Plan Cours de Marches Publics 2024-2025 Bis-1
Plan Cours de Marches Publics 2024-2025 Bis-1
Plan Cours de Marches Publics 2024-2025 Bis-1
INTRODUCTION
Le contrat constitutif de marché public n’est pas inconnu du droit ivoirien. Il était déjà
perceptible durant la période coloniale3. Ainsi que le note le Doyen DÉGNI-SÉGUI, le droit
des marchés publics a connu une évolution sensible. On peut schématiquement distinguer
trois étapes4. Chacune de ces étapes correspond à un législateur distinct.
La première étape est celle où le législateur colonial a légiféré au moyen d’un décret par
lequel il a instauré un cadre juridique régissant les marchés passés, entre autres, par la
colonie de Côte d’Ivoire. On mentionnera le décret colonial n°49-500 du 11 avril 1949 portant
application, pour les territoires relevant du ministère de la France d’outre-mer, du décret du
6 avril 1942 relatif aux marchés passés au nom de l’État, modifié et complété par le décret n°52-
1249 du 21 novembre 1952. À l’accession de la République de Côte d’Ivoire à la souveraineté
internationale, on assistera à la reconduction du décret colonial précité qui sera, par la
suite, complété par le décret n°69-416 du 16 septembre 1969, le décret n°85-951 du 12
1
WALINE Jean, Droit administratif, 27ème édition, Paris, Précis Dalloz, 2018, n°463, p.456.
2
Ibidem.
3
DÉGNI-SÉGUI René, Droit administratif général, 5ème édition, Tome 2 : L’action administrative, Abidjan,
NEI/CEDA, 2012, p.369.
4
Ibidem.
1
TIEBLEY Yves Didier, PhD – Enseignant-Chercheur à l’Université Félix Houphouët-Boigny de Cocody
Marchés publics
Master 1 Droit des Affaires – CERAP Année académique 2024-2025
septembre 1985 et le décret n°86-261 du 9 avril 1986 portant cahier des clauses et conditions
générales applicables aux marchés publics de travaux.
La deuxième étape est celle où le législateur post-colonial adoptera un nouveau code
des marchés publics au moyen du décret n°92-08 du 8 janvier 1992 portant Code des
marchés publics5. Ce deuxième Code des marchés publics se distingue par le fait qu’il est
l’œuvre exclusive du législateur ivoirien post-colonial. Il en va autrement pour les Codes
des marchés publics qui seront adoptés par la suite.
La troisième étape est marquée par l’intrusion du droit communautaire de l’UEMOA en
tant que source véritable du droit des marchés publics appliqué en République de Côte
d’Ivoire. En effet, les années 2005, 2009 et 2019 verront l’adoption en Côte d’Ivoire d’une
succession de Code des marchés publics qui ne sont, à vrai dire, que la transposition, en
droit interne ivoirien, de directives successives adoptées par le Conseil des ministres de
l’UEMOA. Ce sont, entre autres :
- La Directive n°04/2005/CM/UEMOA du 09 décembre 2005 portant procédures de
passation, d’exécution et de règlement des marchés publics et des délégations de
service public dans l’Union Économique et Monétaire Ouest Africaine ; et la Directive
n°05/2005/CM/UEMOA du 09 décembre 2005 portant contrôle et régulation des
marchés publics et des délégations de service public dans l’Union Économique et
Monétaire Ouest Africaine ;
- La Directive n°01/2009/CM/UEMOA du 27 mars 2009 portant Code de transparence
dans la gestion des finances publiques au sein de l’UEMOA ;
- La Directive n°04/2012/CM/UEMOA du 28 septembre 2012 relative à l’éthique et à la
déontologie dans les marchés publics et les délégations de service public au sein de
l’Union Économique et Monétaire Ouest Africaine.
L’évolution des différents textes juridiques encadrant la passation des marchés publics
en République de Côte d’Ivoire permet de déceler certains traits caractéristiques :
- D’abord, cette législation est marquée par son instabilité chronique ;
- Ensuite, elle est actuellement marquée par la très forte influence des normes
communautaires de l’UEMOA par lesquelles ladite organisation d’intégration
s’attelle à l’uniformisation du droit des marchés publics ;
- Enfin, on relève une forte érosion des prérogatives de puissance publique reconnue
à l’Administration contractante6 au point que celle-ci, en certaines occasions, se voit
appliquer les règles de droit privé. Cette érosion imputable à l’influence de l’UEMOA
s’observe à travers notamment l’intrusion de l’arbitrage et, corrélativement, du droit
5
JORCI, 6 février 1992, pp.114 et ss.
6
KÉBÉ Abdou Aziz Daba, « Le déclin de l’exorbitance du droit administratif sénégalais sous l’effet du droit
communautaire », pp.1-28. Document accessible en ligne sur : http://afrilex.u-
bordeaux4.fr/sites/afrilex/IMG/pdf/Le_déclin_de_l_exorbitance_du_droit_administratif_senegalais.pdf ;
CHEVALIER Jacques, « Vers un droit post-moderne ? Les transformations de la régulation juridique », in Actes
du colloque Contractualisation de la production normative, 11, 12 et 13 octobre 2007, pp.3-12 ; KIKI-NEME Lydie,
« Le contentieux de la résiliation unilatérale des contrats administratifs en droit ivoirien », RISJPO, n°7, pp.147-
178 ; TIEBLEY Yves Didier, « Les prérogatives exorbitantes du droit commun : une notion sinueuse en droit
ivoirien », GNOMUS, n°7, Décembre 2020, p.151-232.
2
TIEBLEY Yves Didier, PhD – Enseignant-Chercheur à l’Université Félix Houphouët-Boigny de Cocody
Marchés publics
Master 1 Droit des Affaires – CERAP Année académique 2024-2025
D’une façon générale, les marchés publics sont des contrats d’achat public de
fourniture, travaux publics ou services dont la caractéristique la plus notable par rapport
aux autres conventions passées par des personnes publiques avec des entreprises
publiques ou privées, réside dans le paiement d’un prix par la personne publique acheteuse.
La summa divisio entre délégation de service public et marché public demeure arbitrée
par la référence au critère de financement du contrat, celui-ci n’échappant à la qualification
de marché et au mode de passation correspondant que lorsque la rémunération du
cocontractant est substantiellement liée aux résultats de l’exploitation9.
7
En vertu de l’article 150 du Code des marchés publics, « Les litiges relatifs à l’exécution ou au règlement des
marchés publics peuvent également être soumis à un tribunal arbitral dans les conditions prévues par l’Acte
uniforme de l’OHADA relatif à l’arbitrage, ou à toute autre juridiction arbitrale choisie par les parties ».
8
« La résiliation peut aussi être prononcée par la juridiction compétente, saisie à l’initiative du titulaire du
marché, pour défaut de paiement, à la suite d’une mise en demeure restée sans effet pendant trois mois » (Article
123 Code des marchés publics). Cette disposition est la transposition, en droit ivoirien, de la Directive
n°04/2005/CM/UEMOA du 09 décembre 2005 portant procédures de passation, d’exécution et de règlement
des marchés publics et des délégations de service public dans l’Union Économique et Monétaire Ouest Africaine.
Celle-ci, en son article 8, dispose : « Les marchés publics peuvent faire l’objet d’une résiliation dans les conditions
stipulées aux cahiers des charges, dans les conditions suivantes [...] à l’initiative du titulaire du marché, pour
défaut de paiement, à la suite d’une mise en demeure restée sans effet pendant trois mois ».
9
COLSON Jean-Philippe et IDOUX Pascale, Droit public économique, 4ème édition, Paris, Dalloz, 2008, nos545
et 547, pp.372-373.
3
TIEBLEY Yves Didier, PhD – Enseignant-Chercheur à l’Université Félix Houphouët-Boigny de Cocody
Marchés publics
Master 1 Droit des Affaires – CERAP Année académique 2024-2025
PREMIÈRE PARTIE :
NOTION DE MARCHÉS PUBLICS
L’étude de la notion de marchés publics nous conduira à explorer deux axes que sont,
d’une part, l’analyse théorique des marchés publics (Chapitre 1) et, d’autre part, la
formation et l’exécution des marchés publics (Chapitre 2).
Cette analyse s’articulera autour de deux axes. Le premier nous conduira à cerner la
définition du contrat de marché public (Section 1) tandis que le second axe mettra en relief
les parties et partenaires au contrat de marché public (Section 2).
L’article premier du Code des marchés publics définit le marché public comme « le contrat
écrit, conclu à titre onéreux par une autorité contractante pour répondre à des besoins en
matière de travaux, de fournitures ou de services… ». Au regard de cette définition, il
apparaît que le marché public revêt un caractère contractuel (§ 1), est passé par une
autorité contractante (§ 2) et porte sur des objets précis (§ 3).
Au regard de l’article premier du Code des marchés publics, un marché public ne peut pas
résulter d’un acte unilatéral. Ce caractère contractuel suppose, au préalable, l’accord de
volonté entre deux personnes juridiques.
Un marché public suppose donc un accord sur le prix et sur la chose. Cet accord sera,
dans la plupart des cas, matérialisé par un acte d’engagement par lequel le titulaire du
marché s’engage à exécuter les prestations, objet du contrat, en application d’un cahier
des charges10 et la personne publique s’engage à le rémunérer.
La notion d’autorité contractante telle que mentionnée dans le Code des marchés
publics ne situe pas nécessairement sur la nature juridique de la personne habilitée à passer
le marché public. Il s’ensuit que si la compétence pour passer le marché public bénéficie,
10
Le Code des marchés publics, en son article 25, prévoit quatre (4) types de cahiers de charges : le Cahier
des clauses administratives générales (CCAG) ; le Cahier des clauses administratives particulières (CCAP) ; le
Cahier des clauses techniques générales (CCTG) et les Cahiers de clauses techniques particulières (CCTP). Le
cas échéant, s’ajoute un cahier des clauses environnementales et sociales et tout autre cahier élaboré en
conformité avec les obligations de l’autorité contractante liées au respect des principes de l’achat durable.
4
TIEBLEY Yves Didier, PhD – Enseignant-Chercheur à l’Université Félix Houphouët-Boigny de Cocody
Marchés publics
Master 1 Droit des Affaires – CERAP Année académique 2024-2025
en principe, à la personne morale de droit public (A). Cela n’exclut pas la possibilité pour
une personne de droit privé de conclure un tel contrat (B).
Au regard de l’article 2.1 du Code des marchés publics, les marchés publics sont, en
principe, passés par les personnes morales de droit public. Ce sont l’État, les établissements
publics, les collectivités territoriales, les organismes, agences ou toute autre personne
morale de droit public. À ceux-ci, l’article 2.2 in fine adjoint les associations formées par une
ou plusieurs personnes morales de droit public.
En outre, les marchés passés par les institutions, structures ou organes de l’État créés
par la Constitution, la loi ou le règlement pour toutes leurs dépenses de fonctionnement
ou d’investissement sont soumis au Code des marchés publics. Il s’agit de la Présidence de
la République, de l’Assemblée nationale, du Conseil économique, social, environnemental
et culturel, ou de toute autre institution similaire. Cette dernière formule synthétique
permet d’inclure à cette liste le Sénat dont l’organisation et le fonctionnement sont
intervenus postérieurement à l’adoption du Code des marchés publics.
En droit français, le principe de l’unité de l’État implique que les assemblées
parlementaires (Assemblée nationale et Sénat) agissent au nom de l’État lorsqu’elles
procèdent à la passation de marchés en vue de la réalisation des travaux publics de
construction ou d’obtention de fournitures11.
L’article 2.1 du Code (ivoirien) des marchés publics ne précise pas la nature des
établissements publics habilités à passer des marchés publics. Serait-ce seulement des
établissements publics administratifs (EPA) ? Ou, au contraire, devrait-on prendre en
compte les établissements publics industriels et commerciaux (EPIC) ? En outre, devrait-on
inclure à cette liste les établissements publics des collectivités locales ?
Relativement aux établissements publics, on note que le Code ne procède à aucune
distinction. Aussi, devrons-nous inférer que les EPIC, au même titre que les EPA, sont admis
à passer des marchés publics. Il est fait, en la matière, application de la maxime Ubi lex non
distinguit nec nos distinguere debemus12.
En revanche, la possibilité pour les établissements publics des collectivités territoriales
pour passer des marchés publics est problématique. Le Code des marchés publics bien
qu’ayant mentionné expressément les collectivités territoriales n’en a pas fait de même
pour leurs établissements publics. On pourrait, a priori, penser que les établissements
11
« Considérant que les marchés conclus par les assemblées parlementaires en vue de la réalisation de travaux
publics ont le caractère de contrats administratifs ; […] il appartient à la juridiction administrative de connaître
des contestations relatives aux décisions par lesquelles les services de ces assemblées procèdent au nom de l’État
à leur passation ; qu’il en va de même des décisions relatives aux marchés conclus en vue de l’exploitation des
installations des assemblées lorsque ces marchés ont le caractère de contrats administratifs ». Cf. CE Ass. 5 mars
1999, Président de l’Assemblée nationale, GAJA, 18ème édition, n°101, 2011, p.138.
12
Autrement dit, « il est interdit de distinguer là où la loi ne distingue pas ». La loi ayant disposé sans restriction
ni conditions, l’interprète n’a pas à y introduire des exceptions qui n’ont pas été prévues par le législateur.
