63 Cist - 2011 11

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Le développement territorial ou comment satisfaire le

besoin grandissant de territorialités multiples


Romain Lajarge

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Romain Lajarge. Le développement territorial ou comment satisfaire le besoin grandissant de terri-
torialités multiples. Fonder les sciences du territoire, Collège international des sciences du territoire
(CIST), Nov 2011, Paris, France. pp.233-236. �halshs-00700675�

HAL Id: halshs-00700675


https://shs.hal.science/halshs-00700675
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Titre : Le développement territorial ou comment satisfaire le besoin
grandissant de territorialités multiples
• Colloque « Fonder les sciences du territoire », 23-25 novembre 2011, Paris (contact@gis-cist.fr)

AUTEURS
Romain LAJARGE

RESUME (environ 1 000 signes)


Cette communication propose d’interpréter le développement territorial comme étant un
moyen pour renforcer les territorialités existantes, en créer de nouvelles, orchestrer leurs
interactions et stimuler des innovations sociales « par » les territorialités et non pas
seulement « dans » les territoires. Pour que cela soit possible, il faut sortir la question
territoriale de son prisme politique et administratif pour la remettre au cœur d’un principe
de développement humain. L’analyse des dispositifs de territorialisation présente à cet
égard un grand intérêt et doit se prolonger de manière critique pour repérer ce qui fait
sens et comment les dispositifs (notamment publics) se connectent avec les processus
sociaux qui génèrent ce besoin grandissant de territorialités.

ABSTRACT (ca 1 000 characters)


This communication suggests interpreting the development territorial as being a means to
strengthen the existing territorialities, create it of news one, orchestrate their interactions
and stimulate social innovations "by" the territorialities and not only "in" territories. So that
it is possible, it is necessary to take out the territorial question of its political and
administrative prism to return to the heart of a principle of human development. The
analysis of the devices of territorialisation presents in this respect a big interest and has
to go on in a critical way to know what makes sense and how devices (in particular
public) connect with the social processes which generate this need growing of
territorialities.

MOTS CLES (3 à 6 mots clés)


Sciences territoriales, acteurs, territorialisation, développement territorial

INTRODUCTION
La question territoriale n’est pas qu’une question politique. Parce que le territoire est d’abord la résultante d’un
processus d’activation de territorialités en partie contradictoires, il faut d’abord des dispositifs de stabilisation et
d’organisation (que l’on nommera « territorialisation »). Si la question se pose (par ailleurs) de savoir ce qui fondent
ces territorialités, cette communication se propose de ne traiter que de la question du comment cela se passe.
Comment se construisent intentionnellement de nouvelles territorialités ? Comment s’orchestrent les relations entre
ces nouvelles territorialités et celles qui les précédaient ? Comment se stimulent ces interactions constitutives des
territorialités ? Nous proposons ici de définir le développement territorial comme ce qui permet la construction et la
reconstruction continuelle de ces territorialités.

1. LE PROBLEME DE LA TERRITORIALISATION
Les propositions théoriques de l’analyse des politiques publiques sont nombreuses : « procéduralisation » (Gaudin
(J.-P.), 2004), régulation politique, « horizontalisation » et circulation plutôt que conception linéaire et hiérarchique
(Lascoumes (P.), 1994), l’analyse de réseaux et les « policy networks » (Le Galès (P.), Thatcher (M.), 1995), l’analyse
en terme de gouvernance et la réinterprétation des sciences du gouvernement. Toutes s’accordent à considérer le
problème de la territorialisation plus vaste et plus épineux que ceux, finalement plus techniques, de la
déconcentration ou de la décentralisation. L’enjeu semble bien de saisir les dynamiques infra-étatiques, les pratiques,
les usages et mouvements qui affectent les territoires en tant que sujets sociaux et, en retour, d’analyser les impacts
du pouvoir que les territoires génèrent nécessairement.
La longue discussion sur la distinction entre « territoires institués » et « territoires émergents » est contenue dans le
principe autoréférentiel de la territorialisation : il n’y a de territorialisation que si un minimum de territoires préexiste.
Pour se faire, il faut que quelque chose prenne du sens « territorial » pour ensuite pouvoir être visé par la
transformation souhaitée de l’action publique. D’un côté, du politique ; de l’autre, du social et au milieu un impératif :
relier ! Ce « sens territorial » a donc fait l’objet d’une triple irruption : dans la société, dans les sciences et dans le
politique. Et cette concordance fut presque simultanée (en tout cas situable quelque part entre le milieu des années
70 et le début des années 80). S’il faut encore une dizaine d’années pour aboutir à sa pleine maturation sociale,
pluridisciplinaire et interministérielle, la période de maturation peut dorénavant être considérée comme achevée. Alors
pourquoi préserver aujourd’hui cette méta-hypothèse qu’il existerait une disjonction entre « territoires institués » et
« territoires réels » pour laquelle la science serait chargée de fournir quelque éclairage ? Tout d’abord parce que ce
« sens territorial » après lequel de nombreux laboratoires, équipes de recherches et disciplines scientifiques courent,
est fort pourvoyeur de contrats, de financements, de terrains demandeurs, de commanditaires (Douillet (A.-C.), 2006).
Ensuite, parce que la perméabilité des milieux scientifiques et politiques est telle sur cette thématique que cela
constitue une petite communauté partageant le même souci de mieux comprendre le troisième terme de la triade. En
cela, la recherche de « ce qui fait sens dans les territoires » a permis la constitution d’une certaine pratique
scientifique bien au-delà de la seule doxa de l’aménagement du territoire. De nombreuses disciplines ont été alors
convoqué à « descendre d’un étage », à se rapprocher d’une dimension plus anthropologique de cette question, de
déconstruire les « territoires » comme des objets clairement délimités, de chercher les « territorialités émergentes »,
de s’occuper bien plus des mouvements qu’opèrent les territorialités que des calculs stratégiques que les grands
opérateurs de l’Etat font avec les territoires existants (Lajarge R., 2009). Une partie de la réorientation des politiques
d’aménagement du territoire semble bien se trouver sur ce registre pour lequel les sciences territoriales sont en train
de se renouveler. Et ce mouvement fait naitre de nouveaux enjeux pour l’aménagement du territoire.

