Gavroche 159

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Tati 2009

Le cinéma de JacquesTati (1907-


1982) est un authentique témoi-
gnage sur le mode de vie occi-
dental des années1945 à 70, de la
Libération à la fin du gaullisme.
Jour de fête (1949), c'est la
France libérée de I'après-gueffe.
Les vacancesde monsieur Hulot
(1953) et Mon oncle (1958), ce
Ces deux photos illustrent l'été l9O9 à Paris. Ci- sont les années du gaullisme
dessus,15 août au Bois de Boulogne, alors qu'une pesant et rassurant. Playtime
vague de chaleur écrasela ville. Ci-dessous:foule (1967), c'est la prémissede 68 ou la sociétéde I'uniformisation, de l'automa-
en septembre,devant le journal Le Matin, boulevard tisation mondialisée et désincarnéequi est présentéeà son paroxysme dans
Poissonnièredu monoplan Blériot ayant effectué la Trafic (1971).
traverséede la Manchele 25 juillet. (La Revue heb- Tati, dans une société des Trente glorieuses où le discours officiel appuyé par
domadaire des 28 août et 18 septembre 1909). l'appareil communiste et syndical (< Retroussonsnos manches>) est celui de
I'effort, prône le temps des loisirs à l'instar de Paul Lafargue dansLe Droit à la
paresse(1880). Pour preuves,les titres de sesfilms comme scénaristeou réali-
sateur: Oscar, champion de tennis (pour le scénario, 1932), Gai dimanche (pour
le scénario,1935),Jour defête (1949),l-es vacancesde monsieurHulot (1953),
Playtime (1967). On y voit les loisirs venir briser le cours monotone de la vie
au travail. Tati offre ainsi. un
court moment, le pouvoir de
remplacer la face triste du quoti-
dien par le ludique jusqu'à
I'absurde.Mais le monde du tra-
vail n'est pas bien loin. Dans
Jour de fête, le facteur continue
ses tournées <<à I'américaine >
en cherchant la rentabilité et
I'efficacité. Toute son æuvre
s'interrogeainsi sur la place res-
pective du travail et du loisir
dans le monde contemporain.Considérépar certainscomme passéisteou rétro-
grade, Tati était un cinéaste politique de l'Histoire et de I'Utopie, défendant
I'Homme contre la déshumanisationet I'uniformisation de la société post-
industrielle.
Pierre-Henri ZAIDMAN

À voir: À la Cinémathèque(52, rue de Bercy, Paris 12"): exposition Jacques


Tati du 8 avril au 3 août 2009.À I'origine d'un mini-sc.andale,larégie de publi-
cité de la RATP ayant décidé de censurer(au nom du respectde la loi) la pipe
de monsieur Hulot sur les affiches consacréesà I'exposition, en la remplaçant
par un moulin à vent !
À écouter: Sur Internet: archivessonoressur JacquesTati:
www.lauralaufer.com.
À tire: Laura Laufer, Thti ou le temps des loisirs,Paris, Les Éditions de I'If,
2OO2,8 €. Pour commander: lauralupino@orange.fr.

Nowelleadresse
Attention,Gavroche.change
d'adresseI Merci
d'adresser votrecourrierà:
désormais
ScoopPresse- Gavroche,
52 avenuede Flandre,75019Paris

2 - ttynttriln
l'rilt
SOMI\{AIREN" I59
P. 4 GUERRE - uN oFFrctER
DI,AIGÉRIE DÉMsstoNMtRE
:
ABDEII(ADER
RAHAAANI
Abdelkader Rahmani estalgérien
et militaire
de carrièredansl'armée française.
Pouravoir
refuséde se battrecontresesfrèrespendant la guerred'Algérie, puis
il estemprisonné,
verrasonavenirorofessionnel réduità néant.
> ParHélèneBRACCO

P. 14 couruREs
DrÉEcrRrcrÉ
ILY A UNSIÈCE,
DÛÀ
Depuisquelque
temps,descoupures de gazet d'électricité
dites" sauvages" sont
en France.
observées Cetteméthode n'estpasnouvelle.
d'action Dessyndicalistes
du
déjàpratiquée.
débutdu XX"siècleI'avaient C'étaitl'époquedu " roiPataud".
> ParBernard VIVIER

P. I I nrNÉ
EFELJVRE,
soclAusrE
nÉvormoNNAtRE
RetoursurI'itinéraire quia consacré
d'unmilitant sa vieà la défense
de la classe

w
ouvrière et la perpétuation
à traversla création deséditionsSpartacus.
> ParJulienCHUZEVILLE

P. 25 LAFÉE or.JrAFAr{TAsneuE
vERTE HrsrorRE
DETABsTNTHE
Laféeverte,quelbeaunompouruneliqueur quia marquétouteuneépoque ! Ellea
surtoutaccompagnéla dégradation ouvrière(l'Assommoir
de la condition de Zola,1877),
maisa aussiétéla museet I'amiedesartisteset resteencorepleinede mystères.
> ParChristiane
LE DIOURON

P. 32 LAMoRT
nÉnoi'our P. 36 LIJTIE
coNrRE P.40 uNPocRoM
À
DTEAAMANU
ELNICOIAIGK]S LATAUROMACHIE
: L,ATTENTAT BUENOS.AIRES ENI919
Pendantla SecondeGuerremondiale, DEDEUIL
DU4 JUINI9OO E n j a n v i e r 1 9 1 9 e n A r g e n t i n e ,l a
l a C r è t e e s t l e t h é â t r ed e v i o l e n t s r é p r e s s i o nc o n t r e u n m o u v e m e n t
c o m b a t s l, a p o p u l a t i o n
p r e n a n tl e s Depuisl'introduction descorridas en ouvrierse transformeen véritablerafle
a r m e s o o u r s e d é f e n d r ec o n t r e l e s F r a n c ea u m i l i e ud u X l X " s i è c l e , dans les quartiersjuifsde la capitale.
trouoesnazies.EmmanuelNicolakakis l ' o p p o s i t i oànl a t a u r o m a c h ai ep r i s > Par Pierre-Henri
ZAIDMAN
fait partiedes combattants volontaires. d i f f é r e n t ef so r m e s E . n 1 9 0 0 ,l v a n
> Par Rémy VALAT Aguéliva jusqu'àblesser un toréador
en signede protestation.
> ParDenis ANDRO

-P.4ô Àlopoge -P.49 Abonnement-P.50(omoteurdelivres-P.51


P. Æ Bonn"sfuuilles Enbref

Revue trimestrielled'histoire populaire.Numéro 159, 3" trimestre2009.

ÇAVROgIE
52 avenuede Flandre75019Paris.Té1.:01 427694 ll. Courriel:revue@savroche.info.
Site Intemet: http://www.gavroche.info dela publication:
Directrice SophieVIRLOUVET.
pourcenurnéro:
Collaborations D. ANDRO,H. BRACCO,J. CHUZEVILLE, J.L.DEBRY.c. DOZY, H. FABRE.
C. JACQLTIER.C. LE DIOURON, R. VALAT, B. ITVIER, PH. ZAIDMAN.
Commission paritaire: 0711K8197,1. I.S.S.N.: 02-42-9705 O Gavroche. rousdroitsdereprqructionrésenés.
Distributionen libraine: DIFFUSION POPULAIRE. 2l ter.rue Voltaire.7501I Paris.Té1.: 014O212131.
de rédactionct miseen page: ScoopPresse- BP 863 - 27008EvreuxCedex.Impression:27 Offset- 27930Gravigny.
Publication.secrétariat

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Abdelkader Rahmani estalgérien


et militaire
de carrière
dansl,armée
française.Pouravoirrefuséde se battrecontresesfrèrespendantla
guerred'Algérie,
il estemprisonné,puisverrasonavenirprolessionnel
réduità néant.

La sanctionpour refus de servir est différente


selonqu'il s'agit d'un soldatdu contingentou
Corurexre
Le I ". mars 1957, w officier de I'arméefran_
d'un militaire de carrière.Le soldatdu-contin_
çaise sort de forteresse,en transit pour la prison
gent fournit pendantun certaintempsune pres_
de Fresnes.Il vient d'être inculpe d'entreprisede
t a t i o n d e s e r v i c ee x i g é ep a r l a l o i . I l e i t u n
démoralisation de I'armée.Il s'est,.nàu
a g e n tm o b i l i s ép a r l a n a t i o np o u r a c c o m p l i r pabled'avoir écrit au présidentde la République, "ou_
u n e c e r t a i n ea c t i o nd o n t l . É t a te s t ; u g e .S o n
RenéCoty, pour lui offrir sesservicesde média_
r e f u s d e s e r v i r e s t u n a c t ep l u s g r a v e p a r c e
tion entreI'arméefrançaiseet le peuplealgérien,
qu'il est un manquementà un principefonda_
en vue de faire cesserla guerre.À sa bouton_
mental,celuide I'obéissance due à la loi. n i è r e , l a L é g i o n d ' h o n n e u r ,a c q u i s es u r l e s
L'officier de carrièreest lié à l,État par un champsde bataille.Aux poignets,les menottes.
engagement libre et révocableet peut rompre <<J'échouai au fort Saint-Denis,écirra_t_rl,
son contrats'il estimeque ce qui lui est com_ dans
la cellule où le général de Bollardière m,a suc-
m a n d ér é p u g n eà s a c o n s c i e n c ec i v i q u e o u
cédé. Une bonnepoignée de mains ente huit
morale. gendarmes,dont quatrepour moi qui
aaa
-l-(;ttnnt'nli
t" t;g
Lieutenant
Rahmani,
écoledesofficiers
deBouSaada.1944

{;11'ilt{'fiti -i
1"t.1r}
REFTiS
ilIIITTIRH

OOJ m'emmenaientà Fresnesenchaîné,el africain de réserve.À cet effet,j'ai été contraint


quatrepour lui... Or, la mise des menottesest de renotrcerà ma nationalité française, accordée
formellement interdite en cas d'anêts deforte- en 1944par le généralde Gaulle,pour ne pas
resse.)) perdre rttongrade, qui fut alors octroyéau titre
Mais cet officier est soumisà un traitementde de "Nord-africain"... >>
faveur... Car lui, il est algérien! L histoire de ce En 19.18,il intègre,avec trois autresNord-
refus, il l'écrira dansun livre paru au Seuil en africainr .l'école des officiers de I'arme blindée
1959,saisidès sa sortie; L'affaire desofficiers et de cavaleriede Saumur,interdite alors aux
algériens. Le 25 janvier 1959, L'Expres.rcom- indigènes.Une note de servicedu l9 octobre
mente: < Ce petit livre a.fait dans les états- 1 9 4 8 l e s i n f o r m e d e I ' a u t o r i s a t i o n < <e n f i n
majorsparisiensl'effetd'une bombe...> arrivée > de porter le képi, interdit aux officiers
Il avaitpourtantchoisi I'arméepar idéal, dans d'origin,: nord-africaine.
I'espoir de démontrerla valeur desAlgériens,et < Ma ltromotion légale et autornatiqueau
d'amenerà briserI'exclusionqui les frappaitau grade Je lieutenant aurait dû sefaire le
s e i n d e c e t t e m ê m e a r m é e .D e l a m o n t a g n e 20 octorrre1950.Elle n'eut lieu que le 1"'jan-
kabyle < Tidelsine> du cap Aokas, il est issu vier l9:2, par une discrimination notoire qui
d'une grandefamille maraboutique.Son pèreest mefut imposée,sansaucuneautre issue.
docteurès lettres,professeurde français.Quand Je sui;i le seul et le premier fficier à avoir fait
il poseson actede refus,en 1956,il a derrièrelui la Coréeen tant qu'officier de l'ONU. La
une longue carrièremilitaire jalonnée de discri- France refusait I'accès des Nations Unies aux
minationsqui frappentles officiers < indigènes>: officiers indigènesde sescolonies.Je me suis
< En 1939-45,ntesfrères et moi-mêmeétions battu,j'ai réussi.
sousl'uniformefrançais contreHitler. Mesfrères ln légion d'honneur mefut octroyéeen 1956,
ont étédémobilisés,moij'ai .fait carrière. . . > sousIa rubrique "Militaire servantsousstatut
< Au lendemaindu débarquementallié en spécial", alors que le décret du I3 décembre
Afrique du Nord, j'ai été versédans I'armée 1950 du JO n" 296, p 12785estformel: "Admis
corps franc au grade de brigadier, et nommé dans les cadresfrançaisavec son gradeet son
instructeurau coursdesélèvesaspirantsà Saint- anciennetéde gradeà compterdu 1"'janvier
Cyr de Cherchell.J'ai été casséparce quej'étais 1950." Il est d'autant plus inconcevableque six
algérien: il était interdit à un Algérien d'ins- ansplus tard je fusse c/assy'"sous statut spécial
truire ou de commanderun Européen.> indigène".>>
< Du fait de mon origine algérienne,un cycle En 1954,c'est le déclenchement de la révolu-
d'études initialementde deux ans en tempsde tion algérienne.< J'ai proposéau haut comman-
guerrefut prolongé, sansautre motif, de deux dementde donner aux soldatset aux cadresdes
ans, soit: quatreans d'école,donc deuxans de cours d'initiation aux mæurs,coutumeset reli-
grade soustraits.À la sortie,je fus promu, par gions nord-africaines.Je voulais éviter une
décretdu 20 octobre1948,sous-lieutenantnord- guerre d'ignorants. Cefut en vain. >

