Plan Cours de Marches Publics 2024-2025 Bis-1

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Marchés publics

Master 1 Droit des Affaires – CERAP Année académique 2024-2025

INTRODUCTION

L’Administration, concurremment avec le procédé de l’acte unilatéral, utilise largement


le procédé contractuel, dans lequel une situation juridique nouvelle est créée par l’accord
des volontés des intéressés. Mais, elle l’utilise sous deux formes bien distinctes.
D’une part, elle passe des contrats identiques à ceux des particuliers tels qu’ils sont
définis et réglementés par le Code civil : achats (par ex. : acquisition d’un terrain à
l’amiable), ventes (par ex. : vente des produits du domaine privé), bail (par ex. : location
amiable d’un local pour y loger une Administration), louage de services (pour certains
collaborateurs de l’Administration, qui ont la qualité de salariés de droit privé), etc.
Mais, l’Administration peut passer aussi des actes qui, bien que de nature contractuelle,
puisqu’ils reposent sur l’accord de deux volontés, n’en sont pas moins soumis à des règles
différentes de celles qui régissent les contrats ordinaires et relèvent, pour leur contentieux,
de la juridiction administrative. Ils forment, dans la masse des contrats de l’Administration,
la catégorie particulière des contrats administratifs1.
De ces contrats, les plus anciens et les plus importants sont prévus et réglementés, au
moins en partie, par des textes. Ceux qui concernent les marchés ont été regroupés dans
le Code des marchés publics. Les règles ainsi posées ont été complétées par la
jurisprudence. Elle a dégagé pour ce faire un corps de principes communs qui constituent
la théorie générale des contrats administratifs2.

I. Évolution chronologique du droit des marchés publics en Côte d’Ivoire

Le contrat constitutif de marché public n’est pas inconnu du droit ivoirien. Il était déjà
perceptible durant la période coloniale3. Ainsi que le note le Doyen DÉGNI-SÉGUI, le droit
des marchés publics a connu une évolution sensible. On peut schématiquement distinguer
trois étapes4. Chacune de ces étapes correspond à un législateur distinct.

La première étape est celle où le législateur colonial a légiféré au moyen d’un décret par
lequel il a instauré un cadre juridique régissant les marchés passés, entre autres, par la
colonie de Côte d’Ivoire. On mentionnera le décret colonial n°49-500 du 11 avril 1949 portant
application, pour les territoires relevant du ministère de la France d’outre-mer, du décret du
6 avril 1942 relatif aux marchés passés au nom de l’État, modifié et complété par le décret n°52-
1249 du 21 novembre 1952. À l’accession de la République de Côte d’Ivoire à la souveraineté
internationale, on assistera à la reconduction du décret colonial précité qui sera, par la
suite, complété par le décret n°69-416 du 16 septembre 1969, le décret n°85-951 du 12

1
WALINE Jean, Droit administratif, 27ème édition, Paris, Précis Dalloz, 2018, n°463, p.456.
2
Ibidem.
3
DÉGNI-SÉGUI René, Droit administratif général, 5ème édition, Tome 2 : L’action administrative, Abidjan,
NEI/CEDA, 2012, p.369.
4
Ibidem.

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septembre 1985 et le décret n°86-261 du 9 avril 1986 portant cahier des clauses et conditions
générales applicables aux marchés publics de travaux.
La deuxième étape est celle où le législateur post-colonial adoptera un nouveau code
des marchés publics au moyen du décret n°92-08 du 8 janvier 1992 portant Code des
marchés publics5. Ce deuxième Code des marchés publics se distingue par le fait qu’il est
l’œuvre exclusive du législateur ivoirien post-colonial. Il en va autrement pour les Codes
des marchés publics qui seront adoptés par la suite.
La troisième étape est marquée par l’intrusion du droit communautaire de l’UEMOA en
tant que source véritable du droit des marchés publics appliqué en République de Côte
d’Ivoire. En effet, les années 2005, 2009 et 2019 verront l’adoption en Côte d’Ivoire d’une
succession de Code des marchés publics qui ne sont, à vrai dire, que la transposition, en
droit interne ivoirien, de directives successives adoptées par le Conseil des ministres de
l’UEMOA. Ce sont, entre autres :
- La Directive n°04/2005/CM/UEMOA du 09 décembre 2005 portant procédures de
passation, d’exécution et de règlement des marchés publics et des délégations de
service public dans l’Union Économique et Monétaire Ouest Africaine ; et la Directive
n°05/2005/CM/UEMOA du 09 décembre 2005 portant contrôle et régulation des
marchés publics et des délégations de service public dans l’Union Économique et
Monétaire Ouest Africaine ;
- La Directive n°01/2009/CM/UEMOA du 27 mars 2009 portant Code de transparence
dans la gestion des finances publiques au sein de l’UEMOA ;
- La Directive n°04/2012/CM/UEMOA du 28 septembre 2012 relative à l’éthique et à la
déontologie dans les marchés publics et les délégations de service public au sein de
l’Union Économique et Monétaire Ouest Africaine.
L’évolution des différents textes juridiques encadrant la passation des marchés publics
en République de Côte d’Ivoire permet de déceler certains traits caractéristiques :
- D’abord, cette législation est marquée par son instabilité chronique ;
- Ensuite, elle est actuellement marquée par la très forte influence des normes
communautaires de l’UEMOA par lesquelles ladite organisation d’intégration
s’attelle à l’uniformisation du droit des marchés publics ;
- Enfin, on relève une forte érosion des prérogatives de puissance publique reconnue
à l’Administration contractante6 au point que celle-ci, en certaines occasions, se voit
appliquer les règles de droit privé. Cette érosion imputable à l’influence de l’UEMOA
s’observe à travers notamment l’intrusion de l’arbitrage et, corrélativement, du droit

5
JORCI, 6 février 1992, pp.114 et ss.
6
KÉBÉ Abdou Aziz Daba, « Le déclin de l’exorbitance du droit administratif sénégalais sous l’effet du droit
communautaire », pp.1-28. Document accessible en ligne sur : http://afrilex.u-
bordeaux4.fr/sites/afrilex/IMG/pdf/Le_déclin_de_l_exorbitance_du_droit_administratif_senegalais.pdf ;
CHEVALIER Jacques, « Vers un droit post-moderne ? Les transformations de la régulation juridique », in Actes
du colloque Contractualisation de la production normative, 11, 12 et 13 octobre 2007, pp.3-12 ; KIKI-NEME Lydie,
« Le contentieux de la résiliation unilatérale des contrats administratifs en droit ivoirien », RISJPO, n°7, pp.147-
178 ; TIEBLEY Yves Didier, « Les prérogatives exorbitantes du droit commun : une notion sinueuse en droit
ivoirien », GNOMUS, n°7, Décembre 2020, p.151-232.

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de l’OHADA dans le contentieux opposant l’Administration à l’attributaire du marché


public7. On ne saurait passer sous silence le pouvoir de résiliation exercé par le juge
du contrat sur saisine de l’attributaire du marché public en cas de défaillance de
l’Administration contractante8.

II. Aperçu de la distinction entre marchés publics et autres contrats administratifs

Il importe de procéder à la démarcation entre le marché public et certaines notions


voisines telles que la commande publique (A) et les délégations de service public (B).

A. Distinction d’avec la notion de Commande publique

La commande publique, en droit français, est un terme générique relatif à l’ensemble


des contrats passés par les personnes publiques pour satisfaire leurs besoins. Ces contrats
peuvent ou non être soumis au code des marchés publics.
La commande publique recouvre ainsi une notion très large englobant plusieurs formes
de contrat tels que les marchés publics, les marchés soumis à l’ordonnance n°2005-649 du
6 juin 2005 relative aux marchés passés par certaines personnes publiques ou privées non
soumises au code des marchés publics, les délégations de service public, les contrats de
partenariat, ...

B. Distinction d’avec les délégations de service public

D’une façon générale, les marchés publics sont des contrats d’achat public de
fourniture, travaux publics ou services dont la caractéristique la plus notable par rapport
aux autres conventions passées par des personnes publiques avec des entreprises
publiques ou privées, réside dans le paiement d’un prix par la personne publique acheteuse.
La summa divisio entre délégation de service public et marché public demeure arbitrée
par la référence au critère de financement du contrat, celui-ci n’échappant à la qualification
de marché et au mode de passation correspondant que lorsque la rémunération du
cocontractant est substantiellement liée aux résultats de l’exploitation9.

7
En vertu de l’article 150 du Code des marchés publics, « Les litiges relatifs à l’exécution ou au règlement des
marchés publics peuvent également être soumis à un tribunal arbitral dans les conditions prévues par l’Acte
uniforme de l’OHADA relatif à l’arbitrage, ou à toute autre juridiction arbitrale choisie par les parties ».
8
« La résiliation peut aussi être prononcée par la juridiction compétente, saisie à l’initiative du titulaire du
marché, pour défaut de paiement, à la suite d’une mise en demeure restée sans effet pendant trois mois » (Article
123 Code des marchés publics). Cette disposition est la transposition, en droit ivoirien, de la Directive
n°04/2005/CM/UEMOA du 09 décembre 2005 portant procédures de passation, d’exécution et de règlement
des marchés publics et des délégations de service public dans l’Union Économique et Monétaire Ouest Africaine.
Celle-ci, en son article 8, dispose : « Les marchés publics peuvent faire l’objet d’une résiliation dans les conditions
stipulées aux cahiers des charges, dans les conditions suivantes [...] à l’initiative du titulaire du marché, pour
défaut de paiement, à la suite d’une mise en demeure restée sans effet pendant trois mois ».
9
COLSON Jean-Philippe et IDOUX Pascale, Droit public économique, 4ème édition, Paris, Dalloz, 2008, nos545
et 547, pp.372-373.

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PREMIÈRE PARTIE :
NOTION DE MARCHÉS PUBLICS

L’étude de la notion de marchés publics nous conduira à explorer deux axes que sont,
d’une part, l’analyse théorique des marchés publics (Chapitre 1) et, d’autre part, la
formation et l’exécution des marchés publics (Chapitre 2).

CHAPITRE 1 : ANALYSE THÉORIQUE DES MARCHÉS PUBLICS

Cette analyse s’articulera autour de deux axes. Le premier nous conduira à cerner la
définition du contrat de marché public (Section 1) tandis que le second axe mettra en relief
les parties et partenaires au contrat de marché public (Section 2).

SECTION 1 : La définition des marchés publics

L’article premier du Code des marchés publics définit le marché public comme « le contrat
écrit, conclu à titre onéreux par une autorité contractante pour répondre à des besoins en
matière de travaux, de fournitures ou de services… ». Au regard de cette définition, il
apparaît que le marché public revêt un caractère contractuel (§ 1), est passé par une
autorité contractante (§ 2) et porte sur des objets précis (§ 3).

Paragraphe 1 : Le caractère contractuel des marchés publics

Au regard de l’article premier du Code des marchés publics, un marché public ne peut pas
résulter d’un acte unilatéral. Ce caractère contractuel suppose, au préalable, l’accord de
volonté entre deux personnes juridiques.
Un marché public suppose donc un accord sur le prix et sur la chose. Cet accord sera,
dans la plupart des cas, matérialisé par un acte d’engagement par lequel le titulaire du
marché s’engage à exécuter les prestations, objet du contrat, en application d’un cahier
des charges10 et la personne publique s’engage à le rémunérer.

Paragraphe 2 : La présence d’une autorité contractante

La notion d’autorité contractante telle que mentionnée dans le Code des marchés
publics ne situe pas nécessairement sur la nature juridique de la personne habilitée à passer
le marché public. Il s’ensuit que si la compétence pour passer le marché public bénéficie,

10
Le Code des marchés publics, en son article 25, prévoit quatre (4) types de cahiers de charges : le Cahier
des clauses administratives générales (CCAG) ; le Cahier des clauses administratives particulières (CCAP) ; le
Cahier des clauses techniques générales (CCTG) et les Cahiers de clauses techniques particulières (CCTP). Le
cas échéant, s’ajoute un cahier des clauses environnementales et sociales et tout autre cahier élaboré en
conformité avec les obligations de l’autorité contractante liées au respect des principes de l’achat durable.

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en principe, à la personne morale de droit public (A). Cela n’exclut pas la possibilité pour
une personne de droit privé de conclure un tel contrat (B).

A. Le principe : la présence d’une personne morale de droit public

Au regard de l’article 2.1 du Code des marchés publics, les marchés publics sont, en
principe, passés par les personnes morales de droit public. Ce sont l’État, les établissements
publics, les collectivités territoriales, les organismes, agences ou toute autre personne
morale de droit public. À ceux-ci, l’article 2.2 in fine adjoint les associations formées par une
ou plusieurs personnes morales de droit public.
En outre, les marchés passés par les institutions, structures ou organes de l’État créés
par la Constitution, la loi ou le règlement pour toutes leurs dépenses de fonctionnement
ou d’investissement sont soumis au Code des marchés publics. Il s’agit de la Présidence de
la République, de l’Assemblée nationale, du Conseil économique, social, environnemental
et culturel, ou de toute autre institution similaire. Cette dernière formule synthétique
permet d’inclure à cette liste le Sénat dont l’organisation et le fonctionnement sont
intervenus postérieurement à l’adoption du Code des marchés publics.
En droit français, le principe de l’unité de l’État implique que les assemblées
parlementaires (Assemblée nationale et Sénat) agissent au nom de l’État lorsqu’elles
procèdent à la passation de marchés en vue de la réalisation des travaux publics de
construction ou d’obtention de fournitures11.
L’article 2.1 du Code (ivoirien) des marchés publics ne précise pas la nature des
établissements publics habilités à passer des marchés publics. Serait-ce seulement des
établissements publics administratifs (EPA) ? Ou, au contraire, devrait-on prendre en
compte les établissements publics industriels et commerciaux (EPIC) ? En outre, devrait-on
inclure à cette liste les établissements publics des collectivités locales ?
Relativement aux établissements publics, on note que le Code ne procède à aucune
distinction. Aussi, devrons-nous inférer que les EPIC, au même titre que les EPA, sont admis
à passer des marchés publics. Il est fait, en la matière, application de la maxime Ubi lex non
distinguit nec nos distinguere debemus12.
En revanche, la possibilité pour les établissements publics des collectivités territoriales
pour passer des marchés publics est problématique. Le Code des marchés publics bien
qu’ayant mentionné expressément les collectivités territoriales n’en a pas fait de même
pour leurs établissements publics. On pourrait, a priori, penser que les établissements

11
« Considérant que les marchés conclus par les assemblées parlementaires en vue de la réalisation de travaux
publics ont le caractère de contrats administratifs ; […] il appartient à la juridiction administrative de connaître
des contestations relatives aux décisions par lesquelles les services de ces assemblées procèdent au nom de l’État
à leur passation ; qu’il en va de même des décisions relatives aux marchés conclus en vue de l’exploitation des
installations des assemblées lorsque ces marchés ont le caractère de contrats administratifs ». Cf. CE Ass. 5 mars
1999, Président de l’Assemblée nationale, GAJA, 18ème édition, n°101, 2011, p.138.
12
Autrement dit, « il est interdit de distinguer là où la loi ne distingue pas ». La loi ayant disposé sans restriction
ni conditions, l’interprète n’a pas à y introduire des exceptions qui n’ont pas été prévues par le législateur.

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publics des collectivités territoriales ne sont juridiquement pas admis à passer des marchés
publics13. Toutefois, l’analyse de l’article 85 du Code des marchés publics laisse entrevoir la
possibilité pour les établissements publics locaux de passer des marchés. Selon l’article 85
précité, « Les dispositions du présent Code s’appliquent également aux collectivités
territoriales mentionnées à l’article 2 du présent Code, sous réserve des dispositions
spécifiques ci- après. Les dispositions ci-après prescrites pour les collectivités territoriales
sont, mutatis mutandis, également applicables aux associations, établissements publics,
sociétés, et organismes divers qu’elles peuvent créer dans le cadre de leur politique de
développement économique et social, de regroupement ou de coopération ».

B. L’aménagement : l’admission de personnes soumises au droit privé

On distingue, à ce niveau, deux catégories de personnes de droit privé. Ce sont les


entreprises publiques (1) et les personnes relevant pleinement du droit privé (2).

1. Les entreprises publiques

Sous le concept d’entreprises publiques sont désignées les sociétés d’État et les sociétés
à participation financière publique majoritaire.
La société d’État est la société dont le capital est entièrement constitué par des
participations de l’État et, le cas échéant, d’une ou plusieurs personnes morales de droit
public ivoiriennes. Le capital de la société d’État est divisé en actions14. La société d’État
est une personne morale de Droit privé, commerciale par sa forme. Son patrimoine est
affecté à l’exercice des activités prévues par son objet social. Les actionnaires ne
supportent les pertes qu’à concurrence de leurs apports. Son personnel, à l’exception de
ceux nommés par décret pris en conseil des ministres, est régi par les dispositions du Code
du Travail15.
Est considérée comme une société à participation financière publique, une société
commerciale dont le capital est partiellement détenu par l’État, une personne morale de
droit public, une société d’État ou une société à participation financière publique
majoritaire. Peu importe que cette société commerciale soit de droit ivoirien, relevant d’un
droit étranger ou qu’il s’agisse d’une structure internationale à vocation commerciale16. La

13
En Côte d’Ivoire, la possibilité pour les collectivités territoriales de créer des établissements publics est
prévue par l’article 20 § 26 de la loi 2012-1128 du 13 décembre 2012 portant organisation des collectivités
territoriales. En vertu de cette disposition, « Ne sont exécutoires qu’après approbation de l’autorité de tutelle,
les délibérations des Conseils des collectivités territoriales portant sur … la création et la suppression des
services ou établissements publics de la collectivité territoriale, les décisions de gestion en régie, les concessions
ou affermages des mêmes services ainsi que les contrats y afférents ».
14
Article 2 de la loi n°97-519 du 4 septembre 1997 portant définition et organisation des sociétés d’État.
15
Article 4 de la loi n°97-519 du 4 septembre 1997 portant définition et organisation des sociétés d’État.
16
Article 1er de la loi n°2020-886 du 21 octobre 2020 relative aux sociétés à participation financière publique.

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société à participation financière publique est une société commerciale dont le capital est
partiellement et directement détenu par une participation publique17.

2. Les personnes relevant pleinement du droit privé

Sont rangées dans cette catégorie, les personnes (physiques ou morales) de droit privé
bénéficiant du concours financier ou de la garantie de l’État, d’une personne morale de
droit public, d’une société d’État ou d’une société à participation financière publique
majoritaire18.
La présentation ci-dessus du domaine d’application du Code des marchés publics n’est
pas exhaustive. Il importe d’y inclure, d’une part, les coordinations, groupements de
commandes et centrales d’achats (Article 3)19 et, d’autre part, sous certaines conditions,
les marchés sur financements extérieurs (Article 4)20.

Paragraphe 3 : L’objet précis des marchés publics

Les marchés publics sont divers. Les uns revêtent un aspect classique (A) tandis que
d’autres, plus récents, se distinguent par leur aspect particulier (B).

A. Les marchés classiques

Sur le fondement de l’article premier du Code des marchés publics, le contrat de marché
public porte sur un objet précis qui peut être soit la réalisation de travaux (1), soit la
fourniture de biens meubles (2) ou encore la réalisation de service au profit de
l’Administration contractante (3). À cette énumération, s’ajoute le marché mixte (4).

