Église Et Société Dans L'occident Médiéval (4 - 14 Siècle)

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Église et société dans l’Occident médiéval

(4e - 14e siècle)

Séance introductive :
Qu’est-ce que le Moyen Âge ? Qu’est-ce que l’Église ?
Moyen Âge : le sens d’une périodisation

- La fin du monde antique envisagée comme un changement brusque et dramatique a donné lieu à des
grands récits ‘historiques’ depuis le 18e siècle au moins : Montesquieu, Considérations sur les causes de la
grandeur des Romains et de leur décadence (1734) et Edward Gibbon, The Decline and Fall of the Roman
Empire (1776-1788).

- 476 (après les trois pillages de Rome en 410, 455 et 472)


- 1453
soit les deux chutes ‘définitives’ de l’Empire romain, en Occident, puis en Orient.
La décadence et la chute de Rome dans la peinture du 19e siècle
L’historiographie de la chute de Rome

Les grands responsables : les Barbares, mais aussi les chrétiens.


André Piganiol, L’Empire chrétien, Paris, 1947 : « la civilisation
romaine n’est pas morte de sa belle mort, elle a été assassinée ».
Pierre Courcelle, Histoire littéraire des grandes invasions
germaniques, Paris, 1948 (1ère partie : L’invasion ;
2ème partie : L’occupation ; 3ème partie : La libération).

Alexander Demandt, Der Fall Roms : Die Auflösung des Römischen


Reiches im Urteil der Nachwelt, Munich, 1984, relève dans
l’historiographie 210 facteurs ayant pu causer la fin de l’Empire romain !
Kyle Harper, The Fate of Rome. Climate, Disease and the End of an Empire, Princeton, 2017.
Trad. : Comment l’Empire romain s’est effondré. Le climat, les maladies et la chute de Rome,
Paris, 2019.

La « crise », puis la disparition en Occident de l’Empire romain coïncident avec la fin de


l’Optimum climatique romain (OCR), qui serait la conséquence d’une dégradation
environnementale (notamment liée à une forte déforestation).
Elles résultent également d’une suite de grandes pandémies, provoquant de fortes
mortalités (jusqu’à 1/3, voire 50% de la population), liées au déséquilibre écologique issu
de la diffusion de la domination romaine (grandes voies de communication,
concentrations urbaines…) :
- « peste antonine » (une sorte de variole) ramenées par les armées romaines d’Orient en
166,
- « peste de Cyprien » en 249-262,
- « peste justinienne » à partir de 541.
Retour sur 476 : les faits

Le chef barbare qui entre dans Rome et dépose l’empereur en 476 est Odoacre.
Son père est un proche d’Attila, chef du peuple des Huns.
Odoacre a sans doute d’abord mené des opérations guerrières en Gaule, à la tête de populations
barbares dont la désignation change selon les documents (tardifs), puis il mène ces opérations en
Italie.
Il reçoit finalement un grade dans l’armée impériale, où il se trouve à la tête de mercenaires que
certains documents nomment les Hérules.
L’empereur qui est déposé par Odoacre en 476 est Romulus Augustule.
Il avait été mis en place l’année précédente par son père Oreste, lui aussi proche collaborateur
d’Attila, chef des Huns, qui avait renversé l’empereur précédent.

Non pas un Barbare qui dépose un Romain, mais deux Barbares romanisés qui s’affrontent…
Pourquoi cette déposition ? Les soldats d’Odoacre ne reçoivent pas de l’empereur leur solde (ou les
terres qui leur ont été promises) ; ils se soulèvent et font de leur chef, Odoacre, un roi. Celui-ci
dépose alors l’empereur Romulus Augustule, exilé sur une île au large de Naples.

Les insignes impériaux sont officiellement envoyés à Constantinople


= signe de la suppression de l’Empire en Occident
(désormais empereur et insignes impériaux se trouvent à Constantinople, plus à Rome)
= reconnaissance par le roi barbare romanisé d’une autorité impériale lointaine (en Orient).

L’empereur, de son côté, légitime la nouvelle domination d’Odoacre, qui reçoit le titre de patrice.

Installé dans le nord de l’Italie, celui-ci y rétablit la paix, et donne l’impression de se placer en
continuateur / défenseur de Rome : plusieurs membres de familles sénatoriales entrent dans la
nouvelle administration, le Colisée est restauré.

En 489, l’empereur (de Constantinople) charge Théodoric, chef des Goths, d’abattre Odoacre.
Assiégé à Ravenne, Odoacre sera finalement assassiné par Théodoric au cours d’un banquet de
paix…
Théodoric devient roi d’Italie.
De la « chute de Rome » à la « transformation du monde romain »
et à l’Antiquité tardive

- Henri-Irénée Marrou, Décadence romaine ou Antiquité tardive ?, Paris, 1977.


- Peter Brown, The World of Late Antiquity. From Marcus Aurelius to Muhammad, Londres,
1971.
- Peter Brown, The Making of Late Antiquity, Cambridge (Mass.) et Londres, 1977, trad.
franç.: Genèse de l’Antiquité tardive, Paris, 1983.
- Andrea Gardina, « Esplosione di tardoantico », in Studi storici, 40, 1999.
Un découpage chronologique qui induit un découpage géographique :
le Moyen Âge et l’Occident
- Le Moyen Âge comme naissance de l’Occident ?

- La rupture de l’unité méditerranéenne : cf. Henri Pirenne, Mahomet et Charlemagne (1937).