5
TIEBLEY Yves Didier, PhD – Enseignant-Chercheur à l’Université Félix Houphouët-Boigny de Cocody
Marchés publics
Master 1 Droit des Affaires – CERAP Année académique 2024-2025
publics des collectivités territoriales ne sont juridiquement pas admis à passer des marchés
publics13. Toutefois, l’analyse de l’article 85 du Code des marchés publics laisse entrevoir la
possibilité pour les établissements publics locaux de passer des marchés. Selon l’article 85
précité, « Les dispositions du présent Code s’appliquent également aux collectivités
territoriales mentionnées à l’article 2 du présent Code, sous réserve des dispositions
spécifiques ci- après. Les dispositions ci-après prescrites pour les collectivités territoriales
sont, mutatis mutandis, également applicables aux associations, établissements publics,
sociétés, et organismes divers qu’elles peuvent créer dans le cadre de leur politique de
développement économique et social, de regroupement ou de coopération ».
Sous le concept d’entreprises publiques sont désignées les sociétés d’État et les sociétés
à participation financière publique majoritaire.
La société d’État est la société dont le capital est entièrement constitué par des
participations de l’État et, le cas échéant, d’une ou plusieurs personnes morales de droit
public ivoiriennes. Le capital de la société d’État est divisé en actions14. La société d’État
est une personne morale de Droit privé, commerciale par sa forme. Son patrimoine est
affecté à l’exercice des activités prévues par son objet social. Les actionnaires ne
supportent les pertes qu’à concurrence de leurs apports. Son personnel, à l’exception de
ceux nommés par décret pris en conseil des ministres, est régi par les dispositions du Code
du Travail15.
Est considérée comme une société à participation financière publique, une société
commerciale dont le capital est partiellement détenu par l’État, une personne morale de
droit public, une société d’État ou une société à participation financière publique
majoritaire. Peu importe que cette société commerciale soit de droit ivoirien, relevant d’un
droit étranger ou qu’il s’agisse d’une structure internationale à vocation commerciale16. La
13
En Côte d’Ivoire, la possibilité pour les collectivités territoriales de créer des établissements publics est
prévue par l’article 20 § 26 de la loi 2012-1128 du 13 décembre 2012 portant organisation des collectivités
territoriales. En vertu de cette disposition, « Ne sont exécutoires qu’après approbation de l’autorité de tutelle,
les délibérations des Conseils des collectivités territoriales portant sur … la création et la suppression des
services ou établissements publics de la collectivité territoriale, les décisions de gestion en régie, les concessions
ou affermages des mêmes services ainsi que les contrats y afférents ».
14
Article 2 de la loi n°97-519 du 4 septembre 1997 portant définition et organisation des sociétés d’État.
15
Article 4 de la loi n°97-519 du 4 septembre 1997 portant définition et organisation des sociétés d’État.
16
Article 1er de la loi n°2020-886 du 21 octobre 2020 relative aux sociétés à participation financière publique.
6
TIEBLEY Yves Didier, PhD – Enseignant-Chercheur à l’Université Félix Houphouët-Boigny de Cocody
Marchés publics
Master 1 Droit des Affaires – CERAP Année académique 2024-2025
société à participation financière publique est une société commerciale dont le capital est
partiellement et directement détenu par une participation publique17.
Sont rangées dans cette catégorie, les personnes (physiques ou morales) de droit privé
bénéficiant du concours financier ou de la garantie de l’État, d’une personne morale de
droit public, d’une société d’État ou d’une société à participation financière publique
majoritaire18.
La présentation ci-dessus du domaine d’application du Code des marchés publics n’est
pas exhaustive. Il importe d’y inclure, d’une part, les coordinations, groupements de
commandes et centrales d’achats (Article 3)19 et, d’autre part, sous certaines conditions,
les marchés sur financements extérieurs (Article 4)20.
Les marchés publics sont divers. Les uns revêtent un aspect classique (A) tandis que
d’autres, plus récents, se distinguent par leur aspect particulier (B).
Sur le fondement de l’article premier du Code des marchés publics, le contrat de marché
public porte sur un objet précis qui peut être soit la réalisation de travaux (1), soit la
fourniture de biens meubles (2) ou encore la réalisation de service au profit de
l’Administration contractante (3). À cette énumération, s’ajoute le marché mixte (4).
17
Article 2 de la loi n°2020-886 du 21 octobre 2020 relative aux sociétés à participation financière publique.
18
Établir une distinction entre le concours financier accordé à une entreprise privée, d’une part, et la
participation au capital d’une société anonyme, d’autre part.
19
« Le présent Code s’applique aux marchés passés dans le cadre d’un achat groupé ou collectif, notamment par
groupement de commandes, coordination de commandes, ou par une centrale d’achat qui acquiert des
fournitures ou services pour le compte des autorités contractantes, ou conclut des accords de travaux, de
fournitures ou de services pour le compte des autorités contractantes » (Article 3).
20
« Les marchés financés par des ressources extérieures sont soumis aux dispositions du présent Code, sous
réserve des dispositions prévues par les accords de financement » (Article 4).
21
Cette rubrique reprend, pour l’essentiel, un ouvrage du professeur Djè bi Djè Christiane. Cf. DJÈ Bi DJÈ
Christiane, Droit des marchés publics en Côte d’Ivoire, Abidjan, FUPA Éditions, 2013, pp.67-70. D
7
TIEBLEY Yves Didier, PhD – Enseignant-Chercheur à l’Université Félix Houphouët-Boigny de Cocody
Marchés publics
Master 1 Droit des Affaires – CERAP Année académique 2024-2025
Le critère de l’utilité générale pourrait a priori être perçu comme se confondant avec
celui de service public ou de domanialité publique. À vrai dire, la notion d’utilité générale
dépasse celle de service public et de domanialité publique. Le plus souvent les travaux sont
exécutés dans l’intérêt d’un service public, mais il peut y avoir utilité générale sans service
public24 et hors du domaine public25. Par contre, ne sont pas considérés comme travaux
publics, les travaux à but purement financier26 ou réalisés, comme de simples particuliers,
par des personnes de droit public27.
22
Idem, p.68-70.
23
CE 27 juillet 1906, Permane c/ Ville d’Armentières, Rec. 700.
24
CE 16 juin 1921, Commune de Monségur, GAJA, 18ème édition, n°37, Dalloz, 2011, pp.228-230 (Travaux dans une
église).
25
TC 24 octobre 1942, Préfet des Bouches-du-Rhône, Sirey, 1945.3.10 ; CE Ass. 12 avril 1957, Mimouni, Rec.
262 (Travaux d’intérêt général exécutés sur la propriété d’un particulier).
26
CE 18 janvier 1924, Casino de Saint Malo, Rec. 58.
27
TC 20 janvier 1945, Suchet, Rec. 276 (Travaux de clôture d’un terrain faisant partie du domaine privé de la
commune pour éviter les déprédations).
8
TIEBLEY Yves Didier, PhD – Enseignant-Chercheur à l’Université Félix Houphouët-Boigny de Cocody
Marchés publics
Master 1 Droit des Affaires – CERAP Année académique 2024-2025
28
CE 22 juin 1926, De Sigalas, RDP, 1928, p.525, Concl. Josse.
29
CE 24 janvier 1936, Mure, Rec. 105 (À propos de travaux d’urgence ordonnés par le maire).
30
TC 28 mars 1955, Effimief, GAJA, 18ème édition, n°70, Dalloz, 2011, p.463.
31
DJÈ Bi DJÈ Christiane, Droit des marchés publics en Côte d’Ivoire, op. cit., p.70.
32
De manière simplifiée, le crédit-bail est une technique de crédit dans laquelle le prêteur offre à l’emprunteur
la location d’un bien, assortie d’une promesse unilatérale de vente, qui peut se dénouer par le transfert de la
propriété bien loué à l’emprunteur.
9
TIEBLEY Yves Didier, PhD – Enseignant-Chercheur à l’Université Félix Houphouët-Boigny de Cocody
Marchés publics
Master 1 Droit des Affaires – CERAP Année académique 2024-2025
Sont rangés parmi les marchés courants, les services de nettoyage, le service de
transport… À cela, s’ajoutent les contrats de services juridiques, financiers, d’assurance,
de services sanitaires, récréatifs…
Les marchés de prestations intellectuelles comprennent les marchés de prestations
d’étude et des contrats portant sur les prestations architecturales.
4. Le marché mixte
Le marché mixte relève d’une des trois catégories mentionnées ci-dessus qui peut
comporter, à titre accessoire, des éléments relevant d’une autre catégorie.
Cette catégorie de marchés est assez diversifiée. On y décèle le marché sur dépenses
contrôlées (1), le contrat GENIS (2), le marché clés en main (3), le marché de conception-
réalisation (4), le marché de conception, réalisation, exploitation ou maintenance (5) et le
marché d’innovation (6).
Le marché sur dépenses contrôlées est un marché qui donne lieu au remboursement par
l’autorité contractante des dépenses réelles autorisées et contrôlées du titulaire, majorées
d’honoraires ou affectées de coefficients destinés à couvrir les frais généraux, les impôts,
les droits et taxes, et le bénéfice.
2. Le contrat GENIS
Le contrat GENIS est un marché public dont la finalité est d’assurer continuellement un
service de qualité aux usagers. L’opérateur titulaire du marché GENIS est en charge de bon
nombre d’activités ayant pour objet la gestion et le suivi systématique de l’infrastructure
concernée. Il couvre en outre, dans les conditions définies au marché, l’exécution de
travaux initiaux de mise à niveau nécessaires pour remettre des infrastructures à niveau en
fonction des normes prescrites, de travaux d’amélioration spécifiés par l’autorité
contractante en vue de conférer à ces infrastructures des caractéristiques nouvelles pour
répondre à l’évolution des trafics, à des impératifs de sécurité ou autres, ainsi que de
travaux d’urgence destinés à remettre ces infrastructures en état à la suite de dégâts
occasionnés par des phénomènes naturels, aux conséquences exceptionnelles (Article
49.1).
Ce marché se fonde sur une obligation de résultats qui a des incidences sur la
rémunération du titulaire. Les entreprises ne sont pas rémunérées en fonction des moyens
mis en œuvre, c’est-à-dire du volume d'activités déployé en termes de travaux physiques,
10
TIEBLEY Yves Didier, PhD – Enseignant-Chercheur à l’Université Félix Houphouët-Boigny de Cocody
Marchés publics
Master 1 Droit des Affaires – CERAP Année académique 2024-2025
Le marché clés en main est un marché à responsabilité unique basé sur un prix forfaitaire
et pour lequel les paiements sont effectués en fonction d’un échéancier contractuel. Pour
un tel marché, l’autorité contractante indique les grandes lignes du projet, c’est-à-dire, ses
paramètres techniques principaux. Dans le cadre d’un marché clés en main, la conception et
les études techniques, la fourniture et l’installation du matériel et la réalisation d’une
installation complète ou des travaux font l’objet d’un marché unique. L’autorité
contractante peut garder la responsabilité de la conception et des études techniques, et
lancer un appel d’offres pour un marché à responsabilité unique couvrant l’ensemble des
fournitures et travaux inclus dans une partie du projet (Article 50).
4. Le marché de conception-réalisation33
33
Article 50 du Code des marchés publics.
34
Article 52 du Code des marchés publics.
11
TIEBLEY Yves Didier, PhD – Enseignant-Chercheur à l’Université Félix Houphouët-Boigny de Cocody
Marchés publics
Master 1 Droit des Affaires – CERAP Année académique 2024-2025
6. Marché d’innovation
À l’image des autres contrats administratifs, le marché public fait intervenir deux
parties : d’une part, l’Administration contractante et, d’autre part, le cocontractant de
celle-ci. L’Administration ou les personnes qui la représentent ou agissent en son nom,
surtout dans le cas particulier des marchés de travaux publics, assurent la maîtrise de
l’ouvrage (§ 1). Le cocontractant, lui, est désigné sous l’appellation d’attributaire (§ 2).
12
TIEBLEY Yves Didier, PhD – Enseignant-Chercheur à l’Université Félix Houphouët-Boigny de Cocody
Marchés publics
Master 1 Droit des Affaires – CERAP Année académique 2024-2025
A. Le maître d’ouvrage
Le maître d’ouvrage est la personne morale de droit public ou de droit privé qui est
l’initiatrice de la commande publique et pour le compte de laquelle sont exécutés les
travaux, fournitures ou services (Article premier du Code des marchés publics).
Il est le commanditaire du marché. Il définit donc la commande publique en fonction de
ses besoins, il assume la responsabilité de la conception et de la réalisation des travaux. Il
représente l’utilisateur final de l’ouvrage et, à ce titre, le réceptionne35.
Le maître d’ouvrage délégué est la personne morale de droit public ou de droit privé qui
est le délégataire du maître d’ouvrage dans l’exécution de ses missions (Article premier du
Code des marchés publics).
Il n’est pas le destinataire de l’ouvrage mais il exerce pour le compte du maître
d’ouvrage ou de l’autorité contractante (le plus souvent confondus) et, sous sa
responsabilité, tout ou partie de ses attributions : participation à la conception du projet,
passation ou exécution du marché, gestion, autorisation des paiements, réception de
l’ouvrage. Il offre ainsi des compétences techniques au maître d’ouvrage36.
C. Le maître d’œuvre
Un maître d’œuvre est la personne morale de droit public ou de droit privé dont les
attributions s’attachent aux aspects architectural, technique et économique de la
réalisation d’un ouvrage de bâtiment, d’infrastructure ou d’équipement technique37. Le
Code des marchés définit ses attributions (1) ainsi que la nature juridique du contrat
fondant l’activité du maître d’œuvre (2).
35
DJÈ Bi DJÈ Christiane, Droit des marchés publics en Côte d’Ivoire, op. cit., p.48.
36
Le maître d’ouvrage délégué peut être soit une structure publique telle que le Ministère de la construction
ou un bureau spécialisé au sein du Ministère concerné (autorité contractante). C’est notamment le cas du
Bureau d’exécution des projets du Ministère de l’Éducation nationale dans le cadre du programme
d’ajustement structurel éducation et formation (PASEF). Il peut arriver que le maître d’ouvrage délégué soit
une structure de droit privé telle que l’Ageroute (société d’État) intervenant dans les projets routiers. Cf. DJÈ
Bi DJÈ Christiane, Droit des marchés publics en Côte d’Ivoire, op. cit., p.49.
