Transformation S (1893)

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LES TRANSFORMATIONS SOCIALES EN COTE

D'IVOIRE A PARTIR DE 1893

Introduction
La colonisation de l'Afrique et particulièrement de
la Côte d'Ivoire s'explique dans le contexte de
l'expansion européenne. Depuis le XVe siècle, les
différentes puissances européennes ont cherché à
étendre leurs puissances et leurs influences à différents
endroits du monde. Au départ animé par l'esprit de
curiosité et de découverte, les tentatives d'expansion
européennes se sont transformées à des visées
impérialistes. Avec cette nouvelle mentalité, il s'agit
désormais de conquérir, de dominé et d'exploiter.
Toutes les puissances européennes à savoir l'Espagne,
le Portugal, la Hollande, l'Italie, l'Angleterre et la France
ont élaboré des politiques visant à conquérir plusieurs
endroits du monde. L'évolution et l'amélioration des
techniques de navigation ont facilité les différentes
explorations. Grâce à ses moyens les côtes de l'Afrique
ont été facilement explorées depuis l'extrême Nord
jusqu'à l'extrême Sud. C'est dans ce contexte que le
littoral de la Côte d'Ivoire fut exploré par des nations
européennes.
Ainsi, avant que les Français ne s'imposent dans ce
qui sera plus tard la Côte d'Ivoire, la présence des
Portugais étaient déjà signalés sur des côtes ivoiriennes
vers le milieu du XVe siècle. Les noms de localité tel
que San-Pedro, Sassandra et Fresco sont des indices de
ce passage. A la suite des Portugais, les Hollandais ont
pris la relève. Leur présence était très significative
pendant toute la période du XVIIe siècle. Ils
recherchaient des produits comme l'or, ivoire et la soie.
Après l'épisode de la présence hollandaise sur les côtes
ivoiriennes, les Anglais par leur dynamisme commercial
soutenu par une grande puissance maritime vont
s'imposer sur les côtes ivoiriennes. Leurs influences ne
furent pas seulement économiques mais elle fut aussi
culturelle et linguistique et des mots anglais enrichirent
le vocabulaire des langues ivoiriennes. En dehors des
Anglais, les Français firent plusieurs tentatives entre le
XVIIe et XVIIIe siècle pour s'implanter sur les côtes
ivoiriennes. Cependant, ces initiatives échouaient face
à la prédominance commerciale des Anglais. Par leur
persévérance, les Français se sont installés
progressivement sur le littoral de Côte d'Ivoire par des
comptoirs et des Postes administratifs.
Cette présence qui allait officiellement prend fin en
1960 ne fut pas sans conséquence sur la les
populations locales.
I- DE L’IMPÉRIALISME COLONIAL
FRANÇAIS À LA CRÉATION DE LA COLONIE DE
CÔTE D’IVOIRE : FACTEURS MAJEURS DE LA
TRANSFORMATION DE LA SOCIÉTÉ IVOIRIENNE
1- L’impérialisme coloniale française et
la conquête territoriale de la Côte d’Ivoire
De façon générale, l’impérialisme est fondé sur
plusieurs facteurs. L’impérialisme est cette volonté
d’une nation de s’affirmer par la domination, de
s’imposer en toutes sortes de moyens au plan
économique, politique et culturel. Dans le cas
spécifique de l’expansion coloniale en Afrique, cet
impérialisme européen se fonde sur le nationalisme qui
permet d’exalter, la puissance, l’esprit de conquête
territoriale. Ne pouvons faire la guerre en Europe par
des expansions territoriales, les Européens vont
exportés leur expansion territoriale vers les autres
continents notamment l’Afrique. Cette expansion
européenne se fondait aussi sur les facteurs
idéologiques qui mettaient en avant la mission
civilisatrice de l’occident ». A ce sujet, des théories
racistes affirment la supériorité de la race blanche et la
nécessité de civiliser les races dites inférieures.
Ces théories sont développées par les écrivains et
les intellectuels européens très célèbres. En 1830 dans
ses leçons sur la philosophie de l’histoire Hegel décrit
les Africains comme les êtres inferieurs et des gens
ahistoriques enfermés dans les ténèbres de l’histoire.