1. Les marchés de travaux

La définition de la notion de travail public (a) permet de déceler le criterium qui


singularise le travail public (b).

a. La définition de travail public21

17
Article 2 de la loi n°2020-886 du 21 octobre 2020 relative aux sociétés à participation financière publique.
18
Établir une distinction entre le concours financier accordé à une entreprise privée, d’une part, et la
participation au capital d’une société anonyme, d’autre part.
19
« Le présent Code s’applique aux marchés passés dans le cadre d’un achat groupé ou collectif, notamment par
groupement de commandes, coordination de commandes, ou par une centrale d’achat qui acquiert des
fournitures ou services pour le compte des autorités contractantes, ou conclut des accords de travaux, de
fournitures ou de services pour le compte des autorités contractantes » (Article 3).
20
« Les marchés financés par des ressources extérieures sont soumis aux dispositions du présent Code, sous
réserve des dispositions prévues par les accords de financement » (Article 4).
21
Cette rubrique reprend, pour l’essentiel, un ouvrage du professeur Djè bi Djè Christiane. Cf. DJÈ Bi DJÈ
Christiane, Droit des marchés publics en Côte d’Ivoire, Abidjan, FUPA Éditions, 2013, pp.67-70. D

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La notion de travail public transparaît de la jurisprudence du Conseil d’État (français) et


du Tribunal des conflits (français). Ainsi, constitue un travail public, un travail immobilier
exécuté dans un but d’utilité générale soit pour le compte d’une personne publique soit
pour l’accomplissement d’une mission de service public réalisée par une personne publique.

b. Le criterium du travail public22

De la définition (jurisprudentielle) du travail public transparaissent les trois critères


distinguant le travail public. Ce sont respectivement : le travail immobilier, l’utilité générale
et le bénéficiaire du travail immobilier.

Le critère du travail immobilier permet d’appréhender le travail public comme un


ensemble d’opérations matérielles modifiant la structure d’un immeuble (construction,
réparation, transformation ou destruction). Peu importe l’importance du travail. Il doit
avoir un caractère immobilier : être exécuté sur le sol même, sur un objet incorporé au sol
ou qui lui est durablement attaché. Il s’ensuit que la jurisprudence administrative considère
comme travaux immobiliers les inhumations et les exhumations dans les cimetières23.
L’article 44 du Code des marchés publics (de 2019) conforte le critère du travail immobilier
lorsqu’il dispose : « Le marché de travaux a pour objet principal la construction, la
reconstruction, la démolition, la réparation ou la rénovation d’un bâtiment ou d’un ouvrage,
telles que la préparation du chantier, les travaux de terrassement, l’érection de tout ou partie
d’un ouvrage, l’installation d’équipements ou de matériels, la décoration et la finition, ainsi
que les services accessoires ou connexes ».

Le critère de l’utilité générale pourrait a priori être perçu comme se confondant avec
celui de service public ou de domanialité publique. À vrai dire, la notion d’utilité générale
dépasse celle de service public et de domanialité publique. Le plus souvent les travaux sont
exécutés dans l’intérêt d’un service public, mais il peut y avoir utilité générale sans service
public24 et hors du domaine public25. Par contre, ne sont pas considérés comme travaux
publics, les travaux à but purement financier26 ou réalisés, comme de simples particuliers,
par des personnes de droit public27.

22
Idem, p.68-70.
23
CE 27 juillet 1906, Permane c/ Ville d’Armentières, Rec. 700.
24
CE 16 juin 1921, Commune de Monségur, GAJA, 18ème édition, n°37, Dalloz, 2011, pp.228-230 (Travaux dans une
église).
25
TC 24 octobre 1942, Préfet des Bouches-du-Rhône, Sirey, 1945.3.10 ; CE Ass. 12 avril 1957, Mimouni, Rec.
262 (Travaux d’intérêt général exécutés sur la propriété d’un particulier).
26
CE 18 janvier 1924, Casino de Saint Malo, Rec. 58.
27
TC 20 janvier 1945, Suchet, Rec. 276 (Travaux de clôture d’un terrain faisant partie du domaine privé de la
commune pour éviter les déprédations).

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Le critère du bénéficiaire du travail immobilier se décline en deux volets alternatifs. Ainsi,


le travail immobilier est réalisé soit pour le compte d’une personne publique soit pour
l’accomplissement d’une mission de service public exécutée par une personne publique.
Traditionnellement, les travaux immobiliers exécutés pour le compte d’une personne
publique sont des travaux publics, peu importe qu’ils soient effectués par les agents de
cette personne (travaux en régie), par une personne privée (concessionnaire, par exemple)
voire par une personne étrangère au service public. Il en est de même du travail visant à
réaliser un ouvrage appartenant à une personne privée mais destiné à revenir
ultérieurement à l’État28, du travail accompli sous la direction et le contrôle d’une personne
publique ou financé par elle29.
Actuellement, le Tribunal des Conflits, dans l’arrêt Effimief30, a étendu la notion de travail
public au travail exécuté par une personne publique pour le compte de particuliers dans le
cadre de sa mission de service public (construction de logements sociaux, équipements de
terrains urbains destinés à être vendus…)31.

2. Les marchés de fourniture

Le marché de fournitures a pour objet principal l’achat, le crédit-bail32, la location ou la


location-vente avec ou sans option d’achat de biens de toute nature y compris des matières
premières, produits, équipements et objets sous forme solide, liquide ou gazeuse, ainsi que
les services accessoires à la fourniture de ces biens (Article 45 Code des marchés publics).
Les marchés de fourniture portent sur des biens mobiliers tels que carburant, véhicules,
équipements de bureau, matériel informatique, mobilier, etc. La fourniture peut aussi
consister en l’achat d’eau, de gaz, d’électricité par une personne publique.
En vertu de l’article 45 précité, la personne publique peut se procurer les fournitures
selon diverses modalités que sont l’achat, la prise en crédit-bail, la location ou la location-
vente.

3. Les marchés de service

Le marché de services a pour objet la réalisation de prestations de services y compris les


prestations intellectuelles, c’est-à-dire le marché dont l’élément prédominant n’est pas
physiquement quantifiable (Article 46 Code des marchés publics). De manière précise, les
marchés de service se déclinent en deux groupes : d’une part, les marchés de service
courants et, d’autre part, les marchés de prestations intellectuelles.

28
CE 22 juin 1926, De Sigalas, RDP, 1928, p.525, Concl. Josse.
29
CE 24 janvier 1936, Mure, Rec. 105 (À propos de travaux d’urgence ordonnés par le maire).
30
TC 28 mars 1955, Effimief, GAJA, 18ème édition, n°70, Dalloz, 2011, p.463.
31
DJÈ Bi DJÈ Christiane, Droit des marchés publics en Côte d’Ivoire, op. cit., p.70.
32
De manière simplifiée, le crédit-bail est une technique de crédit dans laquelle le prêteur offre à l’emprunteur
la location d’un bien, assortie d’une promesse unilatérale de vente, qui peut se dénouer par le transfert de la
propriété bien loué à l’emprunteur.

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Sont rangés parmi les marchés courants, les services de nettoyage, le service de
transport… À cela, s’ajoutent les contrats de services juridiques, financiers, d’assurance,
de services sanitaires, récréatifs…
Les marchés de prestations intellectuelles comprennent les marchés de prestations
d’étude et des contrats portant sur les prestations architecturales.

4. Le marché mixte

Le marché mixte relève d’une des trois catégories mentionnées ci-dessus qui peut
comporter, à titre accessoire, des éléments relevant d’une autre catégorie.

B. Les marchés de type particulier

Cette catégorie de marchés est assez diversifiée. On y décèle le marché sur dépenses
contrôlées (1), le contrat GENIS (2), le marché clés en main (3), le marché de conception-
réalisation (4), le marché de conception, réalisation, exploitation ou maintenance (5) et le
marché d’innovation (6).

1. Le marché sur dépenses contrôlées

Le marché sur dépenses contrôlées est un marché qui donne lieu au remboursement par
l’autorité contractante des dépenses réelles autorisées et contrôlées du titulaire, majorées
d’honoraires ou affectées de coefficients destinés à couvrir les frais généraux, les impôts,
les droits et taxes, et le bénéfice.

2. Le contrat GENIS

Le contrat GENIS est un marché public dont la finalité est d’assurer continuellement un
service de qualité aux usagers. L’opérateur titulaire du marché GENIS est en charge de bon
nombre d’activités ayant pour objet la gestion et le suivi systématique de l’infrastructure
concernée. Il couvre en outre, dans les conditions définies au marché, l’exécution de
travaux initiaux de mise à niveau nécessaires pour remettre des infrastructures à niveau en
fonction des normes prescrites, de travaux d’amélioration spécifiés par l’autorité
contractante en vue de conférer à ces infrastructures des caractéristiques nouvelles pour
répondre à l’évolution des trafics, à des impératifs de sécurité ou autres, ainsi que de
travaux d’urgence destinés à remettre ces infrastructures en état à la suite de dégâts
occasionnés par des phénomènes naturels, aux conséquences exceptionnelles (Article
49.1).
Ce marché se fonde sur une obligation de résultats qui a des incidences sur la
rémunération du titulaire. Les entreprises ne sont pas rémunérées en fonction des moyens
mis en œuvre, c’est-à-dire du volume d'activités déployé en termes de travaux physiques,

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mais sur la base de leurs résultats correspondant à la mise à niveau initiale de


l’infrastructure, conformément aux normes prescrites. Cette rémunération tient compte
également des prestations d’entretien nécessaires pour assurer les niveaux de qualité
prescrits sur l’infrastructure objet du marché, ainsi qu’à certaines améliorations spécifiques
à celle-ci, en fonction des cahiers des charges. Les cahiers des charges applicables à ces
marchés comportent des spécifications types relatives aux critères de résultats. Les
niveaux de service exigés de l’entreprise sont ainsi exprimés par une série de critères de
résultats, c’est-à-dire, par une série de seuils à respecter. Ces résultats doivent être dûment
constatés et rendre compte des niveaux de service effectivement atteints, conformément
au marché. Si le niveau de service requis n’est pas atteint pour une période donnée, la
rémunération pour cette période est soumise à réfaction, conformément aux prescriptions
des cahiers des charges (Article 49.2).
La procédure d’appel d'offres met les entreprises en concurrence sur la base du niveau
de qualité des services proposés et en tenant compte de la rémunération périodique, fixe
et forfaitaire, qu’elles demandent sur un volume déterminé de l’objet du marché. Ces
marchés peuvent être conclus pour une durée maximale de trois ans (Article 49.3).

3. Le marché clés en main

Le marché clés en main est un marché à responsabilité unique basé sur un prix forfaitaire
et pour lequel les paiements sont effectués en fonction d’un échéancier contractuel. Pour
un tel marché, l’autorité contractante indique les grandes lignes du projet, c’est-à-dire, ses
paramètres techniques principaux. Dans le cadre d’un marché clés en main, la conception et
les études techniques, la fourniture et l’installation du matériel et la réalisation d’une
installation complète ou des travaux font l’objet d’un marché unique. L’autorité
contractante peut garder la responsabilité de la conception et des études techniques, et
lancer un appel d’offres pour un marché à responsabilité unique couvrant l’ensemble des
fournitures et travaux inclus dans une partie du projet (Article 50).

4. Le marché de conception-réalisation33

Le marché de conception-réalisation est un marché de travaux permettant à l’autorité


contractante de confier à un opérateur économique une mission portant à la fois sur
l’établissement des études et l’exécution des travaux. Il y est recouru si des motifs d’ordre
technique ou un engagement contractuel sur un niveau d’amélioration de l’efficacité
énergétique rendent nécessaire l’association de l’entrepreneur aux études de l’ouvrage
(Article 51.1).

5. Marché de conception, réalisation, exploitation ou maintenance34

33
Article 50 du Code des marchés publics.
34
Article 52 du Code des marchés publics.

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Le marché de conception, réalisation, exploitation ou maintenance est généralement


passé dans le cadre d’un contrat de performance énergétique. Toutefois, il peut être utilisé
pour satisfaire tout autre objectif de performance mesurable.
Pour la construction de bâtiments neufs, ce contrat peut être utilisé si des motifs d’ordre
technique justifient l’association de l’entrepreneur aux études de l’ouvrage.
Le recours au marché de conception, réalisation, exploitation ou maintenance, au titre
du présent Code, est soumis aux conditions cumulatives suivantes :
- Le financement du marché est entièrement assuré par l’autorité contractante qui
assure la maîtrise d’ouvrage de l’opération ;
- Le titulaire n’assume aucun risque d’exploitation ou de maintenance ;
- La rémunération du marché est faite à la réalisation de chaque phase ou tranche du
marché, dans les délais définis à l’article 140 du Code des marchés publics.
- La durée du marché tient compte des délais nécessaires à la réalisation des objectifs
et des engagements qui constituent l’objet du marché.
Les marchés de conception, réalisation, exploitation ou maintenance peuvent faire
l’objet de négociations. Cependant, celles-ci ne peuvent en aucun cas porter directement
sur l’offre financière du candidat (Article 52.1).

6. Marché d’innovation

Le marché d'innovation vise au développement d’un produit, d’un service ou de travaux


innovants et à l’acquisition ultérieure des fournitures, services ou travaux en résultant, à
condition qu’ils correspondent aux niveaux de performance et aux coûts maximum
convenus entre l’autorité contractante et les participants.
L’autorité contractante peut décider de mettre en place un marché d’innovation avec
un ou plusieurs opérateurs économiques qui exécutent les prestations de manière séparée
dans le cadre de contrats individuels. Cette décision est indiquée dans l’avis d'appel à la
concurrence ou dans tout autre document de consultation (Article 53 .1).

SECTION 2 : Les parties aux marchés publics

À l’image des autres contrats administratifs, le marché public fait intervenir deux
parties : d’une part, l’Administration contractante et, d’autre part, le cocontractant de
celle-ci. L’Administration ou les personnes qui la représentent ou agissent en son nom,
surtout dans le cas particulier des marchés de travaux publics, assurent la maîtrise de
l’ouvrage (§ 1). Le cocontractant, lui, est désigné sous l’appellation d’attributaire (§ 2).

Paragraphe 1 : La maîtrise de l’ouvrage

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La maîtrise de l’ouvrage pourrait être appréhendée comme le pouvoir effectif de


contrôle et de direction dont bénéficient l’Administration et ses représentants à l’égard du
titulaire du marché public. La maîtrise de l’ouvrage est assurée par trois personnes, à savoir,
le maître d’ouvrage (A), le maître d’ouvrage délégué (B) et le maître d’œuvre (C).

A. Le maître d’ouvrage

Le maître d’ouvrage est la personne morale de droit public ou de droit privé qui est
l’initiatrice de la commande publique et pour le compte de laquelle sont exécutés les
travaux, fournitures ou services (Article premier du Code des marchés publics).
Il est le commanditaire du marché. Il définit donc la commande publique en fonction de
ses besoins, il assume la responsabilité de la conception et de la réalisation des travaux. Il
représente l’utilisateur final de l’ouvrage et, à ce titre, le réceptionne35.

B. Le maître d’ouvrage délégué

Le maître d’ouvrage délégué est la personne morale de droit public ou de droit privé qui
est le délégataire du maître d’ouvrage dans l’exécution de ses missions (Article premier du
Code des marchés publics).
Il n’est pas le destinataire de l’ouvrage mais il exerce pour le compte du maître
d’ouvrage ou de l’autorité contractante (le plus souvent confondus) et, sous sa
responsabilité, tout ou partie de ses attributions : participation à la conception du projet,
passation ou exécution du marché, gestion, autorisation des paiements, réception de
l’ouvrage. Il offre ainsi des compétences techniques au maître d’ouvrage36.

C. Le maître d’œuvre

Un maître d’œuvre est la personne morale de droit public ou de droit privé dont les
attributions s’attachent aux aspects architectural, technique et économique de la
réalisation d’un ouvrage de bâtiment, d’infrastructure ou d’équipement technique37. Le
Code des marchés définit ses attributions (1) ainsi que la nature juridique du contrat
fondant l’activité du maître d’œuvre (2).

1. Attributions du maître d’œuvre

35
DJÈ Bi DJÈ Christiane, Droit des marchés publics en Côte d’Ivoire, op. cit., p.48.
36
Le maître d’ouvrage délégué peut être soit une structure publique telle que le Ministère de la construction
ou un bureau spécialisé au sein du Ministère concerné (autorité contractante). C’est notamment le cas du
Bureau d’exécution des projets du Ministère de l’Éducation nationale dans le cadre du programme
d’ajustement structurel éducation et formation (PASEF). Il peut arriver que le maître d’ouvrage délégué soit
une structure de droit privé telle que l’Ageroute (société d’État) intervenant dans les projets routiers. Cf. DJÈ
Bi DJÈ Christiane, Droit des marchés publics en Côte d’Ivoire, op. cit., p.49.
37
Article premier du Code des marchés publics.

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L’article 15.4 du Code apporte plus de précisions sur cette notion lorsqu’il prévoit que le
maître d’œuvre est la personne morale de droit public ou de droit privé chargée par le
maître d’ouvrage ou l’autorité contractante d’apporter des réponses, notamment
architecturales, techniques et économiques à la réalisation d’un ouvrage ou à la fourniture
d’équipements ou de services complexes.
Le maître d’œuvre est donc la personne chargée de coordonner les travaux des divers
corps de métier dans une entreprise de construction et de mener celle-ci à bien38.
Il assiste le maître d’ouvrage ou l’unité de gestion administrative dans la passation des
marchés, assure la direction, le suivi et le contrôle de l’exécution des travaux ou la
fourniture d'équipements ou de services complexes. Le maître d’œuvre et le maître
d’ouvrage ou l’unité de gestion administrative sont liés par un contrat de maîtrise
d’œuvre39. Le maître d’œuvre doit toujours être choisi en dehors des services du maître
d’ouvrage ou de l’unité de gestion administrative. L’autorité contractante peut aussi choisir
un cabinet privé pour être son maître d’œuvre.
Toutefois, dans certains cas, le maître d’œuvre peut être choisi au sein des services du
maître d’ouvrage ou de l’autorité contractante. Dans ces cas, l’avis de la structure
administrative chargée du contrôle des marchés publics est requis.

2. Le contrat de maîtrise d’œuvre

Le contrat de maîtrise d’œuvre est le contrat par lequel le maître d’ouvrage ou l’autorité
contractante confie au maître d’œuvre, choisi pour sa compétence, une mission de
conception et d’assistance pour la réalisation des ouvrages de bâtiments ou
d’infrastructures, d’équipements, ou la livraison de fournitures ou services complexes. Le
contrat de maîtrise d’œuvre qui est un marché de services porte sur tout ou partie des
éléments suivants :
- Les études d’esquisse ;
- Les études de projets ;
- L’assistance au maître d’ouvrage ou l’unité de gestion administrative pour la
passation du contrat de travaux ou à la fourniture d’équipements ou services
complexes ;
- La direction, le suivi et le contrôle de l’exécution des travaux ou la fourniture
d’équipements ou services complexes ;
- L’ordonnancement, le pilotage et la coordination des chantiers ;
- L’assistance au maître d’ouvrage ou à l’unité de gestion administrative lors des
opérations de réception et pendant la période de garantie de parfait achèvement

38
CORNU Gérard (dir.), Vocabulaire juridique, 9e édition, Paris, Quadrige/Puf, 2012, p.701.
39
En Côte d’Ivoire, le Bureau National d’études de développement et techniques (BNEDT), une société d’État,
est souvent requis comme maître d’œuvre dans les grands marchés de travaux publics de l’État. Cf. DJÈ Bi
DJÈ Christiane, Droit des marchés publics en Côte d’Ivoire, op. cit., p.49.

