MANUEL SURVIE 2 - Fin
MANUEL SURVIE 2 - Fin
MANUEL SURVIE 2 - Fin
2
Bricolée dans l’urgence du rien-à-faire, la première édition de
#10m2 fut une incroyable expérience.
Se retrouver en visioconférence, en accepter les codes et les
travers (je… ne… active ton micro, clique en bas à droite… oui mais
il ne t’entend pas là, écris… ah je crois qu’on a perdu Manuela…
un instant, je vais chercher un verre pour trinquer avec vous…),
recevoir les premières contributions, découvrir les premières mises
en pages furent autant de moments rares, précieux.
Puis vinrent la mise en ligne, le compteur de vues et vos retours.
Notre reconnaissance est à l’aune de cette succession de petites et
grandes joies que l’on doit – positivons – à ce moment pas comme
les autres. Nous en rirons un jour, nous espérons que vous en rirez
– un peu – dès aujourd’hui en feuilletant ce numéro deux pour
lequel nous sommes notamment fiers de voir revenir la plupart des
signatures du numéro pilote et de voir grossir les rangs.
La démarche est identique : nous ouvrons grand les portes, sans
physionomiste à passer, sans obsession de la ligne artistique. Un
petit espace de liberté dans lequel on ne vous demandera aucune
attestation, c’est promis.
Soyez sages, restez prudents, nous tenons à vous.
@policedutweet
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LETTRE À MARTHE
Étienne Dorsay (@E_Dorsay)
Plus que jamais perdu quelque part en confinie, Étienne Dorsay a écrit à Marthe. Celle-
ci a bien voulu que nous reproduisions cette touchante correspondance venue du front.
Chère Marthe,
Nous sommes en guerre et voilà deux semaines que je suis au front.
Ici nous manquons de tout et j’attends tes colis avec impatience. Toujours pas de pâtes ou
de lingettes désinfectantes mais tes Tupperware de céleri rémoulade tiède améliorent bien
l’ordinaire et mettent un peu de piment dans un quotidien bien morose en rendant mon transit
intestinal fort aléatoire.
Il y a quelques jours j’ai été pétrifié d’angoisse : il n’y a plus eu de Wi-Fi pendant environ
17 minutes. J’étais totalement coupé du monde, seul, désemparé. Il paraît que les animaux
reprennent le pouvoir dans la ville. Pendant cette panne, j’ai pu ainsi observer les pigeons
paradant dans les rues vides sur les trottinettes électriques abandonnées par le genre humain.
En me présentant ainsi en peignoir à mon balcon, sans arme, face au monde animal reconnecté
à sa sauvagerie ancestrale, je me suis découvert un courage enfoui jusqu’alors. La guerre
change les hommes, c’est une vérité indéfectible.
Au cours d’une manœuvre délicate qui devait m’amener du canapé à ma chambre, je me suis
cogné le petit orteil sur la table basse. Il n’y a plus de médecins disponibles, ils sont au combat,
eux. Je suis salement amoché et vais devoir être aussi courageux que ces soldats sans masques.
Je ne suis pas certain de pouvoir garder mon orteil intact et, quand tu auras reçu cette lettre,
mon ongle sera peut-être déjà incarné. J’espère que lorsque tout sera fini tu voudras bien à
nouveau de moi si je reviens infirme.
Les seuls moments de répit dans tout ce chaos c’est lorsque je suis dans mon lit à regarder
Netflix. J’oublie ainsi l’ennemi invisible au dehors, la pangodémie. Mais depuis deux jours mon
refuge a été rattrapé par le fracas et le chaos. Il faut dire aussi que j’ai fait preuve de beaucoup
d’imprudence, prenant mon petit déjeuner au lit en regardant Stranger Things. À un moment de
suspense extrême, j’ai sursauté de peur et j’ai mis plein de miettes de biscottes sur les draps.
Comme tu peux le constater, mon quotidien est devenu un enfer sans aucun répit.