Quant à l’écrivain Kipling, il met avant le concept << du
fardeau de l’homme blanc». Tous ses écrits et biens
d’autres forgeront une image négative des noirs et de
leurs civilisations et vont nourrir le mépris culturel de
l’Africain. Ces stéréotypes vont justifier l’impératif de la
colonisation européenne. Dans le cas spécifique des
Français, les facteurs économiques en particulier
politiques, militaires et psychologiques ont joué un
grand rôle dans la politique coloniale. Humiliée par sa
défaite face à l’Allemagne en 1870, la France trouvera
dans l’expansion coloniale un motif de fierté et d’orgueil
national pour affirmer sa suprématie dans le monde. De
1830 à 1880, la France s’était déjà installée dans les
endroits du monde qui feront plus tard son empire
colonial à savoir l’Afrique du Nord, l’Afrique Noire et
l’Indochine. De 1890 à 1914, la France a réussi à
acquérir de nombreuses acquisitions territoriales qui lui
permettront de constituer << des réserves coloniales ».
De façon générale, la colonisation fut pour la France et
pour les Autres puissances impérialistes << une bonne
affaire ». Elle servit de débouchés pour plusieurs
branches de l’industrie française. A cela, il faut ajouter
tous les avantages en termes de puissance de prestige
et d'influence culturelle. La présence française en Côte
d’Ivoire s’est faite de façon progressive. Il eut la période
des résidents.
Les résidents français ont jeté les bases de la
colonie de Côte d’Ivoire par leurs actions diplomatique
et par les missions d’exploration de l’arrière-pays. Deux
personnalités ont dominé cette période des résidents
français qui sont : Arthur Verdier et Marcel Treich-
Lapléne. Ils sont avec Louis Gustave Binger les
personnes à poser les fondements de la colonie
française de la Côte d’Ivoire. Arthur Verdier,
commerçant français dans la colonie pour ses affaires,
fut le premier résident officiel de la France. II s’agit par
ce titre de préserver les intérêts français contre les
assauts des commerçants anglais. Il conduisit une
action diplomatique et économique des initiatives au
service de la France. Il favorise le départ de
l’exploration de l’arrière-pays de la région côtière en
soutenant l’action de son collaborateur Treich-Lapléne.
Arthur Verdier est né en 1835 à la Rochelle en France
dans une famille de nobles commerçants. C’est en 1858
qu’il fait ses premières tentatives de commerce sur la
côte Krou, il s’installe à grand Bassam en 1862, c’est en
1878 qu’il est nommé « résidents de la France». Avec
ce titre, il doit tenir informer le commandant de la Côte
d’Ivoire des informations concernant le commerce dans
la zone ou encore les relations avec les indigènes. Il doit
donner des renseignements pouvant intéresser les
autorités françaises. En outre, il doit affirmer les droits
français contre les empiètements des Anglais installés
en Côte d’Ivoire. Compte tenu de l’immensité de ses
activités et de ses nombreuses tâches commerciales,
Verdier délégua progressivement ses fonctions de
résident à ses collaborateurs dont le plus actif à la
cause coloniale était Treich- Lapléne. Lorsqu’il fallut
contrecarrer l’expansion anglaise à l’Est de la Côte
d’Ivoire, la mission fut confiée à Treich- Lapléne d’agir
au nom de la France auprès des rois et des chefs des
pays Agni et Abron.
L’implication de Treich-Lapléne marque une étape
importante dans l’expansion coloniale française en Côte
d’Ivoire. En effet, dès 1887 il a initié des voyages
d’exploration notamment à l’Est de la Côte d’Ivoire.
Cette expédition se solda par plusieurs traités. Aussi il
signa des traités avec Amoakon Dihye, le souverain du
Royaume de Ndenyé le 25 juin 1887. Il signa d’autres
traités de protectorats avec d’autres localités comme
Yakassé et de Bettié. Les traités ont pour raison
principal de marquer la présence officielle de la France
sur ses territoires et freiner l’expansion des Anglais
dans ces zones d’influence françaises.
Cette première mission de Treich-Lapléne fut un
échec relatif car il n’a pas pu atteindre le royaume
Abron. Cette mission se heurta à une forte influence
anglophone car toute l’économie de la région était
orientée vers la Gold Goast. Pendant que Treich-
Lapléne entreprenait ses explorations, au cours de la
même année 1887, le gouvernement français confiait
une autre mission d’exploration au lieutenant Louis
Gustave Binger. Ce dernier devait relier des
établissements français du Soudan au golf du Guinée.
