeurs cycliques et défensives du Stoxx 600
Enfin, la forte concentration des performances boursières sur quelques sociétés, observée tant en Europe qu’aux
États-Unis, accroît la vulnérabilité du marché à des risques idiosyncratiques, la survenue de déceptions sur l’une
d’entre elles étant susceptible d’avoir un impact potentiel important pour le marché, d’autant que la sensibilité
des marchés aux déceptions et « mauvaises nouvelles » semble s’être accrue.
1 200
1 000
800
600
400
200
0
2024 2025 2026 2027 2028 2029 2030 2031
AAA AA A BBB BB B <=CCC NR/NA
Au premier trimestre 2024, les sociétés classées en catégorie spéculative ont profité de la détente des taux
d’intérêt pour refinancer une partie de leur dette. Selon l’agence de notation S&P, à la fin du premier trimestre
2024, la proportion de dette spéculative la plus risquée – notée B et en deçà – arrivant à échéance dans les deux
ans s’est ainsi inscrite au niveau mondial en baisse de 10 % par rapport au début de l’année, mouvement
11
Selon S&P, au 1er avril 2024, près de 30 % de l’encours de dette obligataire des entreprises financières et non financières arrivera à échéance
dans les deux ans. L’augmentation du coût de refinancement médian de la dette notée BBB arrivant à échéance d’ici fin 2024 est estimée à
2 points de pourcentage en Europe et aux États-Unis. Elle serait plus marquée pour les entreprises notées en catégorie spéculative (+3,4 points
de pourcentage pour les entreprises européennes notées BB).
- 25 -
essentiellement imputable aux sociétés non financières, pour lesquelles la majeure partie des besoins de
refinancement se situent au-delà de 2025 (Graphique 36 et Graphique 37) 12. S&P estime que le taux de défaut
cumulé sur un an des sociétés européennes classées en catégorie spéculative, en hausse quasi-continue depuis
deux ans, et qui a atteint 4,1 % en avril 2024, devrait se stabiliser à 3,75 % d’ici mars 2025 selon le scénario central.
Il pourrait néanmoins atteindre 5 % selon les hypothèses les plus défavorables, i.e. dans le cas d’une croissance
très modeste ou d’une récession, et de maintien prolongé des taux d’intérêt aux niveaux actuels 13.
Graphique 36 : Encours de dette spéculative par maturité pour Graphique 37 : Encours de dette spéculative par maturité pour
les sociétés non financières au niveau mondial les sociétés financières au niveau mondial
Note: Foreign currencies are converted to US$ on the respective report period date. Includes bonds, loans, and revolving credit facilities that are
rated by S&P Global Ratings. Source : S&P
De manière plus générale, le resserrement de politique monétaire a pesé sur les conditions d’octroi et le volume
de crédit bancaire distribué en Europe. Si les encours continuaient de progresser au premier trimestre 2024 en
France, ils stagnent dans la zone euro depuis l’été 2023 et, depuis le début de l’année, le niveau élevé des taux
d’emprunt a contribué à dégrader les perspectives d’investissement des entreprises, ce qui s’est traduit par une
baisse de la demande de crédits et ce, quelle que soit leur taille 14.
Graphique 38 : Évolution des crédits bancaires aux sociétés non Graphique 39 : Variation de la demande nette de prêts aux
financières (variation sur un an, en %) entreprises en zone euro
Par ailleurs, les délais de paiement ont continué de s’allonger en 2023 dans toutes les zones géographiques,
accroissant du même coup le risque de trésorerie, en particulier pour les PME et les TPE, pour lesquelles ils
constituent un important facteur de fragilité. Au niveau mondial, 42 % des entreprises affichaient ainsi des délais
de paiement supérieurs à 60 jours à la fin de l'année 2023 15. En France, le dépassement moyen est passé de 11,7
à 12,7 jours et la proportion des entreprises payant leurs fournisseurs avec plus de 30 jours de retard a aussi
12
S&P Global (2024): “Credit Trends: Q2 2024 Global Refinancing Update: Window Of Opportunity May Be Closing” (24/04/2024).
13
“Default, Transition, and Recovery: The European Speculative-Grade Default Rate Should Level Out At 3.75% By March 2025” (22/05/2024).
14
Enquête de la BCE d’avril 2024 sur la distribution du crédit bancaire dans la zone euro.
15
Allianz Trade (2024): “The cost of pay me later”, avril 2024.
- 26 -
augmenté à plus de 8 % fin 2023. Cette tendance pourrait contribuer à la poursuite de l’augmentation du nombre
de défaillances observée depuis début 2022, défaillances qui se situent désormais au-dessus du niveau atteint
avant la pandémie. Fait notable, le rebond des défaillances, qui concernait initialement surtout les TPE et PME,
touche désormais également des entreprises de plus grande taille.
Autre signe de tension observée sur les trésoreries des entreprises en France, plus d’un quart d’entre elles
rencontraient fin 2023 des difficultés croissantes pour rembourser leur PGE, selon une enquête de la Confédération
des petites et moyennes entreprises (CPME) 16. Dans ce contexte, le dispositif de rééchelonnement des
remboursements, qui permettait aux entreprises jusqu’à fin 2023 leur étalement sur deux à quatre années de plus
par rapport à l'échéancier initial, a été prolongé pour une durée de trois années supplémentaires 17. S’ils
commencent à s’éroder, les niveaux actuels de leur trésorerie restent néanmoins supérieurs à ceux d’avant la crise
Covid et le taux de marge des PME françaises a globalement résisté malgré le ralentissement de l’activité 18.
ETI-GE ME PE TPE
5000
4000
3000
2000
1000
Enfin, aux États-Unis, l’agence de notation Moody’s constate depuis 2022 pour les PME cotées et, plus récemment
depuis 2023 pour les valeurs cycliques, une augmentation significative de la probabilité de défaut moyen et ce,
malgré la croissance économique et la forte appréciation des valorisations boursières 19.
Le maintien de taux d’intérêt durablement hauts aux États-Unis pourrait également avoir des conséquences sur les
économies émergentes. Certaines banques centrales pourraient être ainsi incitées à ralentir ou décaler dans le
temps leur assouplissement monétaire afin d’éviter une trop forte dépréciation de leur monnaie et des fuites de
capitaux. Certes, selon le FMI, la sensibilité des rendements obligataires des pays émergents aux taux souverains
américains aurait diminué au cours du dernier cycle monétaire 20. Cette baisse serait de plus de 60 % pour les pays
d’Amérique latine par rapport à 2013, lors de l’épisode du taper tantrum. En outre, l’orientation monétaire
accommodante et la solidité de la croissance dans certaines économies émergentes pourraient contribuer à
soutenir la solvabilité des États concernés, comme en Inde ou au Brésil. Pour autant, pour certains États présentant
des dettes externes en dollars élevées, une dépréciation des monnaies par rapport à la devise américaine pourrait
s’avérer préjudiciable.
16
« La situation économique et l’accès au financement des TPE-PME au second semestre 2023 ». Enquête réalisée entre le 29 novembre et le
4 décembre 2023 auprès de 1418 dirigeants de TPE-PME.
17
Selon la Banque de France, la moitié des 107 milliards d’euros octroyés aux TPE-PME depuis 2020 dans le cadre de PGE ont été remboursés
à fin 2023.
18
Banque de France, Rapport sur la stabilité financière - Juin 2024
19
“High Yield’s Resilience Masks Underlying Weakness in Corporate Credit”, 20/05/2024
20
“Financial and climate policies for a high-interest-rate era”, Global financial stability Report, novembre 2023.
- 27 -
Le développement des marchés de capitaux, une condition nécessaire pour répondre aux besoins
massifs de financement dans l’économie européenne
Les investissements dans les domaines stratégiques pour la croissance (notamment l’éducation et les nouvelles
technologies) ainsi que dans ceux de la défense et dans la lutte contre le réchauffement climatique restent
insuffisants. Dans le cas du financement de la transition climatique plus particulièrement, le financement par le
marché a connu un ralentissement sensible en 2023. Malgré le raffermissement des émissions d’obligations vertes
depuis le début 2024, il reste très en deçà des besoins estimés. La Commission européenne a estimé que la
transition climatique nécessitera des investissements de 620 milliards d'euros par an, tandis que ceux nécessaires
à la transformation numérique nécessiteront 125 milliards d'euros supplémentaires. Dans ce contexte, les marchés
de capitaux ont un rôle clé à jouer pour mobiliser, encourager et orienter des financements de long terme plus
importants. C’est le sens de la relance de la stratégie d’Union des marchés de capitaux (cf. Encadré 1).
Encadré 1 : La relance de l’Union des marchés de capitaux : projet clé pour l’Europe
Fil rouge de la politique en matière de services financiers de la Commission depuis 2015, l’Union des marchés de capitaux
(UMC) a fait l’objet de deux plans d’action, en 2015 et 2020, et a donné lieu à de très nombreuses initiatives législatives dans
tous les domaines des marchés financiers, notamment au cours de la mandature écoulée. Compte tenu des résultats modérés
de ces plans et des besoins de financement massifs de l’économie européenne, la question de la relance du projet d’UMC est
dans tous les esprits. Les besoins de financement nécessaires selon la Commission européenne pour financer la transition
verte et énergétique (plus de 620 milliards d’euros par an jusqu’en 2030), la transition numérique (plus de 125 milliards d’euros
par an), comme les besoins de financement de la défense européenne, rendent indispensable de développer les financements
privés. Différentes prises de positions publiques en faveur d’une relance de l’UMC se sont ainsi succédées dès septembre 2023
(ministres des finances français et allemand, Banque centrale européenne 21) suivies du rapport d’Enrico Letta en avril 2024 22,
des conclusions du Conseil européen des 17 et 18 avril 2024 23, ou encore des recommandations formulées par l’ESMA fin mai
2024 24. Point commun à toutes ces publications, le besoin de réallouer l’épargne des ménages européens – aujourd’hui
massivement placée sous forme de dépôts bancaires – au profit de l’investissement de long terme et en fonds propres des
sociétés européennes, y compris, le cas échéant, via des supports moins liquides. Ces rapports ont été prolongés en France
par le rapport de la mission confiée à C. Noyer (2024) 25.
En France, certaines dispositions accompagnent l’évolution du cadre européen. En particulier, la loi industrie verte promulguée
le 24/10/23 introduit plusieurs dispositifs, notamment :
un nouveau produit d’épargne, le "plan d’épargne avenir climat", destiné aux moins de 21 ans, qui bénéficie d’une
exonération d’imposition et de contribution sociale.
une obligation d’intégrer une part d’investissement en titres non cotés (e.g. private credit/equity) dans la gestion
pilotée selon des modalités à fixer par arrêté. Les textes prévoient ici des planchers d'investissement de 4 % (profil
équilibré) à 8 % (dynamique) pour l'assurance-vie, et jusqu'à 15 % pour certains plans d’épargne retraite (PER) selon
l'horizon de placement. Ces seuils diminueraient à l'approche de la retraite.
Enfin, la loi visant à accroître le financement des entreprises et l'attractivité de la France a été définitivement adoptée le 5 juin.
Cette loi rassemble un grand nombre de mesures concernant les sociétés cotées, la gestion d’actif et les marchés, dont le point
commun est de chercher à faciliter le financement des sociétés par le marché. En ce sens, elle s’inscrit dans l’esprit du projet
d’Union des marchés de capitaux et complète les efforts conduits au niveau européen pour promouvoir l’accès des entreprises
aux marchés de capitaux en modifiant les règles de cotation (Listing Act), dont elle transpose par anticipation les dispositions
relatives aux droits de vote multiples. La loi autorise ainsi les sociétés à s’introduire en bourse en se dotant d’actions de
préférence conférant des droits de vote multiples, dont elle précise les modalités et les garde-fous. Parmi les autres mesures
qui intéressent directement l’AMF, la loi introduit également des dispositions visant à libéraliser le régime des augmentations
de capital et à numériser les assemblées générales et les réunions des organes de gouvernance. La loi relève également à
500M€ le seuil de la capitalisation boursière des entreprises cotées en deçà duquel un fonds commun de placement à risques
(FCPR) peut investir en titres de capital ou donnant accès au capital, dans la limite de 20 % de l’actif du fonds.
21
Discours de Christine Lagarde, présidente de la BCE, lors du Congrès bancaire européen
22
Letta E. (2024) ; Much more than a market-Empowering the Single Market to deliver a sustainable future and prosperity for all EU Citizens ;
Report commissioned by the European Commission and the European Council ; April.
23
Conseil européen (2024) ; Conclusions du Conseil européen des 17 et 18 avril 2024.
24
“Building more effective and attractive capital markets in the EU – Position Paper”. ESMA (mai 2024).
25
Noyer C. (2024) ; Développer les marchés de capitaux européens : Propositions pour une Union de l’épargne et de l'investissement ; avril.
- 28 -
Encadré 2 : La convergence et l’interopérabilité des normes, condition nécessaire à la bonne mise en œuvre des cadres
réglementaires de reporting en matière de finance durable
L’année 2023 a constitué une étape majeure dans le domaine de la publication d’informations en matière de durabilité par
les entreprises, avec notamment la publication des normes européennes pour le reporting de durabilité couvrant toutes les
thématiques ESG (normes ESRS – European Sustainability Reporting Standards), préparées par le Groupe consultatif
européen sur l’information financière (EFRAG) et définies dans le cadre de la nouvelle directive sur le reporting de durabilité
des entreprises (CSRD – Corporate Sustainability Reporting Directive). Celle-ci s’appliquera progressivement à compter des
exercices ouverts au 1er janvier 2024 et concernera dans un premier temps les grandes entreprises cotées. Au niveau
mondial, l'International Sustainability Standards Board (ISSB) a de son côté publié un jeu de normes sur les informations
financières liées à la durabilité ainsi que sur les risques et opportunités liés au changement climatique (IFRS-S, IFRS
Sustainability Disclosure Standards), également applicables dès 2025 sur les exercices ouverts au 1er janvier 2024. Les normes
de l’ISSB ont été approuvées en juillet 2023 par l’Organisation internationale des commissions de valeurs (OICV), qui a enjoint
les 130 juridictions membres, à envisager les moyens d'adopter, d'appliquer ou de s'inspirer des normes de l'ISSB et, dans la
négative, de l’en informer. L’ISSB a d’ailleurs mis en place un dispositif de soutien aux différentes juridictions afin de faciliter
l’adoption de ses normes.
L’alignement et l’interopérabilité des normes de durabilité, dont les ESRS et les IFRS-S, sont essentiels dans la mesure où ils
contribuent à réduire la complexité, la fragmentation et la duplication d’informations pour les entreprises et donc, le coût
du reporting. Ils constituent également une condition nécessaire à l’amélioration de la transparence et la comparabilité des
données. De fait, au cours des dernières années, l’EFRAG et l’ISSB ont travaillé à la convergence de leurs normes respectives.
Ces discussions ont abouti en mai 2024 à la publication d’un guide détaillé et d’une table de correspondance entre les deux
standards de reporting extra-financier qui permet de mieux apprécier leur interopérabilité et constitue une aide précieuse
pour les entreprises devant s’y conformer.
En dépit d’un haut degré d’alignement, des divergences subsistent cependant entre les deux normes. Les normes de l’ISSB
et de l’EFRAG sont en effet fondées sur une approche différente de la matérialité: tandis que l’ISSB a construit ses normes
sur le principe de la matérialité financière, autrement dit, en ne prenant en compte que les effets des enjeux de durabilité
sur les situation et performance financières de l’entreprise, la CSRD et les normes ESRS sont fondées sur le principe de double
matérialité, selon lequel les entreprises doivent publier des informations non seulement sur la matérialité financière mais
également sur leurs impacts sur l’environnement et la société. Par ailleurs, les thématiques environnementales abordées
apparaissent beaucoup plus complètes dans les normes ESRS. De manière plus générale, la CSRD couvre l’ensemble des
problématiques ESG. Certes, l’ISSB a indiqué avoir intégré dans son agenda de recherche les risques et les opportunités liés
à la nature et au capital humain, mais il n’a toutefois pas précisé le calendrier d’aboutissement de ses travaux.
Il convient de noter que la nécessité de convergence et de forte interopérabilité entre les cadres normatifs est tout aussi
pertinente pour d’autres réglementations en matière de finance durable, notamment celles ayant trait aux taxonomies
vertes, qui se sont développées de manière très significative, notamment en Asie du sud-est (en Thaïlande, à Singapour, et
aux Philippines en particulier). Ainsi des différences peuvent apparaître dans les objectifs environnementaux et les activités
couvertes par les différentes taxonomies, ainsi que dans les critères et les seuils permettant de classer les activités
économiques en fonction de leur alignement sur les objectifs environnementaux. À titre d’exemple, les critères d’alignement
de la taxonomie singapourienne, disponibles uniquement pour l’objectif de contribution à l’atténuation du changement
climatique, n’étaient pas alignés avec ceux de la taxonomie européenne pour près d’un tiers d’entre eux, selon une
estimation de Clarity AI publiée à l’été 2023.
1.2.2. Des réformes de la cotation en Europe en réponse à la faiblesse structurelle des introductions en
bourse et à l’attrition des cotes
L’atonie des introductions en bourse en Europe a participé à la poursuite de la baisse du nombre de sociétés cotées,
y compris les valeurs de croissance en 2023 (Graphique 41). Le Listing Act, adopté en avril 2024 dans l’Union
européenne, la loi Attractivité en France, le caractère optionnel donné par l’AMF à la tranche réservée aux
investisseurs individuels lors des introductions en bourse, ou encore le projet d’assouplissement des règles de
cotation au Royaume-Uni, visent à enrayer ces évolutions de long terme et améliorer l’attractivité des marchés
boursiers, notamment pour les valeurs moyennes, afin que ceux-ci puissent représenter une alternative efficace à
l’endettement pour le financement de la croissance des acteurs.
- 29 -
Graphique 41 : Évolution du nombre de sociétés cotées
(Données fin d'année)
3 500
3,500
Euronext - Paris
3,000 Euronext Growth - Paris
3 000
Francfort : Regulated Market
Francfort : Open Market-Entry
22,500
500
London SE : Main Market 1 694
London SE : AIM
2,000
2 000
11,500
500 852
738
11,000
000 111 112
274 50 47 1580
46
208 246 1 127 1057
500 48
707 753
480 433 379 453 395
0
Le Listing Act introduit notamment de nouvelles possibilités d’exemption de prospectus pour les entreprises cotées
depuis plus de 18 mois, c’est-à-dire pour des sociétés ayant déjà délivré au marché de la documentation au titre
de leurs obligations d’information périodique et permanente. D’une part, le seuil de dispense du prospectus est
relevé à 12 millions d’euros sur 12 mois contre 8 millions précédemment. D’autre part, les émissions secondaires
sur les marchés réglementés et les marchés de croissance seront exemptées de prospectus lorsque l’offre au
public 26 ou l’admission de titres représente sur 12 mois moins de 30 % des titres déjà admis aux négociations 27.
L’émetteur sera cependant tenu de déposer un document synthétique au contenu normé auprès de l’autorité
compétente (l’AMF dans le cas de la France) et de le mettre à disposition du public. Si les titres émis ne sont pas
fongibles avec ceux déjà cotés, l’émetteur ne bénéficiera pas d’exemption mais pourra établir un prospectus
spécifique (« EU Follow-on prospectus »). Dans ce contexte, il sera essentiel que ces nouveaux prospectus et
documents d’exemption continuent de fournir au marché une information claire, équilibrée et complète, condition
nécessaire au bon fonctionnement du marché et à un accès égal des investisseurs à l’information, y compris les
investisseurs les moins sophistiqués n’ayant pas d’accès direct aux émetteurs concernés.
Autre mesure phare, le Listing Act permettra la mise en place d’actions à droits de vote multiples par les sociétés
qui demandent leur introduction sur un marché de croissance. Les États membres restent autorisés à mettre en
place des règles propres dans des situations non couvertes par la directive. Cette question fait d’ailleurs partie
intégrante de la loi visant à accroître le financement des entreprises et l’attractivité de la France adoptée en juin
2024, celle-ci introduisant la possibilité de droits de vote multiples pour les sociétés cotées sur le marché des
valeurs de croissance, mais également sur le marché réglementé. La loi vise également à mieux accompagner le
développement des PME cotées en augmentant le plafond de capitalisation boursière des sociétés dans lesquelles
les fonds communs de placements à risque (FCPR) sont autorisés à investir, qui passe de 150 à 500 millions d’euros.
Afin de faciliter le financement des entreprises par le marché, la loi assouplit aussi les règles en matière
d’augmentations de capital sans droit préférentiel de souscription, en accroissant notamment la part maximale
réservée aux investisseurs professionnels de 20 à 30 % du capital social par an et en supprimant les règles
encadrant la fixation du prix des opérations.
Au Royaume-Uni, la FCA a proposé une réforme majeure de ses règles de cotation, devant aboutir d’ici la fin de
l’année. Celle-ci prévoit notamment la création d’un marché de cotation unique par la fusion du segment premium
avec le segment standard, moins réglementé, associé à un allègement des règles d’éligibilité. Une évolution des
règles relatives aux prospectus est également à venir, qui concernerait aussi le segment de marché AIM des valeurs
de croissance et prévoirait un élargissement des cas d’exemptions possibles.
26
Hors OPA/OPE/fusion ou scission ou en cas de procédure collective.
27
Auparavant, cette exemption n’était possible que pour la seule admission de titres, en outre uniquement sur les marchés réglementés, et
pour un volume maximal correspondant à 20 % des titres.
- 30 -
CHAPITRE 3 :
2 2. ORGANISATION DES
MARCHÉS ET
INTERMÉDIATIONS
SYNTHÈSE
Les marchés se sont inscrits dans une dynamique très positive : les valorisations boursières se sont fortement
accrues dans le monde pour atteindre de nouveaux records début 2024. La place parisienne est ainsi devenue la
première place financière en Europe en 2023 avec une capitalisation boursière totale qui a dépassé les
3 500 milliards d’euros. Sur les marchés obligataires, les volumes échangés s’inscrivent en hausse depuis l’automne
2023 et la liquidité se maintient sur un bon niveau historique, reflétant la bonne tenue des marchés primaires et
les anticipations optimistes quant aux perspectives d’un atterrissage en douceur de l’économie et d’une possible
fin du resserrement monétaire. On assiste plus généralement à une normalisation des conditions de marché sur
plusieurs segments ayant connus d’importantes tensions ces dernières années : les marché repo et de matières
premières (énergie et grains) en particulier. Les marchés de crypto-actifs sont, pour leur part, sortis du crypto-
winter et connaissent une nouvelle dynamique haussière, notamment sous l’effet de l’approbation par la Security
and Exchange Commission (SEC) des premiers fonds indiciels bitcoin au comptant en janvier 2024. Le cours du
Bitcoin a ainsi dépassé les 70 000 dollars, soit une progression de plus de 60 % depuis le début d’année. L’impact
potentiel des cryptos-actifs sur les marchés traditionnels demeure toutefois contenu, à ce stade.
Cette dynamique positive s’est également accompagnée, sur les marchés actions, d’une augmentation de la part
des transactions exécutées de gré à gré, qui a atteint un plus haut de 39,7 % au premier trimestre 2024 sur les
titres du CAC40. Sur Euronext, la tendance à la hausse marquée des volumes exécutés au fixing de clôture, déjà
constatée dès début 2019, s’est fortement accentuée en 2023-début 2024 pour dépasser 50% des volumes
échangés sur ce marché. Cette concentration des volumes en fin de journée, couplée avec une augmentation des
volumes traités en dehors des plateformes lit, pourrait fragiliser le processus de formation des prix en cours de
journée, faute de liquidité suffisante. La révision de la Directive MIF 2, adoptée en février 2024, vise précisément
à améliorer la transparence des marchés.
L’industrie financière connaît par ailleurs des transformations, en tête desquelles, le recours croissant à
l’intelligence artificielle. Cette technologie offre de nouvelles opportunités permettant de réduire les coûts de
transaction pour les investisseurs et peut s’avérer utile au régulateur dans l’exercice de ses missions, mais elle
pourrait aussi être un vecteur de pro-cyclicité et d’exacerbation des risques financiers. Et ce d’autant plus que le
nombre de cyberattaques a globalement augmenté dans l’industrie financière cette année et que cette hausse
s’est également conjuguée avec un accroissement du montant des pertes extrêmes. L’entrée en vigueur en 2025
de la directive sur la résilience opérationnelle numérique (Digital Operational Resilience Act, DORA) va permettre
de doter l’Union européenne des outils de gestion des risques spécifiques à la digitalisation des services financiers.
À l’échelle mondiale, les volumes de transaction sur actions sont repartis à la hausse pour s’établir à 10,9 milliers
de milliards de dollars en 2023, soit une augmentation de 7 % par rapport à fin 2022. Celle-ci ne suffit néanmoins
pas à effacer la baisse de 30 % observée en 2022. Alors que les volumes de transaction sont repartis à la hausse
dans les zones qui avaient connu les plus fortes corrections en 2022, Amériques et Asie-Pacifique, les transactions
dans les pays de l’EMEA ont connu un nouveau repli de 9 % en 2023.
- 32 -
Graphique 42 : Capitalisations boursières Graphique 43 : Volumes de transaction sur actions
(en milliers de milliards de dollars) (en milliers de milliards de dollars)
70,0 140 10 18
9 16
60,0 120
8
14
50,0 100 7
12
6
40,0 80 10
5
30,0 60 8
4
6
20,0 40 3
4
2
10,0 20
1 2
- 0 0 0
2017 2018 2019 2020 2021 2022 2023 2024 2017 2018 2019 2020 2021 2022 2023 2024
Total (éch.droite) Amérique Asie-Pacifique EMEA Total (éch.droite) Amérique Asie-Pacifique EMEA
Les niveaux atteints par ces capitalisations interrogent. L’analyse des Price earnings ratio (PER), qui rapporte la
valorisation boursière d’une société à son résultat net et traduit les attentes des investisseurs en termes de
bénéfices futurs, montre que la situation est contrastée. Les PER européens se situent bien en deçà de ceux des
États-Unis, qui sont très largement tirés par les sociétés fournisseuses de technologie d’IA. En Europe, un
phénomène similaire de concentration est observé autour d’une dizaine de valeurs issues de secteurs d’activité
néanmoins plus variés qu’aux États-Unis (technologie, santé, et luxe) (cf. Chapitre 1)
0,65
3
0,6
2,5
0,55
0,5
2
0,45
1,5 0,4
- 33 -
2.1.3. Une augmentation significative de la part des transactions exécutées en OTC et au fixing de clôture
Les transactions de gré à gré ont confirmé leur croissance entamée dès 2021 et atteint un plus haut à 39,7 % au T1
2024. Cette augmentation se fait au détriment des internalisateurs systématiques dont la part de marché est
passée sous la barre des 10 % à 8,3 %.
La part des transactions exécutées sur des plateformes Lit continue également de s’éroder pour s’établir à 30,1 %,
tandis que la part des échanges réalisés en OTC et reportés aux plateformes atteint désormais les 16 %.
Sur Euronext, la tendance à la hausse marquée des volumes exécutés au fixing de clôture, déjà constatée dès début
2019, s’est fortement accentuée en 2023-début 2024. En mars 2024, le fixing a représenté jusqu’à 53,6 % des
échanges et 29 composants du CAC 40 ont traité davantage au fixing qu’en continu.
Une étude réalisée en 2019 28 avait mis en avant plusieurs facteurs explicatifs, qu’il conviendra d’analyser à
nouveau à l’aune de l’augmentation de ces volumes sur période récente :
l’essor de la gestion passive, dont le mécanisme de création et annulation de parts se fait généralement
à la valeur liquidative de fin de journée et dont la réplication exacte implique de négocier au cours de
clôture ;
les obligations de meilleure exécution prévues par les textes européens sur les marchés d’instruments
financiers, MIF 2 ayant renforcé les exigences en matière d’information des clients sur l’analyse des coûts
de transaction et de l’impact de marché. La négociation au fixing de clôture en facilite le respect ;
la volonté d’échapper à l’arbitrage des HFT, généralement peu présents au fixing ;
enfin, le rôle des algorithmes d’exécution qui ont amplifié les facteurs précédents, la liquidité attirant la
liquidité.
Cette concentration des volumes en fin de journée, couplée avec une augmentation des volumes traités en dehors
des plateformes lit, pourrait avoir pour effet de fragiliser le processus de formation des prix en cours de journée,
faute de liquidité suffisante.
C’est dans ce contexte qu’une révision de la Directive MIF 2 a été adoptée en février 2024, dont le principal objectif
vise à augmenter la transparence des marchés (cf. Encadré 3).
28
Fixing de clôture : l’AMF analyse son importance dans les échanges et les facteurs explicatifs, F. Raillon, octobre 2019
- 34 -
Graphique 47 : Volumes échangés sur Euronext Paris Graphique 48 : Distribution des parts de marché des
(Valeurs du CAC 40, milliards d’euros) volumes échangés au fixing pour les titres du CAC 40
Le Conseil de l’Union européenne a adopté le 20 février 2024 la révision du Règlement MiFIR 29 et de la Directive MiFID II 30
qui réglementent ensemble les services d'investissement et les activités des marchés financiers dans l'Union européenne.
Les amendements apportés œuvrent à améliorer la transparence des marchés en entérinant l’établissement de « systèmes
consolidés de publication » de bases de données (consolidated tapes, CT) pour chaque classe d’actifs. En complément, cette
révision prévoit également une refonte des règles de transparence en redéfinissant les critères d’éligibilité aux dérogations
de transparence pré-négociation et aux différés de publication post-négociation. Le double volume cap 31 qui prévalait
jusqu’ici est aussi remplacé par un plafond unique pour les actions et titres assimilés. La hausse de la transparence attendue
doit limiter les entraves à la formation des prix et accompagner les investisseurs. Pour autant, davantage de transparence
ne doit pas s’accompagner d’une dégradation des conditions de marché pour les apporteurs de liquidité, lesquels doivent
bénéficier du temps suffisant pour couvrir leurs positions avant que l’information sur leurs transactions ne soient rendues
publique.
Révision des règles de transparence pré et post-négociation pour les instruments non-equity
La révision de MiFIR ne remet pas en cause la mise à disposition de dérogations et de différés de publication mais fait état
de la faible liquidité, au sens de l’ESMA, de nombreux instruments non-equity et plus particulièrement des obligations
d’entreprise. Une étude de l’AMF 32 montre ainsi que plus de 95 % des transactions, tant en volume qu’en nombre, sont
éligibles à des dérogations et différés pour absence de marché liquide.
Le critère de liquidité est donc simplifié pour ne retenir, au niveau 1, qu’une règle unique se fondant sur la taille d’émission.
Le texte révise les règles de différés de publication en remplaçant les critères de taille et d’absence de marché liquide par
cinq catégories de transactions combinant ces deux caractéristiques. Le délai maximum autorisé pour chacune de ces
catégories a déjà été défini mais peut être sujet à modification sur proposition de l’ESMA – seulement à la baisse donc.
29
Règlement n° 600/2014, du 15 mai 2014, concernant les marchés d’instruments financiers.
30
Directive n° 2014/65, du 15 mai 2014, concernant les marchés d’instruments financiers.
31
Mécanisme de plafonnement des volumes exemptés de transparence pre-trade.
32
À paraître.
- 35 -
L’ESMA a lancé une consultation sur ces nouvelles dispositions 33. Le nouveau texte devrait par la suite entrer en application
avant la fin de l’année.
Lancement des systèmes consolidés de publication de bases de données (consolidated tape, ou CT)
L’élaboration des CT sur les marchés européens s’inscrit dans le cadre des objectifs d’approfondissement de l’Union des
marchés des capitaux (Capital market union, CMU). La mesure doit contribuer à accentuer l’intégration des marchés
nationaux en facilitant la transmission de l’information entre les places boursières. Les CT permettront l’accès aux données
de marché essentielles (core market data), c’est-à-dire les informations sur les prix et quantités échangées de chaque
transaction financière, pour tout investisseur quelle que soit sa taille ou son importance. Les CT ne peuvent avoir une valeur
marchande que si elles apportent de l’information pertinente sur le marché concerné et dans un délai aussi proche que
possible du temps réel dans le but de contribuer au processus de formation des prix, éclairer les décisions d’investissement
et, ex post, pouvoir apprécier la qualité de l’exécution d’un ordre. Il est ainsi essentiel qu’elles puissent capter une fraction
significative du nombre et du volume des transactions.
Des CT seront proposées pour chaque classe d’actifs (obligations, actions, ETF et produits dérivés échangés de gré-à-gré), à
la manière de celles proposées sur les marchés nord-américains sous le système TRACE. La première CT à voir le jour devrait
couvrir les transactions obligataires, début 2025. Les CT actions et ETF devraient être lancées au deuxième semestre 2025.
33
La consultation est ouverte jusqu’au 28 août 2024 : MiFIR review: ESMA consults on Consolidated Tape Providers and their selection
34
Lorsque le prix de l’instrument financier proposé sur un lieu de négociation est dérivé du prix proposé sur le lieu d’émission du titre ou du
lieu d’échange le plus liquide pour le titre. Le prix de transaction dépend ainsi d’un prix public faisant office de référence
35
Les délais variaient entre 3 et 2 jours selon les marchés et/ou les instruments financiers avant 2014.
36
Règlement (UE) no 909/2014 du Parlement européen et du Conseil concernant l’amélioration du règlement de titres dans l’Union européenne
et les dépositaires centraux de titre.
- 36 -
la règle dite du « T+1 », en vertu de laquelle les transactions doivent être dénouées au plus tard le lendemain de la journée
de négociation (sous réserve de certaines exemptions et à l’exception des US Treasuries qui se dénouaient déjà en T+1).
Cette réforme, qui avait été envisagée par les États-Unis au début des années 2000 puis abandonnée, a été initiée par
l’industrie américaine. En particulier, la Depository Trust & Clearing Corporation – DTCC 37 – (i.e. le principal dépositaire
central de titres aux États-Unis) a publié en 2021 un white paper appelant la SEC à modifier ses règles afin de mettre en
œuvre le « T+1 ». Cette initiative fait notamment suite aux perturbations observées sur les marchés américains en 2020-
2021 et en particulier au cours de l’épisode de Gamestop-Robinhood qui ont mis en avant les risques liés au délai de
règlement-livraison et l’impact de sa durée sur la volatilité des marchés et les montants des marges appelées par les
chambres de compensation. Le 1er février 2023, la SEC a suivi la recommandation et adopté des règles imposant notamment
un délai de règlement-livraison réduit à un jour à compter de la négociation 38. En application de ces règles, les marchés
américains ont basculé à T+1 le 29 mai 2024. Compte tenu de leurs fortes interdépendances, les marchés canadiens,
mexicains et jamaïcains ont également réduit le cycle de règlement-livraison de leurs marchés fin mai 2024 39.
Cette décision de la SEC a été motivée par plusieurs éléments, cette dernière considérant que le « T+1 » :
entraînera une réduction des niveaux des risques auxquels les chambres de compensation et participants de
marché sont exposés pendant la durée du cycle de règlement-livraison, en termes de risques de crédit, de marché
et de liquidité, ce qui est favorable à la stabilité financière et à la liquidité ;
conduira également à une diminution des montants des marges appelées par la chambre de compensation (étant
précisé que DTCC avait estimé en 2021 que cela conduirait à une réduction de 41 % le montant des marges
appelées par la chambre de compensation NSCC pour couvrir le risque de volatilité) ;
accélérera l’accès pour les investisseurs particuliers aux titres (et à leurs fruits) dans un délai réduit, ce qui
renforcera leur confiance dans les marchés.
Actualités européennes
Le règlement CSDR a fait l’objet d’une révision en 2023. Le texte prévoit désormais que l’ESMA doit, au plus tard le 17 janvier
2025 et devra ensuite tous les deux ans, présenter un rapport au Parlement européen et au Conseil sur l’évaluation relative
à l’éventuel raccourcissement du délai de règlement-livraison contenant les éléments suivants :
une évaluation de l’opportunité de raccourcir le cycle de règlement et de l’incidence potentielle de ce
raccourcissement sur les dépositaires centraux de titres, les plateformes de négociation et les autres acteurs du
marché ;
une évaluation des coûts et des avantages d’un raccourcissement du cycle de règlement dans l’Union, une
distinction étant établie, le cas échéant, entre différents instruments financiers et différentes catégories de
transactions ;
une description détaillée des modalités de passage à un cycle de règlement plus court, une distinction étant
établie, le cas échéant, entre différents instruments financiers et différentes catégories de transactions ; et
une vue d’ensemble de l’évolution internationale des cycles de règlement et de leur incidence sur les marchés des
capitaux de l’Union.
A cette fin, l’ESMA a conduit, fin 2023, une consultation publique sur l’opportunité de passer à T+1 dans l’Union. Les
contributions qu’elle a reçues de l’industrie mettent notamment en exergue la complexité et les coûts opérationnels
importants de mise en œuvre, qui sont de surcroît répartis inégalement selon le type d’acteurs 40.
Dans l’attente de la publication du rapport de l’ESMA, la Commissaire européenne McGuinness a toutefois indiqué que la
question ne serait désormais plus de savoir « si » l’UE doit passer au « T+1 », mais plutôt de savoir « quand et comment »
cette évolution devrait être mise en œuvre 41. Au-delà de l’analyse d’impact devant être réalisée, le passage en « T+1 »
constitue un chantier aux incidences et risques multiples affectant l’ensemble de la chaine d’activité (de front à back office).
Un temps de préparation pourrait être nécessaire pour en identifier les points clés, former les acteurs concernés. La mise en
œuvre de ce passage devra se faire de façon ordonnée et convergente dans une « Europe des titres » qui reste fragmentée.
37
Accelerating the U.S. securities settlement cycle to T+1, publié par la DTCC en coordination avec la SIFMA, l’Investment company institute et
Deloitte, le 1er décembre 2021.
38
SEC Federal Register, voir Rule 15c6-1 et suivantes.
39
L’Inde est passée au T+1 en octobre 2023 pour tous les instruments « cash » tandis que les marchés chinois et japonais ont adopté la règle
du T+1 pour certains instruments financiers.
40
Voir la publication de l’ESMA ici.
41
Discours du commissaire McGuinness à la table ronde de la Commission sur la diminution du cycle de règlement à l’UE, le 25 janvier 2024.
- 37 -
Outre-Manche, le Royaume-Uni a annoncé dans un rapport d’une Accelerated Settlement Taskforce mandatée par le Trésor
britannique son ambition de passer au « T+1 » avant le 31 décembre 2027 42.
Dans un contexte global où de nombreuses juridictions et notamment le Royaume-Uni envisagent également d’adopter le
modèle du « T+1 », l’incitation à réduire le délai de règlement-livraison semble importante.
600
100
500
80
400
60
300
40
200
20
100
- -
42
UK Treasury, Accelerated settlement taskforce report, mars 2024.
43
DTCC, Daily total US Treasury trade fails.
- 38 -
Les volumes échangés sur les marchés obligataires s’inscrivent en hausse depuis l’automne dernier, s’établissant à
hauteur de 600 milliards d’euros par mois début 2024 contre environ 500 milliards sur la même période en 2023.
Comme chaque année, la saisonnalité a été forte avec des contractions prononcées des volumes durant l’été et un
point bas au mois de décembre, deux fois inférieur aux volumes échangés en novembre. L’activité relativement
modérée sur les marchés obligataires sur la première partie de l’année 2023 trouve une partie de son explication
dans le resserrement progressif du bilan de la BCE. Les achats nets de titres dans le cadre du Programme d’achat
d’urgence face à la pandémie (Pandemic Emergency Purchase Programme, PEPP) et du Programme d’achat d’actifs
(Asset Purchase Programme, APP) sont, en effet, interrompus depuis 2022, et les réinvestissements dans ce dernier
programme ont pris fin en juillet 2023. En conséquence, les marchés s’avèrent plus sensibles aux chocs externes
et aux effets d’annonces que par le passé.
Depuis l’automne 2023, l’activité est plus soutenue tant sur les titres souverains que d’entreprise. Cet attrait peut
s’expliquer par l’augmentation du rendement réel des obligations françaises grâce à une inflation plus contenue
en France. De plus, la baisse de la volatilité et l’anticipation de politiques monétaires plus accommodantes de la
Fed et de la BCE ont pu accroître l’intérêt des investisseurs. D’ailleurs, les volumes sont aussi soutenus sur le
marché primaire.
100 600
800
150
80 500
600
400
60 100
400 300
40
200 50
20 200
100
0 0 0 0
44
Voir « Étude sur la liquidité des marchés obligataires français », 2015, AMF, Risques et tendances et « Mesurer la liquidité sur le marché des
obligations d'entreprises », 2019, AMF, Risques et tendances.
- 39 -
Graphique 51 : Interquartile médian des prix de transactions des 100 titres
les plus traités (en points de base – médiane mobile 10 jours)
30
25
20
15
10
L’analyse de cet indicateur révèle une amélioration de la liquidité depuis le premier trimestre 2023. Les hausses de
taux d’intérêt en 2022 et jusque début 2023 avaient systématiquement mené à des dégradations de la liquidité.
Cette causalité ne se matérialise plus sur les hausses de taux plus récentes, plus modérés de 0,25 point, qui ont été
parfaitement intégrées par le marché et qui indique un changement de la trajectoire de la politique monétaire en
Europe. Les annonces de mai, juin, août et septembre n’ont mené à aucun choc de l’indicateur.
Graphique 52 : Le marché du repo en Europe Graphique 53 : Taux pratiqués sur les obligations
(en milliards d’euros) souveraines des pays core de l’Union européenne
(General Collateral)
Source : ICMA, European Repo market Survey, Repo Rate Funds Source : ICMA, European Repo market 2021 year-end, Repo Rate
Funds
L’ICMA constate des conditions de marché largement détendues en fin d’année 2023 relativement aux années
précédentes. En effet, sur les derniers exercices, les acteurs de ce marché étaient intervenus de plus en plus tôt,
dès l’été en 2022, pour régulariser leurs positions par crainte de raréfaction de collatéral de haute qualité (HQLA)
à l’approche de la fin de l’année. Le stress généré avait alimenté la hausse des primes sur les collatéraux allemands
et français en premier lieu mais aussi sur les spreads italiens et espagnols.
L’année 2023 semble marquer un retour à la normale avec des acteurs de marché qui n’ont commencé à régulariser
leurs positions qu’à partir d’octobre, comme c’était traditionnellement le cas avant 2020, limitant ainsi la hausse
- 40 -
des primes. Les taux repo sur les collatéraux allemands et français se sont limités à €STR-250 bp et €STR-150 bp 45
respectivement en octobre, avant de s’éroder à €STR-60 bp et €STR-40 bp en fin d’année. L’ICMA explique ce retour
à la normale par :
la disponibilité du collatéral souverain liée au re-paiement continu du TLTRO III et au remboursement
des programmes (Pandemic emergency purchase programme, PEPP) et (Public sector purchase
programme, PSPP). La hausse des collatéraux a aussi été soutenue par des émissions nettes des
gouvernements européens en hausse en 2023 (à 470 milliards d’euros) ;
la réduction des positions des hedge funds en Europe qui se sont reportés sur les marchés américains et
japonais ;
la baisse de la base EUR-USD qui avait généré des opportunités de swap de l’euro pour les détenteurs
de dollar. Avec un cours proche de la parité en fin d’année 2023, les pressions à la dépréciation de l’euro
vis-à-vis du dollar se sont amoindries ;
les grandes banques semblent aussi avoir rencontré moins de pressions sur leurs exigences
réglementaires en capital (ratio de levier), libérant la tension sur les actifs de haute qualité 46.