« Détournée de la Méditerranée, une Europe nouvelle


se constitue avec l’Empire franc, dans laquelle s’élaborera
cette civilisation occidentale appelée à devenir
celle du monde entier. »
- Ce qui fait l’unité de l’Occident (outre la disparition de l’Empire romain)
= les régions soumises au catholicisme romain et un espace de culture et de langue latine.

- Un millénaire au cours duquel s’est façonnée l’Europe occidentale :


- structures politiques : les États européens
- paysage, organisation rurale (« villages »), implantation urbaine (« villes »)
- références culturelles et idéologiques (christianisme)
« Moyen Âge », une catégorie qui s’est progressivement imposée

Moyen Âge comme « âge moyen » (media aetas, media tempora, media tempestas) chez les intellectuels
italiens du 15e siècle, notamment Flavio Biondo vers 1440 : une périodisation politique et culturelle.
Au 16e siècle : medium aevum.

La Réforme et les Lumières contre l’obscurantisme de l’Église romaine = médiévale.


L’histoire médiévale dans l’érudition allemande de la 2e moitié du 17e siècle : Christoph Keller.
Au 19e siècle, une forme de ‘réhabilitation’ du Moyen Âge : le mouvement romantique (littérature,
théâtre, opéra…), l’essor des nationalismes, les querelles entre catholiques et libéraux.
Les grandes subdivisions de l’histoire médiévale

Parallèlement au développement d’une histoire médiévale scientifique (i.e. fondée sur des documents
critiqués), une subdivision tripartite :
1) Haut Moyen Âge, Frühmittelalter, Early Middle Ages (5e-10e siècle)
2) Moyen Âge central, Hochmittelalter, Central Middle Ages (10e-13e siècle)
3) Bas Moyen Âge, Spätmittelalter, Later Middle Ages (1300-1500)
Le « long Moyen Âge »
J. Le Goff, La civilisation de l’Occident médiéval, Paris, 1964 : « L’essentiel est, pour la chrétienté
latine, ce long équilibre du mode de production féodal dominé par l’idéologie chrétienne, qui s’étire
de la fin de l’Antiquité classique à la révolution industrielle, non sans crises ni sans innovations ».
J. Le Goff, « Pour un long Moyen Âge », dans Europe, n° 654, 1983, p. 19-24, repris dans Idem,
L’imaginaire médiéval, Paris, 1985, p. 7-13.
Primat d’une histoire où l’essentiel est l’évolution des structures profondes, matérielles et mentales
(plutôt que les événements superficiels).
Rome, les Barbares et l’Église :
une rencontre de trois cultures et de trois conceptions du pouvoir

Un Empire romain qui coïncide avec le bassin de la Méditerranée


1. Rome
Une organisation territoriale ancrée sur la cité (les cités étant organisées dans le cadre de provinces).

Une fiscalité liée à un appareil d’État, destinée notamment à entretenir une armée de métier.
Un mode de production esclavagiste.
Des élites fondant leur domination sur d’importantes richesses foncières et sur l’exercice du service publique.
Res publica. Appartenance de tous les hommes libres au populus romanus.
Une bureaucratie.
Public / privé.
Le droit, la loi.
2. Les Barbares

Un semi-nomadisme et des activités agro-pastorales.


Une « culture de la guerre » (Kriegerkultur) : qualité
guerrière et organisation sociale.
L’ethnogenèse des peuples « barbares » : la formation des
peuples résultent des migrations et des affrontements qui
entraînent l’assimilation des vaincus, tandis que des
rameaux se détachent en permanence du groupe principal
au fil des déplacements.
Une forme de « royauté » : des chefs qui se sont illustrés
dans la guerre et par leur éloquence, issus d’un choix,
désignés comme reges au moment des contacts avec Rome.

Lances d’apparat provenant de la nécropole de Cutry (Lorraine), 5e siècle.


Inscription : « Que tire cette lance dans de vastes forêts / Celui qui se
plaît à aller contre les bêtes féroces ».
Guerriers jusque dans la tombe…
3. Le christianisme et l’Église
Le christianisme : une religion monothéiste, religion du Livre, religion du salut (fondée sur la croyance
en un au-delà).

Idée que le salut peut s’acquérir par l’exercice de vertus


(renvoyant à un certain « mépris du monde »)
et par des pratiques cultuelles (ou rites ou sacrements).

Stèle provenant de la province de Narbonne,


vers 600.
Le Livre : la Bible dans l’Antiquité et au Moyen Âge

Ancien Testament

- Pentateuque ( = Torah) :
Genèse, Exode, Lévitique, Nombres, Deutéronome
- Livres historiques :
Samuel, Rois, Tobie…
- Livres poétiques ou sapientiaux :
Job, Psaumes, Proverbes, Cantique des Cantiques…
- Livres prophétiques :
Isaïe, Jérémie, Ézéchiel, Daniel…

Nouveau Testament

- Évangiles : Matthieu, Marc, Luc, Jean


- Actes des Apôtres
- Épîtres (notamment Paul)
- Apocalypse
Le christianisme : une doctrine et des rites

Une doctrine
Dieu le Père, Créateur de l’univers, envoie son fils Jésus-Christ
pour racheter les péchés des hommes (cf. péché originel)
Sacrifice de Jésus-Christ (Crucifixion)
Résurrection et Ascension
Descente sur terre de l’Esprit-Saint
Naissance de l’Église chrétienne
Dieu, Jésus-Christ, Esprit-Saint = Trinité
Des rites
baptême
eucharistie

Un calendrier, qui commémore la vie et la mort de Jésus-Christ


Nativité
Pâques
Pentecôte

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