Hier nous avons créé un groupe WhatsApp avec mes camarades au front pour nous soutenir
dans cette épreuve, il s’appelle ”Confiner et Servir”. Cela fonctionne plutôt bien, nous avons
partagé 77 fois la même vidéo de Franck Dubosc qui chasse un paquet de pâtes avec un arc.
Vidéo déjà vue une centaine de fois dans les groupes ”Copains d’avant”, ”Les foufous de la
compta” et ”Groupe Démonstration Thermomix”.
Il est bon de rire parfois.
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J’ai essayé de me fabriquer moi même un masque FFP2 avec les moyens du bord. J’ai utilisé
deux morceaux de tricot de peau que j’ai cousus entre eux avec, à l’intérieur, de la sciure de
bois pour toilettes sèches en guise de filtre à virus. Recyclé et éco responsable, ce masque est
bon pour la planète mais pas très pratique. J’ai, depuis son utilisation, des éruptions cutanées
spectaculaires. La prochaine fois j’essaierai avec de la sciure propre.
Je me raccroche à ton sourire et à nos doux moments pour oublier ma peur d’une nouvelle
interruption de la Wi-Fi.
Ton Étienne.
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LA VÉRITÉ NUE
James (@JamesdOttoprod)
En temps normal, James fait de la bande-dessinée. Et vu qu’il est coincé chez lui, il dessine
encore plus de bande dessinée que d’habitude. Et on a de la chance : il nous a concocté deux
planches spécialement pour ce nouveau numéro.
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L’ESPION DU CAGIBI
Fabrice Hodecent (@fabricehodecent)
Depuis le début du Grand Confinement, les objets ont pris de la confiance, surtout la
table basse, comme a pu le constater Fabrice dans son “agora de méditation”.
Impossible d’établir une réelle et saine distanciation sociale avec ma table basse. Déjà qu’en
temps normal elle déteste que je pose mes pieds dessus ; et son caractère ne s’est guère
amélioré au fil de nos années de cohabitation. Elle vire à l’acariâtre, Marguerite. Oui, je donne
un nom à tous les objets qui composent mon 10 m2 ; c’est ma vie, je fais ce que je veux. Bon,
ça fait pas mal de temps qu’il n’y a personne, à part Marguerite, donc, puis Nestor, le frigo. Et
aussi Sibeth, mon ficus, que j’aime d’amour à en rendre jaloux les autres locataires. Voilà pour
l’essentiel. Ah si ! J’oubliais mon partenaire de choix : le beau Norbert, le canapé-couche BZ pas
peu fat d’être l’objet le plus cher du 10 m2.
Marguerite râle plus qu’à son habitude, depuis l’instauration du Grand Confinement. Un tantinet
sociopathe, elle me tolère quand je suis là, et respire quand j’ai des choses à faire en extérieur. On
a toujours des choses à faire en extérieur, ne serait-ce que tenter d’aller travailler ou socialiser.
Il paraît. Et lors de mon absence, je soupçonne Marguerite de prendre le pouvoir sur les autres,
arguant de son ancienneté. Au bout d’une quinzaine de jours de cohabitation forcée, la situation
devient tendue dans notre micro espace confiné. Marguerite râle, donc, Nestor zonzonne de
plus en plus fort et pousse dans les aigus ; quant à Norbert il me pique avec ses ressorts, et
Sibeth se met à brailler ineptie sur ineptie. Comment parvenir à bien gérer notre communauté
au bord de l’implosion, d’autant que ce barnum risque de s’éterniser ? That’s the question. Il
faut que je réfléchisse…
Un seul lieu pour cela : le cagibi situé entre la douche et le lavabo, seul grand luxe de ma cage
à lapins. Une sorte de placard à balai, une espèce de cabinet de méditation ; je m’y insère de
temps à autre, afin d’être enfin seul, m’extirpant des réalités oisives de mes colocataires. Me
voilà donc confiné de chez confiné ! On s’habitue. Il paraît que l’humain s’habitue à tout et
s’adapte à un environnement donné, quel qu’il soit. Soit. Présentement debout dans mon refuge,
pompeusement baptisé « agora de méditation », donnant ainsi un petit cachet prestigieux à
mon misérable 10 m2, je me pose la question suivante : « Qu’aurait fait Étienne Dorsay dans ma
situation ? ». Oui, j’avoue une petite faiblesse pour ce philosophe détaché des contingences du
monde ; philosophe mineur des fiévreuses et débridées années 1970, dont la pensée surannée
et implacable redonne ses lettres de noblesse au stoïcisme. Etienne, mon ami, mon frère, mon
mentor : que faire dans cette galère ? Symbiose ou métamorphose ? L’égrégore avec Gregor,
Nestor, Marguerite et les autres ?