45
À titre de comparaison, en 2022, les primes étaient montées à €STR-350 bp pour le collatéral allemand et €STR-250 bp pour le collatéral
français.
46
Ces dernières années, cette pression réglementaire s’était matérialisée par une hausse des taux sur les bons du Trésor américains de très
court terme, qui sont une alternative au marché repo. La baisse de ces taux fin 2023 peut être vue comme la baisse de cette pression.
47
Là où le repo est un prêt avec collatéral, les SBSC n’apportent aucune marge initiale et ne sont pas soumis à des appels de marges. Ils
n’autorisent pas la substitution des actifs et contraignent les acheteurs à payer des coupons aux vendeurs jusqu’à maturité.
- 41 -
Encadré 5 : Focus sur le Basis Trade sur Treasuries US
Au troisième trimestre 2023, la Fed 48 et la BRI 49 se sont inquiétées de la hausse des positions spéculatives tenues par les
hedge funds sur le marché de la dette souveraine américaine (Treasuries). Ces positions spéculatives, appelées « basis
trade », ont atteint des niveaux similaires à ceux des deux dernières crises sur ce marché (stress sur le marché repo en
septembre 2019 et le dash-for-cash en mars 2020). En effet, les positions courtes nettes sur les futures Treasuries ont atteint
environ 600 milliards de dollars, tandis que les montants compensés déclarés par les hedge funds (HF) ont doublé entre
octobre 2022 et mai 2023.
Les stratégies de basis trade sont des arbitrages qui visent à exploiter un écart de prix (la « base ») existant à un instant
donné entre les Treasuries et les contrats à terme sur les mêmes obligations 50. En 2023, les HF ont acheté des obligations et
tenu des positions majoritairement vendeuses sur les contrats futures (lesquels étaient fortement valorisés relativement au
sous-jacent). L’acquisition des obligations a été financée sur le marché du repo dans le but de bénéficier d’un effet de levier
synthétique puisque les obligations acquises servent de collatéraux aux emprunts. L’opération génère un bénéfice dès lors
que la différence entre le prix de vente des futures est supérieur au cours de l’obligation ajouté du coût de financement de
l’opération sur le marché repo lorsque les contrats sont amenés à maturité. Les opportunités d’arbitrage sont généralement
très faibles, mais le levier du marché repo, cumulé au levier synthétique issu des marchés à terme 51, permet de maximiser
le profit de l’opération en investissant des montants généralement très élevés. La BRI a observé des niveaux de levier jusqu’à
70 fois sur le future 5 ans sur l’US Treasuries et jusqu’à 50 fois sur le future 10 ans équivalent.
De tels niveaux de levier peuvent conduire à des débouclages anticipés en cas de variations de marges importantes sur les
marchés à terme et repo. Les marges imposées par les chambres de compensation sont particulièrement sensibles à la
volatilité des taux d’autant qu’un tel évènement augmente le besoin de liquidité des opérateurs de marché. La BRI a d’ailleurs
signalé que les deux précédentes crises sur les Treasuries ont été précédées par une hausse des exigences de marges initiales.
De plus, le taux repo détermine le coût de financement de la stratégie et se révèle très sensible au manque de liquidité 52
dans un contexte de resserrement monétaire.
Les stratégies de basis-trade sont, en revanche, faiblement répliquées sur les titres européens. Les futures sur les titres de
dette allemande ou française présentent des positions ouvertes globalement stables ou en déclin depuis 2022, ne faisant
pas craindre une accumulation des positions comme sur les futures sur Treasuries. De même, le niveau de dette souveraine
mise en pension (repo) est deux fois plus faible en Europe qu’aux États-Unis. Néanmoins, les interconnexions sont fortes et
un stress sur le marché des taux aux États-Unis pourrait avoir des effets de contagion sur les marchés européens.
Qui plus est, les risques de levier sont suivis par les autorités compétentes dans le cadre de l’article 25 Directive AIFMD qui
impose un reporting trimestriel des niveaux de levier des fonds d’investissement alternatifs auxquels appartiennent les HF.
Dans le cas où une autorité détecterait un fonds, ou un groupe de fonds, qui utiliserait un effet de levier susceptible de faire
porter un risque pour la stabilité financière, elle peut forcer le gérant à le réduire 53. L’article 25 n’a été activé qu’à deux
reprises en Europe, par l’autorité irlandaise fin 2022 pour réduire le levier des fonds immobiliers 54 et par les autorités
irlandaise et luxembourgeoise en mai 2024 pour les fonds GBP LDI.
2.2.4. Révision des règles de compensation sur les marchés de titres souverains et de repo aux États-
Unis
Le 13 décembre 2023, la SEC a adopté de nouvelles règles de gestion des risques des chambres de compensation
centrales (CCC) dans le but d’encourager la compensation des transactions sur le marché des titres souverains
américains. Celui-ci est le plus important au monde dans cette classe d’actifs, de l’ordre de 26 000 milliards de
dollars, mais demeure majoritairement non-compensé (pour 70 à 80 % selon la SEC), générant des risques pour la
48
https://www.federalreserve.gov/econres/notes/feds-notes/recent-developments-in-hedge-funds-treasury-futures-and-repo-positions-
20230830.html
49
https://www.bis.org/publ/qtrpdf/r_qt2309w.htm
50
Le prix à terme rend compte de la valeur de marché de la détention du sous-jacent à la date du terme. L’écart rémunère la prise de risque.
51
Les marchés à terme génèrent un levier dit synthétique puisque l’apport de marges équivalent à une fraction des positions prises suffit à
intervenir sur ces marchés. Bien évidemment, les opérateurs sont ensuite sujets à des variations de marge quotidiennes auxquelles ils doivent
répondre.
52
En septembre 2019, l’échéance d’un paiement d’impôt sur les sociétés aurait contribué à assécher les liquidités des banques, conjuguée à
l’émission de nouveaux Treasuries, entrainant le stress sur le marché repo.
53
L’autorité doit suivre une procédure faisant intervenir l’ESMA et l’ESRB.
54
L’autorité irlandaise fin 2022 a imposé une limite de levier aux fonds immobiliers investis lorsqu’ils sont investis à au moins 50 % sur le marché
irlandais. La limite a été fixée à 250 % avec effet immédiat et une phase de transition de 5 ans pour les fonds déjà existants.
- 42 -
stabilité financière des États-Unis avec des répercussions pour l’ensemble des économies 55. La SEC souhaite un
encadrement plus important des transactions sur ce segment et plus spécifiquement des opérations repo,
particulièrement actives sur les titres américains et très sensibles à la disponibilité du cash pour la constitution des
collatéraux, ce qui a pu être constaté lors des déstabilisations dérivées du dash-for-cash en mars 2020.
La SEC va imposer, aux CCC sous leur autorité, la compensation :
des opérations de repo et reverse repo conclues par un membre de la chambre de compensation et
garanties par des titres du Trésor américain, à l’exception des contreparties de gouvernements locaux,
fédéraux ou d’autres organismes de compensation. Les transactions intra-groupe seront aussi exempts
de l’obligation ;
de toutes transactions d’achat ou de vente conclues par un membre de la chambre de compensation qui
est un broker ou conclues sur le marché interdealer ;
de toutes transactions conclues entre un membre de la chambre de compensation et un intermédiaire
pour le compte de tiers ou pour son compte propre intervenant sur titres souverains.
L’obligation de compensation sur les transactions repo commencera au 30 juin 2026, mais le reste de la reforme
prendra effet en amont dès le 31 décembre 2025.
Un changement de fonctionnement du marché américain devrait avoir des répercussions sur les opérateurs
européens, entre autres, intervenant sur ce marché. L’instauration de marges obligatoires sur les transactions repo
doit aider les banques et autres contreparties qui prêtent sur ce marché, mais accroît aussi les coûts de transactions
pour les emprunteurs, notamment les hedge funds. Ainsi, le levier associé aux stratégies de basis trade (tels que
présentés dans l’Encadré 5) devrait diminuer, contractant les gains potentiels et l’occurrence de ces opérations.
55
Les banques centrales et les banques commerciales détiennent une grande partie des titres souverains américains. À noter que ces titres
servent de benchmark pour les actifs sans risque dans le monde.
- 43 -
Graphique 54 : Dérivés de gré à gré - montant notionnel Graphique 55 : Montants en valeur de marché brute
global (en milliers de milliards de dollars) (en milliers de milliards de dollars)
800 40
Autres dérivés
Autres dérivés
Dérivés de crédit
700 Contrats sur actions 35
Contrats sur actions
Dérivés de crédit
Contrats de change
600 Contrats de change 30
Contrats de taux d'intérêt
Contrats de taux d'intérêt
500 25
400 20
300 15
200 10
100 5
0 0
Les expositions brutes de crédit – qui corrigent les valeurs brutes de marché des expositions croisées entre
institutions financières, constituant ainsi un indicateur agrégé de risque de contrepartie des positions sur dérivés
insensible à la compression – ont enclenché une dynamique baissière en 2023, n’effaçant pas la forte hausse
enregistrée en 2022. Elles se sont établies à 3 125 milliards de dollars fin 2023.
Graphique 56 : Expositions brutes de crédit
(en milliards de dollars)
6 000
5 000
4 000
3 000
2 000
1 000
Source : BRI
L’encours de dérivés de taux d’intérêt compensés s’est maintenu à un niveau stable à 76 % du total en 2023 pour
402 000 milliards de dollars en fin d’année. À l’inverse, il a baissé pour les credits default swaps (CDS), puisque la
part de l’encours compensée est passée de 70 à 65 % entre le premier et le deuxième semestre 2023, terminant
l’année à 56 000 milliards de dollars.
- 44 -
Graphique 57 : Encours mondial (notionnel) de dérivés de Graphique 58 : Encours mondial (notionnel) des credit
taux d’intérêt par type de contrepartie default swaps par type de contrepartie
(en milliers de milliards de dollars) (en milliers de milliards de dollars)
700 70
Clients non-financiers Clients non-financiers
Autres institutions financières Autres institutions financières
600 -dont CCP 60 -dont CCP
Dealers déclarants Dealers déclarants
500 50
400 40
300 30
200 20
100 10
- 0
- 45 -
Graphique 59 : Activité des prestataires de service d’investissement (PSI) français
sur swaps de taux fixes contre taux variables EUR, GBP ou USD
En 2023, les volumes échangés sur swaps de taux se sont maintenus à un niveau élevé dans le contexte de poursuite
de la remontée des taux. Ils se sont cependant établis en recul, passant de 36 000 à 30 000 transactions entre le
premier trimestre 2023 et celui de 2024. L’activité sur swaps de taux a largement profité aux plateformes
américaines qui présentent la part de marché la plus élevée depuis le deuxième trimestre 2022. Début 2024, elles
ont attiré jusqu’à 46 % des transactions. Dans le même temps, la part de marché des plateformes néerlandaises
s’est contractée à hauteur de 30 %.
Concernant les dérivés de crédit, les volumes de transactions ont considérablement baissé en 2023, passant de
12 000 à 7 000 transactions entre les premiers trimestres 2023 et 2024. Les volumes se sont stabilisés à ce niveau
sur les trois derniers trimestres. Le report de l’activité depuis le Brexit a très largement bénéficié aux SEF américains
qui comptaient pour plus de la moitié des échanges depuis début 2021. Les deux derniers trimestres disponibles
- 46 -
marquent cependant un changement de tendance puisque les SEF américains ne comptent plus que pour environ
45 % des transactions, des parts de marché ayant été glanées par les MTF néerlandais qui totalisent environ un
tiers des transactions sur la même période. Dans une moindre mesure, la part de marché des OTF britanniques a
aussi augmenté ces derniers mois.
Les marges de variation versées se sont contractées de 7 % en 2023, à 745,4 milliards de dollars, le retrait étant
plus marqué pour les marges de variations reçues, à 13 % et passant sous les 1 000 milliards de dollars. La baisse
concerne l’ensemble des marges de variation, réglementaires et discrétionnaires. Des conditions de marché plus
stables et une volatilité plus modérée, sur les marchés actions et obligations en 2023 a pu réduire les marges de
variations. Rappelons que seuls 32 participants de marché prennent part à l’étude de l’ISDA et que les marges
échangées avec tout autre participant ne seront rapportées qu’unilatéralement, expliquant l’écart entre les soldes
de marges versées et reçues.
Source : ISDA
Pour les 20 plus grands participants de marché, les titres souverains sont très largement constitutifs des marges
initiales reçues et postées, ils comptaient pour environ 75 % des collatéraux apportés fin 2023. À l’inverse, les
marges de variations sont davantage composées de cash, il représentait 54 % des marges de variation reçues et
61 % des marges versées. Le reste des marges de variation (reçues et postées) se composait de titres souverains à
31 %, le reliquat se répartissant sur d’autres titres.
- 47 -
Encadré 6 : Révision de EMIR
La Commission, le Conseil et le Parlement sont parvenus à un accord politique sur la révision de l’European market
infrastructure regulation (EMIR) le 7 février 2024. L’un des principaux enjeux de cet accord est la réduction de la dépendance
des contreparties européennes aux CCP de pays tiers d’importance systémique (les CCP dites de Tier 2). Pour atteindre cet
objectif, la nouvelle réglementation introduit de nouvelles exigences pour les contreparties (financières et non financières).
Celles-ci sont désormais contraintes d’assurer la connectivité et la disponibilité des ressources pour opérer et compenser
dans des CCP de l’UE, y compris dans le cas de larges volumes ou pour de nouvelles transactions. Le point central de la
réforme est l’obligation de détenir un compte actif dans une CCP de l’UE pour les contreparties sujettes à l’obligation de
compensation des produits dérivés dans l’UE.
L’obligation concerne, pour le moment, les dérivés considérés d’importance systémique par l’ESMA, à savoir :
Les dérivés de taux d’intérêt sur l’euro ou sur le zloty polonais échangés de gré-à-gré ;
Les dérivés de taux d’intérêt de court terme (Short-term interest rate derivatives, STIR) en euros.
Concrètement, afin de garantir l’utilisation de ces comptes par les contreparties, l’accord prévoit l’obligation de
compensation pour des transactions dites « représentatives » au sein du compte actif. Les contreparties concernées devront
compenser, parmi trois classes d’actifs, au moins cinq transactions « représentatives » des contrats mentionnés plus haut et
jusqu’ici compensés dans une CCP de Tier 2 dans cinq sous-catégories selon :
la classe des transactions dérivées ;
la maturité des transactions ;
la taille des transactions.
Seuls sont soumis à cette obligation de compensation au sein du compte actif les contreparties dont l’encours notionnel de
compensation sur les dérivés considérés d’importance systémique (tels que mentionnés ci-dessus) dépasse 6 milliards
d’euros.
Les transactions « représentatives » s’appliquent à une fréquence semestrielle ou mensuelle si l’encours notionnel de
compensation de la contrepartie dépasse 100 milliards d’euros. La réforme comporte ainsi un double avantage : d’une part
une assurance de compensation aux standards européens – qui comprend des garanties de bons fonctionnements et des
stress-tests au moins une fois par an, d’autre part une visibilité et un suivi du niveau d’exposition des acteurs européens.
Les amendements ayant pour but de rapatrier la compensation en Europe, les contreparties compensant déjà 85 % de leur
notionnel sur les trois catégories de dérivés au sein d’une CCP européenne sont exemptées de ces nouvelles dispositions.
Les activités de « compensation client » doivent être retirées de l’encours de compensation des contreparties. Enfin, dans
le cas où les transactions représentatives représentent plus de la moitié du total des transactions de la contrepartie sur les
12 derniers mois, l’obligation pourra être satisfaite avec uniquement une transaction représentative par classe d’actifs,
catégorie de contrats et sous-catégories (en lieu et place de cinq transactions représentatives dans les autres cas).
Parmi les autres sujets couverts, l’accord politique sur la révision d’EMIR prévoit notamment de nouvelles règles en matière
d’autorisation de l’utilisation d’un modèle de calcul de marges bilatérales pour les dérivés non compensés centralement. En
particulier, lorsque le modèle que souhaitera utiliser ou modifier une contrepartie soumise à l’obligation d’échange de
marges bilatérales est un modèle « standard » (pro-forma), cette contrepartie devra préalablement solliciter la validation
du modèle « standard » (ou de sa modification) par l’EBA, avant de déposer une demande d’utilisation du modèle auprès de
son autorité nationale compétente.
2.4.1. La détente se poursuit pour les marchés de dérivés de matières premières agricoles
Euronext est le marché de référence pour le blé tendre en Europe et le deuxième plus important derrière le Chicago
Board of Trade (CBoT). La place parisienne traite aussi des contrats sur le maïs et le colza. Contrairement au marché
- 48 -
américain, dominé par les acteurs financiers, le marché français se caractérise par une forte présence des
entreprises commerciales qui détiennent près de 60 % des positions et sont exposées sur le marché physique.
L’année 2023 a poursuivi le mouvement de détente engagé au deuxième semestre 2022. L’éclatement du conflit
en Ukraine avait retiré de l’offre mondiale deux des principaux producteurs de grains au monde, menant les cours
de chacun des trois contrats vers leur record historique. À partir de l’été 2022, la Russie, l’Ukraine, la Turquie et les
Nations Unies se sont accordés pour autoriser temporairement des couloirs d’exportations de produits agricoles
depuis la mer Noire. L’accord a été renouvelé en novembre 2022 56, mars 2023 et mai 2023, mais n’a pas été
renouvelé depuis son arrêt le 17 juillet 2023. L’Ukraine a cependant pu réagir en établissant une nouvelle route
longeant les côtes roumaines, bulgares et turques pour gagner la mer Méditerranée.
Dans le même temps, les conditions météorologiques relativement bonnes en 2022 et 2023 ont permis des récoltes
abondantes, permettant de reconstituer les stocks et d’accroître l’offre mondiale en 2023 en dépit des sanctions
maintenues sur les exportations russes pour le marché européen notamment. Les cours des trois contrats de grains
et oléagineux ont ainsi été ramenés à leurs niveaux pré-conflit, à 200 euros la tonne pour le blé et le maïs et autour
de 400 euros la tonne pour le colza. En mai 2024, la recrudescence des tensions en Ukraine, les sécheresses en
Russie et dans le Sud des États-Unis et le climat trop humide en Europe de l’Ouest depuis l’automne ont
réenclenché un rallye sur le cours du blé, lequel a crû de plus de 20 % sur la première quinzaine de mai.
Graphique 60 : Prix des contrats Euronext Graphique 61 : Nombre de contrats MATIF échangés
(en euros par tonne) (toutes maturités, en milliers)
500 1 200 Milliers
3 000
450
1 000
400 2 500
350
800
2 000
300
250 600
1 500
200
400 1 000
150
100
200 500
50
- - -
Source : Refinitiv
Le nombre de contrats MATIF blé et colza échangés sont en forte hausse depuis la fin du premier semestre 2023
en différence annuelle (2,5 milliards en moyenne contre 1,5 milliard auparavant).
Le nombre de contrats ouverts (open interest) sur le contrat blé a diminué sur les trois premiers trimestres de
l’année, revenant à leurs niveaux de 2020 entre 300 et 400 mille contrats. Néanmoins, depuis le dernier trimestre
2023, le nombre de positions ouvertes est reparti à la hausse.
Dans le contexte de marché baissier, les institutions financières ont inversé leurs positions sur les contrats blé pour
prendre une position nette courte depuis 2023, à l’inverse des agents commerciaux. En effet, dans le contexte de
baisse des prix, les agents exposés sur le marché physique ont intérêt à acheter des contrats futures pour bénéficier
du netting de leurs positions physiques (vendeuse) et futures (acheteuse) 57.
56
Après le retrait de la Russie fin octobre.
57
Le propre des négociants de matières premières est justement d’assurer la transformation dans le temps et l’espace d’une production. Si le
second point s’entend facilement, le premier consiste à rechercher les meilleures conditions de marché pour vendre une matière première.
Cela se réalise en prenant des positions inverses sur les marchés physiques (celui du sous-jacent matière première) et le marché à terme (celui
du contrat futures).
- 49 -
Graphique 62 : Positions ouvertes et cours sur le contrat Graphique 63 : Positions brutes sur contrats blé par
MATIF blé Euronext catégorie d’acteurs
(toutes maturités, en milliers) (futures et options, toutes échéances)
Milliers
600
500
400
300
200
100
Sur le marché de l’électricité, le cours de l’indice Phelix (Physical Electricity Index) fait office de référence pour la
zone européenne. Le cours a globalement suivi le gaz naturel mais avec une volatilité plus forte. Les prix du MWh
varient entre 40 et 100 euros en ce début 2024, soit bien en deçà des prix observés en 2022 et sur le début de
l’année 2023. Cependant, comme pour le gaz naturel, les cours ne reviennent pas à leur niveau d’avant crise entre
10 et 40 euros le MWh et où les incursions au-delà de 50 euros étaient très rares. Enfin, le Graphique 64 montre
aussi des cours négatifs pour le prix de l’électricité. Ce phénomène n’est pas anormal sur ce marché où les capacités
de stockages sont très limitées tandis que la distribution est bornée par les limites d’absorption des réseaux
électriques.
La normalisation des marchés de l’énergie a permis de réduire, en 2023, les tensions sur les marges des
contreparties.
58
Le Brent est l’indice de prix du pétrole origine Mer du Nord qui sert de prix de référence pour les origines européennes.
59
Le market correction mechanism pose un plafond dynamique du prix du gaz naturel TTF dès lors que les deux conditions suivantes sont
vérifiées :
- le cours du contrat TTF front month dépasse 180 €/MWh pendant 3 jours consécutifs ;
- l’écart entre le cours du contrat TTF et le prix de référence du gaz naturel liquéfié (GNL) dépasse 35 €/MWh pendant ces 3 mêmes
jours.
Pour davantage de détails, voir encadré 2 (p47) de la Cartographie des marchés et des risques AMF de 2023.
- 50 -
Graphique 64 : Prix de l’énergie en Europe
(prix mensuel en euros/MWh et euros/baril)
EEX - Phelix, prix production constante (H-24) EEX - Phelix, "peak price" (9h-20h)
800 Gaz naturel TTF, Pays-Bas Brent (éch. de droite) 140
700
120
600
100
500
400 80
300 60
200
40
100
20
0
-100 0
Source : Refinitiv
En 2023, le cours des quotas européens a abandonné la dynamique ascendante engagée depuis 2019, en dépit de
chocs ponctuels bien que très marqués (crise pandémique, éclatement du conflit en Ukraine, et crise énergétique
à l’été 2022). Les cours ont passé la barre symbolique des 100 EUR/t en février 2023 avant de se contracter le reste
de l’année pour effacer la hausse des deux premiers mois. La chute des cours s’est fortement accélérée début 2024
pour descendre à hauteur de 50 EUR/t, fin février 2024, soit une division par deux du cours en un an. Plusieurs
raisons expliquent ce déclin :
le ralentissement de l’activité industrielle et la croissance de la génération d’énergie éolienne a réduit les
émissions de carbone en Europe laissant craindre un excédent d’offre de quotas ;
l’hiver relativement doux en Europe a réduit les besoins énergétiques de l’UE (dont les stocks sont déjà à
des niveaux élevés pour le gaz notamment), confirmant la baisse de la demande de quotas. De plus, fin
2023, de nouveaux sites de production d’électricité dans la filière hydraulique ont été lancés, augmentant
encore la part des énergies renouvelables dans le mix européen ;
les élections européennes de 2024 pourraient accentuer le phénomène en cas d’arrivée de candidats
climato-sceptiques au pouvoir.
Le cours des quotas européens est depuis repartis à la hausse pour s’établir autour de 70 EUR en mai.
60
Directive n° 2014/65, du 1er octobre 2014, Annexe 1, Section C, point 11.
- 51 -
Graphique 65 : Cours du contrat futures sur les quotas d’émission de CO2 européen
(en euros par tonne)
110
100
90
80
70
60
50
40
30
20
10
0
Sources : Refinitiv
Fonctionnement
Le nombre de permis d’émission est plafonné (cap) par une autorité. Les permis sont distribués gratuitement ou vendus par
un système d’enchères aux émetteurs de GES (usines et centrales dans le schéma 1) ou à des acteurs financiers désireux de
prendre une exposition sur le prix du carbone dans ce qui peut s’apparenter à un marché primaire. Les bénéfices générés
par la mise aux enchères des quotas participent au financement des investissements dans les projets de réduction des
émissions de carbone. Les permis sont ensuite échangeables sur un marché « secondaire » (trade), de gré-à-gré 62 ou
réglementé 63, afin de permettre aux sociétés d’ajuster leurs émissions de GES à mesure que l’année avance 64. Le niveau de
plafonnement du nombre de permis doit, en principe, être inférieur au niveau des émissions futures anticipées dans le but
d’inciter à la réduction des émissions. Le niveau du plafonnement est décroissant d’année en année et le rythme de
diminution est fixé par des règles immuables. À la fin de chaque année, les sociétés soumises à l’obligation de compensation
de leurs émissions de carbone par des quotas d’émission doivent restituer à l’autorité de contrôle (la Caisse des dépôts et
consignations en France) un nombre de permis suffisant pour couvrir leurs émissions de GES, lesquelles sont contrôlées par
des vérificateurs accrédités par un organisme national d’accréditation européen. En France, il s’agit du Comité français
d’accréditation (Cofrac). Les vérificateurs valident la déclaration des émissions réalisées par les sociétés auprès du ministère
en charge (le Ministère de la transition énergétique en France). Les quotas non utilisés à la fin de l’exercice restent dans le
système d’échange, mais leur nombre est contrôlé par des mécanismes de stabilité décrits plus bas.
61
Le premier système de cap and trade a été mis en place aux États-Unis dans les années 1990 avec des quotas contrôlant les pluies d’acides
(la présence de dioxyde de soufre dans les pluies) des installations de production d’électricité dans le cadre du Clean Air Act.
62
Les échanges de gré-à-gré sont représentés dans le schéma 1 par les échanges entre usines et centrales.
63
Liens centralisés par la bourse dans le schéma 1.
64
En effet, les émissions de GES dépendent de facteurs variables (offre, demande, productivité, températures, prix de l’énergie, investissements
dans la réduction des émissions de GES, etc.) affectant le besoin de quotas des sociétés soumises à l’obligation de compensation des émissions
carbone au cours de l’année.
- 52 -
Schéma 1 : Présentation d’un système d’échange de quotas d’émissions
Les marchés du carbone sont pensés pour avoir un pouvoir incitatif. En effet, les permis ou quotas sont des droits d’émission
d’une tonne de carbone créant ainsi un arbitrage :
si le prix des quotas est supérieur au coût des investissements nécessaires pour réduire les émissions de GES d’une
société, alors celle-ci consentira les efforts de réduction. Elle pourra ainsi bénéficier de la vente de ses permis (ou,
de manière équivalente, économiser sur les quantités de quotas à acheter) ;
à l’inverse, une situation dans laquelle le marché valorise moins les quotas d’émission n’est pas vouée à perdurer
puisque le mécanisme prévoit une réduction de l’offre de quotas d’une année sur l’autre. Une raréfaction
progressive de l’offre de quotas permet de maintenir le niveau des prix. Bien évidemment, cette dynamique
dépend de la crédibilité des mesures prises par les autorités pour fixer les objectifs environnementaux, des
politiques menées par les gouvernements pour inciter les investissements « verts » et des sanctions infligées aux
sociétés ne respectant pas leurs obligations.
Le marché européen ne couvre pas l’ensemble des secteurs économiques européens, se concentrant sur la
production d’électricité et de chauffage, l’aviation et d’autres industries intensives en énergies. Ainsi, les quotas
- 53 -
distribués ne couvrent que 40 % des émissions effectives dans l’UE 65. Les 60 % restant sont hors-périmètre pour le
moment.
Le segment des crédits volontaires a été critiqué lors de la COP27, laquelle a conclu à la maigre contribution de ces
crédits dans la réduction des émissions et à leur faible compatibilité avec l’article 6 de l’Accord de Paris. Ce dernier
65
En 2022, dans les 27 pays de l’UE, l’Islande, le Liechtenstein, la Norvège et la Suisse, le marché européen a couvert 36 % des émissions de CO2
en s’appliquant à 8 640 unités de production d’électricité, de chauffage et installations manufacturières, et 390 opérateurs aériens volant au
sein de l’Espace économique européen (EEE) et décollant d’un pays de l’EEE, de la Suisse ou du Royaume-Uni d’après le rapport annuel sur le
marché européen du carbone de la Commission Européenne.
66
Paquet de propositions législatives proposant des actions concrètes pour atteindre l’objectif de réduction des émissions de GES de 55 % en
2030 relativement aux émissions de 1990.
67
Les produits concernés sont, pour le moment, l’acier, le ciment, l’aluminium, les engrais azotés et l’hydrogène. Le périmètre sera ensuite
progressivement élargi.
68
En 2023, le gouvernement chinois a relancé son marché de quotas volontaire, le Certified Emission Reduction program (CCER), qui avait été
lancé en 2012 mais suspendu en 2017 du fait d’une faible confiance des entreprises dans sa capacité à agir de manière effective sur les émissions
de GES. Sa réouverture s’effectue avec des contrôles accrus. Le CCER a la particularité d’être le seul marché volontaire soutenu par un
gouvernement.
- 54 -
définit les principes de coopérations volontaires pour atteindre les cibles climatiques. Deux paragraphes majeurs
traitent de dispositions concernant l’échange de quotas volontaires :
L’article 6.2 prévoit que les pays puissent échanger des quotas de réduction ou destruction de carbone
via des accords bilatéraux et multilatéraux ;
L’article 6.4 prévoit la mise en place d’un marché international des crédits carbone, sous l’autorité des
Nations unies avec la mise en place d’un « Corps de supervision » tenant un registre des projets éligibles.
Toutes catégories de quotas (de conformité ou volontaires) répondant aux standards définis par le corps
de supervision pourront être offertes sur cette nouvelle instance.
Pour être proposés à l’échange sous l’article 6.4, les crédits volontaires devront se conformer à des standards
élevés. Néanmoins, l’incertitude est forte concernant la capacité des émetteurs de quotas volontaires à accroître
leurs standards de transparence. Les crédits volontaires, qui n’appartiennent à aucune juridiction ni autorité
nationale (en dehors des crédits du CCER en Chine), portent ainsi le risque de ne pas être acceptés dans les
systèmes de conformité du fait du risque accru de greenwashing.
De plus, l’article 6.4 prévoit un pouvoir incitatif plus fort avec la réduction de 2 % de l’offre de quotas d’une année
sur l’autre et l’obligation d’allouer 5 % des revenus des contrats au soutien de la transition, des critères que ne
respectent pas, pour le moment, les marchés volontaires et pour lesquels les garanties sont plus difficiles à fournir.
La baisse des quotas d’une année à l’autre risque d’aller à l’encontre de la dynamique d’expansion de ces quotas.
- 55 -
Graphique 66 : Cours des principaux crypto-actifs en euros Graphique 67 : Capitalisation boursière des principaux
stablecoins (milliards USD)
80 000 4 500 Milliards
4 000 200
70 000
180
3 500 160
60 000
3 000 140
50 000 120
2 500
100
40 000
2 000 80
30 000 60
1 500
40
20 000 20
1 000
-
10 000 500
- -
01/1/2020 01/1/2021 01/1/2022 01/1/2023 01/1/2024
Bitcoin Ether (éch. de droite) Tether USD coin DAI Binance USD Autres
69
Tether détenait dans ses réserves, au 31 mars 2024, 90,87 milliards de dollars de bons du Trésor américain, soit plus de 80 % de ses réserves.
À titre de comparaison, seuls 17 pays hors des États-Unis détiennent davantage de bons du Trésors américains que le Tether (qui en détient
autant que l’Allemagne, 90,2 milliards de dollars).
- 56 -
Encadré 8 : Halving Bitcoin
Lancé en 2008, 19,687 millions de Bitcoins ont été émis en continu à la date du 20 avril 2024. Ceux-ci sont générés par
minage, c’est-à-dire en ayant recours au processus de validation des transactions par preuve de travail (proof of work).
Chaque nouveau bloc encodé dans la blockchain Bitcoin doit être validé par la résolution d’un problème mathématique par
des agents, les « mineurs », dotés de capacités computationnelles élevées qui reçoivent, en échange, une récompense en
Bitcoins. À son lancement, 50 Bitcoins étaient décernés par blocs. Néanmoins, le nombre de blocs que cette blockchain peut
supporter est limité à 840. Afin d’assurer la pérennité économique de l’environnement Bitcoin, les mécanismes de la
blockchain prévoit la division par deux du nombre de Bitcoins offerts en récompense tous les 210 blocs. Ces évènements
sont appelés halving. Le nombre maximal de Bitcoins est ainsi plafonné à 21 millions.
Le quatrième halving est intervenu le 20 avril 2024 70, réduisant à 3,125 le nombre de Bitcoin décerné en récompense pour
les mineurs. Le rythme de minage a conduit à des halving tous les 4 ans environ depuis 2008. Limiter la création de nouveaux
Bitcoins permet de contrôler l’inflation en incitant les investisseurs à valoriser la rareté des Bitcoins. Lorsque le nombre de
Bitcoins atteindra 21 millions, sa limite, alors l’émission s’interrompra et le crypto-actif sera un actif limité.
70
Il est difficile d’évaluer avec certitude la date exacte du halving, néanmoins, les estimations convergent vers cette date.
71
Le Bitcoin Cash est un crypto-actif exploitant une ancienne version de la blockchain Bitcoin et permettant des transactions par bloc à un prix
inférieur au Bitcoin. Le Bitcoin et le Bitcoin Cash sont donc deux crypto-actifs distincts.
- 57 -
Par ailleurs, les crypto-actifs mobilisant un système de validation par proof of stake (création de nouveaux crypto-actifs est
validée par la mise en preuve de crypto-actifs déjà existants 72), tel que l’Ether, n’ont pas de plafond et n’ont pas recours au
halving. En revanche, l’offre de jetons en circulation est régulée par le « burn » (destruction) d’une partie des crypto-actifs
avancés en paiement des transactions sur la blockchain. Ainsi l’émission de nouveaux Ether correspond aussi à la destruction
d’une partie de son offre, freinant sa croissance.
72
Voir Cartographie des marchés et des risques 2023.
73
Le choix de 19 crypto-actifs tient dans la volonté de présenter un panel composé des 20 plus grandes capitalisations parmi les crypto-actifs,
en retirant le Tether, dont le cours a défendu sa parité avec le dollar. Parmi les 19 crypto-actifs se trouve le Bitcoin Cash, apparaissant dans le
Graphique 68. Celui-ci ne doit pas être confondu avec le Bitcoin, voir note 71.
74
L’indice repose sur la « eigenvector centrality » par laquelle la centralité d’un acteur est proportionnelle à la somme des centralités des
acteurs auxquels il est connecté. Il mesure ainsi l’influence relative de chaque crypto-actif dans le réseau composé des crypto-actifs du panel.
Les distances séparant les crypto-actifs étant dérivés des corrélations entre chaque paire de crypto-actifs, ainsi plus la mesure sera élevée et
plus le crypto-actif possèdera un grand degré d’intermédiarité et plus son influence sur le transfert d’information dans le réseau est supposée
élevée. Les crypto-actifs présentant les plus hauts scores de centralité sont plus à même de diffuser les risques. La méthodologie est présentée
dans la Cartographie des marchés et risques 2022.
- 58 -
Graphique 68 : Cours des 19 principaux crypto-actifs en Graphique 69 : Analyse du co-mouvement
dollars (base 100 janvier 2022) entre crypto-actifs 75
800
Lancement de la bourse SEC renonce à
2500
SEC autorise ETP
de crypto-actifs EDXM faire appel spot Bitcoin
aux Etats-Unis pour l'ETP spot
700 Grayscale
2000
600
500
1500
400
300 1000
200
500
100
0 0
75
On trouve, à l’axe des ordonnées, la valeur de la distance minimale de l’arbre couvrant de poids minimal, c’est-à-dire la traduction en distance
euclidienne de la somme des corrélations les plus fortes des crypto-actifs du panel. Cette valeur est relative et ne peut être interprétée en tant
que telle, néanmoins, elle pose un cadre d’analyse pour identifier l’évolution du co-mouvement des crypto-actifs.
76
Les protocoles de staking permettent aux utilisateurs d’immobiliser leurs actifs en échange d’une rémunération (par exemple sous forme
d'intérêts).
77
Un smart contract peut être défini comme un programme ou un code informatique inscrit sur la blockchain visant d’une certaine manière à
répliquer les fonctionnalités d’un contrat traditionnel, exécutant des transactions sur la base de certains critères, puis transmettant
l’information à la blockchain pour l’enregistrer de manière permanente. Voir le papier de discussion AMF Finance Décentralisée (DeFi),
protocoles d’échange et gouvernance, juin 2023.
- 59 -
Graphique 70 : Indicateurs de centralité des crypto-actifs Graphique 71 : Indicateurs de centralité de la finance
(moyennes glissantes sur 2 semaines) traditionnelle (moyennes glissantes sur 2 semaines)
- 60 -
notamment dans des marchés de type DEX/AMM 78. Uniswap est le plus grand protocole d’échange décentralisé
avec, en moyenne, un volume d’échange quotidien de 805 millions de dollars entre janvier et mai 2024. Cependant,
ce volume moyen ne lui permet que d’être le 8e lieu d’échange de crypto-actifs sur le début de l’année 2024. À
titre de comparaison, 23 milliards de dollars sont échangés en moyenne sur la même période sur Binance. La part
de marché d’Uniswap, qui comptait pour la moitié des volumes totaux échangés sur les protocoles d’échanges
début 2023, tend à s’étioler sur les derniers mois. Début 2024, c’est le protocole DYDX qui a, à plusieurs reprises,
dépassé Uniswap en terme de volumes échangés. DYDX présente de nombreuses particularités. D’une part, il
propose une structure différente puisqu’il réplique des carnets d’ordres sur la blockchain Cosmos, alors que la
grande majorité des protocoles d’échange ont un modèle de type AMM sur Ethereum. D’autre part, il se concentre
sur les échanges de dérivés perpétuels (futures et swaps principalement). Ces produits n’ont pas de date
d’expiration et permettent aux investisseurs de spéculer sur les prix sans contrainte de règlement physique ou cash
des sous-jacents. Ils sont particulièrement sollicités alors que les cours des crypto-actifs sont portés à la hausse
depuis le lancement des ETP spot Bitcoin et le halving qui a pu attirer les investisseurs.
Graphique 72 : Volumes échangés sur les 10 plus grandes Graphique 73 : Volumes échangés sur Uniswap (toutes
plateformes d’échange de crypto-actifs versions) et sur le reste des DEX
(en milliards de dollars, fréquence hebdomadaire) (en milliards de dollars, fréquence mensuelle)
Milliards de dollars Milliards de dollars
600 350 70%
150 30%
200
100 20%
100
50 10%
0
- 0%
78
Le modèle de protocole d’échange décentralisé (decentralised exchange ou DEX) est celui des teneurs de marché automatisés appelés
DEX/AMM (automated market maker) intégrant des réserves de liquidité (liquidity pool) constituées de paires de crypto-actifs. Ceux-ci sont
proposés à l’échange sous forme de swap selon la rareté relative des crypto-actifs dans la réserve (les cours des crypto-actifs s’apparentent
ainsi à des taux de change). Les DEX/AMM ont été présentés dans la Cartographie des marché et risques 2023 et dans le papier de discussion
de l’AMF sur le finance décentralisée (juin 2023). À noter, que quelques DEX peuvent répliquer le fonctionnement de carnet d’ordres.
79
Services sur actifs numériques tels que mentionnés au 5° de l'article L. 54-10-2 du code monétaire et financier :
- la réception et la transmission d'ordres sur actifs numériques pour le compte de tiers ;
- la gestion de portefeuille d'actifs numériques pour le compte de tiers ;
- le conseil aux souscripteurs d'actifs numériques ;
- la prise ferme d'actifs numériques ;
- le placement garanti d'actifs numériques ;
- le placement non garanti d'actifs numériques.
- 61 -
Dans cette période transitoire, la France a intoduit, par la loi du 9 mars 2023 (loi portant sur les diverses dispositions
d’adaptation au droit de l’UE, DDADUE), un régime d’enregistrement renforcé obligatoire à partir du 1er janvier
2024 pour les nouveaux acteurs souhaitant fournir les services soumis à l’enregistrement obligatoire. Il
s’accompagne de nouvelles exigences en termes de sécurité, de contrôles internes, de gestion des conflits
d’intérêts, de publication d’information (notamment des politiques tarifaires), de conservation des actifs et de
résilience et sécurité informatique. Des décrets ont été ajoutés en août 2023, demandant à l’AMF de vérifier la
sécurité des systèmes d’information des prestataires, dans le but d’apporter de nouvelles garanties de protection
des données des utilisateurs de services sur crypto-actifs. Par ailleurs, les PSAN ont dorénavant l’obligation
d’afficher des garanties de fonds propres et de souscrire à un contrat d’assurance responsabilité civile sécurisant
des rétributions aux clients en cas de défaillance du prestataire. L’AMF est en capacité de prendre des mesures
conservatoires 80 pour protéger les intérêts des clients en situation de solvabilité ou de liquidité d’un PSAN
compromise ou susceptible de l’être. Ces mesures visent à protéger les fonds des particuliers en cas de défaut d’un
prestataire et éviter la situation connue par les clients de FTX en novembre 2022 81.
L’instauration d’un cadre réglementaire encadrant ces activités pose d’ores et déjà question et plusieurs initiatives
émergent. En parallèle du papier de discussion publié en juin 2023 par l’AMF 82, l’ACPR a publié la synthèse de sa
consultation publique sur les réponses réglementaires à apporter à la finance décentralisée ou désintermédiée 83,
devant alimenter les discussions européennes sur le sujet. Les deux publications ont souligné, parmi les principaux
enjeux, l’idée d’une certification des smart contracts. En effet, ces derniers permettent de régir l’activité des
protocoles au niveau « on-chain ». Dans un rapport de l’ESMA 84, les smart contracts sont définis comme des
programmes informatiques menant des opérations reposant sur des règles immuables et déterministes
(l’exécution du smart contract est déterminée par un état de la blockchain à un moment donné). L’ESMA rappelle
que ces contrats ont un fort potentiel innovant mais que le caractère immuable, couplé à l’anonymisation de leurs
éditeurs peut mener à des comportements illicites, exploitant l’incompréhension de leurs usagers. Par ailleurs, le
phénomène de composabilité 85 du code des smart contracts peut accélérer la dispersion des risques dans
l’environnement blockchain et porter un risque systémique. Le dernier Forum FinTech ACPR-AMF en octobre 2023
a abouti à la constitution d’un groupe de travail se concentrant sur cette thématique, tout en abordant plus
spécifiquement la problématique de la certification des smart contracts. Lancé en 2024, le groupe visera à publier
un rapport de synthèse des discussions sur la faisabilité technique et réglementaire d’une telle certification.
80
Le décret prévoit la limite ou l’interdiction temporaire de l’exercice de certaines opérations par le prestataire et même la suspension des
dirigeants jusqu’à 12 mois.
81
Voir Cartographie des marché et risques 2023.
82
AMF, Finance décentralisée (DeFi), protocoles d’échange et gouvernance : vue d’ensemble, tendances observées et points de discussion
réglementaires, Papier de discussion, juin 2023.
