La Conception Symbolique Da La Faim

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‫‪LA CONCEOTION DE LA FAIM SYMBOLIQUE DANS BIOGRAPHI DE LA‬‬ ‫ﺍﻟﻌﻨﻮﺍﻥ‪:‬‬

‫‪FAIME d'Amelie Nothomb‬‬


‫ﻣﺠﻠﺔ ﻛﻠﻴﺔ ﺍﻟﺘﺮﺑﻴﺔ ‪ -‬ﺍﻟﻘﺴﻢ ﺍﻷﺩﺑﻲ‬ ‫ﺍﻟﻤﺼﺪﺭ‪:‬‬
‫ﺟﺎﻣﻌﺔ ﻋﻴﻦ ﺷﻤﺲ ‪ -‬ﻛﻠﻴﺔ ﺍﻟﺘﺮﺑﻴﺔ‬ ‫ﺍﻟﻨﺎﺷﺮ‪:‬‬

‫ﺇﺩﻭﺍﺭﺩ‪La conception de la faim‬‬ ‫ﺳﺎﺑﺎ‪ ،‬ﻣﻨﻰ‬


‫‪symbolique‬‬ ‫ﺍﻟﻤؤﻟﻒ ﺍﻟﺮﺋﻴﺴﻲ‪:‬‬
‫ﻣﺞ‪ ,15‬ﻉ‪2‬‬ ‫ﺍﻟﻤﺠﻠﺪ‪/‬ﺍﻟﻌﺪﺩ‪:‬‬
‫»ﻧﻌﻢ‪Dans « Biographie de la faim‬‬ ‫ﻣﺤﻜﻤﺔ‪:‬‬
‫‪2009‬‬ ‫ﺍﻟﺘﺎﺭﻳﺦ ﺍﻟﻤﻴﻼﺩﻱ‪:‬‬
‫‪d’Amélie Nothomb‬‬
‫‪279 - 342‬‬ ‫ﺍﻟﺼﻔﺤﺎﺕ‪:‬‬
‫‪664268‬‬ ‫ﺭﻗﻢ ‪:MD‬‬
‫ﺑﺤﻮﺙ ﻭﻣﻘﺎﻻﺕ‬ ‫ﻧﻮﻉ ﺍﻟﻤﺤﺘﻮﻯ‪:‬‬
‫‪EduSearch, AraBase‬‬ ‫ﻗﻮﺍﻋﺪ ﺍﻟﻤﻌﻠﻮﻣﺎﺕ‪:‬‬
‫ﺍﻟﺮﻣﺰﻳﺔ‪ ،‬ﺍﻟﺴﻴﺮﺓ ﺍﻟﺬﺍﺗﻴﺔ‪ ، ،‬ﺍﻷﺩﺏ ﺍﻟﻔﺮﻧﺴﻲ‪ ،‬ﺍﻷﺩﺑﺎﺀ ﺍﻟﺒﻠﺠﻴﻜﻴﻮﻥ‪ ،‬ﺍﻟﻨﻘﺪ ﺍﻻﺩﺑﻲ‬ ‫ﻣﻮﺍﺿﻴﻊ‪:‬‬
‫‪http://search.mandumah.com/Record/664268‬‬ ‫ﺭﺍﺑﻂ‪:‬‬

‫‪DR. MONA EDOUARD SABA‬‬


‫‪Faculté pédagogie, Université du Canal de Suez‬‬
‫‪Département de français‬‬

‫© ‪ 2024‬ﺍﻟﻤﻨﻈﻮﻣﺔ‪ .‬ﺟﻤﻴﻊ ﺍﻟﺤﻘﻮﻕ ﻣﺤﻔﻮﻇﺔ‪.‬‬


‫ﻫﺬﻩ ﺍﻟﻤﺎﺩﺓ ﻣﺘﺎﺣﺔ ﺑﻨﺎﺀ ﻋﻠﻰ ﺍﻹﺗﻔﺎﻕ ﺍﻟﻤﻮﻗﻊ ﻣﻊ ﺃﺻﺤﺎﺏ ﺣﻘﻮﻕ ﺍﻟﻨﺸﺮ‪ ،‬ﻋﻠﻤﺎ ﺃﻥ ﺟﻤﻴﻊ ﺣﻘﻮﻕ ﺍﻟﻨﺸﺮ ﻣﺤﻔﻮﻇﺔ‪ .‬ﻳﻤﻜﻨﻚ ﺗﺤﻤﻴﻞ ﺃﻭ ﻃﺒﺎﻋﺔ ﻫﺬﻩ ﺍﻟﻤﺎﺩﺓ ﻟﻼﺳﺘﺨﺪﺍﻡ‬
‫ﺍﻟﺸﺨﺼﻲ ﻓﻘﻂ‪ ،‬ﻭﻳﻤﻨﻊ ﺍﻟﻨﺴﺦ ﺃﻭ ﺍﻟﺘﺤﻮﻳﻞ ﺃﻭ ﺍﻟﻨﺸﺮ ﻋﺒﺮ ﺃﻱ ﻭﺳﻴﻠﺔ )ﻣﺜﻞ ﻣﻮﺍﻗﻊ ﺍﻻﻧﺘﺮﻧﺖ ﺃﻭ ﺍﻟﺒﺮﻳﺪ ﺍﻻﻟﻜﺘﺮﻭﻧﻲ( ﺩﻭﻥ ﺗﺼﺮﻳﺢ ﺧﻄﻲ ﻣﻦ ﺃﺻﺤﺎﺏ ﺣﻘﻮﻕ ﺍﻟﻨﺸﺮ ﺃﻭ‬
‫ﺍﻟﻤﻨﻈﻮﻣﺔ‪.‬‬
‫ﻟﻺﺳﺘﺸﻬﺎﺩ ﺑﻬﺬﺍ ﺍﻟﺒﺤﺚ ﻗﻢ ﺑﻨﺴﺦ ﺍﻟﺒﻴﺎﻧﺎﺕ ﺍﻟﺘﺎﻟﻴﺔ ﺣﺴﺐ ﺇﺳﻠﻮﺏ ﺍﻹﺳﺘﺸﻬﺎﺩ ﺍﻟﻤﻄﻠﻮﺏ‪:‬‬

‫ﺇﺳﻠﻮﺏ ‪APA‬‬
‫ﺳﺎﺑﺎ‪ ،‬ﻣﻨﻰ ﺇﺩﻭﺍﺭﺩ‪LA DE BIOGRAPHI DANS SYMBOLIQUE FAIM LA DE CONCEOTION LA .(2009) .‬‬
‫‪FAIME: D'Amelie Nothomb.‬ﻣﺠﻠﺔ ﻛﻠﻴﺔ ﺍﻟﺘﺮﺑﻴﺔ ‪ -‬ﺍﻟﻘﺴﻢ ﺍﻷﺩﺑﻲ‪ ،‬ﻣﺞ‪ ,15‬ﻉ‪ .342 - 279 ،2‬ﻣﺴﺘﺮﺟﻊ ﻣﻦ‬
‫‪http://search.mandumah.com/Record/664268‬‬
‫‪La conception de la faim symbolique‬‬ ‫ﺇﺳﻠﻮﺏ ‪MLA‬‬
‫ﺳﺎﺑﺎ‪ ،‬ﻣﻨﻰ ﺇﺩﻭﺍﺭﺩ‪:FAIME LA DE BIOGRAPHI DANS SYMBOLIQUE FAIM LA DE CONCEOTION LA" .‬‬
‫"‪D'Amelie Nothomb.‬ﻣﺠﻠﺔ ﻛﻠﻴﺔ ﺍﻟﺘﺮﺑﻴﺔ ‪ -‬ﺍﻟﻘﺴﻢ ﺍﻷﺩﺑﻲﻣﺞ‪ ,15‬ﻉ‪ .342 - 279 :(2009) 2‬ﻣﺴﺘﺮﺟﻊ ﻣﻦ‬
‫» ‪Dans « Biographie de la faim‬‬
‫‪http://search.mandumah.com/Record/664268‬‬

‫‪d’Amélie Nothomb‬‬

‫‪DR. MONA EDOUARD SABA‬‬


‫‪Faculté pédagogie, Université du Canal de Suez‬‬
‫‪Département de français‬‬

‫© ‪ 2024‬ﺍﻟﻤﻨﻈﻮﻣﺔ‪ .‬ﺟﻤﻴﻊ ﺍﻟﺤﻘﻮﻕ ﻣﺤﻔﻮﻇﺔ‪.‬‬


‫ﻫﺬﻩ ﺍﻟﻤﺎﺩﺓ ﻣﺘﺎﺣﺔ ﺑﻨﺎﺀ ﻋﻠﻰ ﺍﻹﺗﻔﺎﻕ ﺍﻟﻤﻮﻗﻊ ﻣﻊ ﺃﺻﺤﺎﺏ ﺣﻘﻮﻕ ﺍﻟﻨﺸﺮ‪ ،‬ﻋﻠﻤﺎ ﺃﻥ ﺟﻤﻴﻊ ﺣﻘﻮﻕ ﺍﻟﻨﺸﺮ ﻣﺤﻔﻮﻇﺔ‪ .‬ﻳﻤﻜﻨﻚ ﺗﺤﻤﻴﻞ ﺃﻭ ﻃﺒﺎﻋﺔ ﻫﺬﻩ ﺍﻟﻤﺎﺩﺓ ﻟﻼﺳﺘﺨﺪﺍﻡ‬
‫ﺍﻟﺸﺨﺼﻲ ﻓﻘﻂ‪ ،‬ﻭﻳﻤﻨﻊ ﺍﻟﻨﺴﺦ ﺃﻭ ﺍﻟﺘﺤﻮﻳﻞ ﺃﻭ ﺍﻟﻨﺸﺮ ﻋﺒﺮ ﺃﻱ ﻭﺳﻴﻠﺔ )ﻣﺜﻞ ﻣﻮﺍﻗﻊ ﺍﻻﻧﺘﺮﻧﺖ ﺃﻭ ﺍﻟﺒﺮﻳﺪ ﺍﻻﻟﻜﺘﺮﻭﻧﻲ( ﺩﻭﻥ ﺗﺼﺮﻳﺢ ﺧﻄﻲ ﻣﻦ ﺃﺻﺤﺎﺏ ﺣﻘﻮﻕ ﺍﻟﻨﺸﺮ ﺃﻭ‬
‫ﺍﻟﻤﻨﻈﻮﻣﺔ‪.‬‬
La conception de la faim symbolique
Dans « Biographie de la faim »
d’Amélie Nothomb

DR. MONA EDOUARD SABA


Faculté pédagogie, Université du Canal de Suez
Département de français
La conception de la faim symboliaue 281 Dr.Mona Edouard Saba

La conception de la faim symbolique


dans "Biographie de la faim "d’Amélie Nothom
La,biographie est devenue au fil du temps un genre de plus
en plus scientifique, même si la tension est restée constante entre
une volonté de vérité et une narration qui doit passer par la
fiction.
Elle se définit comme le récit de la vie d’une personne
dans lequel l’auteur
essaye de montrer le caractère, le tempérament et le milieu
de vie de cette personne, en exposant des faits réels qu’elle a
vécus et surtout les expériences
et les activités qui l’.ont marquée.
D’après Luk Fui Lee dans « Michel Toumier et le
détournement de l’autobiographie »:
« Le but de l’autobiographie est de suivre la trace des
événements passés d’un individu .Cependant la vie
humaine n’est pas statique: chaque jour, chaque minute,
chaque seconde apportent des transformations
insignifiantes ou dramatiques (...) Comme une coquille
vide, l’autobiographie ne laisse que la trace d’une vie
antérieure et passée, et ne peut donner qu’une image
partielle et extérieure du moi qui se transforme
continuellement et se définit par la création. » )1(

)1(Luk Fui Lee," Michel Toumier et le détournement de l'autobiographie". Editions


Universitaires de Dijon, novembre 2003, P39

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La conception de la faim symboliaue 282 Dr.Mona Edouard Saba

A l’origine de la distinction entre vérité biographique et


vérité psychique, appuyée par le concept du souvenir écran, la
psychanalyse a aussi marqué l’influence de la réflexion, sur la
mémoire.
N’oublions pas néanmoins que deux siècles avant Freud, «
Les Confessions » ou « Les Mémoires du promeneur solitaire »,
datant du XVIIIe siècle, appliquaient déjà les règles qui ont
conduit le père de la psychanalyse vers la découverte du
déterminisme infantile, du trouble identitaire ou du principe de
l’association libre. Les souvenirs mentaux de Rousseau ont réussi
à mettre en évidence l'indépassable tumulte de l’âme humaine et
ses sources enfantines.
Au XIXe siècle, à la suite de Rousseau, les « récits de vie »
connaissent un véritable souffle et nombre d'auteurs dans ce
siècle littéraire fructueux ont écrit leur autobiographie, tels
Chateaubriand (Mémoires d'outre-tombe) ou Stendhal (Vie de
Henri Brulard).
Mais au XXe siècle, l'autobiographie change de nature
avec le développement des sciences humaines : psychanalyse,
sociologie et ethnologie y marquent un tournant, notamment avec
l'apparition de la notion d'inconscient et les études de Freud.
L’autobiographie s'intériorise et la justification sociale
s’atténue au profit d’une difficile quête de soi, laquelle combine
deux mouvements complémentaires :
a) L'introspection : observation méthodique de l'auteur portant
sur sa vie intérieure,

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La conception de la faim symboliaue 283 Dr.Mona Edouard Saba

b) la rétrospection : regard en arrière sur les faits passés.


