1S H16 T4 Q1 C1 C2 Le Temps Des Dominations Coloniales

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Première S, histoire LMA, 2011-2012

Thème 4 – Colonisation et décolonisation


Question 1 – Le temps des dominations coloniales

Cours 1 et 2
Le partage de l’Afrique à la fin du XIXe siècle.

Cours 1 et 2
L’Empire français au moment de l’exposition coloniale
de 1931, réalités, représentations et contestations.

I Le partage colonial du continent africain à la fin du XIXe siècle


1. Les causes de la colonisation de l’Afrique
• L’intérêt des pays européens pour la colonisation s’explique en grande partie par des
motifs politiques. Tout d’abord, les gouvernements souhaitent s’assurer le contrôle des
grands axes de circulation, sur terre comme sur mer, dans des buts commerciaux et
stratégiques. Ainsi, la France, implantée en Algérie depuis 1830, entre en Tunisie et au
Maroc pour s’assurer la sécurité du premier territoire. De même, les Britanniques sou-
haitent relier leurs possessions d’Afrique du Nord-Est à celles d’Afrique du Sud (l’axe
Le Caire-Le Cap) et se heurtent au projet des Français qui souhaitent pouvoir traverser
tout le continent d’Est en Ouest sans quitter leurs possessions (du Congo à Djibouti).
Ainsi apparaissent les premières tensions entre les métropoles européennes. Enfin, les
gouvernements voient dans ces conquêtes une occasion de redresser leur prestige : c’est
le cas, par exemple, de la France, après sa défaite de 1871, qui reprend sa politique de
conquête, poussant ainsi l’Allemagne de Bismarck à entrer dans la compétition.
• Les causes économiques sont plus nuancées : certes, la révolution industrielle entraîne
la recherche de matières premières et de débouchés nouveaux pour les industries euro-
péennes. De plus, les politiques protectionnistes contraignent les Européens à recher-
cher outre-mer des marchés nouveaux. Cependant, on observe que les peuples coloni-
sés ont un faible pouvoir d’achat, et que l’Europe écoule plutôt ses produits industriels
dans des parties du monde qui ne sont pas colonisées. La situation est diverses, selon
les pays : la part des colonies dans le commerce des métropoles est relativement faible
avant 1914 : elle représente moins de 10
• Les causes secondaires sont diverses. On a longtemps pensé que l’Europe, qui connaît
une transition démographique, souhaite acquérir des colonies pour y installer son excé-
dent de population. Cependant, on observe que la majorité de l’émigration européenne
se dirige vers les " pays neufs ", plutôt que vers les colonies. Il ne faut pas négliger les
facteurs moraux ou philosophiques : l’Europe, forte de sa supériorité technologique,
justifie sa domination sur les peuples colonisés par un devoir de civilisation. C’est le
thème du " fardeau de l’homme blanc " (Kipling), auquel adhère une grande partie de la
population européenne. Les prises de positions hostiles au colonialisme, comme celle
de Clemenceau qui s’oppose à Jules Ferry à la Chambre en 1885, sont largement mi-
noritaires. Enfin, la curiosité ethnographique et géographique a sans doute joué un rôle
dans le lancement des explorations, si ce n’est dans la conquête.

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I Le partage colonial du continent africain à la fin du XIXe siècle