83
Fliche, O., Uri, J., Vileyn, M., Finance « décentralisée » ou « désintermédiée » (DeFi) : quelle réponse réglementaire ? ACPR Pôle Fintech-
Innovation, septembre 2023.
84
ESMA, Decentralised Finance : A categorisation of smart contracts, ESMA TRV Risk Analysis, 11 octobre 2023.
85
La composabilité est ici la capacité des smarts contracts à être appelés par n’importe quels autres smart contracts, entraînant des interactions
auto-entretenues.
- 62 -
2.6. FOCUS INNOVATION : LE DÉVELOPPEMENT DE L’INTELLIGENCE ARTIFICIELLE DANS
L’INDUSTRIE FINANCIÈRE
Le nouvel élan que connaît l’IA a été initié par le développement d’IA dites génératives, disposant d’une grande
visibilité publique. Ces algorithmes reposent sur des modèles d’apprentissage automatisés et prennent la forme
d’applications répondant à des requêtes sous format textuel, d’image ou de tout autre média, disponibles pour un
large éventail d’acteurs. Le fer de lance de cette technologie est indéniablement OpenAI, éditeur de ChatGPT
notamment 93, accompagné d’entités des groupes Meta et Alphabet pour les principaux acteurs. Sur la scène
française, des entreprises spécialisées dans l’IA générative se démarquent aussi, telles que Mistral AI et Anthropic.
Le bouleversement sur ce segment est apporté en 2021 par le lancement de GPT-3 (OpenAI), algorithme entraîné
86
Intelligence artificielle : définition et utilisation, Parlement Européen en 2020.
87
Intelligence artificielle, de quoi parle-t-on ?, CNIL, 25 mars 2022.
88
Stratégie de l’ESMA 2023-2028.
89
Comité de l’intelligence artificielle générative, le 20 septembre 2023.
90
Les deux autres objectifs étant de renforcer les formations pour développer davantage de talents en France et investir pour favoriser
l’innovation française sur la scène internationale.
91
Masson, C., Analyse automatique des facteurs de risques publiés par les sociétés cotées : un cas d’usage du traitement du langage naturel
pour l’AMF, janvier 2023. D’autres travaux ont aussi été engagés sur l’apport de l’IA pour les régulateurs.
92
Des tests ont été lancés en IA générative dans le cadre d’expérimentations sur la classification des thèmes ESG abordés dans les communiqués
de presse des émetteurs.
93
OpenAI est aussi l’éditeur des IA DALL-E (générant des images à partir de descriptions textuelles) et Whisper (dédié à la reconnaissance et la
transcription vocales), pour les principaux projets.
- 63 -
sur des bases de données très volumineuses provenant d’internet 94 et poursuivant son apprentissage grâce aux
conversations que l’IA enregistre avec ses utilisateurs. Si l’application peut sembler éloignée des sujets financiers,
l’algorithme peut être entraîné sur des données spécifiques au secteur financier. Le principal atout des IA
génératives tient dans sa facilité d’accès qui en fait une intelligence bon marché à la disponibilité de différents
acteurs pour des ressources limitées.
94
La base d’information sur laquelle GPT-3 est entraînée se répartit de la manière suivante : 60 % CommonCrawl (collecteur de données internet
depuis 2008), 20 % Webtext (sélection des pages les plus consultées sur internet), 15 % books corpora (échantillons aléatoires de livres
disponibles en domaine public) et 5 % Wikipedia.
95
Is generative AI a game changer ?, J.P.Morgan Global Research, 14 février 2024.
96
Voir par exemple, Analyse automatique des facteurs de risques publiés par les sociétés cotées : un cas d'usage du traitement du langage
naturel pour l'AMF
- 64 -
Le respect des exigences réglementaires
Le recours à l’IA devrait permettre de doter les équipes d'un outil pédagogique leur permettant, « en temps réel »
en tant que de besoin, de mieux connaître, comprendre et appliquer la réglementation, ce qui conduirait à limiter
les manquements des acteurs vis-à-vis de la réglementation. L’IA peut constituer notamment un support
pragmatique pour accompagner les conseillers qui commercialisent des produits et/ou conseillent leurs clients, au
regard des exigences applicables ; cela semble particulièrement pertinent dans le domaine évolutif et complexe de
la finance durable.
À noter que ce problème d’oligopole des fournisseurs ne se limite pas au domaine de l’IA. Le secteur de la
fourniture de données financières est déjà fortement concentrée dans un nombre très restreint d’entreprises
(Bloomberg et LSEG notamment). D’ailleurs, les applications de l’IA à la finance sont déjà coutumières de ce
phénomène d’opacité des modèles de développement. En effet, Blackrock et son IA Aladdin (Asset, LiAbility, Debt,
Derivatives Investment Network) initialisée depuis 2000 et mise en service dès 2013, domine déjà ce segment de
marché depuis plusieurs années.
97
La note reprend les travaux publiés en 2021 par Shabsigh et Boukherouaa, 2023, sur la base des travaux de Shabsigh et al. publiés en 2021.
98
ESMA Artificial intelligence in EU securities markets, TRV risk analysis, 1er février 2023.
- 65 -
Le contrôle et la protection des données utilisées
Plus les sources d’information utilisées sont nombreuses et variées, et plus il est difficile de composer avec un
panel de données uniformes et complet. L’IA peut générer des bases de données synthétiques, normalisées
outrepasser des manquements dans les données et permettre leur exploitation. Cependant, cette capacité porte
aussi le risque de fonder une analyse sur des informations incomplètes et/ou opaques, jouant aussi au détriment
de la compréhension des modèles. Par ailleurs, plus les données proviennent de sources alternatives pour le
secteur financier (réseaux sociaux, presse, image, etc.) et plus l’attention doit être importante pour tenir compte
des spécificités de chaque source mobilisée (biais liés la subjectivité d’information de la presse ou de diffuseurs
commerciaux par exemple).
Qui plus est, le risque de mauvaise spécification des modèles augmente avec le nombre de données considérées
et leur diversité.
99
L’explicabilité dans le domaine de l’IA est définie par la CNIL comme la capacité de mettre en relation et de rendre compréhensible les
éléments pris en compte par un système d’IA pour la production d’un résultat.
100
The sceptical case on generative AI, Finantial Times, 17 août 2023.
101
ESMA, Public Statement On the use of Artificial Intelligence (AI) in the provision of retail investment services, 30 mai 2024.
- 66 -
L’IA peut aussi accompagner l’activité des régulateurs
Certes, l’IA est porteuse de risques, mais il ne faut pas pour autant négliger ses apports dans la prévention de ceux-
ci, notamment pour les régulateurs. Les capacités computationnelles de l’IA permettent de traiter un grand
nombre de signaux en temps réel afin d’entraîner les systèmes à la détection de menaces 102.
Graphique 74 : Nombre de cyberattaques recensées par Graphique 75 : Nombre de cyberattaques recensées dans
zone géographique le monde par type d’industrie visée
400 35% 400 35%
300 300
25% 25%
250
250
20%
20%
200
200
15%
15% 150
150
10%
10% 100
100
50 5%
50 5%
0 0%
0 0%
Un sondage conduit par Ernest & Young et l’Institute of international finance, réalisé auprès des chief risk officers
(CRO) de 17 grandes banques européennes 104 a indiqué que 80 % d’entre eux considéraient que le risque cyber
constituait le risque le plus important à court terme, pour l’année 2024. Le lien avec le développement de
l’intelligence artificiel est direct puisqu’ils sont aussi la moitié à estimer que les risques émergents des techniques
du machine learning constituent l’un des principaux risques émergents à horizon 5 ans 105.
102
Exemples AMF : Anne Zhao (Centre Borelli, ENS Paris-Saclay, CNRS et AMF), Méthodes de machine learning pour la détection d’abus de
marché, février 2024.
103
Harry, C., & Gallagher, N. (2018). Classifying cyber events. Journal of Information Warfare, 17(3), 17-31.
104
EY, G O’Biren, communication sur le 13th Ernest & Young / Institute of International Finance global bank risk management survey, le 6 février
2024.
105
Le risque le plus avancé parmi les risques émergents majeurs à horizon 5 ans est le risque climatique (pour 76 % des répondants), suivi du
développement du machine learning (53 % des répondants) et le risque d’obsolescence des systèmes informatiques (47 % des répondants).
- 67 -
Des attaques qui pourraient être porteuses de risques potentiellement systémiques
Bien qu’aucun incident d’ordre systémique n’ait été reporté à ce jour, le potentiel de dispersion des risques dans
le cas de la paralysie d’un acteur d’importance majeur sur un marché est l’objet de fortes préoccupations. La filiale
américaine de la banque chinoise ICBC Financial Services, victime d’une attaque de type « rançongiciel » début
novembre 2023, en est le parfait exemple. L’attaque s’est matérialisée par le chiffrement du système d’information
de l’entreprise, lequel a interrompu le cycle de règlement-livraison de 25 milliards de dollars sur des obligations
américaines sur le marché repo. La paralysie de la banque n’a pu être levée que par le transfert physique, par clé
USB, des informations de règlement à une banque tierce, la banque BNY Mellon en l’occurrence. Le risque porté
par cette typologie d’attaque ne se limite pas à la victime mais s’étend très rapidement à l’ensemble du marché.
Dans ce cas précis, le défaut d’une partie peut engendrer des difficultés et défaillances pour l’ensemble de ses
contreparties, elles-mêmes vecteurs d’externalités. Les risques se dispersent aussi entre les segments de marché,
ce qui est très visible pour les opérations repo qui interagissent avec le marché des obligations souveraines
américaines sous-jacentes, collatéraux de ces opérations. Dans le cas d’ICBC, l’attaque est intervenue dans un
temps très rapproché de l’adjudication de titres de dette du Trésor des États-Unis. Au final, le stress a pu être
relativement contenu avec des répercussions mineures sur le marché repo, tandis que le fonctionnement du
marché obligataire souverain n’a pas connu de mouvement significatif.
2.7.2. Au-delà des attaques, des incidents opérationnels peuvent impacter significativement le
fonctionnement des marchés
Le 3 juin 2024, la bourse du New York Stock Exchange a connu un problème technique ayant mené à l’interruption
des transactions sur une quarantaine de titres américains. Les actions de la société d’investissement Berkshire
Hathaway et du groupe minier Barrick Gold, notamment, ont été proposées à l’échange avec des décotes
respectives de 99,97 % et 98,54 %. Le problème de prix affiché a duré environ une minute et a conduit le NYSE à
annuler toutes les transactions réalisées à des prix aberrants pour les titres concernés. L’évènement a fortement
augmenté la volatilité sur les titres américains avant une accalmie après la résolution rapide de la panne. Le
problème technique a fait suite à la mise à jour d’un logiciel de la Consolidated tape Association, en charge de la
diffusion des données de transactions en temps réel.
Cette matérialisation du risque opérationnel rappelle que la dépendance des acteurs de marchés (y compris les
bourses) à des prestataires externes peut être une source de vulnérabilité dont les conséquences peuvent impacter
rapidement et fortement le fonctionnement des marchés.
2.7.3. Les nouvelles exigences réglementaires devraient faciliter la gestion des risques cyber et
opérationnels
Le coût réputationnel est l’un des facteurs encourageant le paiement des rançons par les opérateurs victimes de
cyberattaques et limitant la communication des victimes de cyberattaques. Le FMI milite ainsi pour la mise en place
de reporting des incidents cyber par les entreprises financières dans le but de renforcer et améliorer le suivi de ces
risques. Il appelle également les autorités nationales à se doter de protocoles de réponses effectives aux
cyberattaques.
L’AEMF a positionné le risque cyber et la résilience digitale parmi ses priorités de supervision, en cohérence avec
le lancement de la directive sur la résilience opérationnelle numérique (Digital Operational Resilience Act, DORA)
dont l’application est prévue pour 2025. La directive dote l’UE des outils de gestion des risques spécifiques à la
- 68 -
digitalisation des services financiers et aux interconnexions sur un large panel d’acteurs. Ainsi, les règles définies
s’appliqueront aux acteurs financiers mais aussi aux entreprises tierces leur fournissant des services informatiques
considérés comme critiques 106. Le règlement prévoit :
la mise en œuvre d’un cadre de gestion du risque lié aux technologies de l’information et la
communication (TIC), avec notamment l’établissement de règles de gouvernance et de contrôle interne,
de stratégie de résilience opérationnelle numérique et d’une politique de continuité des activités des TIC ;
le reporting aux autorités nationales compétentes (AMF ou ACPR en France) des incidents identifiés
comme majeurs et liés aux TIC ;
l’obligation de la mise en place de tests de résilience opérationnelle numériques. Certaines entités,
qualifiées d’importance systémique ou selon leur profil de risque lié aux TIC, devront élaborer des tests
avancés ;
la gestion des risques liés au recours aux prestataires tiers de services TIC ;
le partage volontaire des informations opérationnelles relatives aux menaces d’origine cyber et les
vulnérabilités entre acteurs du secteur financier.
106
Le 31 janvier 2023, le piratage informatique de la société Ion, société d’édition de logiciels automatisant les activités sur produits dérivés
(analyse, matching, réconciliation et compensation), avait bloqué l’ensemble des opérations sur contrats futures via son système de 42 de ses
clients (voir Cartographie des marchés et des risques AMF 2023).
- 69 -
- 70 -
3 3. GESTION D’ACTIFS
SYNTHÈSE
Après la contraction des encours en 2022, la gestion collective mondiale est repartie à la hausse en 2023, portée
par un rebond des valorisations et une collecte dynamique. Les fonds domiciliés en France ont suivi cette tendance
globale d’accroissement des encours. Si l’appréciation des titres sous-jacents a bénéficié à toutes les principales
stratégies d’actifs cotés, seuls les fonds monétaires et obligataires ont enregistré une collecte nette sur l’année.
Les fonds actions et diversifiés ont pour leur part accusé des rachats nets qui limitent la progression de leurs
encours. La remontée des taux directeurs a vraisemblablement renforcé l’attrait des titres de dette pour les
investisseurs après l’effet transitoire initial sur la valorisation des obligations en portefeuille.
Les interrogations sur fonds d’actifs non cotés sont toujours d’actualité. Le marché de l’immobilier, et en particulier
de l’immobilier commercial, a été fortement affecté par le changement de politique monétaire. Le coût de la dette
pour les acteurs du secteur s’est considérablement renchéri, et la raréfaction des transactions rend les valorisations
incertaines. Les fonds immobiliers ouverts, surtout ceux exposés au segment commercial, ont vu les demandes de
rachat augmenter. Les différentes catégories de fonds font l’objet d’un suivi renforcé adapté à leurs
caractéristiques juridiques. Les fonds de private equity et de private debt semblent éprouver des difficultés à
identifier des cibles pour investir les sommes colossales qu’ils ont levées (dry powder), et la liquidation des
participations au terme du cycle d’investissement est fréquemment retardée.
L’adoption des outils de gestion de la liquidité, qui permettent de limiter le risque de cessions forcées à prix décotés
(induisant un effet pro-cyclique sur les marchés sous-jacents), et d’assurer le traitement équitable des porteurs de
parts en limitant la prime au premier sortant et les déformations substantielles du portefeuille, s’est
substantiellement améliorée en 2023 pour les fonds français, avant même l’entrée en application des exigences
introduites par la révision des directives AIFM et OPCVM. Cela devrait permettre à l’industrie d’absorber plus
facilement les éventuels chocs à venir.
3.1.1. L’encours de la gestion collective a crû d’environ 11 % en un an, et s’approche du record historique
enregistré au quatrième trimestre 2021
L’actif net des fonds ouverts (hors fonds de fonds) a connu une progression d’environ 11 % (soit
approximativement 5 950 milliards d’euros) au cours de l’année 2023, les encours dépassant ainsi 62 300 milliards
d’euros gérés à fin 2023 selon l’European Fund and Asset Management Association (EFAMA). Seuls 250 milliards
d’euros séparent le niveau d’encours enregistré fin 2023 du pic absolu reporté fin 2021. Environ 60 % de
l’accroissement de l’actif net mondial enregistré en 2023 est dû aux seuls fonds domiciliés aux États-Unis
(+3 600 milliards d’euros). Les fonds américains constituent ainsi une part de plus en plus importante de la gestion
collective mondiale : ils représentent 49 % des encours globaux en 2023 contre 47 % en 2020. La hausse des
encours mondiaux s’explique majoritairement par un effet de marché : les flux de collecte nette s’établissent quant
à eux à approximativement 2 130 milliards d’euros en 2023, ce qui représente environ 36 % de la variation
d’encours. Ce niveau de flux est supérieur à celui enregistré en 2021. En effet, en 2021 les flux nets positifs
représentaient environ 30 % de la variation de l’encours.
- 72 -
Graphique 76 : Évolution de l’actif net de la gestion collective mondiale (hors fonds de fonds), par grande juridiction de
domiciliation des fonds
Graphique 76.1 : Évolution de l’actif net par grande Graphique 76.1 : Évolution du poids de l’actif net de chaque
juridiction de domiciliation des fonds grande juridiction de domiciliation des fonds
(en milliers de milliards d’euros) (en pourcentage du total)
100%
Afrique Japon Chine
60 Australie Autre Asie-Pacifique Royaume-Uni
90%
Luxembourg Irlande Allemagne
France Autre Europe États-Unis
Canada Brésil Autre Amériques 80%
50
70%
40 60%
50%
30
40%
Afrique Japon Chine
20 30% Australie Autre Asie-Pacifique Royaume-Uni
Luxembourg Irlande Allemagne
20% France Autre Europe États-Unis
10
Canada Brésil Autre Amériques
10%
0 0%
Source : EFAMA, Worldwide historical public report Euro 2023-T4 Source : EFAMA, Worldwide historical public report Euro 2023-T4
Source : EFAMA, Worldwide historical public report Euro 2023-T4 Source : EFAMA, Worldwide historical public report Euro 2023-T4
107
La décollecte aggrégée enregistrée au Luxembourg s’explique par une structure de marché de la gestion collective davantage orientée vers
les fonds actions et diversifiés (globalement en décollecte nette en 2023) et le poids moindre des fonds monétaires (globalement en collecte
en 2023) que la France et l’Irlande par exemple. Les fonds monétaires représentent environ 10 % du marché luxembourgeois contre environ
18 % du marché français et irlandais à fin 2023. Inversement, les fonds actions et diversifiés comptent pour près de 52 % de la gestion collective
au Luxembourg contre 29 % en France et 44 % en Irlande.
- 73 -
d’environ 271 milliards d’euros sur l’année 2023, ce qui reste bien en-deçà des 826 milliards d’euros reportés en
2021 (ces fonds étaient en décollecte pour 273 milliards d’euros en 2022). Les fonds domiciliés en Chine ainsi que
dans les autres pays développés (Canada, Suisse, Taïwan, Japon, Nouvelle-Zélande, Corée du Sud) ont continué à
reporter des flux nets positifs en 2023 (environ 293 milliards d’euros pour les fonds chinois et 223 milliards d’euros
pour les fonds domiciliés dans les autres pays développés).
450 2 000
1 500
250
1 000
50
500
-150 0
-500
-350
-1 000
2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 2020 2021 2022 2023
Source : EFAMA, Worldwide historical public report Euro 2023-T4 Source : EFAMA, Worldwide historical public report Euro 2023-T4
- 74 -
Graphique 79 : Évolution de l’actif net des fonds domiciliés en Europe et répartition par juridiction
(en milliards d’euros)
100% 25 000 Encours au
Milliards d'€
Q4 2023
90%
Royaume-Uni
1 827 Mds€
80% 20 000
Luxembourg
70% 5 285 Mds€
Irlande
60% 15 000 4 083 Mds€
50% Allemagne
2 479 Mds€
0% 0
Cette section dresse un état des lieux de l’évolution de la gestion collective française par type de fonds. Comme
pour la dernière cartographie des risques, nous utilisons les séries agrégées de la Banque de France (données à
fréquences mensuelle et annuelle) pour la version historique longue des graphiques. A contrario, les données
granulaires de supervision reportées à l’AMF sont utilisées pour fournir une vision détaillée sur les trois premiers
mois de l’année 2024.
3.3.1. Fonds monétaires : hausse importante des encours expliquée par une meilleure performance
accompagnée de flux nets positifs
Les données de la Banque de France indiquent qu’au cours de l’année 2023, les fonds monétaires (ou MMF pour
Money Market Funds) ont vu leur encours augmenter d’environ 56 milliards d’euros (soit 16 % de l’encours à fin
décembre 2022) et s’établissent à 416 milliards d’euros fin 2023. Cet accroissement de l’encours est le deuxième
plus important après celui de 2020 (79 milliards d’euros).
Le nouvel environnement des taux d’intérêt a grandement bénéficié aux fonds monétaires. Premièrement, avec la
hausse des taux directeurs, les titres de court-terme dans lesquels ces fonds investissent offrent un meilleur
rendement. Le Graphique 80.1 montre en effet qu’environ 24 % de la hausse des encours (13 milliards d’euros) est
expliquée par l’effet valorisation. Deuxièmement, les investisseurs ont été attirés par les performances élevées de
ces produits généralement considérés « sans risque » et ont donc placé environ 45 milliards d’euros dans les MMF
au cours de l’année 2023. L’année dernière a ainsi été la deuxième meilleure année de collecte depuis 2007 (après
les flux d’environ 80 milliards d’euros enregistrés en 2020).
Historiquement, on a observé une forte cyclicité trimestrielle des flux sur les MMF français 108 avec des rachats
substantiels (de l’ordre de plusieurs dizaines de milliards d’euros) sur le dernier mois de chaque trimestre
compensés presque immédiatement par des souscriptions du même ordre au début du trimestre suivant. Cet effet
n’est pas particulièrement marqué sur l’année 2023 : les flux cumulés de fin de trimestre n’atteignent qu’environ
-6 milliards d’euros contre -18 milliards d’euros en 2022. La collecte conjoncturelle associée à la hausse
substantielle des rendements a gommé ces fluctuations infra-annuelles.
108
Cf. par exemple le Graphique 5 dans Darpeix et Mosson (2021). Analyse détaillée des portefeuilles des fonds monétaires de droit français
lors de la crise de la Covid-19 de début 2020. Documents de travail de l’AMF. Mai 2021.
- 75 -
La dynamique de valorisation et de flux nets positifs a continué lors des trois premiers mois de l’année 2024
(Graphique 80.2). L’effet de valorisation s’établit à environ 4 milliards d’euros au T1 2024 (soit 4 % en rendement
annualisé), reflétant le maintien du niveau des taux directeurs à un niveau élevé et donc des rentabilités nominales
plus grandes offertes par les titres de court-terme. De même, les fortes souscriptions enregistrées par les MMF
français en 2023 se sont poursuivies en 2024 : au cours du premier trimestre 2024, les flux nets positifs ont
représenté environ 25 milliards d’euros, soit 6 % de l’encours total des MMF à fin 2023.
40 79,7 200
34,6 20 200
En complément des exigences réglementaires applicables à l’ensemble des fonds d’investissement européens
(directives OPCVM ou AIFM et actes délégués afférents), les fonds monétaires sont soumis au règlement MMF qui
leur impose entre autres des coussins de liquidité hebdomadaires et quotidiens minimaux ainsi qu’un suivi continu
de leur risque de crédit et de leur risque de taux. Le Graphique 81 présente l’évolution trimestrielle de la moyenne,
pondérée par l’actif net, des coussins de liquidité hebdomadaire (WLA, pour weekly liquid assets) ainsi que
l’évolution de la médiane et de la dispersion de ces coussins. Au cours de l’année 2023, les MMF de court-terme
ont augmenté leurs coussins de liquidité hebdomadaire (à fin 2023 ils se situent à un niveau moyen de 34 % du
portefeuille contre 30 % fin 2022), tandis que les MMF standards les ont diminués d’environ 2 points de
pourcentage (environ 27 % à fin 2023) tout en restant au-dessus des seuils réglementaires (fixées à 15 % pour les
coussins de liquidité hebdomadaire). De plus, les plus grands MMF disposent de coussins de liquidité
hebdomadaire proportionnellement plus importants (ce qui traduit le fait que la moyenne pondérée est
systématiquement supérieure à la médiane).
- 76 -
Graphique 81 : Évolution des coussins de liquidité hebdomadaire
Graphique 81.1 : Évolution des coussins pour les MMF de Graphique 81.2 : Évolution des coussins pour les MMF
court-terme (en % de l’actif) standards (en % de l’actif)
45 40
40 35
35,6 36,5 31,3
35 34,5 33,5 33,6 29,3 29,7
32,7 33,2
30 28,6 29,6 29,8
31,5 28,0
29,6 26,9 27,4
30 31,3
30,8 30,9 29,5 25
28,6 28
25 27,2
25,9 26,7
20 20,0 18,8 18,9 19,1
19,3 17,8
20 19,5 17,0
18,3
15
15
10
10
5 5
0 0
QTR4-2021 QTR1-2022 QTR2-2022 QTR3-2022 QTR4-2022 QTR1-2023 QTR2-2023 QTR3-2023 QTR4-2023 QTR4-2021 QTR1-2022 QTR2-2022 QTR3-2022 QTR4-2022 QTR1-2023 QTR2-2023 QTR3-2023 QTR4-2023
Médiane du marché Moyenne pondérée par l'Actif net Médiane du marché Moyenne pondérée par l'Actif net
Dispersion: [1er quartile-3ème quartile] Limite réglementaire : 15% Dispersion: [1er quartile-3ème quartile] Limite réglementaire : 15%
L’année 2023 a été caractérisée par la poursuite des hausses de taux directeurs par les banques centrales. En
Europe, la dernière hausse de la BCE date du 20 septembre 2023 (taux d’intérêt des opérations principales à 4,50 %,
facilité de prêt marginal à 4,75 % et facilité de dépôt à 4,00 %). Pour autant, la structure du portefeuille n’a que
marginalement évolué au cours de l’année passée : le Graphique 82 présente la maturité moyenne pondérée du
portefeuille du fonds (weighted asset maturity, ou WAM) qui mesure la sensibilité d'un fonds monétaire aux
variations des taux d'intérêt du marché monétaire.
Après s’être couverts contre l’effet des nouvelles hausses des taux d’intérêt en 2022 (en privilégiant les instruments
ayant une maturité très courte), les MMF de court-terme ont continué de réduire leur WAM pendant les deux
premiers trimestres de l’année 2023. Au Q4 2023, en revanche, la WAM moyenne pondérée des MMF de court-
terme a plus que doublé, passant de 6 à 13 jours. Concernant les MMF standards, la moyenne pondérée de la WAM
reste inchangée mais la médiane croît entre les deux derniers trimestres (de 7 à 11 jours). Ces évolutions indiquent
un investissement croissant des gérants des MMF dans des instruments à maturité plus longue, qui s’explique par
la fin escomptée du resserrement de la politique monétaire.
45
70
39
40
60
53
35
50
30
24 38
25 40
20
17 30
15
13 20
9 9 9 22 14
10 12 14
6 11
5 9
10
5 11
0 0
QTR4-2021 QTR1-2022 QTR2-2022 QTR3-2022 QTR4-2022 QTR1-2023 QTR2-2023 QTR3-2023 QTR4-2023 QTR4-2021 QTR1-2022 QTR2-2022 QTR3-2022 QTR4-2022 QTR1-2023 QTR2-2023 QTR3-2023 QTR4-2023
Médiane du marché Moyenne pondérée par l'Actif net Médiane du marché Moyenne pondérée par l'Actif net
Dispersion:[1er quartile-3ème quartile] Dispersion:[1er quartile-3ème quartile]
- 77 -
Encadré 9 : Bilan des évolutions réglementaires pour les fonds monétaires
Au lendemain de la crise sanitaire mondiale de la COVID-19, qui a mis en lumière un certain nombre de vulnérabilités du
marché du financement court terme et des fonds monétaires, plusieurs initiatives ont été lancées dans le but d’accroître la
capacité de résistance des MMF. Sans rappeler les différentes recommandations faites par les organisations européennes
et internationales (déjà détaillées dans l’encadré 6 de la Cartographie des marchés et des risques 2022), cet encadré vise à
décrire les évolutions déjà mises en œuvre ou envisagées dans les principales juridictions de domiciliation des MMF (États-
Unis et Union européenne) ainsi qu’au Royaume-Uni.
États-Unis : Les événements de mars 2020 ont conduit la Securities and Exchange Commission (SEC) à envisager des mesures
afin de permettre aux MMF de mieux gérer les périodes de stress. Ainsi, en 2023, la SEC a adopté un nouveau cadre
réglementaire 109 applicable aux fonds monétaires américains dont les principales évolutions sont les suivantes :
augmentation pour tous les MMF des niveaux minimaux des coussins de liquidité, qui passent ainsi de 10 % à 25 %
pour les coussins journaliers et de 30 % à 50 % pour les coussins hebdomadaires. Selon la SEC, cette augmentation
devrait permettre aux MMF de disposer de suffisamment d’actifs liquides qui seraient utilisables en période de
crise afin de répondre aux rachats ;
suppression des liens réglementaires existants entre le franchissement des seuils minimums de liquidité et
l’imposition de frais de liquidité ou de plafonnement des rachats (gates) 110 ;
obligation pour les MMF institutionnels de dette privée (institutional prime MMFs) et de dette municipale
(institutional tax-exempt MMF) d’adopter des frais de liquidité en cas de rachats supérieurs à 5 % de l’actif net à
moins que le coût de la liquidité soit inférieur à un point de base (afin de transférer aux investisseurs sortants le
coût de la liquidité) ;
obligation pour les MMF de dette privée (non-government MMF, c’est-à-dire de dette privée ou municipale)
d’imposer des frais de liquidité discrétionnaires si le conseil d’administration du fonds considère que leur
introduction est dans le meilleur intérêt du fonds.
Union européenne : Les MMF européens sont régis par le règlement 2017/1131 sur les fonds monétaires (MMFR) entré en
application en janvier 2019. L’article 46 de ce règlement impose à la Commission européenne de procéder, avant fin juillet
2022, à un réexamen de ce cadre législatif afin d’établir « si le présent règlement est approprié d’un point de vue à la fois
prudentiel et économique ». La Commission a ainsi procédé à une consultation publique ciblée sur le fonctionnement du
règlement 111 et a publié son rapport sur l’adéquation en 2023 112.
Malgré les différentes recommandations émises, entre autres, par le Conseil de stabilité financière (CSF/FSB) 113, le Conseil
européen du risque systémique (CERS/ESRB) 114 et l’ESMA 115 après la crise de 2020, la Commission européenne a décidé de
ne pas proposer de modifications au règlement MMF. Les réponses aux principales propositions de réforme des MMF sont
détaillées ci-dessous :
en réponse à la proposition visant à imposer aux fonds à valeur liquidative de faible volatilité (LVNAV) une
variabilité de la NAV (ce qui conduirait à la disparition des structures de type LVNAV), la Commission européenne
souligne que ces fonds sont assimilables à des dépôts, ce qui constitue l’une des principales raisons pour lesquelles
les investisseurs utilisent ces produits. Si les LVNAV venaient à disparaître, les investisseurs pourraient ne plus
utiliser des fonds monétaires ou bien se tourner vers des fonds monétaires de dette publique à valeur liquidative
constante (CNAV) ou des MMF à valeur liquidative variable (VNAV) de court-terme afin de gérer leur liquidité.
Pourtant, selon les réponses à la consultation, les actifs éligibles aux fonds CNAV sont perçus comme un segment
trop limité pour satisfaire les besoins de gestion de trésorerie des investisseurs. Par ailleurs, des incertitudes
relatives au traitement comptable des VNAV court-terme en équivalents de trésorerie persistent entre les
différentes juridictions ;
en ce qui concerne l’exigence de détention de dette publique par les MMF (qui avait été écartée par l’ESMA et
n’était soutenue que par l’ESRB), les réponses à la consultation font état d’interrogations par rapport à un éventuel
109
Securities and Exchange Commission (2023). Final Rule Money Market Fund Reforms.
110
Selon la réglementation en vigueur en 2020, si les coussins de liquidité hebdomadaires se situent en-dessous de 30 % et si le conseil
d’administration considère que l’adoption des frais de liquidité ou la suspension des rachats est dans l’intérêt du fonds, un MMF pourrait
imposer des frais de liquidité de maximum 2 % ou suspendre les rachats jusqu’à 10 jours ouvrés pendant une période de 90 jours. De plus, dans
le cas des fonds monétaires de dette privée (non-government money market funds), si le niveau du coussin de liquidité hebdomadaire tombe
en-dessous de 10 %, alors le fonds doit appliquer des frais de liquidité de 1 % sur les rachats, sauf si le conseil d’administration du fonds
considère que l’adoption des frais de liquidité n’est pas dans le meilleur intérêt du fonds.
111
Commission européenne (2024). Targeted consultation on the functioning of the Money Market Fund Regulation.
112
Commission européenne (2023). Report from the Commission to the European Parliament and the Council on the adequacy of Regulation
(EU) 2017/1131 of the European Parliament and of the Council on money market funds from a prudential and economic point of view.
113
FSB (2021). Policy Proposals to Enhance Money Market Fund Resilience – Final report.
114
ESRB (2021). Recommendation of the European Systemic Risk Board on reform of money market funds, ESRB/2021/9.
115
ESMA (2022). Final Report: ESMA opinion on the review of the Money Market Fund Regulation.
- 78 -
transfert du risque de liquidité vers le marché de la dette souveraine. De plus, les détentions des MMF seraient
plus concentrées dans cette classe d’actifs, réduisant les bénéfices d’une diversification des actifs détenus surtout
en période de crise ;
les différentes recommandations font aussi souvent apparaître la proposition d’augmenter la taille des coussins
de liquidité des MMF. Dans son rapport, la Commission européenne considère que ces propositions sont difficiles
à mettre en œuvre étant donné qu’il n’est pas aisé de définir les actifs liquides, dans la mesure où les titres de
dette publique pourraient aussi subir des tensions (comme l’a montré l’épisode de crise sur les gilts
britanniques 116) ;
s’agissant de la proposition visant à accroître l’utilisation des outils de gestion de liquidité (liquidity management
tools ou LMT) dans le but de faire supporter aux investisseurs sortants le coût de la liquidité, la Commission
européenne considère que ce point a déjà été traité par la revue des directives AIFM et OPCVM, qui impose aux
gérants des fonds monétaires l’adoption d’au moins un LMT parmi une liste définie.
La Commission européenne considère donc que le règlement MMF n’a pas besoin d’évoluer dans la mesure où son adoption
a renforcé le cadre législatif applicable aux MMF et que les garde-fous qui y sont mentionnés ont fonctionné comme
convenu. 117 En effet, la Commission souligne le fait que malgré les différentes tensions subies par les MMF ces dernières
années, aucun fonds n’a suspendu ses rachats, introduit des frais de liquidité ou mis en place de gates. Plus récemment,
dans le cadre de la consultation ciblée concernant l’évaluation de l’adéquation des politiques macroprudentielles pour
l’intermédiation financière non-bancaire (NBFI), la Commission européenne a posé une série de questions portant, entre
autres, sur les pouvoirs de supervision 118 et les stress-tests des MMF. Une réouverture du débat pourrait donc être décidée
lors de la prochaine mandature.
La résilience du cadre législatif existant en cas de crise sera d’autant plus cruciale que la normalisation de la politique
monétaire a favorisé l’augmentation de l’actif net de ces fonds en rétablissant leur profitabilité. En effet, selon les données
EFAMA, l’actif net des MMF domiciliés dans les trois plus grandes juridictions européennes – à savoir la France, l’Irlande et
le Luxembourg a crû d’environ 175 milliards d’euros en 2023, soit 10 % de l’actif net à fin 2022.
Royaume-Uni : Au moment du Brexit, le règlement sur les fonds monétaires découlant du droit européen (MMFR) 119 a été
maintenu outre-Manche. Cependant, un travail sur la définition d’un nouveau cadre législatif applicable au Royaume-Uni a
commencé en 2023. Il est important de souligner que le marché des MMF domiciliés au Royaume-Uni est extrêmement
limité (environ 26 milliards d’euros d’actif net à fin 2023, soit moins de 2 % de l’encours en Europe). Toutefois, les MMF
libellés en livre sterling et domiciliés dans l’Union européenne (exclusivement en Irlande et au Luxembourg) totalisaient plus
de 300 milliards d’euros d’encours fin 2022 (soit 22 % du volume des fonds monétaires de l’Union européenne) 120. C’est
donc surtout ce marché offshore qui est visé par les autorités britanniques.
Le Trésor britannique a publié la note d’orientation, ainsi qu’un projet d’instrument statutaire (Draft Statutory Instrument
et Money Markets Framework Policy Note) pour lequel des commentaires techniques étaient attendus jusqu’au 24 janvier
2024. Par rapport au cadre européen en vigueur, ces documents n’apportent pas de changements majeurs, mais ils
rappellent que le régime transitoire permettant la commercialisation au Royaume-Uni des MMF européen s’arrête au
31 décembre 2027. En parallèle, la Financial Conduct Authority (FCA) en collaboration étroite avec la Banque d’Angleterre a
également publié un papier de consultation 121 détaillant plusieurs mesures visant à améliorer la résilience des fonds
monétaires. Les principales propositions concernent :
l’augmentation pour tous les MMF 122 des niveaux minimaux des coussins de liquidité journaliers et
hebdomadaires, qui passeraient ainsi à 15 % (contre 7,5 % pour les VNAV et 10 % pour les CNAV et LVNAV) et à
50 % respectivement (contre 15 % pour les VNAV et 30 % pour les CNAV et LVNAV). De plus, les actifs éligibles
116
Voir la section « Analyse de la crise des fonds Liability-Driven Investment (LDI) au Royaume-Uni » de la Cartographie des marchés et des
risques 2023.
117
Cependant, la Commission européenne souligne dans son rapport que la proposition portant sur la suppression des liens réglementaires
entre le franchissement des seuils minimums de liquidité et l’imposition des LMT mériterait d’être approfondie pour les MMF de court-terme.
De même, elle considère que des problématiques plus structurelles, en lien avec le marché sous-jacent des titres de court-terme, devraient
être étudiées davantage.
118
En ce qui concerne les pouvoirs de supervision, la Commission européenne demande par exemple quels seraient les avantages et
inconvénients de donner à l'autorité compétente le pouvoir d'augmenter les coussins de liquidité sur une base individuelle ou collective en cas
de risques pour la stabilité financière du système.
119
Règlement 2017/1131 du Parlement Européen et du Conseil du 14 juin 2017 sur les fonds monétaires.
120
Cf. en particulier ESMA (2023). ESMA Market Report : EU MMF market 2023. ESMA20-165-2391. Février 2023.
121
FCA (2023). Consultation Paper CP23/28 – Updating the regime for Money Market Funds. La période de consultation a pris fin le 8 mars 2024.
122
Même si la FCA ne peut pas contraindre les MMF libellés en livre sterling domiciliés à l’étranger à respecter les coussins de liquidité proposés,
le risque que ces fonds ne puissent plus être distribués au Royaume-Uni s’ils ne sont pas considérés comme des fonds « équivalents » semble
très incitatif.
- 79 -
entrant dans le calcul du coussin de liquidité hebdomadaire des MMF VNAV (variable net asset value) seraient
aussi revus 123 ;
la suppression pour les MMF de court-terme des liens réglementaires existants entre le franchissement des seuils
minimums de liquidité et l’imposition de frais de liquidité ou de plafonnement des rachats ;
l’adoption d’au moins un outil de gestion de liquidité anti-dilutif supplémentaire, lequel serait mentionné dans le
prospectus et serait utilisé à la discrétion du gestionnaire et dans le meilleur intérêt des investisseurs ;
le renforcement des exercices de simulation de crise (stress-test) pour les fonds monétaires à valeur liquidative
constante ou à faible volatilité (fonds CNAV ou LVNAV) 124.
3.3.2. Fonds actions : hausse de l’actif net en 2023 liée à une bonne performance boursière qui compense
la décollecte enregistrée
Après une forte baisse en 2022, les encours des fonds actions français sont repartis à la hausse en 2023
(+ 23 milliards d’euros, soit environ 7 % de l’actif net à fin 2022) pour s’établir à 359 milliards d’euros au
31 décembre 2023 (en deçà du record historique de 406 milliards d’euros atteint fin 2021).
La hausse des encours s’explique par un fort effet valorisation dans un contexte de reprise boursière 125. L’effet
marché se situe à environ 46 milliards d’euros en 2023 (soit 14 % de l’actif net à fin 2022), ce qui constitue la
troisième meilleure année (après 2019 et 2021) depuis 10 ans. Ainsi, le Graphique 83.2 montre, entre autres, que
les fonds actions ont connu des hausses de valorisation pendant 8 des 12 mois de l’année 2023. Cependant, malgré
cet effet marché positif, les fonds actions français ont enregistré plus de rachats que de souscriptions en 2023, ce
qui a conduit à un flux total négatif d’environ 24 milliards d’euros. Ce niveau de décollecte est le plus important
depuis 2019. Même si la majorité de ce flux négatif a été enregistré entre janvier et avril 2023 (environ 15 milliards
d’euros), les rachats ont continué tout au long de l’année.
Le Graphique 83.2 montre également que cette situation se prolonge en 2024 : des décollectes nettes ont été
constatées pendant les trois premiers mois de l’année (avoisinant 3 milliards d’euros en cumulé), malgré un fort
effet de valorisation (+ 23 milliards d’euros sur le trimestre).
123
En ce qui concerne la modification des actifs éligibles, la FCA propose d’étendre aux MMF standard la possibilité d’inclure dans le calcul des
coussins de liquidité hebdomadaire un maximum de 17,5 % d’actifs émis ou garantis par des institutions publiques ayant une maturité résiduelle
de 190 jours au maximum. De plus, la FCA propose de supprimer la possibilité pour les MMF standard d’inclure dans le calcul des coussins de
liquidité hebdomadaire des instruments du marché monétaire ou des parts ou actions d'autres fonds monétaires.
124
Un exemple d’éléments à prendre en compte dans les stress-tests inclut l’impact sur les flux sortants du non-respect du corridor (des LVNAV).
Selon la réglementation, les LVNAV peuvent afficher une valeur liquidative constante tant que la différence entre cette NAV constante et la
NAV qu’aurait le fonds s’il évaluait les actifs au prix de marché (corridor) ne dépasse pas 20 points de base.
125
L’indice CAC40 a progressé de 20,1 % en 2023 (dividendes réinvestis), tandis que l’indice Eurostoxx 50 a gagné 19 % la même année.
- 80 -
Graphique 83 : Évolution des fonds actions français
Graphique 83.1 : Évolution de l’encours des fonds actions Graphique 83.2 : Décomposition des effets de flux et de
français (en milliards d’euros) valorisation (en milliards d’euros)
150 50 60 600
406,3
355,6 358,9 40
334,6 255,9 330,5 342,0 335,8
100 302,5305,6 291,7 40 400
278,9 272,0 282,5 30
225,1 234,7
65,9 64,3 20
190,0 20 200
50 50,0
37,3 38,8
23,1 10
23,0 20,0
9,6 10,5 11,5 0 0
11,0 0,2 3,113,4 -6,7
0 -5,61,7 -8,6 0
-11,2 -14,8 -23,4 -5,6 -8,0 -7,9 -7,7 -21,0 -29,8 1,8 -23,8
-10 -20 -200
-50 -53,8
-63,9 -20
3.3.3. Fonds obligataires : collecte et appréciation des actifs font augmenter les encours en 2023, à un
niveau proche du pic de 2021
Comme les fonds actions, les fonds obligataires ont connu une croissance de leurs encours en 2023 (de
272 milliards d’euros fin 2022 à 291 milliards d’euros fin 2023). Cet accroissement constitue la plus forte hausse
depuis 2017 et représente environ 20 milliards d’euros, équivalent à 7 % de l’actif net à fin 2022.