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Mes incantations ont pris la matérialisation imprévisible d’une fourmi parcourant mon bras, avec
vélocité ; bientôt suivie d’une autre, puis d’une troisième. Que diable ces passagers clandestins
viennent-ils alourdir ainsi nos charges émotionnelles locatives ? Plus étonné que courroucé,
j’entrepris alors d’observer le petit manège de ces occupantes si discrètes et travailleuses,
pas comme mes feignasses de colocataires irascibles et discourtois ! Fascinant, ce peuple
d’insectes, au fonctionnement quasi militaire et solidaire. De quoi occuper mon confinement
forcé que de les observer, les scruter, voire – pourquoi pas – tenter d’entrer en communication
avec les membres les plus éveillés de leur communauté. La fourmi n’est-elle pas réputée être
dotée d’une intelligence certaine, en matière d’organisation sociale notamment ? Voilà qui
m’occuperait et m’extirperait des vicissitudes de notre monde si agité, de notre dingo planète...
Alors j’y suis allé tous les jours, dans mon “agora de méditation“. Quel bol d’air, en dépit des
apparences physiques, voire mortifères. Puis plusieurs fois par jour, afin de m’imprégner du
peuple des fourmis. Aucune hostilité de leur part à mon égard, juste une salvatrice indifférence.
J’observe leur fonctionnement, décrypte leur hiérarchie, identifie chefs et cheffes ; le sexisme
n’existe pas dans leur société égalitaire. Bon point, même si leur côté militaire est pour moi a
priori rédhibitoire. Gertrude, c’est leur reine ; comme tous les monarques, elle ne fait rien à part
être servie par ses sujets. Vie rêvée ? Pas certain… Jour après jour, je passe de plus en plus de
temps dans mon nouveau royaume, provoquant l’ire de mes colocataires, décidément bien trop
caractériels. Je trouve qu’au fil des jours ils s’empâtent de plus en plus, comme s’ils devenaient
obèses de leur vanité. Malgré cela, j’ai la sensation d’avoir de plus en plus mes aises dans mon
10 m2… étonnant.
Désormais, j’ai deux antennes, six pattes, et je vis dans un palace.
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DICTIONNAIRE DU CONFINEMENT
(EN 2050)
Boris Geiser (@boris_geiser)
Boris Geiser a imaginé à quoi pourrait ressembler un dictionnaire créé pour les gens
nés après 2020 et leur permettre de comprendre les expressions populaires nouvelles
(ou dont le sens a changé) après cette période troublée. En voici quelques entrées, en
vrac et en exclusivité.
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CROISONS LES !
GuillaumeTC (@GuillaumeTC)
#CroisonsLes #BurgerQuiz
Bien joué, Netflix !
#CroisonsLes #CasaDePapel4
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LE PETIT FUTÉ CONFINÉ
Cindy-Kelly Prigione (@DiamantSurCanap)
Des envies d’évasion ? Notre nouvelle sélection des 10m2 incontournables en 2020.
Le confinement commence à jouer dangereusement avec votre santé mentale ? Oui, ne plus
pouvoir se plaindre des autres conduit inexorablement à s’en prendre à soi-même. Le manque
des êtres chers et la recherche du réconfort d’un visage connu pousse à se regarder dans le miroir.
Si le bilan de vie vous guette, cette semaine partons à la découverte de lieux inspirateurs de
changement. Vous sortirez transformés de ces aventures intérieures (toujours dans longtemps,
mais moins qu’hier et plus que demain).