L'enfance
enAlgérie A 17 ansauxchantiersdelajeunesse En | 946enAllemagne Affichedeprcpagande
coloniale
Y Y V V

li-fituurttturr;tl
Le reups DELAnÉvorre connaissance de M. le Président de la
En 1956. il est au Liban au moment ori le cours République le cas da conscience dans lequel les
de I'Histoire se précise : < Guy Mollet conspué place la politique actuelle menée en Algérie...
en Algérie,l'arraisonnement de l'avion de Ben Nous avons rempli notre devoir de soldctts sur
Bella, Suez, la "pacification" en Algérie... Dès tous les fronts où ltt France nous envoyait la
lors, je refusai de prêter mon concours à un sys- défendre... Des ffit iers algériens continttent à
tème voué à l'échec, et qui, en outr(, portait servir la cctusefratryaise face à leurs compa-
atteinte à ma dignité et à celle de me.scompa- triotes, peut-être même à leurs parents, et tom-
triotes...C'est là quej'ai basculé., bent au service de la France en Algérie...
< Rappelé en France lors des événements de En notre ôme et conscience, la seule solution
Suez, mon devoir m'appelait à Paris. J'ai été est une orientation vers un règlement politique,
contraint de me séparer pour un temps de ma d én u é d e I o u t e v i o l e t t c e, c e q u i p e r n e r r r a i t
femme française, avec son accord, car elle a d'engager une conversation imrnédiate et loyale
aussi souffert de l'injustice et du racisme, et de entre les représentanîsdes deux communautés...
mes quatre enfants. Une courte halte à Istanbul Notts demandons en outre au chef suprême de
pour méditer, réfléchir, mettre sur pied mon plan l'Armée de trouver une issue honorable au cas
d'action. Plutôt que de déserter, si facile et à ma de conscience posé à la corporation des offi-
portée au Liban, j'ai décidé d'entrer en ciers algériens, tant que les événementsprésents
désobéissance avec mon grade et l'uniforme séviront. >
français. > < Pour Ia première fois, par le contenLrde ceTte
La guerre d'Algérie est à son paroxysme. lettre, nous revendiquions, de facto, notre titre
o Notre pays mis à feu et à sang, est-ce servir d'fficiers algériens.> < Nous ne pouvons plus
que de se taire ? Dès l'instant que nos chefs supporter que nos parents soient massacréspar
apparaissaient impuissants ou complices de des hommes portant un uniforme qui est aussi le
cette déshonorante déchéance, n' avions-nous nôtre. NoLtsreprésentons les fficiers algériens
pas le droit d'en référer au premier ma3istrat de e t n o u s s a v o n sq u ' i l s v o n t , c o n t r e l e u r g r é ,
la République, chef suprême de.s forces combattre leurs frères. Nous avons le courage et
armées ? l'honnêteté d'en inJormer la France avant qu'il
"
Il entraîne dans son action cinquante-<teux offi- ne soit trop tard. >
ciers algériens. Une fois la lettre remise au président de la
République, il porte la copie aux divers sommets
En janvier 1957, ils décident d'écrire au pré- de l'État.
sident de la République:
< Monsieur le Président de la République, En prison
À l'issue de dffirentes rencontres,l'ensemble Début mars, il est sous les verrous, inculpé d'une
des officiers algériens en activité au sein de < entreprise de démoralisation de l'armée >>.Cette
l'Armée française ont convenu de pctrter à Ia inculpation tombe sous le coup de I'article OOI

En 1951enCoréeavecla SilverStar LorsdeIa fondationdeI'Acadénb Lorsdu rapprochementisraélo- Aujourd'huià Châtellerault,


chezlui
Y Berbéreen 1967 palestinien
à Jérusalem à la Berbérie
V V V

T
ï' t;9- /
{itx}it}{'t'ri
Itilt'l$ltll,lïtl||il

Hubert Beuve-Mér-v'., Le soir même,sa


Â3!a!taDtl 8ÂHXrÈl présencefut révéléedansle journal.Il est
ensuiteenvoyéen résidencesurveilléeen
L'alterro
dos olfrolers Lozère.au lieu-ditLa Cavalerie.
algérIcns Grâceà une permissionde cinq jours à
Paris,il reprendcontactavecles autorités
politiqueset renouvellesespropositions
de médiationM . . Guy Mollet lui fait
savoirqu'il acceptede détacherquelques-
,ry--,'r''r' unsdesofficiersalgériensdanslesambas-
sadesfrançaises de Tunisieet du Maroc,
pour leur permettrede contacterle FLN.
Ce qu'il appellen la nùssiondesofficiers
algériens Mais le gouvernement Mollet
".
) L o' f tombe.remplacépar celui de M. Bourgès-
r\--./ê o"
-l | ,J
ltt^
t-l
Maunoury.
la.VfuJ" vit v,au, J ; J , (.t(A
L e l 8 j u i n 1 9 5 7 ,a u n o m d e s e sc a m a -
PIERN! MENDES FRANCE t a h m a n li a n c e ,p a r
r a d e s l,e l i e u t e n a nR
ii..- ii^'(c unetrèslonguelettre,un appelau général
Vo
,Jo*-v! vç- ,*
!'1y'r" de Gaulle.Débutaoût.sansnouvelles. ils
:: ::::::.'Ë;;ï*;'
Yt lu,* seconsidèrent déliésde leur engagement.
;::::,iii:

Le reups DUREFUs
En septembre 1957, ils annoncent leur
démission au président de la
République.
<< Monsieur le Président de la
République,
Offi c i er s dénri ss i onnai re s de l' Armé e
lliH'Ë,1*',^li'f"'-
.o"" o."u .fi'ançaise,nous désirons porrer à votre
"l"re*t.
t'onnaissance les motifs qui nous ont
potrssésà c'etade.
1 . . . 1E n h u i t m o i s , a u c u n e s o l u t i o n n ' a
été apportée au cas de conscience que
pose notre situation dramatique
at a 76 du codemilitairequi prévoitunepeine d'Algériens et de soldats. Bien au contraire, des
de réclusion,régimepénitentiaire extrêmement arrestations, des arrêts de forteresse, des empri-
p é n i b l e .L e 2 8 m a r s 1 9 5 7 .i l e s t i n c a r c é r éà sonnementsont été les seules réponsesque nous
Fresnes. aprèsvingt-huitjoursd'arrêtsde forte- a valtres notre ottitltde [...] Pour nous empêcher
resse. de nous regrouper, nous evons été dispersés dans
les garnisons les plLtslointaines et régulièrement
En liberté provisoire,et assignéà résidence les bataillons nord-af icains et leurs cadres sont
E n m a i , a u t e r m ed e s a p u n i t i o n .l e s e r v i c e envo,-és en Afrique du Nord pour combatte
psychologique de M. Bourgès-Maunoury I'affecte, leurs frères de sang, au risque de détruire leur
pour l'éloignerde Pariset de sesamis,au centre village natal , et peut-êrre même de mitrailler
d'instructiondesparachutistes de Castrescomme leur.sfentmes er leurs enfants.
instructeurde recruesqui, trois mois plus tard, 1 . . . ) P u i s q u ' a u c L t n es u i t e n ' a é t é d o n n é e à
r e j o i n d r o n lte 1 3 "d r a g o n .u n i t éi m p l a n t é ee n notre démarche de janvier 1957, qu'aucune
K a b y l i e ,s a p r o v i n c en a t a l e . . ." J ' i n s t r u i sd e s réponse n'a été epporîée au problème pour
hommesqui vonttuer mesfrèresde sang,saccager lequel nous vous demandions une solution, nous
m ap r o v i n c e . .P . e u t - o nr e f u s e rà u n A l g é r i e n avons tenu à vous e.tposer respectueusementles
d'avoir un dramede conscience?" raisons qtti nous rendent aujourd'hui démission-
Sansnouvellesdesautresofficiersalgériens, naires de I'Armée française .
s e u lf a c e à c e d r a m ed e c o n s c i e n c ei l. t r o u v e Jusqu'att dernier jour de notre appartenance à
q u e l q u er é c o n f o r t' . o J e d e v a i sp a s s e r à l a cette armée, nous resterons dans le cadre de la
fameuse"corvéede bois". J'ai étésauvépar le discipline militaire. Respectueux des formes et
curé de Castres,le journaliste dLtjournal Le des modalités de notre règlement, chacun des
Monde,ClaudeJulien,qui était en vacances,et signataires de cette lettre présente sa démission
l e d i r e c t e u rf o n d a t e u r d e c e m ê m ej o u r n a l , individuelle par la voie hiérarchique.