C'est aujourd'hui un genre diversifié et en pleine
expansion, à travers les genres parallèles que sont l'auto fiction et
le journal intime.
François Dosse, dans « Le pari biographique », considère que
:«La biographie ne relève pas du véridique, des soure
écrites, des témoignages oraux. Elle est portée par un souci
de dire vrai sur le personnage «biographé» (...), le
biographe doit croise des sources d’information ; les
confronter pour se rapprocher de la vérité, il dispose aussi
de l’œuvre comme miroir de l’écrivain dont il retrace la
biographie. » )2(

« Biographie de la. faim », œuvre contemporaine «


)3(
d’Amélie Nothomb » présente des informations concernant

)2(Dosse François, "Le pari biographique". Editions La Découverte, Paris, 2005.


p.61.
)3(Née en 1967 à Kobe, au Japon, Amélie Nothomb est fille de l'ambassadeur de
Belgique à Rome, petite-nièce de l'homme politique Charles-Ferdinand Nothomb.
Elle est issue d'une ancienne et illustre famille bruxelloise qui apporta autrefois la
province de Luxembourg au royaume de Belgique. Cette famille a donné une juste
proportion d'hommes politiques et d'écrivains. Son père, Patrick Nothomb, est
ambassadeur, baron et écrivain (Dans Stanleyville, 1993). Amélie Nothomb passe
ses cinq premières années au Japon, dont elle restera profondément marquée, allant
jusqu'à parler couramment la langue japonaise et à devenir interprète. Mais son
expérience d'expatriée ne s’arrête pas là puisqu'elle vivra successivement en Chine,
à New York, au Bengladesh, en Birmanie et au Laos, avant de débarquer à dix-sept
ans sur le sol de Belgique, berceau de sa famille où elle entame une licence en
philologie romane à l'Université Libre de Bruxelles. de cette époque, elle garde de
douloureux souvenirs : incomprise et rejetée, elle se retrouva confrontée à une
mentalité qui lui était inconnue jusque elle se dit " malade de l'écriture " et avoue
avoir déjà écrit trente-sept romans. C'est en 1992, alors âgée de vingt-cinq ans,
qu'elle fait son entrée fracassante dans le monde des lettres avec son roman «
Hygiène de l'assassin ». Son talent, reconnu, est confirmé en 1993 avec « Le
Sabotage amoureux » et l’année suivante avec « Les Combustibles ». une pièce de

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La conception de la faim symboliaue 284 Dr.Mona Edouard Saba

son enfance et son adolescence, mais qui ont marqué


profondément sa vie. Sans doute la lecture de la biographie
donne au lecteur l’illusion d‘avoir un accès direct au passé d’une
personne, de poursuivre le détail anodin, minuscule, qui s’efforce
d’évoquer au mieux la singularité d’un corps et d’une présence
subjective.
La plupart des écrits autobiographiques prennent l’allure
de découpages conduisant d’un incident à l’autre, d’où cette
forme fragmentaire qui permet de recréer les souvenirs les plus
chers du monde mental de l’auteur, au gré de ses besoins et de
ses désirs classifiés selon leur importance en vue de nous
présenter son parcours à travers une écriture intime et profonde.
L'autobiographie de Nothomb repose sur un pacte de
lecture qui s'établit lorsque l’auteur annonce son intention de
relater son existence en toute sincérité dans un texte en prose et
que le lecteur croit en sa bonne foi.
Selon Philippe Lejeune, le projet autobiographique se
caractérise par la présence de trois «je». Celui de l'auteur, celui
du narrateur, enfin, celui du personnage principal. Dans le cas de
l'autobiographie : trois «je» se confondent tout en étant séparés
par le temps. L'alliance de ces trois «je» fait partie du pacte

théâtre. Suivront « Les Catilinaires » (1995), « Péplum » (1996), « Attentat »


(1997), « Mercure » (1998), «Stupeur et tremblements» (1999, Grand Prix du
roman de l'Académie française), « Métaphysique des tubes » (2000) et «
Cosmétique de l'ennemi » (2001), tous publiés chez Albin Michel. Elle est encore
actuellement domiciliée à Bruxelles, mais voyage beaucoup de ville en ville afin de
rencontrer ses lecteurs. Adaptée au cinéma, au théâtre, à l’opéra, elle est traduite
dans le monde entier. Tous ses romans sont de grands succès de librairie. Son
personnage intrigue autant qu'il fascine ou irrite. D’interview en interview, elle
sème le mystère plus que la confession. La plupart de ses romans sont traduits en
37 langues à travers le monde.

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La conception de la faim symboliaue 285 Dr.Mona Edouard Saba

autobiographique. Et l’autobiographie telle qu’ il l’ a défini dans


son œuvre, désigne un récit en prose qu 'une personne réelle
entreprend pour relater rétrospectivement sa vie personnelle. )4(

Dans "Biographie de la faim", objet de notre étude,


l’auteur fait revivre ses souvenirs de petite enfance au Japon,
mais aussi à Pékin, à New York, au Bangladesh, au Laos et en
d’autres lieux où l'a conduite la carrière d'un père diplomate.

Au cœur du kaléidoscope : sa faim, le mystère de la faim,


ia faim avide, joyeuse ou tragique et angoissante, quête
perpétuelle d'un accomplissement inaccessible, qui explique
autant l'histoire des peuples que celle des individus.
La figure d’un père, d'une nourrice japonaise, d'une sœur
tendrement: aimée se dessinent aussi dans ce récit pudique et
sincère, manipulant l'humour noir et la provocation. Elle nous
narre une biographie cost-apocalyptique, nous décrit ses premiers
déplacements et la découve du monde, surtout le Japon, le pays
préféré, son étemel paradis mais aussi la Chine communiste,
brutale, bestiale, le New York des années 70, Manhattan, dont
elle parcourt les avenues et les rues, le nez pointé vers le ciel,
enfin le Bangladesh, peuplé de zombies, de lépreux. Elle nous
raconte son anorexie d’adolescente, ses innombrables livres
dévorés, pleinement assimilés, qui lui permettront de tenir
debout.

)4(‘‘Le Jeune (Philippe) "Le pacte autobiographique "Editions du Seuil, Paris, 1975
p. 14.

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Amélie Nothomb raconte ses souvenirs d’enfance et


poursuit l’itinéraire du parcours de sa vie par ordre
chronologique à travers plusieurs romans autobiographiques : «
)5(
Métaphysique des tubes » (de 0à 3 ans) et « Le Sabotage
)6( )7(
amoureux » (5 à 8ans) «Stupeur et tremblements » (à l’âge
de 23 ans), et « Biographie de la faim » qui englobe ses
«drames» secrets et intimes à travers tous les âges. L’écrivain
déclare avoir souffert de troubles relationnels et alimentaires
durant sa jeunesse. La narratrice du cycle autobiographique,
portant un regard ému sur la petite fille qu'elle était, se décrit en
effet comme une enfant troublée qui s’adonne à des excès
alcooliques et boulimiques dans sa quête de jouissance. Elle

)5(« Métaphysique des tubes » est le huitième roman d’Amélie Nothomb publié
chez Albin Michel. Dans ce roman, la jeune romancière belge narre sa vie au Japon
jusqu’à l’âge de trois ans. À sa naissance et jusqu’à l’âge de deux ans et demi,
Amélie est considérée par tous comme un « tube digestif inerte et végétatif dont les
activités se bornent à ses besoins primaires ». Cette vie passive est à l’origine d’une
réflexion sur la - vie, sur Dieu, mais aussi l’occasion de faire un portrait
humoristique, voire satirique, de’ la vie familiale du point de vue d’un tube. À
partir de l’âge de deux ans et demi, Amélie perd ce statut presque divin de tube
pour devenir une enfant « normale » et décrit de façon humoristique la vie de son
entourage.
)6(“Le Sabotage amoureux “(1993) : Livre troublant qui raconte la vie d’Amélie en
Chine communiste, dans son enfance, thème qui l'obsède et parvient à attirer notre
attention.
)7(Dans Stupeur et tremblements” Amélie, fille de Belges qui passéent cinq années
au Japon, a toujours admiré le raffinement et l’art de vivre japonais. Le son père
lui obtient un contrat de traductrice au sein de la prestigieuse compagn umimoto,
elle rembarque pour sa terre natale, sans se douter qu’elle n’y sera pas acce en
héroïne. Amélie devient en effet assez rapidement le souffre-douleur de supérieures
hiérarchiques qui lui mènent la vie dure et finissent par lui faire avouer une certaine
inaptitude au travail ». Au fur et à mesure, elle nous fera part de ses « stratégies »
comme de ses astuces afin de ne pas démissionner et ainsi, conserver son honneur
(notion fondamentale japonaise). L’histoire d’une déchéance cruelle et injuste :
après l’échec de sa profession de traductrice dans le pays préféré.

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La conception de la faim symboliaue 287 Dr.Mona Edouard Saba

n’hésite pas à présenter audacieusement un panorama de sa


propre vie, de ses débauches et de ses faiblesses et enfin un
aperçu rapide sur les membres de sa famille.
Le parcours de cette jeune femme secrète, qui allie à son
monde étrange perversité psychologique et humour noir, se
révèle largement dans « Biographie de la faim », qui constitue la
première véritable autobiographie complète de l’auteur, depuis sa
naissance jusqu’à son embauche comme interprète au sein d’une
grande entreprise japonaise. On comprendra que dans
«Biographie de la faim», le récit narré couvre une période de 25
ans de la vie de l’auteur et révèle aussi les descriptions de la
situation politique et sociale des pays visités en relation avec la
géopolitique mondiale.

Lteur accumule également dans ce récit


autobiographique la fantastique géographie cérébrale d’une
enfant quasiment surdouée et en constante « surfaim »: faim des
langues et des livres, faim d’alcool et de chocolat, faim de beauté
et de découvertes à travers le monde entier.
L'ouvrage commence donc plutôt bien. Et puis, au fil des
pages, cela s’altère, ressemblant de plus en plus à une sorte
d'errance mentale, de souvenirs en souvenirs d'une petite fille un
peu étrange qui pense qu'à 12 ans elle aura tout connu de la vie.
Les diverses tranches de sa vie tracent le tableau d’une
personnalité rare, curieuse, intelligente et solitaire.
Le présent texte étudié qui rassemble une multitude de
courts chapitres de deux ou trois pages, est bourré de sommaires,
de récits itératifs, fréquents et d'ellipses qui accélèrent la vitesse

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La conception de la faim symboliaue 288 Dr.Mona Edouard Saba

de la narration. La première partie de « Biographie de la faim »


constitue en fait la suite de « Métaphysique des tubes »,
puisqu'elle décrit le séjour d'Amélie au Japon en 1970 et 1971.
L'auteur a vécu un nomadisme culturel qui accroît sa
curiosité et renforce sa précipitation. A 4 ans, elle fait l’école
buissonnière et finit les flûtes de champagne des invités de son
père lors des grandes réceptions ; à 6 ans, elle connaît son globe
terrestre par cœur et lit les contes des "Mille et Une Nuits"; à 8
ans, elle enflamme le cœur de dix petites filles du lycée français
de New York et dévore "Les Misérables": à 12 ans elle déclare
son amour certain pour la lecture quand elle a décidé de dépasser
les limites de la connaissance et d’avoir des lectures au- dessus
de son âge.
" Je décidai d'avoir des lectures au -dessus de mon âge. Je
lus les Misérables. J'adorais Cosette persécutée par les
Thénardier, c'était délectable. La poursuite de Jean Valjean par
Javert me fascinait (...) La lecture était le lieu privilégié de
l'admiration. Je me mis à lire beaucoup pour admirer souvent »
)8(

Elle ne quitte plus sa chambre. A plein temps, elle croque


les mots comme les barres de chocolat de son enfance. Elle est
enivrée par une nouvelle de Colette et se fait violer dans les eaux
du golfe du Bengale; à 13 ans, elle boit pour oublier qu’elle a 13
ans et entame une longue anorexie à 15 ans. A défaut de mourir,
elle s'alimente pour survivre.

)8(Biographie de la faim”. Albin Michel, Paris, 2004, p. 157.