37
Article premier du Code des marchés publics.
13
TIEBLEY Yves Didier, PhD – Enseignant-Chercheur à l’Université Félix Houphouët-Boigny de Cocody
Marchés publics
Master 1 Droit des Affaires – CERAP Année académique 2024-2025
L’article 15.4 du Code apporte plus de précisions sur cette notion lorsqu’il prévoit que le
maître d’œuvre est la personne morale de droit public ou de droit privé chargée par le
maître d’ouvrage ou l’autorité contractante d’apporter des réponses, notamment
architecturales, techniques et économiques à la réalisation d’un ouvrage ou à la fourniture
d’équipements ou de services complexes.
Le maître d’œuvre est donc la personne chargée de coordonner les travaux des divers
corps de métier dans une entreprise de construction et de mener celle-ci à bien38.
Il assiste le maître d’ouvrage ou l’unité de gestion administrative dans la passation des
marchés, assure la direction, le suivi et le contrôle de l’exécution des travaux ou la
fourniture d'équipements ou de services complexes. Le maître d’œuvre et le maître
d’ouvrage ou l’unité de gestion administrative sont liés par un contrat de maîtrise
d’œuvre39. Le maître d’œuvre doit toujours être choisi en dehors des services du maître
d’ouvrage ou de l’unité de gestion administrative. L’autorité contractante peut aussi choisir
un cabinet privé pour être son maître d’œuvre.
Toutefois, dans certains cas, le maître d’œuvre peut être choisi au sein des services du
maître d’ouvrage ou de l’autorité contractante. Dans ces cas, l’avis de la structure
administrative chargée du contrôle des marchés publics est requis.
Le contrat de maîtrise d’œuvre est le contrat par lequel le maître d’ouvrage ou l’autorité
contractante confie au maître d’œuvre, choisi pour sa compétence, une mission de
conception et d’assistance pour la réalisation des ouvrages de bâtiments ou
d’infrastructures, d’équipements, ou la livraison de fournitures ou services complexes. Le
contrat de maîtrise d’œuvre qui est un marché de services porte sur tout ou partie des
éléments suivants :
- Les études d’esquisse ;
- Les études de projets ;
- L’assistance au maître d’ouvrage ou l’unité de gestion administrative pour la
passation du contrat de travaux ou à la fourniture d’équipements ou services
complexes ;
- La direction, le suivi et le contrôle de l’exécution des travaux ou la fourniture
d’équipements ou services complexes ;
- L’ordonnancement, le pilotage et la coordination des chantiers ;
- L’assistance au maître d’ouvrage ou à l’unité de gestion administrative lors des
opérations de réception et pendant la période de garantie de parfait achèvement
38
CORNU Gérard (dir.), Vocabulaire juridique, 9e édition, Paris, Quadrige/Puf, 2012, p.701.
39
En Côte d’Ivoire, le Bureau National d’études de développement et techniques (BNEDT), une société d’État,
est souvent requis comme maître d’œuvre dans les grands marchés de travaux publics de l’État. Cf. DJÈ Bi
DJÈ Christiane, Droit des marchés publics en Côte d’Ivoire, op. cit., p.49.
14
TIEBLEY Yves Didier, PhD – Enseignant-Chercheur à l’Université Félix Houphouët-Boigny de Cocody
Marchés publics
Master 1 Droit des Affaires – CERAP Année académique 2024-2025
des travaux. La mission de maîtrise d’œuvre donne lieu à une rémunération fixée
contractuellement. Le montant de cette rémunération tient compte de l’étendue de
la mission, du niveau de complexité et du coût prévisionnel des travaux. Le marché
de maîtrise d’œuvre est passé selon la procédure applicable aux marchés de
prestations intellectuelles.
Paragraphe 2 : L’attributaire
Afin d’exécuter les travaux ou les prestations, l’Administration est amenée à faire appel
à des personnes privées et à passer des contrats avec elles sur la base de la liberté d’accès
à la commande publique prévue par l’article 8 du Code des marchés publics.
En principe, les personnes privées, dans leurs rapports inter se, ne rentrent pas dans le
champ d’application des règles du Code des marchés publics. Mais dès que la personne
privée devient titulaire du marché (donc après que le marché ait été approuvé par l’autorité
administrative compétente), elle se voit tenue de respecter les règles prévues par le Code
des marchés publics. À ce titre, l’attributaire de droit privé – devenue titulaire – pourra se
voir opposer les règles prévues par les lois et les règlements en vigueur en cas de
manquement à ses obligations.
On pourrait mentionner le cas particulier des entreprises publiques, c’est-à-dire les
démembrements de l’État mais qui sont juridiquement des personnes morales de droit
privé, de forme commerciale, et qui sont, à ce titre, principalement soumis au droit privé.
Le Code des marchés publics les autorise, sous certaines conditions, à soumissionner aux
marchés publics sur le fondement de son article 39.3. Selon cette disposition, « les
entreprises publiques ne peuvent participer aux procédures de passation des marchés publics
qu’à condition qu’elles attestent qu’elles sont juridiquement et financièrement autonomes,
qu’elles sont soumises au droit commercial et qu’elles n’ont aucun lien de subordination avec
l’autorité contractante ».
Les garanties prévues par le Code des marchés publics sont au nombre de quatre (4). Ce
sont la garantie d’offre et de soumission, la garantie de bonne exécution, la retenue de
garantie et les autres garanties. De cette énumération, à vrai dire, la garantie d’offre et de
15
TIEBLEY Yves Didier, PhD – Enseignant-Chercheur à l’Université Félix Houphouët-Boigny de Cocody
Marchés publics
Master 1 Droit des Affaires – CERAP Année académique 2024-2025
soumission se distingue des trois autres sur un point précis. En effet, elle est exigée du
candidat à un appel d’offres ; c’est donc une exigence qui s’impose à une personne qui
n’est pas encore dans les liens contractuels avec l’autorité contractante. En revanche, les
trois autres garanties sont exigées des titulaires du marché public, donc de personnes
contractuellement liées à l’Administration acheteuse.
Garantie d’offre et de soumission (Article 95). Les candidats sont tenus de fournir une
garantie d’offre en garantie de l’engagement que constitue leur offre, à l’exception des
marchés négociés de gré à gré, ou des marchés de prestations intellectuelles, sauf si
l’autorité contractante en décide autrement. L’unité de gestion administrative (Cellule de
passation des marchés) a la possibilité de dispenser de façon ponctuelle, un marché de la
production d’une garantie, après autorisation de la structure administrative chargée du
contrôle des marchés publics. Le ministre chargé des Marchés publics peut, par arrêté,
dispenser de façon permanente la production de garantie de soumission pour certains
marchés, après avis de la structure administrative chargée du contrôle des marchés publics
(Article 95.1).
Le montant de la garantie d’offre et de soumission est fixé en fonction de l’opération
par l’unité de gestion administrative (Cellule de passation des marchés), entre 1 et 1,5 % du
montant prévisionnel de la dépense envisagée. L’unité de gestion administrative doit
subdiviser la garantie exigée en autant de fractions que de lots (Article 95.2).
Garantie de bonne exécution (Article 97). Tout titulaire d’un marché est tenu de fournir
une garantie de bonne exécution du marché et de recouvrement des sommes dont il serait
reconnu débiteur envers l’autorité contractante au titre dudit marché. Elle est fixée dans
le cahier des charges et doit être en rapport avec l’objet du marché. Ce principe ne
s’applique pas aux marchés de prestations intellectuelles en raison de leurs modalités
spécifiques d’exécution. Dans la définition des garanties requises, l’autorité contractante
ne prend aucune disposition à caractère discriminatoire, notamment celle visant à faire
obstacle à l’accès des petites et moyennes entreprises à la commande publique (Article
97.1). Les entreprises artisanales assujetties à l’impôt synthétique et inscrites à la Chambre
des métiers sont dispensées de fournir la garantie d’offre et la garantie de bonne exécution
dans les conditions fixées par décret pris en Conseil des ministres. En cas d’attribution, les
entreprises artisanales doivent produire un certificat délivré par les services des impôts
indiquant qu’elles sont assujetties à l’impôt synthétique.
Le montant de la garantie de bonne exécution est indiqué dans le marché. Ce montant
ne peut être inférieur à trois 3% ni supérieur à 5% du montant initial du marché augmenté
ou diminué, le cas échéant, de ses avenants. Le taux est fixé par l’unité de gestion
administrative dans le dossier d’appel d’offres (Article 97.3).
16
TIEBLEY Yves Didier, PhD – Enseignant-Chercheur à l’Université Félix Houphouët-Boigny de Cocody
Marchés publics
Master 1 Droit des Affaires – CERAP Année académique 2024-2025
Autres garanties. Les cahiers des charges déterminent, s’il y a lieu, les garanties et
sûretés autres que celles prévues dans le Code des marchés publics, qui peuvent être
demandées à titre exceptionnel aux titulaires pour garantir l’exécution de leurs
engagements. Elles doivent indiquer les droits que l’unité de gestion administrative peut
exercer et les conditions de leur libération. Les différentes garanties financières doivent
systématiquement avoir des dates précises de caducité ou prévoir l’évènement qui éteint
l’engagement (Article 105).
Le Code des marchés publics n’interdit, en principe pas, à une personne publique de se
porter candidate à l’attribution d’un marché public. Aussi, devons-nous inférer que les
personnes morales de droit public sont admises à soumissionner aux marchés publics.
D’ailleurs, en vertu de l’article 2.3 du Code des marchés publics, les conventions de
prestations de service passées entre les services de l’État et les collectivités territoriales
sont soumises au principe de mise en concurrence en ce qui concerne leurs prestations
d’ingénierie publique auprès d’autres collectivités publiques41. Ces marchés concernent la
conduite d’opération, la maîtrise d’œuvre, la gestion de service, les prestations de contrôle,
40
La notion d’« unité de gestion administrative » désigne un organe précis au sein de chaque personne
publique ou privée soumise au Code des marchés publics. Ainsi, au niveau de chaque ministère ou entité
assujetti au Code des marchés publics, est mise en place une cellule de passation des marchés qui est chargée
des missions de préparation, de planification, de gestion du processus de passation et du suivi évaluation des
marchés publics. Au sein des ministères, la cellule de passation des marchés est placée sous l’autorité de la
personne responsable des marchés. La composition et le fonctionnement de la cellule de passation des
marchés sont fixés par décret pris en Conseil des ministres (Article 13 Code des marchés publics).
Il importe de ne pas confondre la Cellule de passation des marchés avec la Commission d’ouverture des plis
et de jugement des offres. Celle-ci est placée auprès de l’autorité contractante et est chargée de l'ouverture
des plis, de l'évaluation des offres et de la désignation des attributaires. La composition de la commission
d’ouverture des plis et de jugement des offres est variable en fonction de la nature de l’autorité contractante
et de l’objet de l’appel d’offres (Article 14 Code des marchés publics).
41
« Les dispositions du présent Code sont également applicables aux conventions passées entre des personnes
morales assujetties au Code des marchés publics. Les modalités d’application de ces conventions sont fixées par
décret pris en Conseil des ministres » (Article 2.3 Code des marchés publics).
17
TIEBLEY Yves Didier, PhD – Enseignant-Chercheur à l’Université Félix Houphouët-Boigny de Cocody
Marchés publics
Master 1 Droit des Affaires – CERAP Année académique 2024-2025
42
« Considérant que les personnes publiques sont chargées d’assurer les activités nécessaires à la réalisation des
missions de service public dont elles sont investies et bénéficient à cette fin de prérogatives de puissance
publique ; qu’en outre, si elles entendent, indépendamment de ces missions, prendre en charge une activité
économique, elles ne peuvent légalement le faire que dans le respect tant de la liberté du commerce et de
l’industrie que du droit de la concurrence ; qu’à cet égard, pour intervenir sur un marché, elles doivent, non
seulement agir dans la limite de leurs compétences, mais également justifier d’un intérêt public, lequel peut
résulter notamment de la carence de l’initiative privée ». Cf. CE 31 mai 2006, Ordre des avocats au Barreau de
Paris, Rec. 272.
18
TIEBLEY Yves Didier, PhD – Enseignant-Chercheur à l’Université Félix Houphouët-Boigny de Cocody
Marchés publics
Master 1 Droit des Affaires – CERAP Année académique 2024-2025
Depuis l’adoption du (défunt) Code des marchés publics de 1992, l’appel à concurrence
est devenu le principe qui régit la conclusion des contrats de marché public (A)43. La mise
en œuvre de l’appel à concurrence s’observe par la publicité qui entoure désormais la
conclusion des contrats de marchés publics (B).
A. Le principe
Le principe de l’appel à concurrence (1) n’est pas de portée absolue. Il admet donc des
assouplissements qui dénotent sa portée relative (2).
1. L’énoncé du principe
L’appel à concurrence est l’un des principes fondamentaux prévus par l’article 8 du Code
des marchés publics. Il résulte de l’application combinée de plusieurs principes énoncés à
l’article 8 précité. Selon cette disposition, « Les marchés publics, quel qu’en soit le montant,
sont soumis aux principes suivants : le libre accès à la commande publique ; l’égalité de
43
Cet appel à concurrence se traduisait par deux procédures de mise en concurrence que sont l’adjudication
et l’appel d’offres. Toutefois, l’adjudication a été supprimée par le (défunt) Code des marchés publics de
2005. La procédure d’adjudication reposait sur un seul critère : le prix proposé le plus bas (le moins disant).
Ce critère unique ne garantissait cependant pas la qualité des prestations de l’attributaire, d’où la nécessité
de privilégier une procédure conciliant le critère de la qualité/prix. L’appel d’offres, remplissant ce nouveau
critère, a été préféré à l’adjudication.