Malgré la poursuite de la remontée des taux d’intérêt en 2023, les fonds obligataires français enregistrent un effet
valorisation qui explique 14 milliards de hausse d’encours. Cet effet de marché s’accompagne de flux nets positifs
pour un total cumulé de 10 milliards d’euros sur l’année 2023. Les données mensuelles confirment cette analyse.
Ainsi, février 2023 est le seul mois de l’année où les rachats ont surpassé les souscriptions. En définitive, la collecte
nette mensuelle moyenne des fonds obligataires français s’élevait à environ 800 millions d’euros en 2023 pour un
effet de marché moyen mensuel d’environ 1 milliard d’euros. L’effet valorisation s’est estompé au premier
trimestre 2024 (Graphique 84.2), pour autant la collecte s’est amplifié. Ainsi, entre janvier et mars 2024, les fonds
obligataires français ont reporté un effet de valorisation cumulé quasi nul (-70 millions d’euros), tandis que les flux
de souscription nets atteignaient 8 milliards d’euros.
- 81 -
Graphique 84 : Évolution des fonds obligataires français
Graphique 84.1 : Évolution de l’encours des fonds Graphique 84.2 : Décomposition des effets de flux et de
obligataires français (en milliards d’euros) valorisation (en milliards d’euros)
100 50 20 600
80 40
15
400
60 280,8 269,5 284,7 289,5 296,7 271,5 291,0 30
238,7 241,8 253,6 10
202,4 190,0 211,7 206,9
40 175,8 154,0 178,2 20 200
24,2 31,8 5
24,2 27,1 19,5
20 21,6 11,8 10
15,2 7,2
19,4 21,5 25,3
12,4 5,3 4,8 -1,5 9,5 0 0
0 5,8 3,1 0
-15,8 -12,0 -6,4 4,5 4,4 9,9
-18,2 -12,4 -9,7
-4,7 -5
-20 -21,8 -11,3 -10 -200
-16,0
-25,2
-40 -20 -10
Autres chgt de volume -400
-60 Autres chgt de volume -30 -15 Titres d'OPC obligations, valorisation de l'encours
Titres d'OPC obligations, valorisation de l'encours Actif net des OPC obligations, flux
Actif net des OPC obligations, flux Actif net des OPC obligations, encours (éch droite)
-80 -40 -20 -600
Variation de l'encours
Actif net des OPC obligations, encours (éch. droite)
-100 -50
2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 2020 2021 2022 2023
3.3.4. Fonds diversifiés : hausse limitée des encours en 2023 malgré un effet de marché positif
Les statistiques de la Banque de France indiquent une hausse limitée des encours en 2023 pour les fonds diversifiés
français (5 milliards d’euros soit une hausse d’environ 2 %). Comme pour les autres fonds français, les fonds
diversifiés ont bénéficié d’un effet valorisation positif en 2023, qui s’établit à environ 24 milliards d’euros, soit 8 %
des encours fin 2022. Cependant, cet effet valorisation a été contrebalancé par des flux sortants pour environ
17 milliards d’euros en cumulé sur 2023.
Cette tendance s’est poursuivie sur les trois premiers mois de l’année 2024 : de janvier à mars, les fonds diversifiés
ont enregistré un effet valorisation positif de 12 milliards d’euros (soit approximativement 4 % de l’encours total
fin 2023), en parallèle de 4 milliards d’euros de rachats nets.
40 200 15 200
34,1 32,6
30,3
18,3 25,9
20 15,5 14,5 20,8 100
13,8 8,8 5
6,8 5,9 4,6 0
0 7,8 2,2 0
16,5 -6,5 -5
-11,1 -13,1 -10,7 -12,6 -16,6
-20 -4,7 -100
-24,6 -15 -200
-48,6 -32,5
-40 -200
-25
Autres chgt de volume -400
-60 Autres chgt de volume -300 Titres d'OPC mixtes, valorisation de l'encours
-35
Titres d'OPC diversifiés, valorisation de l'encours Actif net des OPC diversifiées, flux
-80 Actif net des OPC diversifiés, flux -400 Actif net des OPC diversifiées, encours (éch droite)
Variation de l'encours -45 -600
-86,0
Actif net des OPC diversifiés, encours (éch. droite)
-100 -98,6 -500
2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 2020 2021 2022 2023
- 82 -
3.3.5. Fonds autres : hausse de l’encours en 2023 grâce à un effet valorisation et des flux nets positifs
Les encours des fonds « autres » 126 ont enregistré une hausse de 31 milliards d’euros au cours de l’année 2023,
passant ainsi de 533 milliards d’euros fin 2022 à 564 milliards d’euros à fin 2023 (+6 %).
La hausse des encours qui a eu lieu en 2023 s’explique à la fois par un effet valorisation et par des flux nets
positifs 127. Ainsi, l’effet de marché compte pour environ la moitié de l’augmentation des encours et s’établit à
16 milliards d’euros l’année passée. L’effet flux représente quant à lui environ 20 milliards d’euros, dont
approximativement 9 milliards d’euros pour le seul deuxième trimestre, période traditionnelle de versement de
l’intéressement et de la participation sur les plans d’épargne entreprise. Cependant, nous observons que, même
si les flux nets annuels sont plus élevés en 2023 qu’en 2022 (différence d’environ 5 milliards d’euros entre les deux
années ou 34 % de hausse par rapport aux flux totaux de 2022), la collecte nette reportée au T2 2023 se situe à un
niveau inférieur à celle enregistrée lors de la même période en 2022 (9 milliards d’euros contre 14 milliards d’euros
au T2 2022) 128. Ceci est expliqué par des fortes collectes nettes qui ont eu lieu en décembre 2023 (5 milliards
d’euros) et respectivement en janvier 2023 (environ 4 milliards d’euros).
395,0
100 344,6 354,4 400 100 400
307,2 313,1
280,9
226,1 237,0 257,7
202,9200,7 212,4
178,8182,7 194,9 40,6 50 200
50 200
31,5 31,1
20,6 23,2 26,3
10,1 12,3 13,7
8,0 11,7 10,9 5,8 9,8
3,9 20,4 0 0
0 0
11,5 -2,2 -2,7 4,2 3,1 8,4 10,2 6,8 11,8 14,8
15,4 5,4
-50 -200
-50 -200
126
Les fonds « autres » se composent majoritairement des fonds d’épargne salariale, mais on trouve aussi les fonds immobiliers et les fonds de
capital investissement. Une partie plus marginale des fonds « autres » est constituée par les fonds à formule et les hedge funds.
127
Les autres changements de volume viennent réduire d’environ 5 milliards d’euros les encours de fonds « autres ».
128
Pourtant, l’étude de l’AFG fait état d’une hausse des versements issus de l’intéressement et de la participation en 2023 accompagnée d’une
augmentation des rachats. Voir AFG (2024). L’épargne salariale et l’épargne retraite d’entreprise collective – Données d’enquête à fin 2023.
- 83 -
Encadré 10 : État des lieux de la classification SFDR pour les fonds français
Depuis le 10 mars 2021, le secteur financier (y compris le secteur de la gestion d’actifs) doit se conformer à des règles de
transparence en matière environnementale et sociale du fait de l’entrée en vigueur du règlement sur la publication
d’informations en matière de durabilité (Sustainable Finance Disclosure Regulation – SFDR). Les fonds d’investissement
doivent ainsi publier des informations détaillant leur méthode d’intégration des risques environnementaux, sociaux et de
gouvernance (ESG) et l’éventuel impact de ces risques ESG sur leurs investissements.
SFDR introduit une classification des produits financiers selon les trois catégories suivantes :
les produits Article 9 qui ont « pour objectif l’investissement durable » ;
les produits Article 8 qui « promeuvent, entre autres caractéristiques, des caractéristiques environnementales ou
sociales, ou une combinaison de ces caractéristiques » 129 ;
les produits Article 6 qui représentent une catégorie résiduelle car ils couvrent les produits qui ne sont ni article 9
ni article 8.
Étant donné l’intérêt des investisseurs pour les produits durables (fonds Article 8 ou 9) 130, il est utile d’actualiser un état des
lieux de la classification SFDR dans le cas des fonds français.
Tout d’abord, nous avons constitué la population de référence (tant en nombre de fonds qu’en actif net) en prenant en
compte l’ensemble des fonds domiciliés en France, en vie en mars 2024. L’utilisation des bases internes AMF permet de
s’assurer d’une couverture exhaustive. L’actif net total est tel qu’indiqué à fin mars 2024 131.
L’échantillon de l’analyse provient de la base Morningstar. Lorsque Morningstar indiquait ne pas avoir de donnée SFDR pour
un fonds donné, ce dernier a été considéré comme étant un fonds Article 6 132.
Il apparaît que, d’une manière globale, les fonds Articles 8 et 9 pris ensemble représentent la moitié des fonds de
l’échantillon obtenu sur Morningstar et 83 % de l’encours sous gestion 133. Les fonds article 9 restent très minoritaires, à
savoir 3 % de l’échantillon, en termes de nombre et d’actif net.
Si l’on se restreint aux fonds OPCVM pour lesquels la couverture Morningstar est considérée comme très bonne, l’ensemble
des fonds article 8 et 9 représente une proportion de l’échantillon obtenu sur Morningstar de 61 % en nombre et de 87 %
en termes d’actif net.
Tableau 2 : Répartition des fonds français (source Morningstar) selon la catégorie SFDR
Population Échantillon
Article 8 Article 9 Total Art.8 & 9
(référentiel AMF) d’analyse
Actif net Actif net Actif Actif Actif
Nb Nb Nb Nb Nb
(Mds€) (Mds€) net net net
AIF 7 339 1 023 1 027 161 36 % 60 % 3% 5% 39 % 64 %
OPCVM 2 997 961 2 859 941 57 % 84 % 4% 3% 61 % 87 %
Total 10 336 1 984 3 886 1 102 52 % 81 % 4% 3% 55 % 83 %
Sources : Morningstar et AMF (base de données BIO), calculs AMF
129
La Commission européenne, dans un document de questions-réponses publié le 14 juillet 2021, a apporté des précisions quant aux
périmètres respectifs des Articles 9 et 8. À ce titre, elle a par exemple précisé qu’un produit soumis à l’Article 9 ne doit effectuer que des
investissements durables, exception faite des investissements effectués à des fins de liquidité et de couverture. Voir en particulier la section V
– question 1 et 2 du Consolidated questions and answers Q&A on the SFDR and the SFDR Delegated Regulation.
130
ESMA (2023). Report on Trends, Risks and Vulnerabilities montre par exemple qu’entre juin 2021 et juin 2023, les fonds Article 8 ont reçu
plus de flux nets que les fonds Article 6, tandis que les flux des fonds Article 9 ont été stables au cours de la même période. Voir aussi Amzallag,
Mazzacurati et Mosson (2023). ESG names and claims in the EU fund industry. ESMA TRV Risk Analysis. ESMA50-524821-2931. 2 octobre 2023.
Consciente du risque d’éco blanchiment, l’ESMA a d’ailleurs publié des guidelines sur la dénomination des fonds en mai 2024. Par sa position-
recommandation DOC-2020-03, l’AMF avait exigé que la communication extra-financière des fonds soit associée à une démarche
significativement engageante de la gestion.
131
Cependant, il est important de souligner qu’une partie des fonds ne valorise pas leur actif à fin mars 2024, ce qui peut être dû à des
fréquences de valorisation différentes. La dernière valorisation disponible (sous réserve qu’elle date de moins d’un an) a donc été prise en
compte.
132
Les données relatives aux classifications SFDR ne sont pas historisées dans les bases Morningstar. Elles correspondent à la dernière valeur
disponible à la date d’extraction.
133
Ces chiffres sont très largement supérieurs à ceux obtenus par Darpeix et Demartini (2023) sur la totalité du marché français à fin 2021 où
la proportion des fonds Articles 8 et 9 s’établissait à 20 % en termes de nombre et 47 % en termes d’actifs. Cela peut être dû au caractère
partiel de la base Morningstar (en particulier concernant les fonds d’investissement alternatifs) comme aux multiples changements de
classification opérés dans les premières années de SFDR.
- 84 -
Cette image est à une date donnée (ici mai 2024, date à laquelle la classification SFDR a été téléchargée de Morningstar) et
ne prend donc pas en compte les possibles modifications de classification SFDR. Or, il est important de savoir que des
mouvements de déclassifications ou de reclassifications ont bien eu lieu depuis que le règlement SFDR est entré en vigueur.
Ainsi, à fin 2022, Bioy, Wang et Carabia (2023) 134 fait état de déclassifications importantes (comptant pour 40 % des encours)
de la part des fonds Article 9 qui ont opté pour une classification Article 8. Ces déclassifications ont eu lieu avant janvier
2023, date à laquelle différentes obligations de publications standardisées imposées à ces fonds commençaient à
s’appliquer. En effet, à partir de cette date, les nouvelles règles de transparence sur la durabilité des approches prises par
les gérants de fonds « Article 8 » et « Article 9 » sont entrées en vigueur 135.
Afin d’examiner si un mouvement de déclassification tel qu’indiqué par Morningstar a bien pris place dans le cas des fonds
français, nous allons comparer la classification SFDR pour les fonds faisant partie de l’échantillon Morningstar obtenu en mai
2024 avec leur classification SFDR à fin 2021. Pour ce faire, nous allons prendre en compte la classification SFDR des fonds à
fin 2021 telle qu’elle a été présentée dans l’étude Darpeix et Demartini (2023) 136.
Nos analyses confirment les déclassifications opérées par les fonds Article 9 après fin 2021. Ainsi, à fin 2021, l’échantillon
utilisé dans l’étude Darpeix et Demartini (2023) comportait 220 fonds Article 9 pour un actif net total d’environ 63 milliards
d’euros. Parmi ces 220 fonds, 162 fonds sont toujours en vie en mai 2024 et disposent d’une classification SFDR indiqué dans
Morningstar. Or, 46 % de ces fonds (75 fonds soit 25 milliards d’euros d’actif net à fin 2021) ont changé de classification
depuis fin 2021 et sont maintenant des fonds article 8. Ainsi, si nous considérons l'échantillon de Darpeix et Demartini (2023)
à fin 2021, environ 40 % des encours des fonds Article 9 ont été rétrogradé dans la classification Article 8 137, ce qui est
conforme avec les résultats de l’étude de Bioy, Wang et Carabia (2023). Cependant, étant donné que nous comparons les
classifications SFDR entre fin 2021 et mai 2024, nous ne sommes pas en mesure d’identifier la date exacte à laquelle ces
déclassifications ont eu lieu.
Dans un contexte d’intérêt grandissant des investisseurs pour l’investissement durable, le suivi des classifications SFDR (et
de leurs éventuelles modifications) doit se poursuivre. En effet, en l’absence de critères minimaux nécessaires pour être
identifiés comme étant un fonds Article 8 ou 9, ces classifications ont pu, à tort, être perçues, voire utilisées, comme des
labels, ce qui n’est pas leur vocation. L’adoption de critères minimaux (tels que défendus par l’AMF 138) permettrait de
clarifier cette situation et d’éviter les risques de greenwashing. De même, elle permettrait de limiter le risque croissant de
green-bleaching 139 qui inciterait les acteurs à ne pas afficher les caractéristiques ESG pour leurs produits, afin d'éviter des
risques juridiques potentiels.
En considérant les statistiques de l’Association française de la gestion financière (AFG), l’encours de ces mandats
(y compris les OPC de droit étrangers) a enregistré une hausse d’environ 90 milliards d’euros en 2023, atteignant
ainsi 2 351 milliards d’euros fin 2023. Ce montant reste toutefois en dessous du pic historique de 2021
(2 610 milliards d’euros). En 2023, l’encours des mandats s’est approché des 1 500 milliards d’euros, tandis que les
OPC de droit étranger gérés en France ont dépassé 880 milliards d’euros 140.
134
Bioy, Wang et Carabia (2023). SFDR Article 8 and Article 9 Funds: Q4 2022 in Review, Morningstar, 26 janvier 2023.
135
Par exemple, pour les fonds article 9 sont obligés de déclarer le pourcentage d’investissements durables effectués ayant un objectif
environnemental ou social. Voir le Règlement délégué (UE) 2022/1288 de la Commission du 6 avril 2022 complétant le règlement (UE)
2019/2088 du Parlement européen et du Conseil pour la définition des normes techniques de réglementation liées aux obligations de
publication d’informations, ainsi que Règlement délégué (UE) 2023/363 de la Commission du 31 octobre 2022 qui modifie et rectifie les normes
techniques de réglementation.
136
Voir Darpeix et Demartini (2023). État des lieux des classifications SFDR sur le marché des fonds français et expositions des portefeuilles aux
secteurs fossiles à fin 2021, Documents de travail de l’AMF.
137
Nous n’identifions aucun fonds article 9 à fin 2021 qui ait été déclassifié en fonds Article 6 en mai 2024.
138
Communiqué de l’AMF (2024) « L'AMF publie, dans un papier de position, les principes incontournables qui devraient selon elle orienter la
révision de SFDR ».
139
ESMA (2023). SMSG advice to ESMA on the ESAs’ Call for Evidence on Greenwashing
140
Voir AFG (2024). Panorama du marché de la gestion pour compte de tiers.
- 85 -
Graphique 87 : Marché français de la gestion : gestion collective (fonds de droit français) et gestion sous mandat
(SGP françaises) (en milliards d’euros)
3 000
OPC de droit français
2 279
Mandats y compris OPC de droit étranger 2 351
2 500
2 000
1 500
1 000
500
0
2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 2020 2021 2022 2023
Les assureurs occupent une place importante dans l’économie et représentent l’un des principaux groupes
d’investisseurs institutionnels. En effet, la Banque de France 141 indique qu’à fin 2023, les placements financiers des
assureurs s’élevaient à environ 2 468 milliards d’euros (soit approximativement 90 % du produit intérieur brut –
PIB – français 142). Comparés aux niveaux enregistrés fin 2022, les placements financiers des assureurs ont crû
d’environ 100 milliards d’euros en 2023 grâce principalement à une importante revalorisation des actifs.
Grâce aux données transmises à l’AMF par l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), nous pouvons
obtenir une estimation de la part que représentent les assureurs au passif des fonds de placement à fin 2023 143.
Le premier tableau décompose le nombre et l’encours total des titres d’OPC détenus par les assureurs français,
selon le pays de domiciliation du fonds et la branche d’activité des assureurs.
Tableau 3 : Décomposition des titres d'OPC au portefeuille des assureurs français par code ISIN
Nombre Vie Vie
Non-vie Total Mds € Non-vie Total
Euro UC Euro UC
FR 2 140 5 924 20 428 28 492 FR 34 256 275 565
LU 657 1 965 21 309 23 931 LU 7 41 87 134
IE 90 182 3 010 3 282 IE 3 8 6 17
Autres 49 120 1 107 1 276 Autres 1,0 7 5 13
ISIN Invalide 632 1 979 474 3 085 ISIN Invalide 7 59 16 82
Total 3 568 10 170 46 328 60 066 Total 52 370 389 811
Source : Reporting ACPR.
Note de lecture : le tableau de gauche comporte le nombre de fonds détenus par les assureurs selon le pays de domiciliation du fonds et la
branche d’activité des assureurs. Un même fonds peut donc apparaître plusieurs fois s’il est détenu par plus d’un assureur. La catégorie « ISIN
Invalide » comporte les titres qui disposent d’un ISIN de moins de 12 caractères, ou bien d’un ISIN dont les deux premiers caractères ne
représentent pas un code pays selon la liste présente sur le site institutionnel de l’International Securities Identification Numbers. De plus, cette
catégorie comprend aussi tous les titres en portefeuille qui n’ont pas un ISIN en bonne et due forme (en particulier, les sociétés civiles de
placement immobilier ou SCPI, mais aussi certains organismes de titrisation, fonds de capital-risque, etc.).
141
Banque de France (2024). Placements des assurances 2023T4.
142
Selon les données Insee, le PIB français s’élevait à environ 2 800 milliards d’euros (prix courants).
143
Voir la section 3.9 « Focus sur l’assurance : le poids de l’intermédiation dans la distribution des fonds français » de la Cartographie des
marchés et des risques 2023 pour une description des investissements des assureurs dans les fonds selon la branche d’activité.
- 86 -
Comme l’année passée, la majorité des fonds détenus par les assureurs le sont dans le cadre de contrats
d’assurance-vie en unités de compte (46 328 titres contre à 10 170 titres pour les fonds euros et 3 568 titres pour
les contrats non-vie). Les encours d’OPC identifiés au portefeuille des assureurs ont crû de 57 milliards d’euros en
2023 pour atteindre 811 milliards d’euros en fin d’année. Les OPC français représentent une part majoritaire des
investissements en OPC des assureurs français. Ainsi, en termes d’encours à fin 2023, les fonds français constituent
environ 70 % du portefeuille des assureurs français placé dans les fonds d’investissement (en hausse de 2 points
de pourcentage par rapport à 2022).
La majorité (environ 94 %) des investissements des assureurs français en parts de fonds correspond à l’activité
d’assurance-vie (contrats en euros et en UC) (tous domiciles confondus). L’encours d’OPC détenu dans le cadre des
fonds euros et des contrats en unités de compte est presque équivalent (370 milliards d’euros et 389 milliards
d’euros respectivement).
Afin d’obtenir la part que représentent les assureurs au passif des fonds français, nous croisons les ISIN présents
dans les données ACPR avec les données de supervision de l’AMF. 7 194 fonds français en portefeuille sont ainsi
identifiés, pour un encours cumulé d’environ 532 milliards d’euros à fin 2023 144. Rapporté aux 2 266 milliards
d’euros d’actif net des fonds français (selon les données EFAMA), nous concluons qu’environ 24 % du passif des
fonds français est détenu par les assureurs français. Cependant, sur 7 194 fonds identifiés à fin 2023, 1 213 fonds
(17 % de la population identifiée) présentaient un passif détenu à plus de 95 % par des assureurs français.
Une meilleure connaissance de la structure du passif des fonds permettrait d’analyser le comportement de chaque
type de détenteur de part de fonds (dont les assureurs et les banques) pendant les périodes de tensions et
d’étudier les interconnexions existantes entre le secteur de la gestion d’actifs et les autres acteurs du système
financier notamment. Il serait par exemple intéressant d’examiner si la présence des assureurs (ou d’autres
investisseurs institutionnels) au passif des fonds a un effet stabilisateur sur les flux de ces derniers pendant les
périodes de crise 145.
144
La différence entre ce chiffre et les 565 milliards reportés dans le Tableau 3 peut être liée à des erreurs de reporting, mais aussi à des
changements de domiciliation de fonds n’ayant pas donné lieu à une modification du code ISIN (les deux premières lettres de l’ISIN restent
« FR » alors même que le fonds a changé de juridiction de domiciliation.
145
En effet, le mode de détention semble avoir un effet sur la relation qui existe entre les flux et la performance. En analysant les fonds
obligataires français sur une période allant de février 2019 à avril 2021, Capota et Darpeix (2023) montrent que les fonds majoritairement
détenus dans le cadre de contrats d’assurance-vie en unités de compte ont une sensibilité des flux aux performances négatives plus grande
que les fonds qui sont majoritairement détenus pour le compte propre des assureurs.
Pour une analyse détaillée voir Capota et Darpeix (2023). Relation flux performance des fonds obligataires français, Documents de travail de
l’AMF, novembre 2023.
- 87 -
Graphique 89 : Évolution des volumes d’investissements
Graphique 88 : Prix des investissements en bureaux en
sur l’immobilier d’entreprise en Île-de-France
euros « acte en main » par m2
(en millions d’euros)
8 500 € 30 000 €
8 000 €
T1 T2 T3 T4
25 000 €
7 500 €
7 000 €
20 000 €
6 500 €
15 000 €
6 000 €
5 500 €
10 000 €
5 000 €
4 500 € 5 000 €
4 000 €
0€
2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 2020 2021 2022 2023
50
66.5 67.8 69 69.8 72.1 72.4 72.8 69
0
31/03/2022 30/06/2022 30/09/2022 31/12/2022 31/03/2023 30/06/2023 30/09/2023 31/12/2023
SCPI OPCIP Autres FIA en UC Autres FIA OPCI FIA étrangers FPS
Comme indiqué dans le Graphique 90, plusieurs types de fonds immobiliers existent en France. Or, il est important
de distinguer les différentes catégories car chaque type de fonds vise différents types d’investisseurs et comporte
ses propres caractéristiques. Le caractère ouvert ou fermé de ces fonds est l’un des principaux attributs car il influe
directement sur la façon dont la liquidité (i.e. le montant investi dans le fonds) est accessible aux détenteurs de
parts. Le vecteur par lequel se fait cet investissement va également impacter leur accès à la liquidité. Il peut se
faire en direct (auprès de réseaux de distribution bancaires ou conseiller en gestion de patrimoine) ou via un
assureur-vie en unités de comptes (UC).
- 88 -
Tableau 4 : Description des principaux types de supports
Placement Encours Agrément Clientèle Type
Produits considérés par les acteurs comme des FIA
SCPI Particuliers pour l’essentiel Fermés aux rachats mais
Visa délivré
(Société Civile de 69 Mds € Egalement détenus par d’autres fonds : marché « secondaire »
par l’AMF
Placement Immobilier) SCI et OPCI organisé par la SGP
OPCI Particuliers (essentiellement via
(Organisme de Agréés par l’assurance-vie en unités de compte)
14,9 Mds € Ouverts aux rachats
Placement Collectif l’AMF Egalement détenus par d’autres fonds :
Immobilier) SCI
Autre FIA (dont SCI) 13,9 Mds € Non agréés Majoritairement professionnelle Ouverts aux rachats
L’essentiel des encours (près de 104 milliards d’euros) est détenu par des particuliers, dont environ 35 milliards
ouverts aux rachats. Ces fonds ouverts aux rachats sont très majoritairement commercialisés via les assurances-
vie en UC. Le reste des encours ouverts aux rachats est détenu en direct et implique des montants très faibles. S’il
se trouve dans l’impossibilité d’honorer les rachats, le gérant peut restreindre les rachats via l’activation d’outils
de gestion de la liquidité. Pour les SCPI (Sociétés Civiles de Placement Immobilier) à capital variable qui totalisent
la part la plus importante des encours des particuliers, la sortie ne peut d’ordinaire s’opérer que par compensation
avec des souscriptions nouvelles. De même, sur le segment des fonds à destination des professionnels, les OPPCI
(Organismes de Placement Collectif Immobilier Professionnel) sont fermés en pratique en raison de la présence de
mécanismes de plafonnement des rachats contraignants (gates) dès lors qu’ils représentent 0,1 % de l’actif net.
Selon le type de supports, la collecte a ralenti et les demandes de rachats ont augmenté en 2023.
Dans le détail :
Les OPCI (Organismes de Placement Collectif Immobilier) s’adressent à une clientèle de détail et sont des
fonds ouverts, généralement distribués dans des assurances-vie en unités de compte. Selon les données
AIFM 146, au cours de l’année 2023, leur encours a diminué d’approximativement 5 milliards d’euros (soit
environ 24 % de l’encours total à fin 2022), en grande partie du fait de rachats. Dans un document faisant
un état des lieux des évolutions des fonds immobiliers grands publics, l’ASPIM (2024a) 147 indique par
exemple que les OPCI grand public ont enregistré une décollecte nette de 3 milliards d’euros en 2023 148,
alors que le prix des parts était revu à la baisse 149. La mauvaise performance du secteur immobilier s’est
146
Les fonds immobiliers sont des fonds d’investissement alternatif (FIA) et sont couverts à ce titre par le reporting AIFMD. Dans le cadre de ce
reporting, l’AMF reçoit différentes données (données sur les encours, actif net, expositions, etc.) portant sur les fonds gérés par des sociétés
de gestion (SGP) françaises. Par conséquent, un fonds domicilié en France mais géré par une SGP étrangère ne sera pas couvert par ce reporting.
147
Voir le communiqué de presse du 8 février 2024 de l’ASPIM (2024a). Les fonds immobiliers grand public en 2023.
148
L’activation d’outils de gestion de liquidité par les fonds a permis d’atténuer une partie des rachats.
149
NB : les OPCI sont tenus de procéder à une évaluation de leurs actifs immobiliers tous les trimestres en vertu de l’article 422-165 du
règlement général de l’AMF.
- 89 -
en effet répercutée sur les performances des OPCI : selon l’ASPIM (2024a) les OPCI grand public ont
reporté une performance globale d’environ -8 % en 2023.
Les autres FIA sont des fonds immobiliers qui prennent généralement la forme de sociétés civiles
immobilières (SCI) dont une partie (environ 20 milliards d’euros à fin 2023 soit 60 % de l’encours des
autres FIA) est distribuée en unités de compte dans le cadre des contrats d’assurance-vie. Si la catégorie
« autres FIA » a connu une hausse de l’encours entre fin 2022 et fin 2023, les « autres FIA distribués en
unités de compte » ont vu leur encours baisser d’environ 2 milliards d’euros au cours de l’année 2023.
Comme pour les OPCI, l’ASPIM (2024a) indique que les SCI distribuées en unités de compte ont connu des
difficultés avec une décollecte nette d’environ 543 millions d’euros au cours de l’année 2023 150 et une
performance globale de -7 %. Cependant, la performance reportée par ces autres FIA est hétérogène :
selon l’ASPIM (2024b) 151, certaines SCI (représentant plus de la moitié de la population en termes d’actif
net) ont déclaré une performance inférieure à -11 % en 2023.
Certaines SCPI (Sociétés Civiles de Placement Immobilier) ont aussi connu une année 2023 difficile. Ces
fonds peuvent être soit fermés (à capital fixe) soit ouverts (à capital variable). La majorité des SCPI sont à
capital variable. En effet, ces SCPI représentent environ 90 % des encours des SCPI. Cependant, même s’il
est possible pour un investisseur de sortir d’une SCPI à capital variable, les rachats se font sous des
conditions strictes et généralement via un marché primaire 152 suivant un mécanisme de compensation
selon lequel un ordre de retrait est apparié à un ordre de souscription. Selon l’ASPIM (2024a), au cours de
l’année 2023, le prix de part moyen pondéré par la capitalisation a baissé de 5 %, tandis que les collectes
nettes se sont tassées et se sont établies à environ 6 milliards d’euros, contre 10 milliards en 2022. Si
certaines SCPI ont enregistré des collectes nettes positives parfois substantielles sur l’année 2023,
d’autres, le plus souvent détenues par des clients institutionnels, ont dû faire face à d’importantes
demandes de rachats au dernier trimestre 2023 : selon l’ASPIM (2024b), en 2023, 2 milliards d’euros de
parts se sont échangées sur le marché primaire (contre environ 1,4 milliard en 2022). Fin 2023, les parts
en attente de cession représentaient encore 2 milliards d’euros soit environ 2 % de la capitalisation du
marché (contre 1 milliard d’euros, soit 1 % trois mois plus tôt 153). Ceci indique donc à la fois une position
attentiste des investisseurs qui limitent leurs souscriptions dans des SCPI mais aussi des demandes de
retrait en hausse.
Les OPCIP (Organismes de Placement Collectif Immobilier Professionnel) sont des fonds immobiliers qui
visent une clientèle professionnelle. Bien que réglementairement catégorisés comme étant des fonds
ouverts, en pratique les rachats y sont très limités par la présence de gates fixées à des niveaux très bas
(par exemple à 0,1 % de l’actif net). Au cours de l’année 2023, leurs encours cumulés ont connu une baisse
d’environ 6 milliards d’euros (soit 9 % des encours fin 2022) qui a été imputable à un effet de
dévalorisation exclusivement (les rachats étant de fait très limités).
150
Cette décollecte aurait pu être supérieure au montant réellement enregistré sans activation d’outils de gestion de liquidité.
151
Voir l’article de l’ASPIM (2024b). Les fonds immobiliers grand public – 4ème trimestre 2023.
152
Voir la section 3.4 « Risque de levier : le cas des fonds immobiliers » de la cartographie des marchés et des risques 2023 pour une description
détaillée du fonctionnement des SCPI.
153
Voir l’article de l’ASPIM (2024c). Les fonds immobiliers grand public – 3ème trimestre 2023.
- 90 -
3.5.3. Description des principaux risques :
Comme nous avons pu le voir dans la section précédente, les fonds immobiliers français ont globalement affiché
des baisses de performance et des décollectes au cours de l’année 2023. Ces constats rappellent les risques
auxquels ces fonds doivent faire face et les risques potentiels qu’ils font peser sur la stabilité du secteur immobilier.
En effet, une baisse des prix des fonds immobiliers pourrait inciter les investisseurs à demander le rachat de leurs
parts détenues dans des fonds ouverts. Afin de faire face à ces rachats, les gérants pourraient procéder à des
cessions forcées d’actifs immobiliers qui engendreraient à leur tour des baisses des prix selon un mécanisme auto-
entretenu. La raréfaction des transactions traduit la position attentiste des gérants qui préfèrent reporter les
ventes plutôt qu’enregistrer des pertes 154. Pour les fonds immobiliers qui investissent dans d’autres fonds
immobiliers (par exemple les SCI peuvent détenir des parts d’OPCI ou de SCPI), une autre façon de répondre aux
retraits de leurs investisseurs serait de demander le rachat de parts détenues dans ces fonds immobiliers. Bien que
cette stratégie ait le mérite de ne pas contribuer au stress sur le marché immobilier en procédant à la vente d’actifs
immobiliers à décote dans un contexte de marché baissier, elle transmet en réalité les tensions d’un fonds vers
d’autres.
Cependant, une baisse des prix pourrait ne pas se traduire par une augmentation des rachats. En effet, la décision
de garder ou vendre ses parts dépend de l’objectif de détention du porteur. Lorsque le motif de détention est la
mise en location, les détenteurs des parts d’une SCPI perçoivent dans la grande majorité des cas des dividendes
dont le montant dépend des loyers perçus par le fonds (SCPI de rendement). Or, les taux de distribution des SCPI
n’ont pas baissé en 2023.
En termes de risque potentiel, nous pouvons aussi préciser que dans un contexte plus général de réajustement des
prix, les fonds immobiliers pourraient également voir les demandes de rachat augmenter en anticipation d’une
future baisse des prix. Contrairement aux fonds classiques (fonds actions ou obligataires par exemple) qui
bénéficient généralement d’une valorisation quotidienne, les fonds immobiliers présentent des fréquences de
valorisation plus espacées, lesquelles varient en fonction de la typologie des fonds (annuelle a minima pour les
SCPI, trimestrielle pour les OPCI par exemple). Des investisseurs informés pourraient ainsi tirer profit de cette
situation en demandant le rachat des parts plus tôt, au détriment des investisseurs restant dans le fonds. Par
exemple, dans le cadre des SCPI à capital variable, l’existence d’un carnet d’ordres permet de gérer les
souscriptions et les rachats des parts par ordre chronologique d’arrivée. Ainsi, un investisseur peut sortir à tout
moment tant que son retrait est compensé par une souscription (si les demandes de souscription n’existent pas,
alors les parts deviennent des parts en attente de cession). Les retraits et les souscriptions se font au prix de la part
qui est fixée par la société de gestion dans un corridor de ± 10 % de la valeur de reconstitution. La valeur de
reconstitution doit être calculée au moins une fois par an et elle correspond à la valeur d’expertise du patrimoine
de la SCPI à laquelle s’ajoutent les frais de reconstitution du patrimoine. Une valeur de reconstitution d’un
patrimoine, exposé à des secteurs en cours de dévaluation, donc non mise à jour, engendrerait un prix de
souscription (et donc des rachats) surévalué par rapport à la réalité. Les investisseurs informés d’une potentielle
future baisse de la valeur de reconstitution pourraient demander un retrait immédiat, ce qui pourrait saturer le
carnet d’ordres.
Afin de permettre un traitement équitable des investisseurs et de limiter le risque de mauvaise commercialisation
dans un contexte où la baisse des prix n’était pas encore reflétée dans la valorisation des fonds, l’AMF a demandé
le 7 juillet 2023 aux gestionnaires de SCPI de recalculer les valeurs de reconstitutions à mi-année et de réévaluer
le prix des parts le cas échéant. De même, les OPCI ont dû mettre à jour la valorisation des biens immobiliers sans
délai.
À la suite de cette campagne de réévaluation, les plus grandes SCPI ont baissé la valeur de reconstitution, le niveau
de cette baisse étant hétérogène en fonction du secteur dans lequel la SCPI opère. Par exemple, les SCPI qui ont
majoritairement investi dans l’immobilier de bureau ont connu les ajustements les plus notables (d’environ 6,5 %
154
Un nombre limité de fonds (et pour un montant total faible) ont suspendu leurs rachats ou activé leurs gates. Au 2 avril 2024, 5 autres FIA
avaient suspendu leurs rachats, tandis que 8 OPCI, 1 OPPCI et 1 FPS avaient mis en place des plafonnements de rachat (gates).
- 91 -
comparé au secteur du commerce et de la logistique lesquels enregistrent une baisse d’approximativement 2,5 %).
Cependant, une baisse de la valeur de reconstitution n’induit pas nécessairement une révision du prix de la part :
en effet, le prix de la part peut, malgré l’ajustement, toujours se situer dans l’intervalle de ± 10 % de la nouvelle
valeur de reconstitution et donc rester inchangé. En pratique l’AMF a constaté que seul un nombre limité des SCPI
qui avait baissé la valeur de reconstitution a aussi dévalué le prix de souscription de leurs parts 155.
Dans ce contexte de réévaluation des biens immobiliers, la question de la justesse de la nouvelle évaluation est
cruciale. En effet, les sociétés de gestion font appel à des experts pour évaluer leur patrimoine immobilier et les
méthodes de valorisation utilisent une sélection des transactions jugées récentes portant sur des biens
comparables. Cependant, la sélection des biens comparables a un caractère subjectif et l’actualisation des valeurs
est rendue complexe par la raréfaction actuelle des transactions.
Compte tenu de l’illiquidité et de la forte incertitude des évaluations des biens immobiliers, il est donc important
de mieux aligner les profils de liquidité entre l’actif et le passif des fonds. L’adoption plus générale par les fonds
des outils de gestion de liquidité (liquidity management tools ou LMT) peut aussi contribuer à réduire les
asymétries de liquidité. La révision de la directive AIFM en 2024 représente un réel progrès car elle prévoit i) que
des suspensions de rachat et l’activation des side pockets soient possibles pour tous les gérants européens en
situation exceptionnelle afin de préserver l’intérêt des investisseurs sans que ces outils apparaissent dans les règles
de fonctionnement du fonds (c’était déjà le cas en France) et ii) l’adoption obligatoire d’au moins deux LMT parmi
une liste (composée de gates, l’extension du préavis de rachat, frais de liquidité, swing pricing, dual pricing, droits
ajustables et rachats en nature) après avoir pris en compte leur stratégie d’investissement.
Indépendamment des mesures mises en place visant à réduire le risque de liquidité, le suivi renforcé des fonds
immobiliers doit se poursuivre dans un contexte de raréfaction de transactions immobilières et de valorisations
incertaines. En ce sens, l’AMF maintient en 2024 le suivi détaillé de la liquidité et de la valorisation grâce aux
reportings sur-mesure réguliers mis en place en 2023.
3.6. ADOPTION DES OUTILS DE GESTION DE LA LIQUIDITÉ PAR LES FONDS FRANÇAIS
Les outils de gestion de la liquidité (ou liquidity management tools, LMT) sont des dispositifs réglementaires ou
contractuels qui permettent aux gérants de fonds d’investissement de réduire le risque de liquidité et de préserver
l’équité de traitement entre les porteurs de parts.
L’AMF et la Banque de France ont développé un outil informatique permettant la lecture automatisée des
prospectus des fonds en vue de détecter la présence d’outils de gestion de la liquidité. Un premier état des lieux
de l’adoption des LMT à la date du 31/12/2019 a été présenté dans une publication conjointe en juillet 2020 156. En
novembre 2021, une nouvelle étude collaborative fournissait une vision dynamique de l’introduction de ces outils
dans la documentation réglementaire des fonds, entre le 31 décembre 2017 et le 30 juin 2021 157. Malgré une
certaine progression du déploiement, le taux d’équipement des fonds français restait encore très faible.
Le 8 février 2022, l’AMF a lancé une consultation publique relative au renforcement des exigences concernant les
outils de gestion de la liquidité 158. À l’issue de cette consultation, l’Autorité a procédé à trois actualisations
successives de sa doctrine, avec pour objectif de faciliter l’adoption rapide des LMT.
155
Suite à la campagne de réévaluation de mi-année, 25 SCPI ont dévalué leur prix de part.
156
Darpeix, Pierre-Emmanuel, Caroline Le Moign, Nicolas Même, et Marko Novakovic (2020). Présentation et recensement des outils de gestion
de la liquidité des fonds français. Documents de travail de l’AMF, juillet 2020
157
Darpeix, Pierre-Emmanuel, Nicolas Même, Natacha Mosson et Marko Novakovic (2021). Présentation et recensement des outils de gestion
de la liquidité des fonds français : vision dynamique depuis 2017 et actualisation à mi-2021. Documents de travail de l’AMF, novembre 2021
158
AMF (2022). Consultation publique sur le renforcement des exigences concernant les outils de gestion de la liquidité.
- 92 -
1) La révision du 6 octobre 2022 159 apporte les modifications suivantes :
une période transitoire courant jusqu’au 31/12/2023 a été instaurée pour permettre l’adoption de gates
sans nécessiter une information particulière aux porteurs assortie de la possibilité de sortie sans frais :
une information par tout moyen (par exemple une mention sur le site internet) suffit ;
les conditions d’introduction des droits d’entrée/sortie ajustables acquis au fonds (anti-dilution levies,
ADL) sont alignées sur celles du swing pricing (information par tout moyen plutôt qu’information
particulière assortie de la possibilité de sortie sans frais).
2) L’actualisation du 24 novembre 2022 160 prévoit que :
les fonds qui ne mettront pas en place de gates avant le 31/12/2023 devront déclarer à l’AMF les raisons
de cette décision, fournir à l’AMF une attestation de reconnaissance des risques encourus par l’OPC et ses
investisseurs, informer les porteurs via une communication par tout moyen et insérer un avertissement-
type dans le prospectus 161 ;
les fonds qui ne mettront pas en place d’outils anti-dilutifs avant le 31/12/2023 devront déclarer les
raisons motivant cette décision, fournir à l’AMF une attestation de reconnaissance des risques encourus
par l’OPC et ses investisseurs, et vérifier régulièrement au moyen de stress-tests la validité de l’analyse
ayant conduit à leur non-introduction.
3) La mise à jour du 12 juin 2023 162 dispose que :
la période transitoire permettant l’introduction simplifiée des gates (information par tout moyen) est
étendue au 31/12/2024 pour les fonds d’épargne salariale ;
l’obligation de faire figurer l’avertissement-type dans le prospectus en cas de non-introduction des gates
s’applique à compter du 31/12/2024 pour les fonds d’épargne salariale existants (mais dès le 1er janvier
2024 pour les nouveaux FCPE).