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Cette « Biographie de la faim », de ce désir de ne se sentir


jamais rassasiée à travers les divers moments de sa vie, de cette
quête qui n'a jamais de fin, Amélie Nothomb la décline sous
toutes ses formes, du •Ravissement à l'horreur, avec douleur,
amour, humour et lucidité, pour annoncer le terrible paradoxe
d'existence. II s'en dégage une puissance de vision, une
perception fatale où l'absolu et sa dérision se côtoient. Cest une
mise à nu éblouissante où l'auteur semble entamer un combat
personnel sur sa propre existence. Cette Étude riche et fructueuse
nous invite à nous lancer au sein des secrets intimes de sa vie
pour analyser ce qui suit :
1. Ses déplacements et ses errances liés à ses perturbations
nutritives qui aboutissent à une « surfaim » infinie.
2. Ses traumatismes d’adolescence liés à ses troubles
psychiques et à ses troubles nutritives
3. Ses impressions personnelles attachées au sujet d’une faim
mondiale et universelle.
1-Déplacement -errances et surfaim infinie
Amélie Nothomb évoque ses déplacements d’enfance, liés à
la carrière de diplomate de son père. Elle passe son enfance à le
suivre de Chine en Birmanie en passant par New York. Sa
destinée d'expatriée et son sentiment de solitude l'incitent, petit à
petit, à se replier sur elle-même. Cette enfance est rythmée par
d'incessants déménagements au gré des obligations
professionnelles paternelles.

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La conception de la faim symboliaue 290 Dr.Mona Edouard Saba

Notamment à cause de sa gouvernante japonaise Nishio-san


qu'elle considérait comme sa seconde mère, elle vit son départ du
Japon, « pays de la beauté », pour la Chine, « pays de la laideur
», comme un exil et vit les autres déplacements familiaux comme
autant de déracinements successifs, mais aussi comme un
nomadisme culturel qui accroît sa curiosité et renforce sa
précocité.
Elle raconte dans « Biographie de la faim » comment elle a
)9(
plongé, avec sa sœur Juliette, dans les livres, la potomanie ,
l'alcool infantile et l’anorexie )10(

Son débarquement en Belgique, à l'âge de 17 ans, dans la


patrie familiale, amplifie encore son mai-elre. Se sentant rejetée
dans sa nouvelle université où elle poursuit des études gréco-
latines, elle découvre une culture et un mode de vie occidentaux
qui lui avaient alors totalement échappés. Le choc est brutal.
Jacques de Deker, dans le journal « Lire », déclare que
cette errance est le secret de son génie et de son succès planétaire
« D’avoir été ainsi trimballée à travers le monde l’a
imprégnée très tôt de multiples cultures, cela s ’est fait
naturellement -ça n ’a pas été un apprentissage de sa

)9(La potomanie: se caractérise par un besoin irrépressible de boire constamment


de l'eau.
)10(L’anorexie ( « absence d’appétit ») est, du point de vue strictement médical, un
symptôme qui correspond à une perte de l'appétit. Ce symptôme peut s’observer
dans de très nombreuses maladies organiques et psychiatriques. Quelle qu'en soit la
cause, il peut conduire à la malnutrition et à ses complications. Dans les faits, le
terme est abusivement utilisé pour désigner l'anorexie mentale qui est un trouble
psychopathologique complexe et spécifique, au cours duquel il n'y a pas de perte de
l'appétit mais au contraire une lutte active contre la faim.

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La conception de la faim symboliaue 291 Dr.Mona Edouard Saba

part -et c’est à mon avis pour cela qu’elle s’inscrit tout
aussi naturellement dans une sorte de littérature globale,
mondialisée, nourrie d’une culture multifaces dont elle a
su faire son propre cocktail. Je suis convaincu qu’une
partie de son succès planétaire vient de là. » )11(

Ses déplacements sont teintés par des atours historiques ; elle


révèle au cours de ses tournées le système établi dans la politique
des pays visités : le Japon immuable, les torpeurs de la Chine
rouge, la magie de New York, la faim au Bangladesh et en Inde.
Sa personnalité est le prolongement de ses textes et inversement.
L’esprit autobiographie qui règne dans ses romans révèle des
souvenirs authentiques dans une tentative de reconstruire son
identité d’écrivain.
Amélie Nothomb relate ses réflexions personnelles sur sa
vie, sur le monde, ni plus ni moins. Pas vraiment un roman,
plutôt un bout d'autobiographie centrée sur sa faim symbolique,
au sens large du terme. Sa faim de sucre, sa faim de vie, sa faim
de connaissance, sa faim d’amour et de tendresse, sa faim de
liberté, sa faim du passé et aussi sa faim de découvrir les limites
de son existence dans ce vaste monde. Il n’existe pas vraiment
d’histoire, d'intrigue dans ce livre, mais plutôt des tranches de vie
de l'enfance de l'auteur, et des méthodes thérapeutiques et
psychologiques pour sauver ce rapport si particulier qu'on lui
connaît avec la nourriture.

)11(Jacques de Deker « Enquête sur la plus insolite de nos romancières ». Lire NO


348, ( No spécial sur Amélie Nothomb)Septembre 2006, Editions Héloïse
d’Ormesson. p.p.34- 38.

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La conception de la faim symboliaue 292 Dr.Mona Edouard Saba

Ce livre intime est divisé en chapitres très courts, chacun


effleurant une partie et une période indélébiles de sa vie, surtout
les débauches de l’enfance avec le chocolat, les sucreries, les
spéculoos et l’alcool. La mémoire de son enfance pose un regard
sans fin sur un monde changeant et complexe, elle évoque des
futilités pour aboutir à des choses graves et à des interrogatoires
qui méritent notre attention.
Par son regard d’enfance naïf elle évoque spontanément
des problèmes grandioses et étemels. Cette petite fille a passé son
enfance dans un pays aux mœurs opposées à celles de ses
parents, elle se trouve prise entre plusieurs cultures et plusieurs
langues, se sentant tour à tour japonaise ou belge, victime d’un
père diplomate, rejetée d'un pays à l’autre à la recherche de la
vérité et de la culture.
La passion de Patrick, le père d’Amélie Nothomb, pour
son métier fait de lui un homme de conquête et d’ouverture. Il se
déplace de l’Europe vers l’Afrique et vers l’Asie pour assumer
ses responsabilités professionnelles et aider ses compatriotes
dans l’ensemble des pays et des provinces visités. Il se renseigne
avec soin dans chaque pays sur les circonstances économiques,
sociales, politiques et culturelles du moment pour soutenir la
moindre manifestation publique.
La position sociale de Monsieur Nothomb et son aptitude à
s’accommoder avec les peuples rencontrés de divers pays
n’affectent guère sa modestie. L’auteur décrit la curiosité de son
père et sa soif de découvrir les autres cultures ainsi que son art de
s’adapter aux» diverses coutumes et mentalités :

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La conception de la faim symboliaue 293 Dr.Mona Edouard Saba

« Mon père n’a jamais refusé une seule nourriture, même


dans les provinces très pauvres du Bangladesh qui avaient
pour nourriture traditionnelle le cancrelat frit, la
sauterelle grillée, les petits vers poêlés à la graisse, de
coco. Il a toujours tout mangé, en hurlant de bonheur et en
disant : « Je n’ai jamais rien mangé d’aussi bon, c’est le
plus beau jour de ma vie.» Les autochtones, dans cette
situation, étaient fous de joie. » )12(

Elle écrit un véritable récit original de vie en boucle des


années inoubliables de la petite enfance bourrée des souvenirs de
la réussite du père à travers ses déplacements. Le récit de vie en
question pourrait être interprété comme un mécanisme de défense
utilisé par l'auteur afin de rendre moins pénible la remémoration
des réalités douloureuses qui resurgissent lors de l'écriture, de
certains incidents historiques et géographiques tel que : le
tremblement de terre de Kobé, en 1995. Elle procure à son texte
la tonalité singulière d’une authentique création littéraire. Elle
déclare implicitement entre les lignes sa soif de la culture par la
lecture, elle dévore des livres et des livres. La narratrice est la
lectrice précoce de la Bible, de Tintin, des atlas et des
dictionnaires :

)12(Entretien avec Danièle Nothomb 5 décembre 2003. ( Extrait de Michel


Zumkir, Amélie Nothomb de A à Z, portrait d'un monstre littéraire, Édition Le
grand miroir février2004 .P.80.
Zumkir, Michel a choisi, sous la forme d’un abécédaire, de présenter une enquête
sur Amélie Nothomb. Son texte est enrichi d'entretiens avec des proches, des
membres de sa famille, des acteurs du monde littéraire, et il nous présente quelques
photos personnelles de l'auteur.

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La conception de la faim symboliaue 294 Dr.Mona Edouard Saba

« Le mot « atlas » me plaisait à l’infini. Si j’avais un jour un


bébé, je lui donnerais ce nom. Dans le dictionnaire, j’avais
vu que quelqu’un s’était déjà appelé ainsi. » )13(

A travers ses déplacements, elle enivre d’une part ses yeux


des beautés du monde, des collines autour de son jardin japonais,
de la beauté de sa sœur, et d’autre part, son cœur par les câlins de
sa nounou, et enfin ses sens par l’ivresse d’une course folle ou
d’une plongée mentale dans le vide. Amélie essaye de se peindre
dans cette autobiographie moderne hybride : ni enfant, ni adulte,
ni belge, ni japonaise, ni même chinoise.

Tout au long de cette quête inlassable de pays et.  elle


poursuit la genèse de son identité. De même la soli et le
déracinement entraînent chez elle divers troubles du
comportement alimentaire qu'elle relate d’une façon récurrente
avec humour et ironie dans son œuvre : anorexie, boulimie,
potomanie et alcoolisme, elle vit en permanent état de « surfaim
», qu’elle soit de l’organisme ou de l’esprit
Amélie se complaît de se présenter hardiment dans son
roman « Biographie de la faim » :
« La faim c’est moi (...) A supposer que je sois un univers, je
tiens à cette force unique la faim (...) Par faim, j’entends ce
manque effroyable de l'être entier, ce vide tenaillant, cette
aspiration, non. tant à. L’utopique, plénitude qu’à la simple

)13(Nothomb Amélie, " Biographie de la faim ” P.84.

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La conception de la faim symboliaue 295 Dr.Mona Edouard Saba

réalité : là où il n’y a rien, j’implore qu’il y ait quelque chose.


» )14(

L’auteur considère la faim comme le critère même de son


identité, une identité assoiffée sans cesse, mais toujours
renouvelée. Les débuts de l’anorexie sont racontés par l’auteur
dans « Métaphysique du tube » : Amélie rejette le sein de sa mère
et ne paraît pas éprouver cette tension douloureuse de la faim qui
pousse un nourrisson à crier, jusqu’à obtenir le plaisir de-
l’assouvissement. Face à son comportement bizarre ses parents
décident de ne pas la gâter pour susciter une réaction de sa part :
manger ou ne pas manger, boire ou ne pas boire, cela lui était
égal ; être eu ne pas être, telle n'était pas sa question. » )15(

Durant son enfance, la petite Nothomb refusait la


nourriture ordinaire de sa mère, ce qui traduit sa situation
extravagante d’affamée que l’on doit forcer à manger. Elle
remémore ses souvenirs :
« Ma mère réprouvait et réprimait cette passion et
prétendait m’arnaquer en me donnant, à la place du
chocolat imploré, du fromage qui me révulsait, des œufs
durs qui m’indignaient, des pommes fadasses qui

m’indifféraient. » )16(

)14(biographie de la faim", p.p. 23-24.


)15(Nothomb Amélie, « Métaphysique des tubes », Albin Michel, Paris, 2000, p.
11.

)16("Biographie de la faim", p.28.

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La conception de la faim symboliaue 296 Dr.Mona Edouard Saba

Nothomb éprouve un penchant vers les sucreries. De là


naîtra un désaccord entre le plaisir et la transgression des ordres
de sa mère.
« Au sein des sucreries, il en est de plus ou moins
métaphysiques. De longues recherches m'ont menée à ce
constat : l’aliment théologal, c’est le chocolat. » )17(

Le plaisir de dévorer les diverses sortes de sucreries se


métamorphose en ivresse, en isolement à maintes oa ons de
jouissance loin des yeux de sa mère :
« Quand û force de recheches dandestines je tombais sur
des sucreries, marshmallows ou souris en gomme, je m
’isolais et mâchouillais les larcins avec ardeur, et mon
cerveau, réquisitionné par lurgence du plaisir, provoquait
des courts-circuits : si haut était le voltage de mon extase
qu ’il ne respectait pas les normes du compteur
électrique,et je m’enfonçais dans l’ivresse... » )18(

Cette faim est la démonstration d’une existence spécifique


qui réclame la constante vérité des diverses étapes intimes vécues
par la romancière afin de revendiquer la liberté humaine. En
Chine, et surtout à Pékin, la quête des sucreries était autrement
difficile qu’au Japon. La petite Nothomb devait prendre un vélo
pour s’orienter vers les marchés et s’acheter d’excellents bonbons
et caramels périmés. Le meilleur endroit pour fêter ses plaisirs de
sucreries intimes était la salle de bain :

)17(Ibid.,p.40
)18( ibid. p.p 32-33.