Parti de Bamako le 03 septembre 1887, Gustave Binger
visita successivement la région du Sikasso, de
Bobodioulasso, d’Ouagadougou et de Bondoukou. Au
début de l’année 1888, une force rumeur fit écrire à la
mort de Binger. Treich-Lapléne fut envoyé à sa
recherche, au cours de ce second voyage, il conclut un
traité de protectorat avec le roi des Abron. Le 13
novembre 1888, le 26 décembre 1888, il atteignit Kong
où il trouva Binger saint et sauf au cours de leurs
séjours à Kong. Les deux (2) explorateurs français
réussissent à obtenir un traité de protectorat avec Kong
qui fut signé le 10 janvier 1889. Sur le chemin de retour
vers la côte ils concluent d’autres traités de
protectorats dans le Djimini (Dabakala) et dans l’Ano.
Cette action de Treich- Lapléne fut appréciée par les
autorités françaises. Le 12 octobre 1889, Treich-Lapléne
fut nommé résident de France. Il reçut pour mission
d’occuper le littoral pour freiner les revendications
britanniques et surtout étendre des nouvelles zones
d’influence. L’action de Treich-Lapléne en tant que
résident fut de courte durée car il mourut le 09 Mars
1890. Il est considéré comme celui qui a posé les bases
de la future colonie de la Côte d’Ivoire. L’action de
Treich-Lapleine fut perpétuée par ses différents
successeurs. C’est ainsi que d’autres missions
d’exploration fut encourager à l’ouest de la Côte
d’Ivoire dans le pays krou. C’est l’ensemble de toutes
ses missions qui vont dessiner l’ossature de ce que sera
la Côte d’Ivoire. Cette étape marque la naissance de la
Côte d’Ivoire comme colonie française.
La création de la Côte d’Ivoire s’inscrit dans un
contexte particulier en France. L’on note la constitution
de groupes de pression favorable à cause coloniale et
aussi la création d’une armée coloniale. Parmi ses
groupes de personnes, on peut citer : le Comité de
l’Afrique française (1890) et l’Union française (1893).
L’Union coloniale française se présentait comme un
syndicat des maisons de commerce françaises ayant
des intérêts dans la colonie. De façon générale, la
colonie représentait pour la France un moyen de
prestige et des opportunités au plan économique. C’est
cet environnement favorable qui a contribué à la
création de la colonie française de la Côte d’Ivoire par le
décret, le 10 Mars 1893. Cependant, il a fallu attendre
le début des années 1900 pour que les frontières de la
colonie de Côte d’Ivoire soient définitivement fixées
entre 1925 et 1926.
Les débuts de la colonie furent assurés par le
Gouverneur Louis Gustave Binger. Il en assura la
direction du 20 Mars 1893 à 1896. Dès sa prise de
fonction Gustave Binger procéda à l’extension de
l’influence française vers la partie ouest de la Côte
d’Ivoire. Il fonda ainsi les postes coloniaux de
Sassandra, de San-Pedro, de Bereby, de Tabou.
Partisans de l’impérialisme économique, il encouragea
l’installation des maisons de commerce français et le
développement de la production d’huile de palme, du
caoutchouc et du bois. De façon générale, Louis
Gustave Binger était partisan d’une expansion pacifique
de la colonisation. Jusqu’à 1902 à la suite de Binger, la
Côte d’Ivoire connu autres gouverneur, on peut citer :
Eugène Matin, Louis Mouttet, Henri Roberdeau. A la
suite de ce dernier gouverneur, la Côte d’Ivoire connu
deux (2) autres gouverneurs qui ont marqué l’histoire
coloniale de ce territoire. Il s’agit de François Joseph
Clozel et Gabriel Angoulvant.
2- L’impact de la conquête coloniale, les
résistances et bouleversement social
Commencée en 1893, la conquête coloniale dura
près de 30 ans. Elle se déroule en deux (2) phases
correspondant à deux politiques. La première phase
baptisée <<la pénétration pacifique » de 1893 à 1908.
La deuxième phase fut baptisée <<< politique de la
manière forte >> de 1908 à 1920. Ces deux politiques
furent marquées par l’action de deux gouverneur
François Joseph Clozel et Gabriel Angoulvant. Il importe
d’indiquer la politique de pénétration pacifique a été
initié par Louis Gustave Binger et ses Successeurs.