$ - t;tttt(ltilr
\" r.)l
Veuillezagréer,Monsieur le Présidentde la pour la défensede la languefrançaise,ce qui lui
République,l'expressionde nos déférentessalu- vautla prisonet la résidencesurveillée.En 1966,
tations. i l e s t d e r e t o u r e n F r a n c e .L a c r é a t i o n d e
Les officiers algériens signatairesde la letffe I'Académieberbèrelui attireen 1967la condam-
dejanvier 1957. nationà mort par contumace.Il obtientde nou-
"
Ils espèrentainsi,déliésde leur engagement veau la nationalitéfrançaiseque le gouverne-
militaire, pouvoir menerà bien leur mission: ment lui avait fait rejeteren 1948au momentde
renouvelerleurs offres de médiationentre le sa promotionau gradede sous-lieutenant.
g o u v e r n e m e nftr a n ç a i se t l e F L N , e t e n c a s
d'échec,alerterI'opinion sur le tragiquede la ConsÉoueNcEs
AUREFUs
situationet sur l'échecde leur tentative.L'un Répressiondans son emploi et sa carrière
d'eux, " par crainte ou loyauté,ou par réflexe < Je dois dire tout d:abord quej'ai été main-
militaire ,. s'était confié à son colonel avant tenu en prison illégalement,sans aucunjuge-
I'envoi de la lettre,entraînantle processushié- ment ni condamnationjuridique. Mes avocatset
rarchique,policier et militaire. Cinq des cin- moi-mêmeavons écrit à Guy Mollet que nous
quante-deuxofficiers désertentet rejoignentle réclamionsà être traduits devant les tribunaux.
FLN à Tunis. "Si on fait passerRahmanidevantle tribunal, a-
t-il répondu,ce n'est paslui qui seracondamné,
De nouveau en prison mais la France!" ,
Le lieutenantRahmaniest de nouveauaux Le 2 févner 1959,aprèssa sortiede prison,il
a r r ê t sd e f o r t e r e s s ea u f o r t d ' A l b i , d u 9 a u est placé dansla positionde non-activitépar
l8 septembre1957, < enfermédans un grenier retrait d'emploi. Il tombe sousle coup de la
d ' u n e r e p o u s s a n tsea l e t é 1 9 s e p t e m b r e réglementationde la loi du 19 mai 1834,selon
".Le
1957,il est écrouéà Fresnes,au régimede droit laquelle < les fficiers pouvaient être maintenus
commun,avecquelques-unsde sescamarades, en non-activitéaussilongtempsque le ministre
dont on I'isole. Bourgès-Maunoury a succédéà le jugeait utile dans I'intérêt de la discipline et
Guy Mollet. Il présenteune fois encoresesoffres de I'armée. , o J'ai étémaintenudanscetteposi-
de mission.Sescamaradeslibérés,non sansessai tion pendant quinzeans, huit mois et cinq jours
de compromission, il estjeté dansune oubliette. sansaucunmofif >, écrit-il en janvier 1975lors
Seul face à lui-même.il choisit la forme d'action d'une requêtepour reconstitutionde carrièreau
la plus solitaire:celle d'écrire.L hebdomadaire ministrede la Défense.
TémoignageChrétien commencealors à publier Le 13juillet l972,le décretno 72-662limiteà
s o nj o u r n a l d e p r i s o n .D ' a u t r e ss u i v e n t: l a trois ansla duréemaximalede cetteposition(arti-
C r o i x , F r a n c e - O b s e r v a t e u rL, ' E x p r e s s ,L e cle 49). Il devientapplicableen 1974,et le choix
Monde...,alertentI'opinion.Des lettresarrivent est alors proposéau lieutenantRahmanide Éinté-
à la prison. grer I'arméeou de la quitter.Il choisitla réintégra-
< Le 3 juin l,958de Gaulle est élu : Michel tion. Il pensealors pouvoir légitimementbénéfi-
Debré, André Malraux, la presse,lestélévisions cier d'une reconstitutionde carrière.Or, la note
annonçaientma libération. L'ordre nefut pas c o n f i d e n t i e l l ed u m i n i s t è r e d e l a D é f e n s e
exécuté.Je suisrestédans ma cellulejusqu'au n' 16374du ll octobre1974 décided'une modi-
27 novembre/958. > Après maintestractations fication de prise de rang du lieutenantRahmani:
entrela justice, I'armée,le ministrede I'Intérieur < Comptetenu du tempspassépar cet officier
et celui desForcesArmées,grâceà une formi- dans la position de non-activité par retait
dable mobilisationmédiatiqueet à l'intervention d'emploi, soit quinzeans,huit mois et cinqjours,
des plus hautespersonnalités, il est conduit à sa prise de rang dans le grade de Lieutenantest
nouveauen résidencesurveilléeau couventdes f.xée au 5 septembre1967,et il sera classésur la
jésuitesde Clamart. liste généraled'anciennetédes Lieutenantsde
I'arme Blindéeet Cavalerieà cettemêmedate. . .
"
Le reups DELA LtBÉRATtoN (archivesprivéesde MonsieurRahmani).
La répressioncontinue, et le combat aussi o Ce qui était illégal, souligne aujourd'hui
En date du 2 février 1959, le ministèredes MonsieurRahmani.Un grade estacquisdéfiniti-
Arméesle place,par mesuredisciplinaire,dans vementet ne peut être ni manipulé, ni reporté à
la positionde non-activitépar retrait d'emploi. une date ultérieure.Seulela Haute Cour ou une
Entre 1959et 1962,il est déléguégénéralde la autre grande instancede Justicepeut prononcer
librairie Hachette- Nouvelles Messageriesde la sa destitution > Rappelonsqu'il avait été promu
P r e s s eP a r i s i e n n ed, o n t i l s e r ae n A l g é r i e l e lieutenanten janvier 1952.
directeurgénéral. [æ l".janvier 1975il estpromucapitaine,ce qui
L ' i n d é p e n d a n c ed e I ' A l g é r i e l e t r o u v e a u auraitdû se faire en 1955par promotionautoma-
maquiskabyle.Il lutte contreI'arabisationet tique. Il va avoir cinquante-deuxans,et OOO

I" t5!|- !l
{;,tTtt0tH[
Rlj]'['S}IITITAIRE

OOO c'est la datelimite pour la retraite,ce qui Le 27 janvier1977,le Conseild'Etat confirme


le prive de la possibilitéd'accomplirles six mois le rejetde la requêtedu capitaineRahmani.
d'anciennetéeffective pour bénéficierd'une o Je n'ai eu à cejour aucunecompensation,
retraitede capitaine.o Le préjudicequeje subis aucuneréparationsalariale,aucunerestitution
esténorme,écrit-il à sonavocat,car mongrade, de mesgrades,ni indemnités,et encoremoinsde
dans les circonstancesactuelles,aurait été celui promotion, à l'inverse clesofficiers de la tortttre
de généralde brigade,ou tout au moins,de colo- amnistiés,promus,généreusement gratifiés,pen-
nel au dernieréchelon.C'est-à-direenpassede sionnés,blanchis. écrit-ilen 2003.
"
promotionoutomatiqueau gradede général.,
< Ainsi, aprèstrente-troisannéesde présence RÉsoruaHces
AcTUELLES,
ou
d a n s I ' a r m é e ,j e m e r e t i r e a v e c m a s e u l ee t RÉPREsStoN PAR LE SILENCE
maigre retraite de lieutenant,sansaucunerépa- Les enfonts face au refus
r a t i o n d e t o u s l e s p r é j u d i c e sq u i m ' o n t é t é Extraits des entretiens
causés,matériellementet moralement,et ce, Après le départ du Liban du lieutenant
s a n sa v o i r é t é t r a d u i t d e v a n tu n t i b u n a l > , Rahmani, et pendant la durée de son action, la
s'insurgeencorele capitaineRahmani. famille se trouve séparéede lui pendant de lon-
D a n s s a r e q u ê t ea u C o n s e i ld ' É t a t d a t é ed u gues années.
27 janvier1975,il ajouteà la listedespréjudices
subisla suppression de sesémoluments et de ses Patrick (Paris, entretien téléphonique)
allocationsdurantson internement, alorsqu'il o Je n'ai pas eu connaissance de I'acte de refus
n ' y e u tj a m a i sd e c o n d a m n a t i o nn,i m ê m ed e de mon père au moment où il I'afait, mais petit à
p r o c è s ,a i n s iq u e l a d é c h é a n c de e s a p e n s i o n petit la guerre d'Algérie m'est parvenue aux
d'invaliditéet de sa soldede non-activitépen- oreilles, en entendantparler ma mère. Elle était
dantplusieursannées.Or,le Journal Officiel du journaliste et elle avait produit des articles le
l 4 j u i l l e t 1 9 7 2p r é c i s eq u e p e n d a n tl e t e m p s concernant, et ça a eu des répercussions au lycée
p a s s ée n n o n - a c t i v i t ép a r r e t r a i td ' e m p l o i ,l e où j'étais. J'avais la sympathie de la commu-
militaire o a droir aux deux cinquièmesde la nauté musulmane. J'étais un peu comme un
solde.Il continuede percevoirla totalité des héros, c'est du moins le sentimentque j'avais : le
suppléments pour chargedefamille. De plus, fait que mon père soit en prison, qu'on en parle
"
lorsqueaucunedécisionn'est intervenueà expi- dans les journaux... Son livre, je ne l'ai lu que
ration d'un délai de quatremois, l'intéressé récemment . J'avais un problème . Pour vous dire ,
"
reçoit à nouveauI'intégralité de sa rémunéra- je me refusais à le lire. Je m'étais dit que c'était
tion, sauf s'il estl'objet de poursuitespénales... peut-être le produit de son imagination.
En outre,il a droit au remboursement des rete- Finalement c'est un ami qui I'a retrouvé au fin
nuesopéréessur sa rémunération., fond d'une librairie, il y a cinq ou six ans. Puis
Le Conseild'État objecteque la soldede non- j'ai eu I'occasion de rencontrer des gens qui ont
activité lui auraitété suspenduedu fait qu'il se connu mon père, qui avaient été plus ou moins
seraitétabli au Maroc au débutde I'année 1960 ffiliés att FLN, et qui avaient apparemment de
< sansavoir demandéI'autorisationde changer la sympathie pour lui. Son refus,je I'ai toujours
de résidence Maître Bouloche, avocat compris. Je pense que c'est un acte louable qu'il
".
d ' A b d e l k a d e rR a h m a n i .v e r s ea u d o s s i e rl e s a fait.
"
preuvesque< le séjourde I'exposanten un lieu
autre que celui fixé pour sa résidencea été Pascale (Madrid, entretien téléphonique)
motivépar la missionqui lui a été régulièrement ., La guerre d'Algérie, toute cette période, j'en
donnéepar le gouvernement français en vue ai pris connaissance |rès tard, parce qu'un jour,
d'établir des contactsavec les rebellesalgé- à Paris chez ma mère, j'ai découvert I'histoire
riens...Les mesures prisesà son endroitne tien- de mon père . Je devais avoir quinze ans, ça a été
nentaucuncomptequ'il s'est trouvéplacé pen- un vrai choc. J'ai demandé à ma mère de
dant de nombreusesannées,apparemmenten m'expliquer. À ce moment-là, je n'ai pas vu le
rupture avec son administration,mais effective- côté positif. Petit à petit, j'cti réfléchi et j'ai
menten missionconfiéeaux plus hautsniveaux trouvé que c'était courageux. Plus tard, j'ai
de l'Érct. , (document99.g4l , archivesprivées connu un homme dont le père vietnamien avait
de MonsieurRahmani). appartenu à l'armée française.ll m'a dit: "Ton
Le 30 décembrel975,le Conseild'État statue père a fait une action incroyable au moment de
qve < les griefsformulés par le Sieur Rahmani la guerre d'Algérie."
ne sont nullementjustifiés.L'intéressén'est dès En 1962, ma mère est allée en AIgérie pour
lorsfondé à prétendreni à la reconstitutionde sa son travail, c'est à ce moment-là que j'ai
c a r r i è r e n i a u v e r s e m e ndt ' u n e i n d e m n i t é> retrouvé mon père. Nous étions au lycée fran-
(archivesprivéesde MonsieurRahmani). çais, j'avais douze-treize ans. Dans ma classe,

Ill-r;unttnnir'r;rl
certatns proJesseursnous met-
taient au fond parce que nous por-
tions un nom algérien. C' est là que
j'ai compris qu'il y avait une dffi-
rence entre le Français et
I'Algérien, différence que person- le L? t{are 1958
nellement je n'avais jamais faite.
J'ai eu des relations dfficiles avec
mon père, c'est un homme de
I'armée, il y était à sa place, et il
l',
I r;1.r,1,1!r.1]]
avait choisi un code de l'honneur, ,

de I'honnêteté.Il s'esrmis en posi- @iir::',$,idtit1aur,


tion de refus précisément pour ces
valeurs-là, ce qui l'a rendu distant
avec les aulres. J'ai un rapport
très fort à l'Algérie, je veux main-
tenir le lien. >