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La conception de la faim symboliaue 297 Dr.Mona Edouard Saba

« Je bondis jusqu ’à notre immeuble, montai les quatre


étages en courant et fonçai dans la salle de bain dont je
poussai la porte derrière moi. Je m'installai devant le
miroir géant, sortis le butin de dessous mon pull et
commençai à manger en observant mon reflet dans la
glace. Je voulais me voir en état de plaisir. Ce qu‘il y
avait sur mon visage, c’était le goût du
spéculoos(...).Pour être plus à l’aise, je m ’assis sur
le rebord du lavabo et continuai à goinfrer les
spéculoos en me dévorant des yeux, la vision de ma
volupté accroissait ma volupté. » )19(

La surfaim d’après Nothomb se définit ainsi :


« La surfaim n'était pas la possibilité d’avoir d
avantage de plaisir, c’était la possession du
principe même de la jouissance, qui est l’infini. » )20(

D’après Margaud Kobialka, dans «La création


d’Amélie Nothomb à travers la psychanalyse », les causes
des troubles psychiques de Nothomb liés à l’anorexie
présentent deux aspects concernant le malaise corporel de
l’obésité :
« Même si on voit une certaine agressivité de la part
de l’auteur envers l’obésité, elle l’est encore plus
envers le statut de « ni beau ni laid ». Selon la
conception de l’écrivain, chacun de ces extrêmes est
un défi. La laideur fait de vous une victime ; par

)19(ibid. p.54-55
)20(ibid. p.38

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La conception de la faim symboliaue 298 Dr.Mona Edouard Saba

contre la beauté c’est promesse, la promesse d’être


élu, d’incarner les rêves des humains. Il faut seulement
avoir le courage de l’accepter,ce dont tout le monde n ’est
pas capable. » )21(

Cette autobiographie reflète l’image inaccoutumée d’une


enfant alcoolique et saoule qui a vécu le comble du trouble
psychique lors de son enfance .L’auteur n’hésite pas à glorifier
audacieusement au cours du récit son alcoolisme infantile lors
des réceptions organisées par son père pour les diplomates :
« Personne ne me voyait attraper les flûtes de champagne
qui traînaient à moitié pleines. D’emblée, le vin doré à
bulles fut mon meilleur ami, ces gorgées pétillantes, ce
goût de bal des papilles, cette façon de saouler si vite et si
légèrement, c’était l’idéal. L’existence était bien conçue :
les invités partaient, le champagne restait. Je vidais les
verres dans mon gosier (...) personne ne soupçonna que
l’alcoolisme était l’explication de mon handicap (...) Je n
’étais pas une petite nature, mon corps chétif s
’aguerrissait à la surfaim. » )22(

Selon Laureline Amanieux, qui analyse le comportement


d’Amélie Nothomb et surtout sa transgression à l’égard des
ordres de sa mère :
« Face aux règles alimentaires de sa mère, Amélie va développer
une habitude de la transgression silencieuse.Elle comprend

)21(Margaud Kobialka, "La création d’Amélie Nothomb à travers la


psychanalyse". Editions Manuscrit .com. 2004, p. 70.
)22(“ibid. p.p.89-90.

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La conception de la faim symboliaue 299 Dr.Mona Edouard Saba

la nécessité d’un dédoublement : d’un côté elle se conforme


aux attentes de ses parents en présentant les qualités d’une
enfant sage, polie et obéissante, de l’autre, elle cultive une
conduite anticonformiste, l’art d’exulter en secret. Elle ne
sera jamais une enfant ou une adolescente révoltée. Elle
conciliera une soumission aux codes, aux devoirs, et des
féeries clandestines, aussi intérieures qd'intimes,
inaccessibles au regard extérieur. Cette clandestinité ne lui
procure aucun sentiment de culpabilité, mais un intense
bonheur. » )23(

II est évident que la narratrice souffre depuis toujours d’une


faim globale. Elle est aussi assoiffée d’eau, elle avoue sa
potomanie :
«J’appris une soif qui n’avait rien de métaphorique: quand
j’avais un accès de potomanie, je pouvais boire jusqu’à la fin
des temps. (...) L’eau avait le goût de pierre de la fontaine :
c’était tellement bon que j’aurais crié si je n’avais pas eu
toujours la bouche pleine. Sa morsure glacée me tressaillait
dans la gorge et me mettait les larmes aux yeux.» )24(

L’ivresse par l’eau constituait un vrai bonheur. Elle avoue :


« Le seul infini fiable était l’eau, robinet ouvert sur la source
étemelle. » )25(

)23(Amanieux Laureline "Amélie Nothomb l'éternelle affamée " Edition Albin


Michel 2005 p.24.
)24("Biographie de la faim" p.p. 59,60.
)25(ibid. p.. 166.

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La conception de la faim symboliaue 300 Dr.Mona Edouard Saba

Par ailleurs, la surfaim de Nothomb est une faim étemelle


que rien ne comble. Elle se transforme en soif ardente, elle
s’étend au delà de la nourriture, se métamorphose du concret vers
l’abstrait, du spirituel vers le cognitif. L’auteur narre sa faim de
liberté, d’oisiveté. Elle détestait l’anglais, elle était obligée de
s’enfuir du yôchien (l’école au Japon), elle feignait d’avoir un
besoin pressant pour passer aux toilettes et de là elle utilisait un
tabouret d’escalade pour s’enfuir par la fenêtre. Elle appréciait
ces instants d’évasion :
« Le moment le plus fabuleux était celui du saut dans le vide
(...) L’ivresse commençait dès que j’étais dans la rue (...) Ce
que je découvrais alors s’appelait liberté : il était fou de
penser que je pouvais faire n’importe quoi, me coucher au
milieu de la route, me jeter dans les égouts, marcher sur les
tuiles des hauts murs qui rendaient invisibles les maisons,
grimper jusqu’au petit lac vert. Ces actes, qui en soi
n’eussent rien eu d’exceptionnel,tiraient de ma liberté un
prestige suffocant. » )26(

D’ailleurs, elle avoue même son manque de lucidité, sa faim de


tout engloutir autour d’elle par ses sensations :
« Les couleurs des ciels new-yorkais étaient
invraisemblables. Il y avait trop de splendeur à avaler :
mes yeux parvenaient cependant à tout engloutir. " )27(

)26(ibid, p.p.48-49.
)27(ibid, p.16.

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La conception de la faim symboliaue 301 Dr.Mona Edouard Saba

Sa faim de plaisir, l’esprit épicurien de la famille.


Nothomb se révèle surtout à New York lorsque le père ordonne à
ses enfants de profiter de leur séjour :
« Il faut sortir tous les soirs, dit mon père. Il fallut tout voir,
tout entendre, tout essayer, tout boire, tout manger. Juliette
et moi étions toujours de la partie. Après les concerts ou les
comédies musicales, nous nous retrouvions au restaurant,
attablées devant des steaks plus grands que nous, puis au
cabaret, à écouter des chanteuses en buvant du bourbon.
Les parents pensèrent qu’il fallait nous habiller pour de
telles circonstances et nous achetèrent des fourrures
synthétiques. » )28(

Amélie voit tout de suite New York comme « le plus


fantastique cadeau» )29( et comme une folie qu'elle vivra pendant
trois ans, dans un état de liesse perpétuelle.
« Dans la cité américaine, la fillette est subjuguée par la
verticalité absolue des paysages, qui l'amène même à
modifier sa posture corporelle: «Tout se dressait, tout
essayait de toucher le ciel. Jamais je n'avais vu un univers
aussi debout.» )30(

La fillette, qui prend plaisir à faire grimper l'ascenseur de


l'immeuble jusqu'au seizième étage où elle réside, adore
également nager da la piscine à toit en verre du quarantième

)28(Ibid, p. 109.
)29(ibid, p. 101.
)30(ibid, p. 102.

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La conception de la faim symboliaue 302 Dr.Mona Edouard Saba

étage en regardant coucher le soleil sur les cimes des plus belles
tours gothiques.
Nothomb tisse un pacte de vérité plus étroit de ses lecteurs. ll
s'agit cependant d'une autobiographie exceptionnelle qui ne suit
que de grandes étapes de la vie de la romancière, et s'organise
autour de l’existence conçue comme faim.
Ce récit d'apprentissage donne en effet au corps la priorité
et à l'esprit un rôle complémentaire pour refléter des confessions
intimes de ses sensations et une vision profonde du monde
qu’elle traverse.
Par son itinéraire symbolique de la faim au cours de cette
biographie, elle regrette sa nostalgie, son besoin de combler le
vide, son besoin de se sentir rassasié hors d’un pays aimé comme
le Japon, sa souffrance lors de son déplacement en Chine, sa
privation de tout ce qui était douceur et de tout ce qui était beau à
dévorer par l’esprit. Essayons d’établir une comparaison, sous
forme de tableau pour marquer sa faim spirituelle due à son
attachement au Japon, qu’elle regrette, et son malaise en Chine :

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La conception de la faim symboliaue 303 Dr.Mona Edouard Saba

La vie de l’auteur au Japon La vie de l’auteur en Chine

- « Le Japon était mon pays, - « étranger était cet univers de


celui que j’avais choisi, mais lui terreur et de suspicion
ne m’avait pas élue. «Jamais» permanente, (p.71)
m’avait désignée : j’étais
ressortissante de l’Etat de «
-«Terre de sécheresse-un désert
Jamais ». (p.85)
»p.(72)

« Terre de l’eaù » (p.71)


-«L’air douloureux à respirer, il
était aride. »-« -Exil de
-«Ma terre était celle de la l’humidité »- « La ville la plus
nature, des fleurs et des arbres, laide » (p.72).
mon Japon était un jardin de
montagne verdoyante » (p.72)

-« Les animaux sont prisonniers


-« Terre peuplée d’oiseaux et de et la population affamée. »(p.73)
singes, de poissons et
d’écureuils, chacun libre dans la
fluidité de son espace. » (p72)
« La terre de la camarade Trê,
qui avait pour seule consigne de
- « La terre de Nishio-san (sa
me tirer les cheveux chaque
gouvernante) symbole de la
matin, parlait la langue de
tendresse, bras aimant, baisers,
l’époque de la bande des Quatre
qui parlait le japonais des

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La conception de la faim symboliaue 304 Dr.Mona Edouard Saba

femmes, et des enfants , lequel , sorte


est la douceur faite parole. »
(p.73)
d’anti-mandarin, qui était au
chinois à l’instar de l’allemand
-« Au Japon régnaient de Hitler . »(p.73)
l’abondance et la variété.» p.(
75)

-« En Chine régnaient la faim et


-« Vivre hors le Japon était un
la famine» (p.76)
mal respiratoire »(p.72)

-«La Chine présente une longue


apocalypse, un spectacle
abominable naufrage 2».(p.73)

Dès qu'elle a posé les pieds à l'aéroport de Pékin, Amélie


s’est sentie désorientée par une Chine « qui poussait le vice
jusqu'à être le contraire du Japon.» )31(

La protagoniste a pourtant cherché à aborder cette terre


étrangère en la comparant constamment à sa terre natale, qui lui
sert de référence, de façon à créer une continuité inexistante entre
ces deux réalités éloignées. A la place des montagnes

)31(ibid, P.72.

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La conception de la faim symboliaue 305 Dr.Mona Edouard Saba

verdoyantes, Amélie trouve le désert de Gobi où la sécheresse


remplace l'eau. Partout, la nature, lés fleurs et les arbres font
place au béton. (p.p 72-75) Si le Japon était douceur beauté et
politesse, la Chine était plutôt lumière aveuglante, laideur et
dureté, (p.p. 99-100).
Ce premier contact avec la Chine laisse Amélie perplexe et
inquiète. La fillette ne peut s'accrocher à aucun être ou lieu
familier qui l'aiderait à traverser cette période de grands
bouleversements psychiques. Elle est submergée par un «
manque du Japon, une "nostalgie". » (p. 84) L’auteur, qui
s’engage de nouveau dans un
processus de nostalgie, elle se croit même dépossédée de son
identité nippone, car le pays dont elle espère l'a rejetée et trahie.
Et pourtant, elle a réussi à travers ses voyages à créer des
œuvres exotiques et riches de connaissances culturelles et
géographiques.
Amélie Nothomb dévoile les multiples aspects de sa
personnalité complexe .Elle étale surtout un étonnant panorama
de sociologie romanesque où elle tente de prouver que la faim est
la plus haute identité des peuples , et que toute nation à l’intérieur
de cette planète est une équation qui a rapport à la faim concrète
ou abstraite.
Amélie vit notamment au Bangladesh,(mourant) en
Birmanie (incomprise) et au Laos,(soumis) au gré des
déplacements professionnels de son père. Elle décrit la nature des
fragilités psychiques qui sont dévoilées et accentuées par les
migrations dans ces pays asiatiques. La narratrice est fortement

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La conception de la faim symboliaue 306 Dr.Mona Edouard Saba

atteinte par la détresse humaine et choquée par la misère des


peuples qu'elle découvre en Asie du Sud-Est, décide au bout de
son voyage de ne plus s'alimenter et entame une guerre féroce
avec son corps par l’anorexie. Il est à remarquer que la jeune fille
doit également s'adapter aux fréquentes migrations que lui
imposent ses parents, régulièrement "stationnés dans un nouveau
pays d’Asie du Sud- Est. Les déplacements chaotiques subis à
l'adolescence sont particulièrement traumatiques parce qu’ils
fragilisent son armature psychique à un moment de la vie où
l'individu doit procéder à des ajustements de divers ordres.
A dix -sept ans, Amélie s'installe en Belgique, pays de ses
ancêtres qu'elle visite pour la première fois. Cette migration, qui
coïncide avec la fin de son anorexie et son entrée dans l'âge
adulte, suscite chez elle un profond malaise. Dès son arrivée, elle
se sent écrasée par ce pays lourd. Elle affirme être frappée par la
tristesse, la mélancolie profonde, la pesanteur et l'aspect lugubre
des lieux.
« Il m'a fallu apprendre à aimer la Belgique », dit-elle, «
La vie

n'y est pas légère ». )32(

Mais au sein de son pays natal elle se sent étrangère et


souffre de la nostalgie : « De tous les pays où j’ai vécu, la

)32(Club de l'actualité littéraire (intervieweur). « Le Club reçoit Amélie Nothomb:


Interview du 05/0912000 ». In Club de l'actualité littéraire. 2000. En ligne.
<http://www.grandlivredumois.com/static/aclu/rencontres/ nothomb.hlm>.