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des travaux. La mission de maîtrise d’œuvre donne lieu à une rémunération fixée
contractuellement. Le montant de cette rémunération tient compte de l’étendue de
la mission, du niveau de complexité et du coût prévisionnel des travaux. Le marché
de maîtrise d’œuvre est passé selon la procédure applicable aux marchés de
prestations intellectuelles.

Paragraphe 2 : L’attributaire

L’attributaire est le soumissionnaire, à savoir le candidat qui participe à l’appel d’offre,


dont l’offre a été retenue, avant l’approbation du marché. L’attributaire peut être une
personne de droit privé (A) ou une personne morale de droit public (B).

A. L’attributaire, une personne de droit privé

Afin d’exécuter les travaux ou les prestations, l’Administration est amenée à faire appel
à des personnes privées et à passer des contrats avec elles sur la base de la liberté d’accès
à la commande publique prévue par l’article 8 du Code des marchés publics.

a. Les personnes habilitées à contracter

En principe, les personnes privées, dans leurs rapports inter se, ne rentrent pas dans le
champ d’application des règles du Code des marchés publics. Mais dès que la personne
privée devient titulaire du marché (donc après que le marché ait été approuvé par l’autorité
administrative compétente), elle se voit tenue de respecter les règles prévues par le Code
des marchés publics. À ce titre, l’attributaire de droit privé – devenue titulaire – pourra se
voir opposer les règles prévues par les lois et les règlements en vigueur en cas de
manquement à ses obligations.
On pourrait mentionner le cas particulier des entreprises publiques, c’est-à-dire les
démembrements de l’État mais qui sont juridiquement des personnes morales de droit
privé, de forme commerciale, et qui sont, à ce titre, principalement soumis au droit privé.
Le Code des marchés publics les autorise, sous certaines conditions, à soumissionner aux
marchés publics sur le fondement de son article 39.3. Selon cette disposition, « les
entreprises publiques ne peuvent participer aux procédures de passation des marchés publics
qu’à condition qu’elles attestent qu’elles sont juridiquement et financièrement autonomes,
qu’elles sont soumises au droit commercial et qu’elles n’ont aucun lien de subordination avec
l’autorité contractante ».

b. Les garanties requises de l’attributaire de droit privé

Les garanties prévues par le Code des marchés publics sont au nombre de quatre (4). Ce
sont la garantie d’offre et de soumission, la garantie de bonne exécution, la retenue de
garantie et les autres garanties. De cette énumération, à vrai dire, la garantie d’offre et de
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soumission se distingue des trois autres sur un point précis. En effet, elle est exigée du
candidat à un appel d’offres ; c’est donc une exigence qui s’impose à une personne qui
n’est pas encore dans les liens contractuels avec l’autorité contractante. En revanche, les
trois autres garanties sont exigées des titulaires du marché public, donc de personnes
contractuellement liées à l’Administration acheteuse.

Garantie d’offre et de soumission (Article 95). Les candidats sont tenus de fournir une
garantie d’offre en garantie de l’engagement que constitue leur offre, à l’exception des
marchés négociés de gré à gré, ou des marchés de prestations intellectuelles, sauf si
l’autorité contractante en décide autrement. L’unité de gestion administrative (Cellule de
passation des marchés) a la possibilité de dispenser de façon ponctuelle, un marché de la
production d’une garantie, après autorisation de la structure administrative chargée du
contrôle des marchés publics. Le ministre chargé des Marchés publics peut, par arrêté,
dispenser de façon permanente la production de garantie de soumission pour certains
marchés, après avis de la structure administrative chargée du contrôle des marchés publics
(Article 95.1).
Le montant de la garantie d’offre et de soumission est fixé en fonction de l’opération
par l’unité de gestion administrative (Cellule de passation des marchés), entre 1 et 1,5 % du
montant prévisionnel de la dépense envisagée. L’unité de gestion administrative doit
subdiviser la garantie exigée en autant de fractions que de lots (Article 95.2).

Garantie de bonne exécution (Article 97). Tout titulaire d’un marché est tenu de fournir
une garantie de bonne exécution du marché et de recouvrement des sommes dont il serait
reconnu débiteur envers l’autorité contractante au titre dudit marché. Elle est fixée dans
le cahier des charges et doit être en rapport avec l’objet du marché. Ce principe ne
s’applique pas aux marchés de prestations intellectuelles en raison de leurs modalités
spécifiques d’exécution. Dans la définition des garanties requises, l’autorité contractante
ne prend aucune disposition à caractère discriminatoire, notamment celle visant à faire
obstacle à l’accès des petites et moyennes entreprises à la commande publique (Article
97.1). Les entreprises artisanales assujetties à l’impôt synthétique et inscrites à la Chambre
des métiers sont dispensées de fournir la garantie d’offre et la garantie de bonne exécution
dans les conditions fixées par décret pris en Conseil des ministres. En cas d’attribution, les
entreprises artisanales doivent produire un certificat délivré par les services des impôts
indiquant qu’elles sont assujetties à l’impôt synthétique.
Le montant de la garantie de bonne exécution est indiqué dans le marché. Ce montant
ne peut être inférieur à trois 3% ni supérieur à 5% du montant initial du marché augmenté
ou diminué, le cas échéant, de ses avenants. Le taux est fixé par l’unité de gestion
administrative dans le dossier d’appel d’offres (Article 97.3).

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Retenue de garantie. Lorsque le marché comporte un délai de garantie, une partie de


chaque paiement est retenue par l’unité de gestion administrative40 comme garantie pour
couvrir l’obligation de parfait achèvement des travaux, fournitures ou services. La part des
paiements retenue par l’unité de gestion administrative ne peut être ni inférieure à 3% ni
supérieure à 5% de chacun des paiements à effectuer. Elle est fixée au cahier des clauses
administratives particulières par l’unité de gestion administrative (Cellule de passation des
marchés). La retenue de garantie peut être remplacée par l’une des garanties définies par
décret pris en Conseil des ministres, tel que prévu à l’article 95.3 du présent Code. Les
différentes garanties financières doivent systématiquement avoir des dates précises de
caducité ou prévoir l’évènement qui éteint l’engagement (Article 98).

Autres garanties. Les cahiers des charges déterminent, s’il y a lieu, les garanties et
sûretés autres que celles prévues dans le Code des marchés publics, qui peuvent être
demandées à titre exceptionnel aux titulaires pour garantir l’exécution de leurs
engagements. Elles doivent indiquer les droits que l’unité de gestion administrative peut
exercer et les conditions de leur libération. Les différentes garanties financières doivent
systématiquement avoir des dates précises de caducité ou prévoir l’évènement qui éteint
l’engagement (Article 105).

B. L’attributaire, une personne morale de droit public

Le Code des marchés publics n’interdit, en principe pas, à une personne publique de se
porter candidate à l’attribution d’un marché public. Aussi, devons-nous inférer que les
personnes morales de droit public sont admises à soumissionner aux marchés publics.
D’ailleurs, en vertu de l’article 2.3 du Code des marchés publics, les conventions de
prestations de service passées entre les services de l’État et les collectivités territoriales
sont soumises au principe de mise en concurrence en ce qui concerne leurs prestations
d’ingénierie publique auprès d’autres collectivités publiques41. Ces marchés concernent la
conduite d’opération, la maîtrise d’œuvre, la gestion de service, les prestations de contrôle,

40
La notion d’« unité de gestion administrative » désigne un organe précis au sein de chaque personne
publique ou privée soumise au Code des marchés publics. Ainsi, au niveau de chaque ministère ou entité
assujetti au Code des marchés publics, est mise en place une cellule de passation des marchés qui est chargée
des missions de préparation, de planification, de gestion du processus de passation et du suivi évaluation des
marchés publics. Au sein des ministères, la cellule de passation des marchés est placée sous l’autorité de la
personne responsable des marchés. La composition et le fonctionnement de la cellule de passation des
marchés sont fixés par décret pris en Conseil des ministres (Article 13 Code des marchés publics).
Il importe de ne pas confondre la Cellule de passation des marchés avec la Commission d’ouverture des plis
et de jugement des offres. Celle-ci est placée auprès de l’autorité contractante et est chargée de l'ouverture
des plis, de l'évaluation des offres et de la désignation des attributaires. La composition de la commission
d’ouverture des plis et de jugement des offres est variable en fonction de la nature de l’autorité contractante
et de l’objet de l’appel d’offres (Article 14 Code des marchés publics).
41
« Les dispositions du présent Code sont également applicables aux conventions passées entre des personnes
morales assujetties au Code des marchés publics. Les modalités d’application de ces conventions sont fixées par
décret pris en Conseil des ministres » (Article 2.3 Code des marchés publics).

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d’étude, d’expertise, principalement dans les domaines d’aménagement, d’équipement ou


d’environnement.
En droit français, la jurisprudence a admis la possibilité pour une personne publique, sous
certaines conditions, d’intervenir dans le cadre d’un marché public. Toutefois, les modalités
d’intervention de la personne publique candidate doivent être en harmonie avec les
principes édictés par le Code des marchés publics, notamment le principe de la concurrence
entre cette entité publique et d’autres entreprises afin de respecter le principe d’égalité
d’accès à la commande publique42.
Lorsque le marché public a été approuvé par l’autorité publique compétente,
l’attributaire quel qu’il soit se mue alors en titulaire du marché public (Article premier du
Code des marchés publics) ; étant entendu que l’approbation est la formalité administrative
obligatoire matérialisée par la signature de l’autorité compétente qui a pour effet de
valider le projet de contrat.

42
« Considérant que les personnes publiques sont chargées d’assurer les activités nécessaires à la réalisation des
missions de service public dont elles sont investies et bénéficient à cette fin de prérogatives de puissance
publique ; qu’en outre, si elles entendent, indépendamment de ces missions, prendre en charge une activité
économique, elles ne peuvent légalement le faire que dans le respect tant de la liberté du commerce et de
l’industrie que du droit de la concurrence ; qu’à cet égard, pour intervenir sur un marché, elles doivent, non
seulement agir dans la limite de leurs compétences, mais également justifier d’un intérêt public, lequel peut
résulter notamment de la carence de l’initiative privée ». Cf. CE 31 mai 2006, Ordre des avocats au Barreau de
Paris, Rec. 272.

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CHAPITRE 2 : FORMATION ET EXÉCUTION DES MARCHÉS PUBLICS

Les contrats constitutifs de marchés publics obéissent à certaines normes relatives à


leur formation (Section 1). En outre, l’exécution des marchés ainsi que la réception du
produit des prestations du titulaire est rigoureusement encadrée par le droit (Section 2).

SECTION 1 : La formation des marchés publics

Cette formation obéit à un principe cardinal, celui de l’appel à concurrence (Paragraphe


1). Il se perçoit à travers les différentes procédures de passation des marchés publics
(Paragraphe 2) lesquelles débouchent sur le choix du titulaire du marché (Paragraphe 3).

Paragraphe 1 : Le principe de l’appel à concurrence

Depuis l’adoption du (défunt) Code des marchés publics de 1992, l’appel à concurrence
est devenu le principe qui régit la conclusion des contrats de marché public (A)43. La mise
en œuvre de l’appel à concurrence s’observe par la publicité qui entoure désormais la
conclusion des contrats de marchés publics (B).

A. Le principe

Le principe de l’appel à concurrence (1) n’est pas de portée absolue. Il admet donc des
assouplissements qui dénotent sa portée relative (2).

1. L’énoncé du principe

L’appel à concurrence est l’un des principes fondamentaux prévus par l’article 8 du Code
des marchés publics. Il résulte de l’application combinée de plusieurs principes énoncés à
l’article 8 précité. Selon cette disposition, « Les marchés publics, quel qu’en soit le montant,
sont soumis aux principes suivants : le libre accès à la commande publique ; l’égalité de

43
Cet appel à concurrence se traduisait par deux procédures de mise en concurrence que sont l’adjudication
et l’appel d’offres. Toutefois, l’adjudication a été supprimée par le (défunt) Code des marchés publics de
2005. La procédure d’adjudication reposait sur un seul critère : le prix proposé le plus bas (le moins disant).
Ce critère unique ne garantissait cependant pas la qualité des prestations de l’attributaire, d’où la nécessité
de privilégier une procédure conciliant le critère de la qualité/prix. L’appel d’offres, remplissant ce nouveau
critère, a été préféré à l’adjudication.

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traitement des candidats et soumissionnaires […] ; la transparence des procédures […] ;


l’interdiction de toute discrimination fondée sur la nationalité des candidats […] ; la libre
concurrence… ».
L’effectivité de l’appel à concurrence est assurée au travers du respect de deux
principes : d’une part, le principe de la liberté d’accès de l’entrepreneur au marché public
et, d’autre part, le principe de l’égalité de traitement entre les candidats. Ce dernier
principe – l’égalité de traitement entre les candidats – constitue un principe fondamental
des procédures de mise en concurrence prévues par le Code des marchés publics. Il a
vocation à s’appliquer même sans texte. Ainsi, le juge administratif considère que l’offre
approximative faite par un candidat ne peut être accueillie par le pouvoir adjudicateur sous
peine de méconnaître le principe d’égalité entre candidats44.
En France, l’égalité consacrée est une égalité formelle, c’est-à-dire une égalité juridique
consistant à traiter tous les candidats de la même façon45. Dès lors, le juge administratif
considère que le pouvoir adjudicateur ne saurait la transformer en une égalité réelle qui,
sans texte, viserait à avantager telle ou telle catégorie d’entreprises ou de candidats46.

2. La portée relative du principe

L’appel à concurrence connait soit des assouplissements (a) soit des dérogations (b).

a. Assouplissement du principe : cas des dépenses en dessous des seuils


d’obligation de passer un marché

Les dépenses de travaux, de fournitures ou de services dont le budget alloué est


inférieur aux seuils de référence fixés par décret pris en Conseil des ministres, sont des
marchés publics. Toutefois, le recours aux modes et procédures énoncés dans le Titre V du
Code des marchés publics est facultatif. La passation de ces marchés fait l’objet de
procédures simplifiées, conformément aux modalités fixées par décret pris en Conseil des
ministres.

b. Dérogation : cas des dépenses liées à la sécurité et à la défense nationales

44
CE 9 mars 1960, Massida, req. n°39717.
45
De VILLIERS Michel et De BERANGER Thibaut (dir.), Droit public général : Institutions politiques,
administratives et européennes. Droit administratif, finances publiques et droit fiscal, 6ème édition, Paris,
LexiNexis, 2015, n°890, p.741.
46
« Considérant que, quel que soit l’intérêt général qui s’y attache, la répartition équilibrée des marchés entre
les petites, les moyennes et les grandes entreprises n’est pas au nombre des objectifs que les dispositions du
code des marchés publics visent à atteindre ; qu’en recommandant aux responsables des marchés d’écarter les
candidatures de certaines entreprises au seul motif que leur chiffre d’affaires serait trop important au regard
du montant des marchés, la directive ministérielle du 15 décembre 1977 a pour effet d’introduire une
discrimination qui n’est pas en rapport avec l’objet de la réglementation des marchés publics, et de porter ainsi
une atteinte injustifiée à l’égalité de traitement qui doit être assurée entre les entreprises candidates à la
présentation d’une offre ». Cf. CE 13 mai 1987, Société Wanner Isofi Isolation, req. n°39120.

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Le Code des marchés publics ne s’applique pas aux marchés de travaux, de fournitures et
de services, lorsqu’ils concernent des besoins de défense et de sécurité nationales exigeant
le secret ou pour lesquels la protection des intérêts essentiels de l’État est incompatible
avec des mesures de publicité (article 7).
D’autres natures de dépenses qui ne se prêtent pas aux procédures de mise en
concurrence peuvent être exclues du champ d’application du Code des marchés publics.
Ces natures de dépenses sont déterminées par décret pris en Conseil des ministres.

B. Les modalités de l’appel à concurrence : la publicité

La conclusion du contrat constitutif de marché public est obligatoirement précédée d’un


appel public à concurrence en vertu de l’article 64 du Code. Selon cette disposition, « Les
avis d’appel à concurrence doivent obligatoirement faire l’objet d’une publication dans le
Bulletin officiel des Marchés publics de la République de Côte d’Ivoire sous peine de nullité,
… » (Article 64.1)47.
En outre, tout appel d’offres ouvert non publié par le canal de la Bulletin officiel des
Marchés publics de la République de Côte d’Ivoire est considéré comme nul et non avenu.
Cette obligation concerne également les avis de pré-qualification (Article 64.1 § 2).
En sus du Bulletin officiel des Marchés publics de la République de Côte d’Ivoire, les avis
d’appel à concurrence peuvent également faire l’objet d’une insertion parallèle, au choix
de l’autorité contractante, dans une publication habilitée à recevoir des annonces légales,
par affichage ou par tout autre moyen approprié (Article 64.1 § 3).
Comme on le constate, l’exigence de la publicité est une formalité substantielle et la
méconnaissance de celle-ci entraîne ipso jure la nullité de la décision d’attribuer le marché.

Il existe cependant deux atténuations à l’exigence de la publicité. La première concerne


les dépenses en dessous des seuils de référence pour lesquelles, en vertu de l’article 6 du
Code, les modes et procédures de passation des marchés publics sont facultatifs. La
seconde est relative aux dépenses exclues des modes et procédures de passation
inhérents aux marchés publics. Dans cette seconde catégorie, sont inclus, d’une part, les
marchés de travaux, de fournitures et de services, lorsqu’ils concernent des besoins de
défense et de sécurité nationales pour lesquels le secret est exigé et, d’autre part, d’autres
natures de dépenses déterminées par décret pris en Conseil des ministres (Article 7).

Paragraphe 2 : Les procédures de passation des marchés publics

Ces procédures sont diverses et se déclinent, à titre principal, en appel d’offres (A) et,
subsidiairement, en une procédure de gré à gré. Celle-ci apparait comme une procédure
subsidiaire mais rigoureusement encadrée (B).

47
Toutefois, l’exigence de la publication des avis d’appel à concurrence ne concerne pas la prise de mesures
relatives à la passation électronique des marchés publics.

21
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A. L’appel d’offres, procédure de droit commun

Selon l’article premier du Code des marchés publics, l’appel d’offres est la procédure
formalisée de mise en concurrence et d’attribution des marchés publics, caractérisée par
la pluralité des critères préétablis que doit utiliser la commission chargée de choisir
l’attributaire. Cette procédure a l’avantage de faire jouer la concurrence sous l’angle du
rapport qualité-prix et quantité-prix, et d’évaluer les concurrents les plus aptes à réaliser
les prestations les plus complexes, d’où le recours à cette procédure qui peut être ouverte
(1) ou restreinte (2). À ces deux procédures, s’ajoute celle de l’appel d’offres avec concours
(3).

1. La procédure ouverte48

La procédure d’appel d’offres est dite ouverte (Appel d’offres ouvert) lorsque tout
opérateur économique peut déposer une offre. Cette procédure sera retenue lorsque les
capacités techniques attendues sont suffisamment répandues ou lorsque le nombre
d’opérateurs économiques susceptibles de présenter une offre n’est pas trop élevé.
L’élimination des candidats n’intervient pas lors d’une phase préalable de sélection. Elle a
lieu lors de la séance au cours de laquelle sera désigné le lauréat du marché49.
En vertu de l’article 55 § 4 du Code des marchés publics, l’appel d’offres ouvert est la
règle. Il s’ensuit que le recours à tout autre mode de passation doit être exceptionnel,
justifié par l’autorité contractante et être autorisé, au préalable, par le ministre chargé des
Marchés publics, dans les conditions prévues par le Code des marchés publics.