Dominique (Montpellier)
<<L'Algérie, c'est le pays qui m'a
marquée le plus. Dans la famille,
on ne nous a jamais parlé de l'acte
de refus de mon père, alors que
&., Alnlt
vqus sorre b{6n co}{l,âlonellt La

c'était tout à son honneur. Ma mère 'qr,\-zl^\-*-


,"--
I'a beaucoup défendu pendant cette -:

cause. EIle faisait passer des arti- # *&'


cles par I'intermédiaire d'un jour-
naliste au Monde. Mais moi, quand
j'ai eu ces articles en main, c'était
trop compliqué, je n'arrivais pas à
reconstituer le puzzle. L'histoire de
mon père, je ne la connaissaispcts.
Je vous avoue que la fois où on
s'est rencontrées à Montpellier en 2003, quand A i x - e n - P r o v e n c e ,d i r e c t i o n d e l a S û r e t é
vous avez interrogé mon père, j'ai appris énor- Nationaleen Algérie - CAOM cote FR GGA 7G
mément de choses.> 1416/Rahmani- dossiersurdérogation).
En janvier 1959est paru au Seuil I'ouvrage
Fabienne (Montpellier) L'affaire desofficiersalgériens. Le 30 janvier, le
<<Moi j'ai appris cette histoire dans son bou- généraIMassu,commandantprovisoirementle
quin, que j'ai lu il y a à peu près une quinzaine corpsd'arméed'Alger, adresseau déléguégéné-
d'années. Un ami qui fait les puces régulière- râl du gouvernement- SécuritéNationale- une
ment a vu son livre et me I'a offert. J'ai été très note d'informationspécifiantqu'il a assuréla
surprise. Après j'ai compris. J'ai surtout com- diffusion de son arrêté du 29 janvier portant
pris combien l'honneur est Ia vertu la plus interdictionde la circulationet la miseen vente
sacrée pour lui. J'admire le courage de mon en Algérie de I'ouvragedu lieutenantRahmani.
père, il est allé jusqu'au bout, il a risqué savie. > Il préciseque deux centsexemplairesde cette
Les répercussions de 1'acte de refus de leur publication ont été saisis au dépôt des
père sur sa carrière et sa retraite ne sont pas Messageries Hachette.Le cartondes archives
connues de ses enfants au moment des inter- d'où est extraitecettenote contiententreautres
views. Par rapport à sa situation actuelle,je
" le livre du lieutenantRahmani,sur la couverture
regrette qu'on n'ait pas reconnu cet acte, duquelfigure l'estampille" Saisie- À déruire
déplore Fabienne.D'autres ont été reconnus, qui aprèslecture>.
n'oil pctseu autant de courage. , E n t r e 1 9 5 9e t 1 9 6 2 ,a l o r sq u ' i l e s t d é l é g u é
généralde la librairie Hachette- Nouvelles
Nouvelles REcHERcHES: Messageriesde la Presse Parisienne,
CINQUANTE ANS APRÈSLE REFUS AbdelkaderRahmaniaccomplit,sousla cou-
DU LIEUTENANTRAHMANI verture de Hachette- NMPP, dont les PDG et
Recherches en archives.nouvellesdécouvertes e u x s e u l ss o n t t e n u si n f o r m é s ,s a m i s s i o n
au CAOM (centredesarchivesd'Outre-merà secrètede médiateurentre la Franceet OOO

I" t;t|- | I
{ltl'tt0l'llti
RTI.'['S
MITIT'[IRI'

f O O l e F L N ( i n f o r m a t i o n a u t o r i s é ep a r Le gouvernementfrançaisfait intervenir son


MonsieurRahmani). ambassadeur pour la faire licencier,espérantla
Pendantcettemission,il est surveillédansses faire rentreren France,en otagecontreson mari.
déplacements,comme le montre une lettre du Le commandantde la casernede Reuilly propose
27 avil 1961,émanantdu préfet,directionde la a u l i e u t e n a n tR a h m a n i ,a l o r s e m p r i s o n n éà
SûretéNationaleà Alger, adresséeau directeur Fresnes,le rapatriementgratuit de son épouse.
généralde la SûretéNationale,direction des Le l4 décembre1957, elle s'insurge: < Mieux
Renseignements Générauxà Paris: que quiconque,vousêtesà mêmede juger si
< J'ai I'honneurde vousfaire connaîtreaux aujourd'hui la famille de M . Rahmani, composée
f i n s q u e v o u s e s t i m e zu t i l e s q u e l e n o m m é de quatre enfantset d'une femme,peut vivre
R a h m a n iA b d e l k a d e r n , é le l3 mars 1923à avec les généreuxémolumentsque vos services
Tahar,départementSétif, déléguégénéral de la lui abandonnent. .. Il resteà Mme Rahmaniet à
librairie Hachette,domicilié à Casablanca,est sesenfantsjuste ce qu'il faut pour vivre ou plutôt
arrivé à Dakar venantde Paris le 29 mars I96L p o u r m o u r i r d ef a i m . . . I e s u i se n c o r e ,n ' e n
pour assisterau Congrèsde la " Fédération déplaiseà certains,unefemme d'fficier. À ce
Mondiale des VillesJumelées",et auxfêtes de titre, je me refuseà accepterI'aumôned'un
l'indépendanceau Sénégal.À Dakar, I'intéressé rapatriementgratuit suivi de longs mois de gêne
a pris de nombreuxcontactsavec les milieux pour nepas dire de misère...Tantque mon mari
SOUVernementaux. sera détenuà Fresnes,je me refuseénergique-
RahmaniAbdelkader,qui a servi en qualité de mentà revenir en Francefaire antichambredans
lieutenant,est à I'origine de la lettre adresséeen des bureauxde bienfaisance...>)(prisonsde
1957 au Présidentde la Républiquefrançaise, F r e s n e sc, e n s u r en o l , a r c h i v e sp r i v é e sd e
danslaquelleil exposaitla situationdesfficiers MonsieurRahmani).
d e s o u c h en o r d - a f r i c a i n eq u i s e r v e n td a n s C'est en juillet 1959qu'elle quitteraBeyrouth
I'arméefrançaise.Il estégalementl'auteur de la pour le Maroc,un voyagecompliquéet insécuri-
brochureinterdite en Algérie, intitulée L'affaire santqu'à ma demandeelle relateraà sa fille,
desfficiers algériens,éditéeà Paris par les édi- dansune lettre datéede 1991.
tions du Seuil (CAOM, Centredes archives En janvier 1957,les officiers algériensont
"
d'Outre-mer,dossieraccordésur dérogation). envoyé leur premièrelettre au présidentde la
République.La presserelate largementle dis-
SourteHsEToPPostloNs, c o u r s d e G e o r g e sB i d a u l t s u r I ' A l g é r i e à
CoRRESPONDANCE (AnCnlVeS PRNÉES I'AssembléeNationale:.< La France ne mérite
DE MoNS|EUR RAHMANT) pas le procèsqu'on lui fait r, (...) La lette des
"
Outre les personnalitéset le soutienmédia- fficiers algériensau présidentde la République
t i q u e ,l e p l u s p r é c i e u xs o u t i e nd u l i e u t e n a n t émanede Ben Bella. Elle a été corrigéepour la
R a h m a n il u i v i e n t d e s o n é p o u s e .Q u a n de n syntaxe,abrégéeet adoucie. Il est impossible
1956,il doit quitterle Liban,elle y resteavecses q u ' a u m o i n s l a t r a n s m i s s i o nn ' a i t p a s é t é
quatreenfantspar mesurede sécurité.Ancienne l'æuvre d'un Français métropolitain.>
rédactriceau cabinetdu gouverneurgénéral De la prisonde Fresnes, le 3 avril 1957,le lieu-
Chataigneau,elle a obtenule mêmeemploi au tenantRahmanilui écrit: < Il n'y a ni ingérence
grandquotidienlibanaisl' Orient. Catholique FIN, ni manipulationétrangèreà la corporation
française.néeÉlisabethLavigne,elle y travaille des fficiers algériens. Un fficier algérien sait
sousle nom de Mlle NZ Khouri. aussi bien exprimer que traduire par écrit son
En mai 1957,sonmari en prison,elle écrit elle casde conscienceet avoir le couragede s'adres-
aussiau présidentde la Républiqrre< au nom de ser à la plus hauteinstancenationale...>
touteslesfemmesmariéesà desofficiers et sous- En 1958,lelieutenantRahmanitoujoursen pri-
fficiers nord-africains, [ ...] < dansle dessein son à Fresnesreçoit,au granddam du journal
de vous exprimer la profonde émotion et Rivarol,la visited'EdmondMichelet.I-e 24 jan-
l'anxiété que nous ressentons face au drame v i e r , M a d a m eR a h m a n ir é p o n d à M o n s i e u r
algérien...Cesfemmes,en s'unissantà desmili- Lagre au sujetde son article: < Quefaisiez-vous,
tairesau servicede la France,ont épouséaussi yous le grand Français à la plume émouvante,
l'idéal qui anima cesdernierslorsqu'ils signè- tandisque desmilliers de petits soldatsalgériens
rent leur engagement... La France les met dans combattaientaux côtésdespetits soldatsfran-
la tragiqueahernativede continuerà la servir çais à Cassino,à Strasbourg,en Indochine?...
en trahissantles leurs, ou de renoncerà tout ce ln teneurde vote orticle montreà quelpoint la
qui représentaitleur idéal afin de ne pas avoir, personnalitédu lieutenantRahmani,que vous
tôt ou tard, à combattreleurs.frèresde race... , t e n t e ze n v a i n d e s a l i r , v o u s g ê n e . . .M e r c i ,
(prisonsde Fresnes,censuren' l, archivespri- Monsieur Robert lngre, pour votre superbedia-
véesde MonsieurRahmani). tribe. Votreharpneaurait été le meilleurtémoi-

l2-t;lnollrEyr;rr
I
l,t'

til j'

Mne Rahmanr, Beyrouth dugrandquotidientjrientdontelleestla rédactrice


1959,avecle directeur enchef.
M. Rahnaniestenpilsonà Fresnes.
MmeRahmani seralicenciée
surintervention
deI'anbassadeur deFrance,
surordredugouvernenent français.
Elleestdécédée
I'andernier.

gnage que je puisse ovoir sur la valeur de mon


rrruri, .situurefoisj'en avais douté... (prisons de Un film sur le refus du lieutenant Rahmani :
"
F r e s n e s .c e n s u r en o I , a r c h i v e sp r i v é e s d e Combattre, en deux épisodes, a été produit en
Monsieur Rahmani). 20O4 par le réalisateur Georges Mourier (pro-

Le 2:l juillet 1958. Claude Julien. rédacteurau duction La Lanterne et Citizen TV, en collabora-
journal Le Monde, assureMonsieur Rahmani de tion avec la BDIC et le FASILD).Il est actuelle-
ment disponible en DVD
son soutien: n Vousavezfait en pure perte anti-
L'affaire des officiers algériens a été réédité par
cltttntbredans des ministères. Voilà bientôt un an
les éditions Trois Monde en 2004.
que rous êtes en prison... Puis-je vous dire que
Le film et le livre sont disponibles à: Université
je rte votrssoultaitepas les hotrtteursde hautes
de I'Ignorance,27 Grand Rue,37120 Jaulnay.
r e s p o n s a b i I i t é sp o l i t i q u e s , n t a i s I ' h o n n e u r
Un livre iconographique est voie de réalisation.
d'uvoir Jàit ce que vous dictait v)trc consc'ience
sensen ntesurer le nri.t. " f
Deuxième partie de cette étude dans le prochain
HélèneBRACCO numéro avec lc cas de Michel Ré. soldat du refus.