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La conception de la faim symboliaue 307 Dr.Mona Edouard Saba

Belgique est celui que j'ai le moins compris. C’est peut être cela
être de quelque part : ne pas voir de quoi il s’agit. » )33(

Désorientée et en quête d'une identité nationale, Amélie


s'inscrit à l'Université libre de Bruxelles et entame une licence en
philologie romane ancienne, probablement dans l'espoir de
mettre fin à sa crise du sens par l'étude de la langue que lui ont
transmise ses parents.
Pour Amélie, le choix de l’identité est changeant, dans le
refus de ce qui peut être imposé par un héritage génétique. Elle
déclare qu’elle se sent apatride à cause de ses nombreux
déplacements et déracinements, mais elle se rattache volontiers à
l’identité belge :
« Plutôt qu’un pays, la Belgique est une plaque tournante
vers un ailleurs (....) J’accepte d’être un écrivain belge
comme Yourcenar, le prince de Ligne, Simenon (...) ou
Hergé (....) j’accepte à condition qu’un français ou un
chinois puisse aussi être un écrivain belge ! " )34(

Le retour d’Amélie à Tokyo à l’âge adulte à 21 ans


constituait au début, pour Amélie une grande joie de revoir sa
tendre gouvernante Nishio-San : « Le sourire de ma gouvernante
n ’a pas changé » )35(

)33(Ibid., P.226.
)34(Le Sabotage amoureux". Albin Michel, Paris, 1993, p.30.
)35(Philippe Duffay, « L’enfant terrible de la littérature " le FIGARO - 7 octobre
1999. p.239.

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La conception de la faim symboliaue 308 Dr.Mona Edouard Saba

Apres I'achèvement de ses études, l’auteur devait travailler


comme interprète dans une compagnie japonaise : mais elle se
heurte aux difficultés de la vie professionnelle.
Certes, le retour à la terre d’enfance constitue un échec,
une humiliation à Nothomb. Elle critique à travers son
autobiographie un système professionnel moderne qui broie
l’individu et qui met en lumière l’incompréhension entre la
société occidentale dont elle est issue et la société orientale dont
elle se croyait proche par la connaissance de la langue et le séjour
inoubliable de l’enfance. Ainsi, l’écriture tisserait le lien de la
faim-symbolique ,-entre ses deux expériences, celle du corps et
celle de l’esprit. Cela commencerait à Bruxelles, cité
paradoxalement inconnue et incompréhensible pour elle. Écrire
tiendrait alors d’un processus d’élucidation qu’elle étendraît
ensuite à sa propre vie, dans la série de ses romans nourris par
l'autobiographie pour décrire ses affamées de savoirs.
Finalement, ce déplacement continuel vécu dès sa tendre
enfance traduit l’exil et le besoin de surere pour l’auteur tout au
long de ses déplacements. Cet exil imposé par un père diplomate
se place sous le signe symbolique d’un besoin difficlte:à ne
combler pas seulement au niveau d’un déplacement dans l’espace
géographique. Mais aussi d'un besoin d’une patrie, d’une mère
tendre; et d'une vie satble. c'est un cxil de l’innocence enfantine
qui est condamnée à une perpéunelle -division psychique et qui
refuse la maturité. elle avoue ce semtiment: bizarre qui souligne
son exil et dévoile sa réaction sensuelle rapide pour les besoins
des pays visités, différents par la langue, par la culture et par la
civilisation mais unis dans l’humanité en disart:

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La conception de la faim symboliaue 309 Dr.Mona Edouard Saba

« J’ai fini par comprendre que ma seule vraie


l’exil » )36(

2) Ses traumatismes d’adolescence liés à ses troubles psychiques


et à ses troubles nutritives L’auteur ne cache rien du traumatisme
de son existence, que l’on pressentait déjà dans ses précédents
romans : l’âge d’or de l’enfance est tué par le fantôme de l’âge de
l’adolescence, qui rend le corps abominable et embrouille
l’esprit.
Amélie échappe à l'emprise des enfants curieux qui ont
voulu voir :
)37(
« si elle était blanche partout» . La fillette ébranlée
récupère alors un à un ses vêtements, mais pas son honneur. La
blessure narcissique qu’elle ressent est d'autant plus importante
que c’est la seconde fois qu'elle est rejetée, de façon figurée, par
ce Japon adoré qui lui sert d'ancrage identitaire. La crainte de
changer de corps, d’affronter la métamorphose de la puberté
angoisse terriblement la petite fille innocente qui affronte le
monde complexe des adultes.
La puberté, période de grands bouleversements et
d'individuation, réactive les enjeux œdipiens et marque l'entrée
de la jeune personne dans la phase génitale. Les changements
physiques au corps sont mal accueillis par la jeune adolescente.
Amélie devient masochiste pour anéantir ces changements
inacceptables de sa part à cause de sa blessure du viol. "

)36(Lambron Marc, " l'assomotiom d'Amélie » entretien, Le Point", 25 août


1996.in (www.tesionline.it/ nothomb.pdf).
)37("Biographie de la faim».. P.66

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La conception de la faim symboliaue 310 Dr.Mona Edouard Saba

«Mon corps se déforma. Je grandis de douze centimètres


en un an. II me vint des seins, grotesques de petitesse, mais
c'était déjà trop pour moi : j’essayai de les brûler avec un
briquet, comme les amazones s’incendiaient un sein pour
mieux tirer à l’arc; je ne réussis qu’à me faire mal....je
buvais pour oublier que j’avais treize ans (...) J’étais
immense et laide, je portais un appareil dentaire ». )38(

Dans «Biographie de la faim ». Amélie Nothomb décrit


son existence entre 11 et 16 ans comme une période riche en
transformations physiques anxiogènes et en migrations
déstabilisantes. Vécue dans des pays d'une extrême pauvreté
comme le Bangladesh et l'Inde, l'adolescence sera, pour la
protagoniste, l'occasion d'un repli sur soi et d'un rejet de la
nourriture, Devenue anorexique à l'âge de 13 ans et demi, la
jeune fille dévore avec une grande appétit la lecture des livres
sous une forme d'amnésie mentale.
Elle établit un combat féroce contre la faim. Influencée par
la misère des pays visités, elle pratique des exercices de faim. Sa
devise était :
« Au Bangladesh, on m’avait appris que la faim était une
douleur qui disparaissait très vite : on en subissait les effets
sans plus en subir la souffrance. » )39(

Ainsi, la boulimie ou la faim incessante du coips se


symbolise par une obésité visiblement malsaine. De même

)38(ibid. p.205.

)39(ibid, P.210.

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La conception de la faim symboliaue 311 Dr.Mona Edouard Saba

l’auteur réussit à peindre la monstruosité de l’être humain qui se


métamorphose en coips déformé par la faiblesse ; ce qui mène
graduellement à un lent suicide et représente donc une forme de
mort. Ainsi, « Biographie de la faim » se situe bel et bien entre le
dégoût et le rire, l’apocalypse et le carnaval de la vie et de
l’existence chimérique qui se modifient autour de nous sans
cesse.
A l’âge de treize ans, elle lutte contre les besoins
alimentaires de son corps. Elle devient squelettique :
« La faim fut lente à mourir au creux de mon ventre. Son
agonie dura deux mois qui me parurent un long supplice
(...) après deux mois de douleur, le miracle eut enfin lieu :
la faim disparut, laissant place à une joie torrentielle.
J’avais tué mon corps. Je le vécus comme une victoire
ipoustouflante. Je devins squelettique. » )40(

La narratrice évoque les trouves psychiques qui aboutissent à


l'horreur anorexique:
« A quinze ans, pour un mere soixante-dix, je pesais trente-
deux kilos. Mes cheveux to: baient par poignées. Je
m'enfermais dans la salle de ba pour regarder ma
nuditérj'étais un cadavre. Cela me fascinait.» )41(

Pour réaliser ses attentes, elle considérait la nourriture


comme un facteur de culpabilité. Elle a affronté les doreurs de la
faim et a annoncé la haine de son corps.

)40(ïbid.P.211.
)41(ibiA,P219.

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La conception de la faim symboliaue 312 Dr.Mona Edouard Saba

. L’auteur explique dans un colloque organisé par Marck Lee à


l’université d’Edimbourg que :
«Manger, c’était le diable, c’était le mal. Et forcément une
personne grosse était une personne qui était très entourée
par le mal parce qu’elle avait beaucoup mangé. Donc
l’obèse était pour moi une personne diabolique, maléfique.
» )42(

En dérivant les nuances de ces conflits qui l’orientent à


rêver d’un corps idéal. Amélie déclare sa stratégie pour la mise
en œuvre de cette anorexie mortelle :
« Je pouvais ne rien avaler pendant quatre jours consécutifs,
en dehors d’un verre d’eau. Et même le verre d’eau me
faisait culpabiliser. Et mon repas après ce jeûne était un
pamplemousse. » )43(

En effet, Nothomb discute la problématique de l’anorexie,


qui devient à la mode aujourd’hui à travers les pays du monde,
surtout pour les filles, dans un entretien avec Jules Delvaux et
donne les raisons suivantes :
« Les filles sont plus victimes que les garçons de l'anorexie,
parce que malgré le féminisme, malgré tous les progrès que
l'on voudra, elles sont quand même davantage jugées en
fonction de leur corps. Une fille laide est davantage pénalisée

)42(Marck Lee, colloque organisé sur Amélie Nothomb à l’université


d’Edimbourg, 9-10 novembre 2001, sous la direction de Susan Bainbrigge, publié
en 2003.PP.142-153.

)43(Amanieux, Laureline, 'Un entretien avec Amélie Nothomb' (27 Avril 2001) in
<http://www.membres.lycos.fr/fenrir/nothomb.htm>.

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La conception de la faim symboliaue 313 Dr.Mona Edouard Saba

qu'un garçon laid. C'est toujours cet éternel problème du


corps méprisé, du corps non assumé, du corps vu comme
quelque chose de honteux et qui devrait donc idéalement
disparaître. L'anorexie, c'est cela. C'est le désir d'escamotage
pur et simple du corps. Moi, je l'ai vécu comme tel. J'ai vécu
cette anorexie comme le désir de tuer mon corps. » )44(

L’anorexie, d’après l’auteur, mène à une nouvelle estime de


soi, celle de dépasser les besoins du corps pour donner à l’esprit
toute la suprématie et pour retrouver l’intégrité du corps qui
craint tout ce qui provient de l’extérieur. Elle est convaincue que
tout ce qui vide le corps est considéré comme hygiénique et
sanitaire.
L'anorexie, qui vise à nier le destin biologique de la chair,
accentue la division et le décalage commencé chez Amélie par la
dislocation de l'adolescence. Or, lorsque le corps élimine les
graisses, l'esprit se met à stocker de l’information par un effet
d'homéostasie typique de ce désordre alimentaire. Faute de se
nourrir, la protagoniste décide donc de « manger tous les mots»
(p.212). Mue par une pulsion déséquilibrée d'avidité, elle se lance
dans de grands projets intellectuels qui participent, à notre avis, à
sa problématique de ''incorporation. Amélie entreprend de lire le
dictionnaire de A à Z.
D’après l’étude de Laureline Amanieux, «Amélie Nothomb
l'étemelle affamée ». Amélie adolescente, superpose le corps et

)44(Entretien de Jules Delvaux " Amélie Nothomb écrivain belge" Septembre


2005. Les entretiens de Jules Delvaux regroupés avec Amélie Nothomb en
Septembre 2005.P. P.P.51-65 in (laplumeardennaise.ifrance.com/ nothomb.pdf)

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La conception de la faim symboliaue 314 Dr.Mona Edouard Saba

l’esprit, et élimine la parole de l’ennemi intérieur, toutes les


souffrances morales. Le corps, dans l’anorexie, lui donne
l’illusion que le seul problème réside dans son contrôle. Elle
déclare :
« Ainsi la faim qui devait imposer un supplice au corps finit
par lui apporter une vraie jouissance, qui prend surtout sa
source da la fierté de pouvoir vivre sans manger (...) Si le
besoin alitaire est anéanti, le corps n'en ressent pas
moins le désir de dévorer. » )45(

La narratrice soutient qu’à force d'être alimenté, son corps


reprend peu à peu une apparence normale. Elle commente:

«Je le haïs autant que l'on peut haïr.» )46(

L'univers de l’adolescente, restreint par la maladie, est


désormais contenu tout entier dans la chambre qu'elle partage
avec Juliette. Amélie ne peut d'ailleurs plus quitter lé lit, les
souffrances digestives reliées à la guérison étant inhumaines. La
fin du projet anorexique laisse sa protagoniste à demi morte,
esseulée, et tenaillée par un sentiment d'incomplétude causé par
une absence de délimitation psychique stable entre elle et
l'extérieur.
Elle perçoit l’adolescence comme le premier trépas de
l’être humain, période sombre et pessimiste puisqu’elle y perd
son innocence : victime de plusieurs tragédies dont un viol, une
série de migrations forcées et des troubles alimentaires, qui

)45(Amanieux (Laureline) "op.cit, "P. 192.