2. LE DEVELOPPEMENT TERRITORIAL « NECESSAIRE »


Le développement territorial est né de ce besoin d’accompagner les recompositions de l’architecture territoriale.
Rendu nécessaire à la fois par les mutations sociales, économiques et géographiques, il s’affiche, en même temps,
comme devant prendre en compte les héritages politiques, historiques et géographiques (celui du développement
local notamment pour mieux le dépasser).
Dans la décennie 90, s’inventent de nouveaux dispositifs d’interventions ciblées et de mise en concurrence dans
l’accès à la ressource publique. Ce qui est visé (moindre coûts pour autant d’effets) est tout autant structurel
qu’organisationnel : accompagner la mutation des institutions, la transformation des instruments pour agir et surtout la
modification de l’attention portée par la puissance publique sur ce que sont les attentes, souhaits, exigences et/ou
besoins de « la population ». Avant, les usages étaient postulés (« les urbains stressés ont besoin de nature, faites
leur des Parcs régionaux » ; « les grandes entreprises cherchent de grands espaces avec main d’œuvre pour
s’installer, faites leur des métropoles d’équilibre » ; etc.). Maintenant, ils sont considérés comme des demandes
auxquelles il faut fournir une offre (Grenelle est une offre répondant à la demande de villes plus vivables ; LEADER
cherche à mettre en valeur, un peu partout en Europe, la qualité des produits et des services locaux que le nouveau
tourisme réclame ; etc.). Et ils se trouve que le territoire s’impose d’évidence pour représenter ces collectifs
capables à la fois d’être des institutions qui héritent d’uns situation et de représenter aussi une demande
sociale réelle réclamant du changement. « Plus qu’un système productif territorialisé, un territoire en
développement est une stratégie collective qui anticipe les problèmes et secrète les solutions correspondantes »
(Greffe (X.), 2002, p.97). La définition du développement territorial doit permettre de lier ces exigences en partie
contradictoires :
- à partir d’un travail critique de la théorie de la base, il peut être considéré comme l’aptitude des opérateurs
territoriaux de jouer à la fois sur le modèle productif et le modèle présentiel en s’appuyant sur des politiques publiques
de redistribution et de compétitivité (Davezies (L.), Talandier (M.), 2009) ;
- à partir d’une analyse géopolitique à l’échelle européenne, le développement territorial est le résultat d’un rapport de
force au sein de l’UE entre deux pôles d’influence et il représenterait la victoire de la Commission sur les Etats
Membres (Waterhout (B.), 2011) ;
- à partir d’une interprétation en termes d’innovation, le développement territorial est tout autant une mise en oeuvre
de cette innovation sociale qui « fait », structurellement, le territoire et dans l’obligation de prendre pleinement en
compte les innovations concrètes pour donner au territoire toute sa dimension sociale (Moulaert (F.), Nussbaumer
(J.), 2008).