ill \ t ; 1 ||-. t
{i!Tli{||
AC?ION
$YNNITALI$TE

Goupures :
d'électricité
il Và unsiècle,déià
Depuisquelque temps,descoupures de gazet d'électricité
dites
( sauvages > sontobservées en France.Cetteméthoded'actionn'estpas
nouvelle. Dessyndicalistesdu débutdu XX.siècleI'avaient déjàpratiquée.
C'étaitl'époquedu u roi Pataud>.

d'usine,séquestrations de diri- ou 1àun reste de compréhensionde la part de


1-)ccupations
tu/geants, saccaged'une sous-préfecture, cou- militants ayant gardéla nostalgie des temps
pures de gaz et d'électricité voire même - en anciens.Ainsi, I'union syndicaleSolidaires(avec
dehors du monde du travail proprementdit - les syndicatsSUD au cæur)appelaità poursuivre
sabotagede ligne de TGV: notre pays connaît les défilés du 1"'mai 2OO9par la grève gênérale,
depuisquelquesmois un regaind'actionsvio- si présentedansles discourssyndicauxd'il y a
lentesqui s'inspirenttrès directementdesprin- u n s i è c l e .A i n s i , e n c o r e , I ' h e b d o m a d a i rdee
cipesanarchistes. Force ouvrière (dont la rédactionreste entre les
Globalementdésapprouvées par les respon- mains de militants sensiblesaux principes du
sablessvndicaux.ces méthodesrencontrentici syndicalismede rupture, à la différence de la
plupart des militants Force ouvrière, nourris de
réformisme)apprécieles actionsviolentesen ces
termes: < Aujourd'hui, la situationa tellement
empiré que les séquestrationsont pour but de
p o u v o i r o u v r i r l e s n é g o c i a t i o n s .> ( F o r c e
ouvrière hebdomadairen" 2892,22 avrll2009).
La confédérationForce ouvrière prônait elle-
mêmeI'organisationd'une grèvede 24 heures.
Nous assistonsà une résurgence de l'anarcho-
syndicalisme,si actif aux débutsdu syndicalisme
et si présentdansles rangs de la CGT naissante
en 1895.

Lanren ETSouvARrNE
En 1884,annéeoù fut reconnule droit à se syn-
diquer, Émlle Zola publiait Germinal. Dans ce
I e nrèvc dc<élcatriciens roman ayant la mine du Nord pour cadre de
duI mars1907amena l'intrigue, I'auteurinstalladeux personnages
lessallesdespectacle
à fairerelâcheouà jouer d'importance: Lantier et Souvarine.Le premier
'auxlanternes-. (incarnépar Renauddansle film produit par
Ici, le théâtreRéjane ClaudeBerri en 1993)plaidait pour une action
improviseunepublicité
syndicalerattachéeà I'Internationale,qui s'était
dansla ruepourinformer
qu'unepiècesejoue crééeà Londresen septembre1864et dont Karl
malgréla grève. Marx avait rédigé le Manifeste. Le ooo

tl
t+-{ltTn0t'tl[\.ti!|
(

L c l c i - d e v a n t p u i s s a n t sd u m o n d c , s c r é s i g n a n t à a c c e p t c r c e q u ' i l s n e p e u v c n î e r n p ê c h e rv, i c r n e n t d e m a n C e r
lcur admission aux syndicats ; malheurcusement ils sont un peu gênés pour savoir ceux auxquels ils doivent
I'ldtcsrer €t cela se comprend, leur profcssion êtant si peu déterminéc.
Lc tègne dcs frrlons cst rboli, les parrsites ont vécu.

llli1"1;!l- l.l
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$ïlil||{t,{f
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fOO second (que représente Laurent Terzieff ordonnéeconstruisentune CGT marquéepar la


dans le film) est la figure même de I'anarchiste, R é v o l u t i o n .L é o n J o u h a u xl u i - m ê m e ,q u i
désireux d'une rupture avec le capitalisme mais conduisitpendantquatredécenniesla CGT sur
sans lien avec I'action politique. Pour lui, la rup- une ligne réformiste,fit sesdébutsmilitants
ture passe par la violence et Ie sabotage,qu'il d a n sl ' a n a r c h o - s y n d iicsaml e .
finit par mettre en ceuvre en provoquant une Parmicesmilitantsrévolutionnaires, le person-
inondation du puits de la mine (septième partie naged'Émile Pataudmérited'êtrerelevé.
du roman).
Les deux hommes se trouvant un soir à 1909 : PanrssANSÉLEcrRrcrrÉ
L'Avantage, le café des mineurs, confrontent C'est lui, en effet,qui, à la têtedu syndicatdes
leurs programmes et leurs méthodes d'action. travailleursdes industriesélectriques(STIE,
L'anarchiste Souvarine interpelle durement le crééen 1903),réussità organiserd'importantes
socialiste Lantier (troisième partie du roman) : c o u p u r e sd e c o u r a n tà P a r i sd a n sl e s a n n é e s
< D e s b ê t i s e s! r é p é t a S o u v a r i n e . V o t r e K a r l 1 9 0 7à 1 9 1 0 .
Marx en est encore à vouloir laisser agir les Né à Parisen 1869,Émile Pataudorganisaen
forces naturelles. Pas de politique, pas de 1903la fusion du syndicatdes secteurset du
conspiration, n' est-cepas ? tout au grand jour, et syndicatdesélectriciens. Alors que la Fédération
uniquementpour la haussedes salaires... du gaz était animéepar Louis Lajarrige,connu
Fichez-moi donc la paix, avec votre évolution! pour sesconvictionsréformistes,le nouveau
Allumez le feu aux quatre coins des villes, fau- syndicat(STIE) conduitpar Pataudversatrès
chez les peuples, rasez tout, et quand il ne res- vite dansI' anarcho-syndicalisme.
tera plus rien de ce monde pourri, peltî-êÛe en O b j e c t i f : u n p r o c e s s u sr é v o l u t i o n n a i r el,e
repoussera-t-il un meilleur. < grandsoir > (pour reprendrele titre d'un texte
"
d'Émile Patauden l9l0), æuvredesouvriersles
Aruancno-sYNDrcALrsME p l u s c o n s c i e n t se t o r g a n i s é sf,e r a n a î t r eu n e
S a b o t a g eb, o y c o t t a g ea, c t i o nd i r e c t e : l e s sociétés'étantdébarrassée de toutel-ormed'État.
idées anarchistesne se répandentpas seule- de subordination, d' autorité.
m e n td a n sl e s r o m a n sà g r a n dt i r a g ed ' É m i l e En ruptureavecla Fédérationdu gaz, le STIE
Zola (dont I'indéniabletalentlittérairerivali- r e j o i n t e n d é c e m b r e1 9 0 3l a F é d é r a t i o nd e s
s a i t a v e cu n e c o m p r é h e n s i opnl u s q u e d i s c u - métauxde la CGT.
table des questionsouvrières).Elles irriguent Des grèvesduressontorganiséesà partir de
puissammentles premièresannéesde la CGT 1905,accompagnées de coupuresde courant.
j u s q u ' à 1 aP r e m i è r eG u e r r em o n d i a l e .L e s Celles-cisontamplifiées.Le 8 mars 1907,une
figures d'Émile Pouget,de FernandPelloutier, grève surpriseplonge Parisdansune obscurité
de Victor Griffuelhes,de GeorgesYvetot et de complète,saufaux Halles,à six heuresdu soir.
b i e n d ' a u t r e se s p r i t sh o s t i l e sà t o u t e s o c i é t é P o u r l a p r e m i è r ef o i s , P a r i s , l a < V i l l e -
lumière > est atteinte.Clemenceau,ministrede
I'Intérieur, fait appelaux sapeursdu géniecaser-
nésà Versaillespour remplacerles électriciens.
Cet appelà l'armée fait pousserdeshautscris
aux députéssocialistes;Jaurèsinterpellele gou-
vernement.
Dès le 9 mars,une délégationdesgrévistesest
reçueà I'Hôtel de ville et obtientsatisfactionsur
sesrevendications.

Le < nor Pnrluo >


Fort de ce succès,le STIE multiplie les coups
d ' é c l a t .L e 6 a o û t 1 9 0 8 ,p a r e x e m p l e l,e < r o i
Pataud (ainsiest-il surnommépar la presse)
"
coupe Paris de courantpendantdeux heures
pour soutenirles revendications du personnel.
L e 6 m a r s 1 9 0 9 ( i l y a c e n t a n s ,d o n c ) ,i l
p l o n g ed a n sl e n o i r I ' h ô t e l C o n t i n e n t aol ù s e
t i e n t u n b a n q u e tp r é s i d ép a r R e n é V i v i a n i ,
ministredu Travail.Le 29 novembre1909,le
p e r s o n n e lé l e c t r i c i e nd e l ' O p é r a d e P a r i s
débrayele soir d'une représentation de gala en
I'honneurdu roi du Portueal.L'Élvséeaussiest

l6 - r;tt'ntruu
t' t;l
Buedu Croissant,
lorsdelajournéedegrève,
uneloconobile a été
installéepar unjournal
quotidien pours'alimenter
enénergieélectrique.

visé. Le gouvernement,fort préoccupé,finit les menacesdesélectriciensne sontpas suivies


par avertir que toute nouvellegrève de ce type d'effet. Le journal commente: <<L'éducation
seraconsidéréecommeune tentativeinsurrec- bourgeoiseafait desprogrès depuisle jour, pas
tionnelle. très lointain, où I'on tremblait à l'idée de voir le
Au sein de la Fédérationdes métaux,les initia- courant coupépar M. Pataud,qui oublie aujour-
tives de Pataud,son autoritarismeet son goût du d ' h u i s a r o y a u t éd ' a n t a n d a n s l a p e a u d ' u n
pouvoir même,finissentpar lasser.Cespratiques commerçantactif devenuun o bon > patron >.
syndicales connaissent un déclin. Décédéen 1935,Émile Pataudesttombédans
En octobre1910encore,pendantla grèvedes I ' o u b l i . L e 8 j u i l l e t 1 9 4 9 ,L ' A u r o r e é v o q u e
cheminots,Émile Pataudentenddéclencherune encoreson nom pour stigmatiserles menées
intemrption totale de courantdanstout le dépar- c o m m u n i s t e sà E D F : < I l y a l e p r é c é d e n t
tementde la Seine.L'interventionde I'armée fait Pataud ? Mais feu Pataud n'allait pas chercher,
échouerI'initiative et 350 salariéssontrenvoyés. lui, lesconsignes à l'étranger,.,
Un mandatd'arrêtest lancécontrePataud,pour Cent ans aprèsI'ouvraged'Emile Pataudet
incitation au sabotage.Réfugiéen Belgique, Émile Pouget Comment nous ferons la
Pataudpeut revenir en Franceen janvier 191l. Révolution,rédigé en 1909et préfacépar Pierre
Contesté,il démissionnedu secrétariatdu syn- Kropotkinelui-même,lesidéesde ruptureradi-
dicat en juin I 9 I I , ayant alors évolué vers les cale et les méthodesd'action violenteconnais-
m i l i e u xd ' A c t i o n f r a n ç a i s eP. r o c h ed ' É m i l e sent,aux margesdu mouvementsyndical,un
Janvion,ancienanarchiste,antimilitaristeet anti- regaind'actualité.Nil novi subsole.l
sémite,Émile Pataudtient lui aussides propos
antisémites. BernardVMER