Inès
Sevrage paradoxal dans le 10 m2 d’Inès, fana de shopping à Quimper.
Si vous souhaitez vous révolutionner, Inès, apôtre du trendy, sera votre coach
idéale. A la pointe de toutes les tendances, elle sait s’adapter sans délai à leurs
moindres variations. Ne cherchez plus, le cœur de la mode bat ici !
Cet appartement-dressing, digne des catalogues Habitat, est élégamment décoré
de bibelots épurés chinés dans les concepts-stores et de bricoles cheap glanées
chez Ikea. Vous sillonnerez à l’envi sa garde robe monumentale, située entre le
rayonnage de chaussures et les boîtes d’accessoires. Testez le mariage blazer-
sneakers pour un style chic / décontracté ou la combinaison chino-escarpins à
talons pour un look raffiné / négligé. Tout est dans la nuance.
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Dans notre société prompte à générer des addictions, la période est rude pour
cette accro du shopping, mais idéale pour un sevrage. Les achats en ligne étant
empêchés par la conscience civique d’Inès, vous serez initié à d’admirables
techniques de compensation, dont la recherche de bars branchés à visiter.
Si vous venez pour la cure de sevrage des réseaux sociaux, sachez qu’il est
progressif. Il n’existe pas, en confinement, de traitement de substitution reconnu.
Apprenez cependant à différer le plaisir, en ne postant que 6 photos par jour
et à n’actualiser les stories Instagram que deux fois. Halte aux clichés, le soir,
visitez sa bibliothèque hétérogène où Vogue et Cosmopolitan côtoient Flaubert
et Balzac, tandis que Jane Austen tutoie les plus grands photographes.
On a aimé : repartir avec foule de vêtements passés de mode depuis janvier
(l’heure est au tri partout).
On a moins aimé : le processus de sevrage laisse perplexe. Les apéros-Skype, le
binge-watching et le retour en force d’une addiction ancienne, quoique honteuse,
à CandyCrush, laissent penser que la substitution ne serait qu’un placebo.
Restauration : oubliez le mojito, so 2018. Goûtez au spritz, en attendant de
découvrir le cocktail tendance de 2020. Alternez healthy-food et cookies au
Nutella pour garder la ligne sans renoncer au petit plaisir transgressif, rebelle-
attitude oblige.
Léana
Fantaisie insolente dans le 10 m2 de Léana,
pré-ado espiègle à Dunkerque.
A l’aube d’un changement d’ère, cet ancien
haut lieu de l’amusement enfantin a su garder
son âme d’antan et l’insouciance des années
folles. Ce Disney Land sur 10 m2 émerveillera
vos pupilles (sous réserve d’aimer le violet) et
charmera l’âme d’enfant que vous regrettez
avoir perdue depuis un sombre cataclysme
hormonal.
Préparez votre séjour ! Il faut une certaine condition physique pour tenir le
rythme effréné des journées. Et une solide constitution mentale pour adapter
vos réactions aux changements de personnalité récurrents de votre hôte.
L’atmosphère tantôt enjouée, boudeuse, charmante ou révoltée ne manquera
pas de laisser des souvenirs impérissables, bien que confus. Le lieu est en travaux
perpétuels et les principaux projets encore à l’étude : enlever ce poster qui fait
gamine, cacher le doudou qui traîne mais juste parce que “flemme, wesh“, ou
se débarrasser de la ville Lego Friends, fort bien aménagée au demeurant, qui
recouvre les ¾ de la surface habitable.
