109 Isaie 44
109 Isaie 44
109 Isaie 44
1. INTRODUCTION
o Le contexte historique a été suffisamment décrit dans les exposés précédents,
et je ne reviendrai pas dessus. Rappelons-nous seulement qu’il s’agit du Livre
de la Consolation d’Isaïe qui a été écrit durant l’Exil à Babylone. Un texte qui
appelle à la confiance, comme de nombreux passages du Livre de la
consolation ; et où l’on a une intervention créatrice de Dieu.
2. THEMES PRINCIPAUX
ÉCOUTE
o On trouve au début de ce texte le thème de l’écoute, qui est cher au Dt, qui est
cher au Judaïsme. Cf. Shema, Dt 6, 4 : « Ecoute, Israël : Le Seigneur notre Dieu
est le seul Seigneur… »
LE SERVITEUR
o Voici qu’apparaît ici le thème du serviteur, qui revient plusieurs fois dans le Livre
de la consolation d’Isaïe. Au ch. 42 se trouve le 1er chant du Serviteur.
o Le serviteur désigne ici non pas une personne mais le peuple d’Israël dans son
ensemble, chacun des membres de ce peuple. « Plus qu’une relation de maître
à esclave, cette notion de "serviteur" implique une relation de confiance et
d’amour » (Bible de Jérusalem, p. 1132 note i). Depuis que le peuple a été
libéré de la servitude en Égypte, il est entré dans la dépendance du Seigneur,
mais aussi dans son intimité, dans une relation d’amitié.
QUE J’AI CHOISI : L’ELECTION
Deux fois dans notre texte : insistance
o Le thème du serviteur est lié à celui de l’élection, du peuple choisi par Dieu
pour être témoin devant les autres nations : Il y a un passage du livre de la
consolation d’Isaïe qui exprime bien cela : Is 43, 10-12 : « C’est vous qui êtes
mes témoins, oracle du Seigneur, vous êtes le serviteur que je me suis choisi,
afin que vous sachiez, que vous compreniez que c’est moi : avant moi aucun
Dieu n’a été formé et après moi il n’y en aura pas. »
o L’élection, le choix particulier de Dieu est une donnée biblique fondamentale :
VTB 337 : « Sans l’élection, il est impossible de rien comprendre au dessein et à
la volonté de Dieu sur l’homme. »
o L’élection, c’est le choix particulier et privilégié par Dieu d’un peuple (Israël),
parmi tous les peuples de la terre. Et au sein de ce peuple, le choix particulier et
privilégié de personnes, qu’il met à part pour une mission. Il s’agit d’une
« initiative délibérée et souveraine de Yahweh. » (VTB 337)
o La notion d’élection est inséparable de celle de l’Alliance : Ce peuple que
Dieu a choisi entre tous les peuples de la terre, il va faire alliance avec lui.
« L’élection pose entre Dieu et son peuple une relation intime : "Vous êtes des
fils" » (VTB 340)
o Le but de l’élection n’est pas d’exclure les autres nations qui n’ont pas été
choisis. Dieu choisit un jour un peuple comme témoin, pour étendre par la suite
cette bénédiction à toute la terre. Témoins, cf. v. 8.
o La vocation d’Abraham, qui est le point de départ de cette élection, est
l’exemple le plus éclairant : Gn 12, 1-3 : « Le Seigneur dit à Abram : Quitte ton
pays, ta parenté et la maison de ton père, pour le pays que je t’indiquerai. Je
ferai de toi un grand peuple, je te bénirai, je te magnifierai. Sois une
bénédiction ! Je bénirai ceux qui te béniront, je réprouverai ceux qui te
maudiront. Par toi seront bénis tous les clans de la terre. »
o La notion d’élection, de peuple choisi, est fréquente dans le 2ème Isaïe. « Au
cœur de cette œuvre, Dieu fait apparaître le personnage mystérieux auquel il ne
donne pas d’autre nom que "Mon Serviteur" (42, 1 ; 49, 3 ; 52, 13) et "Mon Élu"
(42, 1) » (VTB 342)
o VTB 343 : « Au point de départ de l’Église, comme à celui d’Israël, il y a
l’élection de Dieu »: Au début de son ministère, Jésus « gravit la montagne et
appelle à lui ceux qu’il voulait, et il en institua 12 pour être ses compagnons et
pour les envoyer prêcher, avec pouvoir de chasser les démons. » (Mc 3, 13-14)
o Selon la 1ère lettre de St Pierre, les chrétiens sont « une race élu, un sacerdoce
royal, une nation sainte, un peuple choisi, pour proclamer les louanges de celui
qui vous a appelés des ténèbres à son admirable lumière. » (1 Pi 2, 9)
QUI T’A FAIT, QUI T’A MODELE DES LE SEIN MATERNEL
O Ici, c’est d’abord la création du Peuple de Dieu qui est visée. Au cours de
l’histoire, Dieu a façonné, modelé son peuple, l’a fait naître et grandir. Mais ce
passage peut s’appliquer aussi, dans un sens second, à chacun d’entre nous.
O // Is 43, 1 : « Ainsi parle le Seigneur, celui qui t’a créé, Jacob, qui t’a modelé,
Israël. Ne crains pas, car je t’ai racheté ».
O Certains textes présentent Dieu comme le potier qui nous façonne à partir de
l’argile : Is 64, 7 : « Seigneur, tu es notre Père, nous sommes l’argile, tu es
notre potier, nous sommes tous l’œuvre de tes mains. » Le deuxième récit de la
création de l’homme dans la Genèse va dans ce même sens : Gn, 2, 7 : « Alors
Dieu façonna l’homme avec la glaise du sol, il insuffla dans ses narines une
haleine de vie et l’homme devint un être vivant. »
O L’image du Dieu créateur est amenée pour renvoyer à celle du Dieu recréateur.