Mais elle connut sa meilleure application avec le
gouverneur Clozel. Pour Clozel, la conquête coloniale
doit être pacifique, c’est-à-dire, fondée sur les relations
amicales, avec les populations indigènes. Dans son
approche avec les colonisés, l’administration doit faire
preuve de prudence afin d’amener les populations à
accepter la présence française. Mais cette politique fut
un échec. En effet, elle n’a pas empêché la
multiplication des affrontements. L’occupation française
se limitait aux régions du Nord, au littoral Sud-est et à
la frontière orientale. Le reste de la colonie notamment
le centre et l’ouest échappaient à l’autorité française.
Face à cette inertie, une autre politique était
nécessaire. Cette politique fut conduite par le
gouverneur Gabriel Angoulvant (1908-1916), théoricien
de la politique de conquête violente ou de la manière
forte. Angoulvant était par son autoritarisme, son
racisme et ses excès décidé à soumettre les
populations et multiplier les effectifs militaires par trois.
Il employa ou mit en place un plan de conquête
méthodique avec les colonnes militaires et les chefs
rebelles à l’ordre colonial furent internes et de portés.
L’on assista à des destructions systématiques des
campements villageois qui avaient refusé de se
soumettre aux colons. De façon générale, la présence
du gouverneur Angoulvant a la tête de la colonie de la
Côte d’Ivoire fut l’une des périodes les plus trisse de la
colonisation française en Côte d’Ivoire.
Les résistances ont la colonisation française ont
pris des formes diverses, spontanées et organisées.
Elles ont par moment pris les formes militaires
économiques et socio-culturelles. Pour résister à la
conquête coloniale, les populations se servent de toutes
sortes d’armement à leur disposition. Il s’agit entre
autres de magie, des lances, des Javelot ainsi que les
armes à feu. Les ivoiriennes utilisent aussi la tactique
de guérilla, de razzia pour assiéger les troubles
coloniales. Les résistances à la colonisation prennent
aussi les formes économique et socio-culturelle. Elle se
manifeste par une série de refus, des mesures
économiques imposées par le colonisateur : refus de
l’impôt et des taxes commerciales, refus de la monnaie
française, refus d’approvisionner les marchés coloniaux,
refus des cultures obligatoires. Dans certains cas, la
résistance prend la forme d’une migration massive vers
autres localités. C’est par exemple : le cas des Agni du
Sanwi dont 12000 d’entre eux émigrent en Gold Coast
en 1917. Quant aux Wê, ils prennent la direction du
Libéria. Les résistances à la colonisation utilisent
également en retours les ressources les traditions
africaines, les danses et les champs, les masques
Sacrés, les techniques magiques. Les amulettes de
protection servent de soutien moral et psychologique
des combattants. De façon générale, les résistances à
la conquête coloniale ont varié en durée et en ampleur
selon les sociétés ivoiriennes. Pour les sociétés de
l’ouest de la Côte d’Ivoire, les résistances à la conquête
coloniale ont duré plus d’une vingtaine années. En effet
pour parvenir à occuper les zones rebelles, il fallait
réduire chaque village, chaque clan et chaque famille.
Dans l’ensemble de Côte d’Ivoire, les résistances à la
colonisation prennent fin au début de l’année 1920.
II- BILAN DE LA CONQUÊTE COLONIALE
ET BOULEVERSEMENT SOCIAL DE LA SOCIÉTÉ
IVOIRIENNE
Les deux premières décennies de la conquête
coloniale furent traumatisantes sur tous les plans pour
les colonisés obligés de subir une présence étrangère.
-Les pertes matérielles et humaines
La conquête coloniale qui visait à détruire les bases
matérielles de la société ivoirienne. Elle a entraîné de
nombreuses pertes en vie humaine et des pertes
matériels considérables. Au plan matériel, les villages,
les campements et les champs de culture sont
systématiquement détruits. Dans le seul pays gouro,
3271 campements sont détruits. L’objectif visé est de
contraindre les populations à s’installer dans les villages
installés à proximité des postes afin de faciliter les
contrôles administratifs, l’imposition des prestations et
du travail forcé. En pays akoué, 247 campements sont
regroupés en 17 villages. Les biens culturels sont
également pillés ou détruits : œuvres d’art (statuettes,
masques, instruments de musique), lieux de culte (bois
sacrés). C’est dans ce contexte que les Ebriés du village
d’Adjamé ont perdu leur tambour de guerre (Djidji
Ayôkwé).