Suite page suivante
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Comme ils sont là, profitez-en pour consacrer un temps non négligeable à (re-)
découvrir le plaisir de l’imaginaire et la douce fantaisie de scénarios dignes des
meilleures séries ados (nous n’en citerons pas, les références variant selon votre
âge). Amusez vous follement lors d’échanges de textos entre copines, constitués
de litanies d’émojis ou de photos agrémentées de stickers tous plus fantasques
les uns que les autres (oreilles de lapin, clope au bec, etc). Laissez-vous séduire
par ces chanteuses adolescentes et groupes de rap dont vous ignoriez l’existence,
en apprenant les chorégraphies afférentes. Précision importante, la journée
démarre par l’école à la maison, ce sera une formation salutaire. Vous saurez
après ça manier à merveille l’art de l’esquive et du retournement quand vous ne
comprenez rien à ce qui vous est demandé. Selon les jours, il sera inconcevable
de ne pas profiter de l’heure légale de sortie pour tester la trottinette ou hors de
question de refaire le tour du quartier.
On a aimé : tout ! Mais profitez vite, en 2021, le secteur sera transformé
radicalement, les nombreux chantiers en cours en attestent.
On a moins aimé : sans aller jusqu’à parler de choc traumatique, il est difficile
d’oublier que ça fait bim bam boum, pschit et vroum.
Restauration : composé de pâtes, les repas sont agréables. Le reste du temps,
c’est dégueulasse et l’ambiance quelque peu délétère (sauf le chou-fleur, allez
comprendre).
Thomas
Dépression quatre-saisonnière dans le 10 m2 de Thomas, pessimiste chronique
à Bayonne.
Repaire d’accro aux anxiolytiques et antidépresseurs, le lieu est concurrencé
par l’ouverture de nouveaux appartements du genre en 2020. Ne vous laissez
pas tromper par ces vulgaires contrefaçons, le précurseur de l’angoisse est là.
Il est aisé de se plaindre des tracas causés par les restrictions actuelles, mais la
dépression véritable n’est pas donnée à tous, elle s’entretient au quotidien.
L’appartement est chaleureux et accueillant. Pour retirer tout le bénéfice de votre
séjour, l’astuce consiste à ne pas s’émerveiller de son charme. À bien y regarder,
le miroir de la salle de bain penche légèrement à droite, ce qui est tout de même
un peu malaisant pour l’équilibre psychique. En hôte précautionneux, Thomas
vous avertira de tous les autres légers défauts qui seraient réparés si la déprime
ne poussait pas à repousser cela aux lendemains qui ne chantent jamais. Voir le
verre à moitié vide est facile ici, l’alcool est banni. La mélancolie est une pente
dangereuse, hors de question de risquer l’ivresse du bonheur.
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Contrairement à une idée reçue, on ne s’ennuie jamais. Thomas s’étonne d’ailleurs
des plaintes de ses contemporains à ce sujet. Confectionner soigneusement une
liste des regrets et prévoir celle des occasions manquées à venir est un travail de
longue haleine. A faire absolument, le jeu des célébrités : classer des personnes
connues en trois catégories heureux / banal / dépressif. Ne tardez pas pour vous y
rendre, l’avenir est incertain. Nul n’est à l’abri que des années de thérapie portent
leurs fruits ou d’une rencontre qui change la vie.
On a aimé : sa générosité. Sa solidarité avec l’humanité entière l’honore, bien
qu’elle ait tendance à aggraver sa situation, en lui faisant porter le poids du
monde sur ses épaules.
On a moins aimé : ne pas pouvoir profiter d’avantage du minuscule balcon,
ouvert seulement de mi-avril à mi-mai. En dehors de ses périodes, il fait hélas
trop chaud ou trop frais. Et force est de constater, qu’orienté plein sud, on a vite
le soleil dans les yeux.
Restauration : bon cuisinier, il préserve sa santé et la vôtre en mitonnant de
bons petits plats, pleins de vitamines et riches en sels minéraux. Tant qu’à devoir,
hélas, vivre vieux, autant le faire dans la meilleure santé possible.
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COMMENT BIEN RÉUSSIR SA
JOURNÉE DE CONFINEMENT
Yves Hirschfeld (@Monpsyvite)
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LES GOMMETTES SEXUELLES
Petite activité rigolote mais qui prendra une bonne heure de
votre temps.