L’appel d’offres est dit ouvert avec pré-qualification lorsque seuls certains candidats
sont, après sélection dans les conditions (de publicité) prévues par l’article 64 du Code des
marchés publics, autorisés à déposer une offre. Cet ajustement de l’appel d’offres ouvert
intervient lorsque les travaux, fournitures et services à exécuter revêtent un caractère
complexe ou exigent une technicité particulière. L’examen de la qualification des candidats
s’effectue exclusivement en fonction de leur aptitude à exécuter le marché de façon
satisfaisante et selon les critères définis dans l’invitation à soumissionner.

2. La procédure restreinte

Cette procédure permet au pouvoir adjudicateur au cours d’une phase antérieure au


dépôt des offres et autonome de sélectionner les opérateurs économiques qui seront
admis à soumissionner. Il y a donc deux phases : une phase préalable de sélection de
candidats et une phase de sélection des offres. Cette procédure est recommandée lorsque

48
Articles 55 et suivants du Code des marchés publics.
49
De VILLIERS Michel et De BERANGER Thibaut (dir.), Droit public général, op. cit., n°895, p.745.

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les conditions prévues pour l’appel d’offres ouvert ne paraissent pas remplies ou lorsque
le pouvoir adjudicateur veut s’entourer de toutes les garanties afin que le meilleur choix
puisse se faire dans les meilleures conditions. Elle permet de limiter les candidats admis à
présenter une offre50.
Corollaire de l’exigence découlant de l’article 55 § 4 du Code des marchés publics, l’appel
d’offres restreint apparaît comme une procédure subsidiaire à laquelle le pouvoir
adjudicateur n’est autorisé à recourir que sous certaines conditions. Ainsi, l’article 60.1 du
Code prévoit qu’on ne peut recourir à la procédure de l’appel d’offres restreint que lorsque
les fournitures, travaux ou services, de par leur nature spécialisée, ne sont disponibles
qu’auprès d’un nombre limité de fournisseurs, d’entrepreneurs ou de prestataires de
services.
La démarcation entre l’appel d’offres ouvert et l’appel d’offres restreint est si nette que
le juge administratif français n’admet pas que l’Administration ayant déjà lancé la
procédure d’appel d’offres ouvert puisse, par la suite, la transformer en procédure
restreinte51.

3. Procédure de l’appel d’offres avec concours

Tout comme l’appel d’offres restreint, l’appel d’offres avec concours est une procédure
subsidiaire, stricte à laquelle l’autorité contractante ne peut recourir que sous certaines
conditions. En effet, il peut être fait un appel d’offres avec concours lorsque des motifs
d’ordre technique, esthétique ou financier justifient des études ou des recherches
particulières. Le recours à cette procédure est soumis à l’avis conforme de la structure
administrative chargée du contrôle des marchés publics (Article 59.1).
Le concours est la procédure par laquelle la personne publique choisit, après mise en
concurrence et avis du jury, un plan ou un projet notamment dans le domaine de
l’aménagement du territoire, de l’urbanisme, de l’architecture et de l’ingénierie ou des
traitements de données, avant d’attribuer à l’un des lauréats du concours, un marché. Le
concours peut être ouvert ou restreint. Le règlement du concours peut prévoir que les
concurrents bénéficient du versement de primes (Article 59.2).
Cette prime se justifie eu égard au fait que l’appel d’offre avec concours requiert des
candidats un travail de recherche important. La pouvoir adjudicateur doit indiquer dans un
règlement les droits qu’il se réserve à l’égard des projets primés. Il devra préciser s’il
compte exercer sur le projet primé un simple droit d’usage ou s’il envisage s’en attribuer la
propriété. L’autorité contractante devra soit verser une redevance à l’auteur du projet si
l’exécution de celui-ci est confiée à un autre titulaire soit définir les conditions d’exécution
du projet si l’auteur de celui-ci en est également l’exécutant.

B. Le gré à gré, une procédure subsidiaire mais rigoureusement encadrée

50
Idem, p.745.
51
CE 3 juillet 1968, Lavigne et Le Mée, req. n°68333.

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1. Une procédure subsidiaire

Il est recouru à la procédure de gré à gré ou d’entente directe lorsque l’unité de gestion
administrative, le maître d’ouvrage délégué ou le maître d’œuvre, s’il existe, engage les
négociations ou consultations appropriées, et attribue ensuite le marché au candidat qu’il
a retenu (Article 61.1).
Le gré à gré apparait comme une procédure dérogatoire à l’exigence de l’appel à
concurrence qui nimbe la procédure de l’appel d’offres. Aussi, le législateur balise-t-il le
recours à cette procédure au moyen de conditions drastiques par lesquelles il entend éviter
ou, à défaut minimiser, les déprédations au niveau de l’Administration.

2. Une procédure rigoureusement encadrée

Les conditions présidant au recours à la procédure du gré à gré sont limitativement


énumérées par le Code des marchés publics.

Au niveau matériel, il ne peut être passé de marché de gré à gré ou d’entente directe
que dans les trois cas suivants :
- Lorsque les besoins ne peuvent être satisfaits que par une prestation nécessitant
l’emploi d’un brevet d’invention, d’une licence ou de droits exclusifs détenus par un
seul entrepreneur, un seul fournisseur ou un seul prestataire de services ;
- Lorsque les marchés ne peuvent être confiés qu’à un prestataire déterminé pour des
raisons artistiques ou techniques ;
- Dans le cas d’urgence impérieuse motivée par des circonstances imprévisibles ou de
force majeure ne permettant pas de respecter les délais prévus dans les procédures
d’appel d’offres, nécessitant une intervention immédiate, et lorsque l’autorité
contractante n’a pas pu prévoir les circonstances qui sont à l’origine de l’urgence.

Au niveau processuel, le recours à la procédure de gré à gré ou d’entente directe doit


être motivé et soumis à l’autorisation préalable du ministre chargé des marchés publics,
après avis de la structure administrative chargée du contrôle des marchés publics. Le
ministre chargé des marchés publics peut déléguer sa compétence d’autorisation par
arrêté (Article 61.2).
Dans le cadre du marché de gré à gré ou d’entente directe, les entrepreneurs,
fournisseurs ou prestataires de services sont soumis à un contrôle aux fins de vérification
de la réalité des prix (Article 61.3). Pour ce faire, les entrepreneurs, fournisseurs ou
prestataires de services ont l’obligation de permettre et de faciliter la vérification

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éventuelle de l’exactitude de ces renseignements par les structures compétentes


mentionnées à l’article 93 du Code des marchés publics52.
Tout marché de gré à gré ou d’entente directe passé sans autorisation préalable, telle
que mentionnée au point 61.2 ci-dessus, est nul et de nul effet (Article 61.4).

Paragraphe 3 : Le choix du titulaire du marché

Ce choix obéit à la satisfaction de plusieurs étapes successives qui peuvent être


schématisées de manière suivante : d’abord, le choix du mode de dévolution du marché
(A) ; ensuite, le droit de l’entrepreneur (quel qu’il soit) d’accéder à la commande publique
(B) et, enfin, la décision d’attribuer le marché (C).

A. Le choix d’un mode de dévolution du marché

Le pouvoir adjudicateur peut opter soit pour le marché d’allotissement soit pour le
marché unique.

L’allotissement est l’opération par laquelle le pouvoir adjudicateur procède en la


répartition d’un marché (unique) en deux ou plusieurs lots qui constitueront, chacun, un
marché auquel pourront soumissionner les entreprises.
Le recours au marché d’allotissement est prévu par l’article 21.1 du Code des marchés
publics. Cette opération a été instituée pour encourager l’accès des petites et moyennes
entreprises à la commande publique53. Si le marché (unique) est alloti, il y a autant de
marchés que de lots. Dès lors, les offres des candidats doivent être examinées lot par lot ;
le respect de l’égalité ne s’apprécie qu’entre les candidats d’un même lot. Ainsi, en France,
dans un marché alloti, un pouvoir adjudicateur prévoyant des durées différentes selon les
lots des marchés mis en concurrence ne méconnait pas le principe d’égalité entre les
candidats54.

52
« Tout marché public fait l’objet de supervision, de contrôle, de suivi et de surveillance de son exécution
administrative, technique et financière » (Article 90).
53
« Lorsque l’allotissement est susceptible de présenter des avantages financiers ou techniques, y compris en
vue de faciliter la candidature des petites et moyennes entreprises, les travaux, fournitures ou services sont
répartis en lots pouvant donner lieu chacun à un marché distinct […] Les procédures de passation dont l’objet
porte sur des travaux, des fournitures ou des services issus d’activités artisanales ou ayant le caractère d’activités
artisanales, doivent prévoir une répartition des acquisitions en lots. Ces lots peuvent donner lieu chacun à un
contrat distinct, en vue de faciliter l’accès des artisans et des entreprises artisanales par l’accroissement de
l’offre d’opportunités d’affaires, en adéquation avec leur capacité financière » (Article 21.1 Code des marchés
publics).
54
« Considérant qu’il résulte de ces dispositions que, lorsque la personne publique choisit de recourir à un marché
alloti, les offres présentées par les candidats doivent être examinées lot par lot ; que le respect du principe
d’égalité entre les candidats à un marché public ne s’apprécie, dès lors, qu’entre les candidats à un même lot ;
que par suite le juge des référés du tribunal administratif de Nancy n’a pas commis d’erreur de droit en jugeant
que le moyen tiré par la SOCIÉTÉ SCHIOCCHET de ce qu’en prévoyant des durées différentes selon les lots des
marchés mis en concurrence le département de Meurthe-et-Moselle aurait méconnu le principe d’égalité entre
les candidats, ne pouvait être accueilli ». Cf. CE 10 mai 2006, Société Schiocchet, req. n°288435.

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Dans le cas d’un marché unique, une seule entreprise est chargée de réaliser toutes les
prestations que le marché requiert. Cette entreprise peut cependant sous-traiter
partiellement55 son marché à une autre entreprise. Si cette dernière est agréée par
l’autorité contractante, elle aura droit au paiement direct de ses prestations par ladite
autorité56.

B. Le droit de l’entrepreneur d’accéder à la commande publique

L’exercice de ce droit implique pour la personne physique ou morale le droit de


présenter sa candidature. Pour ce faire, le candidat ne doit pas être frappé par les critères
d’exclusion énumérés à l’article 39 du Code des marchés publics. Ainsi, ne sont pas admises
à participer aux procédures de passation de marchés, les personnes physiques ou morales :
a) Qui sont en état de faillite personnelle, de cessation d’activités, ou qui sont
soumises à une procédure collective d’apurement du passif tel que le redressement
judiciaire, la liquidation des biens ou toute autre procédure assimilée ;
b) Qui ont été reconnues coupables d’infraction à la réglementation des marchés
publics ou qui ont été exclues des procédures de passation des marchés par une
décision de justice devenue définitive en matière pénale, fiscale, ou sociale ou par
une décision de l’organe de régulation des marchés publics ;
c) Qui ont été déclarées inéligibles, sanctionnées en application des directives des
partenaires techniques et financiers ;
d) Qui ont été reconnues coupables par une décision de justice devenue définitive en
matière pénale, de participation à une organisation criminelle, de terrorisme, ou
d’une infraction liée aux activités terroristes, de blanchiment de capitaux ou de
financement du terrorisme, ou d’infraction à la réglementation relative au travail
des enfants et autres formes de traite des êtres humains ;
e) Qui sont sous sanction de résiliation pour faute ;
Pour ce qui concerne les personnes morales, l’exclusion reste valable pour toute
nouvelle personne morale candidate, affichant certes une raison sociale différente,
mais ayant les mêmes dirigeants sociaux ou les mêmes actionnaires majoritaires
que ceux de la personne morale précédemment sanctionnée ;
f) Qui ne peuvent justifier de s’être acquittées du paiement de la redevance de
régulation pour l’ensemble des marchés qui leur ont été attribués.

C. La décision d’attribution du marché

55
« L’ensemble des parts à sous-traiter ne peut en aucun cas dépasser 40% du montant des travaux, fournitures
ou services, objet du marché y compris ses avenants éventuels… » (Article 43.3).
56
« Lorsque le montant du contrat de sous-traitance est supérieur ou égal à 10% du montant du marché, le sous-
traitant, qui a été accepté et dont les conditions de paiement ont été agréées par l’autorité contractante, doit
être payé directement pour la partie du marché dont il assure l’exécution » (Article 137.1 point 1).

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Le pouvoir adjudicateur choisit l’entreprise qu’il retient entre les offres des candidats
qui sont présentées sous la forme d’un document unique. Les pièces constitutives du
document du candidat comprennent, au minimum, l’acte d’engagement, les cahiers des
charges et la soumission du candidat (Article 24.1). L’acte d’engagement contient les
principales données administratives et financières de l’offre du candidat.

Au vu de ces éléments, le pouvoir adjudicateur ou la commission d’appel d’offres rejette


les offres regardées comme anormalement basses ou anormalement élevées.
Une offre est réputée anormalement basse ou anormalement élevée si son prix ne
correspond pas à une réalité économique compte tenu des prix du marché57.
La décision d’attribution prise par la commission d’appel d’offres est provisoire quelle
que soit la dotation budgétaire qui supporte le marché. Cette décision d’attribution devient
définitive à l’approbation du marché. En dessous du seuil de validation, la décision
d’attribution prise par la commission d’appel d’offres ne fait pas l’objet de contrôle a priori
par la structure administrative chargée du contrôle des marchés publics (Article 75.3).
L’article 18.2 définit les différentes autorités approbatrices des marchés. Ainsi :
- Le Ministre chargé des Marchés publics est compétent pour approuver tous les
marchés de l’État ou des établissements publics d’un montant supérieur ou égal au
seuil de validation de la structure administrative chargée du contrôle des marchés
publics ;
- Le ministre de tutelle de l’unité de gestion administrative est compétent pour
approuver les marchés des services centraux ou des établissements publics d’un
montant inférieur au seuil précité ;
- Le préfet du département est compétent pour approuver les marchés des services
extérieurs des administrations centrales, ainsi que ceux des établissements publics
nationaux et des projets situés en région ;
- Le Conseil d’administration est compétent pour approuver les marchés des sociétés
d’État et des personnes morales mentionnées à l’article 2 du présent Code58 ;
- L’approbation des marchés passés par les Institutions, structures ou organes de
l’Etat créés par la Constitution, la loi ou le règlement, notamment la Présidence de la
République, l’Assemblée nationale, le Conseil économique, social, environnemental
et culturel ainsi que toute autre institution, structure ou organe similaire mentionnés
à l’article 2 du Code des marchés publics, relève des autorités légalement
compétentes pour représenter lesdits institutions, structures ou organes.

57
L’offre anormalement basse ou anormalement élevée est déterminée à partir d’une formule de calcul
inscrite dans le dossier d’appel d’offres. Si une offre s’avère anormalement basse, le pouvoir adjudicateur ou
la commission d’appel d’offres ne peut la rejeter par décision motivée qu’après avoir demandé par écrit les
précisions qu’elle juge opportunes et vérifié les justifications fournies dans un délai de trois jours ouvrables à
compter de la réception de la demande (Article 74).
58
Ce sont les personnes de droit privé bénéficiant du concours financier ou de la garantie de l’État, d’une
personne morale de droit public, d’une société d’État ou d’une société à participation financière publique
majoritaire.

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L’autorité contractante observe un délai de sept jours ouvrables après la publication ou


la notification des résultats de l’appel d’offres prévues au point 76.1, avant de procéder à
la signature du marché et de le soumettre à l’approbation des autorités compétentes
(Article 76.3).
L’entrée en vigueur du marché est subordonnée à la réalisation de l’ensemble des
conditions suivantes : a) l’approbation du marché par les autorités compétentes ; b) la
notification de l’approbation du marché au titulaire ; c) l’accès effectif et, le cas échéant, la
mise à la disposition du site d'exécution du marché par l’unité de gestion administrative, le
maître d’ouvrage délégué ou le maître d’œuvre s’il existe (Article 89.1).

L’entrée en vigueur du marché marque le début des obligations juridiques d’exécution.


Le début des délais de réalisation du marché est fixé par l’ordre de service de démarrage.
La délivrance de l’ordre de service de démarrage est subordonnée à la production par le
titulaire du marché de la garantie de bonne exécution. Dans les quinze jours suivant l’entrée
en vigueur du marché, un avis d’attribution définitive est publié, à l’initiative de l’unité de
gestion administrative, le maître d’ouvrage délégué ou le maître d’œuvre s’il existe, dans
le Bulletin officiel des Marchés publics, sur le portail des marchés publics, et le cas échéant,
dans tout autre support à caractère national et sous-régional (Article 89.2).

SECTION 2 : L’exécution des marchés publics

Cette phase est celle au cours de laquelle chaque partie au contrat accomplit la
prestation due au cocontractant en vertu des clauses du contrat de marché public. Cette
exécution obéit aux règles générales des contrats administratifs (§ 1) et à des règles
spécifiques aux marchés publics (§ 2). Dans le cas particulier des marchés de travaux,
l’exécution débouche sur la réalisation de travaux qui doivent être livrés à l’autorité
contractante (§ 3).

Paragraphe 1 : L’application des règles générales des contrats administratifs

Il importe de relever qu’un marché public n’est pas nécessairement un contrat


administratif. En dehors des marchés publics qui sont des contrats administratifs par
qualification légale, les autres marchés ne seront considérés comme administratifs que s’ils
respectent les critères jurisprudentiels déterminant le contrat administratif. Sont
considérés comme administratifs par qualification légale, les marchés de travaux (loi du 28
Pluviôse an VIII, article 4), les marchés de fournitures de l’État (décret du 11 juin 1906) 59.
Les marchés publics inclus dans la catégorie des contrats administratifs obéissent à
l’ensemble des principes jurisprudentiels qui régissent les contrats administratifs. Ce sont

59
DÉGNI-SÉGUI René, Droit administratif général, Tome 2 : L’action administrative, 5è édition, Abidjan,
NEI/CEDA, 2012, pp.370-372 ; LATH Yédoh Sébastien, Droit administratif général : Organisation structurelle et
fonctionnelle de l’Administration. Contrôle juridictionnel de l’Administration, 5è édition, Abidjan, ABC, 2022,
pp.263-264 ; TIEBLEY Yves Didier, Droit administratif général, 4è édition, Abidjan, ABC, 2017, pp.124-132.

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notamment les prérogatives de l’Administration contractante, les garanties reconnues au


cocontractant de l’Administration. Ces règles ayant été traitées durant la deuxième année
de droit ne devraient pas faire l’objet de développements particuliers dans le présent
cours.

Paragraphe 2 : L’application des règles spécifiques aux marchés publics

Certaines règles sont particulières aux marchés publics. Ces règles spécifiques sont
décelables dans l’ordre de service (A) et le régime financier du marché (B).