Venst'ougu
À tre aussidansLes Érudessocialeset
Étoignede la CGT, il cessetoute activité syndi-
syndicales:
cale aprèsla PremièreGuerremondialeet s'ins-
Il y a centans,la Charted'Amiens,le
talle à Paris comme artisanélectricien.Dans
20 octobre2m6
L'Illustration dl 29 mai 1920 (qui relate par Faut-il séquestrersonpatron /, 6 avril
ailleurs I'accident de chemin de fer du président 2W9
de la République,Paul Deschanel,tombé du L'action directe, d'Émile Pouget à
train pendantla nuit et recueilli par un garde- MorjaneBaba,le20 avril20O9
barrière,épisodequi donnamatièreaux chanson-
niers),desgrèvesimportantessontrelatées.Mais

l-"t59- 17
fi,llt0trHt
IIED[I,UTTA
l]NA

RenéLefeuure,
isteréudlutionnaire
social
d'unmilitantqui a consacré
Retoursur I'itinéraire sa vie
à la défensede la classeouvrièreà traversla création
et la perpétuationdeséditionsSpartacus.

a vie de RenéLefeuvre(1902-1988) consti- italien et surtoutallemandrésonnantdès lors


T
I-rtue un parcoursmilitant à contre-courant d'une façon particulièrementalarmante.Le
politique du XX" siècle.Employé de banqueà l0 février 1934,Lefeuvrefigure parmi les signa-
15 ans,puis apprentimaçonà 16 ans,sa forma- tairesd'un tract d'intellectuelsintitulé < Appel à
tion intellectuelled'autodidacteest le résultatde la lutte >. Signé entre autrespar Alain, André
son engagementau sein du mouvementouvrier. Breton, RenéChar, Paul Eluard, FemandLéger,
Même s'il est surtoutconnupour son activité André Malraux, Piene Monatte,BenjaminPéret,
d'éditeur, ayantcréé et tenu à bout de bras les JeanVigo, etc., on y reconnaîtaussides signa-
éditionsSpartacusde 1936jusqu'à sa mort, il a turesde Masses:Louis Chavance,Michel Leiris,
égalementété un militant du socialismerévolu- JeanMitry, Aimé Patri, Henri Poulaille, Jacques
tionnaire,courantà peu prèsdisparuaujourd'hui. Prévert,Considérantque < /esévénements de ces
C'est à cet aspectque nous nous attacherons derniersjours nous mettentbrutalementen pré-
principalementici. sencedu dangerfasciste immédiat ), le texte
RenéLefeuvredevienten 1930secrétairedes e s t i m eq u e : ( L ' u n i t é d ' a c t i o n d e l a c l a s s e
< Amis de Monde ,, (Mondeétait une revue pro- ouvrièren'est pas encoreréalisée.Ilfaut qu'elle
che du PC, dirigée par Henri Barbusse).Il orga-
nise des groupesd'études,qui sontdesgroupes
d'éducationpopulaire,avecdesdiscussionssur
des sujetspolitiques,économiques, culturels,
ainsi que des visitesd'expositions.En janvier
1933,c'estla créationdu mensuelMasses,àla
demandedesgroupesd'études.Lefeuvren'écrit
pasencored'articles,mais finance,dirige et gère
la revue,et combleles trousde miseen pagespar
des citations de Karl Marx et de Rosa
Luxemburg.
A l'époque,RenéLefeuvre participe au Cercle
c o m m u n i s t ed é m o c r a t i q u e( C C D ) d e B o r i s
Souvarine,un groupe marxiste résolumentanti-
stalinien.Lorsqu'il relaie dansMassesles pro-
testationsdu CCD contre I'arrestationde Victor
S e r g e t , l e ss y m p a t h i s a n tdsu P C q u i t t e n tl e s
groupesd'étudeset la revue, et L'Humanité
p u b l i e u n e n o t e < <d ' e x c o m m u n i c a t i o n> d e
M a s s e s 2C . e t t ec l a r i f i c a t i o n p o l i t i q u e é t a i t
inéluctable, et permettraune critique plus libre
|. Masses n" 5, mai 1933, de I'URSS dansla revue.
p .8 .
2. L'Humanitén" 12631, Les émeutesfascisantesdu 6 février 1934 pro-
l 4 j u i l l e t1 9 3 3p, . 2 . voquentun électrochocdansMasses,les drames


l ll - {tltn0t'Hn
I' ti9
le soit sur le champ.Nousfaisons appel à tous 1935.La revueest sous-titrée<<Pour la culture
les travailleurs organisésou non décidésà bar- révolutionnaireet I'action de masse>>.Comme
rer la route aufascisme,sousle mot d'ordre dansMasses,lescitationsde Karl Marx et Rosa
Unité d'action. L...1 Nousavonstousprésente Luxemburgparsèmentla revue.
à I'esprit la terrible expériencede nos cama- Sonpremieréditorials'intitule: .<Pourla révo-
radesd'Allemagne.Elle doit servir de leçon. lution socialiste>. Signeconcretde I'internatio-
Vive la grève générale3! ,, nalismede la revue,Lefeuvrey intervieweJulian
L appelest diffusé en tract, et adresséaux syn- Gorkin, marxisteespagnolà 1'époquemembre
d i c a t s( C G T , C G T U ) , p a r t i s d e g a u c h e( P C , du Bloc ouvrier et paysan,futur dirigeantdu
S F I O , P U P ) , e t g r o u p e sd ' e x t r ê m eg a u c h e Parti ouvrier d'unification marxiste(POUM). Le
(L'Union communiste,Union anarchiste,Ligue d e u x i è m en u m é r o( 1 4 d é c e m b r e1 9 3 4 )t i t r e :
communiste,Cerclecommunistedémocratique). < De la lutte antifascisteà I'offensive socia-
Par la suite,et toujourscommeconséquence du liste >, ce qui reflète bien la préoccupationde
dangerfasciste,René Lefeuvrerejoint le Parti Lefeuvre.
socialisteSFIO en août 1934,et s'y rapproche A u t o u r d e l a r e v u e S p a r t a c u ss e f o r m e u n
notammentde MarceauPivert. < G r o u p e S p a r t a c u s> , c o n s t i t u é d e R e n é
Lefeuvreet de militants desJeunesses socialistes
Le cnoupeSpanracus d e l a r é g i o n p a r i s i e n n e( c e r t a i n sé t a n t i s s u s
Victime de la crise économique,RenéLefeuvre c o m m el u i d u C e r c l ec o m m u n i s t ed é m o c r a -
perd son emploi de commisd'entreprise:cette tique). On y trouve JeanMeier, Daniel Bénédite,
absencede revenusentraîneI'arrêt de Masses, JeanRabaut,André Cerf, Gina Bénichou(qui
qu'il ne peut plus financer.Le derniernuméro, s i g n e < B . G i n a > ) , R o b e r t P e t i t g a n d( a l i a s
numéroté15-16,paraîten août1934a. C'estune < Delny >>),ou encoreBoris Goldenberg(exilé
brochureconsacréeà la révolution allemandede
1918-1919, comprenant destraductionsde textes
de RosaLuxemburg(certainsinéditsen fran-
a l l e m a n de t m i l i t a n t d u S A P q u i s i g n e < B .
Gilbert >). La référenceà RosaLuxemburgest
claire,mais sansexclusiveni dogmatisme.Le
msffi tar$ilta

çais).Il s'agitdoncen fait du premiervolumede groupe,qui s'exprimeessentiellement dansla


ce que serontles CahiersSpartacus(ancienne r e v u ee t d a n sl e s J e u n e s s esso c i a l i s t e s( J S ) ,
appellationdeséditionsSpartacus).D'ailleurs, défendune orientationrévolutionnairesanspour
les éditions Spartacusrepublierontce volume, autantadhéreraux dogmesléninistes.Dansle
c o m p l é t ée, n 1 9 4 9p u i s e n 1 9 7 7 .G r â c eà s o n numéro 8 de Spartacus,le groupeestimequ'il
expériencede Masses,Lefeuvrea acquissur le faut:
tas le savoir-fairede l'édition. et il devientalors < Substitueraux organismesde la démocratie
corTecteur. bourgeoise,indirecteetfalsffiéepar la puissance
Quelquesmois plus tard,RenéLefeuvrefait à du capitalisme,I'organisation de la démocratie 3. < Appel à la lutte >,
nouveauparaîtreune revue,qu'il appellecette directedesmasseslaborieuses.1...1Pas d'illu- tract du l0 février 1934, I p.
f o i s S p a r t a c u s- e n h o m m a g e à l a L i g u e sionsparlementaires: aucuneclassedirigeante 4. Ce numéro double,
réalisé pæ André et
Spartacusde RosaLuxemburg.Dix numéros n'a cédésa place de bon gré. Pas d'illusions Dori Prudhomeaux, praît
paraissent,du 7 décembre1934at 15 septembre putschistes: la révolutionprolétarienne OO) aprèsle n' 19.

r" lit}- lll


f;trn0(ïr
VIA
IJNH DilTUTTA

OOO est I'euvre des massesprolétarienneset ment une audienceimportante au sein de la