19
TIEBLEY Yves Didier, PhD – Enseignant-Chercheur à l’Université Félix Houphouët-Boigny de Cocody
Marchés publics
Master 1 Droit des Affaires – CERAP Année académique 2024-2025
L’appel à concurrence connait soit des assouplissements (a) soit des dérogations (b).
44
CE 9 mars 1960, Massida, req. n°39717.
45
De VILLIERS Michel et De BERANGER Thibaut (dir.), Droit public général : Institutions politiques,
administratives et européennes. Droit administratif, finances publiques et droit fiscal, 6ème édition, Paris,
LexiNexis, 2015, n°890, p.741.
46
« Considérant que, quel que soit l’intérêt général qui s’y attache, la répartition équilibrée des marchés entre
les petites, les moyennes et les grandes entreprises n’est pas au nombre des objectifs que les dispositions du
code des marchés publics visent à atteindre ; qu’en recommandant aux responsables des marchés d’écarter les
candidatures de certaines entreprises au seul motif que leur chiffre d’affaires serait trop important au regard
du montant des marchés, la directive ministérielle du 15 décembre 1977 a pour effet d’introduire une
discrimination qui n’est pas en rapport avec l’objet de la réglementation des marchés publics, et de porter ainsi
une atteinte injustifiée à l’égalité de traitement qui doit être assurée entre les entreprises candidates à la
présentation d’une offre ». Cf. CE 13 mai 1987, Société Wanner Isofi Isolation, req. n°39120.
20
TIEBLEY Yves Didier, PhD – Enseignant-Chercheur à l’Université Félix Houphouët-Boigny de Cocody
Marchés publics
Master 1 Droit des Affaires – CERAP Année académique 2024-2025
Le Code des marchés publics ne s’applique pas aux marchés de travaux, de fournitures et
de services, lorsqu’ils concernent des besoins de défense et de sécurité nationales exigeant
le secret ou pour lesquels la protection des intérêts essentiels de l’État est incompatible
avec des mesures de publicité (article 7).
D’autres natures de dépenses qui ne se prêtent pas aux procédures de mise en
concurrence peuvent être exclues du champ d’application du Code des marchés publics.
Ces natures de dépenses sont déterminées par décret pris en Conseil des ministres.
Ces procédures sont diverses et se déclinent, à titre principal, en appel d’offres (A) et,
subsidiairement, en une procédure de gré à gré. Celle-ci apparait comme une procédure
subsidiaire mais rigoureusement encadrée (B).
47
Toutefois, l’exigence de la publication des avis d’appel à concurrence ne concerne pas la prise de mesures
relatives à la passation électronique des marchés publics.
21
TIEBLEY Yves Didier, PhD – Enseignant-Chercheur à l’Université Félix Houphouët-Boigny de Cocody
Marchés publics
Master 1 Droit des Affaires – CERAP Année académique 2024-2025
Selon l’article premier du Code des marchés publics, l’appel d’offres est la procédure
formalisée de mise en concurrence et d’attribution des marchés publics, caractérisée par
la pluralité des critères préétablis que doit utiliser la commission chargée de choisir
l’attributaire. Cette procédure a l’avantage de faire jouer la concurrence sous l’angle du
rapport qualité-prix et quantité-prix, et d’évaluer les concurrents les plus aptes à réaliser
les prestations les plus complexes, d’où le recours à cette procédure qui peut être ouverte
(1) ou restreinte (2). À ces deux procédures, s’ajoute celle de l’appel d’offres avec concours
(3).
1. La procédure ouverte48
La procédure d’appel d’offres est dite ouverte (Appel d’offres ouvert) lorsque tout
opérateur économique peut déposer une offre. Cette procédure sera retenue lorsque les
capacités techniques attendues sont suffisamment répandues ou lorsque le nombre
d’opérateurs économiques susceptibles de présenter une offre n’est pas trop élevé.
L’élimination des candidats n’intervient pas lors d’une phase préalable de sélection. Elle a
lieu lors de la séance au cours de laquelle sera désigné le lauréat du marché49.
En vertu de l’article 55 § 4 du Code des marchés publics, l’appel d’offres ouvert est la
règle. Il s’ensuit que le recours à tout autre mode de passation doit être exceptionnel,
justifié par l’autorité contractante et être autorisé, au préalable, par le ministre chargé des
Marchés publics, dans les conditions prévues par le Code des marchés publics.
L’appel d’offres est dit ouvert avec pré-qualification lorsque seuls certains candidats
sont, après sélection dans les conditions (de publicité) prévues par l’article 64 du Code des
marchés publics, autorisés à déposer une offre. Cet ajustement de l’appel d’offres ouvert
intervient lorsque les travaux, fournitures et services à exécuter revêtent un caractère
complexe ou exigent une technicité particulière. L’examen de la qualification des candidats
s’effectue exclusivement en fonction de leur aptitude à exécuter le marché de façon
satisfaisante et selon les critères définis dans l’invitation à soumissionner.
2. La procédure restreinte
48
Articles 55 et suivants du Code des marchés publics.
49
De VILLIERS Michel et De BERANGER Thibaut (dir.), Droit public général, op. cit., n°895, p.745.
22
TIEBLEY Yves Didier, PhD – Enseignant-Chercheur à l’Université Félix Houphouët-Boigny de Cocody
Marchés publics
Master 1 Droit des Affaires – CERAP Année académique 2024-2025
les conditions prévues pour l’appel d’offres ouvert ne paraissent pas remplies ou lorsque
le pouvoir adjudicateur veut s’entourer de toutes les garanties afin que le meilleur choix
puisse se faire dans les meilleures conditions. Elle permet de limiter les candidats admis à
présenter une offre50.
Corollaire de l’exigence découlant de l’article 55 § 4 du Code des marchés publics, l’appel
d’offres restreint apparaît comme une procédure subsidiaire à laquelle le pouvoir
adjudicateur n’est autorisé à recourir que sous certaines conditions. Ainsi, l’article 60.1 du
Code prévoit qu’on ne peut recourir à la procédure de l’appel d’offres restreint que lorsque
les fournitures, travaux ou services, de par leur nature spécialisée, ne sont disponibles
qu’auprès d’un nombre limité de fournisseurs, d’entrepreneurs ou de prestataires de
services.
La démarcation entre l’appel d’offres ouvert et l’appel d’offres restreint est si nette que
le juge administratif français n’admet pas que l’Administration ayant déjà lancé la
procédure d’appel d’offres ouvert puisse, par la suite, la transformer en procédure
restreinte51.
Tout comme l’appel d’offres restreint, l’appel d’offres avec concours est une procédure
subsidiaire, stricte à laquelle l’autorité contractante ne peut recourir que sous certaines
conditions. En effet, il peut être fait un appel d’offres avec concours lorsque des motifs
d’ordre technique, esthétique ou financier justifient des études ou des recherches
particulières. Le recours à cette procédure est soumis à l’avis conforme de la structure
administrative chargée du contrôle des marchés publics (Article 59.1).
Le concours est la procédure par laquelle la personne publique choisit, après mise en
concurrence et avis du jury, un plan ou un projet notamment dans le domaine de
l’aménagement du territoire, de l’urbanisme, de l’architecture et de l’ingénierie ou des
traitements de données, avant d’attribuer à l’un des lauréats du concours, un marché. Le
concours peut être ouvert ou restreint. Le règlement du concours peut prévoir que les
concurrents bénéficient du versement de primes (Article 59.2).
Cette prime se justifie eu égard au fait que l’appel d’offre avec concours requiert des
candidats un travail de recherche important. La pouvoir adjudicateur doit indiquer dans un
règlement les droits qu’il se réserve à l’égard des projets primés. Il devra préciser s’il
compte exercer sur le projet primé un simple droit d’usage ou s’il envisage s’en attribuer la
propriété. L’autorité contractante devra soit verser une redevance à l’auteur du projet si
l’exécution de celui-ci est confiée à un autre titulaire soit définir les conditions d’exécution
du projet si l’auteur de celui-ci en est également l’exécutant.
50
Idem, p.745.
51
CE 3 juillet 1968, Lavigne et Le Mée, req. n°68333.
23
TIEBLEY Yves Didier, PhD – Enseignant-Chercheur à l’Université Félix Houphouët-Boigny de Cocody
Marchés publics
Master 1 Droit des Affaires – CERAP Année académique 2024-2025
Il est recouru à la procédure de gré à gré ou d’entente directe lorsque l’unité de gestion
administrative, le maître d’ouvrage délégué ou le maître d’œuvre, s’il existe, engage les
négociations ou consultations appropriées, et attribue ensuite le marché au candidat qu’il
a retenu (Article 61.1).
Le gré à gré apparait comme une procédure dérogatoire à l’exigence de l’appel à
concurrence qui nimbe la procédure de l’appel d’offres. Aussi, le législateur balise-t-il le
recours à cette procédure au moyen de conditions drastiques par lesquelles il entend éviter
ou, à défaut minimiser, les déprédations au niveau de l’Administration.
Au niveau matériel, il ne peut être passé de marché de gré à gré ou d’entente directe
que dans les trois cas suivants :
- Lorsque les besoins ne peuvent être satisfaits que par une prestation nécessitant
l’emploi d’un brevet d’invention, d’une licence ou de droits exclusifs détenus par un
seul entrepreneur, un seul fournisseur ou un seul prestataire de services ;
- Lorsque les marchés ne peuvent être confiés qu’à un prestataire déterminé pour des
raisons artistiques ou techniques ;
- Dans le cas d’urgence impérieuse motivée par des circonstances imprévisibles ou de
force majeure ne permettant pas de respecter les délais prévus dans les procédures
d’appel d’offres, nécessitant une intervention immédiate, et lorsque l’autorité
contractante n’a pas pu prévoir les circonstances qui sont à l’origine de l’urgence.
24
TIEBLEY Yves Didier, PhD – Enseignant-Chercheur à l’Université Félix Houphouët-Boigny de Cocody
Marchés publics
Master 1 Droit des Affaires – CERAP Année académique 2024-2025
Le pouvoir adjudicateur peut opter soit pour le marché d’allotissement soit pour le
marché unique.
52
« Tout marché public fait l’objet de supervision, de contrôle, de suivi et de surveillance de son exécution
administrative, technique et financière » (Article 90).
53
« Lorsque l’allotissement est susceptible de présenter des avantages financiers ou techniques, y compris en
vue de faciliter la candidature des petites et moyennes entreprises, les travaux, fournitures ou services sont
répartis en lots pouvant donner lieu chacun à un marché distinct […] Les procédures de passation dont l’objet
porte sur des travaux, des fournitures ou des services issus d’activités artisanales ou ayant le caractère d’activités
artisanales, doivent prévoir une répartition des acquisitions en lots. Ces lots peuvent donner lieu chacun à un
contrat distinct, en vue de faciliter l’accès des artisans et des entreprises artisanales par l’accroissement de
l’offre d’opportunités d’affaires, en adéquation avec leur capacité financière » (Article 21.1 Code des marchés
publics).
54
« Considérant qu’il résulte de ces dispositions que, lorsque la personne publique choisit de recourir à un marché
alloti, les offres présentées par les candidats doivent être examinées lot par lot ; que le respect du principe
d’égalité entre les candidats à un marché public ne s’apprécie, dès lors, qu’entre les candidats à un même lot ;
que par suite le juge des référés du tribunal administratif de Nancy n’a pas commis d’erreur de droit en jugeant
que le moyen tiré par la SOCIÉTÉ SCHIOCCHET de ce qu’en prévoyant des durées différentes selon les lots des
marchés mis en concurrence le département de Meurthe-et-Moselle aurait méconnu le principe d’égalité entre
les candidats, ne pouvait être accueilli ». Cf. CE 10 mai 2006, Société Schiocchet, req. n°288435.
25
TIEBLEY Yves Didier, PhD – Enseignant-Chercheur à l’Université Félix Houphouët-Boigny de Cocody
Marchés publics
Master 1 Droit des Affaires – CERAP Année académique 2024-2025
Dans le cas d’un marché unique, une seule entreprise est chargée de réaliser toutes les
prestations que le marché requiert. Cette entreprise peut cependant sous-traiter
partiellement55 son marché à une autre entreprise. Si cette dernière est agréée par
l’autorité contractante, elle aura droit au paiement direct de ses prestations par ladite
autorité56.
55
« L’ensemble des parts à sous-traiter ne peut en aucun cas dépasser 40% du montant des travaux, fournitures
ou services, objet du marché y compris ses avenants éventuels… » (Article 43.3).
56
« Lorsque le montant du contrat de sous-traitance est supérieur ou égal à 10% du montant du marché, le sous-
traitant, qui a été accepté et dont les conditions de paiement ont été agréées par l’autorité contractante, doit
être payé directement pour la partie du marché dont il assure l’exécution » (Article 137.1 point 1).
26
TIEBLEY Yves Didier, PhD – Enseignant-Chercheur à l’Université Félix Houphouët-Boigny de Cocody
Marchés publics
Master 1 Droit des Affaires – CERAP Année académique 2024-2025
Le pouvoir adjudicateur choisit l’entreprise qu’il retient entre les offres des candidats
qui sont présentées sous la forme d’un document unique. Les pièces constitutives du
document du candidat comprennent, au minimum, l’acte d’engagement, les cahiers des
charges et la soumission du candidat (Article 24.1). L’acte d’engagement contient les
principales données administratives et financières de l’offre du candidat.
57
L’offre anormalement basse ou anormalement élevée est déterminée à partir d’une formule de calcul
inscrite dans le dossier d’appel d’offres. Si une offre s’avère anormalement basse, le pouvoir adjudicateur ou
la commission d’appel d’offres ne peut la rejeter par décision motivée qu’après avoir demandé par écrit les
précisions qu’elle juge opportunes et vérifié les justifications fournies dans un délai de trois jours ouvrables à
compter de la réception de la demande (Article 74).