A. L’ordre de service

L’ordre de service manifeste le pouvoir de direction de l’autorité contractante. Il est


normalement écrit et doit être numéroté et daté. Émanant de l’autorité contractante ou du
maître d’œuvre pour le compte de l’autorité contractante, il est notifié au titulaire du
marché qui doit l’exécuter, qu’il ait ou non formulé des réserves. Cette obligation résulte
de l’article 90 § 4 en vertu duquel « les ordres de service sont immédiatement exécutoires ».

En France, le refus d’obéissance constitue une faute contractuelle engageant la


responsabilité du titulaire du marché60. En droit français, le refus d’obéissance à un ordre
de service fonde l’autorité contractante à confier valablement à une autre entreprise la
réalisation des travaux fautivement refusés et imputer le coût de ces travaux sur la somme
due au titulaire initial du marché61.

Les notifications, décisions, instructions, et mises en demeure afférentes à l’exécution


du marché font l’objet d’ordres de service émis par l’unité de gestion administrative, le
maître d’ouvrage délégué ou le maître d’œuvre s’il existe, dans un délai de trois jours à
compter de la date de réalisation des conditions d’entrée en vigueur du marché public.
Les ordres de service sont écrits. Ils sont signés, datés et numérotés par l’unité de
gestion administrative, le maître d’ouvrage délégué ou le maître d’œuvre s’il existe. Le
titulaire en accuse réception datée. Un ordre de service ne peut modifier l’objet du marché.
Les ordres de service sont immédiatement exécutoires. Toutefois, le titulaire ne peut
être astreint à exécuter que des ordres conformes aux clauses du marché. Lorsque le
titulaire estime que les prescriptions d’un ordre de service appellent des réserves de sa
part, il doit, sous peine de forclusion, les notifier à l’unité de gestion administrative, au
maître d’ouvrage délégué ou au maître d’œuvre, s’il existe, dans un délai de quinze jours.
Les ordres de service relatifs à des prestations sous-traitées, sont adressés au titulaire
qui a seul qualité pour présenter des réserves. En cas de groupement, les ordres de service
sont adressés au mandataire, qui également a seul qualité pour présenter des réserves.

60
CE Sect. 25 juin 1971, Établissements Marius Séries, req. n°70874 et 70875 ; Rec. 482.
61
CE 17 février 1978, Compagnie française d’entreprise, req. n°99193 ; Rec. 88.

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B. Le régime financier du marché

Sur le fondement de l’article 128 du Code des marchés publics, les marchés donnent lieu
à des versements qui consistent soit en des avances et acomptes (1) ou encore en un
règlement pour solde (2) dans les conditions fixées par ledit Code.

1. Avances et acomptes

a. Les avances

Le Code des marchés publics, en ses articles 129 et 130, prévoit deux types d’avance. Ce
sont, d’une part, l’avance forfaitaire de démarrage et, d’autre part, l’avance facultative de
démarrage.
L’avance forfaitaire de démarrage est une avance forfaitaire qui peut être accordée au
titulaire par l’autorité contractante. Le montant de cette avance ne peut dépasser 15 % du
montant initial du marché. Toutefois, le titulaire du marché a la faculté de renoncer à
l’avance forfaitaire au moment de la mise au point du marché (Article 129).
L’avance facultative de démarrage est une avance facultative qui peut être accordée au
titulaire, en raison d’opérations préparatoires à l’exécution du marché, nécessitant
l’engagement de dépenses préalables à l’exécution de son objet. Cette avance ne peut
excéder 15 % du montant du marché (Article 130).
Le montant cumulé des avances forfaitaire et facultative de démarrage relatif à un
marché, ne peut dépasser 30% du montant de ce marché et de ses avenants éventuels
(Article 131).

Le principe et le montant des avances forfaitaire ou facultative de démarrage sont fixés,


pour chaque marché, par le cahier des clauses administratives particulières (CCAP). Les
avances forfaitaire et facultative doivent être intégralement garanties. Le paiement de ces
avances est subordonné à la présentation d’une garantie par le titulaire du marché. Il doit
intervenir dans un délai maximum de quarante-cinq jours, à compter de la réception de la
garantie précitée (Article 132).

Remboursement des avances. Les avances forfaitaire et facultative sont remboursées


par déduction sur les sommes dues au titulaire, selon les modalités déterminées par le
marché. En cas de résiliation du marché, l’autorité contractante est en droit d’exiger, dans
un délai de vingt jours, le règlement de la partie des avances restant à rembourser. En cas
de réduction de la masse des travaux, fournitures ou services, l’autorité contractante, le
maître d’ouvrage délégué ou le maître d’œuvre s’il existe, notifie au titulaire en même
temps que la décision de réduction, l’ajustement des modalités de remboursement des
avances (Article 133).

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b. Acomptes

Les travaux, fournitures ou services qui ont reçu un commencement d’exécution du


marché, ouvrent droit au paiement d’acomptes, même lorsqu’ils ne sont accompagnés
d’aucun transfert de propriété au profit de l’autorité contractante. Le cahier des clauses
administratives particulières établit le niveau d’exécution minimum qui ouvre droit au
paiement d’acompte (Article 134).
Le montant des acomptes ne doit pas excéder la valeur des prestations auxquelles ils se
rapportent, une fois déduites, le cas échéant, les sommes nécessaires au remboursement
des avances. Dans le cas d’acomptes versés en fonction de phases préétablies d’exécution,
le marché peut fixer forfaitairement le montant de chaque acompte sous forme de
pourcentage du montant initial du marché. Le cahier des clauses administratives
particulières fixe pour chaque marché les termes périodiques ou les phases techniques
d’exécution en fonction desquelles les acomptes doivent être versés (Article 135).

2. Règlement pour solde

Le règlement pour solde a pour objet le versement au titulaire des sommes dues au titre
de l’exécution des travaux, fournitures ou services, objet du marché, après déduction des
versements effectués au titre des avances et des acomptes de toute nature non encore
récupérés par l’autorité contractante et de toutes sommes dont le titulaire serait, le cas
échéant, redevable au titre du marché. Le marché peut prévoir des réceptions définitives
partielles, donnant lieu, chacune pour ce qui la concerne, à un règlement pour solde.
Le marché précise le délai de paiement des sommes dues par l’autorité contractante.
Pour tout paiement au titulaire autre que le paiement de l’avance forfaitaire et de l’avance
facultative de démarrage, le délai de paiement court soit à partir du dernier jour de
constatation de l’exécution des travaux, des services ou de la livraison des fournitures
faisant l’objet du paiement en cause soit du jour fixé par les stipulations particulières du
marché. En tout état de cause, ce délai de paiement ne peut excéder quatre-vingt-dix jours
(Article 140).

Paragraphe 3 : La réception des travaux

La réception des travaux par l’autorité contractante s’effectue suivant différents types
de procédés (A). Il importe de souligner le cas particulier des marchés de travaux publics
qui, eux, obéissent à des garanties spécifiques (B).

A. Les types de réception

1. Réception partielle des prestations (Article 94.1)

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L’autorité contractante peut utiliser des parties d’ouvrages ou fournitures faisant partie
du marché au fur et à mesure de leur achèvement ou de leur livraison. Toute prise de
possession de parties d’ouvrages ou fournitures par l’unité de gestion administrative, le
maître d’ouvrage délégué ou le maître d’œuvre s’il existe, doit être précédée d’une
réception provisoire partielle. Toutefois, s’il y a urgence, la prise de possession peut
intervenir antérieurement à la réception, sous réserve de l’établissement par l’unité de
gestion administrative, le maître d’ouvrage délégué ou le maître d’œuvre s’il existe, d’un
inventaire des travaux ou fournitures en suspens, préalablement approuvé par les parties
au contrat.
Dès que l’unité de gestion administrative, le maître d’ouvrage délégué ou le maître
d’œuvre s’il existe, a pris possession d’une partie d’ouvrage ou de fournitures, le titulaire
n’est plus tenu de réparer les dommages autres que ceux résultant de vices de construction
ou de malfaçons. À la demande du titulaire, et si la nature des travaux ou des fournitures le
permet, l’unité de gestion administrative, le maître d’ouvrage délégué ou le maître d’œuvre
s’il existe, peut effectuer une réception provisoire partielle pour autant que les parties
d’ouvrages terminés ou fournitures livrées se prêtent à l’usage spécifié dans le marché.

2. Réception provisoire des prestations (Article 94.2)

La réception provisoire a pour but le contrôle et la conformité des prestations avec


l’ensemble des obligations du marché et, en particulier, avec les cahiers des clauses
techniques. Si le cahier des clauses administratives particulières le prévoit, la réception
peut être prononcée par tranche de prestations étant précisé que, dans ce cas, c’est la
réception de la dernière tranche qui tiendra lieu de réception provisoire de prestations.
Le prestataire avise à la fois l’unité de gestion administrative (Cellule de passation des
marchés), le maître d’ouvrage délégué ou le maître d’œuvre s’il existe, par écrit, de la date
à laquelle il estime que les prestations ont été achevées ou le seront.
La réception provisoire entraîne le transfert de la propriété et des risques au profit du
maître d’ouvrage et constitue le point de départ de l’obligation de garantie contractuelle
selon les dispositions du cahier des clauses administratives générales.

3. Réception définitive des prestations (Article 94.3)

La réception définitive est prononcée au terme du délai de garantie. Pendant cette


période, l’entrepreneur est tenu à l’obligation de garantie contractuelle.
La livraison des fournitures et la prestation des services connexes sont effectuées
conformément au calendrier de livraison et d’achèvement figurant dans le bordereau des
quantités et les calendriers de livraison. Le cahier des clauses administratives particulières
fixe les détails relatifs à l’expédition et indique les autres pièces et documents à fournir par
le titulaire.

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B. Les garanties légales dans les marchés publics : cas des marchés de travaux

Une garantie, dans le cas des marchés de travaux publics, s’appréhende comme
l’obligation incombant au constructeur d’un bien de le remplacer en cas de vice de
fabrication. L’analyse du Code civil ainsi que du Cahier des clauses administratives
générales (CCAG) permet d’en déceler trois. Ce sont, d’abord, la garantie de parfait
achèvement (1), ensuite, la garantie de bon fonctionnement (2) et, enfin, la garantie
décennale du constructeur de l’ouvrage public (3).

1. La garantie de parfait achèvement

En général. La garantie de parfait achèvement est une garantie prévue par le Code Civil
qui implique l’obligation pour le prestataire de terminer les travaux, conformément à
l’objet du contrat signé pour un marché public. Cette garantie engage la responsabilité
contractuelle du titulaire dès lors que l’exécution des travaux a été achevée et met alors,
en principe, un terme au contrat. Il est prévu, en effet, en l’article 1792-6 du Code Civil que
la garantie de parfait achèvement s’applique envers l’entrepreneur sur une année à partir
du moment de la réception des travaux. Elle continue de prendre effet pour la réparation
de la totalité des désordres évoqués par le maître d’ouvrage au moyen de réserves
mentionnées au procès-verbal de réception ou par voie de notification écrite. En d’autres
termes, la garantie inclut les désordres apparents, les causes des réserves, ceux qui
surviennent en cours d’exécution du marché, ainsi que tous travaux exigés pour l’isolation
phonique des immobiliers visés pour servir d’habitation.
Cas particulier des marchés publics. Cette forme de garantie est prévue par l’article 42.1
du Cahier des clauses administratives générales (CCAG). Le délai de garantie est, sauf
stipulation contraire du marché, égal à la durée comprise entre la réception provisoire et la
réception définitive. Pendant le délai de garantie, indépendamment des obligations qui
peuvent résulter pour lui de l’application de l’Article 42 du CCAG, l’entrepreneur est tenu à
une obligation dite « obligation de parfait achèvement » au titre de laquelle il doit, à ses
frais :
a) Exécuter les travaux ou prestations éventuels de finition ou de reprise prévus aux
paragraphes 4 et 5 de la Section VII, article 41 du CCAG ;
b) Remédier à tous les désordres signalés par le maître d’ouvrage ou le maître
d’œuvre, de telle sorte que l’ouvrage soit conforme à l’état où il était lors de la
réception ou après correction des imperfections constatées lors de celle-ci ;
c) Procéder, le cas échéant, aux travaux confortatifs ou modificatifs jugés nécessaires
par le maître d’œuvre et présentés par lui au cours de la période de garantie ; et
d) Remettre au maître d’œuvre les plans des ouvrages conformes à l’exécution dans
les conditions précisées à la Section VII, article 40 du CCAG62.

62
L’article 40 du CCAG, entre autres, dispose : « 40.1. Sous réserve de disposition contraire figurant au CCAP, la
réception sera prononcée un (1) an après la date du procès-verbal de réception provisoire. Au sein de cette

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2. La garantie de bon fonctionnement

Cette garantie, en général, résulte de l’article 1792 du Code civil en vertu duquel, « tout
constructeur d’un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l’acquéreur de
l’ouvrage, des dommages, même résultant d’un vice du sol, qui compromettent la solidité de
l’ouvrage ou qui, l’affectant dans l’un de ses éléments constitutifs ou l’un de ses éléments
d’équipement, le rendent impropre à sa destination. Une telle responsabilité n’a point lieu si
le constructeur prouve que les dommages proviennent d’une cause étrangère ».
L’article 1792-3 du Code civil prévoit que certains éléments d’équipement du bâtiment
font l’objet d’une garantie de bon fonctionnement d’une durée minimale de deux ans à
compter de la réception de l’ouvrage. La garantie de bon fonctionnement s’applique aux
“éléments d’équipement dissociables du gros œuvre” qui peuvent être démontés, enlevés
ou remplacés sans affecter la solidité de l’ouvrage et sans détérioration ni enlèvement de
matière.
La garantie de bon fonctionnement est, comme la garantie décennale, une garantie
légale qui est mise en jeu même sans faute ou sans manquement aux obligations pesant sur
le constructeur ou l’architecte. Il suffit que le désordre soit imputable à l’un ou l’autre.

3. La garantie décennale des constructeurs

L’article 43.1 de la Section VII des CCAG, en référence à l’article 1792-4 du Code civil,
impose à l’entrepreneur une garantie décennale pour les travaux réalisés pour le compte
de l’autorité contractante. Ainsi, l’entrepreneur est responsable de plein droit pendant dix
(10) ans envers le Maître d’ouvrage, à compter de la réception provisoire, des dommages
même résultant d’un vice du sol qui compromettent la solidité de l’ouvrage ou qui
l’affectent dans l’un de ses éléments constitutifs ou l’un de ses éléments d’équipement le
rendant impropre à sa destination. Pour s’exonérer de sa responsabilité, l’entrepreneur
doit prouver que les dommages proviennent d’une cause qui lui est étrangère.

période, l’entrepreneur est tenu à l’obligation de garantie contractuelle plus amplement décrite à l’article 44 du
CCAG. En outre, au plus tard dix (10) mois après la réception provisoire, le maître d’œuvre adressera à
l’entrepreneur les listes détaillées de malfaçons relevées, à l’exception de celles résultant de l’usure normale,
d’un abus d’usage ou de dommages causés par des tiers. L’entrepreneur disposera d’un délai de deux (2) mois
pour y apporter remède dans les conditions du marché. Il retournera au maître d’œuvre les listes de malfaçons
complétées par le détail des travaux effectués. L’Autorité contractante délivrera alors, après avoir vérifié que les
travaux ont été correctement vérifiés et à l’issue de cette période de deux (2) mois, le procès-verbal de réception
définitive des travaux ».
En cas de défaillance de l’entrepreneur, l’article 40.2 prévoit ceci : « Si l’entrepreneur ne remédie par aux
malfaçons dans les délais, la réception définitive ne sera prononcée qu’après la réalisation parfaite des travaux
qui s’y rapportent. Dans le cas où ces travaux ne seraient toujours pas réalisés deux (2) mois après la fin de la
période de garantie contractuelle, le maître d’ouvrage prononcera néanmoins la réception définitive à l’issue de
cette période tout en faisant réaliser les travaux par toute entreprise de son choix aux frais et risques de
l’entrepreneur. Dans ce cas, le cautionnement définitif visé à l’Article 7.1.1 demeurera en vigueur jusqu’au
désintéressement complet du maître d’ouvrage par l’entrepreneur ».

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DEUXIÈME PARTIE :
LE CONTENTIEUX DES MARCHÉS PUBLICS

Le concept de contentieux dérive du mot latin contentiosus qui signifie litigieux.


Ainsi, le contentieux, stricto sensu, désigne l’ensemble des litiges susceptibles d’être
soumis aux tribunaux, soit globalement, soit dans un secteur déterminé. Ex. contentieux
administratif, contentieux commercial, contentieux de la sécurité sociale, contentieux des
accidents de la circulation, etc63.
Parfois, le contentieux, par extension, est synonyme de conflit, indépendamment du fait
qu’il ait été ou non porté devant le juge. On dira que le contentieux est virtuel ou latent eu
égard au fait que, avant tout procès, une situation juridique recèle une menace de conflit64.
Le contentieux lato sensu peut subvenir lorsque certains évènements rendent plus
difficile et plus onéreuse l’exécution du contrat mais ne dispensent pas le titulaire de ses
obligations. Ce sont la modification unilatérale ou l’ajournement du contrat par l’autorité
contractante, le fait du prince65, l’imprévision66, les sujétions imprévues dans les marchés
de travaux67. La survenance de ces faits nouveaux donne lieu au versement soit d’une
indemnité réparant la totalité du préjudice subi par le titulaire du marché 68 soit d’une
indemnité partielle69. Les litiges nés de l’inexécution des marchés publics (Chapitre 1) sont
soumis à certains modes de règlement de conflit (Chapitre 2).

CHAPITRE 1 : LA NON-EXÉCUTION DU CONTRAT DE MARCHÉ PUBLIC

Cette absence d’exécution du contrat de marché public résulte de diverses causes


(Section 1) qui produisent des effets juridiques (Section 2).

SECTION 1 : Les causes de la non-exécution du marché public

L’inexécution du marché public peut subvenir en l’absence de toute faute (§ 1) ou à la


suite de la faute d’une des parties au contrat (§ 2).

63
CORNU Gérard (dir.), Vocabulaire juridique, 9ème édition, Paris, Quadrige/Puf, 2011, p.252.
64
Ibidem.
65
Décision telle que l’institution d’une taxe prise par l’autorité contractante agissant en dehors du contrat.
66
Aléa économique ou administratif bouleversant l’économie du contrat. Cf. CE 24 mars 1916, Compagnie gaz
de Bordeaux.
67
DJÈ Bi DJÈ Christiane, Droit des marchés publics en Côte d’Ivoire, Abidjan, FUPA Éditions, 2013, p.181.
68
Cas de la modification unilatérale du contrat, du fait du prince (CE 28 avril 1948, Ville d’Ajaccio, RDP 1948,
p.603) ou de sujétions imprévues.
69
Cas de la théorie de l’imprévision. Mais, celle-ci est très rarement appliquée en raison de l’insertion de
clauses de révision des prix dans les marchés de longue durée.

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Paragraphe 1 : L’inexécution sans faute

L’inexécution sans faute entraîne soit la résiliation conventionnelle du marché public (A)
soit la résiliation de plein droit (B) ou encore la résiliation du marché public par l’autorité
contractante en se fondant sur un motif d’intérêt général (C).

A. La résiliation conventionnelle du marché public

L’autorité contractante et le titulaire peuvent s’entendre pour mettre fin au marché


pour diverses raisons (ex. la carence avouée du titulaire). La résiliation est alors librement
débattue et fait l’objet d’une convention écrite signée par les deux parties dans les mêmes
conditions que lors de la conclusion du marché public70. Cette convention fixe
éventuellement l’indemnité due par l’une des parties à celle qui a subi un préjudice du fait
de la fin anticipée du contrat.