Si les pertes humaines concernant les troupes
coloniales sont peu élevées cependant les pertes
ivoiriennes sont plus importantes. Selon l’historien J.N
Loucou, les pertes peuvent être estimées au moins à
100000 morts et au plus 400000 morts (toutes pertes
confondues).
-Le désastre économique et financier
Dans le domaine agricole, la législation sur les
terres définie par décret du 23 octobre 1904 dépossède
les Africains au profit de l’Etat et des entreprises
privées Européens.
Elle désorganise l’agriculture traditionnelle. Dans le
domaine commercial, sont imposés de nouveaux
partenaires commerciaux (les compagnies et factoreries
européennes, de routes et places commerciales avec
obligation de les fréquenter. La conquête coloniale
impose l’économie de traite, le travail forcé, impôt de
capitation et les cultures obligatoires.
-Le triste bilan politique et social de la
conquête coloniale
Les Français sont désormais les maîtres. Ils
imposent un nouvel ordre qui bouleverse la hiérarchie
sociale précoloniale et consacre le sujétion des
Ivoiriens. La conquête politique entraîne la décapitation
de la politique traditionnelle. Tous les chefs coupables
d’avoir fomenté, organisé ou entretenu une rébellion
contre l’autorité française sont exécutés ou
emprisonnés ou déportés au Congo, en Mauritanie, au
Sénégal et au Dahomey ou beaucoup décédèrent à la
suite des sévères conditions de détention ou de
mauvais traitements. Sous le gouverneur Angoulvant,
pendant la période de << manière forte », donne le
chiffre de 220 chefs déportés (quelques chiffres : 52 au
Baoulé -sud ; Lagune : 24 ; N’Zi Comoé ; 107 ; Baoulé-
nord : 23 etc.). Pour certains historiens, le chiffre des
déportés est de 275 si l’on inclut la période dite de
pénétration pacifique. Une grande partie des déportés
provenaient du pays baoulé peuple qui a opposé une
résistance les plus acharnées à la conquête. Les chefs
légitimes ayant été déportés ou exécutés,
l’administration les remplace par ses collaborateurs
indigènes (agents politiques, des interprètes, des
tirailleurs et des gardes cercles. Pour mieux contrôler
ces populations, les autorités coloniales tentent mettre
en place une nouvelle organisation des chefferies.
Le bilan social est plus lourd de conséquences et
aussi d’implication pour l’avenir. Le traumatisme de la
conquête est considérable à cause des massacres de
population, des déportations de chefs et des privations
de leurs richesses et de leurs terres. Avec la conquête
coloniale, l’on note un déclin démographique lié aux
pertes humaines et les séquelles de la conquête :
famines, disettes, mortalité élevée et misère
physiologiques des populations. La conquête coloniale a
entraîné un grand bouleversement des structures
sociales des sociétés ivoiriennes. Cette conquête
provoque des oppositions entre résistants et
collaborateurs, entre chefs imposés par le Colonisateur
et les masses, entre jeunes et vieux, entre maîtres et
esclaves. Cette opposition permet au colonisateur de
créer de toutes pièces de nouveaux collaborateurs issus
de la société indigène. Ce sont les lettrés, les hommes
d’armes et les salariés qui constituent les types sociaux
nouveaux, facteurs et produits de la mutation de cette
société.
III-LES INSTRUMENTS COLONIAUX DE LA
TRANSFORMATION DE LA SOCIÉTÉ IVOIRIENNE
1- L’Administration coloniale, un outil de
contrôle
Pour contrôler la population et dominer l’espace
conquis, la colonisation française a mis en place une
administration avec des agents qui doivent appliquer
ses orientations. Au sommet de la colonie se trouve le
gouverneur. La colonie est divisée en cercles et
subdivisions. Le commandement de cercle (soit un
officier ou un administrateur civil) nommé par le
gouverneur dirige tous les services publics, contrôle la
perception de l’impôt, rend la justice et gère la prison. Il
est assisté par les auxiliaires (gardes cercles,
interprètes, des représentants des chefs de villages).
Quant aux chefs de subdivision, ils relèvent de l’autorité
directe du commandant de cercle. De façon générale,
l’administration française est marquée par une certaine
centralisation.