Le développement territorial participe donc de la mise en tension entre, d’une part, la mise en valeur de l’existant et,
d’autre part, la mise en oeuvre d’un changement nécessaire. Cette tension permet de modifier notre conception du
développement en lui affublant un adjectif « territorial » et notre conception du territoire en le faisant précéder d’un
substantif « développementaliste ». Il nécessite de faire appel aux notions de spécificité et spécification (Pecqueur
(B.), 2005), aux travaux sur l’écologie industrielle - économie des conventions (Buclet (N.), 2011), sur la dimension
historique de ces constructions en palimpseste de la figure territoriale (Corboz (A.), 2001) mais oblige à effectuer un
retour anthropologique sur le fondement de ce que sont les territorialités humaines, leurs nombreuses significations et
leurs usages en tant que pratique effective des acteurs. Le développement territorial émerge à un moment où la
pensée fonctionnaliste s’essouffle et où le pragmatic turn s’impose dans de nombreuses disciplines.

CONCLUSION (PROVISOIRE) : LE TERRITORIALISME EST-IL UN HUMANISME ?


La proposition que le développement territorial porte permet d’humaniser les conceptions développementalistes,
en associant l’idée de la proximité et de la globalité, de l’accord contractuel et intime, de l’autonomie et de
l’enchâssement. Il prône un humanisme interactif, une sorte d’humanisation des relations d’intérêts par le partage de
la dimension territoriale visée. Certes le développement territorial, en tant que notion centrale des sciences
territoriales, s’inscrit pleinement dans les sciences de l’action et relève de l’interactionnisme, mais pas seulement. Il y
a une dimension existentielle avérée dans ses visées. Le territoire comme objectif et comme moyen du
développement veut aussi être l’expérience d’une liberté ontologique fondamentale. Occasion de l’épanouissement
de l’humain, il assume une posture éthique, démocratique, progressiste. Et il faut entendre ici par « humain » non
seulement longévité, instruction et conditions de vie (IDH), mais aussi l’épanouissement par le loisir et la vacance, la
satisfaction de ses désirs, la pacification de son environnement, la maitrise des jeux de concurrence, l’existence de
coopérations effectives entre soi, la certitude de solidarités activables pour tous, etc. En suivant ainsi les propositions
de Claude Raffestin et de Benno Werlen, cette approche permet d’envisager un ressourcement à la fois de l’idée de
territoires-à-construire et de développement-à-humaniser.

REFERENCES
Buclet N., 2011, Ecologie industrielle et territoriale : stratégies locales pour un développement durable, Presses
Universitaires du Septentrion, coll. Environnement et société, 310p.

Corboz A., 2001, Le territoire comme palimpseste et autres essais, éd. Les éditions de l’imprimeur, collection
tranches de villes, recueil de textes présenté par Sébastien Marot, 281p.

Davezies L., Talandier M., 2009, « Repenser le développement territorial ? Confrontation des modèles d’analyse et
des tendances observées dans les pays développés », éd. PUCA-Recherche, 143p.

Douillet A.-C., 2006, « Les sciences sociales entre analyse et accompagnement de la territorialisation de l’action
publique », in Ihl (O.) (dir.), 2006, Les ‘sciences’ de l’action publique, éd. PUG, pp.133-148

Gaudin J.-P., 2004, L’action publique. Sociologie et politique, Presses de Sciences Po / Dalloz, 242p.Greffe (X.), 2002

Lajarge R., 2009, « Pas de territorialisation sans action (et vice-versa ?) », in Vanier (M.) (dir.), 2009, Territoire,
territorialité, territorialisation … et après ?, Presses Universitaires de Rennes, pp. 193-204

Moulaert F., Nussbaumer J., 2008, La logique sociale du développement territorial, Presses de l’Université du
Québec, coll. Géographie contemporaine, 153p.

Pecqueur B., 2005, « Les territoires créateurs de nouvelles ressources productives : le cas de l'agglomération
grenobloise », Géographie, économie, société 3/2005 (Vol. 7), p. 255-268.

Raffestin C., 1980, Pour une géographie du pouvoir, Paris : éd. Librairies Techniques, tome XIII de la collection
Géographie économique et sociale, 249p.

Waterhout B., 2011, « European spatial planning : current state and future challenges », in Adams (N.), Cotella (G.),
Nunes (R.), 2011, Territorial development, cohesion and spatial planning, Routledge, coll. Regions and cities, pp.84-
102

Werlen B., 1993, Society, Action, Space. An Alternative Human Geography, Londres, Routledge [1987]

LES AUTEURS
Romain LAJARGE
UMR PACTE, Université J.Fourier,
Grenoble
Romain.Lajarge@ujf-grenoble.fr

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