Le Dieu créateur est aussi le Dieu recréateur qui ne peut laisser sa création
abîmée, et qui a le pouvoir de la restaurer. D’ailleurs, dans la pensée biblique,
« la totalité des choses et des événements est création de Dieu » (Cahier
d'Evangile 20 p. 38). Ce n’est pas un Dieu qui, comme un horloger, aurait lancé
sa création une fois pour toutes, mais qui continue cette création tout au long de
l’histoire humaine.
3. SYNTHESE
O Un appel de Dieu à la confiance, à ne pas craindre. Ne crains pas, car le
Seigneur est ton créateur, celui qui t’a façonné dès le sein maternel, celui qui
vient à ton secours. Ne crains pas car tu es son élu, celui qu’il a choisi de toute
éternité ; celui qui a un prix infini à ses yeux et qu’il a gravé sur la paume de ses
mains.
O Un appel à la confiance qui annonce une intervention créatrice de Dieu. Un
renouvellement de la création, un renouvellement de l’être humain. Dieu
annonce qu’il va répandre son esprit sur son peuple, comme la pluie sur la
terre. Et de même pour sa bénédiction. Et cette pluie va féconder la terre, va
faire germer une descendance à Israël.
O De même qu’une plante qui a germé, grandi et fleuri peut à son tour semer
autour d’elle une multitude de petites plantes, le chrétien en qui le Royaume a
pu germer et croître peut à son tour semer autour de lui plein de semences du
Royaume. Il est appelé à jeter les semences de l’amour dans la terre de ce
monde pour que germe le Sauveur, pour que grandisse le Royaume de Dieu.
O Quand on dit que Dieu vient sauver son peuple, il faut garder en arrière fond
cette idée créatrice : en langage biblique, sauver signifie l’absence de toute
maladie et de tout défaut, donner la pleine santé, la plénitude de vie. Le syriaque
n’a pas de mot pour exprimer le verbe sauver ; il l’exprime par le verbe vivifier.
O Au sens chrétien, sauver signifie vivifier, recréer, donner la vie en abondance,
faire toute chose nouvelle (Ap 21, 5) St Paul disait que « Celui qui est en Jésus
Christ est une création nouvelle ; l’être ancien a disparu, un être nouveau est là
» (2 Co 6, 17). Dieu veut faire de nous une création nouvelle, il veut venir
restaurer la 1ère création abîmée par le péché.
O Telle est bien la couleur de notre attente pendant l'Avent: nous devons être
tendus vers l'heure de la venue de Jésus non seulement comme vers l'heure de
sa naissance, mais aussi de la nôtre. C'est-à-dire l'heure de notre re-
naissance ou nouvelle naissance, l'heure de notre recréation à l'image et à la
ressemblance de Dieu.
O Jésus disait à Nicodème: « En vérité, en vérité je te le dis, à moins de naître à
nouveau, nul ne peut voir le Royaume de Dieu» (Jn 3, 3). Cette idée de nouvelle
naissance était chère à Zundel : L'Homme existe depuis son entrée en ce
monde, mais il doit ensuite naître à lui-même, naître à ce qu'il est appelé à
devenir, naître à la vie dvine, à la vie éternelle, et cela peut être un
accouchement de toute une vie.
O Le Philosophe Malherbe exprime cela à peu près de la même façon: «On
pourrait dire que l'être humain est un être dont la destinée est d'accoucher de
soi-même, de devenir soi-même. Mais [..] ce n'est que provoqué et aidé par
autrui que je puis accoucher de moi-même, devenir moi-même. La relation
humaine fondamentale est celle de l'accouchement mutuel. »
O Jésus, Dieu fait homme, est en chacun de nous l'accoucheur de notre
vraie humanité, pleinement image et ressemblance de Dieu. Mais cette
naissance à notre vraie identité se fait à travers une Pâque, un Passage qui
peut être douloureux: il n'y a pas d'accouchement. pas d'enfantement sans
douleurs.
O Nous sommes actuellement dans les douleurs d'un long enfantement:
« Toute la création jusqu'à ce jour gémit dans les douleurs de l'enfantement »
(Rm 8, 22). Enfantement à la vie du Christ, enfantement à la vie d'enfant de
Dieu. Qui dit enfantement dit gestation, attente, durée.
O Partout là où !'amour arrive à triompher de la haine, là où le pardon triomphe
de la violence, là où la paix prend la place de la guerre, là le Royaume de Dieu
germe dans notre monde
O Zundel a une image qu’on peut relier au temps de l’avent : Il disait que le
monde nouveau, c’est celui qui naîtra de l’amour « quand notre vie sera
devenue un consentement d’amour, au point de devenir le berceau de la
naissance de ce monde nouveau »
4. ISAÏE 44, 1- 5 : PISTES D’APPROPRIATION
Je peux méditer sur la notion d’élection, de choix préférentiel de Dieu.
Qu’est-ce que cette notion signifie pour ma vie ? Quel visage de Dieu pour
moi est-ce qu’elle traduit ?
Je peux sur le thème du Dieu créateur, qui façonne l’être humain, qui m’a
façonné, comme le potier façonne un vase précieux.
Quels sont les terrains de ma vie, de mon être, qui sont desséchés et qui
attendent d’être arrosés par l’esprit du Seigneur ?