non un coup de main d'une minoritê. > SFIO. Des contactsinternationauxsont établis,
D a n s u n t r a c t d e 4 p a g e si n t i t u l é < L e t t r e contactsétroits avec les différents partis du
ouverteaux camaradesde Spartacus| >, daté du Bureauinternationalpour l'unité socialisterévo-
23 août 1935,Fred Zeller (membred'une autre lutionnaire(dit < bureaude Londress>), d'autant
tendancedes JS, qui venait d'être exclu par la plus facilement que certains- comme le SAP
direction nationale) s'oppose au groupe allemand(SozialistischeArbeiterpartei) - ont
S p a r t a c u s L. e s t r o t s k y s t e ss ' o p p o s e n tp l u s leur directionen exil à Paris.
encoreà ces révolutionnairesqui se situent, RenéLefeuvre s'implique dansI'accueil des
commeeux, à gauchedesJS, mais sansse ranger exilés du SAP qui fuient le nazisme,et aide à la
derrière la < bannière> du bolchevisme.Face à parution de la pressede ce parti < socialistede
leurs critiques,le groupe Spartacusréponddans gauche>>i Die Neue Front et Das Banner der
le numéro8 de la revue: RevolutionarenEinheit. Au moment de la guerre
< Nosdésaccordssur les méthodesd'organisa- civile espagnole,la solidaritéseraactive avec le
tion et nos désaccordssur les questionsde poli- POUM, des militants GR se rendant régulière-
tique généralesont intimementliés. 1...1Nous ment à Barcelone,et faisant paraîtreen français
répudions la conception militariste et dictato- le journal du POUM, La Batalla, sousle ttûe La
riale de l'organisation centraliséepar en haut et Révolutionespagnole.
nous luttonspour desformes d'organisation qui Au sein de la GR. René Lefeuvre est membre
permettentle plein épanouissement de la sponta- du comité directeur,chargédespublications.Il
néité révolutionnairede la classeouvrière. f.. .l s'occupedu bulletin du courant: La Gauche
Nous identifions,avecMarx, Ia dictaturedu pro- révolutionnaire. Ix, 25 octobre I 935, il fait paraî-
létariat à la démocratiedirecte 1...1Nous esti- tre une nouvelle série de Masses,reprenantcer-
mons néfasteà la classeouvrière I'idéologie du tains articles du bulletin La Gaucherévolution-
chef infaillible , qui d'une manièreautoritaire naire iîterne à la SFIO. Le no I porte le
dirige la politique d'une fraction ou d'un sous-titre <<Revue de Culture Socialiste et
partit. > d'Action Révolutionnaire>. et I'article de une
Dans le numéro9, le constatglobal qui est fait s'intitule <<Pour la révolution socialiste! >.
5. <.Dans les Jeunesses
sur les organisationsde masse(PC-SFIC et PS- Page 5, on remarque un entrefilet appelant à
Socialistes: Principes et SFIO) est sansillusion: ln JC et Ie PC ne sont contacterle Bureau internationalpour I'unité
tâchespratiques
"
", plus des organisationsrévolutionnaires.Nous socialisterévolutionnaire.
Spartccus, avril-mai 1935,
pensonsque le pôle révolutionnairerésidemain- Syndicalistedepuisles années1920,Lefeuvre
P.12.
6. < [æs Bolcheviks- lenant dans les élémentsde gauche du Parti tient la rubriquesyndicaledansLa Gaucherévo-
Léninistes et nous >,
socialistel. > lutionnaire. En octobre 1935.il saluela réunifi-
Sparracas, avrifmai 1935,
p. 15. Cette analyse- qui seraconfirméepar I'atti- cationentrela CGT et la CGT-U, et plaide
7. André Cerf, Du défai-
" tude des uns et des autresau cours de la grève <<pour une CGT de combat>: <<Ia CGT unique
tisme rÉvolutonnaire au
généralede juin 1936- a commeconséquence sera ce que sesmilitants voudrontenfaire. [. . .]
communisme tricolore
",
Spartacus, juin-juillet 1935, que RenéLefeuvreet le groupeSpartacuscontri- Le mouvementsyndical doit se déterminer lui-
p.15. buent à créer en septembre/octobre1935 la ten- mêmeen pleine indépendance,sans aucune
8. Ce rassemblementmr-
xiste, qui s'opposait à la fois
dance<<gaucherévolutionnaire> (GR) de la interventionde l'extérieur [...] Cette indépen-
au Éformisme et au stali- SFIO, dont le porte-paroleseraMarceauPivert. dance du syndicalismene saurait être, bien
nisme, regroupait notamment Le groupe Spartacuss'intègre pleinementà la entendu, l' indép endance des diri g eants syndi-
le POUM, le SAP, I'LP, et
plus tad le PSOP.Voir: GR, et cessedoncd'existeren mêmetempsque caux à l'égard des syndiqués[...] Ilfaut absolu-
Michel Dreyfus, Bureau de
" la revue. mentintégrerleschômeursdansle ryndicat.[...]
Paris et bureau de lnndres:
Maintenant que le premier objectif : l'unité, est
le socialisme de gauche en
Europe entre les deux guer- La Gnucxe RÉvoLUTroNNArRE atteint, il importe avant tout de mette fin à la
res r>,k Mouvement social La Gaucherévolutionnaire,au-delàdes mili- passivité syndicalee.>
n'll2,juillet 1980.
9. René læfeuvre, o Vive
tantsles plus à gauchede la SFIO, regrouperapi- En février 1936,rl observel'émergenced'un
I'unité syndicale Iz
",
dementdivers courantset individualitésqui res- nouveau mode d'action: < Dans certainsmou-
Gauche r rhtolutionrni re, sentaientle besoind'une structurerévolution- vementsrevendicatifsqui se sont produits en
n' l, 20 octobre 1935,p. 8 -
idem dans Masses, n" l, naire à gauchedu PC, et qui adhèrentà la SFIO France, en Angleterre,en Belgique,en Hongrie,
25 ætobre 1935,p. 8. pour rejoindre la GR. Elle acquiertprogressive- en Suisse,etc.,les ouvriersont occupépendant

2{l-mrnrn'm
r"ri:t
léninistes.mais aussidansune moindre
mesurelibertaires).D' abordbrochures
d'actualité,les Cahiersdeviennentpro-
g r e s s i v e m e ndt e v r a i s l i v r e s , e t l e s
CahiersSpartacusdeviendrontles édi-
tionsSpartacus.

Le PSOP
Lorsque, en juin 1938, la GR est pous-
sée hors de la SFIO. ses militants créent
l e P a r t i s o c i a l i s t eo u v r i e r e t p a y s a n-
PSOP (ce nom l'emportant face à une
autre proposition, < Parti socialiste révo-
lutionnaire >). Lefeuvre est un des fonda-
teurs de ce nouveau parti. Son orientation
est affirmée dans sa charte:
< IE PSOP, entièrement au service de la
défense et de l'émancipation de la per-
sonnalité humaine, proclame sa volonlé
de lutter contre toutes les formes
d' oppression et d' exploitation, qu' elles
soient de classe, de sexe ou de race. [...1
Le PSOP est un parti de classe qui a pour
but de socialiser les moyens de produc-
tion et d'échange et de transformer les
moyens d'échange en moyens de distribu-
plusieurs jours les usines ou les mines. Ils ont tion, c'est-à-dire de substituer à la société capita-
choisi eux-mêmes en dehors et contre la bureaLt- liste une société collectiviste, socialiste ou com-
cratie sr-ndicale cette forme d'action, parce m u n i s t e 1 . . . 1L e P S O P c o n s t a t eq u ' e n r é g i m e
qu'ils estimaientavecjuste raison que cette capitaliste la dictature économique et politique
pression serait plus sensibleau-t capitalistes [...1 de la classe possédante est un état permanent. Il
kt grève générale reste I'arme suprême du mou- ffirme que l'édification d'une société socialiste
v e m e n l o u v r i e r o r g a n i s é ,p o u r i m p o s e r s e s n'est possible que si les tavailleurs détiennentIa
revendications,et conquérir sa libérationto. totalité du pouvoir politique et économique. Le
"
Voyant son observation pleinement confirmée pouvoir ne peut être I'apanage d'une fraction,
pendant la grève générale spontanée de d'une secte ou d'un parti politique, mais
juin 1936, il s'enthousiasmepour I'occupation l'expression des couches profondes de la popula-
10. René Lefeuvre.
des usines '. C'est la vie elle-même qui a indi- tion laborieuse, édifiant, sur les ruines du vieil Bilan et perspectivesdu
" "
qué à la classe ouvrière cette méthode de lutte ; Étut bureaucratique des oppresseurs, la libre mouvement syndical uni-
fié ln Gauche révolution-
aucune tendance ne peut en réclamer la pater- démocratie des travailleurs assemblés dans leurs ",
nqire,n" 6,25 février 1936,
nité . l. ..1 L'élan des travailleurs est magniJique. localités et dans leurs entreprisest2.r, p. ll -idemdansMasses.
n' 5-6.25 février 1936,
[...] Espérons que les travailleurs sauront égale- René Lefeuvre est chargé de I'hebdomadaire
p.ll.
ment enfinir avec la bureaucratie syndicalett. > Juin 36, qui avait été créé en février 1938 comme ll. René Lefeuvre, Vivc
"
Quelques mois après ce mouvement spontané, organe de la fédération SFIO de la Seine (dirigée I'action directe ! lz
",
Gauche révolulionn0ire,
il crée les Cahiers Spartacus.Il annonce en octo- par la GR), et qui devient le journal national du
n " 9 , 1 5 j u i n 1 9 3 6 . p p l. 0 - 1 1 .
bre et novembre 1936 une brochure qu'il doit PSOP. Lui-même écrit très peu, si ce n'est pour 12. Charte du Parti socia-
écrire : Socialisme et action syndicale - le rappeler quelques principes marxistes fondamen- liste ouvrier et paysan. adop-
tée le 17 juiller 1938.ce
contrôle ouvrier, mais elle ne verrajamais le taux : (r On ne résottt pas les antagonismes de texte était imprimé dans la
jour. Les parutions de Spartacussont néanmoins classe avec des chiffons de papier, mais par la carte d'adhérent du PSOP.
très nombreuses, et couvrent un large champ suppression du patronat et du salariatt3. > 13. René Lefeuvre, M.
"
Chautemps, I'arbitrage et la
politique, regroupant les divers courants révolu- Face aux méthodes < entristes > des trotskystes "paix sociale" >,.Juin36,n"
tionnaires antistaliniens (surtout marxistes non- au sein du PSOP, Lefeuvre affirme dans aal spécial,15 février 1938.p.3.

{ ;iliil tl l\'t;t|
f - :l I
VIH
UNB DBIUTTI]

OOO une tribune libre de Juin 36 son opposi-


tion au léninismei < Les principes réactio4-
naires : caporalisme,jésuitisme et démagogie
qui sont inséparablesdu bolchevismede la déca-
denceet existaientd'ailleurs en germedans le
bolchevismeprimiilf sont inconciliablesavec Ia
doctrine du socialismerévolutionnaire I...1
Nous sommesau servicede la classeouvrière et
profondémentconvaincusque sa libération vi(.n-
dra d'elle-mêmeet non d'une clique de sau-
veurs,chefsprédestinés et sansscrupule.l...f
Les moyensmalhonnêtesne sontpas desmoyens
libérateurs : ils remettentle but final lui-même
en causet4. )>
Lefeuvre tient à refaire paraître Masses,ce
q u ' i l p a r v i e n tà f a i r e e n j a n v i e r 1 9 3 9 .I l
explique sesintentionsdansun tract intitulé
,, Masses va reparaître >>i<<Notre désir est de
faire paraître une revue de large culture socia-
liste et humaineà lafois. Une grandeplace y captivité.En janvier 1946,ilpeut faire reparaître
s e r a r é s e r v é ed u x .q u e s t i o n sp o l i t i q u e s e t Masses, avec le sous-titre < Socialisme et
sociales envisagéesdu point de vue de la libé- Liberté >. La perspectiveclairementaffichéeest
ration de I'hommepar la révolutionsocialiste. o la nécessité,pour le mouvementouvrier, d'un
[...] Il est indispensable au mouvementouvrier, organesocialisterévolutionnniret1 .>
s'il veut vaincre, de s'assimiler toutesles expé-
rienc.espasséeset présentesdu prolétariat Le comarr ANTTSTALTNTEN
international. Note revue s'efforcera d'en Dans le no 3 de la revue.Lefeuvre dénonce
tirer les leçons critiques. Beaucoupd'événe- < l'attitude fuyante de certains intellectuelsqui
mènts,tant en France qu'ailleurs, sont mal- se taisent devant la dictature stalinienne>,et
14. René læfeuvre, < Une heureusement oubliés,quand ils ne sont pas explique sespropresintentionsi <<Nous voulons
activitéscissiomisteau sein systématiquementdéforméspar l'esprit de
du PSOP Jurn 36, n' 55,
faire de notre revue un instrument de libre inves-
", secte.[...] Si I'idéal du socialismerévolution- tigation et de convergencede toutes les énergies
l 9 m a i 1 9 3 9 ,p . 3 .
15. < Masses va naire doit être, selon nous, l'inspiration essen- créatricesnécessairesà la révolution socialiste.
[. ..] Abandonner aux p seudo-r évo lut ionnaires
repilaître >, tract préalable à
tielle d'une semblablepublication, nous reje-
la pmtion de la 3" série de
Masses (no I en janvier tons l'esprit de secte,de chapelle ou de parti staliniensla direction du combat,ce serait cou-
1939). non daté - certaine- commeplus nuisiblequ'utilsts., rir à la défaitecertainetï.>>
ment novembre ou décembre
1938.
Cette nouvelle série,strucfurellementindépen- En mai 1946 il publie une brochure détaillant
16. Maurice Jaquier, dantedu PSOB ne compteraque 3 numéros,la les volte-facedu PCF: La Politique communiste,
Simp le mili tant, Denoël, guerre venantinterrompresa parution.En effet, ligne et tournants. En réalité, la brochure n'est
1 9 7 4 , p p .t 7 t - 1 7 2 .
17.*Ànosvieux
Lefeuvreest mobilisé en septembre1939et ne pas écrite que par lui (il l'écrit avec un autre
amis... Masses,25 janvier
".
peut faire paraîtrele numéro4. Maurice Jaquier, militant SFIO, prochede la direction), mais il la
t946,p.4. militant du PSOP,raconteraplus tard : < René signeseulre.La virulencede la brochurefait que
18. René læfeuvre,
<<Libérons-nous de toutes les Lefeuvre,sur une dernièrepoignée de main, me la SFIO lui proposeun garde du corps pour faire
équivoques Masses,juin
", dit : "La guerreva ruiner le pays.. . le prolétariat face à une éventuelleagressionstalinienne,ce
1 9 4 6 ,p . 3 .
devrait hériter d'une sociétériche s'il veut cons- Qu'il refussztt.
19. Cf. entretien avec
René læfeuvre, dans Uertiges truire le socialisme...nousallonsavoir du che- Le PCF est analysédanscettebrochurecomme
dcs lettes,juin 1984, p. 10. min à fairer6." > Fait prisonnierle 28 mai 1940à un parti inféodéaux dirigeantsde l'URSS et
20. Cf. lenre de René
Lefeuvre à Piere Commin,
Furnes,il parvientà s'évaderle jour même.Il est <<totalementdépoumu de principes révolution-
25 mars 1949. à n o u v e a uf a i t p r i s o n n i e r l e 4 j u i n 1 9 4 0 à naires2t>>.RenéLefeuvre considèreque le Parti
21. René læfeuvre, lz Dunkerque,et va rester cinq ans dansun stalag uniquerusseest<<une bureaucratiecivile et mili-
Polit ique comuni ste, li gne
eI toumnts,Spartacu's, au nord de I'Allemagne. En juin 1945,René taire > qvi tend à ête rune< nouvelle classediri-
1946,p. 5. Lefeuvre rentre enfin en Franceaprèscinq ansde geante)) et fait que < /'URSSn'est pas davan-