2. Une colonisation progressive


• Vers le milieu du XIXe siècle, le continent africain est mal connu. Des expéditions
d’exploration sont lancées par des Européens : René Caillé est le premier à revenir
de Tombouctou (Mali) en 1828, la vallée du Zambèze est explorée par David Living-
stone (1855) qui consacre ensuite sa vie à rechercher les sources du Nil. Le français
Savorgnan de Brazza ouvre la voie à la colonisation de l’Afrique centrale en explorant
le bassin du Congo, vers 1880. Ces explorations aboutissent à la signature de traités
avec des chefs locaux. Elles permettent également aux cartographes de dessiner les
premières cartes du continent. Les premières missions catholiques (les pères Blancs)
ou protestantes (la London Missionary Society) s’implantent.
• Dans les années 1880, les expéditions sont conduites par des militaires et une " course
aux colonies " s’engage entre les puissances européennes. La France et le Royaume-
Uni possèdent déjà de vastes territoires. Certains sont directement gouvernés par des
militaires, comme Madagascar (Joseph Gallieni), le Soudan (Horatio Kitchener) ou le
Maroc (Hubert Lyautey). Les Belges s’emparent du Congo et les Allemands lancent la
conquête de la Namibie. Les Européens se heurtent à des résistances armées, comme
en Afrique australe où les Anglais combattent les Zoulous (1879). Les Abyssins rem-
portent une victoire contre les Italiens à Adoua en 1896, lors de la première guerre
italo-éthiopienne. De même, Samory Touré, à la tête de l’empire Wassoulou, tente de
s’opposer à la pénétration coloniale française en Afrique de l’Ouest avant d’être cap-
turé en 1898. Sur tout le continent, les guerres coloniales entraînent des massacres et
des déplacements de populations.
• Des tensions apparaissent également entre les Etats européens, en particulier au sujet du
bassin du Congo, revendiqué par les Belges, les Français et les Allemands. En 1884-
1885, une conférence est réunie à Berlin à l’initiative du chancelier Bismarck. Les
14 pays présents y fixent les règles de la conquête coloniale : les Etats signataires
s’engagent à respecter la liberté de commerce dans le bassin du Congo et celui du
Niger. Ils s’entendent également pour lutter contre l’esclavage et pour améliorer le sort
des populations. Ils énoncent enfin les conditions de la reconnaissance d’une prise de
possession d’un territoire par un Etat. Ces accords n’empêchent pas les crises, comme
celle de Fachoda (Soudan) en 1898, qui oppose les Français et les Britanniques qui
souhaitent contrôler le bassin du Nil.

3. Le découpage de l’Afrique à la fin du XIXe siècle


• En 1900, les trois-quarts du continent africain sont sous le contrôle des métropoles eu-
ropéennes. Seuls le Sahara, une partie du Sahel, le Maroc et la Tripolitaine ne sont pas
conquis. Ces territoires seront annexés avant la Première Guerre mondiale (la Tripo-
litaine par l’Italie et le Maroc par la France). Les seuls Etats demeurant indépendant
sont le Liberia et l’Ethiopie. En l’espace d’une vingtaine d’année, l’Afrique, qui était
un continent presque inconnu, est entièrement découpé par les Européens.
• Les deux plus grands empires sont l’Empire britannique et l’Empire français. Le pre-
mier s’étend principalement en Afrique de l’Est (Egypte, Soudan, Kenya, Ouganda,
Zanzibar, Rhodésie, Afrique du Sud), mais également à l’Ouest (Gambie, Sierra Leone,
Nigeria ; l’Empire français comprend le Maghreb (Algérie, Tunisie Maroc), l’Afrique
occidentale (AOF) - Mauritanie, Sénégal, Soudan français, Guinée, Côte d’Ivoire, Ni-
ger, Haute-Volta et Dahomey-, l’Afrique équatoriale (AEF) - Gabon, Moyen Congo,
Oubangui-Chari, Tchad, Cameroun - et Madagascar. Les autres métropoles européennes
n’ont que des possessions limitées et il est difficile de parler d’empires pour ce qui les
concerne.

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II L’Empire français au moment de l’exposition coloniale de 1931

• S’il existait des limites politiques africaines dans la période précoloniale (empires,
royaumes, chefferies, cités-Etats, territoires occupés par des tribus nomades, etc.), celles-
ci sont remplacées par des frontières fixées par les Européens lors des conférences et
des accords conclus pendant le partage colonial. Ces frontières sont parfois fixées en
fonction d’éléments naturels (fleuves, montagnes, etc.) et ne prennent pas en compte
l’organisation territoriale passée. Ces frontières divisent souvent des peuples et des eth-
nies en deux parties ou plus.