58
Ce sont les personnes de droit privé bénéficiant du concours financier ou de la garantie de l’État, d’une
personne morale de droit public, d’une société d’État ou d’une société à participation financière publique
majoritaire.
27
TIEBLEY Yves Didier, PhD – Enseignant-Chercheur à l’Université Félix Houphouët-Boigny de Cocody
Marchés publics
Master 1 Droit des Affaires – CERAP Année académique 2024-2025
Cette phase est celle au cours de laquelle chaque partie au contrat accomplit la
prestation due au cocontractant en vertu des clauses du contrat de marché public. Cette
exécution obéit aux règles générales des contrats administratifs (§ 1) et à des règles
spécifiques aux marchés publics (§ 2). Dans le cas particulier des marchés de travaux,
l’exécution débouche sur la réalisation de travaux qui doivent être livrés à l’autorité
contractante (§ 3).
59
DÉGNI-SÉGUI René, Droit administratif général, Tome 2 : L’action administrative, 5è édition, Abidjan,
NEI/CEDA, 2012, pp.370-372 ; LATH Yédoh Sébastien, Droit administratif général : Organisation structurelle et
fonctionnelle de l’Administration. Contrôle juridictionnel de l’Administration, 5è édition, Abidjan, ABC, 2022,
pp.263-264 ; TIEBLEY Yves Didier, Droit administratif général, 4è édition, Abidjan, ABC, 2017, pp.124-132.
28
TIEBLEY Yves Didier, PhD – Enseignant-Chercheur à l’Université Félix Houphouët-Boigny de Cocody
Marchés publics
Master 1 Droit des Affaires – CERAP Année académique 2024-2025
Certaines règles sont particulières aux marchés publics. Ces règles spécifiques sont
décelables dans l’ordre de service (A) et le régime financier du marché (B).
A. L’ordre de service
60
CE Sect. 25 juin 1971, Établissements Marius Séries, req. n°70874 et 70875 ; Rec. 482.
61
CE 17 février 1978, Compagnie française d’entreprise, req. n°99193 ; Rec. 88.
29
TIEBLEY Yves Didier, PhD – Enseignant-Chercheur à l’Université Félix Houphouët-Boigny de Cocody
Marchés publics
Master 1 Droit des Affaires – CERAP Année académique 2024-2025
Sur le fondement de l’article 128 du Code des marchés publics, les marchés donnent lieu
à des versements qui consistent soit en des avances et acomptes (1) ou encore en un
règlement pour solde (2) dans les conditions fixées par ledit Code.
1. Avances et acomptes
a. Les avances
Le Code des marchés publics, en ses articles 129 et 130, prévoit deux types d’avance. Ce
sont, d’une part, l’avance forfaitaire de démarrage et, d’autre part, l’avance facultative de
démarrage.
L’avance forfaitaire de démarrage est une avance forfaitaire qui peut être accordée au
titulaire par l’autorité contractante. Le montant de cette avance ne peut dépasser 15 % du
montant initial du marché. Toutefois, le titulaire du marché a la faculté de renoncer à
l’avance forfaitaire au moment de la mise au point du marché (Article 129).
L’avance facultative de démarrage est une avance facultative qui peut être accordée au
titulaire, en raison d’opérations préparatoires à l’exécution du marché, nécessitant
l’engagement de dépenses préalables à l’exécution de son objet. Cette avance ne peut
excéder 15 % du montant du marché (Article 130).
Le montant cumulé des avances forfaitaire et facultative de démarrage relatif à un
marché, ne peut dépasser 30% du montant de ce marché et de ses avenants éventuels
(Article 131).
30
TIEBLEY Yves Didier, PhD – Enseignant-Chercheur à l’Université Félix Houphouët-Boigny de Cocody
Marchés publics
Master 1 Droit des Affaires – CERAP Année académique 2024-2025
b. Acomptes
Le règlement pour solde a pour objet le versement au titulaire des sommes dues au titre
de l’exécution des travaux, fournitures ou services, objet du marché, après déduction des
versements effectués au titre des avances et des acomptes de toute nature non encore
récupérés par l’autorité contractante et de toutes sommes dont le titulaire serait, le cas
échéant, redevable au titre du marché. Le marché peut prévoir des réceptions définitives
partielles, donnant lieu, chacune pour ce qui la concerne, à un règlement pour solde.
Le marché précise le délai de paiement des sommes dues par l’autorité contractante.
Pour tout paiement au titulaire autre que le paiement de l’avance forfaitaire et de l’avance
facultative de démarrage, le délai de paiement court soit à partir du dernier jour de
constatation de l’exécution des travaux, des services ou de la livraison des fournitures
faisant l’objet du paiement en cause soit du jour fixé par les stipulations particulières du
marché. En tout état de cause, ce délai de paiement ne peut excéder quatre-vingt-dix jours
(Article 140).
La réception des travaux par l’autorité contractante s’effectue suivant différents types
de procédés (A). Il importe de souligner le cas particulier des marchés de travaux publics
qui, eux, obéissent à des garanties spécifiques (B).
31
TIEBLEY Yves Didier, PhD – Enseignant-Chercheur à l’Université Félix Houphouët-Boigny de Cocody
Marchés publics
Master 1 Droit des Affaires – CERAP Année académique 2024-2025
L’autorité contractante peut utiliser des parties d’ouvrages ou fournitures faisant partie
du marché au fur et à mesure de leur achèvement ou de leur livraison. Toute prise de
possession de parties d’ouvrages ou fournitures par l’unité de gestion administrative, le
maître d’ouvrage délégué ou le maître d’œuvre s’il existe, doit être précédée d’une
réception provisoire partielle. Toutefois, s’il y a urgence, la prise de possession peut
intervenir antérieurement à la réception, sous réserve de l’établissement par l’unité de
gestion administrative, le maître d’ouvrage délégué ou le maître d’œuvre s’il existe, d’un
inventaire des travaux ou fournitures en suspens, préalablement approuvé par les parties
au contrat.
Dès que l’unité de gestion administrative, le maître d’ouvrage délégué ou le maître
d’œuvre s’il existe, a pris possession d’une partie d’ouvrage ou de fournitures, le titulaire
n’est plus tenu de réparer les dommages autres que ceux résultant de vices de construction
ou de malfaçons. À la demande du titulaire, et si la nature des travaux ou des fournitures le
permet, l’unité de gestion administrative, le maître d’ouvrage délégué ou le maître d’œuvre
s’il existe, peut effectuer une réception provisoire partielle pour autant que les parties
d’ouvrages terminés ou fournitures livrées se prêtent à l’usage spécifié dans le marché.
32
TIEBLEY Yves Didier, PhD – Enseignant-Chercheur à l’Université Félix Houphouët-Boigny de Cocody
Marchés publics
Master 1 Droit des Affaires – CERAP Année académique 2024-2025
B. Les garanties légales dans les marchés publics : cas des marchés de travaux
Une garantie, dans le cas des marchés de travaux publics, s’appréhende comme
l’obligation incombant au constructeur d’un bien de le remplacer en cas de vice de
fabrication. L’analyse du Code civil ainsi que du Cahier des clauses administratives
générales (CCAG) permet d’en déceler trois. Ce sont, d’abord, la garantie de parfait
achèvement (1), ensuite, la garantie de bon fonctionnement (2) et, enfin, la garantie
décennale du constructeur de l’ouvrage public (3).
En général. La garantie de parfait achèvement est une garantie prévue par le Code Civil
qui implique l’obligation pour le prestataire de terminer les travaux, conformément à
l’objet du contrat signé pour un marché public. Cette garantie engage la responsabilité
contractuelle du titulaire dès lors que l’exécution des travaux a été achevée et met alors,
en principe, un terme au contrat. Il est prévu, en effet, en l’article 1792-6 du Code Civil que
la garantie de parfait achèvement s’applique envers l’entrepreneur sur une année à partir
du moment de la réception des travaux. Elle continue de prendre effet pour la réparation
de la totalité des désordres évoqués par le maître d’ouvrage au moyen de réserves
mentionnées au procès-verbal de réception ou par voie de notification écrite. En d’autres
termes, la garantie inclut les désordres apparents, les causes des réserves, ceux qui
surviennent en cours d’exécution du marché, ainsi que tous travaux exigés pour l’isolation
phonique des immobiliers visés pour servir d’habitation.
Cas particulier des marchés publics. Cette forme de garantie est prévue par l’article 42.1
du Cahier des clauses administratives générales (CCAG). Le délai de garantie est, sauf
stipulation contraire du marché, égal à la durée comprise entre la réception provisoire et la
réception définitive. Pendant le délai de garantie, indépendamment des obligations qui
peuvent résulter pour lui de l’application de l’Article 42 du CCAG, l’entrepreneur est tenu à
une obligation dite « obligation de parfait achèvement » au titre de laquelle il doit, à ses
frais :
a) Exécuter les travaux ou prestations éventuels de finition ou de reprise prévus aux
paragraphes 4 et 5 de la Section VII, article 41 du CCAG ;
b) Remédier à tous les désordres signalés par le maître d’ouvrage ou le maître
d’œuvre, de telle sorte que l’ouvrage soit conforme à l’état où il était lors de la
réception ou après correction des imperfections constatées lors de celle-ci ;
c) Procéder, le cas échéant, aux travaux confortatifs ou modificatifs jugés nécessaires
par le maître d’œuvre et présentés par lui au cours de la période de garantie ; et
d) Remettre au maître d’œuvre les plans des ouvrages conformes à l’exécution dans
les conditions précisées à la Section VII, article 40 du CCAG62.
62
L’article 40 du CCAG, entre autres, dispose : « 40.1. Sous réserve de disposition contraire figurant au CCAP, la
réception sera prononcée un (1) an après la date du procès-verbal de réception provisoire. Au sein de cette
33
TIEBLEY Yves Didier, PhD – Enseignant-Chercheur à l’Université Félix Houphouët-Boigny de Cocody
Marchés publics
Master 1 Droit des Affaires – CERAP Année académique 2024-2025
Cette garantie, en général, résulte de l’article 1792 du Code civil en vertu duquel, « tout
constructeur d’un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l’acquéreur de
l’ouvrage, des dommages, même résultant d’un vice du sol, qui compromettent la solidité de
l’ouvrage ou qui, l’affectant dans l’un de ses éléments constitutifs ou l’un de ses éléments
d’équipement, le rendent impropre à sa destination. Une telle responsabilité n’a point lieu si
le constructeur prouve que les dommages proviennent d’une cause étrangère ».
L’article 1792-3 du Code civil prévoit que certains éléments d’équipement du bâtiment
font l’objet d’une garantie de bon fonctionnement d’une durée minimale de deux ans à
compter de la réception de l’ouvrage. La garantie de bon fonctionnement s’applique aux
“éléments d’équipement dissociables du gros œuvre” qui peuvent être démontés, enlevés
ou remplacés sans affecter la solidité de l’ouvrage et sans détérioration ni enlèvement de
matière.
La garantie de bon fonctionnement est, comme la garantie décennale, une garantie
légale qui est mise en jeu même sans faute ou sans manquement aux obligations pesant sur
le constructeur ou l’architecte. Il suffit que le désordre soit imputable à l’un ou l’autre.
L’article 43.1 de la Section VII des CCAG, en référence à l’article 1792-4 du Code civil,
impose à l’entrepreneur une garantie décennale pour les travaux réalisés pour le compte
de l’autorité contractante. Ainsi, l’entrepreneur est responsable de plein droit pendant dix
(10) ans envers le Maître d’ouvrage, à compter de la réception provisoire, des dommages
même résultant d’un vice du sol qui compromettent la solidité de l’ouvrage ou qui
l’affectent dans l’un de ses éléments constitutifs ou l’un de ses éléments d’équipement le
rendant impropre à sa destination. Pour s’exonérer de sa responsabilité, l’entrepreneur
doit prouver que les dommages proviennent d’une cause qui lui est étrangère.
période, l’entrepreneur est tenu à l’obligation de garantie contractuelle plus amplement décrite à l’article 44 du
CCAG. En outre, au plus tard dix (10) mois après la réception provisoire, le maître d’œuvre adressera à
l’entrepreneur les listes détaillées de malfaçons relevées, à l’exception de celles résultant de l’usure normale,
d’un abus d’usage ou de dommages causés par des tiers. L’entrepreneur disposera d’un délai de deux (2) mois
pour y apporter remède dans les conditions du marché. Il retournera au maître d’œuvre les listes de malfaçons
complétées par le détail des travaux effectués. L’Autorité contractante délivrera alors, après avoir vérifié que les
travaux ont été correctement vérifiés et à l’issue de cette période de deux (2) mois, le procès-verbal de réception
définitive des travaux ».
En cas de défaillance de l’entrepreneur, l’article 40.2 prévoit ceci : « Si l’entrepreneur ne remédie par aux
malfaçons dans les délais, la réception définitive ne sera prononcée qu’après la réalisation parfaite des travaux
qui s’y rapportent. Dans le cas où ces travaux ne seraient toujours pas réalisés deux (2) mois après la fin de la
période de garantie contractuelle, le maître d’ouvrage prononcera néanmoins la réception définitive à l’issue de
cette période tout en faisant réaliser les travaux par toute entreprise de son choix aux frais et risques de
l’entrepreneur. Dans ce cas, le cautionnement définitif visé à l’Article 7.1.1 demeurera en vigueur jusqu’au
désintéressement complet du maître d’ouvrage par l’entrepreneur ».