B. La résiliation de plein droit

La résiliation de plein droit est prévue par le Code des marchés publics et le CCAG dans
les cas suivants :
- Le décès, la dissolution ou l’incapacité civile du titulaire sauf si l’autorité contractante
accepte la continuation du marché par les ayant-droits, le liquidateur ou le curateur ;
- L’incapacité physique manifeste et durable rendant impossible l’exécution du marché
par le titulaire (cas des contrats intuitu personæ) ;
- L’admission au bénéfice du règlement préventif ou le redressement judiciaire du
titulaire, sauf si ce dernier prévoit dans son offre concordataire des garanties
particulières d’exécution du marché, acceptées par l’autorité contractante et
homologués par le juge compétent, conformément aux articles 15 et 27 de l’Acte
uniforme de l’OHADA relatif aux procédures collectives d’apurement du passif ;
- La liquidation des biens du titulaire sauf en cas de cession globale d’actifs permettant
la poursuite de l’exécution du marché par un tiers agréé par l’autorité contractante ;
- Lorsque la formule de révision des prix entraîne une augmentation supérieure à 20%
du montant initial ;
- Le cas de force majeure.

C. La résiliation par l’autorité contractante pour motif d’intérêt général

Le pouvoir de résiliation pour motif d’intérêt général reconnu à l’Administration vaut


pour tous les types de contrats administratifs sous réserve d’indemniser le cocontractant.
Une telle possibilité de résiliation existe même en l’absence de clause le prévoyant. De plus,

70
DJÈ Bi DJÈ Christiane, Droit des marchés publics en Côte d’Ivoire, op. cit., p.182.

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la personne publique ne peut légalement renoncer à l’exercice de ce pouvoir71. Le contrat


de marché public peut organiser sa mise en œuvre, mais ne peut le remettre en cause.
Le fondement de ce pouvoir réside dans l’intérêt du service public et dans la nécessaire
protection des deniers publics. Il serait coûteux pour l’Administration et donc pour les
contribuables de continuer à payer en vue de l’obtention d’une prestation devenue inutile
au service public car ne répondant plus à un besoin d’intérêt général.
Les motifs d’intérêt général de nature à légitimer la résiliation sans faute résident
fondamentalement dans l’abandon du projet72 ou dans le changement dans l’organisation
et le fonctionnement d’un service public, en particulier suite à une modification de son
régime juridique73. Les motifs d’intérêt général peuvent aussi provenir du changement de
la composition du capital de la société contractante amenant la personne publique à
considérer que celle-ci ne présente plus les garanties au regard desquelles le marché lui
avait été attribué74. L’absence d’un véritable motif d’intérêt général provoque l’illégalité
de la résiliation.

Paragraphe 2 : L’inexécution par suite de la faute d’une des parties

Deux hypothèses sont à remarquer dans la présente rubrique : d’une part, la faute du
titulaire du marché (A) et, d’autre part, la faute de l’autorité contractante (B).

A. La faute du titulaire du marché

La résiliation due à la faute du titulaire du marché public peut être prononcée dans une
multitude de cas. Ce sont, notamment, un défaut de cautionnement définitif75, une sous-
traitance non autorisée ou une cession du marché public à un autre prestataire sans le
consentement préalable de l’autorité contractante, un retard important dans l’exécution
du marché public76.
À cela, on peut ajouter la carence du titulaire du marché, le refus de se conformer aux
ordres de service émis par l’autorité contractante, une fraude ou un dol imputable au
titulaire du marché, la rétention par le titulaire d’un fait qui, s’il avait été porté à la

71
CE 6 mai 1985, Association Eurolat Crédit Foncier de France, RFDA 1986, Concl. Genevois.
72
CE 8 décembre 1978, Bergeriaux, Rec. 500.
73
CE 22 avril 1988, Société France 5 c. Association des fournisseurs de la Cinq et autres, Rec. 157.
74
CE 31 juillet 1996, Société des téléphériques du massif du Mont-Blanc, Req. n°126594.
75
En vertu de la Section I, Article 45.1 et 45.2 CCAG, « Dans les quatorze (14) jours suivant la réception de la
notification par l’Autorité contractante de l’approbation du marché, le soumissionnaire retenu fournira un
cautionnement définitif, conformément au CCAG en utilisant le Formulaire de cautionnement définitif figurant
à la Section IX. Le défaut de fourniture par le soumissionnaire retenu, du cautionnement définitif susmentionné,
constituera un motif suffisant de résiliation du marché et de saisie du cautionnement provisoire ».
76
« Lorsque la prolongation des délais d’exécution notifiée à l’Entrepreneur par ordre de service aura dépassé
une durée fixée dans le CCAP, ce dernier aura la faculté, dans les quinze (15) jours qui suivent la notification de
l’ordre de service entraînant un dépassement de cette durée, de demander la résiliation du marché » (Section
VII, Article 18.2.4 CCAG).

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connaissance de l’autorité contractante, n’aurait pas permis l’attribution ou l’approbation


du contrat de marché public.

B. La faute de l’autorité contractante

La résiliation peut être demandée par le titulaire du marché public pour carence de
l’autorité contractante ou du maître d’ouvrage rendant impossible l’exécution du
marché77. Ce sera, par exemple, le cas de non fourniture des matières premières, du
matériel prévu au marché et conditionnant son exécution, retard prolongé ou abusif de
l’ordre de service de commencer les travaux, le défaut d’approbation du marché. On
pourrait, en outre, mentionner l’ajournement prolongé des travaux ou des livraisons de
fournitures, le bouleversement des conditions du marché…

SECTION 2 : Les effets de la non-exécution du marché public

Ces effets sont de deux ordres qui sont, d’une part, la résiliation du marché public (§ 1)
et, d’autre part, l’infliction de sanctions au titulaire défaillant (§ 2).

Paragraphe 1 : La résiliation du marché public

Cette résiliation ressortit à la compétence de certaines autorités administratives (A),


obéit à une procédure précise (B) et produit des effets juridiques (C).

A. Les détenteurs du pouvoir de résiliation78

En vertu du parallélisme des formes et des compétences, l’autorité détentrice du pouvoir


de résiliation est aussi celle qui a le pouvoir pour approuver le marché. On pourrait
mentionner :
- Le ministre en charge des marchés publics ou son délégué de pouvoir pour les
marchés des services centraux de l’État, d’un EPN ou d’un projet national d’un
montant égal ou supérieur à un seuil défini par décret pris en conseil des ministres ;
- Le ministre de tutelle pour les marchés d’un montant inférieur à un seuil défini par
décret pris en conseil des ministres ;

77
« La résiliation peut aussi être prononcée par la juridiction compétente, saisie à l’initiative du titulaire du
marché, pour défaut de paiement, à la suite d’une mise en demeure restée sans effet pendant trois mois » (Article
123 Code des marchés publics). Cette disposition est la transposition, en droit ivoirien, de la Directive
n°04/2005/CM/UEMOA du 09 décembre 2005 portant procédures de passation, d’exécution et de règlement
des marchés publics et des délégations de service public dans l’Union Économique et Monétaire Ouest Africaine.
Celle-ci, en son article 8, dispose : « Les marchés publics peuvent faire l’objet d’une résiliation dans les conditions
stipulées aux cahiers des charges, dans les conditions suivantes [...] à l’initiative du titulaire du marché, pour
défaut de paiement, à la suite d’une mise en demeure restée sans effet pendant trois mois ».
78
DJÈ Bi DJÈ Christiane, Droit des marchés publics en Côte d’Ivoire, op. cit., p.185.

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- Le préfet pour les marchés des services déconcentrés de l’État, d’un EPN ou d’un
projet régional ;
- Le conseil d’administration pour les sociétés d’État et autres personnes privées
tenues de passer un marché public ;
- L’organe délibérant ou l’exécutif collégial pour les marchés des collectivités
territoriales.

B. La procédure de résiliation79

L’initiateur de la procédure de résiliation, autorité contractante ou titulaire, doit


adresser une requête à la Direction des marchés publics (DMP). Cette dernière peut
également s’autosaisir en cas d’inaction des parties au contrat en vue de protéger les
intérêts de l’État.
La demande en résiliation doit être écrite et accompagnée des pièces justificatives. En
cas de faute ou d’un manquement du titulaire, la saisine de la DMP doit être précédée d’une
mise en demeure revenue infructueuse.
La DMP avise le titulaire par courrier avec accusé de réception et l’invite à arrêter les
prestations, objet du marché. Elle instruit le dossier dans un délai de dix (10) jours. Le
titulaire peut produire un mémoire de défense dans un délai de cinq (05) jours à compter
de la signification de la requête et il est entendu par la DMP qui, par ailleurs, peut visiter les
lieux d’exécution du marché.
Au terme de l’instruction, la DMP donne son avis (obligatoire, mais non conforme) à
l’autorité compétente pour prononcer la résiliation. La décision de résiliation revêt la forme
d’un arrêté ministériel ou préfectoral, d’une délibération ou d’une décision du directeur
des marchés publics, des directeurs généraux des sociétés d’État.

C. Les effets de la résiliation80

La résiliation met fin aux relations contractuelles à compter de la date de signature de


l’acte y relatif.

En cas de résiliation de plein droit, le titulaire n’a droit à aucune indemnité.

En cas d’ajournement n’ayant pas pour cause une faute ou un manquement du titulaire,
celui-ci a droit à une indemnité pour le préjudice subi dont le montant est fixé
contradictoirement (sans avenant) et ne peut excéder le montant des dépenses
occasionnées par cet ajournement (damnum emergens), mais doit tenir compte également
de la perte de bénéfice escompté (lucrum cessans).

79
Idem, pp.185-186.
80
Idem, pp.186-187.

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Il en est de même en cas de résiliation dans l’intérêt général ou de faute de l’autorité


contractante.

En revanche, la résiliation-sanction pour faute du fournisseur intervenue après une mise


en demeure infructueuse d’exécuter ses obligations contractuelles, ne donne lieu à aucune
indemnité pour le titulaire du marché public.

La résiliation ne fait pas obstacle au paiement des pénalités de retard courant jusqu’à la
date de la résiliation, ni à la saisie du cautionnement. La résiliation est précédée d’une
réception provisoire des prestations réalisées et pour les marchés de travaux,
l’entrepreneur est aussi tenu d’évacuer les chantiers.
Dans l’intérêt général, la résiliation peut être complétée par d’autres mesures
permettant de continuer l’exécution du contrat de marché public.

Paragraphe 2 : L’infliction de sanctions au titulaire défaillant

Elles sont diverses et peuvent, cependant, être rangées en deux grandes catégories, à
savoir les sanctions pécuniaires (A) et les sanctions coercitives (B).

A. Les sanctions pécuniaires

Elles consistent en des pénalités qui s’analysent en des sommes forfaitaires dues par le
titulaire du marché qui viole une de ses obligations contractuelles.
En droit français, lorsque les pénalités sont mises en œuvre à l’encontre de son
cocontractant par la personne publique, elle ne peut en plus, pour la même faute
contractuelle, réclamer au juge de le condamner au versement de dommages et intérêts81.
Autrement dit, la mise en œuvre de la sanction pécuniaire purge la faute contractuelle.
La grande majorité des pénalités prononcées sont des pénalités de retard sanctionnant
les retards dans l’exécution des prestations de marché. Pour pouvoir être appliquées, elles
doivent avoir été prévues par ce dernier. Sauf stipulations contractuelles contraires, les
pénalités ne peuvent être prononcées qu’après mise en demeure restée sans effet.
Cependant, le droit ivoirien, particulièrement l’article 19.2 du Cahier des clauses
administratives générales (CCAG), prévoit que les pénalités de retard sont encourues par
le titulaire défaillant du simple fait de la constatation du retard par le maître d’œuvre82.

81
CE 15 mai 1987, Hôpital rural de Breil-sur-Roya, RDP 1988, p.1427 ; CE 14 avril 1995, Société d’aménagement de
la région de Rouen, RDI 1995, p.744.
82
En vertu de la Section VII du CCAG, particulièrement l’article 19.2, « Les pénalités sont encourues du simple
fait de la constatation du retard par le Maître d’Œuvre et le Maître d’ouvrage peut, sans préjudice de toute
autre méthode de recouvrement, déduire le montant de ces pénalités de toutes les sommes dont il est redevable
à l’Entrepreneur. Le paiement de ces pénalités par l’Entrepreneur, qui représentent une évaluation forfaitaire
des dommages-intérêts dus au Maître d’ouvrage au titre du retard dans l’exécution des travaux, ne libère en rien
l’Entrepreneur de l’ensemble des autres obligations et responsabilités qu’il a souscrites au titre du marché ».

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Cette solution est aussi retenue par le droit français, particulièrement par l’article 20.1.1
des CCAG. Le Conseil d’État a fait sienne cette position dans un arrêt où il considère « que,
sauf stipulation contraire du cahier des clauses administratives particulières du marché, les
pénalités de retard sont dues de plein droit et sans mise en demeure préalable du
cocontractant, dès constatation par le maître d’œuvre du dépassement des délais
d’exécution »83.

B. Les sanctions coercitives

On pourrait mentionner deux sanctions coercitives telle que la mise en régie (1) et
l’exclusion des marchés publics (2).

1. La mise en régie84

Elle est une mesure en vertu de laquelle la personne publique contractante dessaisit le
titulaire du marché et, soit le remplace, soit confie l’exécution du marché à un autre
entrepreneur aux frais et aux risques du titulaire défaillant.
Contrairement à la résiliation, la mise en régie ne met pas fin au marché, elle en dessaisit
le titulaire jusqu’à ce qu’il puisse reprendre les travaux. Cette mesure a donc un caractère
provisoire. Mais, si le titulaire est dans l’impossibilité durable de reprendre les travaux, elle
débouchera sur la résiliation du contrat de marché public. La mise en régie est prononcée
en cas de faute grave, comme la cessation ou l’interruption injustifiée des travaux ou le
non-respect des ordres de service85.

2. L’exclusion des marchés publics

Cette exclusion est prononcée à titre temporaire ou définitif en cas d’inexactitudes


délibérées dans les attestations ou justifications contenues dans une offre86, de pratiques
frauduleuses87 et d’actes de corruption88.
L’exclusion des marchés publics n’est souvent qu’une peine parmi d’autres :
établissement d’une régie, résiliation du marché aux frais et risques du titulaire,
confiscation des cautions et même de sanctions pénales (cas de corruption). La décision
d’exclusion des marchés publics, à l’image de toute décision administrative, peut faire

83
CE 15 novembre 2012, Hôpital de l’Îsle-sur-la-Sorgue, Contrats-Marchés publics, 2013, n°2, note J.-P. Pietri.
84
La mise en régie est un concept approprié pour le contrat de marché public. En revanche, pour la
concession de service public, on emploiera le concept de mise sous séquestre.
85
LAJOYE Christophe, Droit des marchés publics, 6ème édition, Paris, Gualino, 2017, n°732, p.487.
86
Article 154 Code des marchés publics.
87
Article 155 Code des marchés publics.
88
Article 156 Code des marchés publics.

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l’objet d’un recours pour excès de pouvoir89 et donner lieu à l’octroi de dommages et
intérêts si elle est illégale ou injustifiée.
CHAPITRE 2 : LE RÈGLEMENT DES LITIGES RELATIFS AUX MARCHÉS PUBLICS

Le règlement de ce type de litiges est régi par le Titre IX du Code des marchés publics
(Articles 143 à 150). L’examen de ces différents articles permet de déceler une pluralité et
une diversité de procédures en ce sens. Les unes relèvent des organes étatiques tandis que
d’autres impliquent le recours à des organes extra-étatiques. De l’ensemble des voies de
recours prévues par le Code des marchés publics, on constate des recours non
juridictionnels, d’une part (Section 1) et des recours juridictionnels, d’autre part (Section 2).

SECTION 1 : Les recours non juridictionnels

Sur le fondement de l’article 143 du Code des marchés publics, les différends ou litiges
nés à l’occasion de la passation des marchés publics ne peuvent pas être portés
directement devant la juridiction compétente. La saisine de celle-ci est conditionnée par la
saisine préalable de certains organes administratifs. Au regard des articles 144 à 147 du
Code des marchés publics, sont concernés, d’une part, l’autorité à l’origine de la décision
(§ 1) et, d’autre part, l’Autorité Nationale de Régulation des Marchés Publics (§ 2).

Paragraphe 1 : Le recours porté devant l’autorité à l’origine de la décision contestée

Il obéit à une procédure spécifique prévue par le Code des marchés publics (A) qui
permet d’y déceler une innovation (B).

A. La procédure prévue

Cette procédure est organisée par l’article 144 du Code des marchés publics. Ainsi, il
apparaît que les candidats et soumissionnaires justifiant d’un intérêt légitime ou s’estimant
injustement lésés des procédures soumises aux dispositions du Code des marchés publics,
peuvent introduire un recours formel préalable à l’encontre des décisions rendues, des
actes pris ou des faits, leur causant préjudice, devant l’autorité qui est à l’origine de la
décision contestée.
Ce recours peut porter sur la décision d’attribuer ou de ne pas attribuer le marché, sur
les conditions de publication des avis, les règles relatives à la participation des candidats et
aux capacités et garanties exigées, le mode de passation et la procédure de sélection

89
« Que, si cette disposition, […], a pour effet de supprimer le recours qui avait été ouvert au propriétaire par
l’article 29 de la loi du 19 février 1942 devant le Conseil de préfecture pour lui permettre de contester, notamment,
la régularité de la concession, elle n’a pas exclu le recours pour excès de pouvoir devant le Conseil d’État contre
l’acte de concession, recours qui est ouvert même sans texte contre tout acte administratif, et qui a pour effet
d’assurer, conformément aux principes généraux du droit, le respect de la légalité ». Cf. CE Ass. 17 février 1950,
Ministère de l’agriculture c. Dame Lamotte, Req. n°86949.

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retenus, la conformité des documents d’appel d’offres, les spécifications techniques


retenues, les critères d’évaluation. Il doit invoquer une violation caractérisée de la
réglementation en matière de marchés publics.
Une copie de ce recours est adressée à la structure administrative chargée du contrôle
des marchés publics90 et à l’organe de régulation91 qui rappelle par courrier à l’autorité
contractante le caractère suspensif de la procédure engagée.
Le recours préalable peut être exercé par tout moyen approprié, y compris par moyen
de communication électronique. Il doit être exercé dans les sept jours (7) ouvrables de la
publication ou de la notification de la décision, ou de l’acte ou de la survenance du fait
contesté.

B. L’innovation constatée

Sur le fondement de l’article 144 du Code des marchés publics, le recours gracieux
exercé devant l’auteur de l’acte contesté a pour effet de suspendre la procédure
d’attribution. La suspension est levée par décision de l’organe de régulation. En l’absence
de décision rendue par l’autorité à l’origine de la décision contestée dans les cinq jours
ouvrables à compter de sa saisine, la requête est considérée comme rejetée. Dans ce cas,
le requérant peut saisir l’organe de régulation (en l’occurrence l’ANRMP).

On remarquera l’innovation par rapport à l’approche classique selon laquelle le recours


exercé devant une autorité administrative (RAP) ou une juridiction administrative (REP) ne
produit pas un effet suspensif sur l’application de la décision contestée. Pour obtenir la
suspension de l’application de la décision contestée, le plaideur doit introduire une requête
aux fins de sursis à exécution devant le Conseil d’État en vertu de l’article 67 de la loi n°2018-
978 du 27 décembre 2018 déterminant les attributions, la composition, l’organisation et le
fonctionnement du Conseil d’État.