Dégottez dans les affaires de vos enfants quelques gommettes
et une feuille quadrillée (pour gagner en précision). Collez
sur la feuille quelques gommettes oblongues avec, juste en
dessous, deux autres rondes de sorte que vous réalisiez de
superbes bites. C’est très amusant à faire, les bites ! L’intérêt
majeur d’une bite joliment conçue, c’est que vous pouvez
ensuite la partager sur les réseaux sociaux et vos amis seront
toujours exaltés (et assez amusés) par vos exploits créatifs et
espiègles.
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LE JOURNAL D’ÉTIENNE
Étienne Dorsay (@E_Dorsay)
Tout seul, partagé entre son costume et sa robe de chambre, le moustachu Étienne Dorsay
nous a envoyé les nouvelles pages de son journal de bord de la distanciation sociale.
24 MARS
8 h 50 En ces temps perturbés par le pangolin et l’ennui, on peut mettre un peu d’adrénaline dans
son quotidien en arrivant en retard au télétravail. Mais, par expérience, je peux affirmer
que “J’étais totalement fasciné par le téléshopping“ n’est pas une excuse recevable.
17 h Je vais peut-être surprendre ceux qui me lisent, mais la limitation de la pratique du jogging
à une heure quotidienne n’est pas la mesure de confinement qui me sera la plus pénible
à supporter.
25 MARS
11 h Une fois que tout ceci sera fini, je propose que soit instaurée une Journée du Pangolin au
cours de laquelle nous nous confinerons à nouveau, tous et totalement, et pendant 24
heures. Et faisons en sorte que cela tombe le jour de la Fête de la Musique.
26 MARS
16 h 30 Confinement ou non, je ne suis que joie et allégresse lorsque vient l’heure du goûter*.
18 h Pour certains, se jeter à corps perdu dans le travail était le moyen de fuir ses soucis personnels.
Pour d’autres, la vie personnelle était un refuge pour oublier les affres du boulot. Rendons
hommage à l’inventeur du télétravail d’avoir harmonisé tout ça. Bravo mon grand.
28 MARS
8 h Les supermarchés qui profitent de la crise pour augmenter le prix des pâtes forcent
l’admiration dans leur imagination pour renouveler des pratiques commerciales
détestables. Je n’ai pas connu de plus belle abnégation dans la bassesse depuis la sortie
de Schumacher sur Battiston.
14 h 30 Je ne suis pas très doué pour les statistiques mais je ne pense pas trop m’avancer en disant
que le nombre de collisions entre un orteil et une table basse a sûrement explosé ces dix
derniers jours. Le silence assourdissant qui entoure ce phénomène tutoie le complot.
29 MARS
13 h En ce dimanche cumulant changement d’heure et confinement, nous ne pourrons jamais
concevoir totalement l’ampleur de la souffrance des bruncheurs dont les repères ont
volé en éclats presque aussi vite que la carrière de Kyo. Cette guerre est terrible.
*Pour les plus millenials des lecteurs de ce journal, le goûter c’est comme qui dirait un after brunch, voire un before
souping.
18
30 MARS
10 h Autre point positif à cette pandémie : les chaussettes orphelines peuvent à nouveau être
portées dépareillées, sans jugement. À moins de faire le poirier en visioconférence ce qui,
rappelons le, n’est pas interdit par le Code du Travail. Le bonheur est partout, ne l’oubliez pas.
13 h Encore quelques minutes et c’est l’heure de déguster mon plat signature du confinement :
“Florilège d’arabesques de blé dur dans son bain d’eau municipale et sa pressée à froid
d’Olea europaea, pluie de confettis d’essence de meule**“.
31 MARS
16 h 30 À l’heure où les masques de plongée étaient transformés en assistants respiratoires
de fortune, je regarde fixement mes palmes et mon frisbee en cherchant une idée de
génie. Et, constatant mon impuissance, je regrette concomitamment mon dilettantisme
en cours de sciences.
1er AVRIL
15 h L’un des petits bonheurs quotidiens offerts par cet ermitage forcé est l’observation
pixelisée via visioconférence de la lente érosion collective de notre dignité capillaire. Je
ne suis que jubilation.