34
TIEBLEY Yves Didier, PhD – Enseignant-Chercheur à l’Université Félix Houphouët-Boigny de Cocody
Marchés publics
Master 1 Droit des Affaires – CERAP Année académique 2024-2025
DEUXIÈME PARTIE :
LE CONTENTIEUX DES MARCHÉS PUBLICS
63
CORNU Gérard (dir.), Vocabulaire juridique, 9ème édition, Paris, Quadrige/Puf, 2011, p.252.
64
Ibidem.
65
Décision telle que l’institution d’une taxe prise par l’autorité contractante agissant en dehors du contrat.
66
Aléa économique ou administratif bouleversant l’économie du contrat. Cf. CE 24 mars 1916, Compagnie gaz
de Bordeaux.
67
DJÈ Bi DJÈ Christiane, Droit des marchés publics en Côte d’Ivoire, Abidjan, FUPA Éditions, 2013, p.181.
68
Cas de la modification unilatérale du contrat, du fait du prince (CE 28 avril 1948, Ville d’Ajaccio, RDP 1948,
p.603) ou de sujétions imprévues.
69
Cas de la théorie de l’imprévision. Mais, celle-ci est très rarement appliquée en raison de l’insertion de
clauses de révision des prix dans les marchés de longue durée.
35
TIEBLEY Yves Didier, PhD – Enseignant-Chercheur à l’Université Félix Houphouët-Boigny de Cocody
Marchés publics
Master 1 Droit des Affaires – CERAP Année académique 2024-2025
L’inexécution sans faute entraîne soit la résiliation conventionnelle du marché public (A)
soit la résiliation de plein droit (B) ou encore la résiliation du marché public par l’autorité
contractante en se fondant sur un motif d’intérêt général (C).
La résiliation de plein droit est prévue par le Code des marchés publics et le CCAG dans
les cas suivants :
- Le décès, la dissolution ou l’incapacité civile du titulaire sauf si l’autorité contractante
accepte la continuation du marché par les ayant-droits, le liquidateur ou le curateur ;
- L’incapacité physique manifeste et durable rendant impossible l’exécution du marché
par le titulaire (cas des contrats intuitu personæ) ;
- L’admission au bénéfice du règlement préventif ou le redressement judiciaire du
titulaire, sauf si ce dernier prévoit dans son offre concordataire des garanties
particulières d’exécution du marché, acceptées par l’autorité contractante et
homologués par le juge compétent, conformément aux articles 15 et 27 de l’Acte
uniforme de l’OHADA relatif aux procédures collectives d’apurement du passif ;
- La liquidation des biens du titulaire sauf en cas de cession globale d’actifs permettant
la poursuite de l’exécution du marché par un tiers agréé par l’autorité contractante ;
- Lorsque la formule de révision des prix entraîne une augmentation supérieure à 20%
du montant initial ;
- Le cas de force majeure.
70
DJÈ Bi DJÈ Christiane, Droit des marchés publics en Côte d’Ivoire, op. cit., p.182.
36
TIEBLEY Yves Didier, PhD – Enseignant-Chercheur à l’Université Félix Houphouët-Boigny de Cocody
Marchés publics
Master 1 Droit des Affaires – CERAP Année académique 2024-2025
Deux hypothèses sont à remarquer dans la présente rubrique : d’une part, la faute du
titulaire du marché (A) et, d’autre part, la faute de l’autorité contractante (B).
La résiliation due à la faute du titulaire du marché public peut être prononcée dans une
multitude de cas. Ce sont, notamment, un défaut de cautionnement définitif75, une sous-
traitance non autorisée ou une cession du marché public à un autre prestataire sans le
consentement préalable de l’autorité contractante, un retard important dans l’exécution
du marché public76.
À cela, on peut ajouter la carence du titulaire du marché, le refus de se conformer aux
ordres de service émis par l’autorité contractante, une fraude ou un dol imputable au
titulaire du marché, la rétention par le titulaire d’un fait qui, s’il avait été porté à la
71
CE 6 mai 1985, Association Eurolat Crédit Foncier de France, RFDA 1986, Concl. Genevois.
72
CE 8 décembre 1978, Bergeriaux, Rec. 500.
73
CE 22 avril 1988, Société France 5 c. Association des fournisseurs de la Cinq et autres, Rec. 157.
74
CE 31 juillet 1996, Société des téléphériques du massif du Mont-Blanc, Req. n°126594.
75
En vertu de la Section I, Article 45.1 et 45.2 CCAG, « Dans les quatorze (14) jours suivant la réception de la
notification par l’Autorité contractante de l’approbation du marché, le soumissionnaire retenu fournira un
cautionnement définitif, conformément au CCAG en utilisant le Formulaire de cautionnement définitif figurant
à la Section IX. Le défaut de fourniture par le soumissionnaire retenu, du cautionnement définitif susmentionné,
constituera un motif suffisant de résiliation du marché et de saisie du cautionnement provisoire ».
76
« Lorsque la prolongation des délais d’exécution notifiée à l’Entrepreneur par ordre de service aura dépassé
une durée fixée dans le CCAP, ce dernier aura la faculté, dans les quinze (15) jours qui suivent la notification de
l’ordre de service entraînant un dépassement de cette durée, de demander la résiliation du marché » (Section
VII, Article 18.2.4 CCAG).
37
TIEBLEY Yves Didier, PhD – Enseignant-Chercheur à l’Université Félix Houphouët-Boigny de Cocody
Marchés publics
Master 1 Droit des Affaires – CERAP Année académique 2024-2025
La résiliation peut être demandée par le titulaire du marché public pour carence de
l’autorité contractante ou du maître d’ouvrage rendant impossible l’exécution du
marché77. Ce sera, par exemple, le cas de non fourniture des matières premières, du
matériel prévu au marché et conditionnant son exécution, retard prolongé ou abusif de
l’ordre de service de commencer les travaux, le défaut d’approbation du marché. On
pourrait, en outre, mentionner l’ajournement prolongé des travaux ou des livraisons de
fournitures, le bouleversement des conditions du marché…
Ces effets sont de deux ordres qui sont, d’une part, la résiliation du marché public (§ 1)
et, d’autre part, l’infliction de sanctions au titulaire défaillant (§ 2).
77
« La résiliation peut aussi être prononcée par la juridiction compétente, saisie à l’initiative du titulaire du
marché, pour défaut de paiement, à la suite d’une mise en demeure restée sans effet pendant trois mois » (Article
123 Code des marchés publics). Cette disposition est la transposition, en droit ivoirien, de la Directive
n°04/2005/CM/UEMOA du 09 décembre 2005 portant procédures de passation, d’exécution et de règlement
des marchés publics et des délégations de service public dans l’Union Économique et Monétaire Ouest Africaine.
Celle-ci, en son article 8, dispose : « Les marchés publics peuvent faire l’objet d’une résiliation dans les conditions
stipulées aux cahiers des charges, dans les conditions suivantes [...] à l’initiative du titulaire du marché, pour
défaut de paiement, à la suite d’une mise en demeure restée sans effet pendant trois mois ».
78
DJÈ Bi DJÈ Christiane, Droit des marchés publics en Côte d’Ivoire, op. cit., p.185.
38
TIEBLEY Yves Didier, PhD – Enseignant-Chercheur à l’Université Félix Houphouët-Boigny de Cocody
Marchés publics
Master 1 Droit des Affaires – CERAP Année académique 2024-2025
- Le préfet pour les marchés des services déconcentrés de l’État, d’un EPN ou d’un
projet régional ;
- Le conseil d’administration pour les sociétés d’État et autres personnes privées
tenues de passer un marché public ;
- L’organe délibérant ou l’exécutif collégial pour les marchés des collectivités
territoriales.
B. La procédure de résiliation79
En cas d’ajournement n’ayant pas pour cause une faute ou un manquement du titulaire,
celui-ci a droit à une indemnité pour le préjudice subi dont le montant est fixé
contradictoirement (sans avenant) et ne peut excéder le montant des dépenses
occasionnées par cet ajournement (damnum emergens), mais doit tenir compte également
de la perte de bénéfice escompté (lucrum cessans).
79
Idem, pp.185-186.
80
Idem, pp.186-187.
39
TIEBLEY Yves Didier, PhD – Enseignant-Chercheur à l’Université Félix Houphouët-Boigny de Cocody
Marchés publics
Master 1 Droit des Affaires – CERAP Année académique 2024-2025
La résiliation ne fait pas obstacle au paiement des pénalités de retard courant jusqu’à la
date de la résiliation, ni à la saisie du cautionnement. La résiliation est précédée d’une
réception provisoire des prestations réalisées et pour les marchés de travaux,
l’entrepreneur est aussi tenu d’évacuer les chantiers.
Dans l’intérêt général, la résiliation peut être complétée par d’autres mesures
permettant de continuer l’exécution du contrat de marché public.
Elles sont diverses et peuvent, cependant, être rangées en deux grandes catégories, à
savoir les sanctions pécuniaires (A) et les sanctions coercitives (B).
Elles consistent en des pénalités qui s’analysent en des sommes forfaitaires dues par le
titulaire du marché qui viole une de ses obligations contractuelles.
En droit français, lorsque les pénalités sont mises en œuvre à l’encontre de son
cocontractant par la personne publique, elle ne peut en plus, pour la même faute
contractuelle, réclamer au juge de le condamner au versement de dommages et intérêts81.
Autrement dit, la mise en œuvre de la sanction pécuniaire purge la faute contractuelle.
La grande majorité des pénalités prononcées sont des pénalités de retard sanctionnant
les retards dans l’exécution des prestations de marché. Pour pouvoir être appliquées, elles
doivent avoir été prévues par ce dernier. Sauf stipulations contractuelles contraires, les
pénalités ne peuvent être prononcées qu’après mise en demeure restée sans effet.
Cependant, le droit ivoirien, particulièrement l’article 19.2 du Cahier des clauses
administratives générales (CCAG), prévoit que les pénalités de retard sont encourues par
le titulaire défaillant du simple fait de la constatation du retard par le maître d’œuvre82.
81
CE 15 mai 1987, Hôpital rural de Breil-sur-Roya, RDP 1988, p.1427 ; CE 14 avril 1995, Société d’aménagement de
la région de Rouen, RDI 1995, p.744.
82
En vertu de la Section VII du CCAG, particulièrement l’article 19.2, « Les pénalités sont encourues du simple
fait de la constatation du retard par le Maître d’Œuvre et le Maître d’ouvrage peut, sans préjudice de toute
autre méthode de recouvrement, déduire le montant de ces pénalités de toutes les sommes dont il est redevable
à l’Entrepreneur. Le paiement de ces pénalités par l’Entrepreneur, qui représentent une évaluation forfaitaire
des dommages-intérêts dus au Maître d’ouvrage au titre du retard dans l’exécution des travaux, ne libère en rien
l’Entrepreneur de l’ensemble des autres obligations et responsabilités qu’il a souscrites au titre du marché ».
40
TIEBLEY Yves Didier, PhD – Enseignant-Chercheur à l’Université Félix Houphouët-Boigny de Cocody
Marchés publics
Master 1 Droit des Affaires – CERAP Année académique 2024-2025
Cette solution est aussi retenue par le droit français, particulièrement par l’article 20.1.1
des CCAG. Le Conseil d’État a fait sienne cette position dans un arrêt où il considère « que,
sauf stipulation contraire du cahier des clauses administratives particulières du marché, les
pénalités de retard sont dues de plein droit et sans mise en demeure préalable du
cocontractant, dès constatation par le maître d’œuvre du dépassement des délais
d’exécution »83.
On pourrait mentionner deux sanctions coercitives telle que la mise en régie (1) et
l’exclusion des marchés publics (2).
1. La mise en régie84
Elle est une mesure en vertu de laquelle la personne publique contractante dessaisit le
titulaire du marché et, soit le remplace, soit confie l’exécution du marché à un autre
entrepreneur aux frais et aux risques du titulaire défaillant.
Contrairement à la résiliation, la mise en régie ne met pas fin au marché, elle en dessaisit
le titulaire jusqu’à ce qu’il puisse reprendre les travaux. Cette mesure a donc un caractère
provisoire. Mais, si le titulaire est dans l’impossibilité durable de reprendre les travaux, elle
débouchera sur la résiliation du contrat de marché public. La mise en régie est prononcée
en cas de faute grave, comme la cessation ou l’interruption injustifiée des travaux ou le
non-respect des ordres de service85.
83
CE 15 novembre 2012, Hôpital de l’Îsle-sur-la-Sorgue, Contrats-Marchés publics, 2013, n°2, note J.-P. Pietri.
84
La mise en régie est un concept approprié pour le contrat de marché public. En revanche, pour la
concession de service public, on emploiera le concept de mise sous séquestre.
85
LAJOYE Christophe, Droit des marchés publics, 6ème édition, Paris, Gualino, 2017, n°732, p.487.
86
Article 154 Code des marchés publics.
87
Article 155 Code des marchés publics.
88
Article 156 Code des marchés publics.
41
TIEBLEY Yves Didier, PhD – Enseignant-Chercheur à l’Université Félix Houphouët-Boigny de Cocody
Marchés publics
Master 1 Droit des Affaires – CERAP Année académique 2024-2025
l’objet d’un recours pour excès de pouvoir89 et donner lieu à l’octroi de dommages et
intérêts si elle est illégale ou injustifiée.
CHAPITRE 2 : LE RÈGLEMENT DES LITIGES RELATIFS AUX MARCHÉS PUBLICS
Le règlement de ce type de litiges est régi par le Titre IX du Code des marchés publics
(Articles 143 à 150). L’examen de ces différents articles permet de déceler une pluralité et
une diversité de procédures en ce sens. Les unes relèvent des organes étatiques tandis que
d’autres impliquent le recours à des organes extra-étatiques. De l’ensemble des voies de
recours prévues par le Code des marchés publics, on constate des recours non
juridictionnels, d’une part (Section 1) et des recours juridictionnels, d’autre part (Section 2).