2- Les structures coloniales de
l’exploitation économique
La domination coloniale a introduit dans la société
ivoirienne un nouveau système économique, l’économie
des marchés. Ce système chercha à se substituer
système économique précolonial africain. Cette
exploitation économique coloniale a imposé des
éléments nouveaux pour contrôler et exploiter
l’économie précoloniale : le douanier et fiscal ; la
monnaie et le système bancaire ; les investissements.
Dans le cas du régime fiscal, l’impôt de capitation
frappe tout habitant âgé de 10 ans et plus. L’une des
transformations économiques introduites est
l’obligation du l’usage forcé de la monnaie du
colonisateur en remplacement du système traditionnel
(troc, paiement en nature, unités monétaires : cauris,
or, manilles). Le français franc fut institué comme
monnaie légale en 1893.
Cette monnaie fut imposée dans toutes les
transactions de la colonie. Les monnaies indigènes
furent interdites. Parallèlement à la monnaie coloniale,
le Colonisateur français introduit la banque. Avant la
Première Guerre mondiale, on dénombrait trois banques
coloniales françaises : Banque de l’Afrique Occidentale
(BAO), la Banque Française de l’Afrique (BFA), la Banque
Commerciale Africaine (BCA).
L’autre caractéristique des mutations économiques,
c’est que les terres font partie du domaine privé de
l’Etat colonial qui peut en assurer lui-même
l’exploitation ou les céder à l’exploitation privés par des
concessions aux particuliers. Sous le régime colonial,
les droits coutumiers sur les terres ne sont pas
reconnus. Il faut justifier d’un titre foncier délivré par
l’Administration avant de se prévaloir d’une parcelle de
terre. Cette situation va conduire à des spoliations
massives de terres des Africains. En dehors de cela pour
mieux exploiter la colonie, le pouvoir colonial met un
accent particulier sur les infrastructures de
communication (les routes, le rail, les wharfs, et plus
tard le port et les aérodromes) pour faciliter la
circulation des marchandises de traite, l’évacuation des
produits agricoles et miniers. De façon générale, aucun
pan des ressources du sol et du sous-sol n’est épargné
par cette économie de prédation contrôlé par les
grandes maisons de commerce (CFAO, SCOA,
Perryssac…), des sociétés d’exploitation agricoles et
des colons à titre individuel en quête de profit en
Afrique. Avec une telle frénésie, les structures
économiques traditionnelles vont place à un nouveau
système économique dans lequel les Africains doivent
s’adapter.
3- Les politiques sociales et culturelles
de la domination coloniale
L’évolution de la société ivoirienne est marquée par
la politique sociale et culturelle du colonisateur français.
Elle implique trois éléments majeurs : la santé publique,
l’enseignement et les missions chrétiennes.
La politique sanitaire coloniale ne poursuivait pas
un objectif humanitaire et désintéressé. Elle avait pour
but principal d’assurer la santé des troupes coloniales
et celle des colons européens. C’est progressivement de
l’on sait intéresser à la santé des colonisés dans le but
de bénéficier d’une main d’œuvre disponible pour les
chantiers coloniaux. Ainsi l’action sanitaire fait partie de
l’entreprise coloniale et non un acte de bienfaisance.
Cette médecine occidentale par ses méthodes entra en
conflit avec la médecine traditionnelle.
Quant à l’enseignement colonial français, l’école
permettait de réaliser la soumission des esprits après la
conquête par les armes. Elle fournissait des cadres
indigènes à l’Administration coloniale qui devait remplir
des taches administratives, communiquer avec les
populations colonisées et veiller à leur loyalisme à
l’égard du colon. Par l’école, les entreprises agricoles,
industrielles et commerciale pouvaient disposer d’un
personnel local formé. De façon générale, les méthodes
de l’enseignement colonial s’appuyaient sur une
pédagogie de la déférence pour ancrer dans les esprits
la soumission au colonisateur et la reconnaissance de la
supériorité de la civilisation du colonisateur. Cette école
coloniale dévalorise la culture africaine. Elle exclut les
langues africaines et valorise la langue du colonisateur.
IV-LES GRANDES MUTATIONS SOCIALES DE LA
SOCIÉTÉ IVOIRIENNE
La colonisation française a eu pour effet de
modifier les structures de la société ivoirienne. Elle a
entraîné des mutations profondes dont l’impact
continue de se faire ressentir encore aujourd’hui.