2 AVRIL
11 h Alors que les pâquerettes des bonnes résolutions pour un monde meilleur fleurissent sur le
gazon du confinement, je ne peux m’empêcher de penser que le capitalisme sauvage va resurgir
aussitôt pour les arracher sans ménagement et fleurir la tombe de nos illusions. Youpi.
15 h 30 J’envie les officiers d’état civil qui, dans 9 mois, contempleront avec béatitude et ravissement
les prénoms des bébés du confinement : Coquillette***, Drive, Thread***, WhatsApp,
Chloroquine***, Visioconf***, Lingette.
22 h Savoir positiver, de nos jours, c’est se convaincre d’être sain d’esprit en ayant prouvé toute
la journée à un ordinateur que l’on est pas un robot parce qu’on a cliqué sur des photos de
feux de circulation. Vous reprendrez bien un mini Speculoos avec votre époque absurde ?
3 AVRIL
18 h Pas d’épreuves du baccalauréat donc pas hordes de djeunz vomissant le soir des résultats.
La lumière du réverbère de l’espoir déchire légèrement le brouillard du confinement. Il ne
manque plus que l’annulation de la Fête de la Musique et de Paris-Plage et le soleil brillera.
4 AVRIL
20 h Attendre qu’il n’y ait plus personne dans le magasin, filer vers le rayon, prendre l’objet,
payer sans jeter un œil au commerçant et partir comme une flèche sans se retourner…
Louer mon premier film X et acheter mon dernier paquet de macaronis m’ont procuré le
même frisson.
**Coquillettes, huile olive, gruyère râpé. ***Variantes possibles : Coquilleth, Sredd, Klorokynn & Visioconphe.
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LES INTRADUISIBLES (LE RETOUR)
Guillaume D. (@GDeleur)
“Bagstiv” (Danemark)
Ce petit mot danois signifie à lui tout seul “le fait de se
réveiller encore ivre de sa soirée de la veille”. En français,
“gueule de bois” ferait une traduction possible, mais en
bien plus migraineuse.
“Verschlimmbessern”
(Allemagne)
Ce verbe indique le fait de “faire empirer une
situation en essayant de l’améliorer” (certains
étant très doués pour cela). En français, on
peut se rabattre sur “faire pire que mieux” ou
“le mieux est l’ennemi du bien”.
“Elvágyódás” (Hongrie)
Voilà un bien joli mot en ces journées de
repli domestique, qui exprime “le sentiment
mélancolique de vouloir être ailleurs que là où on
se trouve”.
“Kummerspeck”
(Allemagne)
C’est sans doute un des
mots français qui manque
à notre confinement : le
“Kummerspeck” veut dire
“les kilos supplémentaires
pris en mangeant trop dans
une période de stress ou de
chagrin”.
20
“Sielunmaisema” (Finlande)
C’est “le paysage de l’âme”, l’endroit spécial que l’on porte
dans le cœur, où l’on se sent chez soi et auquel on pense
régulièrement. Et vous, quel est votre “sielunmaisema” ?
“Dauwtrappen” (Pays-Bas)
Les Néerlandais ont un verbe simple pour résumer ce
bonheur unique de “marcher pieds nus dans la rosée du
matin”, de “se promener au lever du jour dans la nature”.
(Ce que d’aucuns, enfermés dans des appartements
un peu exigus, rêvent de faire en ce moment.)
“Hyppytyynytyydytys” (Finlande)
La langue finnoise permet de bricoler beaucoup de mots amusants,
qui n’ont pas forcément d’usage courant mais dont on aurait tort
de se priver, tel ce curieux “hyppytyynytyydytys” qui décrit “le
sentiment de confort et de satisfaction lorsqu’on s’enfonce dans
un oreiller moelleux”.
“Snoozledom”
(Britannique)
C’est un vieux mot anglais, qui exprime
une des meilleures choses de l’existence,
à savoir “le fait de somnoler et de se blottir
confortablement dans son lit”. (Hmmm.)
