Chapitre 1 Ostéopathie Crânienne Et Anatomie
Chapitre 1 Ostéopathie Crânienne Et Anatomie
Chapitre 1 Ostéopathie Crânienne Et Anatomie
Ostéopathie crânienne
et anatomie
Après quelques années, Sutherland définit les cranial concept in the science of osteopathy was his,
mouvements des os crâniens associés au MRP. Ils not mine” [9]. (« Si vous lisez attentivement les
se produisent sur deux temps. écrits du Dr. Andrew Taylor Still, vous verrez que
• Le temps de l’inspiration crânienne, pendant … le concept crânien de la science ostéopathique
lequel les structures médianes démontrent un était le sien et non le mien. »)
déplacement nommé flexion et les structu- Emmanual Swedenborg (1688–1772) semble
res latérales un déplacement nommé rotation aussi avoir inspiré Sutherland [10]. Cet homme de
externe. Pendant ce temps, les dimensions trans- sciences suédois étudie l’anatomie afin de trouver
versales du crâne augmentent et les dimensions l’âme. Dans une de ses publications majeures, The
verticales diminuent ; la flexion basilaire aug- Brain, écrite en 1743–1744, il décrit brillamment
mente au niveau de la synchondrose sphénoba- les mouvements du cerveau qui selon lui consis-
silaire qui s’élève et la base du sacrum se déplace tent en une succession d’expansion et de contraction
postérieurement dans un mouvement de flexion [11]. Pour Swedenborg, cette animation rythmique
craniosacrale. manifeste l’interaction entre l’âme et le corps et
• Le temps de l’expiration crânienne, pendant unifie tous les autres mouvements de la vie orga-
lequel le déplacement des structures média- nique. Dès lors, présente partout, elle contribue
nes est nommé extension et le déplacement au mouvement des membranes durales, à celui
des structures latérales, rotation interne. Les des os crâniens et de leurs sutures dont l’aspect
dimensions transversales du crâne diminuent et et les détails comme les interdigitations reflètent
les dimensions verticales augmentent. La flexion la variété des mouvements osseux. Swedenborg
basilaire diminue au niveau de la synchondrose décrit aussi les qualités pulsatiles du liquide céré-
sphénobasilaire qui s’abaisse ; la base du sacrum brospinal qui se transmet à l’ensemble du corps,
se déplace antérieurement dans un mouvement qui chemine au travers et entre les racines et les
d’extension craniosacrale. fascicules des nerfs, et qui les accompagne pour se
propager à l’ensemble du corps. Pour cet auteur,
La flexion et l’extension craniosacrales décri- chaque artère, chaque veine et chaque fibre ner-
tes dans le MRP diffèrent parfois de la flexion veuse suivent le courant du mouvement du cer-
et de l’extension anatomiques, avec lesquelles veau [11].
elles ne doivent pas être confondues. Ses remarques sur la dure-mère sont particulière-
ment intéressantes : “that by virtue of its elasticity,
and in its capacity as a muscular tendon, it contri-
Mobilité involontaire du sacrum butes in a general way to the reciprocal expansive
entre les iliaques motion of the brain” (« qu’en vertu de son élas-
ticité, et par sa capacité en temps que tendon
Selon Sutherland, le mouvement du sacrum entre
musculaire, elle contribue d’une manière géné-
les iliaques décrit dans le MRP ne résulte pas d’une
rale au mouvement d’expansion réciproque du
activité volontaire. Pour lui, le core-link formé par
cerveau »). Notons que, au xviiie siècle, certains,
la dure-mère spinale qui relie le foramen magnum
comme Pacchioni, considèrent la dure-mère comme
de l’occiput au sacrum transmet et coordonne les
un muscle.
mouvements entre ces deux structures.
Ainsi, pendant la phase d’expansion du cerveau,
la dure-mère est étirée ; inversement pendant la
Swedenborg phase de contraction cérébrale, elle est relâchée.