Au niveau européen, la revue des directives AIFM et OPCVM 163 publiée au Journal officiel de l’Union européenne
en mars 2024 rend obligatoire la mise en place d’au moins deux outils de gestion de liquidité pour tous les OPCVM
ainsi que pour tous les FIA ouverts. Par dérogation, un seul LMT est requis pour les fonds monétaires 164. Ces
directives doivent être transposées en droit national au plus tard le 16 avril 2026.
Une collecte de données ad-hoc de l’AMF auprès des sociétés de gestion a permis de conclure à une nette
augmentation du taux d’équipement des fonds ouverts fin 2023.
159
AMF (2022a). L’AMF actualise sa doctrine afin de faciliter l’introduction d’outils de gestion de liquidité. 6 octobre 2022.
160
AMF (2022b). L’AMF complète sa doctrine concernant les outils de gestion de la liquidité. 24 novembre 2022
161
Cf. plan-type du prospectus, par exemple pour les OPCVM (Annexe XI de l’instruction AMF DOC-2011-19) : « En cas de circonstances
exceptionnelles, l’absence de mécanisme de plafonnement des rachats pourra avoir pour conséquence l’incapacité de l’OPCVM à honorer les
demandes de rachats et ainsi augmenter le risque de suspension complète des souscriptions et des rachats sur cet OPCVM. ».
162
AMF (2023). Fonds d’épargne salariale : l’AMF modifie sa doctrine concernant l’introduction simplifiée d’outils de gestion de la liquidité.
12 juin 2023.
163
Directive (UE) 2024/927 du Parlement européen et du Conseil du 13 mars 2024 modifiant les directives 2011/61/UE et 2009/65/CE en ce
qui concerne les modalités de délégation, la gestion du risque de liquidité, les déclarations à des fins de surveillance, la fourniture de services
de dépositaire et de conservation ainsi que l’octroi de prêts par les fonds d’investissement alternatifs.
164
Les outils de gestion de la liquidité doivent être choisis parmi les options suivantes : plafonnement des remboursements (gates), prolongation
des délais de préavis, frais de remboursement, ajustement de la valeur liquidative (swing pricing), régime du double prix (dual pricing), droits
d’entrée/sortie ajustables acquis au fonds (anti-dilution levies), remboursement en nature.
- 93 -
Encadré 11 : Travaux internationaux sur les fonds
En réponse aux vulnérabilités du secteur financier mises en lumière depuis la crise sanitaire, les instances internationales
ont constitué plusieurs groupes de travail afin d’identifier et d’analyser les axes de renforcement de la résilience, mais aussi
de développer des recommandations à l’intention des juridictions et de leurs superviseurs.
Le premier axe de travail concernait les fonds monétaires (cf. Encadré 9) : dès novembre 2020, l’Organisation internationale
des commissions de valeurs (OICV/IOSCO) publiait un diagnostic de la crise de mars 165 et une revue thématique sur la
consistance de la mise en œuvre des réformes qui avaient ciblé les fonds monétaires après la crise des subprimes 166. En
coordination avec l’OICV, le Conseil de stabilité financière (CSF/FSB) a par la suite développé des propositions de principes
pour améliorer la résilience des fonds monétaires 167, et récemment publié une revue thématique des réformes (peer
review) 168.
Un deuxième pan des travaux visait les fonds ouverts (ou open-ended funds, c’est-à-dire les fonds qui autorisent des
souscriptions et des rachats tout au long de leur durée de vie 169, et qui peuvent être confrontés à un risque de liquidité). Ces
travaux ont abouti à la publication en décembre 2023 d’un rapport du FSB détaillant une revue de ses recommandations de
2017 pour pallier les vulnérabilités structurelles induites par les différentiels de liquidité entre actif et passif dans les fonds
ouverts 170. En particulier, le FSB invite à la systématisation de l’introduction et de la mise en œuvre des outils anti-dilutifs
(comme par exemple le swing pricing ou les droits d’entrée/sortie ajustables acquis aux fonds) pour limiter les risques
macroprudentiels. Ces outils, dont le principe est de faire supporter aux investisseurs entrants ou sortant d’un fonds le coût
de l’ajustement de portefeuille induit par leur mouvement, ont pour objectif principal d’assurer l’égalité de traitement entre
les porteurs de parts. Cependant, en limitant l’avantage au premier sortant, ils peuvent aussi contribuer à la stabilité
financière. En coordination avec le rapport du FSB, l’OICV publiait des orientations sur l’usage de ces outils anti-dilutifs 171.
L’OICV continue par ailleurs à travailler à la mise à jour de ses recommandations de 2018 sur la gestion du risque de liquidité
ainsi qu’aux orientations sur les autres outils de gestion de la liquidité (quantity-based tools, comme le plafonnement des
rachats par exemple) ou sur l’usage des stress-tests.
Le troisième volet est actuellement en cours de réalisation. Des groupes de travail du FSB et de l’OICV réfléchissent aux
moyens d’améliorer le suivi du levier des acteurs financiers non-bancaires (en particulier les fonds d’investissement, les
assurances et les fonds de pension), ainsi qu’aux outils dont les autorités devraient pouvoir disposer pour prévenir
l’accumulation d’un excès de levier ex-ante et gérer les crises ex-post.
Au niveau européen, la Commission a lancé le 22 mai 2024 une consultation ciblée sur les politiques macroprudentielles
pour les intermédiaires financiers non-bancaires dont les réponses sont attendues avant le 22 novembre 172. Les autorités
de marché espagnole (CNMV), autrichienne (FMA), italienne (Consob) et française (AMF) ont publié, le 15 avril 2024, un
papier de position commun concernant le cadre macroprudentiel des fonds d’investissement, dans lequel elles soutiennent
le recours accru aux outils de gestion de la liquidité pour les fonds ouverts, la suppression de la comptabilité au coût amorti
pour les fonds monétaires, l’introduction d’une approche de supervision consolidée pour les gérants d’actifs multinationaux,
et l’établissement d’une plateforme intégrée de données pour les banques centrales et les superviseurs de marchés afin de
réaliser des tests de résilience (stress-tests), tant sur le secteur financier dans son ensemble que sur des entités
spécifiques 173.
165
OICV-IOSCO (2020). Money Market Funds during the March-April Episode – Thematic Note. OR03/2020, Nov. 2020.
166
OICV-IOSCO (2020). Thematic Review on consistency in implementation of Money Market Funds reforms – Final Report. FR11/20, Nov. 2020.
167
FSB (2021). Policy Proposals to Enhance Money Market Fund Resilience – Final report. 11 octobre 2021.
168
FSB (2024). Thematic Review on Money Market Fund Reforms – Peer review report. 27 février 2024.
169
Par opposition aux fonds fermés, généralement caractérisés par une période délimitée de collecte, une phase d’investissement dont la durée
est définie contractuellement, et à l’issue de laquelle les investisseurs reçoivent leur quote-part de la valeur du fonds.
170
FSB (2023). Revised Policy Recommendations to Address Structural Vulnerabilities from Liquidity Mismatch in Open-Ended Funds. 20
décembre 2023.
171
OICV-IOSCO (2023). Anti-dilution Liquidity Management Tools – Guidance for Effective Implementation of the Recommendations for Liquidity
Risk Management for Collective Investment Schemes Final Report. FR/15/2023, Dec. 2023.
172
Commission européenne (2024). Targeted consultation assessing the adequacy of macroprudential policies for non-bank financial
intermediation (NBFI). 22 mai 2024.
173
AMF, Consob, CNMV, FMA (2024). A macro-prudential approach to asset management. 15 avril 2024.
- 94 -
3.7. FINANCE PRIVÉE AU NIVEAU MONDIAL : PERSISTANCE DES RISQUES, ESSOR DES FONDS
DE DETTE
3.7.1. En dépit des aléas conjoncturels, l’encours des fonds de finance privée croît encore en 2023
Une hausse des encours tirée par les fonds de LBO (et Growth), de dette et d’infrastructures
En dépit des aléas liés à la hausse des taux d’intérêt et aux incertitudes sur les perspectives économiques, la
croissance globale des encours gérés par les fonds de finance privée s’est prolongée en 2023, soutenue par la
résilience de la demande institutionnelle. Les encours 174 mondiaux des fonds de finance privée – c’est-à-dire
d’actions, dettes, immobilier et infrastructures non cotés – ont crû de +12,3 % en rythme annuel pour atteindre un
pic historique de 13 100 milliards de dollars à mi-2023, contre 11 700 à mi-2022 (5 800 milliards de dollars à mi-
2018 – Graphique 92). Le poids de la finance privée dans la gestion d’actifs continue donc de croître au niveau
mondial, si l’on compare cette croissance annuelle à celle des encours gérés à mi-2023 par les hedge funds (+5,5 %
à 5 100 milliards de dollars) et par les OPCVM 175 (+8,7 % à 65 100 milliards de dollars), malgré la croissance de
12,1 % des OPCVM actions, et du fait de la faible croissance de la détention d’OPCVM par les institutionnels
(+6,2 %) 176.
Graphique 91 : Évolution des encours mondiaux des Graphique 92 : Encours mondiaux des fonds de finance
fonds de finance privée (milliards de dollars, à mi-année) privée (milliards de dollars, au 30/06/23)
14 000 Mds USD, 100 % = 3 873 (29,5 %) 2 709 (20,6 %) 1 371 (10,5 %) 296 (2 %) 1 693 (12,9 %) 1 674 (12,8 %) 1 509 (11,5 %)
Reste du 98 (2,5 %)
PE/LBO monde 120 (4,4 %) 97(7,1 %) 5 (2 %) 87 (5,1 %) 80 (4,8 %)
147 (9,7 %) 634
11,5 Asia 379 (9,8 %) 42 117 (6,9 %) (4,8 %)
12 000 (14 %) 226 (13,5 %)
151 (10,0 %) 2 724
10,9 PE/VC 6 (2 %)
12,8 (20,8 %)
10 000 Europe 1 003 (25,9 %) 515 (37,6 %) 442 (26,1 %)
12,5 294 (47,8 %)
11,3 PE/Growth 379 (22,6 %)
12,9
486 (32,2 %) 2 664
12,7 11,4 2,2 (20,3 %)
8 000
4,6 10,5 PE/Other
12,0 12,1
10,4
6 000 12,5 14,8 4,9 213 (7,9 %)
12,7 10,0 Priv. Debt
15,4 20,6 242
18,2 12,0 135 (9,8 %) (82 %)
15,6 22,1
12,6 2,7 Amérique
4 000 12,2 13,2 10,6 18,6 du nord 2 393 (61,8 %) 1 047 (61,8,0 %)
1,7 Real Estate 989 (59,1 %)
15,5 3,7 10,7
10,4 16,9 725 (48,1 %) 7 100
3,4 15,3 625 (45,6 %) (54,1 %)
7,4 1 079 (39,9 %)
2 000 11,9 13,8
29,5 Infrast. & Nat.
30,4 28,1
31,9 31,0 res.
31,5 30,6
0
2017 2018 2019 2020 2021 2022 2023 Infrastructures &
Leveraged Buy-Out Venture Capital Growth Autre PE Dette privée Immobilier ressources naturelles
Source : McKinsey sur la base de données de Preqin, AMF. Source : McKinsey (2024) sur la base de données de Preqin, AMF.
Cette hausse des encours mondiaux (en dollars) a été tirée par certains segments du private equity notamment
celui des Leverage Buy-Outs (LBO, +17,8 % dans le monde, +18,1 % en Europe), qui concentre près de 30 % des
encours de la finance privée, et accessoirement celui des fonds Growth (+12,6 %, +26,5 % en Europe mais -1,9 %
en Asie), dont l’encours représente environ la moitié de celui du venture capital (Graphique 92). Moindre, la
croissance globale des encours du venture capital a été de +4,9 % (+6,0 % en Europe). Il reste toutefois, avec 20,6 %
des encours (22,1 % en 2022), de loin la seconde stratégie la plus importante de la finance privée. Plus encore, la
hausse des encours a été tirée par celle des fonds de dette privée (+27,0 %, +22,1 % en Europe) et d’infrastructures
(+18,5 % et +23,4 %).
174
Source : McKinsey (2024). Bain (2024) estime, aussi sur la base de données de Preqin, cet encours mondial à 14,5 trillions de dollars.
175
Pour les fins de cette section : Organismes de placement collectif en valeurs mobilières compris comme Collective investment schemes en
anglais à savoir fonds d’investissement ouverts gérés pour compte de tiers, collectant des fonds par cession de parts auprès du public afin
d'acquérir des actifs financiers (inclut les mutual funds aux U.S.).
176
Sources : respectivement Barclay Hedge et IIFA.
- 95 -
dollars pour le seul LBO à l’échelle mondiale, 3 900 milliards de dollars pour l’ensemble des fonds de finance privée
(Bain, 2024). Pour leur part, les sorties en capital (cessions) des fonds de LBO (Graphique 93) se sont drastiquement
raréfiées (-66 % sur 2 ans), et se situent au plus bas depuis 2013. Cette réduction des sorties en capital traduit un
prolongement des difficultés rencontrées pour liquider les actifs des fonds en fin de vie (Encadré 12). Il en résulte
un vieillissement des sociétés détenues par le LBO : la durée de détention médiane des sociétés cédées est de
6,1 ans vs. 3,0 ans en 2000 (Graphique 100).
Graphique 93 : LBO : investissement, désinvestissement et Graphique 94 : Les fonds de finance privée restent
levées de capital dans le monde (milliards de dollars éch. g., attractifs pour les investisseurs institutionnels
nombre d’opérations éch. d.)
Which asset classes do you expect to have the highest risk-adjusted return in the next 12 months?
Investment Grade
Private Credit
DM Equity
Infrastructure
Private Equity
High-Yield
Cash/Liquidity
Bucket
EM Equity
Securitized/Asset-
Notes: Investissements : sur la base de la date d'annonce des opérations. Exclut les Backed Financing
fonds secondaires, les transactions de prêt-acquisition et les acquisitions d'actifs en Real Estate
faillite. Comprend les transactions annoncées, en attente ou en cours, les données
0% 10% 20% 30% 40% 50% 60%
pouvant être ajustées ultérieurement. Sorties : inclut les sorties partielles mais
exclut les faillites. IPO : montant de l'offre, non la valeur de marché de l'entreprise. Source : GSAM (2024) European Pension Fund Survey.
Levée de fonds : regroupées sur l'année de clôture initiale du fonds. Le nombre de
levées comprend les fonds dont les données de clôture initiale sont indisponibles.
Buyout : comprend aussi les fonds mixtes et de co-investissement (single et
multimanager). Exclut le SoftBank Vision Fund. Source : Dealogic, Preqin, calculs
Bain. Bain (2024).
0 0
2016 2017 2018 2019 2020 2021 2022 2023 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 2020 2021 2022 2023
- 96 -
En France, l’encours des fonds supervisés spécifiquement au titre du capital investissement 177 a peu crû en 2023
(+2,2 %, Tableau 5). Concernant les fonds professionnels, l’encours des FPCI (82,1 % du total sous revue) est
presque stable (-1,3 %) mais celui des FPS en forte hausse (+33,4 %). Parmi les fonds visant les particuliers, les FCPR
concentrent la croissance des encours (+33,5 %), les FCPI et FIP n’étant plus activement promus. L’activité du
private equity français mesurée par les professionnels atteste d’une réduction des levées de fonds de 17,6 % (de
25,5 à 21,0 milliards d’euros en 2023, Graphique 97), des investissements de 14,6 % (de 24,7 à 21,1 milliards
d’euros) – les fonds levés à investir (dry powder) devraient donc être assez stables 178 – et des cessions d’actifs, de
21,1 % (de 9,5 à 7,5 milliards d’euros, prolongeant la baisse de 16,7 % en 2022).
Tableau 5 : Encours des fonds de capital investissement Graphique 97 : Levées de fonds du capital investissement
français* (millions d’euros) français (milliards d’euros)
Structure 23/22
2022** 2023
(%) (%)
Fonds Professionnels :
- de Capital Investissement
96 289 95 082 82,1 -1,3
(FPCI)
- Spécialisés (FPS) 6 959 9 286 8,0 +33,4
Fonds Communs de Placement :
- à Risque(FCPR) 5 465 7 295 6,3 +33,5
- en Capital Risque(FCPI) 2 597 2 487 2,1 -4,2
Fonds d’Invest. de Proximité (FIP) 2 002 1 675 1,4 -16,3
Total 113 312 115 825 100,0 2,2
LBO : le prix des actifs résiste à la hausse des taux ; la liquidité, quoique faible, croît
Les multiples de valorisation des cibles d’acquisition du LBO (10,8x aux États-Unis, 10,1x en Europe) 179 (Graphique
98) s’inscrivent légèrement en retrait des pics de ces dernières années 180. Accumulation et vieillissement de la dry
powder devraient donc continuer à soutenir les prix d’acquisition des sociétés cibles. Par ailleurs, la sélectivité des
cessions d’actifs des fonds a contribué à maintenir les performances affichées à un niveau supérieur à celui des
marchés boursiers (surtout en Europe) – l’écart étant moindre pour le venture capital que pour le LBO (Graphique
99).
Quoique la liquidité qu’ils apportent reste limitée, les fonds secondaires ont connu un rebond marqué (+92 % en
2023) de la collecte, atténuant à la marge les difficultés de sortie en capital. Les actifs en attente de cession par les
fonds, et la croissance de la demande de liquidité associée notamment au développement de la clientèle de
particuliers, pourraient prolonger cette tendance 181. À défaut de cessions en bourse, cet essor du marché
secondaire renouvelle le besoin de justes valorisations des actifs 182.
177
Hors Sociétés de Libre Partenariat (SLP) dont les activités de capital investissement ne sont pas systématiquement identifiables, mais
représentent plusieurs dizaines de milliards d’euros.
178
N.B. : ces chiffres diffèrent fortement de ceux de PitchBook pour la France, qui évalue à 73,9 milliards d’euros les investissements en 2022
et 52,9 en 2023, soit respectivement 1 152 et 885 opérations (vs. 2 681 et 2 571 selon France Invest). À défaut de publication précise des
méthodologies, le nombre d’opérations de France Invest semble indiquer une meilleure couverture du capital risque, les investissements plus
élevés de PitchBook, une meilleure prise en compte du LBO et/ou des différences dans la domiciliation des activités sous revue.
179
Multiple de valorisation : ratio de la valeur de l’entreprise à son bénéfice avant intérêts, impôts, amortissements et provisions sur
immobilisation (Enterprise Value/Earnings Before Interest, Taxes, Depreciation and Amortization ou EV/EBITDA).
180
Selon McKinsey (2024a,2024b), le ratio EV/EBITDA des LBO a décru de 11,9x à 11,0x de janvier à septembre 2023. Selon cette source, près
de 2/3 du rendement des LBO de 2010 à 2021 étant attribué à la hausse du marché et à l’effet de levier, même une baisse des taux de 200pb
sous 2 ans les situerait plus haut que lors de la souscription des LBO des 4 dernières années, et la hausse des taux d’intérêt (flottants) de la
dette des sociétés cibles et leur recapitalisation pourraient créer problème. Aussi, les actifs les plus récents risquent-ils d’être confrontés à des
"asymétries de valorisation" en sortie, ou à des détentions prolongées jusqu’à ce que leur valeur puisse être réalisée. De plus, la valeur des
actifs est restée élevée par rapport aux équivalents en bourse du fait du décalage de la valorisation de ces actifs en valeur de marché. Le
consultant en déduit un besoin accru de "création de valeur" et d’efficience opérationnelle des entreprises cibles.
181
Cf. Bain (2024).
182
Le comité sur la gestion d’actifs d’IOSCO (C5) initie des travaux sur la valorisation des actifs des fonds avec un focus spécifique sur les actifs
des fonds de finance privée. Cf. IOSCO (2024) March 2025 Workplan, March.
- 97 -
Graphique 98 : LBO : multiples d’acquisition Graphique 99 : LBO : TRI à 10 ans (%)
(EV/EBITDA en %)
Graphique 100 : Durée de détention des firmes cédées par les fonds de LBO
(médiane, en années)
7
0
2000
2001
2002
2003
2004
2005
2006
2007
2008
2009
2010
2011
2012
2013
2014
2015
2016
2017
2018
2019
2020
2021
2022
2023
La capacité des LBO à refinancer leurs dettes n’a pas encore été testée
Avec la hausse des taux d’intérêt, le levier des opérations de LBO a continué de baisser à 42,6 % en 2023 (depuis
un pic de 61,5 % en 2017, Graphique 101). Cependant, malgré la perspective de diminution des taux d’intérêt,
certaines interrogations subsistent sur la capacité à refinancer l’endettement et sur l’ampleur du « mur de la
dette ». De fait, aux États-Unis et en Europe, 300 milliards de dette de LBO seront à refinancer en 2025 et 2026, et
la capacité de remboursement des dettes émises par les firmes sous LBO (Interest Coverage Ratio) est en forte
baisse, à tout le moins aux États-Unis. Un signe de tension sur le refinancement des opérations de private equity
est noté dans leur tendance à recourir à des modes de financement alternatifs, en particulier aux « prêts sur NAV »
ou NAV financing, consistant à faire des emprunts en gageant les parts de sociétés (en général très endettées)
détenues par les fonds. Un autre est le recours croissant aux transferts d’actifs vers de nouveaux fonds internes
pour permettre le retrait de certains investisseurs et l’entrée d’autres. Les prêts sur NAV font l’objet d’une
surveillance accrue de la part des investisseurs car ils sont devenus plus courants. L'Institutional Limited Partners
Association, qui représente les investisseurs professionnels en capital-investissement, travaille sur un projet de
recommandations visant à obtenir davantage d'informations sur le recours qui y est fait et les risques associés 183.
183
Cf. Dealmaking slowdown leaves private equity with record unsold assets; Financial Times; 11/03/24.
- 98 -
Graphique 101 : Valorisation des cibles et part de dette Graphique 102 : Émissions de prêts syndiqués par les LBO
dans le financement des LBO en Europe (EV/EBITDA) (milliards de dollars)
(31/12/23)
18x 65%
60,6% 61,5%
57,1%
16x 53,8% 54,8%
55%
50,0%
14x 52,4% 52,4% 46,9%
42,6% 45%
12x
10x 35%
8x 25%
13,1x
12,3x
11,9x
11,9x
11,5x
6x
11,2x
10,4x
10,3x
10,3x
10,2x
15%
4x
5%
2x
0x -5%
2014 2015 2016 2017 2018 2019 2020 2021 2022 2023
Source : PitchBook. Note : EV/EBITDA médian. Ratio de dette moyen. Sources : données LCD, LSEG ; Bain (2024). Note : conversion des prêts
syndiqués en Europe au taux d’1.076 dollar pour 1 euro.
Encadré 12 : Évolution du cadre applicable à la fin de vie des fonds de capital investissement en France
Au vu des difficultés de certains gestionnaires de capital investissement à clore les fonds en fin de vie 184, l’AMF a mené des
travaux d’adaptation du cadre réglementaire 185 applicable aux fonds ouverts à une clientèle non professionnelle (FCPR, FCPI,
FIP), avec la volonté de concilier protection des épargnants et pérennité des sociétés de gestion de portefeuille (SGP)
concernées. Après consultation des parties prenantes 186, le cadre réglementaire français (doctrine et règlement général de
l’AMF) devrait introduire de nouvelles exigences afin que :
les communications promotionnelles alertent du risque de prorogation de la durée de vie du fonds ;
la SGP recense les options permettant d’accélérer la liquidation des derniers actifs détenus (le maintien en vie du
fonds, le recours à des fonds successeurs ou de continuation, ou encore à des structures de défaisance) ;
le règlement du fonds précise les motifs possibles prorogation de sa durée de vie ;
les investisseurs soient spécifiquement et dûment informés de l’entrée en liquidation du fonds ;
le fonds procède à des distributions a minima annuelles durant la phase de liquidation du fonds, du moment que
les montants distribuables représentent plus de 10 % de sa valeur liquidative et que l’ensemble des coûts associés
à cette distribution ne représentent pas plus de 10 % de ces montants ;
le rapport semestriel des fonds détaille, dès leur dissolution, les informations complémentaires que la SGP donne
sur les démarches de liquidation des participations et son plan de cession des participations restantes ;
la SGP dispose des coordonnées bancaires des investisseurs pour mener la liquidation à bonne fin ;
l’AMF accompagne par une communication adaptée les SGP concernées en cas de reprise de la gestion d’un fonds
par une nouvelle SGP découlant du retrait d’agrément de la SGP historique.
184
Fin 2020, sur 569 fonds ouverts aux particuliers (FIP, FCPI et FCPR), 253 avaient dépassé leur durée de vie contractuelle.
185
Cf. rapport du groupe de travail de l’AMF de juillet 2022, ces travaux pouvant le cas échéant avoir des implications législatives et fiscales.
186
Cf. propositions du HCJP d’octobre 2023 sur le régime de liquidation des fonds en situation spéciale.
187
N.B. : quelques grosses opérations ont accru la valeur moyenne des cessions en Europe en 2023 (PitchBook).
- 99 -
Graphique 103 : IPOs vs. P2P en Europe Graphique 104 : Cessions des LBO
(nombre d’opérations) (valeur à g., nombre)
300
200
167
155
150 139 138
120 124
100
76
70
5753
50 46
34 39 37
25 25
10 14
8 5 8
0
2013YTD 2014YTD 2015YTD 2016YTD 2017YTD 2018YTD 2019YTD 2020YTD 2021YTD 2022YTD 2023YTD
Source : Mergemarket cité par ION Analytics Source : Bain (2024) sur la base de données de Dealogic.
3.7.2. Dette privée : des encours croissants mais des activités encore mal connues
Émergence d’une classe d’actifs à part entière sous l’effet d’une demande soutenue
En 2023, l’encours mondial des financements de dette privée ou private credit – incluant les actifs et les fonds levés
non investis (dry powder) des fonds de dette, des BDC américaines 188 et des collateralized loan obligations (CLO),
mais pas les prêts octroyés en direct par des investisseurs – a dépassé 2 100 milliards de dollars en 2023 selon le
FMI. Il s’agit donc, à ce stade de montants relativement limités, mais croissants. Les 190,6 milliards de capitaux
levés en 2023, en léger repli depuis le pic de 287,5 milliards en 2021, ont contribué à prolonger la hausse d’encours
des fonds de dette, en l’espèce à 1 100 milliards de dollars à mi-2023 (l’encours de dry powder atteignant un record
de 506 milliards, Graphique 105). Les États-Unis concentrent la majorité des encours de fonds de dette, devant
l’Europe (Graphique 92) 189. Aux États-Unis, ces encours s’approchent de ceux des prêts syndiqués à effet de levier
(leveraged loans) des banques (1 400 milliards de dollars) et des obligations à haut rendement (1 600 milliards) 190.
Le potentiel de croissance des fonds de dette privée est soutenu par une forte demande institutionnelle (Graphique
94) 191. PitchBook note par ailleurs une forte hausse de l’investissement des particuliers en fonds de dette, leur
détention atteignant 15,2 % des encours mondiaux en 2023 (Graphique 105). La taille des fonds croît également :
25 fonds ont collecté 48 % des capitaux levés en 2023 (Preqin, McKinsey, 2024).
188
Business Development Companies : fonds fermés finançant, aux États-Unis, des (petites) entreprises en développement et/ou en difficulté.
Cotés en bourse, ils attirent une clientèle d’investisseurs particuliers. La nature de leurs investissements et leur recours massif à l’effet de levier
en font des investissements à haut risque.
189
Selon IMF GFSR (2024) les États-Unis concentrent 3/4 des encours. Selon Deloitte (Alternative lender deal tracker), 33 % de l’investissement
en direct lending en Europe des 3 premiers trimestres de 2023 est provenu du Royaume-Uni, 24 % de France, 13 % d’Allemagne.
190
Cf. Tableau 1.1 de Federal Reserve (2023) ; Financial Stability Review ; octobre.
191
Selon BlackRock (2023), des "changements tectoniques" incitant les emprunteurs à recourir aux fonds privés, l’encours mondial des fonds
de dette privée atteindrait 3 500 milliards de dollars à fin 2028.
- 100 -
Graphique 105 : Fonds de dette privée : encours Graphique 106 : Levées de fonds des fonds de dette privée français
gérés** (milliards USD) et détention par les
particuliers (%)
1 800 16
Encours sous gestion
1 600 14
Dry Powder
1 400 Détention par les particuliers 12
1 200
10
1 000
8
800
6
600
4
400
200 2
0 0
Graphique 108 : Nombre de LBO financés par le crédit Graphique 109 : Nombre de "non-LBO" financés par le
syndiqué et par les fonds de dette privée crédit syndiqué et par les fonds de dette privée
Les fonds de dette privée échappent à un reporting réglementaire spécifique à cette classe d’actifs
Si l’examen de la distribution de fonds ainsi que des données de marché et de l’industrie atteste de la croissance
de l’importance des fonds de dette privée, ce terme reste avant tout un concept de marché que plusieurs attributs
façonnent : à l’instar des fonds de private equity, il s’agit en principe de fonds institutionnels fermés d’actifs non-
cotés, de durée de vie de 6 à 8 ans, octroyant des prêts (direct lending) à des entreprises (Graphique 107 192). En
dehors du prêt direct, les stratégies indiquent une spécialisation dans des crédits à risques plus élevés et/ou
spécifiques (par exemple accordés à des sociétés défaillantes (distress) ou en « situation spéciale »), ou des
financements mezzanine, de venture capital ou immobiliers 193.
En croisant certaines caractéristiques (catégorie de fonds d’investissement alternatif, origination de crédit, etc.),
les superviseurs de marché identifient des fonds de dette privée au cas par cas. Une caractérisation et une
Selon Block J. et al. (2023), si plus de 95 % ont le direct lending pour stratégie principale aux U.S., c’est le cas de 80 % des fonds en Europe.
192
BlackRock (2023), comme les rediffuseurs de données, propose une descript0ion des différents types de stratégies mises en œuvre.
193
- 101 -
identification systématique restent toutefois difficiles 194. Les stratégies de private debt ne sont pas identifiées par
le reporting AIFMD 195. La flexibilité donnée par les enveloppes juridiques employées – par exemple les sociétés de
libre partenariat (SLP) ou les fonds professionnels spécialisés (FPS) en France, des European Long-term Investment
Funds (ELTIF) en Europe ou encore des Long-term Asset Funds (LTAF) au Royaume-Uni – ne permet pas une
identification précise de ces fonds. En outre, la frontière entre private equity et private debt s’avère floue, comme
dans le cas de certains fonds multi-stratégies 196.
De surcroît, les fonds n’ont pas nécessairement d’ISIN, et peuvent, sous certains seuils d’encours, faire l’objet d’un
reporting allégé (e.g. annuel, intégrant toutefois une déclaration d’encours) 197. Pour autant, les fonds de dette de
la catégorie « Autres FIA » peuvent être commercialisés aux particuliers via l’assurance-vie.
Fondamentalement, un épisode de faible croissance économique et de moindre recul qu’attendu de l’inflation (et
de moindre baisse des taux d’intérêt de marché qu’anticipé) pourrait accroître les difficultés de refinancement des
entreprises les plus fragiles et exposées aux risques liés à l’endettement, là où le FMI considère que plus d’un tiers
des emprunteurs auprès des fonds de dette privée ont déjà une charge d’intérêts supérieure à leurs revenus
courants. La section 1.2.1 du Chapitre 1 souligne les risques conjoncturels pesant sur les entreprises spéculatives
et/ou de petite taille, et la hausse du taux de défaillances en France (pas uniquement des sociétés
innovantes/PME).
Les risques sont amplifiés par l’accumulation d’effets de levier parfois mal gérés par les prêteurs tout au long de la
chaîne d’investissement : des sociétés cibles de private equity aux fonds eux-mêmes jusqu’aux apporteurs de
financement en actions et en dette, intermédiaires financiers compris (cf. ci-après).
194
Notons ici qu’établir une correspondance précise entre données des autorités et données de marché (des data vendors et de l’industrie)
améliorerait beaucoup le suivi des autorités, y compris en accroissant l’utilité, pour leurs fins propres, des agrégats (indicateurs d’encours,
d’activité, de performance, etc.) déjà publiés. Ce type d’initiative auraient naturellement vocation à être mené au niveau international.
195
Pas plus que celles d’autres fonds de finance privée (e.g. infrastructure, ressources naturelles, immobilier) promues par l’industrie. Au sein
du private equity (PE), le reporting AIFM identifie certes des catégories de Venture capital, Growth, Mezzanine, Multi-strategy et Other, mais
cette catégorie résiduelle inclut le LBO, (soit 73,9 % des encours de PE en Europe en 2023…). NB : AIFMD (comme le Form PF de la SEC aux
États-Unis) ne définit pas les classes d’actifs, laissant les déclarants apprécier celles qui le concernent. Pour les fonds de dette, une approche
multicritère croiserait utilement, à l’instar des typologies de hedge funds, des critères de classe d’actifs dans laquelle les fonds investissent et
des critères relatifs à la gestion mises en œuvre (stratégie, octroi de prêt, etc.). Au niveau 2 de la législation européenne, les textes précisant le
contenu du reporting laissent peu de place à l’ESMA pour amender les champs de données (en créer, ou en éliminer s’ils sont redondants).
196
Erel, Flanagan et Weisbach (2024) souligne l’importance de l’exposition des fonds de dette au risque des actions : "To boost returns, private
debt funds supplement the loans in their portfolios with equity or equity linked instruments such as warrants".
197
Cf. Guidelines on reporting obligations under Articles 3(3)(d) and 24(1), (2) and (4) of the AIFMD et schéma de synthèse en p. 32.
198
Cf. Grillet-Aubert L. (2023) et sections concernées des cartographies des marchés et des risques des années passées. Aramonte et Avalos
(2021) souligne ici la corrélation positive de l’investissement du private equity et de l’octroi de crédit privé avec les rendements boursiers.
199
Selon le LSEG cité par McKinsey (2024), 31,0 % des prêts des fonds de dette aux U.S. provenait de LBO en 2023 (contre 44,4 % en 2021).
200
Cf. IOSCO (2024); Guidelines on Leveraged loans and CLOs; May.
- 102 -
Graphique 110 : Emprunts des LBO par maturité Graphique 111 : Ratio de couverture des intérêts des sociétés
(montants en milliards de dollars) sous LBO au États-Unis (EBITDA/montant des intérêts)
Sources : données Dealogic ; Bain (2024). Sources : LCD; Bain (2024). Note : firmes de plus de 50 Mn USD d’EBITDA
Cependant, des complémentarités sont également notées entre fonds de dette privée et banques. D’abord certains
fonds (16 % aux États-Unis, 19 % en Europe) syndiquent des crédits, et parfois même avec des banques 203. Plus
généralement, la Banque d’Angleterre 204 souligne l’émergence de nouveaux modes de financement bancaires de
la finance privée – et "l’explosion de leur variété et complexité". En private equity, elle pointe en particulier le NAV
financing (emprunts par les fonds de private equity gagés sur leurs actifs) et leurs lignes de crédit gagées sur des
promesses d’investissement futur (dry powder). Mais des financements analogues (loan on loan secured financing
facilities) sont aussi accordés aux fonds de dette privée sous forme de lignes de crédit bancaire collatéralisées par
les prêts à l’actif des fonds. Sur ces bases, la Banque d’Angleterre identifie des manquements des banques, à
commencer par leur besoin de développer une vue consolidée des expositions qu’elles ont au secteur via leurs
multiples activités. Cai et Haque (2024) souligne également la complémentarité croissante entre les banques et les
fonds, ces derniers se portant contrepartie d’opérations de "transfert de risque synthétique aux fonds privés"
permettant aux banques de réduire leurs provisions en capital réglementaire. Enfin, on note aussi le
développement par les banques d’une offre de couverture des risques de hausse des taux aux entreprises
endettées. Elles leur vendent des dérivés dits "orphelins" (le fournisseur de couverture étant distinct du prêteur),
201
Cf. IMF GFSR (2024). Selon Chernenko, Erel et Prilmeier (2022) : “(…) for a sample of middle-market firms over 2010-2015 (…) 1/3 of all loans
are directly extended by non-bank financial intermediaries. 2/3 of such non-bank lending can be attributed to bank regulations that constrain
banks’ ability to lend to unprofitable and highly levered borrowers. Firms with negative EBITDA and debt/EBITDA greater than 6 are 32 % and
15 % more likely to borrow from non-banks”.
202
“Cf. "Blackstone borrows to boost lending power of $52bn credit fund through CLO secured by its portfolio”; Financial Times; 16/11/23.
203
Block, Jang, Kaplan et Schulze (2023) “A survey of private debt funds” NBER Working Paper 30868. 44 % des gérants de fonds aux États-Unis
(57 % en Europe) ne syndiquent aucun de leurs crédits, mais la part des crédits syndiqués dans le portefeuille des fonds qui recourent à la
syndication est de 30 % aux États-Unis et 37 % Europe.
204
Bank of England (2024); Private equity financing; Speech by Rebecca Jackson given at UK Finance; 22/04/24 et Bank of England (2024); "Dear
Chief Risk Officer" Letter as part of the Thematic review of private equity related financing activities; 23/04/24.
- 103 -
à savoir des options voisines des caps 205 payant un montant forfaitaire si le taux d’intérêt de référence atteint un
niveau fixé (strike). Ceci permet de plafonner la charge d’intérêt d’emprunts de l’entreprise 206. Alors que cette
offre a vu le jour parce que des fonds de dette exigeaient des couvertures, elle est aujourd’hui parfois concurrencée
par des prêteurs non-bancaires, qui fournissent des couvertures lorsque les banques y sont réticentes. Dans ce
contexte, on peut craindre une prise de risque accrue par les prêteurs sous l’effet de la concurrence.
Les prêts financiers spécialisés semblent être une voie prometteuse pour les sociétés de crédit privées. Certains
attraits de ce marché – d'une valeur de 5 500 milliards de dollars rien qu'aux États-Unis selon Oliver Wyman –
constitué de contrats de location d'équipement, de financements du commerce et de redevances proviennent des
compétences spécialisées sur lesquels ils mettent l’accent et de la diversification qu’ils apportent. Le crédit privé
représente moins de 5 % de ce type de prêts, principalement destinés aux assureurs. En outre, les prêts finançant
des infrastructures, l’immobilier commercial et les prêts hypothécaires offrent chacun des opportunités variées,
élargissant le marché potentiel à 26 000 milliards de dollars aux États-Unis. Au total, cela pourrait stimuler la
croissance annuelle de 15 % attendue sur le marché du crédit privé au cours des cinq prochaines années – même
si cela reste en partie dépendant aussi des mesures susceptibles d’être adoptées par les régulateurs bancaires.
Pour autant, plusieurs éléments mettent en perspective les performances mises en avant pour cette classe d’actifs.
D’une part, la valorisation des actifs des fonds pose question. Elle n’est pas toujours alignée sur la prescription de
calcul à la juste valeur 211, malgré la marge de discrétion laissée par une telle comptabilisation pour les actifs
205
Au sens strict, la valeur d’un cap est fonction linéaire de l'écart entre le taux de référence et le strike en sorte que la surcharge d'intérêt soit
compensée par l'augmentation des paiements du dérivé. Les contrats concernés étant négociés de gré-à-gré, leur spécification peut varier.
206
Notons que la prime de ces caps est payée par les entreprises couvrant leur risque en début de transaction, évitant ainsi aux banques tout
risque de défaut de paiement ultérieur – un risque qui serait par exemple associé aux flux de paiement périodiques d’un contrat de swap.
207
Cf. Cartographie des marchés et des risques (2023) de l’AMF.
208
Fournier A., R. Meisenzahl, A. Polacek (2024b); Privately placed debt on life insurers’ balance sheets-Part 2—Increasing complexity; Chicago
Fed Letter 494. Travaux inscrits dans le cadre de ceux de supervision des assureurs par la Federal Reserve et du débat des instances
macroprudentielles (Financial Stability Oversight Council) notamment sur la désignation des assureurs d’importance systémique (la désignation
initiale d’AIG, MetLife et Prudential avait été annulée, et de nouvelles désignations semblent possibles).
209
Cf. Cartographie des marchés et des risques 2023, Eurovita : maillon faible du secteur, l’assureur italien est mis en liquidation ; News
Assurances Pro ; 27/10/23, et Assurance-vie : CNP vole au secours de sa filiale italienne ; Les Echos ;-28/02/24.
210
McKinsey (2024): "The pooled net IRR for private debt for the first 3 quarters of 2023 was 5.1 % (6.8 % annualized), the highest among all
private asset classes".
211
Selon l’Art. 71-1 du règlement délégué AIFMD : "Le gestionnaire veille à ce que tous les actifs détenus par le FIA soient évalués correctement,
à leur juste valeur".
- 104 -
illiquides 212. En particulier, concernant les titres de dette privée, une valorisation au coût historique (coût amorti
ou coût nominal + coupon couru) n’est en principe compatible avec les normes comptables que si un facteur
d’ajustement assure qu’elle reflète l’évolution objective des conditions de marché. À défaut d’ajustement, la valeur
des actifs considérés est stable et peu sensible aux évolutions de marché, notamment aux spreads de crédit et taux
d’intérêt, mesurant l’évolution des risques de crédit et de taux. Certaines pratiques semblent cependant s’écarter
des prescriptions 213, qui pourraient affecter les performances des fonds concernés. Dans ce contexte, l’AMF a initié
un dialogue avec l’industrie 214 pour évaluer de façon plus systématique les pratiques de valorisation. Au niveau
international, l’OICV initie des travaux pour revisiter ses principes de valorisation des véhicules de gestion
collective 215.
D’autre part, l’estimation par Erel, Flanagan et Weisbach (2024) des rendements ajustés du risque des fonds de
dette privée 216 révèle des rendements quasi-nuls pour les investisseurs après déduction des frais. L’étude souligne
aussi que les fonds portent un risque actions significatif, 20 % de leurs actifs ayant des caractéristiques d’actions
(actions ordinaires, de préférence, bons de souscription, convertibles, etc.). Les taux des prêts des fonds de dette
privée semblent, si l’on en tient compte, à peine compenser les frais et risques des fonds.
En tout état de cause, une grande variabilité des performances à travers les fonds est notée, et les performances
négatives de certains fonds de private equity pourraient indiquer une rupture avec les niveaux de performance
élevés continûment pendant la période de taux bas. Par exemple, la performance négative en 2023 de Princo, le
fonds de dotation de l’université de Princeton de 34 milliards de dollars d’encours investi à 39,9 % en private equity,
contraste avec les performances à deux chiffres de la décennie précédente 217.
Graphique 112 : Indices de performance Graphique 113 : Financement des LBO middle market :
des fonds de dette (milliards de dollars) prêts syndiqués bancaires vs. direct lending
des fonds aux États-Unis(%)
Direct lending Syndicated debt
100%
90% 20 16
25
37 34
80% 42
44
49 51
70%
64
60%
50%
40% 80 84
75
63 66
30% 58
56
51 49
20%
36
10%
0%
2014 2015 2016 2017 2018 2019 2020 2021 2022 Au 3è
Trim.
2023
Sources : Preqin, FMI (2024). Note : données pour 2023 à mi-année. Sources : LSEG LPC ; Bain (2024). Middle market : émetteurs de revenus
et montant total d’emprunts inférieurs à 500 mn USD. Direct lending :
incluant les facilités non syndiquées, club deals compris.