1-Les changements démographiques, urbains
et nouvelles classes sociales
La colonisation eut pour effet de modifier
profondément les structures de la société ivoirienne. La
démographie se transforma d’une part, par la
croissance rapide de la population du fait de la baisse
du taux de mortalité et d’autre part, par l’amplification
des migrations et l’accélération du développement
urbain. Avec la colonisation, la population de la Côte
d’Ivoire devient plus composite. En dehors des Ivoiriens,
on y trouve des Voltaïques, des Sénégalais, des Syro-
Libanais, des Français et des Métis.
La colonisation a aussi affecté l’urbanisation des
sociétés précoloniales. Avant l’intrusion française, les
précoloniales étaient avant de grosses bourgades
commerciales. Les plus connues étaient Bondoukou,
Bouna, Kong et Odienné. Toutes les autres villes
ivoiriennes sont nées de l’implantation coloniale. C’est
le cas des villes de la façade atlantiques comme Grand
Bassam, Abidjan, Grand Lahou, Sassandra ou d’autres
nées du fait de leur fonction comme capitale (Grand
Bassam, Bingerville, Abidjan). La croissance urbaine est
en relation est en lien avec l’expansion démographique.
En 1920, la population urbaine ne dépassait guère
25000 habitants. Les principales villes étaient Alors,
Grand Bassam, Grand Lahou et Abidjan. Le chemin de
fer permit l’essor de petites localités comme Agboville,
Dimbokro, Bouaké et Ferkessédougou.
Dans les villes, on voit apparaître de nouvelles
urbaines. Au sommet de l’échelle sociale se trouve la
bourgeoisie urbaine et indigène. La bourgeoisie
d’affaires dans la colonie est très réduite et constituée
de quelques Français. Dans ce cas, on peut citer entre
autres les Blohorn dans l’agro-alimentaire et les
Gonfreville dans le textile. Exclus des activités
industrielles et financières, les colonisés allaient former
une bourgeoisie administrative (le personnel africain de
l’administration coloniale) et une bourgeoisie de
négoce. Les grands commerçants africains sont peu
nombreux. En 1946, on relevait 22 Africains dont 4
Ivoiriens figurant la deuxième catégorie de la liste des
électeurs de la Chambre de commerce de Côte d’Ivoire.
2-Les mutations culturelles
Les mutations culturelles induite par l’action du
colonisateur témoignent aussi de la vitalité de la société
colonisée et de sa capacité à innover avec ses propres
ressources. Concernant les dynamiques religieuses,
elles permettent de saisir les interactions
confessionnelles au sein de la société colonisée. Les
deux religions monothéistes d’origine étrangère, le
christianisme et l'islam, sont caractérisés par le progrès
dans le nombre d’adepte et dans l’effort d’adaptation.
Les religions traditionnelles résistent à ces religions,
tout en faisant place à l’innovation avec notamment les
cultes syncrétiques et les églises dites indépendantes
(harriste, Papa Nouveau, Déima…).
La colonisation favorisa aussi l’éclosion d’une
nouvelle culture que l’élite ivoirienne formée à son
école allait progressivement s’approprier et aider sa
diffusion dans le corps social. Ainsi, dans la littérature
écrite (roman, poésie, le théâtre) qui prend à partir des
années 1930, l’école coloniale va favoriser l’émergence
d’écrivains. On peut citer quelques-uns comme Bernard
Dadié, Amon d’Aby, Anoma Kanié… Cette éclosion
culturelle se manifeste dans la musique (la musique
ivoirienne qui se modernise avec la création
d’orchestre), les arts du spectacle, les arts plastiques,
l’architecture et les cinémas.
CONCLUSION
La Côte d’Ivoire dans sa forme actuelle au point de
vue géographique est le résultat de la colonisation
française. Cette colonisation fut motivée par des
impératifs politiques et surtout économique. La
colonisation ne fut pas acceptée par l’ensemble des
populations. Mais, c’est par la force et la répression que
l’autorité française s’est imposée à ce territoire. En
dépit de cette situation les populations ont résisté par
les moyens divers à cette occupation. Malgré leur
bravoure jusqu’aux années 1920, la Côte d’Ivoire est
définitivement sous le contrôle français. Ce fut le début
d’une transformation profonde la société ivoirienne sur
tous les plans. La société ivoirienne vit encore les
séquelles de cette colonisation française.

Bibliographie

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1940, fondation des villes coloniales, Tlet 2,
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