De cette alternance rythmique, naît une « action
Dans l’élaboration de son concept, Sutherland réciproque », qui fournit à son tour « une puis-
reconnaît plusieurs influences. Tout d’abord celle sance réactive » et affecte le cycle alternatif du
de Still : “If you read the writings of Dr. Andrew mouvement d’expansion et de contraction céré-
Taylor Still carefully, you will find that…the brales [11].
4 Anatomie fonctionnelle appliquée à l’ostéopathie crânienne
Selon Sutherland : “If you become a mechanic of the Les découvertes actuelles sur les oscillations
cranial mechanism by correcting a cranial lesion, de basse fréquence de la circulation sanguine,
you then become the pharmacist. There is no end to et leur rapport avec le système nerveux auto-
this thought. It is not a new thought. Swedenborg, nome montrent bien leur rôle dans l’homéo-
200 years ago, said there is movement of the brain. stasie [16]. Selon Magoun, “This cycle manifests
Have we anything totally new? No.” (« Si vous as the cranial rhythmic impulse and represents
devenez un mécanicien du mécanisme crânien en a dynamic metabolic interchange in every cell,
corrigeant une lésion crânienne, vous devenez alors le with each phase of action.” « Ce cycle se mani-
pharmacien. C’est une pensée sans fin. Cela n’est pas feste comme l’impulsion rythmique crânienne
une nouvelle pensée. Swedenborg, il y a 200 ans, a et représente un échange métabolique dynami-
dit qu’il y a un mouvement du cerveau. A-t-on quel- que dans chaque cellule, à chaque phase d’ac-
que chose de totalement nouveau ? Non.») [10]. tion » [17].
En fait, ces oscillations peuvent être perçues au
niveau du crâne, mais aussi sur toutes les parties
Impulsions rythmiques du corps. Chaque structure du corps manifeste un
crâniennes mouvement biphasique en concomitance avec les
phases d’inspiration et d’expiration du MRP. En
Pour l’ostéopathe, la « respiration primaire » peut revanche, en présence d’une dysfonction somati-
être perçue sous la forme d’impulsions rythmi- que, la fréquence et la puissance de cette fonction
ques crâniennes (IRC). Ce terme défini en 1961 biphasique sont perturbées.
par les Woods fait référence à la sensation palpable Dans l’approche holistique d’un traitement
du MRP [12]. Cette composante dynamique, à ostéopathique, toutes les structures anatomi-
différentier de la respiration thoracique, consiste ques impliquées, les membranes, les ligaments,
en une sensation d’expansion du crâne pendant les fascias, les muscles, les os, les articulations
la phase d’« inspiration primaire » et une sensation et les viscères, tout comme le MRP et les IRC
de retour à la position initiale pendant la phase doivent être pris en compte durant le traitement.
d’« expiration pr imaire ». Les traitements manipulatifs qui utilisent le
Récemment, les IRC sont enregistrées en relation modèle crânien affectent le patient par leur effet
avec une oscillation de basse fréquence présente sur l’anatomie et la physiologie de la région, qui
dans la circulation sanguine : l’oscillation de Traube- visent à normaliser :
Hering-Mayer [13]. Une modulation de fréquence • la fonction nerveuse ;
des IRC de 20 % est objectivée [13] et les traite- • la fluctuation du liquide cérébrospinal ;
ments crâniens modifient cette oscillation [14, 15]. • les stases circulatoires ;
• les tensions membraneuses ;
• les dysfonctions articulaires.