Sur le fondement de l’article 143 du Code des marchés publics, les différends ou litiges
nés à l’occasion de la passation des marchés publics ne peuvent pas être portés
directement devant la juridiction compétente. La saisine de celle-ci est conditionnée par la
saisine préalable de certains organes administratifs. Au regard des articles 144 à 147 du
Code des marchés publics, sont concernés, d’une part, l’autorité à l’origine de la décision
(§ 1) et, d’autre part, l’Autorité Nationale de Régulation des Marchés Publics (§ 2).
Il obéit à une procédure spécifique prévue par le Code des marchés publics (A) qui
permet d’y déceler une innovation (B).
A. La procédure prévue
Cette procédure est organisée par l’article 144 du Code des marchés publics. Ainsi, il
apparaît que les candidats et soumissionnaires justifiant d’un intérêt légitime ou s’estimant
injustement lésés des procédures soumises aux dispositions du Code des marchés publics,
peuvent introduire un recours formel préalable à l’encontre des décisions rendues, des
actes pris ou des faits, leur causant préjudice, devant l’autorité qui est à l’origine de la
décision contestée.
Ce recours peut porter sur la décision d’attribuer ou de ne pas attribuer le marché, sur
les conditions de publication des avis, les règles relatives à la participation des candidats et
aux capacités et garanties exigées, le mode de passation et la procédure de sélection
89
« Que, si cette disposition, […], a pour effet de supprimer le recours qui avait été ouvert au propriétaire par
l’article 29 de la loi du 19 février 1942 devant le Conseil de préfecture pour lui permettre de contester, notamment,
la régularité de la concession, elle n’a pas exclu le recours pour excès de pouvoir devant le Conseil d’État contre
l’acte de concession, recours qui est ouvert même sans texte contre tout acte administratif, et qui a pour effet
d’assurer, conformément aux principes généraux du droit, le respect de la légalité ». Cf. CE Ass. 17 février 1950,
Ministère de l’agriculture c. Dame Lamotte, Req. n°86949.
42
TIEBLEY Yves Didier, PhD – Enseignant-Chercheur à l’Université Félix Houphouët-Boigny de Cocody
Marchés publics
Master 1 Droit des Affaires – CERAP Année académique 2024-2025
B. L’innovation constatée
Sur le fondement de l’article 144 du Code des marchés publics, le recours gracieux
exercé devant l’auteur de l’acte contesté a pour effet de suspendre la procédure
d’attribution. La suspension est levée par décision de l’organe de régulation. En l’absence
de décision rendue par l’autorité à l’origine de la décision contestée dans les cinq jours
ouvrables à compter de sa saisine, la requête est considérée comme rejetée. Dans ce cas,
le requérant peut saisir l’organe de régulation (en l’occurrence l’ANRMP).
90
En l’occurrence, selon le ressort territorial, l’une des neuf (9) Directions régionales de marchés publics
placée sous l’autorité de la Direction Générale des Marchés Publics, un organisme relevant du Ministère du
Budget et du Portefeuille de l’État.
91
Précisément l’Autorité Nationale de Régulation des Marchés Publics créée par l’Ordonnance n°2018-594 du
27 juin 2018 portant création, organisation et fonctionnement de l’Autorité nationale de Régulation des Marchés
publics.
92
Il en était de même dans l’ancienne législation française relative au sursis à exécution. En effet, le sursis à
exécution permettait au juge administratif de suspendre l’exécution d’un acte administratif en attendant
l’intervention du jugement au fond sur la régularité de cet acte. Bien qu’elle dût être présentée par une
requête distincte, l’action en sursis à exécution n’était donc pas un recours autonome, mais l’accessoire d’un
recours principal (généralement un recours pour excès de pouvoir) destiné à faire annuler l’acte administratif
irrégulier. Une demande de sursis à exécution présentée pour elle-même était irrecevable, comme elle l’était
en l’absence de décision susceptible d’être critiquée au contentieux. Cf. De VILLIERS Michel et De BERANGER
Thibaut (dir.), Droit public général : Institutions politiques, administratives et européennes. Droit administratif,
finances publiques et droit fiscal, 6ème édition, Paris, LexiNexis, 2015, n°795, p.682.
43
TIEBLEY Yves Didier, PhD – Enseignant-Chercheur à l’Université Félix Houphouët-Boigny de Cocody
Marchés publics
Master 1 Droit des Affaires – CERAP Année académique 2024-2025
La régulation des marchés publics en Côte d’Ivoire a été confiée à l’ANRMP au moyen
de l’Ordonnance n°2018-594 du 27 juin 2018. Cette ordonnance définit la structure (A) de
l’ANRMP ainsi que ses attributions (B).
93
CSCA 29 mars 1995, Bahlou Kophy et Diolot Loba c/ Université nationale de Côte d’Ivoire, Arrêt n°4, 95-685 EX-
AD.
94
En vertu de l’article 67 de la loi du 27 décembre 2018 sur le Conseil d’État, « Si une décision faisant grief à une
personne n’intéresse ni le maintien de l’ordre, ni la sécurité ou la tranquillité publique, elle peut faire l’objet d’une
requête aux fins de sursis à exécution devant le Conseil d’État, après l’exercice du recours administratif préalable
prévu à l’article 53 de la présente loi ». L’article 68 §§ 2 et 3 est ainsi libellé : « …La suspension ainsi prononcée
reste en vigueur jusqu’à ce qu’il ait été statué sur la requête en annulation pour excès de pouvoir de la décision.
Toutefois, le sursis à exécution et ses effets deviennent caducs si, quatre mois après son prononcé, le
bénéficiaire n’a pas déposé une requête aux fins d’annulation de la décision suspendue » (Souligné par nous).
44
TIEBLEY Yves Didier, PhD – Enseignant-Chercheur à l’Université Félix Houphouët-Boigny de Cocody
Marchés publics
Master 1 Droit des Affaires – CERAP Année académique 2024-2025
B. Attributions de l’ANRMP
95
Article premier de l’Ordonnance n°2018-594 du 27 juin 2018 portant création, organisation et fonctionnement
de l’Autorité nationale de Régulation des Marchés publics.
96
Article 4 de l’Ordonnance n°2018-594 du 27 juin 2018 portant création, organisation et fonctionnement de
l’Autorité nationale de Régulation des Marchés publics.
97
Article 5 de l’Ordonnance n°2018-594 du 27 juin 2018.
98
Article 35 de l’Ordonnance du 27 juin 2018.
45
TIEBLEY Yves Didier, PhD – Enseignant-Chercheur à l’Université Félix Houphouët-Boigny de Cocody
Marchés publics
Master 1 Droit des Affaires – CERAP Année académique 2024-2025
1. Attributions consultatives
Ces attributions sont celles que l’ANRMP exerce lorsqu’elle ne statue pas en formation
« juridictionnelle » pour connaître d’un litige entre les parties au contrat. En outre, l’ANRMP
statue, le cas échéant sur dénonciation anonyme, sur le caractère frauduleux de certaines
procédures de passation de marché public. De l’ensemble des attributions non
contentieuses, on note que certaines revêtent la forme d’un avis consultatif au profit de
l’Administration ivoirienne (a) tandis que d’autres consistent en la réalisation d’une mission
de conciliation entre les parties au marché public (b).
99
En vertu de l’article 35 § 2 de l’Ordonnance n°2018-594 du 27 juin 2018 : « Ce Comité (de Règlement
Administratif) est également chargé de proposer, sous forme d’avis, des sanctions à l’encontre des acteurs
publics de la commande publique, reconnus coupables de violations de la réglementation des marchés publics et
des, Partenariats Publics-Privé […] Les décisions et avis du Comité de Règlement Administratif sont réputés être
ceux du Conseil (de Régulation) qui en reçoit information » (Souligné par nous).
46
TIEBLEY Yves Didier, PhD – Enseignant-Chercheur à l’Université Félix Houphouët-Boigny de Cocody
Marchés publics
Master 1 Droit des Affaires – CERAP Année académique 2024-2025
Sur le fondement de l’Article 147 du Code des marchés publics, « Les différends nés entre
les acteurs, en matière d’exécution et de règlement de marchés ou d’interprétation des
clauses contractuelles, peuvent être portés devant l’organe de régulation aux fins de
conciliation. Ce recours est exercé dans un délai de dix jours ouvrables à compter de la
notification ou la publication de la décision ou de l’acte ou de la survenance du fait faisant
grief. La procédure de conciliation donne lieu à l’établissement d’un procès-verbal de
conciliation ou de non conciliation ».
Comme on le constate, ce pouvoir de conciliation concerne les rapports entre
l’Administration contractante et son cocontractant.
2. Attributions décisionnelles
47
TIEBLEY Yves Didier, PhD – Enseignant-Chercheur à l’Université Félix Houphouët-Boigny de Cocody
Marchés publics
Master 1 Droit des Affaires – CERAP Année académique 2024-2025
L’ANRMP est compétente pour trancher les litiges entre différents organismes de
l’Administration ivoirienne ; litiges relatifs aux marchés publics. Cette attribution découle
de l’article 146 du Code des marchés publics. Selon cette disposition, « L’organe de
régulation est également compétent pour régler les différends ou litiges internes à
l’Administration, nés dans la phase de passation des marchés ».
Au sein de l’ANRMP, cette compétence incombe particulièrement au Comité de
Règlement Administratif en vertu de l’article 35 de l’Ordonnance n°2018-594 du 27 juin qui
dispose : « Un Comité spécialisé dénommé Comité de Règlement Administratif connaît des
litiges ou différends internes à l’Administration, nés à l’occasion de la passation, ou du
contrôle de la commande publique ».
En vertu de l’article 25 du décret n°2020-409 du 22 avril 2020 fixant les modalités de
saisine et les procédures d’instruction, de prise de décisions et d’avis des organes de
recours non juridictionnels de l’Autorité Nationale de Régulation des Marchés Publics, la
saisine du Comité de Règlement Administratif est précédée d’un recours préalable, soit
gracieux, soit hiérarchique. Le requérant est tenu de saisir l’autorité administrative à
l’origine de la décision contestée ou son supérieur hiérarchique dans un délai de trois jours
ouvrables à compter de la notification ou de la publication au Bulletin Officiel des Marchés
Publics, de la décision contestée ou de la survenance du fait contesté. Cette autorité
dispose d’un délai de cinq jours ouvrables pour répondre. Au terme de ce délai, son silence
vaut rejet du recours préalable.
En cas de rejet formel du recours préalable ou de silence gardé par l’autorité
administrative, le Comité de Règlement Administratif peut être saisi dans un délai de cinq
jours ouvrables à compter de la notification ou de la publication au Bulletin Officiel des
Marchés Publics, de la décision contestée ou de la survenance du fait contesté.
48
TIEBLEY Yves Didier, PhD – Enseignant-Chercheur à l’Université Félix Houphouët-Boigny de Cocody
Marchés publics
Master 1 Droit des Affaires – CERAP Année académique 2024-2025
Quel que soit le cas évoqué ci-dessus relativement aux compétences contentieuses de
l’ANRMP, ses décisions ne peuvent avoir pour effet que de corriger la violation alléguée ou
d’empêcher que d’autres dommages soient causés aux intérêts concernés, ou de
suspendre ou faire suspendre la décision litigieuse ou la procédure de passation (Article
145.4 alinéa 2 Code des marchés publics).
Le recours juridictionnel, comme l’indique son appellation, est celui porté devant un
organe juridictionnel, c’est-à-dire un organe chargé de trancher un litige sur la base du
droit ; et dont la décision est revêtue de l’autorité (relative) de la chose jugée (res inter alios
judicata). Dans le contentieux des marchés publics, le Code éponyme donne compétences
à plusieurs organes juridictionnels pour connaître des litiges résultant de la passation,
l’exécution ou l’inexécution du contrat liant les différentes parties à un marché public. Il
transparaît de l’économie du Code des marchés publics, particulièrement de l’article 150,
que la possibilité de saisir le juge administratif pour connaître d’un litige en matière de
marchés publics (§ 1) n’exclut pas celle de recourir à un juridiction arbitrale (§ 2).
Ces recours sont au nombre de deux, à savoir le recours pour excès de pouvoir (A) et le
recours de pleine juridiction (B).
Ce recours juridictionnel est prévu par l’article 148 du Code des marchés publics. En vertu
de cette disposition, les décisions de l’organe de régulation (l’ANRMP) sont susceptibles
de recours en annulation pour excès de pouvoir.
Ce recours n’est pas suspensif sauf exercice d’une requête aux fins de sursis à exécution
devant la juridiction compétente (le Tribunal administratif ou le Conseil d’État). Le recours
est exercé directement devant la juridiction compétente, sans recours préalable, dans un
délai dix jours ouvrables à compter de la notification ou la publication de la décision de
l’organe de régulation. La juridiction compétente statue à bref délai.
recours pour excès de pouvoir (2) et, enfin, son fondement juridique dans le cadre des
marchés publics (3).
1. Définition et classification
a. Définition
Un recours de pleine juridiction ou recours de plein contentieux résulte d’une demande
formulée devant une juridiction administrative, par lequel le requérant sollicite du juge
administratif le constat à son profit de l’existence d’un droit personnel.