)46("Biographie de la faim"p.223.

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La conception de la faim symboliaue 315 Dr.Mona Edouard Saba

auraient sans doute fait d'elle un ermite si elle n'avait eu la


compagnie de sa sœur Juliette. L'insertion d'anecdotes comiques
ou de passages plus poétiques contribue à moduler l'atmosphère
de la narration, faisant souvent passer le lecteur du sérieux au rire
et à l'attendrissement. Sans perdre de vue sa mélancolie,
Nothomb évoque d’autres thèmes qui traversent ses souvenirs
tels que la peur, l’angoisse, le néant et le vide.
Les débuts de sa vie présentent une quête d’harmonie dans
l’hybridité culturelle. Elle souffre de la xénophobie et du manque
de relations harmonieuses, d’où son recours à récriture pour
donner un sens à l’absurdité de l’existence.
L'immigration d'Amélie au Bangladesh constitue le point
de départ d'une longue déchéance qui la conduira au seuil de la
mort à l'âge de 15 ans et demie. Confrontée aux paysages du tiers
monde, la fillette ne peut supporter le trop-plein de dénuement du
Bangladesh, bravant à bicyclette les rues « pleines de gens en
train de mourir )p 0).

Horrifiée, elle se claustre chez elle pour ne plus en sortir.


La narratrice explique:
«C'était devenu un gag: à n'importe quelle heure du jour, on
pouvait être sûr de nous trouver, Juliette et moi, affalées sur le
canapé (...)La seule transhumance consistait, le soir, à
rejoindre son lit. » )47(

Dès lors, l'espace se rétrécit pour Amélie et sa sœur, qui se


cloîtrent à l'intérieur du bunker où elles résident. Faute de

)47(Ibid., p. 176.

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La conception de la faim symboliaue 316 Dr.Mona Edouard Saba

pouvoir fréquenter une école, elles suivent leurs cours par


correspondance. Elles se trouvent bientôt en situation
d'isolement, oubliées par les camarades de New York et privées
de rapports avec des pairs.

Elle éue au cours du récit ce combat avec soi-même, qui


avait culminé dans les deux épisodes, également dramatiques et
fantastiques, d’un viol et d’une anorexie. Elle se croit l’innocente
coupable qui n’a pas commis de péché, mais qui vit le sentiment
de la culpabilité jour et nuit sans fin.
A cet âge, d’après I auteur, l’anorexie était une grâce. Plus elle
maigrissait, plus elle évoquait la richesse spirituelle des ascètes.
Elle commença à étudier le dictionnaire en entier. Elle avoue que
ses activités intellectuelles deviennent de plus en plus intenses :
« Je me rappelais l’été de mes treize ans : j’étais une larve
dont il ne sortait rien. A présent que je ne mangeais plus,
j’étais d’une activité intense. J’ai vaincu la faim et je
jouissais désormais de
l'ivresse du vide. En vérité j’étais le paroxysme de la faim :
j’avais faim d’avoir faim. » )48(

Elle ne cesse d’accumuler tout le long de son


autobiographie ses traumatismes indélébiles qui ont marqué
profondément son existence. Tout d'abord, elle se décrit comme
alcoolique à huit ans. Deuxièmement anorexique à quinze ans.
Ensuite, adulée par ses camarades de classe à dix ans. Et enfin
victime d’un viol collectif à douze ans. Tout cela est raconté sans

)48(ibid, P.217.

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La conception de la faim symboliaue 317 Dr.Mona Edouard Saba

aucune émotion. Sa vie a-t-elle été d’une si grande souffrance


qu’elle se soit forgée une apologie de débauche distinguée ?
Dans cette optique, on peut envisager la consommation de
sucre ei d'alcool comme une transgression de la Loi maternelle
sévère. Le plaisir alimentaire est donc pris contre elle, en dépit
des interdictions répétées. Par ailleurs, on a pu constater que
l'alcoolisme développé par Amélie lui permet d'exprimer sa
révolte et sa contestation pour affirmer son existence
indépendante et libre.
Au Bangladesh, un viol collectif, sous-marin, iui coupe à jamais
l’envie de se baigner. Elle se rappelle que sa mère l’avait
)49(
accompagnée à la mer. Il n’y avait personne. Sa mère et
Juliette restaient ogées sur le sable mais hélas! Elle se rappelle
comment a eu ce viol inattendu
« Un jour, comme j’étais dans l’eau depuis des heures,
très loin du rivage, mes pieds furent attrapés par des
mains nombreuses. Autour de moi personne. Ce devait
être les mains de la mer (...) Les mains de la mer
remontèrent le long de mon corps et arrachèrent mon
maillot de bain (...) Les mains de la mer écartèrent mes
jambes et entrèrent en moi, a douleur fut si intense que
la voix me fut rendue. hurlai (...) Au loin, on vit sortir
quatre Indiens de vingt ans, aux corps minces et
violents. Ils s’enfuient à la course. Ils ne furent jamais

)49(0 COX’S BAZAR : ancienne station balnéaire du temps de la colonisation


anglaise.

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La conception de la faim symboliaue 318 Dr.Mona Edouard Saba

retrouvés. On ne me vit plus jamais dans aucune mer. "


)50(

Cette blessure, ce traumatisme impérissable, marque


brutalement le début de l’adolescence, même si elle ne décrit pas
en détail l’ensemble de ses souffrances psychologiques.

L’angoisse d’Amélie se révèle par la peur incertaine, la


terreur inexplicable. Elle dévoile ses sensations :

« Peur de quoi, je n’en savais rien (...) La terreur


augmentait ma faim. Je mettais les bouchées doubles.
J’embrassais le monde jusqu’à l’étouffement. La neige
aussi je voulais la manger (...) Je choisissais une belle
neige épaisse, poudreuse et vierge, je versais dessus la
portion, je sortais ma cuiller et je mangeais jusqu’à me
saouler. » )51(

La vie d’Amélie constitue une lutte constante contre ce


néant de vie qui demeure son principal ennemi .Tout au long de
sa vie, ce néant la poursuit comme un fantôme, d’après Laureline
Amanieux :

« Ce néant se travestit dans une profonde angoisse du


morcellement, menace perpétuelle sur son intégrité

)50(Biographie de la faim" p.p.192-193.


)51(ibid.„p.p..l24-125.

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La conception de la faim symboliaue 319 Dr.Mona Edouard Saba

physique et son identité psychique. Amélie se reconnaît


dans les récits teintés d’humour Noir. » )52(

Amélie réalise très jeune que l’existence se place sous le


signe de la dépossession. Elle ne cesse de la romancer en
transformant le quotidien de la vie en événement sublime :

«Je suis obsédée par la mort depuis que je suis toute petite.
L’idée de la mort des gens qui me sont proches a toujours
été pour moi un sujet de cauchemars sans fin. » )53(

L’auteur commence à avoir « des pensées tellement


nauséabondes » qu’elle ressent «des envies de meurtr La nuit,

déclare-t-elle,« Lorsque je ne trouve pas sommeil, toutes mes


pensées tournent autour de la mort et du cadavre. C’est
insupportable. » )54(

L’auteur avait faim de Nishio-San, sa douce gouvernante,


de sa sœur, de sa mère, et son père. Elle avait faim de leur

)52(Amanieux Laureline, "Amélie Nothomb l'étemelle affamée", op.cit, p.24.


)53(ibid., p. 96.
)54(Entretien entre Mvlène Farmer et Amélie Nothomb. « Vogue » (Allemagne) :
mars 1995
. ( C'est avec un pas plein d'entrain qu'Amélie Nothomb entre dans la suite de
l'hôtel parisien " le Crillon " où elle a rendez-vous pour un entretien avec Mylène
Fumer. La chanteuse est déjà là. Amélie déborde d'énergie. Mylène parait timide et
fragile. L'écrivain raconte à quel point elle s'est réjouie de cette rencontre Lorsque
"Vogue’ m'offrit la possibilité de rencontrer la personne de mon choix, je n'ai pas
hésité une seule seconde. "Les deux jeunes femmes.rapprochent spontanément leur
fauteuil ; toutes deux parlent d’une voix bas
in.(membres.multimania.fr/fenrir/nothomb/vogue.htm}

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La conception de la faim symboliaue 320 Dr.Mona Edouard Saba

tendresse. Elle éprouvait le plaisir de les avoir à jamais auprès


d’elle :

« J’avais besoin qu'elles me prennent dans leurs bras, qu


'elles me serrent, j ’avais faim de leurs yeux posés sur moi
J'avais faim du regard de mon père, mais pas de ses bras.
Mon lien avec lui était cérébral. » )55(

Auprès de sa bonne gouvernante, Amélie connaît un


premier contact maternel érotisé, rejouant ce qu'aurait dû être la
relation à la mère biologique peu après la naissance. Les soins
apportés par Nishio-san concernent d'abord la nourriture. La
narratrice raconte :

«Si je manifestais le de ir de manger dans son assiette, ce


qui était fréquent, vu que je préférais sa nourriture à la
mienne, elle ne touchait plus à sa pitance: elle attendait
que j'aie fini avant de recommencer à s'alimenter. » )56(

C’est également par sa disponibilité et ses caresses que Nishio-


san devient mère de remplacement pour Amélie:

« à tout instant, si je le lui demandais, elle abandonnait son


activité pour me reprendre dans ses bras, me dorloter, me

)55(ibid., p.52.
)56("Métaphysique du tube", op. cit.. p.55.

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La conception de la faim symboliaue 321 Dr.Mona Edouard Saba

chanter des chansons où il étau question de chatons ou de


cerisiers en fleurs. » )57(

La narratrice déclare que Nishio-san la consolait longuement


de ses chagrins inexistants. L’enfant en viendra à s'identifier à sa
gouvernante adorée, sa «deuxième mère », décidant qu'elle est
elle-même japonaise. Amélie acquiert à la fois à travers cette
relation émotionnelle une identité nationale et un langage plus
signifiant, qui lui évitera de subir des épisodes mélancoliques
durant l’enfance.

La fillette déracinée se trouve dans un état de fragilité


psychique extrême. Elle a perdu plusieurs objets significatifs et
protecteurs dont elle doit maintenant faire le deuil. Abandons %
pLr le maternel adoré, elle est maintenant à la merci de Danièle
et de l’autorité mortifiante qui la caractérise. Quand ses parents
ont décidé de quitter le Japon, ce fut un drame de quitter sa
gouvernante :

« J'avais beau savoir depuis longtemps qu’un tel drame


allait se produire, je n’y étais pas préparée. Pouvait-on
s’armer contre la fin du monde ? Quitter Nishio-san, être
arrachée à cet univers de perfection, partir pour l’inconnu
(...) Le moment fatidique survint : il fallut monter dans la
voiture qui partait pour l’aéroport. Devant la maison,
Nishio San s’agenouilla à même-la rue Elle me prit dans

)57(ibid., p. 57.

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La conception de la faim symboliaue 322 Dr.Mona Edouard Saba

ses bras et me serra autant que l’on peut serrer son enfant.
» )58(

Cette séparation, c’est l’apocalypse pour Nothomb qui


reçoit la nouvelle de sa mère : confrontée à la perspective de ce
départ brutal, Amélie se projette pour la première fois dans un
futur engloutissant. Elle s'imagine rejetée par sa terre maternelle
aimée et avalée par une mère/mer mortifère contre laquelle ne
pourra plus la protéger la douce Nishio-san :

« L’univers s'effondra sous mes pieds (...) Ma mère n'avait


pas l'air de se rendre compte qu'elle m'annonçait
l’Apocalypse (...) J'étais dans la mer, j'avais perdu pied,
l'eau m'avalait, je me débattais, je cherchais un appui, il n'y
avait plus de sol nulle part, le monde ne voulait plus de moi
» )59(

Amélie .éprouve une passion déjà intense pour sa sœur


Juliette. Amélie a alors 13 ans, Juliette, deux ans et demi de plus.
Les deux sœurs, unies par une relation fusionnelle, quasi
inséparable, elles se replient I’ une sur l’autre :

« Ma sœur était la seule réalité vraiment stable dans tout


cela puisqu'elle était la seule personne qui était toujours

)58(ibid., p.69-70.
)59("La Métaphysique du tube". p.p..123-124.