« L’oscillation de Traube-Hering-Mayer a été mesurée
en association avec la pression artérielle, la fréquence De surcroît, ces traitements entraînent une
cardiaque, la contractilité myocardique, le flux sanguin réponse globale sur l’organisme par leur action
pulmonaire, le flux sanguin cérébral et du liquide céré- sur le système nerveux autonome (SNA). Tout
brospinal, et les flux sanguins périphériques prenant en traitement qui influence le MRP influence le
compte les activités thermorégulatrices. Ce phénomène SNA. De fait, les forces biodynamiques inhé-
impliquant tout le corps, avec une fréquence le plus rentes à l’individu sont sollicitées, ce qui résulte
souvent légèrement inférieure, et indépendante de la en une autorégulation globale, tout autant que
respiration présente une ressemblance frappante avec locale, à savoir le niveau précis de la dysfonction
le MRP. » [13].
considérée.
Chapitre 1. Ostéopathie crânienne et anatomie 5
Anatomie
Selon Still : “An osteopath reasons from his
knowledge of anatomy. He compares the work of Fig. 1.1. Plans de l’espace.
the abnormal body with the work of the normal 1. coronal ;
2. transversal ;
body” [18]. (« Un ostéopathe raisonne à partir 3. sagittal médian.
de sa connaissance de l’anatomie. Il compare D’après Richter M, et al., Encycl Méd Chir, Stomatologie.
les actions d’un corps anormal avec celles d’un
corps normal »). “A knowledge of anatomy with
its application covers every inch of ground that is
necessary to qualify you to become a skillful and
• le plan coronal (frontal) dans lequel se trouvent
successful Osteopath…” [19]. (« Une connais-
les axes transversal et vertical ;
sance de l’anatomie et de ses applications couvre
• le plan transversal (horizontal) dans lequel se
chaque pouce du terrain nécessaire afin de vous
trouvent les axes sagittal et transversal ;
qualifier pour devenir un Ostéopathe habile et
• le plan sagittal dans lequel se trouvent les axes
efficace… »).
sagittal et vertical.
Ainsi, lors de l’examen du sujet debout, face à
Langage anatomique l’examinateur, la paume des mains tournée vers
l’avant et les pieds légèrement écartés, la position
En 1955, une nomenclature anatomique inter- d’un repère étudié est :
nationale est adoptée ; elle est révisée en 1998. • craniale lorsqu’elle est déplacée vers le haut ;
Il convient de l’utiliser ; nous indiquons le • caudale lorsqu’elle est déplacée vers le bas ;
plus souvent l’ancienne nomenclature entre • distale lorsqu’elle est éloignée du tronc ;
parenthèses. • proximale lorsqu’elle est rapprochée du tronc ;
Pour décrire l’anatomie, le système de référence • ventrale lorsqu’elle est déplacée vers l’avant ;
utilise trois axes de référence : • dorsale lorsqu’elle est déplacée vers l’arrière ;
• l’axe vertical, qui est perpendiculaire au sol ; • latérale lorsqu’elle est déplacée latéralement ;
• l’axe transversal, qui est horizontal et perpendi- • médiale lorsqu’elle se rapproche de la ligne
culaire au précédent ; médiane.
• l’axe sagittal orienté d’avant en arrière. Ces définitions restent valables quelle que soit la
Ces trois axes permettent de définir les trois plans position du sujet. Ainsi, une grande aile de sphé-
de l’espace (figure 1.1) : noïde déplacée vers le haut est en position craniale
6 Anatomie fonctionnelle appliquée à l’ostéopathie crânienne
Arcade sourcilière
Os frontal
Incisure
supraorbitaire (foramen)
Glabelle
Processus zygomatique
Nasion (de l’os frontal)
Os nasal
Angle de la mandibule
Mandibule
Corps de la mandibule
Foramen mentonnier
Protubérance mentonnière Tubercule mentonnier
lorsque le sujet est debout ; elle reste en position os occipital, ethmoïde, sphénoïde et frontal ; 2 os
craniale lorsque le sujet est en décubitus dorsal. pairs et latéraux : les os pariétaux et temporaux ;
• le viscérocrâne ou squelette facial formé de 13 os,
parmi lesquels 12 os sont pairs et latéraux : les
Présentation du crâne maxillaires, les palatins, les os zygomatiques, les
os lacrymaux, les os nasaux et les cornets infé-
Crâne vient d’un terme grec qui signifie casque. rieurs ; 1 os est impair et médian : le vomer.