II L’Empire français au moment de l’exposition coloniale de 1931 :


réalités, représentations et contestations
1. Le deuxième empire colonial au monde
• En 1931, l’Empire colonial français s’étend sur 12 millions de km2 et représente un
peu plus de 100 millions d’habitants (42 millions d’habitants en métropole, 65 mil-
lions d’indigènes et environ 1,5 millions de coloniaux). Les Européens et les Français
y sont relativement peu nombreux : seule, l’Algérie est une colonie de peuplement et
compte 880 000 européens pour 5,5 millions de musulmans. Ailleurs, le nombre de
Français est très faible : 14 000 en Afrique Occidentale française, pour environ 15 mil-
lions d’indigènes. Pourtant, les coloniaux possèdent les meilleures terres agricoles et
contrôlent les postes de pouvoirs. Même dans les protectorats - Maroc, Tunisie, une par-
tie de l’Indochine - dans lesquels les français délèguent une partie du pouvoir aux élites
traditionnelles, l’administration est contrôlée par des Français. Dans les colonies (Al-
gérie, colonies d’Afrique noire), les possessions sont directement administrées par des
fonctionnaires venus de métropole et les populations locales ne sont pas associées à la
gestion. Même lorsqu’ils adoptent un mode de vie " à l’européenne " - tenue vestimen-
taire, pratiques religieuses, études, etc. -, les indigènes demeurent des sous-citoyens,
malgré les discours sur l’assimilation.
• Les terres les plus importantes sont exploitées par des grandes sociétés, comme la So-
ciété du Haut-Oubangui, qui possède 14 millions d’hectares de plantation en AEF. Il en
va de même des mines, exploitées par des compagnies françaises. En Algérie, les colons
français ne représentent que 2% de la population agricole, mais ils possèdent 25% des
terres cultivables. Ces enjeux économiques expliquent l’importance du " lobby colonial
" et du " Parti colonial " en France et la nécessité d’assurer une propagande confortant
la population française dans l’idée selon laquelle la possession de l’Empire assure la
prospérité de la Nation, ce qui n’est pas le cas. Les échanges entre la métropole et
ses colonies se caractérisent par un déséquilibre : les colonies exportent des matières
premières, agricoles ou minières nécessaires aux industries françaises et importent des
produits manufacturés. Ces derniers sont principalement des biens de consommation,
mais également des biens d’équipement.
• C’est en période de crise qu’on observe un réel rapprochement économique entre la
France et son empire. Les métropoles européennes prennent des mesures protection-
nistes, et leurs échanges s’amplifient avec les colonies. Ainsi, après la crise de 1929,
les échanges de la France avec ses colonies sont nettement dopés : dans les années
1930, le pourcentage des exportations de la France vers ses colonies passe de 20% à
plus de 30% de ses exportations totales. Le pourcentage des importations passe dans le
même temps de 12 à 27%. Toutefois, force est de constater que les entrepreneurs n’ont
pas investi dans les colonies les sommes espérées. Ainsi, en 1914, sur les 45 milliards
de francs investis par la France à l’étranger, seuls 10% le sont dans l’empire. En fait, le
discours expansionniste ne convainc pas les investisseurs, qui préfèrent placer leurs ca-

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II L’Empire français au moment de l’exposition coloniale de 1931

pitaux dans d’autres régions du monde, ni même la métropole d’ailleurs, qui consacre
une très faible part de son budget à l’investissement dans les colonies. Bien entendu, cet
aspect de la colonisation, comme les autres, est soigneusement dissimulée aux visiteurs
de l’exposition de 1931.