212
Cf. normes comptables IFRS 13 et US GAAP ASC 820, et leur déclinaison par les lignes directrices de l’International Private Equity and Venture
Capital (IPEV). IFRS hiérarchise les méthodes de valorisation : au niveau 1, la valorisation repose sur un prix de marché coté non ajusté ; au
niveau 2, sur une approximation reposant sur une relation directe (corrélation) des prix de l’actif avec ceux d’actifs similaires tirés de bases de
données commerciales. Au niveau 3, l’approximation de la valeur repose en outre sur une modélisation des données. Les prix de titres de dette
non cotée considérés ici relèvent généralement du niveau 3.
213
Balloch et Gonzalez-Uribe (2021); "Leverage limits in good and bad times"; LSE Working Paper montre des ajustements discrétionnaires de
la valorisation des prêts par les Business Development Companies aux États-Unis, et interroge sur la fair value.
214
Ce dialogue s’inscrit dans un contexte d’adoption de nouvelles règles exigeant qu’une opinion d’auditeurs confirme la juste valorisation des
fonds. Il a donné lieu à un examen de cessions d’actifs des fonds pour évaluer, notamment, la précision des valorisations, et à une collecte de
données pour estimer la performance des fonds non cotés commercialisés aux particuliers. Il porte aussi sur d'autres classes d'actifs non cotés
telles que les titres ouvrant accès aux participations au capital. Il s’inscrit aussi dans des échanges européens visant à comparer entre
régulateurs les approches et les constats en la matière.
215
IOSCO (2012); Principles for the Valuation of Collective Investment Schemes.
216
NB : le calcul du rendement anormal des fonds actualise les flux de trésorerie sur la base de leur profil de risque estimé ; or la qualification
des rendements anormaux au titre de leur exposition au risque actions a des effets importants sur cette mesure de performance.
217
Selon la National Association of College and University Business Officers, les fonds de dotation des universités américaines de plus de
5 milliards de dollars d'encours ont eu un rendement moyen annuel de 2,8 % à mi-2023. Cf. "Princeton endowment chief sees worst ever private
equity liquidity”; Financial Times; 18/04.24.
- 105 -
Encadré 13 : Discussions en cours sur les normes techniques de réglementation ELTIF2
Le 10 janvier 2024, le règlement ELTIF2 est entré en application, neuf mois après sa publication au Journal officiel de l’Union
européenne. Cette révision du règlement sur les fonds européens d’investissement de long terme (European Long Term
Investment Funds, ELTIF) vise à assouplir les règles auxquelles sont soumis ces fonds afin de rendre ce type de produit plus
attractif 218 (malgré un lancement en 2015, les fonds labélisés ELTIF n’avaient pas connu le succès). Les fonds ELTIF sont par
nature des fonds fermés aux rachats. Cependant, une dérogation (déjà présente dans le règlement initial) prévoit la
possibilité pour les investisseurs d’effectuer des rachats avant la fin de vie du fonds. Le nouveau règlement confie à l’ESMA
la rédaction des normes techniques de réglementation (RTS) établissant principalement la politique de rachat d’un ELTIF
ouvert et la définition des outils de gestion de liquidité applicables.
Le 19 décembre 2023, le projet de RTS ELTIF 219 a été envoyé par l’ESMA à la Commission pour adoption. Dans son projet,
l’ESMA propose une durée minimale de préavis de rachat de 12 mois. Cependant, elle considère que cette durée peut être
inférieure et propose d’adapter la durée du préavis de rachat en fonction du pourcentage minimum d’actifs liquides et du
pourcentage maximum d’actifs liquides pouvant être utilisés pour honorer les rachats. Ainsi, plus la détention d’actifs
liquides est grande, plus la durée du préavis de rachat peut diminuer 220.
En outre, le projet de RTS ELTIF prévoit que le gérant du fonds doive adopter au moins un outil anti-dilution : au choix entre
les droits ajustables acquis au fonds (anti-dilution levies), le swing pricing ou les commissions de souscriptions/rachats
acquises aux fonds 221. Une dérogation à l’utilisation d’au moins un outil anti-dilution est possible sur justification à l’autorité
nationale compétente. Des plafonnements des rachats (gates) doivent aussi être mis en place (avec la recommandation de
ne les activer que dans des circonstances exceptionnelles).
En réponse au projet de RTS ELTIF transmis par l’ESMA, la Commission européenne a envoyé le 8 mars 2024 un courrier à
l’ESMA comprenant les principaux amendements 222 suivants :
la Commission demande la suppression de la mention d’un préavis de rachat minimal de 12 mois dans le cas
général ;
la Commission accepte la proposition de l’ESMA concernant le lien entre durée du préavis et proportion d’actifs
liquides, mais demande de remplacer la période de préavis par la fréquence de rachat du fonds ("option 2"). De
plus, elle demande qu’une autre option ("option 1") soit considérée : selon cette option, le pourcentage maximum
d’actifs liquides pouvant être utilisés pour honorer les rachats serait calibré en fonction de la fréquence de rachat
et de l’extension de la période de préavis (notion qui trouve ses origines dans la directive AIFM) ;
la Commission propose de supprimer la nécessité d’une justification auprès de l’autorité nationale compétente
lorsque l’ELTIF ne dispose pas d’outil anti-dilution;
la Commission propose enfin de ne pas limiter l’adoption des gates et leur activation aux seules circonstances
exceptionnelles.
En réponse aux amendements de la Commission, l’ESMA a proposé les modifications suivantes dans sa réponse du 22 avril
2024 223 :
l’ESMA accepte de ne plus faire référence au fait que la durée minimale du préavis de rachat est de 12 mois.
Cependant, elle précise que la durée du préavis de rachat devrait être calculée en fonction du profil de liquidité
des actifs sous-jacents et de la durée nécessaire pour vendre ces actifs dans des conditions normales et contraintes
de marché ;
elle refuse l’option 1 de la Commission et maintient sa proposition liant le préavis de rachat au minimum d’actifs
liquides ainsi qu’au pourcentage maximum d’actifs liquides pouvant faire l’objet de rachat. Cependant, l’ESMA
assouplit sa proposition initiale afin d’offrir plus de marge de manœuvre aux gérants en réduisant les pourcentages
minimaux d’actifs liquides. Le tableau final proposé par l’ESMA se trouve ci-dessous :
218
Pour une description des règles qui ont été assouplies, voir l’encadré 6 « Point d’attention sur les ELTIF 2.0 » publié dans la Cartographie des
marchés et des risques 2023.
219
ESMA Final Report « Draft regulatory technical standards under the revised ELTIF Regulation », 19 décembre 2023.
220
À titre d’exemple, si les actifs liquides constituent au minimum 13 % du portefeuille, alors la durée de préavis de rachat pourrait être comprise
entre 9 mois et un an. Si la proportion d’actifs liquides est d’au minimum 27 % du portefeuille, alors la durée de préavis de rachat pourrait être
comprise entre 6 mois et un an etc.
221
En plus des outils anti-dilution, le gérant d’un ELTIF peut également adopter s’il le souhaite d’autres outils de gestion de liquidité.
222
European Commission, Commission Delegated Regulation, 8 mars 2024.
223
ESMA « Opinion on ELTIF regulatory technical standards under the revised ELTIF Regulation », 22 avril 2024.
- 106 -
Pourcentage maximum d’actifs
Pourcentage minimum d'actifs
liquides
Préavis de rachat liquides
(Article 18(2), premier sous-
(Article 9(1), point (b))
paragraphe, point (d))
Entre 6 mois (inclus) et 12 mois 10% 90%
Entre 3 mois (inclus) et 6 mois 15% 67%
Entre un mois (inclus) et 3 mois 20% 50%
Moins de un mois 25% 20%
l’ESMA accepte l’amendement de la Commission et enlève l’obligation de mise en place d’au moins un outil anti-
dilution spécifiquement ;
en ce qui concerne les gates, l’ESMA introduit un paragraphe stipulant qu’un « gérant d’un ELTIF peut aussi mettre
en place des gates, en particulier si le montant des actifs liquides n’est pas suffisant pour couvrir les rachats
raisonnables attendus aux dates de remboursement.
À la suite de la réception de la réponse de l’ESMA, la Commission devra décider lors des prochains mois si elle accepte les
propositions telles que formulées par l’ESMA ou bien si elle modifie unilatéralement les RTS. Cependant, dans la mesure où
le nouveau règlement ELTIF permet une plus grande prise de risques par les fonds et assouplit les règles portant sur la
protection des investisseurs, il est important que les nouveaux RTS permettent aux fonds d’avoir des profils de liquidité
adéquats.
13,9% 14%
40 1 000 80%
12,1%
12% 72,6%
10,4% 11,1%
30 10% 0 60%
8,9% 53,3%
7,7% 8% 48,2%
20 -1 000 41,9% 40%
6% 37,9%
33,0% 33,4%
4%
10 -2 000 19,4% 20%
2%
0 0% -3 000 0%
2015 2016 2017 2018 2019 2020 2021 2022 2023 2015 2016 2017 2018 2019 2020 2021 2022 2023
Source : IIFA/EFAMA, calculs AMF. Note : ratio des valeurs absolues des flux nets lorsque certains sont négatifs.
224
Concept statistique harmonisé de l’IIFA/EFAMA qui couvre les fonds de gestion collective régulés ouverts au public (c’est-à-dire agréés par
les autorités compétentes et publiant un prospectus) comprenant avant tout mutual funds américains (Investment Company Act) et les OPCVM
européens.
225
Soit 11,3 trillions de dollars.
- 107 -
3.8.2. La terminologie peut prêter à confusion notamment au regard de l’innovation accélérée
À l’origine, les ETF étaient des fonds dont la stratégie d’investissement consistait à répliquer le plus fidèlement
possible la performance d’indices actions sans chercher à les surperformer (trackers). Par exemple à fin avril 2024,
l’ETF SPDR répliquant l’indice S&P 500 concentrait plus de 500 milliards de dollars d’encours et l’ETF MSCI World
index, plus de 150 milliards. Mais leur nature a depuis beaucoup évolué. Les ETF font partie d’un groupe
hétérogène d’ETP (Exchange-Traded Products), qui regroupe des produits cotés en bourse comprenant des OPCVM
et autres fonds d’investissement alternatifs 226 (FIA), ainsi que d’autres produits prenant la forme juridique d’un
titre de dette : Exchange-Traded Notes ou ETN, Exchange Traded Commodities ou ETC, et autres produits structurés
cotés.
Concernant les ETP de type OPCVM européens (ETF OPCVM, ou UCITS ETF), l’ESMA 227 distingue trois catégories :
les ETF indiciels, les ETF à effet de levier (et inverses) et les ETF actifs. L’autorité précise le mode d’application des
exigences applicables, à commencer par celle de diversification. Elle impose aussi que ces produits mentionnent
explicitement "UCITS ETF" dans leur nom, et vise à éviter l'usage du label ETF pour les non-ETF : "Un OPCVM qui
n'est pas un UCITS ETF (tel que défini dans le présent référentiel) ne doit utiliser ni l'identifiant 'UCITS ETF', ni 'ETF'
ni 'exchange-fund’".
À défaut d’autre norme réglementaire applicable que les Orientations de l’ESMA 228, les terminologies en usage
dans la presse et sur les marchés (fournisseurs de données, bourses, etc.) peuvent créer une confusion : le terme
"ETF" y désigne couramment, sans égard pour la norme de l’ESMA, des fonds qui ne sont pas des OPCVM et des
ETP distincts des fonds d’investissement ; "ETP" peut indifféremment désigner l’ensemble des fonds et produits de
dette cotés (ETF et autres ETP) ou plus spécifiquement les non-ETF ; etc.
Les produits concernés se sont largement départis des ETF qui étaient initialement généralement compris comme
des fonds d’investissement cotés répliquant automatiquement et strictement la performance d’un indice actions
"large", i.e. permettant d’acquérir une exposition à l’ensemble du marché actions avec un minimum de critères de
sélection. De fait, les spécificités que gardent en commun ces produits sont surtout liées à la cotation en bourse.
Rappelons que les termes ETP et ETF ne font pas (ou plus) automatiquement référence à :
des produits de gestion passive (réplication systématique/non discrétionnaire d’indices boursiers) – en
particulier, ils incluent des produits gérés activement sous la désignation d’OPCVM ETF (dans le respect
des Orientations ESMA susmentionnés) ;
une classe d’actif (actions) : les ETP, ETF compris, investissent désormais dans toutes les classes d’actifs,
avec des niveaux de liquidité des actifs sous-jacents très variables (e.g. obligations, immobilier, crypto-
actifs) ;
des produits simples – cf. e.g. l’essor de l’offre d’ETP structurés et d’ETF à effet de levier ou inverses ;
une forme juridique d’OPCVM. À l’exception des ETF OPCVM, ces produits n’offrent, par exemple, pas
nécessairement les protections associées à la diversification (e.g. via les règles des indices de BMR).
Dans un contexte d’essor de l’investissement des particuliers en ETF, et dans la mesure où le marketing
(principalement en ligne) détermine largement leur collecte 229, ces questionnements terminologiques affectent la
lisibilité d’une offre caractérisée en outre par une innovation accélérée. En effet, bien que certains ETF concentrent
des encours importants, leur nombre continue de se démultiplier : fin 2023, 8 990 ETF étaient commercialisés dans
le monde (contre 5 738 en 2018), 340 ayant été introduits en Europe dans l’année.
226
Notons que les fonds alternatifs sont exempts de certaines règles, notamment de diversification, applicables aux OPCVM.
227
Cf. Guidelines on ETFs and other UCITS issues de l’ESMA du 01/08/14.
228
Cf. Guidelines on ETFs and other UCITS issues de l’ESMA du 01/08/14.
229
Obizhaeva O. (2023) ; 'OK Google' : ETF’s online visibility and fund flows montre l’influence du marketing en ligne : les ETF aux pages Web les
mieux classées sur Google, promus sur les moteurs de recherche et aux pages Web référencées par le plus de sites collectent le plus.
230
La règle 6c-11 du 25/09/23 visant à faciliter l’agrément des ETF au statut de mutual fund aux U.S. confirme toutefois l’obligation de publier
leur portefeuille quotidiennement. On note aussi que, depuis début 2021, plus de 70 fonds de placement non cotés y ont été convertis en ETF.
- 108 -
nets annuels d'au moins 25 milliards de dollars et connu un taux de croissance par an de plus de 30 %. L’offre
émerge depuis en Europe, où l’encours, en hausse rapide, a atteint 27,9 milliards d’euros fin 2023 selon
Morningstar (Graphique 117). De fait, ce type de fonds bénéficie de flux de collecte nets positifs et significatifs, en
particulier la catégorie des fonds actions, la collecte des fonds obligataires étant plus erratique (Graphique 118).
L’offre prolonge en Europe celle qui est faite sur le marché américain. Par exemple, les ETF actifs de J.P. Morgan
AM ont levé 5,6 milliards de dollars en Europe en 2023 et la société de gestion gérait 14 milliards de dollars d’ETF
actifs (surtout ESG) en fin d’année 231 (contre 5,2 pour PIMCO et 3,7 pour Fidelity). ARK Invest a, pour sa part, acquis
Rize ETF Ltd fin 2023 pour étendre en Europe (Royaume-Uni compris) son offre d’ETF actifs thématiques centrés
sur l’"innovation disruptive" 232. La France, suite à l’abrogation 233 de la règle qui n’autorisait que les ETF passifs ou
algorithmiques (i.e. dont la stratégie d’investissement est systématique, sans part de jugement de la part du
gérant), et permet aussi la cotation d’ETF actifs et n’échappe donc pas à la tendance européenne 234. Des acteurs
français se sont du reste également positionnés sur ce segment.
Source : Trackinsight
Source : Morningstar.
231
Source : Trackinsight (2024); Global ETF Survey.
232
Cf. discussion des risques posés par ce type d’ETF par les cartographies des marchés et des risques 2021 (Encadré 6) et 2022 (section 3.8.3)
et volatilité extrême des performances des fonds d’Ark Invest due aux concentrations des expositions. Selon Morningstar, ARK Invest "a fait
perdre 14,3 milliards de dollars en 10 ans aux investisseurs" ("15 funds that destroyed the most wealth over the past decade" ; 02/02/24).
233
Suite à l’homologation du décret du 29/02/24 et du Règlement général de l’AMF le 28/03/24 permettant de coter des ETF actifs sur Euronext
Paris. La composition du portefeuille des ETF actifs doit être publiée au moins une fois par mois, avec un retard ne pouvant excéder un mois. À
ce jour, la totalité des 17 ETF actifs cotés sur Euronext est cotée à Amsterdam.
234
Les investisseurs ayant, selon l’industrie, une forte préférence nationale pour le lieu de cotation, certains acteurs annoncent une offre d’ETF
actifs en France (cf. "Cotation des ETF actifs à Paris – le verrou du Code monétaire et financier saute" ; Boursorama ; 07/03/24).
- 109 -
Graphique 118 : Flux de collecte des ETF actifs en Europe (milliards d’euros)
Source : Morningstar.
L’encours mondial des ETP Bitcoin était de 57,4 milliards de dollars au 29 mai 2024 (Graphique 119). En Europe,
contrastant avec les enquêtes indiquant une détention très large de crypto-actifs par les particuliers (cf. Chapitre
4), et malgré les importantes limites de l’information disponible, le nombre d’ETP (quelques dizaines, domiciliés
en majorité en Irlande et au Liechtenstein) et les encours gérés à ce titre (quelques milliards) semblent rester, à ce
stade, limités. En outre, les fonds d’investissement restent très minoritaires en leur sein. Euronext, pour sa part
cote 13 ETP dont le nom contient "Bitcoin". Deux sont des ETF, le reste étant des ETN, pour un encours cumulé de
2,3 milliards d’euros (cinq ETN cumulent 2,1 milliards d’encours) 236. Si le nom de quatre de ces ETN fait
explicitement référence au "Physical Bitcoin", la mesure dans laquelle la stratégie des 2 ETF repose sur la recherche
d’une corrélation avec la valeur de la crypto-monnaie resterait à établir 237. La Commission européenne a mandaté
l’ESMA 238 pour rédiger un avis technique sur la directive des actif éligibles des fonds OPCVM. Cet exercice pourrait
couvrir également les crypto-actifs.
235
Cf. Bindseil et Schaaf (2024); ETF approval for bitcoin – the naked emperor’s new clothes.
236
Au 19/02/24. 12 des 13 ETP sont cotés à Paris et à Amsterdam. Les 2 ETF sont le Jacobi FT Wilshire Bitcoin ETF, coté en dollars et domicilié à
Guernesey, et le Melanion Bitcoin Equities UCITS ETF.
237
Une analyse des corrélations des crypto-actifs menée au Chapitre 2.
238
Formal request to ESMA for technical advice on the review of Directive 2007/16/EC on UCITS eligible assets; EU COM; 06/06/23.
- 110 -
Graphique 119 : Encours mondial d’ETP Bitcoin* au Graphique 120 : ETP Bitcoin* au comptant : flux de collecte
comptant (milliards de dollars) cumulés (milliards de dollars)
Source : The Block, TrackInsight. Notes : i) Titre de Trackinsight: “Spot bitcoin ETF AUM”. ii) L’ETP Grayscale Bitcoin Trust (GBTC), à la différence
des autres ETP, réplique la performance du Bitcoin à l’aide de contrats futures. Il concentrait la totalité des encours des ETP avant l’autorisation
par la SEC des ETP de réplication physique.
BlackRock (IBIT), Fidelity (FBTC), Ark Invest/ 21Shares (ARKB), Bitwise (BITB), Franklin (EZBC), Invesco/Galaxy (BTCO), VanEck (HODL), Valkyrie
(BRRR), WisdomTree (BTCW) and Hashdex (DEFI).
- 111 -
- 112 -
CHAPITRE 4 :
Le rebond du taux d’épargne des ménages français en 2023 a traduit une volonté de reconstitution d’encaisses (de
liquidités) au terme d’une phase d’érosion des rendements réels sous l’effet de l’inflation. Son caractère généralisé
en Europe et la persistance d’un taux d’épargne élevé reflètent probablement aussi des motifs de précaution. La
concentration de l’épargne sur certains ménages, surtout les plus aisés, masque l’hétérogénéité des performances
et certaines contraintes sur la capacité d’épargne des moins aisés.
L’évolution prononcée de l’allocation de l’épargne prolonge celle de 2022 (réduction des dépôts), et reflète une
recherche de rendement qui pourrait annoncer des prises de risque accrues, à un moment du cycle où
l’opportunité de s’exposer aux actifs risqués doit être questionnée. Les épargnants rencontrent une offre de
produits en évolution rapide, riche en innovations et ouvrant l’accès à des classes d’actifs illiquides, soutenue par
des politiques publiques européennes et nationales orientant les financements vers des besoins spécifiques
(transition, compétitivité). L’assurance-vie maintient à cet égard sa place de premier rang dans le patrimoine
financier des ménages, et poursuit sa substitution des unités de compte – faisant porter un risque de marché aux
ménages – aux contrats en euros – dont la performance est garantie. Le développement de l’épargne salariale
contribue également à accroître les expositions des ménages aux performances des marchés. Le développement
des cryptos-actifs se confirme : 9% des Français en détiennent aujourd’hui, soit davantage que des actions cotées
aujourd’hui (7%).
Dans ce contexte, quelques observations spécifiques sont faites. Le regain de l’investissement et/ou la négociation
en bourse des particuliers semble confirmé, notamment par une tendance récente favorable aux ETF. Cette
tendance accroît la part de marché des néo-brokers, en particulier auprès des populations jeunes, avec de
nouveaux risques, notamment de gamification.
L’usage de l’intelligence artificielle (IA) pour investir, concerne par ailleurs les particuliers à de multiples niveaux :
directement, par exemple via le recours à des applications d’IA largement distribuées (de type ChatGPT) ou aux
robo-advisors (conseillers en investissement virtuels) ; indirectement, par l’usage qu’en font les prestataires en
services d’investissement (PSI) pour leur compte. Cette tendance pourrait contribuer à offrir aux particuliers l’accès
a davantage d’offres, mais s’accompagne aussi de risques nouveaux, notamment liés aux biais, à l’opacité, et à
l’accroissement du risque d’arnaque (15% des Français disent avoir été victimes d’une arnaque financière, 35%
chez les jeunes de moins de 35 ans 239)
On observe enfin la poursuite du développement d’une offre de produits complexes et "de trading". En particulier,
on constate l’apparition et l’essor de la négociation par les particuliers d’options à très court terme, les zero days
trading options (0DTE), des produits qui ont probablement des incidences sur le fonctionnement et les risques de
marché et dont la maîtrise par les particuliers reste délicate et complexe.
Bien que les particuliers aient en principe globalement conscience des risques associés à leur investissement en
crypto-actifs, les réclamations et les litiges – invoquant en général des arnaques - liés aux crypto-actifs constatés
par l’AMF s’inscrivent en nette hausse. Par ailleurs, compte tenu de la sensibilité des nouveaux investisseurs aux
informations véhiculées par les réseaux sociaux, de nouvelles dispositions ont été adoptées en 2023 en France
pour encadrer l’activité des « fininfluenceurs ».
239
Baromètre AMF de l’épargne et de l’investissement, AMF, décembre 2023
240
Certains prévisionnistes prédisent toutefois une baisse du taux d’épargne à moyen terme à l’instar de Stott A. (2024) ; Euro Area —
Understanding consumer prudence ; Goldman Sachs European Economics Analyst 23/04/24.
241
L’épargne financière soustrait à l’épargne totale l’épargne non financière (e.g. achats immobiliers) nette des remboursements de crédit.
- 114 -
Un poids prédominant des ménages aux revenus élevés dans l’agrégat d’épargne
Le poids des ménages aux revenus élevés est prédominant dans l’agrégat d’épargne. Par exemple, le premier décile
par niveau de revenu concentre à lui seul 56 % du patrimoine financier. Il en résulte que l’écart à la moyenne du
taux d’épargne de cette catégorie de ménages est faible. Et l’agrégat d’épargne est peu affecté par les contraintes
sur la capacité d’épargne des ménages aux revenus les moins élevés, dont le taux d’épargne est pourtant très bas :
de respectivement 3 % et 5 % pour les ménages des deux quintiles de revenus les plus bas. Ajoutons que l’allocation
de l’épargne des déciles de revenu supérieurs traduit une capacité à prendre des risques (p. ex. investir en actions)
assurant un meilleur rendement de l’épargne des ménages (Encadré 1). On observe par ailleurs aussi des disparités
importantes du taux d’épargne selon d’autres critères sociaux-démographiques 242. Par exemple, les jeunes
affichent (logiquement) des taux d’épargne inférieurs à leurs aînés (Tableau 6 et Tableau 7) 243. Cependant,
contrairement à l’hypothèse de cycle de vie, qui prévoit un comportement de désépargne à la retraite, les
personnes âgées et les retraités affichent les taux d’épargne les plus élevés, et concentrent aussi fortement les
encours 244. D’un point de vue plus subjectif, les ménages considèrent aujourd’hui leur capacité d’épargne comme
faible, à l’image de l’opinion qu’ils ont de leur situation financière personnelle (Graphique 123).
Taux d’épargne des ménages français
Tableau 6 : par niveau de revenu Tableau 7 : par âge
Premier quintile 3% Moins de 30 ans 8%
Deuxième quintile 5% 30-39 ans 9%
Troisième quintile 10 % 40-49 ans 11 %
Quatrième quintile 11 % 50-59 ans 18 %
60-69 ans 18 %
Cinquième quintile 28 %
70 ans et plus 25 %
Sources : INSEE, AMF, Natixis. Sources : INSEE, AMF, Natixis.
L’épargne des ménages procède d’un équilibre entre de multiples facteurs. Parmi les motifs propres à soutenir
l’effort d’épargne, on en identifie deux en particulier : un motif générique de précaution et un motif plus
opportuniste de (re)constitution d’encaisses, qui dépend avant tout de l’impact de l’inflation et de l’évolution des
taux d’intérêts directeurs sur le rendement réel des placements.
Graphique 121 : Taux d’épargne et d’épargne financière Graphique 122 : Taux d’épargne des ménages par pays (en
des ménages (en % du revenu disponible brut) % du revenu disponible brut, sur 4 trim. glissants)
30 30
Taux d'épargne Zone euro Italie Allemagne France Espagne
Taux d'épargne financière
25 25
20 20
15 15
10 10
5 5
0 0
Source : Comptes nationaux financiers, base 2010, calculs AMF. Source : Comptes nationaux.
Note : Ménages hors entreprises individuelles et institutions sans Note : Entreprises individuelles et institutions sans but lucratif au
but lucratif au service des ménages (EI et ISBLM) ; service des ménages incluses.
242
NB : la mesure dans laquelle l’analyse de l’épargne par critère socio-démographique se transpose à ses 2 composantes : épargne financière
(hors investissement immobilier) et épargne logement (ou investissement immobilier, Graphique 121), resterait à évaluer.
243
Artus, P. (2023). L’épargne des français : concentrée sur hauts revenus, indépendants et professions libérales, ce qui est normal, et sur les
personnes âgées, ce qui surprend. Natixis montre aussi le niveau élevé de l’épargne de certaines catégories socio-professionnelles, en
particulier le taux d’épargne de 35 % des "Artisans, commerçants, chefs d’entreprise et professions libérales".
244
Cette observation réitère au demeurant le besoin d’une protection adéquate de ces investisseurs potentiellement vulnérables.
- 115 -
Des motifs conjoncturels liés notamment à l’épisode inflationniste…
Les effets de l’inflation – et symétriquement de la désinflation – sur l’épargne peuvent être ambivalents selon que
l’épargne vise à compenser l’érosion des rendements (nominaux ou réels) des placements financiers, ou que la
part du revenu dédiée à la consommation est accrue par anticipation de hausses des prix (fuite devant la monnaie).
Le premier facteur semble avoir clairement dominé durant la phase d’inflation récente 245, au cours de laquelle le
taux d’épargne est resté élevé. Pour autant, la désinflation ne devrait pas avoir un effet symétrique de réduction
de l’épargne : bien que les anticipations d’inflation soient au plus bas, l’opportunité d’épargner est jugée élevée,
encore proche des pics de la crise du Covid (Graphique 122). Notons qu’après la période de taux bas, l’érosion par
l’inflation des rendements de l’épargne souligne également l’impact des frais prélevés par les intermédiaires
financiers, notamment lorsqu’ils sont peu visibles et/ou peu compris par les épargnants 246.
Graphique 123 : Enquête de conjoncture auprès des Graphique 124 : Revenu disponible et pouvoir d’achat
ménages du revenu disponible par unité de consommation
(variation annuelle en %)
Capacité d'épargne actuelle Perspective d'inflation 8 5
Opportunité d'épargner Evolution future du Chômage Pouvoir d'achat du RDB par UC, var. ann.
Situation financière personnelle passée Capacité d'épargne future
Intentions d'achat de logement (éch. de droite) RDB, variation annuelle 4
80 -77 RDB, variation trimestrielle (éch. de droite)
6
-78 3
60
-79
40 2
-80 4
-81 1
20
-82
2
0 0
-83
-20 -84
-1
-85 0
-40
-86 -2
-60 -87
-2 -3
Source : Enquête de conjoncture (INSEE), calculs AMF. Source : INSEE, calculs AMF.
Note : Moyennes mobiles sur 6 mois des soldes d’opinions (différence entre
pourcentages de réponses positives et négatives).
125
115
105
95
85
75
245
Ce point de vue est soutenu par le Rapport sur l'épargne réglementée 2022. Banque de France (2022).
246
L’AMF a publié en octobre 2023 un Glossaire des frais des placements financiers (hors assurance-vie) et une étude analysant les frais de
gestion associés à la détention de fonds d’investissement (cf Encadré 1).
- 116 -
Encadré 14 : Performance de l’épargne financière des ménages par niveau de patrimoine financier
L’Observatoire de l’épargne européenne (OEE) et l’Association française de la gestion financière (AFG) ont développé 247 un
indice de performance de l’épargne financière des ménages qui a pour objet, sur la base de données publiques (Banque de
France) et professionnelles (France Assureurs), de calculer la performance effective de l’épargne des ménages en tenant
compte de la déformation annuelle de la structure de leur patrimoine financier au cours du temps et des frais de gestion de
l’épargne.
Le croisement des sources utilisées affine la mesure de performance de l’épargne financière des ménages, notamment en
tenant compte de l’évolution des allocations entre actifs risqués (p. ex. actions, fonds d’investissements) et non risqués (livrets,
etc.). Les données disponibles ne permettent toutefois pas de distinguer les unités de compte (UC) des contrats en euros au
sein des produits d’assurance-vie (ce qui exige de faire des hypothèses), et la mesure de l’impact des frais sur la performance
est perfectible. Les données disponibles permettent aussi un examen éclairant du rendement de l’épargne par niveau de
patrimoine financier (mais pas par catégorie d’âge, ou par sexe).
La performance annuelle de l’épargne nette de frais atteint 4,2 % en 2023, avec une contribution de 2,5 % des produits actions
et de 1,7 % des produits obligataires. Sur 10 ans la performance nominale annuelle est de 4,4 %. Les produits actions, soit
environ 20 % du patrimoine financier, ont contribué pour 44 % à cette performance. La variabilité prononcée des
performances annuelles est largement attribuable à l’exposition aux actions (la performance réelle de l’épargne financière des
ménages a, par exemple, été négative en 2018 et 2022).
L’examen par décile de patrimoine financier (Graphique 127) compare les 5 déciles inférieurs de patrimoine financier (le
Bottom 50 % noté B50), qui représentent 9 % du total du patrimoine financier des ménages au premier décile (D10) qui en
totalise 56 %. Sur la période considérée, la performance du B50 sur 12 ans (de 2011 à 2023) est de 1,50 % par an en nominal,
et négative en termes réels. Beaucoup plus variable, celle du D10 est comprise dans une fourchette de 2,58 % (hypothèse
d’allocation de la totalité de l’assurance-vie aux contrats en euros) et 3,45 % (allocation aux UC).
Graphique 127 : Indice de performance de l’épargne
Graphique 126 : Indice de performance de l’épargne financière des ménages : 10 % des ménages au patrimoine
financière des ménages (base 100 en T4 2011) financier le plus élevé (D10) vs. 50 % des ménages au
patrimoine financier le moins élevé (base 100 en T4 2011)
Performance annuelle de l'épargne financière (en %); échelle de droite 150
130 Niveau d'indice; 31/12/12=100); échelle de gauche 6 Bottom 50
145
125 5 Decile 10
140
4
120
135
3
115
130
2
110
1 125
105
0 120
100 115
-1
95 -2 110
90 -3 Performance annuelle moyenne sur 12 ans:
105 - Bottom 50, entre 1,50% (100% Euros) et 1,84% (100% UC) = 1,66%
- Décile 10, entre 2,58% (100% Euros) et 3,45% (100% UC) = 3%
100
11T4
12T2
12T4
13T2
13T4
14T2
14T4
15T2
15T4
16T2
16T4
17T2
17T4
18T2
18T4
19T2
19T4
20T2
20T4
21T2
21T4
22T2
22T4
23T2
23T4
247
Cf. OEE/AFG (Mars 2024). Mesure de la Performance de l’Epargne Financière des Ménages.
248
Cf. Y. Tampereau (2024). Épargne des ménages, placements financiers-De nouveaux équilibres en 2023, avant de nouvelles tendances à
moyen terme. Caisse des Dépôts et Consignations (Février 2024).
249
Colarieti R., P. Mei, S. Stantcheva (2024). The how and why of household reactions to income shocks. NBER Working Paper 32191 confirme
la capacité des données d’enquête à prédire le comportement effectif des ménages,
- 117 -
chômage à 7,5 % (de 2023 T4 à 2024 T1), reflétée par l’opinion sur le taux de chômage futur ; la capacité d’épargne
future jugée en hausse. Le motif de précaution reste donc une explication plausible du haut niveau d’épargne et le
faible niveau de confiance des ménages actuel (Graphique 125) pourrait le faire perdurer.
Graphique 128 : Appétence au risque des investisseurs Graphique 129 : Intention de souscription de
particuliers français placements en actions
2022
7%
Qui rapportent peu 25% 2022 Oui certainement
4% 2023
avec 27 %
un faible risque 26% 2023
(19 % en 2022)
20%
Oui probablement
Qui rapportent 15%
modérément 64%
avec un risque 57%
modéré 27%
Non probablement pas
23% 56 %
Qui rapportent (61 % en 2022)
9%
beaucoup
avec un risque élevé 13% 30%
Non certainement pas
38%
Qui rapportent
énormément 1% 17% 42 % des personnes
avec un risque très Vous ne savez pas ont moins de 35 ans
3% 20%
élevé
Plusieurs facteurs, en 2023, ont affecté l’importance et la nature des placements des ménages. La résorption du
choc inflationniste a progressivement permis de reconstituer les rendements de l’épargne (Tableau 8) à la suite de
la hausse des taux directeurs, dans des marchés orientés à la hausse. Par ailleurs, l’investissement immobilier et le
recours au crédit ont diminué 251. La baisse du patrimoine financier des ménages français, de 222 milliards en 2022,
a ainsi été compensée par une hausse de 210,9 milliards en 2023 (+4,6 %, Graphique 130). Comme indiqué en
Encadré 14, cette évolution n’a toutefois pas affecté les ménages de façon homogène, la structure de l’épargne
financière variant fortement avec le montant du patrimoine financier (Graphique 131).
250
Cet argument est mis en avant par l’industrie financière, e.g. à l’instar de l’Association française de la gestion financière (2020) ; Préparer
l’avenir des épargnants : Propositions et recommandations de l’industrie de la gestion d’actifs et AFG (2017). La nouvelle révolution industrielle
de la gestion d’actifs au service de l’épargnant. Dans la sphère publique, la Déclaration du Conseil des gouverneurs de la BCE sur les progrès
vers l’Union des marchés de capitaux illustre le souhait de réduire les freins à l’investissement individuel en actions. La recherche académique
(e.g. Dahlquist M., O. Setty, R. Vestman (2018). On the asset allocation of a default pension fund, Journal of Finance 73-4, 1893-1936) semble
conclure de façon moins catégorique.
251
NB : la réduction du recours au crédit des ménages a des effets directs (à la baisse) sur leurs placements, les crédits contractés par les
acheteurs de biens immobiliers induisant notamment des flux (positifs) de placement de ceux qui les vendent (cf. e.g. Ponton C. (2023).
Pourquoi le retournement à l’œuvre du crédit devrait peser sur les flux de placements des ménages ?. Rebond – La Banque Postale, 17/07/23).
- 118 -
Pour autant, le flux de placements s’est contracté à 83,3 milliards d’euros, soit pratiquement sa moyenne de long
terme d’avant Covid (de 82,9 milliards sur la période 1999-2019) (Graphique 132), sous l’effet d’une moindre
allocation aux dépôt bancaires et d’un désinvestissement des actions détenues en direct (12 milliards). Les
placements restent par ailleurs en ligne avec l’année précédente : orientés avant tout vers l’assurance-vie , bien
que les montants soient en baisse (30 milliards en 2023 contre 36 milliards en 2022), et positifs en titres de dette
(5 milliards) (Graphique 132). De façon générale, l’allocation d’actifs financiers des ménages, confirme que le poids
des placements mobilisables est historiquement élevé en 2023, mais aussi la préférence observée depuis 2022 à
favoriser des véhicules plus rémunérateurs, signalant une sensibilité plus marquée de l’investissement financier au
rendement des actifs.
Graphique 130 : Patrimoine financier net des Graphique 131 : Structure du patrimoine financier des ménages
ménages (milliards d’euros) par niveau de patrimoine financier (%, 2023)
5 000 Total Bottom 50 Décile 6 Décile 7 Décile 8 Décile 9 Décile 10
0%
Assurances-vie Titres d'OPC 4 564 4 553
4 500 4 359 4 342
Actions cotées Titres de créances 4 151 10% 18%
26% Assurance-vie
4 000 Numéraire et dépôts Total 3 882 3 838 34%
31%
3 747 20% 2% 40%
43% 1%
3 512
2 171 1 884 1 972
3 325 52%
3 500 3%
3 222 30% 2% Fonds
3 093 2 137 5% d'investissement
2 921 2 962 2 080 2%
3 000 2 793 2% 2%
2 695 2 626 1 933 1 913 40%
1 905 5%
1 665
1 534 1 603
2 500 7% 4% Actions cotées
1 474 332 50%
1 429 295 308
1 313 1 412 8%
2 000 1 201 1 210 281 375 10%
292 372 336 60%
1%
80%
311 261 310 41
337 283 304 35 68%
290 33
265 285
Obligations
1 500 281 252 34 12%
284 255 260 255 247 150 174 188 241 249
61% 62%
70%
40 39
160 133 49
205 110 142 85 82 77 66 57 50% 2%
1 000 84 77 77
68 72 1779 1833 80% 41%
1587 1693
1374 1448 Dépôts
1166 1203 1252 1308
500 936 979 993 1016 1077 1119 1146 90%
25%
0 100%
2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 2020 2021 2022 2023
Source : Banque de France, comptes nationaux, base 2010, AMF. Note : Source : Banque de France, calculs IEM Finance. NB : Le décile de plus gros patrimoines
Ménages hors entreprises individuelles et institutions sans but lucratif financiers représente 56 % du patrimoine financier total ; les 5 déciles inférieurs en
à leur service. détiennent 9 %.
L’importance des dépôts reste une caractéristique principale de l’épargne des Français : le poste "Numéraire et
dépôts" représentait 40,3 % de leur patrimoine financier en 2023. Cependant, ce ratio, en hausse quasi-continue
depuis 2016, s’est inscrit en léger retrait par rapport à 2022 (41,0 %), et la structure de l’épargne évolue
sensiblement. Si la crise du Covid avait accentué la préférence pour les dépôts bancaires, la phase d’inflation et de
hausse des taux d’intérêt qui s’est ensuivie a réorienté l’épargne des ménages des dépôts à vue vers les comptes
sur livret en 2022. Puis les placements en dépôts transférables, qui avaient crû jusqu’à 64 milliards en 2020, et
décru tout en restant positifs, ont fait place à d’importants retraits (-44 milliards) au profit de dépôts à terme
(+65 milliards). Ces dépôts étaient en effet plus rémunérateurs depuis la hausse rapide des taux directeurs des
banques centrales en 2023. Parallèlement, concernant les actifs risqués, on note un léger regain des placements
en titres de dettes (respectivement 4,7 en 2022 et 5,3 milliards en 2023), là où l’on voyait des retraits depuis 2007.
Mais le regain d’intérêt pour les actions cotées, observé durant le Covid, ne s’est pas confirmé : la correction des
marchés en 2022 a été suivie d’une décollecte 252.
252
On peut s’interroger sur le caractère procyclique des allocations. Aux États-Unis, Gabaix X., R. Koijen, F. Mainardi, S. Oh, M. Yogo (2024).
Asset demand of U.S. households. NBER Working Paper 32001 mesure l’ajustement des portefeuilles des ménages aux variations de prix des
actions. L’effet bénin au niveau agrégé – une hausse de 10 % des actions induit un flux de 0,1 % des portefeuilles vers les actions – masque en
fait une contracyclicité marquée des ménages les plus riches (Ultra High Net Worth) contrebalance une procyclicité significative de l’allocation
des autres ménages. NB : l’importante allocation en actions de l’ensemble des ménages, y compris de faible revenu, via les plans d’épargne
retraite, n’a pas d’équivalent en Europe.
- 119 -
Graphique 132 : Flux nets de placements financiers Tableau 8 : Rémunération des dépôts
des ménages (milliards d’euros) et livrets des ménages français
200 Encours
Assurances-vie Taux de rémunération
(Md€)
Titres d'OPC
Actions cotées Mars-24 Mars- Janv- Fév- Mars-
5161 (p) 23 24 24(r) 24(p)
150 Titres de créances 15
140
Numéraire et dépôts 136 Dépôts bancaires (b) 3 128 1,38 1,88 1,87 1,88
Moyenne 1999-2019 29 36
115
100
Total
5 dont Ménages 1 872 1,63 1,90 1,87 1,89
97 8
90 36 7
37 5
80 84 84
79 40 79
85 83
30 dont : - dépôts à vue 549 0,03 0,07 0,07 0,07
74 86 26 48 140
45 21 32 6 6
77
50 2
5 58 62 61
104
5 - comptes à terme ≤2 ans (c) 80 2,48 3,57 3,61 3,63
4 47 50
5 1 9 85
3
6 51
39
57 61
73
54
- comptes à terme >2 ans (c) 91 1,16 2,00 2,06 2,18
43 2 45 4 48
36 8 36
24
0
14 23 19 - livrets à taux réglementés (d) 684 3,22 3,28 3,17 3,18
-4 -11 -7 -6 -5 -5 -8 -5 -9 -1 -5 -3 -5 -3 -4 -1
-2 -16 -9 -2 -8 -1 -1 -12
-7 -1 -2
-4 -24 -3 -4 -18 Dont : livret A 386 3,00 3,00 3,00 3,00
-50
- livrets ordinaires 225 0,54 0,90 0,87 0,91
2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 2020 2021 2022 2023
Source : Comptes financiers trimestriels. Source : Banque de France. Note : Les livrets à taux réglementé incluent le
livret A, le livret bleu, le livret de développement durable, le compte
épargne-logement, le livret jeunes et le livret d’épargne populaire.
253
Le périmètre large des comptes des ménages inclut l’épargne retraite (y compris collectée par les ORPS (Organismes de retraite
professionnelle supplémentaire)) et les intérêts capitalisés des supports euros, contrairement à celui de l’ACPR, d’où l’écart observé entre les
collectes nettes totales des Graphique 132 et Graphique 134. Carreira M., J-L. Coron, S. Jarrijon(2024). Le marché de l’assurance-vie en 2023.