Cela rend bien l’idée de protection qui lui est À ces 21 os, s’ajoute la mandibule qui n’appar-
associée : protection du système nerveux central, tient ni au neurocrâne ni au viscérocrâne, les
mais aussi des viscères de la face. trois osselets pairs de l’oreille moyenne (malleus
Typiquement, le crâne est divisé en deux parties : [marteau], incus [enclume] et stapès [étrier]),
• le neurocrâne formé de 8 os qui entourent et pro- et l’os hyoïde, impair, suspendu sous la base
tègent le cerveau : 4 os impairs et médians : les crânienne, soit un total de 29 os (figure 1.2).
Chapitre 1. Ostéopathie crânienne et anatomie 7
Suture sphénosquameuse
Os pariétal
Ptérion
Suture
pariétomastoïdienne
Os frontal
Suture
lambdoïde
Os lacrymal
Os nasal Astérion
Foramen
zygomaticofacial Os occipital
Os zygomatique
Suture
occipitomastoïdienne
Maxillaire Partie mastoïdienne de
l’os temporal
Processus mastoïdien
Angle
Branche de la mandibule
Corps de la mandibule Processus zygomatique (de l’os temporal)
Canal carotidien
Processus styloïde
Foramen jugulaire
Foramen stylomastoïdien
Processus mastoïde
Incisure mastoïdienne
Partie basilaire de l’os
occipital
Canal hypoglosse
Tubercule pharyngien
Condyle occipital
Foramen magnum
Crête frontale
Crista galli Foramen cæcum
Partie orbitaire (de l’os frontal) Foramens de la lame criblée
Lame criblée
Processus
Fosse hypophysaire clinoïde
postérieur
Dos de la selle
Orifice du canal Foramen
carotidien déchiré
Impression Foramen
trigéminale épineux
Fosse crânienne
moyenne Os sphénoïde
Os temporal
Fosse crânienne
postérieure
Os pariétal
Os occipital
Vertex
Bregma
Stéphanion
Euryon
Ptérion
Ophryon
Glabelle Lambda
Nasion
Inion
Astérion
Prosthion
Entomion
Gnathion
Gonion
Staurion
Hormion
Basion
Opisthion
u
Gnathion : le point le plus bas situé sur la ligne médiane Prosthion : le point médian le plus antérieur à la jonction
de la mandibule. des processus alvéolaires des maxillaires.
Gonion : le point le plus latéral et le plus bas de l’angle Ptérion : de chaque côté, le point à la jonction de la grande
de la mandibule. aile de l’os sphénoïde, de l’écaille de l’os temporal, de la
Hormion : le point médian situé à la jonction du bord face temporale de l’os frontal et de l’angle sphénoïdal de
postérieur du vomer et de l’os sphénoïde. l’os pariétal ; a le plus souvent grossièrement la forme
Inion : le sommet de la protubérance occipitale d’un H, et le ptérion forme la barre horizontale du H.
externe. Staurion : le point médian à la jonction de la suture pala-
Lambda : le point médian situé à la jonction des sutures tine transverse et de la suture intermaxillaire.
sagittale et lambdoïde. Stomion : le point médian de la jonction entre les lèvres
Nasion : le point médian à la jonction de la suture supérieures et les lèvres inférieures lorsque les lèvres
nasofrontale et de la suture internasale. sont jointes.
Opisthion : le point médian du bord postérieur du fora- Stéphanion : point de croisement entre la suture coro-
men magnum. nale et la ligne temporale inférieure.
Ophryon : le point médian intersourcilier. Vertex : point le plus haut de la tête.
12 Anatomie fonctionnelle appliquée à l’ostéopathie crânienne