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La conception de la faim symboliaue 323 Dr.Mona Edouard Saba

avec moi, ce qui explique mon profond attachement pour


elle. » )60(

L’auteur décrit dans « Biographie de la faim » la


compréhension mutuelle entre les deux sœurs, qui passe par le
silence :

«J'avais faim d'un cataclysme, Juliette aussi. Nous n'en


parlions pas. Nous étions déjà à ce stade qui est toujours
le nôtre : nous n'a vions plus besoin de nous parler. Nous
savions ce que vivait l'autre : la même chose. [...] Au
Bangladesh, on m'avait appris que la faim disparaissait
très vite: on en subissait les effets sans plus en subir la
souffrance. Forte de cette information, je créai la Loi: le 5
janvier 1981, jour de la Sainte- Amélie, je cesserai de
manger.» )61(

Dans les moments d'angoisse et de solitude, sa sœur


participe en silence surtout au Bangladesh :

« Ma sœur partagea mon silence. Nous avions trop


conscience de notre statut privilégié pour oser dire un
mot (...) Juliette et moi nous ne faisions plus que lire.
Affalées l’une contre l autre sur le canapé, nous lisions,

)60(D'après Laurdine Amanieux: l'étude de Lambert Stéphane sur Nothomb dans


Septembre 2001.p.9. "l'éventail"
)61("La biographie de la faim"p.p.209-210.

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La conception de la faim symboliaue 324 Dr.Mona Edouard Saba

elle : dialogues de bêtes, moi : le Comte de Monte -Cristo


(...) Notre processus de ressemblance, nous ne l’avions ni
décidé ni remarqué. Vivre à deux sur le même canapé
favorisa ce phénomène. Nous grandissions sur le modèle
du double" )62(

Malgré son entourage et ses voyages, elle souffrait de la


solitude. Elle dévoile cette réalité à maintes reprises :

« Je n’avais pas faim des autres enfants. Je n’avais rien


contre eux ; ils ne suscitaient en moi aucun appétit
d’aucune sorte. » )63(

Obsédée par l'abandon, elle se dit « abandonnique ». Elle


a eu des parents merveilleux, mais elle avait plus faim que les
autres. Elle voulait davantage d'affection. Elle avoue :

" Je me réveille tous les matins en me disant que je n'ai rien


et qu'il va falloir me donner beaucoup de mal pour avoir
quelque chose (...) J’avais faim et je me créais des univers
qui, certes ne me rassasiaient pas, mais qui déclenchaient du
plaisir où il y avait de la faim" )64(

Elle n’a pas réussi à séduire les autres et elle constate que
l’assemblage de toutes ses lacunes psychiques a probablement
fait son énergie.

)62(ibid. p.177-178.
)63(ibid. p.52.
)64(ibid. p.138.

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La conception de la faim symboliaue 325 Dr.Mona Edouard Saba

« Je n'avais pas d'ami {...).et ne cherchais pas à en avoir.


»)65(

À New York, elle constate tristement:

«J’étais toujours la seule belge de la classe. » )66(

Nothomb découvre que la bienheureuse solitude de sa petite


enfance joue un rôle prépondérant dans le vide existentiel de sa
vie.

« Le regard admiratif de sa nourrice japonaise ou de ses


amies new-Yorkaises s’efface au profit d’un isolement cruel.
L’effondrement l’atteint en profondeur. Elle entre dans les
confins du néant, celui que l’enfance impétueuse avait si
brillamment exorcisé. Elle perd ce sentiment intime et
fabuleux d’exister. Ses parents, très engagés au Bangladesh,
ne peuvent lui donner l'attention dont elle ressent le besoin. »
)67(

Le traumatisme de son histoire personnelle s’allie à celle des


autres, et se fusionne à celle du monde, le cercle de
l’autobiographie va ainsi s’élargir pour reconstruire le « moi »
dispersé et fragmenté fonctionnant à la fois comme miroir pour
refléter les détails dispersés de la vie de l’auteur affamée, blessée

)65(ibid. p.65.
)66(Ibid., p.111

)67(Amanieux Laureline, Amélie Nothomb. l'éternelle affamée, p.p.102-103.


Biographie de ia faim", p.p.24-25.

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La conception de la faim symboliaue 326 Dr.Mona Edouard Saba

qui confesse ses troubles et ses faiblesses durant la période de


son adolescence vécue sous forme d'une quête de soi individuelle
qui se double d’une quête universelle..

3- Ses impressions personnelles attachées au sujet d’une faim


mondiale et universelle.

L’auteur, au cours de cette autobiographie, braque la


lumière sur des détails mondains, mais dévoile entre lès lignes
ses impressions personnelles sur les simples détails médiocres de
ce monde chaotique et instable.

La narratrice, dès sa tendre enfance, se trouve forcée de


suivre ses parents aux quatre coins du monde, mais tout cela est
raconté et vu par les yeux d’une petite fille de 10 ans, avec les
mots raisonnables d'une jeune femme. Avec cet humour ironique
et souvent moqueur à travers lequel elle nous a transmis les
fragments de sa vie, elle évoque ses délires nutritifs basés autour
des sucreries et la descente progressive vers l‘anorexie; mais elle
sait aussi quelquefois glisser une petite phrase de rien du tout, qui
évoque les attouchements sexuels qu'elle a subis au Bangladesh,
un jour qu'elle se baignait.

Dans ses premières pages, elle constate que l’humanité


dans ce monde instable se divise en deux catégories, sur le seul
critère de la faim et - de la surfaim :

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La conception de la faim symboliaue 327 Dr.Mona Edouard Saba

" On ne sait pas pourquoi certains naissent affamés et


d’autres rassasiés. C’est une loterie. » )68(

Ces interrogations indirectes dévoilent l’état de perturbation


qui hante son âme d’enfant et présente une vision étrange sur
l’insécurité du monde et sur la famine mondiale des pays
pauvres..

Son écriture autobiographique, s'arrêtant souvent sur des


détails "inutiles", ne semble même pas donner accès à l'essentiel
de la personnalité de l’auteur, à son égarement dans ce monde et
à son incapacité de déchiffrer l’énigme de son existence. André
Maurois déclare dans « Aspects de la biographie » :

« Il semble que l'autobiographie, au lieu d'ouvrir le


chemin de là connaissance de soi, engage son auteur
dans le sens d'une infidélité à soi-même impossible à
éviter" )69(

L’humour est souvent présent dans les descriptions de la


situation politique et sociale des pays où elle séjourne au gré des
mutations de son père diplomate. Elle nous présente un panorama
senti et vécu de pays très différents par leur nature, mais
identiques au niveau des besoins humains.

)68(Biographie de ia faim", p.p.24-25.


)69(André Maurois, “Aspects de la biographie". Paris. Au sans pareil, 1928.
Citation rapportée par Marie-Claire Grassi, " Rousseau. Amiel et la connaissance
de soi ". in Autobiographie et fiction romanesque. Actes du Colloque international
de Nice. 11-13 janvier 1996, p. 229.

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La conception de la faim symboliaue 328 Dr.Mona Edouard Saba

La ville de New York, de son côté, est décrite comme «la


liesse », une réjouissance collective, un lieu exubérant, fiévreux
malgré l’absence de la nature. Elle considérait cette période
d’enfance au milieu du chaos de cette ville comme une folie :

« J’ai été pendant trois ans (de 8 à 10 ans) me enfant qui


vivait à New York comme une folie» )70(

Elle avoue la totalité de ses dérogations, surtout l’ivresse de


l’alcool :« ... Je rejoignis au salon mon père qui me servait un
whisky pour trinquer avec lui » )71(

Elle ne cesse d’évoquer entre les lignes ses sensations et ses


impressions personnelles d’un pays à l’autre et d’un chapitre à
l’autre, elle dévoile son plaisir ou bien son déplaisir en présentant
des descriptions qui reflètent clairement sa propre pensée.

« New York, ville peuplée d’ascenseurs supersoniques que je


n'avais jamais fini d’essayer, ville de bourrasques si fortes que
je devenais un cerf-volant parmi les coiffures des gratte-ciel,
ville de débauche de soi, de la recherche immodérée des
propres excès, de ses profusions intérieures, ville qui déplace
le cœur de la poitrine à la tempe sur laquelle est braqué en
permanence le revolver du plaisir : « Exulte ou crève. » )72(

)70(ibid., pl03
)71(ibid. p. 116.
)72("Biographie de la faim", p.p.106-107.

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La conception de la faim symboliaue 329 Dr.Mona Edouard Saba

Le Bangladesh, quant à lui, est un pays ravagé par la misère et la


faim. :

« En 1978, le Bangladesh était une rue pleine de gens en train de


mourir.» )73(

C’est à travers ce parcours d’un pays à l’autre que la place


de la faim trouve sa place selon le besoin de chaque pays cet état
de manque se métamorphose à l’appétit de vivre , à l’appétit de
remédier les lacunes des peuples opprimés à travers le monde.

L’auteur n’a pas hésité à donner toutes les clés qui


dévoilent son rapport avec la faim. La faim qui se métamorphose
du particulier vers le général et qui révèle sa vision dualiste du
monde, ses impressions et ses expériences vécues avec le monde
réel et chimérique pour révéler l’instabilité d’un monde
indéchiffrable. Son écriture dessine un univers qui n’ a pas de
limite : oscillant tout le long du roman à travers des récits situés
dans des lieux divers, des pays orientaux et des pays occidentaux
, un temps flou ; où c’est difficile de distinguer une vérité
concrète.

La fusion entre le pacte autobiographique et le pacte


romanesque tisse les impressions et les souvenirs personnels
d’une femme exceptionnelle qui a découvert la genèse d’un
monde très tôt à travers ses voyages. Nothomb aboutit à une
forme d'expression riche et diversifiée, afin de se définir à travers

)73(ibid, p.170

Journal of the Faculty of Education (literary section) VoLXV,N0.2 2009


La conception de la faim symboliaue 330 Dr.Mona Edouard Saba

les souvenirs de ses récits d’enfance et à travers le monde. Pour


parler de la faim et de la soif, réelles ou symboliques* elle
réinvente un langage personnel et intime : celui du corps et de
l’âme.

Le mystère de la faim devient un sentiment


d’inassouvissement et, joyeuse ou tragique, une quête perpétuelle
et angoissante, quête étemelle d’un accomplissement
inaccessible. Elle propose un récit modeste et sincère, teinté d’un
langage personnel simple et d’une vision universelle.

Conclusion

Cette «Biographie de la faim » n’a pas de fin, c’est le désir


renouvelable de l’écrivain qui prouve qu’elle n’est jamais
rassasiée de cette vie et de ce monde qui l’entourent. Elle
exprime à travers sa biographie le terrible paradoxe de
l’existence et dégage une perception fatale où l’absolu et sa
dérision se côtoient pour marquer à jamais le combat continuel de
l’être humain contre la faim ou l’existence pacifique dans ce
monde.

C’est une faim encyclopédique et universelle. Elle révèle


dans « Biographie de la faim » sa propre conception :

« La:faim c’est vouloir, c’est un désir plus large que le


désir. Ce n’est pas la volonté qui est force. Ce n’est plus - .
une faiblesse, car la faim ne connaît pas la passivité,

Journal of the Faculty of Education (literary section) VoLXV,N0.2 2009


La conception de la faim symboliaue 331 Dr.Mona Edouard Saba

l’affamée est quelqu ’un qui cherche (...) On ne sait pas


pourquoi certains naissent affamés et d’autres rassasiés.
C’est une loterie. » )74(

D’après Laureline Amanieux dans « Amélie Nothomb


l'éternelle affamée ». la vie de l’auteur présente un balancement
entre le recto et le verso de ce monde :

« Oscillation entre le plein et le vide, entre i’abondance et


l'absence, entre le don et le retrait. C’est dans ce
balancement d'un excès de l’autre, de la perte au
recommencement, que la faim peut rester intacte, et que
la romancière peut être entraînée dans un mouvement
continuel d’aspiration où le vide laissé dans l’être
relance continuellement l’appétit de vivre. » )75(

L’ensemble des récits éparpillés du roman forme un


corps idéal de mots pouvant se substituer au corps déformé
et haï de la romancière, nourri par la fécondité littéraire. Elle
métamorphose ses angoisses et ses ténèbres en source de vie
permettant d’accomplir enfin l’image d’autosuffisance de
l’enfance.

Ode à la faim, ce livre présente un apprentissage hardi et


chaleureux de l’acceptation de ce monde ambigu. Amélie

)74(Ibid. p.p.24-25.
)75(Laureline Amanieux, "Amélie Nothomb l’étemelle affamée" ,op.cit, p.262.

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La conception de la faim symboliaue 332 Dr.Mona Edouard Saba

réclame à travers cette autobiographie la liberté absolue. En


permanence, la référence à la nourriture et surtout aux sucreries
représente un support du changement de la matière en esprit, en
création. Un rythme enivrant suit la découverte de ces richesses,
jusqu’à la rupture de la fin de l’enfance, qui marque fortement
Amélie et brise la structure du récit, de plus en plus elliptique.

La période de l’adolescence a bouleversé les critères


normaux de la vie de l’auteur qui est devenue sombre suite à
l’incident du viol. Elle mènera une vie plus compliquée et
plus difficile. Elle perdra désormais sa confiance en autrui.