2. L’ " Exposition " et les représentations coloniales


• L’Exposition coloniale internationale est inaugurée le 6 mai 1931 par Paul Reynaud,
ministre des Colonies. Son organisation a été confiée au maréchal Lyautey, ancien ré-
sident général au Maroc avec deux objectifs principaux : présenter " l’œuvre réalisée
par la France dans son empire colonial " et " l’apport des colonies à la Métropole
" (décret de 1928). Il s’agit clairement d’une entreprise " nécessaire de propagande
directe ", destinée à mettre en scène l’Empire colonial français et célébrer l’idée co-
loniale. Le bois de Vincennes est réquisitionné pour l’occasion et 200 pavillons sont
construits dans le style des habitats et des monuments des colonies représentées. Les
trois-quarts des 110 hectares sont consacrés aux possessions françaises. Deux créations
permanentes sont mises en place : le zoo et le Palais de la Porte Dorée, musée des
colonies.
• De mai à novembre, l’exposition accueille 8 millions de visiteurs. Ils peuvent visiter une
reproduction grandeur nature - mais en carton-pâte - du temple cambodgien d’Angkor
Vat, une reproduction de la mosquée de Djenné (Mali), le musée des colonies, etc.
Des milliers de figurants venus des colonies participent à des défilés, des spectacles
(danses traditionnelles, exhibition de soi-disant " cannibales polygames " kanaks) ou
des zoos humains. Des espaces didactiques se mêlent aux espaces récréatifs : l’accent
est mis sur l’œuvre humanitaire réalisée par la France dans ses colonies - campagnes
de vaccination, scolarisation, évangélisation, etc. - et, d’autre part, sur les richesses
apportées par les colonies à la métropole.
• Le succès de l’exposition s’inscrit dans la lignée du développement de la propagande
scolaire, de la littérature coloniale et de la popularisation de l’image de l’indigène à
travers les affiches publicitaires et d’autres représentations (les images d’Epinal du ti-
railleur sénégalais ou du " bon sauvage ", le " nègre " de la publicité Banania). Mélange
d’exotisme bon enfant, de nationalisme et de racisme latent, la représentation de la co-
lonisation repose sur la bonne conscience de l’opinion publique et sa conviction que
l’Empire participe de la puissance de la France. Toutefois, on ne peut pas dire que l’ex-
position de 1931 soit parvenue à constituer une mentalité coloniale chez les Français.

3. Une contestation encore minoritaire


• Officiellement, seuls les communistes et les anarchistes sont anticolonialistes : ainsi, les
artistes surréalistes dénoncent l’exposition coloniale dans un tract intitulé " Ne visitez
pas l’exposition coloniale ". Ils condamnent les massacres perpétrés au Maroc, en Indo-
chine centrale et organisent avec la CGT et la CGTU une contre-exposition, " La vérité
sur les colonies ", afin de montrer les violences infligées aux indigènes et l’exploitation
économique des colonies, mais celle-ci n’a que peu de succès (5 000 visiteurs à peine
en l’espace de 8 mois). Proches du PCF, ils critiquent la " complicité " des autorités
politiques, de l’Eglise et de la bourgeoisie dans la propagande coloniale.
• Quoique minoritaires, certaines voix commencent à s’élever pour s’opposer à la co-
lonisation ou du moins à ses aspects les plus brutaux. En 1929, le journaliste Albert
Londres décrit dans Terre d’ébène les conditions de travail inhumaines et la mortalité
due au travail forcé lors de la construction de la ligne de chemin de fer Congo-Océan.
Deux ans plus tôt, l’écrivain André Gide publiait également des articles témoignant de

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II L’Empire français au moment de l’exposition coloniale de 1931

ce scandale et dénonçait le traitement des récolteurs de caoutchouc dans son Voyage au


Congo. L’année même de l’exposition, Albert Sarraut, ancien gouverneur d’Indochine
et ex-ministre des Colonies préconise une aide sanitaire et sociale au bénéfice des in-
digènes et réclame une réforme de l’administration coloniale dans un ouvrage intitulé
Grandeurs et Servitudes coloniales.
• La dénonciation du colonialisme se développe également chez les élites des peuples
colonisés : au nom des idées des Lumières, ils dénoncent les inégalités et placent la
France, " patrie des droits de l’Homme ", face à ses contradictions. Leur critique du co-
lonialisme se nourrit parfois également de l’influence du marxisme-léninisme. Ce rejet
de la domination coloniale aboutit dans certains cas à la création de mouvements poli-
tiques structurés. En Indochine, Nuyen Ai Quoc (qui prendra le nom d’Hô Chi Minh)
crée le parti communiste indochinois en 1930. En 1925, la révolte d’Abd El-Krim au
Maroc doit être réprimée par l’armée française, mais le Parti de l’Istiqlal (" indépen-
dance ") reprend la contestation nationaliste, tout comme le parti du Néo-Destour en
Tunisie et l’Etoile nord-africaine en Algérie. On peut également évoquer la contestation
menée par des intellectuels comme le sénégalais Senghor ou le martiniquais Césaire,
à l’origine du concept de " négritude ". Ils ne réclament pas nécessairement l’indé-
pendance, mais souhaitent obtenir plus d’autonomie et la reconnaissance des droits
civiques des peuples colonisés.

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