Il est à remarquer que dans l’ancienne législation ivoirienne, le sursis à exécution se


présentait comme l’accessoire d’un recours principal, à savoir le recours pour excès de
pouvoir92. Cela transparaissait de l’article 76 de la loi n°94-440 du 16 août 1994 déterminant

90
En l’occurrence, selon le ressort territorial, l’une des neuf (9) Directions régionales de marchés publics
placée sous l’autorité de la Direction Générale des Marchés Publics, un organisme relevant du Ministère du
Budget et du Portefeuille de l’État.
91
Précisément l’Autorité Nationale de Régulation des Marchés Publics créée par l’Ordonnance n°2018-594 du
27 juin 2018 portant création, organisation et fonctionnement de l’Autorité nationale de Régulation des Marchés
publics.
92
Il en était de même dans l’ancienne législation française relative au sursis à exécution. En effet, le sursis à
exécution permettait au juge administratif de suspendre l’exécution d’un acte administratif en attendant
l’intervention du jugement au fond sur la régularité de cet acte. Bien qu’elle dût être présentée par une
requête distincte, l’action en sursis à exécution n’était donc pas un recours autonome, mais l’accessoire d’un
recours principal (généralement un recours pour excès de pouvoir) destiné à faire annuler l’acte administratif
irrégulier. Une demande de sursis à exécution présentée pour elle-même était irrecevable, comme elle l’était
en l’absence de décision susceptible d’être critiquée au contentieux. Cf. De VILLIERS Michel et De BERANGER
Thibaut (dir.), Droit public général : Institutions politiques, administratives et européennes. Droit administratif,
finances publiques et droit fiscal, 6ème édition, Paris, LexiNexis, 2015, n°795, p.682.

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la composition, l’organisation, les attributions et le fonctionnement de la Cour suprême et


abrogeant la loi n°78-663 du 5 août 1978 relative à la Cour suprême. Selon l’article 76 précité,
« Si une décision déférée à la Chambre administrative pour excès de pouvoir n’intéresse ni le
maintien de l’ordre, ni la sécurité ou la tranquillité publique, et si une requête expresse à fin
de sursis lui est présentée, la Chambre administrative peut, après réquisitions du ministère
public, à titre exceptionnel, prescrire qu’il soit sursis à l’exécution de cette décision ».
La Cour suprême ivoirienne a fait application des dispositions pertinentes de l’article 76
de la loi n°94-440 du 16 août 1994 sur la Cour suprême dans l’affaire Bahlou Kophy et Diolot
Loba c/ Université nationale de Côte d’Ivoire. Ainsi, la Cour considère que « la décision de
rétrogradation critiquée n’intéresse ni le maintien de l’ordre, ni la sécurité, ni la tranquillité
publique ; que dès lors, la demande de sursis formée expressément par Bahlou Kophy
Alexandre et Diolot Loba Nestor, après avoir saisi la Cour suprême d’un recours pour excès de
pouvoir, est recevable … Que la perte d’une ou plusieurs années universitaires du fait de leur
rétrogradation constitue pour les demandeurs une grave entrave à la poursuite de leurs
études ; qu’ainsi, aussi bien les moyens soulevés que le préjudice invoqué, sont de nature à
justifier la mesure sollicitée »93.
Désormais, l’examen des articles 67 à 69 de la loi du 27 décembre 2018 instituant le
Conseil d’État permet d’affirmer que la requête aux fins d’un sursis à exécution n’est plus
conditionnée à l’exercice préalable d’un recours pour excès de pouvoir. Elle est donc
devenue un recours autonome à l’égard du recours pour excès de pouvoir94.

Paragraphe 2 : Le recours porté devant l’Autorité Nationale de Régulation des Marchés


Publics (ANRMP)

La régulation des marchés publics en Côte d’Ivoire a été confiée à l’ANRMP au moyen
de l’Ordonnance n°2018-594 du 27 juin 2018. Cette ordonnance définit la structure (A) de
l’ANRMP ainsi que ses attributions (B).

A. Présentation succincte de l’ANRMP

L’ANRMP est une Autorité Administrative Indépendante dotée de la personnalité


morale et de l’autonomie financière. Elle est rattachée institutionnellement à la Présidence

93
CSCA 29 mars 1995, Bahlou Kophy et Diolot Loba c/ Université nationale de Côte d’Ivoire, Arrêt n°4, 95-685 EX-
AD.
94
En vertu de l’article 67 de la loi du 27 décembre 2018 sur le Conseil d’État, « Si une décision faisant grief à une
personne n’intéresse ni le maintien de l’ordre, ni la sécurité ou la tranquillité publique, elle peut faire l’objet d’une
requête aux fins de sursis à exécution devant le Conseil d’État, après l’exercice du recours administratif préalable
prévu à l’article 53 de la présente loi ». L’article 68 §§ 2 et 3 est ainsi libellé : « …La suspension ainsi prononcée
reste en vigueur jusqu’à ce qu’il ait été statué sur la requête en annulation pour excès de pouvoir de la décision.
Toutefois, le sursis à exécution et ses effets deviennent caducs si, quatre mois après son prononcé, le
bénéficiaire n’a pas déposé une requête aux fins d’annulation de la décision suspendue » (Souligné par nous).

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de la République95. L’ANRMP comprend une pluralité d’organes que sont : le Conseil de


Régulation ; le Président ; le Secrétariat Général ; les Structures spécialisées96.
Le Conseil de régulation constitue l’organe plénier de l’ANRMP97. Il dispose des pouvoirs
les plus étendus pour administrer l’ANRMP, orienter sa politique générale et évaluer sa
gestion dans le cadre de ses attributions.
Élu parmi les membres du Conseil de Régulation, le Président est l’ordonnateur du
budget, il est chargé de l’Administration et de la mise en œuvre de la politique générale de
I'ANRMP sous le contrôle du Conseil de Régulation à qui il rend compte (Article 18 de
l’Ordonnance du 27 juin 2018).
Le Secrétariat Général est composé d’un Secrétaire Général et de trois Secrétaires
Généraux adjoints. Ils sont nommés par décret, après appel à candidature. Le Secrétariat
Général assiste le Président dans la gestion technique, administrative et financière de
l’ANRMP. Le Secrétaire Général est l’administrateur de crédits de l’ANRMP dans les
conditions définies par le règlement intérieur. Il dirige, sous l’autorité du Président,
l’Administration de l’ANRMP constituée de directions et de services administratifs,
techniques et financiers. Le Secrétaire Général coordonne tous les travaux de secrétariat
du Conseil de l’ANRMP. Il a rang de Directeur Général d’Administration centrale (Article 19
de l’Ordonnance du 27 juin 2018).
Les structures spécialisées de l’ANRMP sont régies par les articles 4 et 26 à 34 de
l’Ordonnance du 27 juin 2018. Au regard de ces dispositions, il apparaît que l’ANRMP
comprend :
- La Cellule Définition des Politiques et Formation ;
- La Cellule Recours et Sanctions ;
- La Cellule Etudes et Audits Indépendants.
Les membres des Cellules proviennent exclusivement du Conseil de Régulation.
Enfin, un Comité spécialisé dénommé Comité de Règlement Administratif connaît des
litiges ou différends internes à l’Administration, nés à l’occasion de la passation, ou du
contrôle de la commande publique. Ce Comité est également chargé de proposer, sous
forme d'avis, des sanctions à l'encontre des acteurs publics de la commande publique,
reconnus coupables de violations de la réglementation des marchés publics et des
Partenariats Publics-Privé. Les décisions rendues en matière de litiges ou différends sont
exécutoires et contraignantes. Les décisions et avis du Comité de Règlement Administratif
sont réputés être ceux du Conseil qui en reçoit information98.

B. Attributions de l’ANRMP

95
Article premier de l’Ordonnance n°2018-594 du 27 juin 2018 portant création, organisation et fonctionnement
de l’Autorité nationale de Régulation des Marchés publics.
96
Article 4 de l’Ordonnance n°2018-594 du 27 juin 2018 portant création, organisation et fonctionnement de
l’Autorité nationale de Régulation des Marchés publics.
97
Article 5 de l’Ordonnance n°2018-594 du 27 juin 2018.
98
Article 35 de l’Ordonnance du 27 juin 2018.

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L’ordonnance créant l’ANRMP confère une multitude de compétences comprenant,


d’une part, des attributions consultatives (1) et, d’autre part, des attributions
décisionnelles (2).

1. Attributions consultatives

Ces attributions sont celles que l’ANRMP exerce lorsqu’elle ne statue pas en formation
« juridictionnelle » pour connaître d’un litige entre les parties au contrat. En outre, l’ANRMP
statue, le cas échéant sur dénonciation anonyme, sur le caractère frauduleux de certaines
procédures de passation de marché public. De l’ensemble des attributions non
contentieuses, on note que certaines revêtent la forme d’un avis consultatif au profit de
l’Administration ivoirienne (a) tandis que d’autres consistent en la réalisation d’une mission
de conciliation entre les parties au marché public (b).

a. Avis consultatif au profit de l’Administration ivoirienne

La mission de l’ANRMP de produire des avis consultatifs au profit de l’Administration


ivoirienne résulte de l’article 2 de l’Ordonnance n°2018-594 du 27 juin 2018 portant création,
organisation et fonctionnement de l’Autorité nationale de régulation des marchés publics. En
vertu de l’article 2 de l’Ordonnance précitée : « L’ANRMP a pour missions, en matière de
commande publique […] de formuler des avis au Ministre chargé des marchés publics pour la
définition et l’amélioration des politiques en vue des actions de réforme du système des
marchés publics ».
En outre, l’ANRMP est compétente pour donner son avis sur tout projet de texte
législatif ou réglementaire relatif à la commande publique, ainsi que sur toute question
tenant à la commande publique dont elle aura été saisie par une autorité publique (Article
3 de l’Ordonnance n°2018-594 du 27 juin 2018).
Enfin, l’ANRMP, au moyen de son Comité de Règlement Administratif propose au
Ministre en charge des marchés publics certaines sanctions à l’encontre des acteurs publics
de la commande publique qui viendraient à violer les normes requises en matière
d’attribution de marchés publics ou de conclusions de contrats de partenariats publics-
privés. Cette compétence découle de la lecture de l’article 35 § 2 de l’Ordonnance n°2018-
594 du 27 juin 2018 portant création, organisation et fonctionnement de l’Autorité nationale
de Régulation des Marchés publics99.

b. Conciliation entre les parties au marché public

99
En vertu de l’article 35 § 2 de l’Ordonnance n°2018-594 du 27 juin 2018 : « Ce Comité (de Règlement
Administratif) est également chargé de proposer, sous forme d’avis, des sanctions à l’encontre des acteurs
publics de la commande publique, reconnus coupables de violations de la réglementation des marchés publics et
des, Partenariats Publics-Privé […] Les décisions et avis du Comité de Règlement Administratif sont réputés être
ceux du Conseil (de Régulation) qui en reçoit information » (Souligné par nous).

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Ce pouvoir de conciliation résulte de la lecture combinée du Code des marchés publics


et de l’Ordonnance du 27 juin 2018.

Sur le fondement de l’Article 147 du Code des marchés publics, « Les différends nés entre
les acteurs, en matière d’exécution et de règlement de marchés ou d’interprétation des
clauses contractuelles, peuvent être portés devant l’organe de régulation aux fins de
conciliation. Ce recours est exercé dans un délai de dix jours ouvrables à compter de la
notification ou la publication de la décision ou de l’acte ou de la survenance du fait faisant
grief. La procédure de conciliation donne lieu à l’établissement d’un procès-verbal de
conciliation ou de non conciliation ».
Comme on le constate, ce pouvoir de conciliation concerne les rapports entre
l’Administration contractante et son cocontractant.

2. Attributions décisionnelles

Les attributions décisionnelles de l’ANRMP se perçoivent à travers trois cas : d’abord, le


litige entre Administration adjudicataire, et le candidat ou soumissionnaire de marché
public (a) ; ensuite, le litige interne à l’Administration ivoirienne (b) et, enfin, les
dénonciations de violation de la réglementation en matière de marchés publics (c).

a. Cas de litige entre Administration adjudicataire et candidat ou soumissionnaire


de marché public

Les candidats et soumissionnaires justifiant d’un intérêt légitime ou s’estimant


injustement lésés des procédures soumises aux dispositions du Code des marchés publics,
peuvent introduire un recours formel préalable à l’encontre des décisions rendues, des
actes pris ou des faits, leur causant préjudice, devant l’autorité qui est à l’origine de la
décision contestée (Article 144 Code des marchés publics).
Lorsque ce recours préalable s’avère infructueux, ils sont admis à exercer un autre
recours devant l’organe de régulation (en l’occurrence l’ANRMP) dans un délai de cinq jours
ouvrables à compter de la publication ou de la notification de la décision faisant grief
(Article 145.1 Code des marchés publics).
De manière précise, la Cellule Recours et Sanctions de l’ANRMP est l’entité compétente
pour connaître du recours effectif porté contre l’acte unilatéral de l’autorité à l’origine de
la décision contestée. En effet, en vertu de l’article 27 de l’Ordonnance du 27 juin 2018, cette
Cellule est chargée de « statuer sur les différends ou litiges nés entre une autorité
contractante et un acteur privé à l’occasion de la passation de la commande publique dans les
conditions prévues par le Code des marchés publics et le décret n°2018-358 du 29 mars 2018
déterminant les règles relatives aux contrats de Partenariats Public-Privé ».

b. Cas de litige interne à l’Administration ivoirienne

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L’ANRMP est compétente pour trancher les litiges entre différents organismes de
l’Administration ivoirienne ; litiges relatifs aux marchés publics. Cette attribution découle
de l’article 146 du Code des marchés publics. Selon cette disposition, « L’organe de
régulation est également compétent pour régler les différends ou litiges internes à
l’Administration, nés dans la phase de passation des marchés ».
Au sein de l’ANRMP, cette compétence incombe particulièrement au Comité de
Règlement Administratif en vertu de l’article 35 de l’Ordonnance n°2018-594 du 27 juin qui
dispose : « Un Comité spécialisé dénommé Comité de Règlement Administratif connaît des
litiges ou différends internes à l’Administration, nés à l’occasion de la passation, ou du
contrôle de la commande publique ».
En vertu de l’article 25 du décret n°2020-409 du 22 avril 2020 fixant les modalités de
saisine et les procédures d’instruction, de prise de décisions et d’avis des organes de
recours non juridictionnels de l’Autorité Nationale de Régulation des Marchés Publics, la
saisine du Comité de Règlement Administratif est précédée d’un recours préalable, soit
gracieux, soit hiérarchique. Le requérant est tenu de saisir l’autorité administrative à
l’origine de la décision contestée ou son supérieur hiérarchique dans un délai de trois jours
ouvrables à compter de la notification ou de la publication au Bulletin Officiel des Marchés
Publics, de la décision contestée ou de la survenance du fait contesté. Cette autorité
dispose d’un délai de cinq jours ouvrables pour répondre. Au terme de ce délai, son silence
vaut rejet du recours préalable.
En cas de rejet formel du recours préalable ou de silence gardé par l’autorité
administrative, le Comité de Règlement Administratif peut être saisi dans un délai de cinq
jours ouvrables à compter de la notification ou de la publication au Bulletin Officiel des
Marchés Publics, de la décision contestée ou de la survenance du fait contesté.

c. Cas de dénonciation de violation de la réglementation en matière de marchés


publics

La dénonciation d’un fait ou d’un acte invoquant une violation de la réglementation en


matière de marchés publics peut être portée devant l’organe de régulation (à savoir
l’ANRMP). Toutefois, ce recours n’a pas pour effet de suspendre la procédure d’attribution,
sauf si l’organe de régulation en décide autrement (Article 145.2 Code des marchés publics).
Sur le fondement des informations recueillies dans l’exercice de ses missions, ou de
toute information communiquée par toute personne, l’organe de régulation peut
s’autosaisir et statuer sur les irrégularités, fautes ou infractions constatées. Toutefois,
cette auto saisine n’a pas pour effet de suspendre la procédure, sauf si l’organe de
régulation en décide autrement (Article 145.3 Code des marchés publics).
L’organe de régulation rend sa décision sur la recevabilité du recours dans les dix jours
ouvrables de sa saisine. Elle rend sa décision sur le fond au plus tard quinze jours ouvrables
après le prononcé de la décision susvisée (Article 145.4 Code des marchés publics).

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Quel que soit le cas évoqué ci-dessus relativement aux compétences contentieuses de
l’ANRMP, ses décisions ne peuvent avoir pour effet que de corriger la violation alléguée ou
d’empêcher que d’autres dommages soient causés aux intérêts concernés, ou de
suspendre ou faire suspendre la décision litigieuse ou la procédure de passation (Article
145.4 alinéa 2 Code des marchés publics).

En sus des recours ouverts aux candidats, soumissionnaires, et attributaires, le Code


prévoit la possibilité pour ces personnes susmentionnées de saisir des organes
juridictionnels stricto sensu.

SECTION 2 : Les recours juridictionnels

Le recours juridictionnel, comme l’indique son appellation, est celui porté devant un
organe juridictionnel, c’est-à-dire un organe chargé de trancher un litige sur la base du
droit ; et dont la décision est revêtue de l’autorité (relative) de la chose jugée (res inter alios
judicata). Dans le contentieux des marchés publics, le Code éponyme donne compétences
à plusieurs organes juridictionnels pour connaître des litiges résultant de la passation,
l’exécution ou l’inexécution du contrat liant les différentes parties à un marché public. Il
transparaît de l’économie du Code des marchés publics, particulièrement de l’article 150,
que la possibilité de saisir le juge administratif pour connaître d’un litige en matière de
marchés publics (§ 1) n’exclut pas celle de recourir à un juridiction arbitrale (§ 2).

Paragraphe 1 : Les recours ouverts devant le juge administratif

Ces recours sont au nombre de deux, à savoir le recours pour excès de pouvoir (A) et le
recours de pleine juridiction (B).

A. Le recours pour excès de pouvoir

Ce recours juridictionnel est prévu par l’article 148 du Code des marchés publics. En vertu
de cette disposition, les décisions de l’organe de régulation (l’ANRMP) sont susceptibles
de recours en annulation pour excès de pouvoir.
Ce recours n’est pas suspensif sauf exercice d’une requête aux fins de sursis à exécution
devant la juridiction compétente (le Tribunal administratif ou le Conseil d’État). Le recours
est exercé directement devant la juridiction compétente, sans recours préalable, dans un
délai dix jours ouvrables à compter de la notification ou la publication de la décision de
l’organe de régulation. La juridiction compétente statue à bref délai.

B. Le recours de pleine juridiction

Seront successivement étudiés dans la présente rubrique, d’abord, la définition et la


classification de ce type de ce type de contentieux (1), ensuite, sa distinction d’avec le
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recours pour excès de pouvoir (2) et, enfin, son fondement juridique dans le cadre des
marchés publics (3).