ACPR Analyses et synthèses n°154 analyse aussi les flux bruts.
254
France Assureurs fait état de performances des unités de compte (UC) liées aux rendements boursiers, i.e. de -11,2 % en 2022 vs. +9,9 % en
2021, et d’une performance de 2,1% par an entre 2017 et 2022.
- 120 -
15,2 % de l’encours des UC) à des classes d’actifs alternatifs (8,2 % aux fonds immobiliers, 1,4 % aux hedge funds,
1,0 % aux fonds de private equity et 4,6 % à des fonds non alloués).
Graphique 134 : Collecte nette des unités de compte et Graphique 135 : Structure du portefeuille des unités
contrats en euros (milliards d’euros) de compte des assureurs français à fin 2023
40 38,2
Contrats en euros (a) 1,0% 1,4%
Contrats en unités de compte (b) 30,6 31,1 Fonds actions
30 8,6%
Collecte assurance vie (a+b) 24,4 23,9
21,3
20 19,5
21,8
20,1 20,4 Fonds diversifiés
13,6 14,5
15,3
15,3 18,3
6,6%
11,9 10,411,4
10 7,1 7,9
5,9 5,1
8,4
39,6% Fonds obligataires
5,3 4,0
5
0,8
0
-1,8 -2,6-3,4
-1,2 -2,3 12,9% Fonds monétaires
-6 -7
-10
-12,3 Immobilier
-20 -19,4
Private Equity
-30
-30,9 -29,8
-33,4
29,8% Hedge funds
-40
2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 2020 2021 2022 2023
Source : ACPR. Source : ACPR, calculs AMF.
L’effet de collecte (net), faible sur l’année 2023 (+2,5 milliards selon l’AFG), a donc peu contribué à la croissance
des encours, malgré une collecte (brute) de 20,2 milliards (+5,8 % par rapport à 2022) selon l’AFG, dont
12,3 milliards issus du versement des participations et intéressements. Ceci traduit l’importance des retraits des
bénéficiaires, d’une part du fait de l’arrivée à maturité naturelle des placements, mais souvent aussi du fait des
retraits consécutifs à des demandes de déblocage anticipé des fonds 256, avant l’échéance prévue (5 ans pour les
plans d’épargne en entreprise, la date de départ à la retraite pour les PER(E)CO). On note du reste ici que, du fait
des conditions très strictes qui encadrent ces demandes qui doivent rester exceptionnelles, les litiges survenant
255
La progression provient surtout des entreprises de moins de 50 salariés (TPE-PME), dont l’épargne salariale, souvent sous forme de plans
interentreprises, est depuis la loi PACTE de 2019, exonérée de forfait social. Plusieurs mesures récentes favorisent cette progression : la loi
d’accélération et simplification de l'action publique (ASAP) de 2020 a permis de recourir à une décision unilatérale du chef d’entreprise s’il n’y
a pas de représentant du personnel ; la loi du 29/11/23 introduit l’obligation, à partir du 01/01/25, pour les entreprises de 11 à 49 salariés
réalisant un bénéfice net fiscal d’au moins 1 % du chiffre d’affaires pendant 3 ans (i.e. de 2022 à 2024), d’instaurer l’un des dispositifs de partage
de la valeur suivants : participation ; intéressement ; abondement sur un plan d’épargne salariale (PEE, PEI, PERCO, PERCO-I, PERECO, PERECO-
I) (NB : les PER obligatoires ne peuvent recevoir d’abondement) ; versement d’une prime de partage de la valeur (PPV).
256
Selon l’AFG, 35 % du volume des rachats sont imputables à des déblocages anticipés.
- 121 -
lors du déblocage anticipé de l’épargne salariale, dont le nombre a crû dernièrement, constituent (après le plan
d'épargne en actions 257) le second motif de recours à la médiation de l’AMF 258.
Graphique 136 : Actif des fonds d’épargne salariale (FCPE) Graphique 137 : Décomposition de la variation d’actif net
par type de support (à fin mars 2024) des FCPE (du 01/01/23 au 31/03/24, milliards d’euros)
15 30
Effet performance Effet flux
27
Fonds actions
14% 12 24
21
9 18
Actions de
15
l'entreprise sponsor
38% 6 12
Encours total :
Fonds diversifiés 9
182,2 milliards
23%
3 6
0 0
-3
Fonds obligataires -3 -6
10% Fonds monétaires
Fonds actions Titres de Fonds Fonds Fonds Fonds autres Total (éch. de
15% l'entreprise diversifiés monétaires obligataires droite)
sponsor
Source : AMF. Source : AMF.
Plus généralement, d’importantes "fuites" hors des dispositifs d’épargne salariale – du fait d’une préférence pour
la liquidité ou de besoins effectifs de trésorerie – semblent limiter la hausse des encours gérés : le schéma
récapitulatif des flux (Graphique 139) souligne, par exemple, outre les montants élevés de retraits des plans,
l’importance, en amont du dispositif, de la part de l’intéressement et participation dont les salariés demandent le
paiement immédiat, et qui n’est donc pas versée sur les plans d’épargne salariale et retraite en entreprises.
Graphique 138 : Répartition des encours d’épargne en Graphique 139 : Flux de participation, d’intéressement et
entreprises entre plans d’épargne salariale et d’épargne d’abondement sur les plans d’épargne salariale des
retraite (encours en milliards d’euros) entreprises de 10 salariés et plus (2021, milliards d’euros)
200
PERCO PERECO PEE
180
160
140
120
100
80
60
40
20
0
Source : Nguyen M. L. (2023)-L’épargne salariale en 2021-DARES, Résultats
08H2
09H1
09H2
10H1
10H2
11H1
11H2
12H1
12H2
13H1
13H2
14H1
14H2
15H1
15H2
16H1
16H2
17H1
17H2
18H1
18H2
19H1
19H2
20H1
20H2
21H1
21H2
22H1
22H2
23H1
23H2
n°64, nov. Notes : les flux nets de CSG et de CRDS, entre parenthèses, s’élèvent
Source : AFG, AMF. à 9,7 % des montants bruts. Les entreprises versent 9,7 Mrds d’euros bruts de
participation. 8,8 Mrds nets sont perçus par les salariés : 3,7 Mrds
immédiatement à leur demande, 0,5 Mrd sur un compte courant bloqué et 4,6
Mrds sur un plan d’épargne. Les versements volontaires des salariés sur les
plans d’épargne s’élèvent à 2,2 Mrds d’euros nets.
257
Dans une majorité des cas, les réclamations portent sur les délais de transfert du PEA entre deux établissements gestionnaires.
258
En particulier, chaque motif exceptionnel de déblocage anticipé (c’est-à-dire événement majeur de la vie : mariage, 3e enfant, perte d’emploi,
décès, invalidité, surendettement – ou acquisition ou rénovation de la résidence principale) ne peut être invoqué, preuve à l’appui, qu’une fois,
tout versement ultérieur exigeant un second motif. D’autres problématiques émergent, comme les difficultés de transfert entre dispositifs
d'épargne retraite, tels qu’autorisés par la loi PACTE de 2019. Cf. Rapport 2023 du médiateur de l'AMF.
- 122 -
Graphique 140 : Part des salariés ayant accès à un dispositif d'épargne salariale entre 2017 et 2021 (%)
En % du nombre de salariés
60
Entreprises de moins de 50 salariés
52,9
Ensemble des entreprises
50
44,4
39,0
40
35,3
30
26,0
20 18,9
12,5
9,2
10
6,6
4,2
0
2 2 2 2 2 2 2 2 2 2 2 2 2 2 2 2 2 2 2 2 2 2 2 2 2
0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0
1 1 1 2 2 1 1 1 2 2 1 1 1 2 2 1 1 1 2 2 1 1 1 2 2
7 8 9 0 1 7 8 9 0 1 7 8 9 0 1 7 8 9 0 1 7 8 9 0 1
Participation Intéressement PEE Perco/PER d'entreprise Ensemble
collectif
Sources : Dares, enquêtes Acemo-Pipa et Acemo-TPE. Note : Lecture : en 2021, 52,9 % des
salariés du secteur privé non agricole sont couverts par au moins un dispositif de
participation, d'intéressement ou un plan d'épargne salariale (18,9 % dans les entreprises
de moins de 50 salariés). Champ : ensemble des entreprises privées hors agriculture,
particuliers employeurs et activités extraterritoriales ; France hors Mayotte.
Encadré 15 : Une évaluation des frais associés à l’investissement en fonds d’investissement de droit français
Les frais des produits financiers ne font pas l’objet d’un reporting réglementaire harmonisé au niveau européen, ni d’une
collecte dédiée à l’échelle française. Les analyses réalisées sur le sujet portent donc généralement sur des informations non-
exhaustives achetées auprès de fournisseurs commerciaux. Pour gagner en autonomie et améliorer la couverture du marché
français, l’AMF a développé un outil informatique permettant d’extraire les tableaux de frais figurant dans les documents
d’informations clés pour l’investisseur (DICI) qui lui sont transmis à chaque mise à jour et au moins une fois par an. Dans une
étude récente 260, ces données sont mises à profit pour décrire les frais des fonds français entre 2017 et 2022 et les mettre en
regard des caractéristiques des fonds (classe d’actifs, style de gestion, labélisations ESG, clientèle visée, niveau de risque, etc.).
Outre la baisse des frais courants et des frais de sortie depuis 2017, l’étude confirme le moindre coût des fonds indiciels et
institutionnels par rapport à leurs équivalents non indiciels ou non institutionnels (écart respectif de frais courants de l’ordre
de 100 et 30 points de base). De même, les fonds d’épargne salariale apparaissent moins onéreux (50 points de base) que les
fonds comparables hors plans d’épargne entreprise 261. Enfin, les fonds détenant un label ESG présentent des frais courants et
des frais de sortie moins élevés que leurs équivalents non-labellisés (-15 pb) 262.
259
Cette innovation est caractérisée par l’extension de l’univers des placements à certains actifs moins voire peu liquides (immobilier, non coté,
etc.) et plus complexes (au sens de l’Encadré 17), et une multiplication des critères de sélection des produits au-delà des catégories
traditionnellement établies : investissement durable, ETF actifs, etc.
260
Darpeix E. (2024). Analyse des frais des fonds de droit français. Documents de travail de l’AMF. Mai.
261
Confirmant ainsi les résultats de Darpeix E., N. Mosson (2019). Frais et performance des fonds d’épargne salariale. Documents de travail de
l’AMF, déc.
262
Confortant les conclusions de Darpeix E., N. Mosson (2021). Frais et performance des fonds commercialisés en France et intégrant une
approche extra-financière entre 2012 et 2018. Documents de travail de l’AMF, Mai.
- 123 -
En revanche, il apparaît que les fonds distribués via des contrats d’assurance-vie en unités de compte sont plus chers (30 pb
en termes de frais courants et 10 pb pour les frais d’entrée) que les fonds commercialisés par d’autres canaux.
L’outil mis au point par l’AMF permet d’améliorer la couverture du marché français, sans toutefois parvenir à l’exhaustivité
(de nombreux documents réglementaires lui sont transmis dans un format non-exploitable). En outre, la vision fournie reste
partielle dans la mesure où les frais de distribution et ceux correspondant aux enveloppes de détention (assurance-vie, plans
d’épargne en action, d’épargne en entreprise, d’épargne retraite collectifs) ne sont pas connus de l’Autorité.
Graphique 141 : Nombre de transactions sur actions des Graphique 142 : Nombre de transactions sur ETF des
particuliers français particuliers français
Millions Milliers
7 18% 450 25%
16% 400
6
14% 350 20%
5
12% 300
15%
4 10% 250
3 8% 200
10%
6% 150
2
4% 100 5%
1
2% 50
- 0% - 0%
Banques traditionnelles Banques en ligne Néo-brokers % Néo-brokers Banques traditionnelles Banques en ligne Néo-brokers % Néo-brokers
Source : RDT/TREM, AMF. Note : couverture limitée aux titres de compétence française.
Les actions et les ETF sont deux segments (Graphique 141 et Graphique 142) sur lesquels se visualisent clairement
la hausse de la part de marché des néo-brokers, qui renouvellent l’offre de services d’investissement (en ligne) aux
particuliers, avec des frais de transaction souvent faibles (par exemple 1 € par ordre, voire des ordres gratuits) 263.
De fait, après une stabilisation en 2022, la part du nombre de transactions qu’ils exécutent s’est à nouveau inscrite
en hausse à l’été 2023. Début 2024, 14 % des transactions sur actions des particuliers français leur étaient
attribuables. Ce pourcentage est potentiellement sous-estimé car calculé pour les seuls titres de compétence
française, là où les néo-brokers, à l’instar des autres intermédiaires purement en ligne, ont facilité la négociation
sur des titres non-européens, notamment américains, sur lesquels le dispositif de déclaration des transactions à
l’AMF ne donne aucune visibilité. La tendance est plus marquée encore pour les ETF dont 20 % du nombre de
transactions était réalisé via des néo-brokers début 2024. Leur part de marché tend à rattraper celle des banques
traditionnelles, en baisse, sur ce segment.
263
Cf. discussion de la définition et des activités des néo-brokers en section 4.4 de la Cartographie des marchés et des risques 2022 de l’AMF. Il
est cependant à noter que l’accord du Conseil avec le Parlement européen sur la révision de la directive MiFID de juin 2023 interdit la pratique
du paiement pour les flux d’ordres (« payment for order flow », PFOF). La mesure prévoit néanmoins des exemptions temporaires (jusqu’à juin
2026) pour les entreprises d’investissement relevant de la juridiction d’États membres où la pratique existait déjà. Mais elles ne s’appliquent
que pour les clients établis dans cet État. En conséquence, la pratique du PFOF, qui n’était pas utilisée par les entreprises d’investissement en
France, ne sera plus appliquée pour les clients français. L’interdiction du PFOF devrait intervenir à partir du 29 septembre 2024.
- 124 -
Le rajeunissement des investisseurs : une tendance qui se confirme en 2024
Graphique 144 : Nombre de transactions sur actions
Graphique 143 : Nombre de transactions sur actions des
exécutées par les particuliers français sur les plateformes
particuliers français par tranche d’âge (millions)
des neo-brokers par tranche d’âge (milliers)
Millions Milliers
7 18% 800 45%
Alors que la part des transactions des jeunes investisseurs (moins de 35 ans) en actions était stable depuis le
deuxième semestre 2021 entre 11 et 12 %, une nouvelle tendance haussière l’a portée à 14 % début 2024. Les
moins de 35 ans sont à l’origine d’environ 400 000 transactions par mois depuis le début de l’année 2024. Ce nouvel
élan est porté par les clients des néo-brokers, qui attirent structurellement des investisseurs plus jeunes. Environ
40 % des transactions y sont initiées par des investisseurs de moins de 35 ans début 2024, contre un peu plus de
30 % début 2023.
La jeunesse des investisseurs en ETF est plus prononcée encore : 48 % des échanges était réalisés par des
investisseurs de moins de 35 ans en avril 2024 contre 19 % début 2023. Les néo-brokers jouent un rôle moteur à
cet égard : début 2024, 65 % de leurs échanges sur ETF provenaient des plus jeunes. La part des transactions sur
ETF des moins de 25 ans, négligeable avant 2021, a explosé à 15 % début 2024, et même à 25 % pour les clients de
néo-brokers.
Le rajeunissement de la population des investisseurs va d’ailleurs de pair avec le renouvellement de la population
des investisseurs. D’après une étude de l’OCDE pour l’AMF 264, en 2023, 24 % de la population française de 18 ans
et plus déclarait être détentrice d'au moins un produit d'investissement en bourse, en crypto-actifs ou dans le
cadre d'un financement participatif. Parmi ces investisseurs, la moitié (12%) a commencé à investir en 2020 ou plus
récemment.
Graphique 146 : Nombre de transactions sur ETF
Graphique 145 : Nombre de transactions sur ETF des
exécutées par les particuliers français sur les plateformes
particuliers français par tranche d’âge (millions)
des néo-brokers par tranche d’âge (milliers)
Milliers Milliers
450 60% 80 80%
400 70 70%
50%
350
60 60%
300 40%
50 50%
250
30% 40 40%
200
150 20% 30 30%
100 20 20%
10%
50 10 10%
- 0%
0 0%
264
OCDE (2023). Les nouveaux investisseurs en France : attitudes, connaissances et comportements. Cette étude a porté sur un large échantillon
de plus de 8 000 personnes et a permis d’interroger plus de 2 000 investisseurs particuliers, dont plus d’un millier ayant acheté pour la première
fois ces trois dernières années des produits d'investissement
- 125 -
4.2.2. Des tailles de transactions sur les ETF qui diminuent significativement
La dynamique observée sur le nombre de transactions sur ETF ne se traduit pas sur les volumes, lesquels se sont
maintenus entre 600 et 800 millions d’euros entre mai 2023 et avril 2024. Après avoir bondi de 65 % entre avril et
octobre 2023, les volumes d’ETF traités ont oscillé entre 600 et 800 millions d’euros depuis, et n’ont donc pas crû
comme le nombre de transactions. Ainsi, les tailles de transactions des particuliers sur ETF ont significativement
diminué ces derniers mois. Cette tendance se confirme parmi les trois grandes catégories d’intermédiaires
proposées ici. Les tailles de transactions ont reculé de 34 % depuis janvier 2022 pour les clients des banques
traditionnelles, de 54 % pour les clients des banques en ligne et même de 79 % pour les clients de néo-brokers sur
la même période. Les néo-brokers sont des intermédiaires moteurs de cette baisse structurelle, ramenant la taille
de transaction moyenne sous les 1 000 euros début 2024. Cela peut s’expliquer par les portefeuilles plus modestes
de leur clientèle jeune et/ou par un recours plus important à des outils de négociations automatisés tels que les
plans d’investissement programmés. Des tailles de transactions plus faibles peuvent favoriser la diversification.
Ce phénomène ne s’observe pas pour les actions où les tailles moyennes de transactions sont relativement stables
quel que soit l’intermédiaire. Elles varient autour de 3 000 euros pour les banques traditionnelles, de 2 500 euros
pour les banques en ligne et entre environ 1 000 et 1 500 euros pour les néo-brokers depuis janvier 2022.
1 600
12% 10 000
1 400
10%
1 200 8 000
1 000 8%
6 000
800 6%
600 4 000
4%
400
2% 2 000
200
- 0%
-
Banques traditionnelles Banques en ligne Néo-brokers % Néo-brokers Banques traditionnelles Banques en ligne Néo-brokers
Source : RDT/TREM, AMF. Note : couverture limitée aux titres de compétence française.
- 126 -
2022 à 12 % en 2023 (Graphique 149). En France, dans le prolongement de l’évolution des encours précédemment
observée 265, le marché est resté dynamique : le nombre de produits commercialisés recensé par SRP a atteint 4 967
en 2023, soit une multiplication par 13 au cours des dix dernières années, et une croissance du montant annuel
des ventes de 290 % à 39,2 milliards d'euros sur la période. Le Graphique 150 montre, par année d’émission, la
proportion de produits rachetés 266 avant expiration et de ceux arrivés à maturité, et, en complément, celle de ceux
restés vivants depuis l’émission. La proportion de ceux qui ont été rachetés avant expiration reste forte.
L’historique des produits français atteste donc d’une part élevée de réalisation des clauses de rappel d’autocall
pour les générations de produits émis entre 20013 et 2020). Cette part est logiquement plus faible pour les produits
émis récemment. Plus généralement la réduction des ventes d’autocalls sur indices d’actions en Europe atteste
d’une prise en considération par les investissements en produits structurés d’un risque de correction des indices
boursiers.
De fait, l’analyse des autocalls dans ces colonnes en 2023 identifiait certains facteurs propres à soutenir le marché
domestique : une offre spécifique à la France, une offre renouvelée pour tenir compte des conditions de marché,
un impact limité du retournement de marché de 2022. Ces facteurs semblent persister en 2024. Cependant,
simuler l’impact global de scénarios de marché sur les produits structurés commercialisés reste un exercice difficile
pour les autorités de marché, ne serait-ce que du fait de la diversité des produits (sous-jacents, formules) et de la
conditionnalité des rendements/pertes aux conditions de marché prévalant lors de la souscription. En dépit de
l’importance des caractéristiques idiosyncratiques des marchés nationaux, la matérialité de l’impact d’une
correction des indices boursiers a en effet été attestée en Corée au cours des derniers mois (Encadré 16).
Graphique 149 : Europe : produits structurés sur Graphique 150 : France : part des autocalls rachetés ou
indices d’actions. Volumes de ventes trimestriels arrivés à expiration vs. part des produits encore vivants par
(millions de dollars) année d’émission (parts des volumes de ventes)
Source : SRP.
Encadré 16 : Une matérialisation des risques liés aux marchés boursiers en Corée en 2023
L’autorité de marché coréenne (Service de Surveillance Financière de Corée du sud, FSS), a prolongé en novembre 2023 des
investigations antérieures sur les autocalls, en réponse à des plaintes d’investisseurs ayant réalisé ou anticipant des pertes
sur les autocalls référencés à l’indice Hang Seng China Enterprises (HSCEI). Distribués à partir de 2021, les autocalls
permettaient à certaines banques de compenser en partie leurs baisses de revenus induites par le bas niveau des taux
d'intérêt grâce aux marges (frais, commissions) perçues sur ces produits. Depuis, les particuliers sud-coréens, souvent d'âge
moyen ou âgés, ont réalisé, consécutivement à la chute du cours du HSCEI en 2023, des pertes croissantes sur ces produits.
Le FSS, dans un rapport d’enquête de mars 2024, estime que les pertes des investisseurs pourraient atteindre 3,9 mrds
d’euros en 2024 (5,8 trn de wons). Les d’encours d’autocalls liés au HSCEI de 12,2 mrds d’euros à fin 2023 (18,8 trn de wons)
ont engendré environ 800 mn de pertes (1,2 trn de wons) en janvier-février 2024 267, soit un taux de perte en capital cumulé
sur les autocalls sur HSCEI de 54 %. Dans ce contexte, le FSS a conclu à la vente abusive de ces produits par 5 banques et 6
courtiers. Le FSS a souligné aussi une tendance des systèmes de vente à privilégier le profit des promoteurs au détriment
des consommateurs, et fait état d’une promotion accrue de ces produits très rémunérateurs par certains d’entre eux, en
265
Cf. "4.2.2 Focus sur le marché français des autocalls" de la Cartographie des marchés et des risques de l’AMF 2023.
266
Ou "rappelés par l’émetteur" (autocalled) c’est-à-dire donnant lieu à un versement de coupon et à l’expiration automatique du produit
suite à la réalisation d’une condition initialement fixée, typiquement relative au niveau du sous-jacent.
267
Par Bloomberg. Cf. Bloomberg ; Missold Chinese exotic notes risk USD 4bn loss for Koreans ; 30/04/24.
- 127 -
dépit de la croissance des risques. Les banques et courtiers visés devront donc indemniser les investisseurs pour un montant
estimé à 1,9 mrds d’euros (2,8 trn de wons), soit plus de 30 % des pertes réalisées par les investisseurs particuliers, selon
certains analystes 268. En 2019, le FSS était déjà intervenu lorsque des particuliers avaient risqué de perdre leurs placements
dans des produits dérivés liés aux rendements des obligations allemandes. Il reconnaît cependant l’échec du renforcement
des règles de protection des consommateurs adoptées en 2021, suite à une série de scandales liés à des produits financiers
complexes et risqués vendus aux particuliers. Dans ce contexte, plusieurs distributeurs de premier plan ont annoncé, dès
janvier 2024, suspendre temporairement les ventes d'autocalls aux investisseurs locaux, et les émissions ont chuté depuis à
671 mn d’euros (1 trn de wons) en février 2024 en Corée du Sud, soit une baisse de 65 % depuis novembre 2023 (date du
début de l’enquête de la FSS) et un plus bas sur 3 ans.
Par ailleurs, une nouvelle catégorie de produits structurés apparaît au sein de l’offre faite aux particuliers : celle de
titres de créance structurés (ou équivalents de droit étranger) qualifiés de certificats activement gérés ou Actively
Managed Certificates (AMC). Comme les autocalls, les AMC font dépendre leur performance d’un sous-jacent, e.g.
panier de titres, indice boursier. Contrairement à eux, ils se réservent toutefois le droit de modifier ("rebalance"),
de façon discrétionnaire ou systématique, la composition de ce sous-jacent durant la vie de l’instrument financier
sans accord exprès des investisseurs. Différents éléments d’observation du marché (e.g. actions promotionnelles,
intentions de promouvoir une offre, etc.) indiquent que la vente d’AMC à des clients non professionnels a cru ces
dernières années, dans des proportions qui resteraient à évaluer. Promus souvent par des banques et courtiers
souhaitant i) s’affranchir des contraintes applicables et ii) concurrencer les produits de gestion collective, ces
produits affichent typiquement la volonté de mettre en œuvre des stratégies s’affranchissant des contraintes sur
l’éligibilité des actifs et de diversification des fonds d’investissement, pour investir de façon "flexible" dans des
thématiques d’investissement d’actualité (crypto-actifs, nouvelles technologies). Pourtant ces produits
structurellement complexes (au sens de l’Encadré 17) s’inscrivent à la frontière des exigences réglementaires
applicables et des éléments de doctrine de l’AMF. Ils appellent donc une vigilance accrue en matière de
commercialisation et d’adaptation au profil des clients, notamment particuliers, et de respect des différents corps
de règles applicables selon l’enveloppe juridique (e.g. type de produit de dette, statut, le cas échéant, de Fonds
d’Investissement Alternatif) susceptibles d’être revêtues par l’AMC.
4.2.4. Un essor de la négociation d’options à très court terme par les particuliers
Euronext Paris a lancé fin février 2024 des options sur CAC 40 à horizon d’un seul jour. Ces options, dites "Zero Day
to Expiration" ou 0DTE, ont en général pour sous-jacent des actions individuelles ou des indices boursiers (ou ETF
sur ces indices) et ne se négocient que le jour où elles expirent. Souvent traitées les jours d’annonces macro-
économiques ou de résultats d’entreprises, elles permettent de couvrir les risques liés à ces annonces. Les
montants unitaires d’achat (primes) des 0DTE sont faibles, comme leur probabilité de gain (e.g. par rapport aux
options de long terme) ; elles peuvent cependant être très rentables, si la prédiction du cours du sous-jacent
s’avère juste.
Depuis 2016, le marché des 0DTE a beaucoup crû aux États-Unis (Graphique 151, Graphique 152). L’impulsion
initiale a été la suppression des commissions sur les transactions d’options par les plateformes de courtage de
détail à partir d’octobre 2019, et une accélération a été notée suite au lancement de contrats sur indice S&P 500
en 2022, qui concentrent désormais la majorité des transactions sur 0DTE. Au terme de ces évolutions, les 0DTE
comptaient fin 2023 pour près de la moitié du volume d’options sur S&P 500 traité (tous termes confondus). Le
trading des particuliers représente 30 à 40 % du volume d’0DTE traités selon le CBOE 269. Symétriquement, plus de
75 % des négociations d’options sur S&P 500 par des particuliers portent aujourd’hui sur des 0DTE 270. En Europe,
Euronext Amsterdam cote des 0DTE depuis 2008, où elles représentent près d’un quart du volume de transactions
sur options sur l’indice Amsterdam Exchange (AEX), et l’appétit des particuliers est également fort. Eurex a lancé
en août 2023 sa première 0DTE, et en cote en particulier sur les indices Euro Stoxx 50 et DAX 30. En France, peu
de courtiers permettent – à l’instar de certaines néo-banques (e.g. Saxo Bank, Degiro) – à leurs clients d’intervenir
268
Korea says banks, brokers missold risky China-linked notes ; Bloomberg ; 11/03/24.
269
Source : Ormont M. The rise of 0DTE options and CBOE's strategic approach to serving today's more sophisticated retail trader. CBOE,
28/02/24. Howson D. Bringing CBOE's U.S. retail playbook abroad. CBOE, 20/02/24. NB : Cette proportion varie fortement selon les estimations.
JP Morgan l’établit par exemple à 5 % ("Retail traders are driving up to 40% of-zero-day options boom", Bloomberg, 24/08/23).
270
Cf. Beckmeyer H., N. Branger, L. Gayda (2023).
- 128 -
sur le marché des options (Monep), mais ces produits sont activement promus par les marchés boursiers. Une
extension à l’Europe de l’offre d’0DTE du CBOE est envisagée 271.
Graphique 151 : Distribution par maturité des volumes Graphique 152 : Part des 0DTE dans le volume d’options sur
d’options sur S&P 500 négociés sur le CBOE aux États-Unis S&P 500 négocié sur le CBOE aux États-Unis (milliers)
10% 9% 10% 9% 3 000
11% 13% 14%
5%
7% 8% 5% Non-0DTE ADV 0DTE ADV
9% 7% 7% 8%
10% 2 500
20% 21% 12%
21% 18% 15%
1 195
20%
2 000
24% 17% 806
Deux principaux types de risques sont identifiés concernant le développement du marché des 0DTE.
Des risques de marché, en particulier d’impact sur les marchés d’actifs sous-jacents 272
Certaines instances (le Fonds monétaire international, la Banque centrale européenne) 273 soulignent les risques de
l’effet de levier des 0DTE et de procyclicité induite par la gestion dynamique des expositions de leurs vendeurs
– i.e. lorsqu’ils achètent (resp. vendent) les titres sous-jacents à mesure que leur cours monte (resp. baisse),
amplifiant ainsi la volatilité intrajournalière. L’impact du trading d’options sur les marchés sous-jacents est, à
l’instar d’autres produits dérivés 274, attesté généralement par la littérature 275. Aux États-Unis, Brogaard, Han et
Won (2024) montre qu’une hausse d’un écart type des transactions sur 0DTE accroît la volatilité du marché de
33 %, soit quatre fois plus que l’impact général du trading d’options sur la volatilité estimée par Harris L. (1989).
Au-delà, compte tenu de l’évolution des marchés d’0DTE (e.g. le montant notionnel d’options échangées atteint
un trillion de dollars par jour), un mouvement de marché intrajournalier important aurait un impact prononcé s’il
obligeait les vendeurs d'options à couvrir leurs positions simultanément, voire affectait les chambres de
compensation 276. On s’interroge aussi sur l’impact des stratégies des teneurs de marché (rééquilibrage des stocks,
couverture) et autres investisseurs sophistiqués dans un tel cas de figure. À ce stade, certains éléments semblent
limiter les craintes : par exemple, concernant les teneurs de marché, le CBOE souligne la faiblesse des expositions
nettes au regard de la liquidité disponible lors des pics de volatilité 277, et il semble qu’ils recourent assez peu à la
271
Selon Cboe Carrying Out Strategic Review; MarketsMedia 02/02/24 indique "Cboe sees Europe as a market that is ripe for this evolution as
the value of equity and index options trading is just 6 % of the value traded in the US, (…). The group launched CEDX, a derivatives exchange in
Europe, in September 2021 and (…) CEDX had record volumes in the fourth quarter, which were up 85% year-over-year”.
272
Références académiques de cette section : Baltussen G., J. Terstegge, P. Whelan (2023), The Derivative Payoff Bias; Brogaard J., J. Han, P.
Won (2024), Does 0DTE options trading increase volatility?; Harris L. (1989), S&P 500 cash stock price volatilities, Journal of Finance 44-5, 1155-
1175; Hu J., A. Kirilova, D. Muravyev (2023), Options Market Makers; Ni S., N. Pearson, A. Poteshman, J. White (2021), Does option trading have
a pervasive impact on underlying stock prices?, The Review of Financial Studies 34-4, 1952-1986.
273
Cf. "The fast-growing interest in retails’ trading in the zero-day options market: Is it a hidden risk?", in Global Financial Stability Report, IMF;
Apr. 2023. Sowiński A. (2023); "The risks from hidden leverage in short-term equity options", in ECB Financial Stability Review, Nov. 2023.
274
Cf. e.g. discussion de l’impact du dénouement des contrats de swap des ETF leveragés et inverses sur les marchés d’actifs sous-jacents par
la Cartographie des marchés et des risques 2023 (Encadré 10) et risques pour les banques liés à leur gestion des risques des produits structurés
destinés aux particuliers (2.1.5 de la Cartographie des tendances et des risques de l’AMF 2020 et 2.1.4 et 4.6.3 de la Cartographie des marchés
et des risques 2022).
275
Cf. Ni S., N. Pearson, A. Poteshman, J. White (2021).
276
En février 2024, M. Kolanovic, stratégiste de JP Morgan, a souligné les risques d’un "Volmageddon 2.0" liés aux 0DTE, ouvrant notamment
un débat avec Bank of America. La Futures Industry Association (FIA) a alors invité la chambre de compensation d’options de Chicago (OCC) à
discuter de ces risques avec ses membres. Suite à cela l'OCC a déclaré : "suivre l’augmentation des volumes de ces produits pour mieux
comprendre les implications de la gestion des risques pour les marchés, et maintenir un dialogue ouvert avec ses membres". L'OCC a en effet eu
aussi des discussions bilatérales avec certains acteurs. Cf. "Wall Street s'alarme du succès des options 0DTE", Zone Bourse-Reuters, 10/03/24.
277
Zaionz J. (2023), The Rise of SPX 0DTE Options, CBOE White Paper.
- 129 -
couverture en delta (delta hedging) de leurs expositions 278. En tout état de cause, la capacité de négociation rapide
(à faible latence, haute fréquence) des teneurs de marché leur confère un avantage stratégique, surtout sur les
particuliers, qui rend du reste leurs stratégies très profitables 279.
La négociation d’0DTE se rapprochant de la pratique des jeux d’argent – e.g. de "gamification" – il importe que les
investisseurs fassent la différence, fondamentale, entre jeu et invesissement, et restent conscients des risques
auxquels ils s’exposent, notamment ceux de perte importante (qui peuvent être, en théorie, illimitées, en cas de
ventes d’options de vente non couvertes). Ceci réitère sous un jour nouveau l’importance de l’information
contractuelle et de la réglementation applicable à la participation des investisseurs particuliers aux marchés
d’instruments financiers complexes (cf. Encadré 17). Ceci souligne toutefois avant tout les besoins d’information
et d’analyse du marché européen, les études académiques analysant à ce stade exclusivement le marché américain
dans un contexte où le marché européen reste naissant.
278
Cf. Hu J., A. Kirilova, D. Muravyev (2023).
279
Cf. Baltussen G., J. Terstegge, P. Whelan (2023).
280
Beckmeyer H., N. Branger, L. Gayda (2023), Retail traders love 0DTE options... but should they? ; Bryzgalova S., A. Pavlova, T. Sikorskaya
(2023), Retail trading in options and the rise of the big three wholesalers, Journal of Finance 78-6, 3465-3514. ; de Silva T., K. Smith, E. So (2023),
Losing is optional: Retail option trading and expected announcement volatility; Vilkov G. (2024); 0DTE trading rules.
281
Poser W. (2023), "Trends in Options trading", NYSE, 04/12/23 discute de l’identification du trading des particuliers et montre leur intérêt
croissant pour la négociation d’options de maturité courte. Plus généralement : "estimates of retail trading in the U.S. stock market centers
around 50% of total market volume. Using our estimate, retail share of U.S. equity markets options volume is slightly lower at 45%".
282
Cf. discussion du PFOF dans la section 4.4 de la Cartographie des marchés et des risques 2022 de l’AMF.
283
Cf. https://www.sec.gov/news/pressrelease/2017-11.html.
- 130 -
Encadré 17 : La complexité d’un instrument financier : un concept multiple
Plusieurs réglementations et doctrines font référence à la notion de complexité en réponse à divers enjeux.
1. La complexité au sens de la directive MIF 2 284
Évaluation du caractère approprié et exécution simple : sont jugés "non complexes" 285, les actions cotées "simples",
les instruments "simples" du marché monétaire, les obligations et autres titres de créance "simples" cotés en bourse,
les OPCVM à l'exclusion des OPCVM structurés, les dépôts structurés et les instruments financiers non complexes au
sens de l'article 57 du Règlement Délégué de MiFID 2. Les instruments financiers complexes sont inéligibles au régime
d'exécution simple, qui permet à un prestataire de services d’investissement de fournir un service d'exécution d'ordres
ou de réception-transmission d'ordres sans en tester le caractère approprié pour le client (cf. 4 conditions posées par
la loi).
Gouvernance produits : pour les produits complexes, le règlement général de l'AMF (articles 313-17 et 19) adapte la
fréquence des revues par l’émetteur et, pour les produits non complexes au sens de MIF2, l’information à recueillir
par les distributeurs. La complexité peut alors se comprendre par référence aux Orientations de l’ESMA 286 précisant
que le terme est relatif et multifactoriel, et caractérisé par l’exigence de tenir compte des principes et critères de
complexité comme suit : la vérification du caractère approprié du produit, sa structuration, sa conception, sa nature,
son caractère peu courant, ses caractéristiques de risques. Selon la complexité de l’instrument financier, son émetteur
doit, sur ces bases, définir un marché cible précis en s’appuyant sur des catégories d’instruments granulaires.
284
Cf. articles 313-17 et 19 du règlement général de l’AMF.
285
Cf. article D. 533-15-1 du Code monétaire et financier.
286
ESMA Guidelines on MiFID II product governance requirements Final report; ESMA35-43-3448; 27/03/23.
287
Cf. Position 2010-05 du 05/12/21 et discussion dans l’Encadré 8 de la Cartographie des marchés et des risques 2023 de l’AMF.
288
OCDE (2023), Les nouveaux investisseurs en France : attitudes, connaissances et comportements, https://www.oecd.org/daf/fin/financial-
education/new-retail-investors-inFrance-FR.pdf : Cette étude a porté sur un large échantillon de plus de 8 000 personnes et a permis
d’interroger plus de 2 000 investisseurs particuliers, dont plus d’un millier ayant acheté pour la première fois ces trois dernières années des
produits d'investissement.
- 131 -
Les investisseurs ont globalement conscience des risques associés aux crypto-actifs
Le Baromètre de l’épargne et de l’investissement AMF de 2023 montre une bonne perception du risque sous-jacent
à l’investissement en crypto-actifs. Ainsi, les répondants ont été 65 % à considérer que le niveau de risque associé
aux crypto-actifs (hors « stablecoins » et NFT) était élevé. Les particuliers français ont même identifié les crypto-
actifs comme le placement le plus risqué devant les placements dans l’immobilier locatif et les placements en
actions cotées. Il ressort également que 28 % des répondants pensent que les crypto-actifs sont faiblement adaptés
à la poursuite d’objectifs de long terme ce qui apparaît cohérent au vu de la forte volatilité de ces marchés et de
l’incertitude sur les perspectives de rendement à moyen-long terme.
Graphique 153 : Niveau de risque Graphique 154 : Adaptation à un objectif de long terme
4.2.6. Des réclamations et litiges qui augmentent, notamment ceux en lien avec l’offre de crypto-actifs
Le nombre de réclamations reçues par le service AMF Epargne Info Service est en hausse depuis la fin de l’année
2023, se maintenant à un niveau proche de 200 par mois.
Graphique 155 : Nombre de réclamations pour les acteurs non régulés, par thématiques 289
Source : EIS-AMF
289
Le Graphique 155 rend compte du nombre de réclamations et non du nombre d’arnaques dont sont victimes les investisseurs particuliers
français.
- 132 -
Les réclamations portent principalement sur les arnaques aux crypto-actifs désormais accompagnées d’un second
volet de fraude, qui consiste à proposer le remboursement des pertes subies. Les autres tendances de réclamations
concernant le domaine non régulé portent sur les arnaques à de faux placements verts (principalement des
propositions d’investissement dans des places de parking munies de borne de recharge électrique) ou encore dans
le domaine des biens divers (or, vins, cheptel).
Dans le domaine régulé les réclamations portent principalement sur les problèmes rencontrés par les épargnants
dans le cadre de la gestion de leur PEA (transfert de compte, actions devenues sans valeur, etc…) ou encore les
actionnaires de société ayant procéder à l’émission d’obligations convertibles et bons de souscription d’actions
(OCABSA).
Les perturbations enregistrées sur les marchés immobiliers se sont aussi répercutées dans le nombre de dossiers
reçus. Le nombre de litiges liés aux SCPI et au crowdfunding immobilier a doublé en 2023 avec 107 dossiers. La
médiation constate un manque de compréhension des mécanismes de retraits dans les SCPI et les analyses
insuffisantes des plateformes de crowdfunding sur les projets proposés.
290
Rapport du médiateur AMF 2023.
291
L’irrecevabilité élevée des dossiers sur ce sujet est liée aux spécificités du marché des crypto-actifs. Le médiateur a notamment constaté :
- des faits remontés peuvent être antérieurs à l’enregistrement du prestataire, un cas fréquent dans la mesure où l’enregistrement
PSAN est relativement récent (2021);
- des faits où le demandeur a traité avec une succursale ou une filiale de l’acteurs originaire d’un pays tiers ;
- des faits remontés par un professionnel, alors que la médiation de l’AMF n’est ouverte qu’aux particuliers ;
- des faits relatifs aux services de conservation d’actifs numériques pour compte de tiers par des PSAN alors que les demandeurs avaient
la maîtrise exclusive de ses clés privées (permettant l’accès aux portefeuilles d’actifs numériques et de réaliser des transactions).
292
Voir Chapitre 1.
- 133 -
des bons de souscription d'actions (BSA) qui sont attachés aux OCA. Ces bons donnent à leur porteur le
droit de souscrire à une ou plusieurs actions à un prix déterminé, jusqu'à une date d'échéance. Ils
permettent donc aux entreprises émettrices de renforcer leurs fonds propres au prix d’une forte dilution.
Devant l’augmentation des réclamations émanant de particuliers depuis 2020, l’AMF a en 2022 mis en garde les
investisseurs sur les risques inhérents à ce type de financement et publié une étude analysant ce segment de
marché 293. Cette étude montrait notamment qu’une grande partie (plus de 80%) des 69 sociétés de l’échantillon
avaient vu leur cours de bourse évoluer à la baisse entre la première opération de financement et la fin 2021, avec
un recul moyen de 72 %. De plus, les émetteurs dont le cours s’est le plus déprécié ont multiplié les opérations
portant sur leur capital, telles que les opérations de regroupement d’actions et de réduction de la valeur nominale.
Ainsi, le marché et, notamment, les actionnaires individuels supportent in fine un double risque associé à ce type
de financement : une dilution significative et, dans de nombreux cas, une forte pression baissière sur le cours.
4.3.1. La surévaluation des compétences en finance est particulièrement élevée chez les plus jeunes
Les investisseurs les plus jeunes et les moins expérimentés sont les plus utilisateurs de services digitaux. Les
décisions d’investissements sont prises sur des interfaces. Ce mode d’investissement donne une grande autonomie
aux particuliers dont le bagage initial en matière de culture financière est essentiel pour permettre une bonne
gestion de l’épargne.
L’étude de l’OCDE sur les nouveaux investisseurs a constaté que les deux tiers des nouveaux investisseurs
estimaient avoir une connaissance élevée des produits financiers alors que seulement la moitié ont été capables
de répondre à trois questions parmi six questions de base 294 portant sur les investissements. Ils ne sont même plus
que 38 % à avoir pu répondre à quatre questions de base.
La tendance à la surévaluation des compétences est plus inquiétante chez les nouveaux investisseurs les plus
jeunes. Plus de 73 % des moins de 25 ans considèrent « s’y connaitre assez bien ou très bien », alors qu’ils ne sont
que 44 % à avoir pu répondre correctement à plus de deux questions de base.