Après le viol des mains de la mer, « la vie devint moins bien


)76(
» . La romancière brise ainsi le pacte qu’elle avait noué avec
soi-même dix ans plus tôt, de ne jamais s’approcher de l’âge
adulte. Elle pratique une plongée organisée dans l'abject ou
l’immonde, non pas pour se culpabiliser de sa faiblesse, mais
pour se purifier et se fortifier par l’acte d’écriture, pour sauver
son âme, et pour reprendre son pouvoir d'écrivain.

« Biographie de la faim » possède en effet un enjeu


similaire : déterminer la frontière de ce monde chaotique et
instable.

Ce livre ne présente pas une amnésie pure, mais plutôt une


inclination à l'amnésie. Cette hypothèse serait d'ailleurs confortée
par le fait que l'auteur, sensible et humaine, n'est pas un génie

)76(Nothomb Amélie "La bioeraphie de la faim " P.193.

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La conception de la faim symboliaue 333 Dr.Mona Edouard Saba

scientifique, mais bien une artiste mettant «sa mémoire et ses


souvenirs indélébiles » au profit de son projet littéraire
autobiographique.

La faim présente à l’auteur le critère même de son identité


altérée sans cesse, mais toujours éveillée. Ce récit d'initiation
donne en effet au corps le premier rôle. C’est un récit où le:
marques du corps deviennent marche vers une connaissance
supérieure, ou parfois trop humaine.

Le désir de la vie élargit la conception de la faim chez


Nothomb, qui trouve le besoin de se rassasier sans cesse de la
vie, de la nourriture, du voyage, de la culture, de l’amour et de la
tendresse. L’écrivain arrive donc à dépasser la face assoiffée de
l'écriture de la douleur pour en faire une écriture du plaisir,
originale, limpide et efficace, qui s'allie à un univers
autobiographique déjà singulier. L’opposition dans ses récits
entre beau et laid, entre gros et maigre, entre bien et mal, résulte
en fait de cette culture variee et instable qu’elle a connue :
américaine, japonaise, chinoise, belge, française et merne
orientale.

Une double voix intérieure la mène au néant pour annoncer


ce terrible paradoxe d’existence.

Au fil des migrations, Amélie fait de son propre corps un signe


capable d'exprimer sa douleur mélancolique dans une langue
universelle ne dépendant pas des contenants culturels toujours
changeants auxquels elle doit bien malgré elle, s'adapter. À la
frontière de l'âge adulte, la jeune Nothomb se trouve sans repère

Journal of the Faculty of Education (literary section) VoLXV,N0.2 2009


La conception de la faim symboliaue 334 Dr.Mona Edouard Saba

dans le pays de ses ancêtres où elle est incapable de déchiffrer les


références sémiotiques qui l'entourent. Elle expérimente alors un
état de la mélancolie pour la première fois. C'est en réponse à son
incompréhension qu'elle entame une démarche d'écriture
autobiographique qui, sans la guérir complètement, lui permet de
mieux gérer le vide intérieur qu'elle ressent en permanence, ce
qui entraînera la disparitionprogressive des symptômes
alcooliques, boulimiques et anorexiques qui l'affectaient.

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La conception de la faim symboliaue 335 Dr.Mona Edouard Saba

Bibliographie :

Corpus ;

Amélie Nothomb , Biographie de la faim. Albin Michel, Paris,


2004.

Romans consultés :

Amélie Nothomb, Hygiène de l’assassin. Albin Michel, Paris,


1992

Amélie Nothomb , Le sabotage amoureux. Albin Michel, Paris,


1993

Amélie Nothomb, Stupeur et tremblements. Albin Michel, Paris,


1999.

Amélie Nothomb, Métaphysique des tubes. Albin Michel, Paris,


2000

Oeuvres critiques

 -Amanieux Laureline, - « Amélie Nothomb L'étemelle affamée


». Albin Michel, Paris, 2005.

 Dosse, François, « Le pari biographique », Editions de la


Découverte, Paris, -2005.

 Fui Lee Luk, "Michel Tournier et le détournement de


l'autobiographie". Editions Universitaires de Dijon, novembre
2003.

Journal of the Faculty of Education (literary section) VoLXV,N0.2 2009


La conception de la faim symboliaue 336 Dr.Mona Edouard Saba

 Kobialka Margaud, " La création d’Amélie Nothomb à travers


la psychanalyse". Editions Manuscrit .com-2004.

- Lee Marck, colloque organisé sur Amélie Nothomb à


l’université d’Edimbourg. 9-10 novembre 2001, sous la direction
de Susan Bainbrigge, publié en 2003.

- Le Jeune ( Philippe) "Le pacte autobiographique "Editions du


Seuil , Paris, 1975

 Madelénat Daniel, « La biographie », Presses Universitaires de


France, 1984.

 Maurois André. « Aspects de la biographie ». Paris, Au sans


pareil, 1928.

 Amélie et la connaissance de soi ”, in Autobiographie et


fiction romanesque. Actes, du Colloque international de Nice.
11-13 janvier 1996.

 Rothe Arnold et Calle- Gruber Mireille « Autobiographie et


Biographie »Colloque Franco-Allemand de Heidelberg, Editions
A-GNizet, 1989.

 zumkir Michel, « Amélie Nothomb de A à Z. portrait d’un


monstre littéraire ». Editions ,Le Grand Miroir, coll. «Une vie »,
Bruxelles, 2007.

Articles parus dans des revues ou des périodiques :

 Jacques de Deker « Enquête sur la plus insolite de nos


romancières ». Lire NO 348, ( NO spécial sur Amélie

Journal of the Faculty of Education (literary section) VoLXV,N0.2 2009


La conception de la faim symboliaue 337 Dr.Mona Edouard Saba

Nothomb)Septembre 2006, Editions Héloïse d’Ormesson. p.p.34-


38

 Duffay Philippe, "l’enfant terrible de la littérature " le


FIGARO 7 octobre, 1999.

Entretiens :

- Entretien entre Mvlène Farmer et Amélie Nothomb , « Vogue ».


(Allemagne) Mars 1995.
in(membres.multimania.fr/fenrir/nothomb/vogue.htm)

 Entretien a vec Danièle Nothomb. 5 décembre 2003. ( extrait


de Michel Zumkir,, Édition Le grand miroir février 2004. )

 Les entretiens de Jules Delvaux " Amélie Nothomb écrivain


belge" Septembre 2005.P.P.51-65 in
(laplumeardennaise.ifrance.com/ nothomb.pdf)

 Lambron Marc , " 1' assomotion d'Amélie » entretien , « Le


Point”. 25 août 1996.in (www.tesionline.it/nothomb.pdf)

 Amanieux, Laureline, Un entretien avec Amélie Nothomb’


(27 Avril 2001) in
<http://www.membres.lycos.fr/fenrir/nothomb.htm>.

 Site Internet consulté

 Club- de l'actualité - littéraire (intervieweur) Le Club reçoit


Amélie Nothomb: Interview du 05/0912000 ». In Club de
l'actualité littéraire. 2000. En ligne. : ( consulté le 1 er décembre
2009).

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La conception de la faim symboliaue 338 Dr.Mona Edouard Saba

 « http:/www,grandlivredumois.com/

 static/aclu/rencontres/nothomb. »

 (membres.multimania.fr/fenrir/nothomb/vogue.htm )

 (laplumeardennaise.ifrance.com/nothomb.pdf)
(www.tesionline.it/nothomb.pdf)

Journal of the Faculty of Education (literary section) VoLXV,N0.2 2009


‫‪La conception de la faim symboliaue‬‬ ‫‪339‬‬ ‫‪Dr.Mona Edouard Saba‬‬

‫مفهوم اإلحساس باجلوع الرمزي‬

‫من خالل سرية ذاتية للتضرر من اجلوع‬

‫للكاتبة البلجيكية أميلى نوتومب‬

‫تعترب سية "التضرر من اجلوع" عمل أديب ذات طابع خاص ألنه يشمل سية ذاتية‬

‫شبه كاملة للكاتبة أميلي وجنحت الكاتبة من خالل هذا العمل يف عرض املتطلبات اجلسدية‬

‫اليت قد تقود إىل احتياجات اإلنسان للمعارف العليا وكافة املتطلبات اإلنسانية‪.‬‬

‫تسرد الكاتبة جممل ذكرايت طفولتها املتأثرة ابلرتحال املستمر بداية من عام ‪٠٧٩١‬‬

‫وتنتقل الكاتبة منذ طفولتها طبقا لطبيعة عمل والدها كدبلوماسي من بلد إىل آخر وهكذا‬

‫تتحول الكاتبة منذ صغر سنها حول العامل بداية من الياابن ووصوال إىل بنجالديش والوس‪.‬‬

‫ومل ترتدد الكاتبة من خالل هذا العمل يف سرد الظروف السياسية واالجتماعية‬

‫للبالد اليت عربهتا كما تنجح‪ .‬يف سرد مقتطفات متفرقة من مراحل عمرها مستندة على شعار‬

‫اجلوع ‪ ،‬وتصل بنا الكاتبة إىل حتليل أمشل وأعمق هلذا الشعار وحتوله من املعىن املادي إىل‬

‫املعىن املعنوي ‪ ،‬وتعرب الكاتبة عن سر شغفها لكل معاين احلياة اجلميلة املرتبطة ابحلياة‬

‫اإلنسانية والروحية واملعرفية فتعرتف بنهمها للحرية وحب احلياة والثقافة واملهر إىل البالد احملببة‬

‫لقلبها وخاصة الياابن وكافة الذكرايت اليت مرت مبا واملرتبطة بفرتة طفولتها وبراءهتا‪.‬‬

‫)‪Journal of the Faculty of Education (literary section‬‬ ‫‪VoLXV,N0.2 2009‬‬


‫‪La conception de la faim symboliaue‬‬ ‫‪340‬‬ ‫‪Dr.Mona Edouard Saba‬‬

‫تقدم هذه السية احلياتية نوعا من الشرود الذهين للكاتبة اليت تنتقل بنا سريعا من‬

‫فرتة الطفولة إىل فرتة املراهقة ومشاكلها وكل ما يصاحب هذه الفرتة من اضطراابت نفسية‬

‫ومتغيات ثقافية‪،‬‬

‫ومل تنسى الكاتبة من خالل هذا العمل يف عرض انطباعاهتا الشخصية لتعكس لنا‬

‫عاملا متغيا وغي مستقر مليئا االختالفات الطبيعية لتكشف لنا الستار عن أمهية اإلدراك‬

‫احلسى لإلنسان يف اختيار كل التناقضات الكامنة داخل هذا الوجود حيث تلتقي أحزان‬

‫الكاتبة مع سخريتها لتسجيل الصراع املستمر لإلنسان ضد اجلوع (االحتياجات امللحة‬

‫لتحقيق الرغبات والغرائز) أو التواجد السلمي يف هذا العامل‪.‬‬

‫)‪Journal of the Faculty of Education (literary section‬‬ ‫‪VoLXV,N0.2 2009‬‬


La conception de la faim symboliaue 341 Dr.Mona Edouard Saba

La conception de la faim symbolique

Dans « Biographie de la faim » d’Amélie


Nothomb
" Biographie de la faim " est la première autobiographie
"assumée" d'Amélie Nothomb. C’est un récit où les marques du
corps deviennent marche vers une connaissance supérieure, ou
parfois trop humaine. Amélie Nothomb décrit son enfance
influencée par le déplacement continuel d'un pays à l’autre. Elle
parcourt la terre, dans les années 70, au gré des mutations d’un
père diplomate : le Japon, la Chine, New York, le Bangladesh, le
Laos? De même elle n'hésite pas à narrer à travers ses
déplacements les descriptions de la situation politique et sociale
des pays visités.

L’intérêt de "Biographie de la faim" réside dans le fait


qu’Amélie Nothomb a choisi de raconter des morceaux
fragmentés de sa vie sous l’angle de la faim. Sa faim s'étend au
delà de la nourriture, elle se métamorphose du concret vers
l'abstrait, vers la connaissance universelle, le spirituel et le
cognitif. L'auteur narre sa faim de liberté, de la vie, des cultures,
du voyage et sa faim

du Japon et ses souvenirs enfantins innocents.

Cette biographie offre une sorte d'errance mentale de 1'


auteur et présente une autobiographie vorace donc, au hasard de

Journal of the Faculty of Education (literary section) VoLXV,N0.2 2009


La conception de la faim symboliaue 342 Dr.Mona Edouard Saba

son enfance et de son adolescence traumatisée et colorée par ses


troubles psychiques et alimentaires. Tous ses souvenirs sont liés à
ses impressions personnelles reflétant un univers changeant et
instable bourré de variétés géographiques et culturelles. Elle
exprime à travers sa biographie le terrible paradoxe de
l’existence et dégage une perception fatale où l’absolu
mélancolique et sa dérision se côtoient pour marquer à jamais le
combat continuel dé l'etre human contre la faim ou 1 ’ existence
pacifique dans ce monde.

Mots clés : (faim -autobiographie- enfance -anorexie -


boulimie- trouble psychique - déplacement - culture et
voyage)

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