“Wanderlust” (Allemagne)
C’est un mot également passé dans la langue
anglaise, et qui pique un peu en cette période
d’immobilité forcée : “Wanderlust” a pour
signification “une très forte envie d’ailleurs, de
bouger, de voyager, de voir le monde”.
“Pålegg” (Norvège)
Grands consommateurs de pain, les
Norvégiens ont ce petit mot fourre-tout
bien pratique qui décrit “tout aliment
qui peut se mettre sur une tranche de
pain pour en faire une tartine”.
21
Les Petits Ateliers de ROUGE (@lepetitcarteron)
•C
roiser 2 mots composés, expressions ou phrases récurrentes.
Ex. : Confinez-vous + Éternuez dans votre coude = Confinez dans votre coude, Éternuez-vous !
•D
onnez un titre foutraque, déjanté et totaloufoque à chacune de vos activités.
Ex. : Regarder une série : Sériser en évitant (maladroitement)
d’entamer une tablette de chocolat.
•C
réer un dicton, un proverbe lié au virus.
Ex. : À la Saint Covid, ouvre un livre.
Qui reste à sa place, évite le SRAS.
On apprend pas à se confiner à un connard.
•C
réer un mot valise (associer deux mots ayant une syllabe commune) et sa définition.
Ex. : ConfineMENTaleau : bain de sirop mentholé prescrit pour 45 jours
VirUSurier : maladie qui mène à la ruine.
• Revisiter
un air connu de votre choix sur le thème du Covid19.
Ex. : Au clair du Virus, Tousse dans ton coude,
Mon ami l’savon, Évite les câlins,
Mousse Mousse Mousse, Il faut bien qu’on se soude,
Et pas qu’le bidon. Pour tuer l’chagrin.
22
HUIS CLOS (SUITE)
Delphine G-M (@dephinegm)
23
LE CONFINOSCOPE (@samparlebien)
Bélier : plus que jamais, votre animal totem est Cancer : le pire est derrière vous. L’angoisse
le paresseux. Commencez par de petits efforts. du frigo vide est surmontée, même si vous
Rome ne s’est peut-être pas faite en un jour, préférez toujours payer 1€ la baguette, plutôt
mais votre vaisselle, oui. #PrenezSoinDeVous que nettoyer votre plan de travail après avoir
fait du pain vous-même. #PrenezSoinDeVous
24
Capricorne : doucement sur les apéros,
qu’ils soient en visio ou non, les abus sont
dangereux pour tout et pour tous. Vous
Balance : peu importe qui est autour de mangez et digérez mieux, c’est encourageant.
vous, vous vous sentez seul.e, et vous #PrenezSoinDeVous
surmontez cette solitude avec brio. Vous
êtes aimé.e, ne vous inquiétez pas pour ça.
#PrenezSoinDeVous
25
PIQUES D’ÉPIDÉMIE
Sanaga (@Sanaga_Dessins)
Le dessinateur Sanaga n’a pas son crayon dans sa poche quand il s’agit de se moquer avec
mordant de ce confinement. Une chance pour nous : voici quatre dessins inédits !
26
Création graphique : Manuela Ruiz, textes et relectures : Guillaume D.,
VOILÀ.
Ce numéro 2 du Manuel ludique de survie sur 10 m2 est donc terminé. On espère
Merci à tous ceux qui nous ont fourni des contenus pour boucler aussi vite et aussi
bien ce joli nouveau numéro 2, qui pourrait bien appeler un numéro 3. Alors si vous
avez des idées, des envies, des dessins, des photos qui colleraient à l’esprit coloré
de ce magazine collaboratif, écrivez nous (on est gentils, promis) : @policedutweet,
@ManuelaRZ et @GDeleur.
D’ici à là, prenez soin de vous, que vous ayez un jardin ou pas, que vous traîniez en
pyjama ou non, que vos cheveux soient gras ou propres (si vous en avez). Prenez
soin des autres, aussi. Et restez chez vous, le plus possible, c’est ce qu’il y a de
mieux à faire en attendant d’avoir, un jour prochain, mieux à faire.
Guillaume D. (@GDeleur)
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