1. Définition et classification

a. Définition
Un recours de pleine juridiction ou recours de plein contentieux résulte d’une demande
formulée devant une juridiction administrative, par lequel le requérant sollicite du juge
administratif le constat à son profit de l’existence d’un droit personnel.
On peut demander au juge d’utiliser, au service du rétablissement du droit, l’ensemble
de ses pouvoirs juridictionnels, et non plus son seul pouvoir d’annulation, notamment en
prononçant des condamnations pécuniaires : c’est le contentieux de pleine juridiction, ainsi
nommé parce qu’il met en œuvre la plénitude des pouvoirs du juge, tels que lui-même les a
délimités100. Le juge peut être ainsi saisi en vue de reconnaître un droit subjectif au
requérant, aucune décision (acte administratif unilatéral) n’étant alors contestée devant
lui (procès subjectif).

b. Classification

Les recours de pleine juridiction forment une catégorie assez disparate ; à côté des
recours en matière contractuelle et en matière de responsabilité, qui sont les plus
caractéristiques, on y englobe, en effet, les recours en matière d’élections à des organes
administratifs, car le juge, en ce domaine, a le pouvoir, non seulement d’annuler l’élection
qu’il juge irrégulière, mais encore de rétablir les vrais résultats et de proclamer l’élu, ce qui
entre dans la pleine juridiction. On y inclut aussi le contentieux des contributions directes,
pour des raisons analogues101.
En résumé, sont constitutifs du recours de plein juridiction, le contentieux de la
responsabilité, le contentieux contractuel, le contentieux fiscal (contributions directes), le
contentieux électoral, le contentieux des installations classées, etc.

Pour une plus grande clarté, il importe de procéder à la distinction entre ces deux types
de recours.

2. Fondement du recours de plein contentieux dans les marchés publics

En droit ivoirien, l’article 149 du Code des marchés publics range les litiges nés de
l’exécution ou du règlement des marchés publics dans la catégorie des contentieux de

100
WALINE Jean, Droit administratif, 27è édition, Paris, Dalloz, n°649.
101
Idem, n°651.

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pleine juridiction102. On remarquera que la disposition précitée met l’accent sur l’exécution
et le règlement des marchés publics. Dans chacune de ces deux hypothèses, le requérant
sollicite du juge du contrat qu’il statue sur l’(in)exécution ou la mauvaise exécution par le
cocontractant de son obligation contractuelle.
Il ne s’agit donc pas, en la matière, pour le cocontractant de l’Administration de solliciter
du juge administratif, à travers le recours pour excès de pouvoir, l’annulation de l’acte
administratif unilatéral dont il contesterait la légalité.
Il importe cependant de tempérer la portée de cette dernière déduction eu égard à la
théorie des actes détachables qui permet à tout requérant (cas des mesures antérieures à
la conclusion du contrat) ou au seul tiers intéressé (cas des mesures postérieures à la
conclusion du contrat)103 d’obtenir, via le recours pour excès de pouvoir, l’annulation de
l’acte administratif unilatéral sans pour autant que cette annulation emporte
automatiquement annulation du contrat104.
En droit français, le juge administratif admet qu’une personne, quoique tierce au marché
public, peut contester, sous certaines conditions, la validité dudit contrat :
« Considérant que, indépendamment des actions dont les parties au contrat disposent
devant le juge du contrat, tout concurrent évincé de la conclusion d’un contrat administratif
est recevable à former devant ce même juge un recours de pleine juridiction contestant la
validité de ce contrat ou de certaines clauses, qui sont divisibles, assorti, le cas échéant, de
demandes indemnitaires ; que ce recours doit être exercé, y compris si le contrat contesté est
relatif à des travaux publics, dans un délai de deux mois à compter de l’accomplissement des
mesures de publicité appropriées […] ; qu’à partir de la conclusion du contrat, et dès lors
qu’il dispose du recours ci-dessus défini, le concurrent évincé n’est, en revanche, plus
recevable à demander l’annulation pour excès de pouvoir des actes préalables qui en sont
détachables » (Souligné par nous)105.

3. Distinction entre recours pour excès de pouvoir et recours de plein contentieux

La distinction des contentieux d’annulation et de pleine juridiction ne prend son


importance pratique que limité à la distinction concrète entre le recours pour excès de
pouvoir et le recours de pleine juridiction au sens strict (recours en matière de contrats et
de responsabilité).

C’est le recours pour excès de pouvoir que l’administré doit utiliser lorsqu’il entend
demander au juge :

102
Selon l’article 149 du Code des marchés publics, « Les litiges relatifs à l’exécution ou au règlement des
marchés publics peuvent être soumis aux juridictions compétentes pour connaître du contentieux des contrats
administratifs ».
103
CE 4 août 1905, Martin, Rec. 749, concl. Romieu.
104
Sur la théorie des actes détachables en matière contractuelle, le lecteur pourra utilement se référer à un
ouvrage du Doyen René Dégni-Ségui. Cf. DÉGNI-SÉGUI René, Droit administratif général, Tome 2 : L’action
administrative, 5è édition, Abidjan, NEI/CEDA, 2012, pp.433-436.
105
CE Ass. 16 juillet 2007, Société Tropic Travaux Signalisation, GAJA, n°115, 2011, p.904 et ss.

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a) De confronter une décision de l’Administration avec les règles de droit auxquelles


elle est assujettie ;
b) De constater la non-conformité de la décision à ces règles ;
c) D’annuler la décision reconnue illégale ;

C'est le recours de pleine juridiction que l’administré doit utiliser lorsqu’il entend
demander au juge :
a) De reconnaître à son profit l’existence d’un droit ;
b) De constater qu’il a été porté irrégulièrement atteinte à ce droit ;
c) D’ordonner les mesures nécessaires au rétablissement de la situation sur la base de
ce droit ;

Il en résulte, touchant le régime des deux recours, des différences appréciables :


a) Le recours de pleine juridiction n’est ouvert qu’au titulaire du droit violé ;
Le recours pour excès de pouvoir, en revanche, est beaucoup plus large : tous ceux qui
ont intérêt à l’annulation de la décision illégale peuvent le former ;
b) Le recours de pleine juridiction tend à la condamnation d’une personne,
automatiquement défenderesse ; le recours pour excès de pouvoir ne tend pas à la
condamnation de quelqu’un mais à l’annulation de quelque chose ; il n’a donc pas, en
principe, de défendeur ; procès entre parties, dans le premier cas (procès subjectif) ;
procès fait à l’acte, dans le deuxième cas (procès objectif) ;
c) Le demandeur peut joindre, à un recours de pleine juridiction, des conclusions en
annulation : par exemple, s’il demande réparation du préjudice que lui a causé une
décision illégale, il peut en demander aussi l’annulation. Par contre, un recours pour
excès de pouvoir ne peut comporter que des conclusions en annulation.

En sus du juge administratif, le contentieux des marchés publics, exception faite du


contentieux de l’annulation de l’acte administratif unilatéral, peut être soumis au
juridiction arbitrale.

Paragraphe 2 : Le recours à l’arbitrage

Cette voie de recours est prévue par l’article 150 du Code des marchés publics. En vertu
de cette disposition : « Les litiges relatifs à l’exécution ou au règlement des marchés publics
peuvent également être soumis à un tribunal arbitral dans les conditions prévues par l’Acte
uniforme de l’OHADA relatif à l’arbitrage, ou à toute autre juridiction arbitrale choisie par les
parties ». Cette disposition laisse transparaître deux sortes d’arbitrage : d’une part,
l’arbitrage intervenant dans le cadre formel de l’OHADA (A) et, d’autre part, le recours à
d’autres formes d’arbitrage (B).

A. L’arbitrage formel de l’OHADA

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L’analyse du fondement juridique du recours à l’arbitrage OHADA en matière de


marchés publics (1) comporte des implications qu’il conviendrait de souligner (2).

1. Fondement juridique de l’arbitrage OHADA

Ce fondement, on le rappelle, réside dans l’article 150 du Code des marchés publics. On
note que cette disposition déroge à l’article 2060 du Code civil qui fait interdiction aux
personnes publiques de recourir à l’arbitrage. En effet, selon l’article 2060, « On ne peut
compromettre sur les questions d’état et de capacité des personnes, sur celles relatives au
divorce et à la séparation de corps ou sur les contestations intéressant les collectivités
publiques et les établissements publics et plus généralement dans toutes les matières qui
intéressent l’ordre public ».
Il importe de souligner que le Code des marchés publics, tout comme le Code civil, est
un texte juridique à valeur législative. En vertu du principe lex posterior priori derogat, il
apparait que l’article 150 du Code des marchés publics a valablement pu déroger à la
disposition précitée du Code civil.
Il faut reconnaître, en la matière, que l’état actuel du droit est bien loin de l’orthodoxie
qui prévalait initialement. En effet, durant les deux dernières décades du XIXe siècle, et
dans l’ordre interne français, il était interdit à l’État et, a fortiori, aux collectivités
territoriales infra-étatiques de recourir à l’arbitrage. Le juge administratif sanctionnait
d’ailleurs les compromis d’arbitrage conclus par l’État106.

2. Implications de l’arbitrage OHADA

Le recours à l’arbitrage marque la fin du monopole du juge administratif pour connaître


du contentieux des contrats administratifs. Désormais, le contentieux né de l’exécution ou
du règlement des marchés publics peut être soumis à l’arbitrage. L’admission de l’arbitrage
dans le contentieux administratif est très surprenant eu égard au trésor d’énergie déployé
par les révolutionnaires français pour soustraire le corps administratif de la compétence
des parlements (appellation des tribunaux de l’époque)107.

106
HAURIOU Maurice, Précis de droit administratif et de droit public général, 4e édition, Paris, Librairie
Larose, 1900, p.214 ; CHAPUS René, Droit administratif général, 15è édition, Paris, 2001, no 525, pp.382-383.
107
En témoigne l’adoption de deux textes juridiques, encore en vigueur. Il s’agit, tout d’abord, de la loi des 16
et 24 août 1790 sur l’organisation judiciaire dispose, dans son article 13 : « Les fonctions judiciaires sont
distinctes et demeureront toujours séparées des fonctions administratives. Les juges ne pourront, à peine de
forfaiture, troubler de quelque manière que ce soit les opérations des corps administratifs ni citer devant eux les
administrateurs pour raison de leurs fonctions ». Cette loi a été confirmée par un autre texte juridique : le
décret du 16 fructidor An III (2 septembre 1795). L’intitulé de ce décret est caractéristique : décret qui défend
aux tribunaux de connaître des actes d’administration et annule toute procédure et jugements intervenus à cet
égard. Le décret comporte un seul article : « Défenses itératives sont faites aux tribunaux de connaître des actes
d’administration, de quelque espèce qu’ils soient, avec peine de droit ». Cf. BRAIBANT Guy et STIRN Bernard, Le
droit administratif français, 6ème édition, Paris, Dalloz, 2002, pp.30-31 ; WALINE Jean, Le droit administratif, op.
cit. §§ 23 à 32, pp.57-61.

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La possibilité de soumettre l’administration à l’arbitrage traduit une remise en cause du


privilège dont elle jouit à l’égard des particuliers. Ainsi que le note le professeur Jacques
Chevallier, « historiquement, le droit administratif a été sans nul doute conçu comme un droit
de privilège : parce qu’elle disposait de prérogatives de puissance publique, l’administration
était censée ne pouvoir être traitée comme les simples particuliers, soumise au même droit
qu’eux ; et le principe suivant lequel « juger l’administration c’est encore administrer »
justifiait l’exclusion de la compétence judiciaire pour connaître des litiges administratifs.
L’existence du droit administratif ne faisait dès lors que traduire la supériorité de
l’administration sur les administrés et l’irréductibilité de sa position sociale »108.
Ce constat est visiblement en train de s’estomper sous les coups de boutoir du droit
communautaire. Le comble est que l’article 150 du Code des marchés publics qui prévoit le
recours à l’arbitrage ne précise pas le droit auquel aura recours l’arbitre saisi du litige
portant sur le règlement ou l’exécution du contrat administratif109. Au regard de l’article 15
de l’Acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage, le droit applicable au litige né du règlement
ou de l’exécution du contrat entre l’administration et son cocontractant est laissé à
l’appréciation des parties contractantes. À défaut de choix commun opéré par les parties,
l’arbitre applique les règles de droit qu’il estime les plus appropriées en se référant aux
usages du commerce international. Il peut également statuer en amiable compositeur
lorsque les parties lui ont conféré ce pouvoir110.
La référence aux usages du commerce international, à la fin du premier alinéa de l’article
15 précité, laisse songeur. En effet, qu’adviendrait-il si les parties au litige ne parvenant pas
à un accord sur le droit applicable, l’arbitre optait pour le droit commercial ? Ce choix de
l’arbitre s’imposerait-il à l’administration contractante alors que le litige est né à la suite du
règlement ou de l’exécution d’un contrat administratif ?
On remarquera le glissement notable opéré par suite du recours à l’arbitrage : du droit
administratif (du droit public) on passe au droit commercial (donc au droit privé). À la
double interrogation ci-dessus, la réponse nous est fournie par l’article 2 de l’Acte uniforme
relatif au droit de l’arbitrage. Sur le fondement de cet article 2, l’Administration
contractante ne saurait valablement invoquer son statut juridique ou son droit interne pour
se soustraire au choix opéré par l’arbitre111. Il en résulte la ruine de l’exorbitance reconnue
à l’Administration pour lui permettre de remplir ses missions d’intérêt général. Ce faisant,

108
CHEVALLIER Jacques, « Le droit administratif, droit de privilège ? », Pouvoirs, n°46, 1988, pp.57-58.
109
En vertu de l’article 150 du Code des marchés publics, « Les litiges relatifs à l’exécution ou au règlement des
marchés publics peuvent également être soumis à un tribunal arbitral dans les conditions prévues par l’Acte
uniforme de l’OHADA relatif à l’arbitrage, ou à toute autre juridiction arbitrale choisie par les parties ».
110
En vertu de l’article 15 de l’Acte Uniforme relatif au droit de l’arbitrage adopté à Conakry le 27 novembre
2017, « Le tribunal arbitral tranche le fond du différend conformément aux règles de droit choisies par les parties.
À défaut de choix par les parties, le tribunal arbitral applique les règles de droit qu’il estime les plus appropriées
en tenant compte, le cas échéant, des usages du commerce international.
Il peut également statuer en amiable compositeur lorsque les parties lui ont conféré ce pouvoir ».
111
Toute personne physique ou morale peut recourir à l’arbitrage sur les droits dont elle a la libre disposition.
Les États, les autres collectivités publiques territoriales, les établissements publics et toute autre personne
morale de droit public peuvent également être parties à un arbitrage, quelle que soit la nature juridique du
contrat, sans pouvoir invoquer leur propre droit pour contester l’arbitrabilité d’un différend, leur capacité à
compromettre ou la validité de la convention d’arbitrage (article 2).

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le droit communautaire participe de la déconstruction du droit administratif, du moins du


régime juridique du contrat administratif.

B. D’autres formes d’arbitrage

L’admission de l’hypothèse d’autres formes d’arbitrage (1) emporte-t-elle la possibilité


pour les parties à un marché public de recourir à l’arbitrage du CIRDI (2) ?
1. Hypothèse admise par le Code des marchés publics

L’admission de l’arbitrage autre que celui de l’OHADA découle d’une portion de l’article
150 précité du Code des marchés publics en vertu de laquelle les parties à un marché public
peuvent recourir « … à toute autre juridiction arbitrale choisie par les parties ».

2. Possibilité de recourir à l’arbitrage du CIRDI ?

À rédiger et étoffer.

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1. Recours précontentieux
a. La procédure
b. Les implications juridiques
2. Recours gracieux et recours hiérarchique
a. L’admission du recours gracieux
b. Le caractère problématique du recours hiérarchique

A. Contentieux des référés précontractuels


1. Champ d’application
2. Critères du recours
3. L’acte détachable
B. Contentieux des référés contractuels
1. Action et recours
2. Recours pour excès de pouvoir
3. Recours de plein contentieux

DÉFINITIONS

Le concordat, en général, est une transaction établie entre un débiteur et ses créanciers (pour
autoriser un délai, remettre une partie des dettes, etc.). Ou encore, le concordat s’entend de
l’accord collectif intervenu entre la masse ou l’assemblée des créanciers et le débiteur en difficulté
pour éviter la liquidation des biens ou la faillite.
Cet arrangement concordataire précise la durée (un court délai généralement) et le pourcentage
du remboursement des dettes.

Le concordat préventif est une mesure protectrice qui permet à tout commerçant ou société
commerciale rencontrant des difficultés financières de conclure un accord avec ses créanciers et
d’éviter ainsi la mise en faillite. Ce concordat doit être accepté/homologué par le tribunal et par les
créanciers.

Le règlement préventif est une procédure collective préventive destinée à éviter la cessation des
paiements de l’entreprise débitrice et à permettre l’apurement de son passif au moyen d’un
concordat préventif.

En droit français, une procédure collective place sous contrôle judiciaire le fonctionnement d’une
entreprise en difficulté. Elle rassemble tous les créanciers et les prive du droit d’agir
individuellement. Son inopposabilité permet théoriquement de « protéger le gage commun des
créanciers, et d’assurer le respect de la répartition des pouvoirs dans les procédures collectives ».

En droit français, le redressement judiciaire est une procédure collective dans laquelle sont placés
un commerçant, une profession libérale ou une entreprise lorsqu’ils sont en cessation de
paiements et tant qu’un redressement de l’activité est envisageable. À défaut, s’ouvre la liquidation
judiciaire.

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Une entreprise est mise en redressement judiciaire si elle est en état de cessation des paiements :
Situation où la trésorerie dont l’entreprise dispose n’est plus suffisante pour régler ses dettes.

Lorsque la poursuite de l’activité n’est plus possible (on parle de situation irrémédiablement
compromise), on procède à la liquidation de l’entreprise : cession de tous les actifs et
remboursement des dettes, selon un ordre de préférence.

La liquidation judiciaire est une procédure collective, résultant d’une action engagée par un ou
plusieurs créanciers d’un commerçant, lorsque son entreprise ne dispose plus d’une trésorerie
suffisante pour payer les dettes exigibles. La procédure de liquidation judiciaire est ouverte sans
période d’observation à l’égard de toute entreprise en état de cessation des paiements dont
l’activité a cessé ou dont le redressement est manifestement impossible. (Chambre commerciale 8
juillet 2003, pourvoi n°00-13627, Legifrance). Le jugement de liquidation entraîne la résolution du
bail par le jeu de la clause résolutoire.

Référé précontractuel ?

Il en résulte que les décisions préalables à la conclusion du contrat constitutif d’un


marché public ne saurait relever du contentieux de pleine juridiction la décision
d’approbation ou de refus d’un marché public opposé à un candidat ou un
soumissionnaire doit être dissocié du contentieux contractuel sur le fondement de la
théorie de l’acte détachable (Voir notion d’acte détachable en matière contractuelle –
Dégni-Ségui, Droit administratif général).
Ce recours peut porter sur :
- La décision d’attribuer ou de ne pas attribuer le marché,
- Les conditions de publication des avis, les règles relatives à la participation des
candidats et aux capacités et garanties exigées,
- Le mode de passation et la procédure de sélection retenus,
- La conformité des documents d’appel d’offres, les spécifications techniques
retenues, les critères d’évaluation.
Le requérant doit invoquer une violation caractérisée de la réglementation en matière
de marchés publics. On remarquera que les recours ci-dessus énumérés portent sur un acte
juridique intervenu avant la conclusion du contrat de marchés publics. À cet égard, lesdites
mesures peuvent faire l’objet d’un référé précontractuel (À vérifier).

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