On peut demander au juge d’utiliser, au service du rétablissement du droit, l’ensemble
de ses pouvoirs juridictionnels, et non plus son seul pouvoir d’annulation, notamment en
prononçant des condamnations pécuniaires : c’est le contentieux de pleine juridiction, ainsi
nommé parce qu’il met en œuvre la plénitude des pouvoirs du juge, tels que lui-même les a
délimités100. Le juge peut être ainsi saisi en vue de reconnaître un droit subjectif au
requérant, aucune décision (acte administratif unilatéral) n’étant alors contestée devant
lui (procès subjectif).
b. Classification
Les recours de pleine juridiction forment une catégorie assez disparate ; à côté des
recours en matière contractuelle et en matière de responsabilité, qui sont les plus
caractéristiques, on y englobe, en effet, les recours en matière d’élections à des organes
administratifs, car le juge, en ce domaine, a le pouvoir, non seulement d’annuler l’élection
qu’il juge irrégulière, mais encore de rétablir les vrais résultats et de proclamer l’élu, ce qui
entre dans la pleine juridiction. On y inclut aussi le contentieux des contributions directes,
pour des raisons analogues101.
En résumé, sont constitutifs du recours de plein juridiction, le contentieux de la
responsabilité, le contentieux contractuel, le contentieux fiscal (contributions directes), le
contentieux électoral, le contentieux des installations classées, etc.
Pour une plus grande clarté, il importe de procéder à la distinction entre ces deux types
de recours.
En droit ivoirien, l’article 149 du Code des marchés publics range les litiges nés de
l’exécution ou du règlement des marchés publics dans la catégorie des contentieux de
100
WALINE Jean, Droit administratif, 27è édition, Paris, Dalloz, n°649.
101
Idem, n°651.
50
TIEBLEY Yves Didier, PhD – Enseignant-Chercheur à l’Université Félix Houphouët-Boigny de Cocody
Marchés publics
Master 1 Droit des Affaires – CERAP Année académique 2024-2025
pleine juridiction102. On remarquera que la disposition précitée met l’accent sur l’exécution
et le règlement des marchés publics. Dans chacune de ces deux hypothèses, le requérant
sollicite du juge du contrat qu’il statue sur l’(in)exécution ou la mauvaise exécution par le
cocontractant de son obligation contractuelle.
Il ne s’agit donc pas, en la matière, pour le cocontractant de l’Administration de solliciter
du juge administratif, à travers le recours pour excès de pouvoir, l’annulation de l’acte
administratif unilatéral dont il contesterait la légalité.
Il importe cependant de tempérer la portée de cette dernière déduction eu égard à la
théorie des actes détachables qui permet à tout requérant (cas des mesures antérieures à
la conclusion du contrat) ou au seul tiers intéressé (cas des mesures postérieures à la
conclusion du contrat)103 d’obtenir, via le recours pour excès de pouvoir, l’annulation de
l’acte administratif unilatéral sans pour autant que cette annulation emporte
automatiquement annulation du contrat104.
En droit français, le juge administratif admet qu’une personne, quoique tierce au marché
public, peut contester, sous certaines conditions, la validité dudit contrat :
« Considérant que, indépendamment des actions dont les parties au contrat disposent
devant le juge du contrat, tout concurrent évincé de la conclusion d’un contrat administratif
est recevable à former devant ce même juge un recours de pleine juridiction contestant la
validité de ce contrat ou de certaines clauses, qui sont divisibles, assorti, le cas échéant, de
demandes indemnitaires ; que ce recours doit être exercé, y compris si le contrat contesté est
relatif à des travaux publics, dans un délai de deux mois à compter de l’accomplissement des
mesures de publicité appropriées […] ; qu’à partir de la conclusion du contrat, et dès lors
qu’il dispose du recours ci-dessus défini, le concurrent évincé n’est, en revanche, plus
recevable à demander l’annulation pour excès de pouvoir des actes préalables qui en sont
détachables » (Souligné par nous)105.
C’est le recours pour excès de pouvoir que l’administré doit utiliser lorsqu’il entend
demander au juge :
102
Selon l’article 149 du Code des marchés publics, « Les litiges relatifs à l’exécution ou au règlement des
marchés publics peuvent être soumis aux juridictions compétentes pour connaître du contentieux des contrats
administratifs ».
103
CE 4 août 1905, Martin, Rec. 749, concl. Romieu.
104
Sur la théorie des actes détachables en matière contractuelle, le lecteur pourra utilement se référer à un
ouvrage du Doyen René Dégni-Ségui. Cf. DÉGNI-SÉGUI René, Droit administratif général, Tome 2 : L’action
administrative, 5è édition, Abidjan, NEI/CEDA, 2012, pp.433-436.
105
CE Ass. 16 juillet 2007, Société Tropic Travaux Signalisation, GAJA, n°115, 2011, p.904 et ss.
51
TIEBLEY Yves Didier, PhD – Enseignant-Chercheur à l’Université Félix Houphouët-Boigny de Cocody
Marchés publics
Master 1 Droit des Affaires – CERAP Année académique 2024-2025
C'est le recours de pleine juridiction que l’administré doit utiliser lorsqu’il entend
demander au juge :
a) De reconnaître à son profit l’existence d’un droit ;
b) De constater qu’il a été porté irrégulièrement atteinte à ce droit ;
c) D’ordonner les mesures nécessaires au rétablissement de la situation sur la base de
ce droit ;
Cette voie de recours est prévue par l’article 150 du Code des marchés publics. En vertu
de cette disposition : « Les litiges relatifs à l’exécution ou au règlement des marchés publics
peuvent également être soumis à un tribunal arbitral dans les conditions prévues par l’Acte
uniforme de l’OHADA relatif à l’arbitrage, ou à toute autre juridiction arbitrale choisie par les
parties ». Cette disposition laisse transparaître deux sortes d’arbitrage : d’une part,
l’arbitrage intervenant dans le cadre formel de l’OHADA (A) et, d’autre part, le recours à
d’autres formes d’arbitrage (B).
52
TIEBLEY Yves Didier, PhD – Enseignant-Chercheur à l’Université Félix Houphouët-Boigny de Cocody
Marchés publics
Master 1 Droit des Affaires – CERAP Année académique 2024-2025
Ce fondement, on le rappelle, réside dans l’article 150 du Code des marchés publics. On
note que cette disposition déroge à l’article 2060 du Code civil qui fait interdiction aux
personnes publiques de recourir à l’arbitrage. En effet, selon l’article 2060, « On ne peut
compromettre sur les questions d’état et de capacité des personnes, sur celles relatives au
divorce et à la séparation de corps ou sur les contestations intéressant les collectivités
publiques et les établissements publics et plus généralement dans toutes les matières qui
intéressent l’ordre public ».
Il importe de souligner que le Code des marchés publics, tout comme le Code civil, est
un texte juridique à valeur législative. En vertu du principe lex posterior priori derogat, il
apparait que l’article 150 du Code des marchés publics a valablement pu déroger à la
disposition précitée du Code civil.
Il faut reconnaître, en la matière, que l’état actuel du droit est bien loin de l’orthodoxie
qui prévalait initialement. En effet, durant les deux dernières décades du XIXe siècle, et
dans l’ordre interne français, il était interdit à l’État et, a fortiori, aux collectivités
territoriales infra-étatiques de recourir à l’arbitrage. Le juge administratif sanctionnait
d’ailleurs les compromis d’arbitrage conclus par l’État106.
106
HAURIOU Maurice, Précis de droit administratif et de droit public général, 4e édition, Paris, Librairie
Larose, 1900, p.214 ; CHAPUS René, Droit administratif général, 15è édition, Paris, 2001, no 525, pp.382-383.
107
En témoigne l’adoption de deux textes juridiques, encore en vigueur. Il s’agit, tout d’abord, de la loi des 16
et 24 août 1790 sur l’organisation judiciaire dispose, dans son article 13 : « Les fonctions judiciaires sont
distinctes et demeureront toujours séparées des fonctions administratives. Les juges ne pourront, à peine de
forfaiture, troubler de quelque manière que ce soit les opérations des corps administratifs ni citer devant eux les
administrateurs pour raison de leurs fonctions ». Cette loi a été confirmée par un autre texte juridique : le
décret du 16 fructidor An III (2 septembre 1795). L’intitulé de ce décret est caractéristique : décret qui défend
aux tribunaux de connaître des actes d’administration et annule toute procédure et jugements intervenus à cet
égard. Le décret comporte un seul article : « Défenses itératives sont faites aux tribunaux de connaître des actes
d’administration, de quelque espèce qu’ils soient, avec peine de droit ». Cf. BRAIBANT Guy et STIRN Bernard, Le
droit administratif français, 6ème édition, Paris, Dalloz, 2002, pp.30-31 ; WALINE Jean, Le droit administratif, op.
cit. §§ 23 à 32, pp.57-61.
53
TIEBLEY Yves Didier, PhD – Enseignant-Chercheur à l’Université Félix Houphouët-Boigny de Cocody
Marchés publics
Master 1 Droit des Affaires – CERAP Année académique 2024-2025
108
CHEVALLIER Jacques, « Le droit administratif, droit de privilège ? », Pouvoirs, n°46, 1988, pp.57-58.
109
En vertu de l’article 150 du Code des marchés publics, « Les litiges relatifs à l’exécution ou au règlement des
marchés publics peuvent également être soumis à un tribunal arbitral dans les conditions prévues par l’Acte
uniforme de l’OHADA relatif à l’arbitrage, ou à toute autre juridiction arbitrale choisie par les parties ».
110
En vertu de l’article 15 de l’Acte Uniforme relatif au droit de l’arbitrage adopté à Conakry le 27 novembre
2017, « Le tribunal arbitral tranche le fond du différend conformément aux règles de droit choisies par les parties.
À défaut de choix par les parties, le tribunal arbitral applique les règles de droit qu’il estime les plus appropriées
en tenant compte, le cas échéant, des usages du commerce international.
Il peut également statuer en amiable compositeur lorsque les parties lui ont conféré ce pouvoir ».
111
Toute personne physique ou morale peut recourir à l’arbitrage sur les droits dont elle a la libre disposition.
Les États, les autres collectivités publiques territoriales, les établissements publics et toute autre personne
morale de droit public peuvent également être parties à un arbitrage, quelle que soit la nature juridique du
contrat, sans pouvoir invoquer leur propre droit pour contester l’arbitrabilité d’un différend, leur capacité à
compromettre ou la validité de la convention d’arbitrage (article 2).
54
TIEBLEY Yves Didier, PhD – Enseignant-Chercheur à l’Université Félix Houphouët-Boigny de Cocody
Marchés publics
Master 1 Droit des Affaires – CERAP Année académique 2024-2025
L’admission de l’arbitrage autre que celui de l’OHADA découle d’une portion de l’article
150 précité du Code des marchés publics en vertu de laquelle les parties à un marché public
peuvent recourir « … à toute autre juridiction arbitrale choisie par les parties ».
À rédiger et étoffer.
55
TIEBLEY Yves Didier, PhD – Enseignant-Chercheur à l’Université Félix Houphouët-Boigny de Cocody
Marchés publics
Master 1 Droit des Affaires – CERAP Année académique 2024-2025
1. Recours précontentieux
a. La procédure
b. Les implications juridiques
2. Recours gracieux et recours hiérarchique
a. L’admission du recours gracieux
b. Le caractère problématique du recours hiérarchique
DÉFINITIONS
Le concordat, en général, est une transaction établie entre un débiteur et ses créanciers (pour
autoriser un délai, remettre une partie des dettes, etc.). Ou encore, le concordat s’entend de
l’accord collectif intervenu entre la masse ou l’assemblée des créanciers et le débiteur en difficulté
pour éviter la liquidation des biens ou la faillite.
Cet arrangement concordataire précise la durée (un court délai généralement) et le pourcentage
du remboursement des dettes.
Le concordat préventif est une mesure protectrice qui permet à tout commerçant ou société
commerciale rencontrant des difficultés financières de conclure un accord avec ses créanciers et
d’éviter ainsi la mise en faillite. Ce concordat doit être accepté/homologué par le tribunal et par les
créanciers.
Le règlement préventif est une procédure collective préventive destinée à éviter la cessation des
paiements de l’entreprise débitrice et à permettre l’apurement de son passif au moyen d’un
concordat préventif.
En droit français, une procédure collective place sous contrôle judiciaire le fonctionnement d’une
entreprise en difficulté. Elle rassemble tous les créanciers et les prive du droit d’agir
individuellement. Son inopposabilité permet théoriquement de « protéger le gage commun des
créanciers, et d’assurer le respect de la répartition des pouvoirs dans les procédures collectives ».
En droit français, le redressement judiciaire est une procédure collective dans laquelle sont placés
un commerçant, une profession libérale ou une entreprise lorsqu’ils sont en cessation de
paiements et tant qu’un redressement de l’activité est envisageable. À défaut, s’ouvre la liquidation
judiciaire.
56
TIEBLEY Yves Didier, PhD – Enseignant-Chercheur à l’Université Félix Houphouët-Boigny de Cocody
Marchés publics
Master 1 Droit des Affaires – CERAP Année académique 2024-2025
Une entreprise est mise en redressement judiciaire si elle est en état de cessation des paiements :
Situation où la trésorerie dont l’entreprise dispose n’est plus suffisante pour régler ses dettes.
Lorsque la poursuite de l’activité n’est plus possible (on parle de situation irrémédiablement
compromise), on procède à la liquidation de l’entreprise : cession de tous les actifs et
remboursement des dettes, selon un ordre de préférence.
La liquidation judiciaire est une procédure collective, résultant d’une action engagée par un ou
plusieurs créanciers d’un commerçant, lorsque son entreprise ne dispose plus d’une trésorerie
suffisante pour payer les dettes exigibles. La procédure de liquidation judiciaire est ouverte sans
période d’observation à l’égard de toute entreprise en état de cessation des paiements dont
l’activité a cessé ou dont le redressement est manifestement impossible. (Chambre commerciale 8
juillet 2003, pourvoi n°00-13627, Legifrance). Le jugement de liquidation entraîne la résolution du
bail par le jeu de la clause résolutoire.
Référé précontractuel ?
57
TIEBLEY Yves Didier, PhD – Enseignant-Chercheur à l’Université Félix Houphouët-Boigny de Cocody