De manière plus générale, l’auto-évaluation de la culture financière des particuliers est un problème récurrent. Le
Baromètre AMF de l’épargne et de l’investissement de 2023, a fait état d’une hausse de la part de la population
estimant « s’y connaître » dans le domaine des produits d’épargne et des placements financiers (à 42 % contre 35
% en 2022). Mais, dans le même temps, sur trois questions basiques qui leur ont été posées, seuls 11 % ont été à
même d’y répondre correctement.
Néanmoins, le Baromètre indique une connaissance croissante du document d’informations clés (DIC ou DICI de
son ancien acronyme), signe que ceux-ci ont recours à des sources d’information officielles. D’ailleurs, 47 % des
investisseurs qui connaissent l’existence du DIC ou DICI, déclarent les consulter avant toute prise de décision.
293
AMF (2022) : Étude sur les financements dilutifs de type OCABSA ou Equity lines, octobre.
294
Les question d’évaluation des connaissances financières ont porté sur les sujets suivant:
- La compréhension de l’inflation et du pouvoir d’achat ;
- La diversification des avoirs ;
- La relation risque/rendement ;
- La relation entre rendements passés et rendements futurs des actions ;
- La légalité du cours des crypto-actifs ;
- Les risques liés aux crypto-actifs.
Le détail des questions peut être trouvé dans l’étude OCDE (p.51).
- 134 -
Graphique 156 : Connaissance (autoévaluée) en matière de Graphique 157 : Document d’informations clés
produits d’épargne et de placements financiers
a) Connaissance
Ces fragilités dans l’auto-évaluation des compétences font des investisseurs particuliers, de surcroit les plus jeunes
et moins expérimentés, une population très sensible aux influences des réseaux sociaux, des influenceurs, et des
techniques marketing digitales.
295
OCDE (2023), Les nouveaux investisseurs en France : attitudes, connaissances et comportements,
https://www.oecd.org/fr/daf/fin/education-financiere/new-retail-investors-in-France-FR.pdf
296
Bollen, J., Mao, H., & Zeng, X. (2011). Twitter mood predicts the stock market. Journal of computational science, 2(1), 1-8.
297
Ranco, G., Aleksovski, D., Caldarelli, G., Grčar, M., & Mozetič, I. (2015). The effects of Twitter sentiment on stock price returns. PloS one, 10(9),
e0138441.
298
Bartov, E., Faurel, L., & Mohanram, P. S. (2018). Can Twitter help predict firm-level earnings and stock returns?. The Accounting Review, 93(3),
25-57.
299
Baierlacher, M., Danieli, L., De Renzis, T., Gutierrez, A. D. (2023). Social media sentiment impact on EU equity prices, ESMA TRV Analysis.
300
Ante, L. (2023). How Elon Musk's twitter activity moves cryptocurrency markets. Technological Forecasting and Social Change, 186, 122112.
- 135 -
Concernant des influenceurs de plus petite taille (micro-influenceurs entretenant des liens avec un
petit nombre d’abonnés sur des groupes privés) : Al Atoom et al. (2021) 301 ont démontré que les
sentiments des investisseurs sur certains titres spécifiques partagés dans des groupes Facebook, X
(ex-Twitter), WhatsApp ou d’autres forums, étaient très valorisés par les particuliers. D’ailleurs, c’est
depuis un canal similaire, le forum Reddit consacré aux investissements « WallStreetBets », que les
investisseurs particuliers se sont coordonnés pour exercer des pressions acheteuses sur les mêmes
valeurs boursières 302, le cas de Gamestop dont le cours est passé en quelques jours de 4 à 347 dollars
le 27 janvier 2021 étant le plus flagrant.
Le risque d’une activité non-régulée des « fininfluencers » est que les investisseurs particuliers attribuent une
crédibilité excessive à ces acteurs jusqu’à les substituer aux conseillers en investissements professionnels.
Pourtant, seuls ces derniers disposent des compétences et des acquis validés pour prodiguer des conseils. Un
rapport du CFA Institute sur les fininfluenceurs 303 met en exergue :
La dimension marketing cachée ;
La mauvaise interprétation du niveau d’expertise des influenceurs financiers ;
Le partage d’informations et recommandations inadaptées ou de faible qualité, lié à des biais
comportementaux ;
La désinformation ;
Les escroqueries.
301
Al Atoom, S. A., Alafi, K. K., & Al-Fedawi, M. M. (2021). The effect of social media on making investment decisions for investors in Amman
Financial Market. International Journal of Innovation, Creativity and Change, 15(6), 934-960.
302
Les mêmes stocks sont des titres dont la popularité, souvent rapide et virale, provient d’activités sur les réseaux sociaux. Le terme trouve
son origine dans les « mèmes » internet partagés dans les forums de type Reddit et plus précisément la section « Wallstreetbets ».
303
Espeute, S., & Preece, R. (2024). The Finfluencer Appeal: Investing in the Age of Social Media (Executive Summary). Espeute, Serena and
Preece, Rhodri, The Finfluencer Appeal: Investing in the Age of Social Media (Executive Summary)(January 25, 2024). CFA Institute Research and
Policy Center.
304
Le terme « influenceur » est désormais défini dans la loi et désigne « les personnes physiques ou morales qui, à titre onéreux, mobilisent
leur notoriété auprès de leur audience pour communiquer au public, par voie électronique, des contenus visant à faire la promotion,
directement ou indirectement, de biens, de services ou d'une cause quelconque exercent l'activité d'influence commerciale par voie
électronique ».
305
Ministère de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, Guide de bonne conduite – Influenceurs et créateurs
de contenus, juin 2023. Voir Cartographie des marchés et des risques 2023 (point 4.3.4) de l’AMF pour plus de détails.
306
Le module spécialisant dans la publicité financière vient compléter les certificats d’influence responsable déjà distribués par l’ARPP. Un autre
module sur les jeux d’argent est également proposé en collaboration avec l’Autorité nationale des jeux. A date, 40 certificats ont été délivrés.
- 136 -
Dans un papier de discussion sur la digitalisation des services d’investissement 307 publié en décembre 2023, l’ESMA
évoque un encadrement plus important des services de publicité et de marketing d’instruments et services
financiers, notamment dans le cas d’influenceurs, suivant les dispositions du cadre français, notamment. En termes
de responsabilité, l’ESMA estime ainsi qu’il revient aux entreprises d’investissement de s’assurer de la bonne
information distribuée aux investisseurs, y compris lorsque celle-ci est diffusée en contractant un influenceur pour
faire la promotion de titres et services financiers.
Concernant la gamification, l’AMF a publié une étude, expérimentale, de M.-H. Broihanne 310 démontrant
l’incidence de différents types de stimulus de gamification sur la prise de risque des jeunes investisseurs. Les
résultats concluent à une forte incidence de la distribution de trophées aux participants. Ceux récompensant
l’investissement risqué ont augmenté leur prise de risques lors de l’attribution de trophées. Inversement, les
trophées récompensant l’épargne la réduisent. Il ressort également de l’expérience que les contextes permettant
de copier les décisions d’investissement des individus les plus performants mènent 20 % des participants à choisir
de recourir aux options de « copy trading » et accroissant la prise de risque de l’ensemble des participants.
Ces pratiques digitales n’étant pas explicitement évoquées dans la directive MiFID II, l’ESMA a publié un papier de
consultation dans lequel il interroge, entre autres, sur la mise en place de règles internes d’encadrement de
l’utilisation des pratiques digitales pour en appuyer les bénéfices pédagogiques. L’autorité rappelle les bénéfices
de ces techniques qui peuvent accroître l’attention et l’information des particuliers, les accompagner dans la
diversification de leur portefeuille et favoriser des horizons de long terme. À l’inverse, l’autorité fait aussi état des
risques de conflit d’intérêt dans la mesure où ces pratiques ne doivent pas intentionnellement promouvoir des
produits plus chers ou rémunérant davantage la société les distribuant. Sur les sujets spécifiques à la gamification,
l’ESMA estime que l’outil ne doit pas encourager les investisseurs à s’orienter vers des produits complexes et
rappeler que le trading excessif est dangereux.
307
ESMA, Discussion paper on MiFID II investor protection topics linked to digitalisation, 14 décembre 2023
308
ESMA, Discussion paper on MiFID II investor protection topics linked to digitalisation, 14 décembre 2023
309
CFA Institute, Enhancing Investors’ Trust, Investor Trust Study, 2022
310
BROIHANNE, M. H. (2023). GAMIFICATION AND COPY TRADING IN FINANCE: AN EXPERIMENT.
- 137 -
4.4. L’INTELLIGENCE ARTIFICIELLE (IA) DANS LES SERVICES D’INVESTISSEMENT PROPOSÉS
AUX PARTICULIERS
L’accès à l’intelligence artificielle (IA) pour l’investissement des particuliers est très hétérogène 311. Elle peut se faire
via :
Une exposition indirecte lorsque l’IA est utilisée par l’intermédiaire financier
Les investisseurs particuliers peuvent investir dans des fonds (ou plus généralement des produits financiers) pour
lesquels les prises de décisions par l’intermédiaire mobilisent l’IA (cf. Chapitre 2). En ce cas, l’IA est utilisée pour :
collecter et analyser des informations propres aux clients et proposer des recommandations
personnalisées ;
proposer des services de gestion des risques ;
assurer l’alignement de l’activité du prestataire de service d’investissement avec la réglementation
en place, notamment la cohérence des recommandations et des comportements avec les
dispositions en matières de protection des investisseurs dans le cadre de MiFID II ;
accompagner la détection des fraudes.
Les recours à l’IA ne suffisent néanmoins pas à définir comment les fonds des particuliers sont alloués. En effet, les
Intermédiaires/gestionnaires d’actifs peuvent utiliser ces applications, le cas échéant, pour automatiser certaines
tâches ou pour les guider, mais ils restent responsables de la prise de décision. Ainsi, l’accompagnement par l’IA
de la prise de décision pour les investisseurs particuliers ne constitue pas une recommandation d’investissement
au sens strict et juridique du terme.
311
Voir également ESMA, Public Statement On the use of Artificial Intelligence (AI) in the provision of retail investment services, 30 mai 2024,
pour une description des utilisation de l’IA dans les services d’investissements à destination des particuliers.
312
Xie, Q., Han, W., Lai, Y., Peng, M., & Huang, J. (2023). The Wall Street Neophyte: A Zero-Shot Analysis of ChatGPT Over MultiModal Stock
Movement Prediction Challenges. arXiv preprint arXiv:2304.05351.
313
Ko, H., & Lee, J. (2023). Can Chatgpt Improve Investment Decision? From a Portfolio Management Perspective. From a Portfolio Management
Perspective.
- 138 -
des portefeuilles et détecter les écarts vis-à-vis du profil de risque du client, ou s’adapter aux changements
d’allocation voulus par ce dernier. D’après Shanmuganathan (2020) 314, cette technologie a même le potentiel de
proposer des processus de décision plus simples et efficients, moins liés à l’affect que les gestionnaires de fortune.
En pratique, Bianchi et Brière (2020 315 et 2024 316) ont montré que l’accès des investisseurs français aux robo-
advisors pour gérer leur plan d’épargne en entreprise augmente l’attention porté à son portefeuille
d’investissement. Par rapport aux titulaires de plans autogérés, ces investisseurs s’avèrent plus actifs et font preuve
d’une prise de risque plus en cohérence avec leur profil de risque (en l’occurrence, ils accroissent cette prise de
risques). Interagir avec ces interfaces réduit l’autocensure et peut favoriser l’inclusion financière, même si des
problèmes de biais et de confiance sont identifiés. En effet, les auteurs montrent que le recours aux robo-advisors
accroît l’investissement en actions des investisseurs, en particuliers pour ceux dont les revenus sont les plus
modestes : il augmente de 13 % pour les investisseurs appartenant au premier quartile de rémunération. Dans le
cadre considéré par les auteurs, ces changements de comportement se traduisent par des rendements ajustés du
risque également en hausse, et toujours plus important pour les investisseurs les plus modestes. Les auteurs
estiment une hausse des rendements de 3,84 % et de 4,75 % respectivement dans les deux premiers quartiles et
de 1,53 % et 1,41 % respectivement pour les deux suivants.
Graphique 158 : Incidence des robo-advisors sur les Graphique 159 : Actif sous gestion des robo-advisors dans
investissements en actions le monde (données estimées à partir de 2021)
(en millions de dollars)
Source : Bianchi M., M. Brière (2023) Source : Robo-advisors, How do they fit the existing EU regulatory
fremawork, in particular with regard to investor protection ?, juin 2021
Ces résultats trouvent écho sur d’autres marchés. Selon D’Acunto et al (2019) 317, les robo-advisors augmentent la
diversification des portefeuilles des investisseurs de détail indiens. D’après Rossi et Utkus (2019) 318, aux États-Unis,
les robo-advisors réduisent l’exposition des particuliers au marché monétaire au profit de la détention
d’obligations. Ils diminuent également le risque idiosyncratique des particuliers, et tendent à les orienter vers des
fonds indiciels à bas coût plutôt que vers la détention directe d’actions et de fonds actifs. Enfin, Hong, Lu et Pan
(2020) 319 conclut que les robo-advisors rapprochent, en l’accroissant, la prise de risque des ménages chinois d’un
niveau optimal.
314
Shanmuganathan, M. (2020). Behavioural finance in an era of artificial intelligence: Longitudinal case study of robo-advisors in investment
decisions. Journal of Behavioral and Experimental Finance, 27, 100297.
315
Bianchi, M., & Brière, M. (2020). Robo-advising for small investors. SSRN Electronic Journal.
316
Bianchi, M., & Brière, M. (2024). Human-Robot Interactions in Investment Decisions. Management Science (forthcoming).
317
D’Acunto, F., Prabhala, N., & Rossi, A. G. (2019). The promises and pitfalls of robo-advising. The Review of Financial Studies, 32(5), 1983-
2020.
318
Rossi, A. G., & Utkus, S. P. (2020). Who benefits from robo-advising? Evidence from machine learning. Evidence from Machine Learning
(March 10, 2020).
319
Hong, C. Y., Lu, X. and Pan, J. (2020), Fintech adoption and household risk-takingí, NBER Working Paper No. 28063 .
- 139 -
Une technologie dont la fiabilité pose question
Les bénéfices du robo-advice peuvent être affectés par l’intégration d’une quantité importante et variée
d’informations personnalisées. Cet ajout peut, en effet, être contre-productif. Plus le nombre de paramètres à
considérer est élevé et plus l’estimation de la pondération à leur associer est complexe. L’étude de Bianchi et Brière
publiée en 2021 320 montre par ailleurs que cela augmente le risque d’erreurs d’estimation. Une analyse de
l’ESMA 321 montre d’ailleurs qu’in fine, en pratique, les robo-advisors tendent à se fonder sur des algorithmes
simples exploitant un nombre limité d’informations.
Une autre limite majeure du recours aux robo-advisors provient de leur défaut de prise en compte du contexte
conjoncturel, c’est-à-dire du positionnement dans le cycle économique et financier à la date où ils sont utilisés.
C’est pourtant un critère essentiel de la décision d’investissement. En effet, la personnalisation de l’offre ne doit
pas prendre le pas sur les fondamentaux économiques. Une étude publiée à la demande du Parlement européen
en 2021 322 a rappelé que la réglementation est, aujourd’hui, neutre en technologie, signifiant que les règles de
MiFID s’appliquaient de la même manière aux conseillers en investissements physiques et aux robo-advisors. Ainsi,
les robo-advisors, comme tout conseiller en investissement, ont l’obligation :
d’éviter et de révéler tout conflit d’intérêts (MiFID2, art. 23) ;
de n’agir que de manière honnête, équitable et professionnelle qui serve au mieux les intérêts des
clients (MiFID, art 24 et 25) ;
d’obtenir et prendre en compte les connaissances et la tolérance au risque des clients pour ne leur
recommander que les services et instruments financiers qui leur conviennent et, en particulier,
adaptés à leur capacité à subir des pertes (MiFID 2, art 25) ;
de comprendre les produits financiers proposés et recommander ainsi qu’évaluer leur compatibilité
avec les besoins des clients (MiFID 2, art 25).
Néanmoins, force est de constater que l’encadrement des nouvelles technologies dans le cadre réglementaire
existant présente des limites. L’étude du Parlement européen interroge ainsi sur le potentiel d’application correcte
de la réglementation pour les robo-advice. Alors qu’une personne physique peut expliquer les conseils financiers
prodigués à sa clientèle et justifier son alignement avec les exigences évoquées ci-dessus, le processus de décision
des robo-advisors demeure très opaque. En cas de litige, il peut être difficile pour ces derniers de démontrer que
les conseils proposés peuvent avoir été inadaptés voire reposant sur des informations erronées.
Dans ce contexte, la communication de l’ESMA de mai 2024 323 rappelle la responsabilité de la société
d’investissement dans l’élaboration d’une structure de gouvernance robuste, à même d’encadrer les performances
et l’influence de l’IA dans les services proposés. De nombreux contrôles internes sont ainsi nécessaires pour :
s’assurer de l’utilisation efficiente des données par l’IA ;
évaluer les processus de génération d’information par l’IA ;
s’assurer de l’alignement des recommandations sur les besoins, l’expérience, les compétences, et les
objectifs des clients.
Enfin, dans le but d’accroître la transparence de l’activité des robo-advices, et plus globalement de l’utilisation de
l’IA dans les services distribués aux clients de détail, l’ESMA milite pour faire apparaître de manière claire aux
clients toutes les interactions qui mobilisent de l’IA dans les sociétés d’investissement.
320
Bianchi, Milo and Briere, Marie, Robo-Advising: Less AI and More XAI? (April 12, 2021). Available at
SSRN: https://ssrn.com/abstract=3825110 or http://dx.doi.org/10.2139/ssrn.3825110
321
ESMA, Artificial intelligence in EU securities markets, 1er février 2023.
322
Maume, P. (2021). Robo-advisors: How Do They Fit in the Existing EU Regulatory Framework, in Particular with Regard to Investor Protection?:
Study Requested by the ECON Committee. European Parliament.
323
ESMA, Public Statement On the use of Artifical Intelligence (AI) in the provision of retail investment services, 30 mai 2024.
- 140 -
usurper l’identité de personnes de confiance, de supérieurs hiérarchiques ou encore de personnalités publiques.
À titre d’exemple, en Inde, une vidéo du PDG de la Bourse de Bombay (Sundararaman Ramamurthy) prodiguant
des conseils en investissements a été générée par IA et publiée sur les réseaux sociaux, influençant les transactions
d’investisseurs particuliers 324.
Bien qu’une causalité directe ne puisse être établie entre le risque de deepfake et le nombre d’arnaques en France,
on constate que le nombre de signalements d’usurpations d’identités reçus par l’AMF (sur la plateforme AMF
Épargne Info Service) a sensiblement augmenté en 2023.
Graphique 160 : Nombre d’usurpations d’identité recensées par AMF Épargne Info Service
80
70
60
50
40
30
20
10
Source : EIS-AMF
324 324
En Inde, le deepfake, la nouvelle technique d’arnaque financière qui se répand, Julien Bouissou, Le Monde, le 10 mai 2024.
- 141 -
LISTE DES ACRONYMES EFRAG European Financial Reporting Advisory Group
(Groupe consultatif européen sur l’information
financière)
ACPR Autorité de contrôle prudentiel et de résolution ELTIF European Long Term Investment Funds
ADL Anti-dilution levies EMEA Europe Middle East & Africa
AEMF Autorité européenne des marches financiers EMIR European Market Infrastructure Regulation
(ESMA) ESG Environnementaux, sociaux et de gouvernance
AEX Amsterdam Exchange ESMA European Securities and Markets Authority (AEFM)
AFG Association française de la Gestion Financière ESRB European Systemic Risk Board
AIFMD Alternative Investment Fund Managers Directive ESRS European Sustainability Reporting Standards
AMM Automatic Market Maker ETC Exchange Traded Commodities
APP Asset Purchase Programme (programme d’achat ETF Exchange Traded Fund (Produit indiciel coté)
d’actifs) ETH Ethereum
ARPP Autorité de Régulation Professionnelle de la ETN Exchange Traded Notes
Publicité ETP Exchange-Traded Products
ASAP Accélération et simplification de l’action publique EV Enterprise Value
ASPIM Association française des sociétés de placement FCA Financial Conduct Authority
immobilier FCPE Fonds commun de placement d’entreprise
AT1 Additionnal Tier 1 FCPI Fonds Commun de Placement dans l’Innovation
BCE Banque centrale européenne (ECB) FCPR Fonds communs de placement à risque
BDC Business Development Companies FED Réserve Fédérale des États-Unis
BoJ Bank of Japan FIA Fonds d’investissement alternatif
BRI Banque des Règlements Internationaux (BIS) FIA Futures Industry Association
BTC Bitcoin FIP Fonds d’Investissement de Proximité
CBoE Chicago Board Options Exchange FMI Fonds monétaire international
CBOT Chicago Board of Trade FPCI Fonds Professionnel de Capital investissement
CCC Chambre de compensation centrale FPS Fonds Professionnels Spécialisés
CCP Chambres de compensation centralisées FSB Financial Stability Board
CDS Credit default swap (Dérivés sur risque de crédit) GEO Global Emission Offset
CCER Certified Emission Reduction program GES Gaz à effets de serre
CeFI Finance centralisée GNL Gaz naturel liquéfié
CERS Conseil Européen du Risque Systémique (ESRB) HCJP Haut comité juridique de la Place financière de Paris
CISSM Center for International and Security Studies HF Hedge funds
CLO Collateralized Loan Obligations HFT High-frequency trading
CLS Continuous Linked Settlement System HQLA High Quality Liquid Assets
CMU Capital Market Union IA Intelligence artificielle
CNAV Constant Net Asset Value ICMA International Capital Market Association
CNIL Commission nationale de l’informatique et des IFRS International Financial Reporting Standards
libertés INSEE Institut national de la statistique et des études
CoCos Contingent Convertible Bonds IOSCO International Organization of Securities
COFRAC Comité français d’accréditation Commissions (OICV)
CPME Confédération des petites et moyennes entreprises IPO Initial Public Offering (introduction en bourse)
CRO Chief Risk Officers ISIN International Securities Identification Number
CSF Conseil de stabilité financière ISDA International Swaps and Derivatives Association
CSDR Central Securities Depositories Regulation ISSB International Sustainability Standards Board
CSRD Corporate Sustainability Reporting Directive LBO Leveraged BuyOut
DARES Direction de l’animation de la recherché, des études LDI Liability Driven Investment
et des statistiques LMT Liquidity management tools
CT Consolidated tapes LVNAV Low Volatility Net Asset Value (Fonds à valeur
DDADUE Diverses dispositions d'adaptation au droit de liquidative volatile)
l'Union européenne LTAF Long-term Asset Funds
DeFI Finance décentralisée MACF Mécanisme d’ajustement carbone aux frontières
DEX Échanges décentralisés MATIF Marché à Terme International de France
DICI Document d’informations clés pour l’investisseur MiCA Markets in Crypto-Assets Regulation
DTCC Depositary Trust & Clearing Corporation MIF Directive sur les Marchés d’Instruments Financiers
DORA Digital Operational Resilience Act MIFIR Markets in Financial Instruments Regulation
DTO Derivative Trading Obligation MMF Money Market Funds
EBA European Banking Authority MMFR Money Market Fund Regulation
EBITDA Earnings Before Interest, Taxes, Depreciation, and MTF Multilateral Trading Facility
Amortization NAV Net Asset Value
ECB European Central Bank (BCE) NBFI Non-Bank Financial Institution
EEE Espace Economique Européen NFT Non Fongible Tokens
EEX European Energy Exchange NSCC National Securities Clearing Corporation
EFAMA European Fund and Asset Management NYSE New York Stock Exchange
(Association européenne de la gestion d’actifs) OAS Option-Adjusted Spread
OCABSA Obligations convertibles et bons de souscription
d’actions
- 142 -
OCC Options Clearing Corporation PSPP Public Sector Purchase Programme
OCDE Organisation de coopération et de développement PPV Prime de partage de la valeur
économiques QE Quotas d’émissions
0DTE Zero Day to Expiration RTS Regulatory Technical Standards
OEE Observatoire de l’épargne européenne SCI Sociétés civiles immobilières
OICV Organisation internationale des commissions de SCPI Société civile de placement immobilier
valeurs (IOSCO) SEC Securities and Exchange Commission
OPC Organisme de placement collectif SEF Swap Execution Facility
OPCI Organisme de placement collectif immobilier SEQE Système d’échange de quotas d’émission
OPCIP Organisme de placement collectif immobilier SFDR Sustainable Finance Disclosure Regulation
professionnel SFTR Securities Financing Transactions Regulation
OPEP Organisation des pays exportateurs de pétrole SGP Sociétés de gestion de portefeuille
OPPCI Organisme professionnel de placement collectif SIFMA Securities Industry and Financial Markets
immobilier Association
OPCVM Organisme de placement collectif en valeurs SLP Sociétés de libre partenariat
mobilières SPOT Supervision des pratiques opérationnelle et
ORPS Organismes de retraite professionnelle thématique
supplémentaire SRP Structured Retail Products
OTC Over The Counter (de gré à gré) STIR Short-term interest rate derivatives
PACTE Plan d’Action pour la Croissance et la SVB Sillicon Valley Bank
Transformation de l’Entreprise TIC Technologies de l’Information et de la
Pb Point de base Communication
PE Private Equity TLTRO Targeted Longer-Term Refinancing Operations
PEA Plan d’épargne en actions TPE Très petites entreprises
PEE Plan d’épargne entreprise TREM Transaction Reporting Exchange Mechanism
PEI Plan d'épargne interentreprises TTF Taxe sur les transactions financières
PEPP Pandemic Emergency Purchase Programme UC Unités de Compte
PER Price Earnings Ratio UE Union européenne (EU)
PERCO Plan d'épargne pour la retraite collectif VNAV Variable Net Asset Value (Fonds à valeur liquidative
PERECO Plan d'Epargne Retraite d'Entreprise Collectif variable)
PFOF Payment For Order Flow WAM Weighted Asset Maturity
PGE Prêt garanti par l’État WFE World Federation of Exchanges
Phelix Physical Electricity Index WLA Weekly Liquid Assets
PIB Produit intérieur brut
PME Petites et moyennes entreprises
PMI Purchasing Managers Index
PSAN Prestataire de services sur actifs numériques
PSCA Prestataire de services sur crypto-actifs
PSI Prestataire de services d’investissement
- 143 -
LISTE DES GRAPHIQUES
Graphique 1 : Inflation dans l’OCDE et évolution des prix des matières premières............................................................ 13
Graphique 2 : Taux d’intérêt directeurs et bilan des banques centrales............................................................................. 13
Graphique 3 : Évolution des taux directeurs de banques centrales .................................................................................... 13
Graphique 4 : Inflation aux États-Unis et en Europe ........................................................................................................... 14
Graphique 5 : Prix du fret maritime .................................................................................................................................... 14
Graphique 6 : Évolution des coûts de production (var sur un an, %) ................................................................................. 14
Graphique 7 : Croissance de l’économie mondiale (en %) et décomposition ..................................................................... 15
Graphique 8 : Contribution à la croissance économique en Europe et aux États-Unis ....................................................... 16
Graphique 9 : Indice PMI des directeurs d’achats (Purchasing Managers Index) ............................................................... 16
Graphique 10 : Confiance des ménages ................................................................................................................................ 16
Graphique 11 : Évolution des taux des obligations souveraines à 10 ans ............................................................................. 17
Graphique 12 : Spreads de taux souverains par rapport au Bund à 10 ans ........................................................................... 17
Graphique 13 : Rendements réels des obligations souveraines 10 ans ................................................................................ 17
Graphique 14 : Taux des obligations corporate ..................................................................................................................... 18
Graphique 15 : Spreads marchés obligataires corporate ........................................................................................................ 18
Graphique 16 : Indices CDS corporate en Europe ................................................................................................................. 18
Graphique 17 : Bénéfices attendus et valorisations boursières ............................................................................................ 19
Graphique 18 : Évolution des indices boursiers .................................................................................................................... 19
Graphique 19 : Évolution de la volatilité implicite en Europe et aux États-Unis ................................................................... 19
Graphique 20 : Performances des valeurs américaines ........................................................................................................ 20
Graphique 21 : Évolution de l’indice Euro Stoxx 600............................................................................................................. 20
Graphique 22 : Évolution comparée des indices boursiers selon la taille des entreprises – France ..................................... 20
Graphique 23 : Dividendes et rachats d’actions en France ................................................................................................... 21
Graphique 24 : Dividendes et rachats d’actions en Europe et aux États-Unis....................................................................... 21
Graphique 25 : Émissions obligataires dans le monde .......................................................................................................... 21
Graphique 26 : Émissions obligataires high yield, Monde ..................................................................................................... 21
Graphique 27 : Émissions obligataires sur le segment de la finance durable........................................................................ 22
Graphique 28 : Introductions en bourse selon les zones géographiques .............................................................................. 22
Graphique 29 : Émissions d’actions hors IPO ........................................................................................................................ 23
Graphique 30 : Émissions d’obligations convertibles ............................................................................................................ 23
Graphique 31 : Émissions d’AT1 en Europe........................................................................................................................... 23
Graphique 32 : Primes de risques sur les marchés actions ................................................................................................... 24
Graphique 33 : Évolution de l’indice Skew ............................................................................................................................ 24
Graphique 34 : Performances des valeurs cycliques et défensives du Stoxx 600.................................................................. 25
Graphique 35 : Encours d’obligations par maturité et notation pour les sociétés non financières au niveau mondial ....... 25
Graphique 36 : Encours de dette spéculative par maturité pour les sociétés non financières au niveau mondial ............... 26
Graphique 37 : Encours de dette spéculative par maturité pour les sociétés financières au niveau mondial ...................... 26
Graphique 38 : Évolution des crédit bancaires aux sociétés non financières........................................................................ 26
Graphique 39 : Variation de la demande nette de prêts aux entreprises en zone euro ....................................................... 26
Graphique 40 : Évolution du nombre de défaillances en France........................................................................................... 27
Graphique 41 : Évolution du nombre de sociétés cotées ...................................................................................................... 30
Graphique 42 : Capitalisations boursières ............................................................................................................................. 33
Graphique 43 : Volumes de transaction sur actions.............................................................................................................. 33
Graphique 44: Price-Earnings Ratio ...................................................................................................................................... 33
Graphique 45 : Capitalisation boursière en Europe .............................................................................................................. 33
Graphique 46 : Évolution des parts de marché par lieu d’exécution .................................................................................... 34
Graphique 47 : Volumes échangés sur Euronext Paris .......................................................................................................... 35
Graphique 48 : Distribution des parts de marché des volumes échangés au fixing pour les titres du CAC 40 ..................... 35
Graphique 49 : Volumes échangés sur les marchés obligataires français ............................................................................. 38
Graphique 50 : Nombre d’obligations différentes échangées au cours de la journée .......................................................... 39
Graphique 51 : Interquartile médian des prix de transactions des 100 titres les plus traités ............................................... 40
Graphique 52 : Le marché du repo en Europe....................................................................................................................... 40
Graphique 53 : Taux pratiqués sur les obligations souveraines des pays core de l’Union européenne ................................ 40
Graphique 54 : Dérivés de gré à gré - montant notionnel global .......................................................................................... 44
Graphique 55 : Montants en valeur de marché brute ........................................................................................................... 44
- 144 -
Graphique 56 : Expositions brutes de crédit ......................................................................................................................... 44
Graphique 57 : Encours mondial (notionnel) de dérivés de taux d’intérêt par type de contrepartie ................................... 45
Graphique 58 : Encours mondial (notionnel) des credit default swaps par type de contrepartie......................................... 45
Graphique 59 : Activité des prestataires de service d’investissement (PSI) français ............................................................ 46
Graphique 60 : Prix des contrats Euronext ............................................................................................................................ 49
Graphique 61 : Nombre de contrats MATIF échangés .......................................................................................................... 49
Graphique 62 : Positions ouvertes et cours sur le contrat MATIF blé Euronext .................................................................... 50
Graphique 63 : Positions brutes sur contrats blé par catégorie d’acteurs ............................................................................ 50
Graphique 64 : Prix de l’énergie en Europe........................................................................................................................... 51
Graphique 65 : Cours du contrat futures sur les quotas d’émission de CO2 européen ........................................................ 52
Graphique 66 : Cours des principaux crypto-actifs en euros ................................................................................................. 56
Graphique 67 : Capitalisation boursière des principaux «stablecoins» ................................................................................. 56
Graphique 68 : Cours des 19 principaux crypto-actifs en dollars .......................................................................................... 59
Graphique 69 : Analyse du co-mouvement entre crypto-actifs ............................................................................................ 59
Graphique 70 : Indicateurs de centralité des crypto-actifs ................................................................................................... 60
Graphique 71 : Indicateurs de centralité de la finance traditionnelle ................................................................................... 60
Graphique 72 : Volumes échangés sur les 10 plus grandes plateformes d’échange de crypto-actifs ................................... 61
Graphique 73 : Volumes échangés sur Uniswap (toutes versions) et sur le reste des DEX ................................................... 61
Graphique 74 : Nombre de cyberattaques recensées par zone géographique ..................................................................... 67
Graphique 75 : Nombre de cyberattaques recensées dans le monde par type d’industrie visée ......................................... 67
Graphique 76 : Évolution de l’actif net de la gestion collective mondiale (hors fonds de fonds), par grande juridiction
de domiciliation des fonds............................................................................................................................ 73
Graphique 77 : La structure géographique du marché (en termes de domiciliation) reste inchangée ................................. 73
Graphique 78 : Évolution des flux nets de souscription-rachat ............................................................................................. 74
Graphique 79 : Évolution de l’actif net des fonds domiciliés en Europe et répartition par juridiction ................................. 75
Graphique 80 : Évolution des fonds monétaires français ...................................................................................................... 76
Graphique 81 : Évolution des coussins de liquidité hebdomadaire ...................................................................................... 77
Graphique 82 : Évolution de la weighted asset maturity (WAM) .......................................................................................... 77
Graphique 83 : Évolution des fonds actions français ............................................................................................................ 81
Graphique 84 : Évolution des fonds obligataires français ..................................................................................................... 82
Graphique 85 : Évolution des fonds diversifiés français ........................................................................................................ 82
Graphique 86 : Évolution des fonds français « autres » ........................................................................................................ 83
Graphique 87 : Marché français de la gestion : gestion collective (fonds de droit français) et gestion sous mandat
(SGP françaises) ............................................................................................................................................ 86
Graphique 88 : Prix des investissements en bureaux en euros « acte en main » par m2 ...................................................... 88
Graphique 89 : Évolution des volumes d’investissements sur l’immobilier d’entreprise en Île-de-France ........................... 88
Graphique 90 : Encours des principales catégories de fonds immobiliers ............................................................................ 88
Graphique 91 : Évolution des encours mondiaux des fonds de finance privée ..................................................................... 95
Graphique 92 : Encours mondiaux des fonds de finance privée ........................................................................................... 95
Graphique 93 : LBO : investissement, désinvestissement et levées de capital dans le monde ............................................. 96
Graphique 94 : Les fonds de finance privée restent attractifs pour les investisseurs institutionnels ................................... 96
Graphique 95 : Levées de capital par zone géographique en Europe .................................................................................. 96
Graphique 96 : Levées de fonds et désinvestissement des fonds de private equity européens .......................................... 96
Graphique 97 : Levées de fonds du capital investissement français ..................................................................................... 97
Graphique 98 : LBO : multiples d’acquisition ........................................................................................................................ 98
Graphique 99 : LBO : TRI à 10 ans ......................................................................................................................................... 98
Graphique 100 : Durée de détention des firmes cédées par les fonds de LBO ....................................................................... 98
Graphique 101 : Valorisation des cibles et part de dette dans le financement des LBO en Europe ....................................... 99
Graphique 102 : Émissions de prêts syndiqués par les LBO .................................................................................................... 99
Graphique 103 : IPOs vs. P2P en Europe ............................................................................................................................... 100
Graphique 104 : Cessions des LBO ........................................................................................................................................ 100
Graphique 105 : Fonds de dette privée : encours gérés* et détention par les particuliers .................................................. 101
Graphique 106 : Levées de fonds des fonds de dette privée français ................................................................................... 101
Graphique 107 : Stratégies des fonds de dette en Europe .................................................................................................... 101
Graphique 108 : Nombre de LBO financés par le crédit syndiqué et par les fonds de dette privée...................................... 101
Graphique 109 : Nombre de "non-LBO" financés par le crédit syndiqué et par les fonds de dette privée ........................... 101
Graphique 110 : Emprunts des LBO par maturité ................................................................................................................. 103
Graphique 111 : Ratio de couverture des intérêts des sociétés sous LBO au États-Unis ...................................................... 103
Graphique 112 : Indices de performance des fonds de dette .............................................................................................. 105
- 145 -
Graphique 113 : Financement des LBO middle market : prêts syndiqués bancaires vs. direct lending des fonds
aux États-Unis ............................................................................................................................................. 105
Graphique 114 : ETF vs. fonds mutuels. Encours mondiaux et ratio ..................................................................................... 107
Graphique 115 : ETF vs. Fonds mutuels. Flux nets de collecte mondiaux et ratio................................................................. 107
Graphique 116 : Encours mondiaux d’ETF actifs (milliards de dollars) ................................................................................. 109
Graphique 117 : Encours européens d’ETF actifs (milliards d’euros) ................................................................................... 109
Graphique 118 : Flux de collecte des ETF actifs en Europe (milliards d’euros) ..................................................................... 110
Graphique 119 : Encours mondial d’ETP Bitcoin* au comptant (milliards de dollars)........................................................... 111
Graphique 120 : ETP Bitcoin* au comptant : flux de collecte cumulés ................................................................................. 111
Graphique 121 : Taux d’épargne et d’épargne financière des ménages ............................................................................... 115
Graphique 122 : Taux d’épargne des ménages par pays ....................................................................................................... 115
Graphique 123 : Enquête de conjoncture auprès des ménages............................................................................................ 116
Graphique 124 : Revenu disponible et pouvoir d’achat du revenu disponible par unité de consommation ....................... 116
Graphique 125 : Confiance des ménages .............................................................................................................................. 116
Graphique 126 : Indice de performance de l’épargne financière des ménages .................................................................... 117
Graphique 127 : Indice de performance de l’épargne financière des ménages : 10 % des ménages au patrimoine
financier le plus élevé (D10) vs. 50 % des ménages au patrimoine financier le moins élevé ..................... 117
Graphique 128 : Appétence au risque des investisseurs particuliers français ...................................................................... 118
Graphique 129 : Intention de souscription de placements en actions .................................................................................. 118
Graphique 130 : Patrimoine financier net des ménages ....................................................................................................... 119
Graphique 131 : Structure du patrimoine financier des ménages par niveau de patrimoine financier ................................ 119
Graphique 132 : Flux nets de placements financiers des ménages ....................................................................................... 120
Graphique 133 : Décomposition des flux de placements du poste "numéraire et dépôts" .................................................. 120
Graphique 134 : Collecte nette des unités de compte et contrats en euros ......................................................................... 121
Graphique 135 : Structure du portefeuille des unités de compte des assureurs français à fin 2023 ................................... 121
Graphique 136 : Actif des fonds d’épargne salariale (FCPE) par type de support ................................................................. 122
Graphique 137 : Décomposition de la variation d’actif net des FCPE) .................................................................................. 122
Graphique 138 : Répartition des encours d’épargne en entreprises entre plans d’épargne salariale
et d’épargne retraite .................................................................................................................................. 122
Graphique 139 : Flux de participation, d’intéressement et d’abondement sur les plans d’épargne salariale
des entreprises de 10 salariés et plus ......................................................................................................... 122
Graphique 140 : Part des salariés ayant accès à un dispositif d'épargne salariale entre 2017 et 2021 ................................ 123
Graphique 141 : Nombre de transactions sur actions des particuliers français .................................................................... 124
Graphique 142 : Nombre de transactions sur ETF des particuliers français .......................................................................... 124
Graphique 143 : Nombre de transactions sur actions des particuliers français par tranche d’âge ....................................... 125
Graphique 144 : Nombre de transactions sur actions exécutées par les particuliers français sur les plateformes
des neo-brokers par tranche d’âge ............................................................................................................. 125
Graphique 145 : Nombre de transactions sur ETF des particuliers français par tranche d’âge............................................. 125
Graphique 146 : Nombre de transactions sur ETF exécutées par les particuliers français sur les plateformes des
néo-brokers par tranche d’âge ................................................................................................................... 125
Graphique 147 : Volume de transactions des particuliers français sur ETF de compétence française ................................. 126
Graphique 148 : Tailles moyennes des transactions sur actions et ETF exécutées par les particuliers français par
intermédiaire .............................................................................................................................................. 126
Graphique 149 : Europe : produits structurés sur indices d’actions. Volumes de ventes trimestriels .................................. 127
Graphique 150 : France : part des autocalls rachetés ou arrivés à expiration vs. part des produits encore vivants
par année d’émission ................................................................................................................................. 127
Graphique 151 : Distribution par maturité des volumes d’options sur S&P 500 négociés sur le CBOE aux États-Unis......... 129
Graphique 152 : Part des 0DTE dans le volume d’options sur S&P 500 négocié sur le CBOE aux États-Unis ........................ 129
Graphique 153 : Niveau de risque ......................................................................................................................................... 132
Graphique 154 : Adaptation à un objectif de long terme...................................................................................................... 132
Graphique 155 : Nombre de réclamations pour les acteurs non régulés, par thématiques ................................................. 132
Graphique 156 : Connaissance (autoévaluée) en matière de produits d’épargne et de placements financiers ................... 135
Graphique 157 : Document d’informations clés pour l’investisseurs .................................................................................... 135
Graphique 158 : Incidence des robo-advisors sur les investissements en actions ................................................................ 139
Graphique 159 : Actif sous gestion des robo-advisors dans le monde (données estimées à partir de 2021) ....................... 139
Graphique 160 : Nombre d’usurpations d’identité recensées par AMF Épargne Info Service .............................................. 141
- 146 -
LISTE DES TABLEAUX
Tableau 1 : Montants de marges versées et reçues ................................................................................................................. 47
Tableau 2 : Répartition des fonds français (source Morningstar) selon la catégorie SFDR ...................................................... 84
Tableau 3 : Décomposition des titres d'OPC au portefeuille des assureurs français par code ISIN.......................................... 86
Tableau 4 : Description des principaux types de supports ....................................................................................................... 89
Tableau 5 : Encours des fonds de capital investissement français ........................................................................................... 97
Tableau 6 : Taux d’épargne des ménages français par niveau de revenu .............................................................................. 115
Tableau 7 : Taux d’épargne des ménages français par âge .................................................................................................... 115
Tableau 8 : Rémunération des dépôts et livrets des ménages français ................................................................................. 120
Tableau 9 : Structure de l’investissement en fonds des assureurs français à fin 2023 .......................................................... 120
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Publication réalisée par la Division Études, stabilité financière et risques de la Direction de la régulation et des
affaires internationales de l’Autorité des marchés financiers.
Directrice de la publication
Kheira Benhami
Équipe de rédaction
Laura Capota
Pierre-Emmanuel Darpeix
Anne Demartini
Laurent Grillet-Aubert
Clément Nouail
Secrétariat
Muriel Visage
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