-l al
zl - 0ltR0t'il}]
I" ti9
tage le pays de l'égalité que celui de la liberté rismes repose sttr le mépris des individus et des
mais vit sous un régime de stricte hiérarchie n t a s s e sc o n s i d é r é s c o m m e i n s t r u n r e n t s d e s
'-
sociale et de conîrainte dictatoriale "; I'URSS vt'lonlés sLtpérieuresde l'état, du ltarti, de l'
E S I< <u n c a p i t a l i s m e d ' E t a t ! 2 , . L e t e x t e s e glise ou de la race2a...
"
conclut en préconisant < la Révolution socia- I)ans Masse.sno 11, la revue affirn)e son orien-
liste pour I'URSS23. tation : < Nous ne pouvons pas imaginer le socia-
"
En 1947, il écrit dans Masses no 7-8: o Nous l i s m e a u t r e m e n t q u ' a s s o c i é à l a d é f e n s ed e s
savonsfort bien ce qui se cache derrière l'anti- liltertés individuelles qu'il n'a pas pour mission
communisme de certains : la volonté de discrédi- d'interrompre mais de développer. [...] Nolrs 22.|d..p.6.
ter la grande aspiration des masses à la justice nous réclamons du socialisme révolutionnaire. 23.|d..p.45.
sociale en confondant intentionnellement le C'est que, de même que les deu.untots, socia- 2'1.René Lefeuvre.
Rcsponsabilité des
socialisme avec le totalitarisme qui en est la listtre et liberté, rtousparaissent iuséparables, "
peuples'lr. Mrrrres.févricr-
népation. Le stalinisme comme tous les totalita- I'action ré'v,olutionnaire et I' héritase ÇOt, mars 19.17.pp. I0- l | .

RENE LEFEUVRE POAR LE militant avide de connaîtreI'histoire


SOCIALISME ET LA LIBERTÉ et les débatsdes courantsrévolution-
nairesantistalinienset, pour I'essen-
Un fïlm de Julien Chuzeville (inclus t i e l , n o n l é n i n i s t e sd e s d é c e n n i e s
en livret, René Lefeuvre, socialiste p r é c é d e n t e se, n p a r t i c u l i e r d a n s
révolutionnaire, 12 p.r), DVD vidéo I'entre-deux-guerrese , t de se
de 40 mn, Spartacus,20082, 10 € confronter aux tâchesde I'heure.
Divisé en courtesséquences, ce por-
Ce court documentairesur la vie et t r a i t , o ù i r p p a r a î tl a s y m p a t h i ed u
le parcours militant de Rcné r é a l i s a t e u rp o u r s o n p e r s o n n a g e ,
Lefeuvre a été réalisé avec des s'appuiepour I'essentielsur un entre-
m o y e n sm i n i m a l i s t e sm . aisparvient tien filmé avec Lefeuvre à la fin de sa
à présenterun portrait juste et atta- vie, sur qtrelquesimagesd'archives,
chant du fondateur de la revue et des et, surtout.sur les témoignagesde ses
éditionsSpartacus. prochesaprès 1968- à I'exception de
S u i v a n t u n o r d r e c h r o n o l o g i q u e ,i l Marcel Cerf qui I'a connu dès le
i n s i s t es u r l a c u l t u r e p o l i t i q u e d e d é b u t d e s a n n é e s1 9 3 0 .L e l i b r a i r e
départ de Lefeuvre, peu connue FrançoisCerutti, I'ancien correcteur
a u j o u r d ' h u i ,e t l e s m i l i e u x q u ' i l a Daniel Cuerrier, la journaliste
f r é q u e n t é sd u r a n t l e s a n n é e s1 9 3 0 : C h r i s t i a n eP a s s e v a n tl.' é c r i v a i n e t B o u r s e sd u t r a v a i l o u d ' u n M a r c e l
les Amis de Monde,la revue d'Henri traducteur Serge Quadruppani, Martinet avec son essai,Culture pro-
B a r b u s s e; l e C e r c l e c o m m u n i s t e I ' e s s a y i s t eJ o r g e V a l a d a s ,m i e u x létarienne, René Lefeuvre a su cons-
démocratiquede Boris Souvarine;la connu sousle nom de plume de tituer durant des décennies.littérale-
Gauche révolutionnaire de la SFIO Charles Reeve, ou encore Jean- ment avec< desboutsde ficelle ". un
de Marceau Pivert, puis le Parti Michel Kay. qui anime actuellement c a t a l o g u ed ' u n e r i c h e s s eé t o n n a n t e
socialisteouvrier et paysan.Revenu les éditionsSpartacus,brossentainsi e n f a i s a n t s i e n n el a d e v i s e t l e L a
à l a S F I O a p r è s - g u e r r ei.l l a q u i t t e p a r p e t i t c s t o u c h e sI ' i m a g e d ' u n l i b r a i r i e d u t r a v a i l , u n a u t r eé d i t e u r
définitivement au moment de la autodidactedont la vie s'est confon- militant : < La vie ertsei.gne, le livre
guerred'Algérie et n'aura plus due avec une æuvre d'éducation Jtrécise >.
d ' e n g a g e m e n tp a r t i s a n ,s e c o n s a - populaire où la revue doit amener au
c r a n t e x c l u s i v e m e n tà I ' a n i m a t i o n livre comme outil d'émancipation. l. Ce textc cst rcproduit ici même alec la gracieuse
autorisâtionde l'auteur et de l'ciditeur.
des Cahiers Spartacusqui, après mai Dans le prolongementd'un Fernand 2 . h t t p : / / a t h c l e s . o r g / s p a r t a c u sd/ d/ rre n e l e f e u v r e /
1968,vont cristalliserun petit milieu Pelloutier avec l'æuvre éducativedes index.html.

i;iliilli!li:1"l;$- l"J
INNYIBilATUffI]

OOO humanistenous semblentnécessairement pour but d'apporter à nos lecteursdes éléments


liés.[...] Si nousn'avionspas tant d'autresrai- de connaissance qui éclaireront leur jugement
sonsde refuserde nous enrôler dans le camp de etfaciliteront leur participation à la lutte contre
la dégradantedictature stalinienneet dans celui l'exploitation capitalisteet aux tôchesrévolu-
de l'impérialismeaméricain,il nousresteraitau tionnairesqui s'imposentaux militants21>.
moinsceci: pour éviter la troisièmeguerremon- La revues'arrêteen raisonde sesproblèmesde
diale qui menace,nousovonsun espoir: le sur- santé,et de l'épuisementde sesfinances.Son
saut vital, I'instinct de conservationqui unira activitéd'éditeurconstituealorsI'intégralitéde
internationalementles peuplessur des bases son militantisme.
socialistes25. > Les vingt demièresannéesde sa vie, de 1968à
Annonçant la création du Kominform, 1988,sont ainsi les plus fécondespour Spartacus
Massestitre : ( L'Externationalestalinienne par le nombred'ouvragespubliés.Il s'agit de tra-
s o r t d e I ' o m b r e : D é c l a r a t i o nd e g u e r r e a u ductionsde théoricienspeuou purspubliésen fran-
Socialisme26 r. çais,de texteshistoriquesoriginaux,ou d'essais
René Lefeuvreet Massessont plus ou moins politiquesécritspar desauteursprochesde lui.
liés au groupe < Socialismeet liberté >, dirigé Toujoursenthousiasmépar les luttes révolution-
par MarceauPivert, qui comprendde nombreux nairesdansle monde,il a en particulieréditéplu-
militants de la gauchede la SFIO mais aussiune sieursouvragessur les mouvementsqui se sont
personnalitécommeHenri Frenay(alorsmembre déroulésau Portugalet en Pologne.
de I'Union démocratiqueet socialistede la résis- RenéLefeuvreaété pendantsoixanteansun
tance).Dans cettelogique,Lefeuvreparticipeen militant fidèle au courantsocialisterévolution-
juin 1947 au premier congrèsdu Mouvement naire,s'inspiranten particulierde la marxiste
pour les Etats-Unissocialistesd'Europe (consti- RosaLuxemburg,s'attachantà Ia défensede la
tué autour d'anciensdu Bureaude Londres), démocratiecomme baseindispensabledu mou-
dont Pivert estélu président. vementouvrier. Refusanttout dogmatisme,et
l ù d a i sM a s s e sd o i t s ' a r r ê t e r à n o u v e a ue n d'une grandemodestie,il consacraitson argent
1948.L'activité politique de René Lefeuvre et sontempsà faire vivre sesrevuessuccessives
diminue alors largement,jusqu'à ce que I'atti- a i n s i q u e l e s é d i t i o n sS p a r t a c u s: < D è s q u e
tude de Guy Mollet pendant la guerre j'avais quatresous,je sortais un numéro.Quand
je n'avais plus rien, je m'arrêtais. J'y mettais
d ' A l g é r i e l e f a s s ed é f i n i t i v e m e n tq u i t t e r l a
S F I O . I l p o u r s u i t n é a n m o i n sl e s é d i t i o n s tout ce quej'avais, aidé d'ailleurs par quelques
S p a r t a c u sa, v e c u n e q u i n z a i n ed ' a n n é e sd e camarades.Je me souviensd'un numéro de
quasi-interruption pour causefinancière. Massesquej'avais payé en portant à I'impri-
meur le chèqueque venaitde me remettremon
Le nerouRDEsÉDrnoNs Spanracus patron: 1 500 F, ce qui coruespondaità lafac-
L'année 1968voit la reprisedes éditionsde ture.Ensuite,il ne me restaitplus rien etje vivais
façon régulière: Lefeuvre prend sa retraite le sur la ventedesnuméros2g. ,
l"'janvier 1968et a épongésesdettes,ce qui Il meurt un an avant la destructiondu mur de
lui donnele tempset la possibilitématérielle Berlin, symboled'une desformesd'oppression
de se consacrerà son æuvreéditrice.D'autre qu'il avait combattues.Suivantson souhait,il a
25. .. læ sens de notre part, le mouvementde mai 68 entraîneun vif été incinéréet sescendresont été dispersées au
action >, Ma$eJ, ætobre- intérêt pour les textesrévolutionnairesnon- pied du Mur desFédérés.L'associationLes Amis
novembre 1947,pp.3-4.
26. Masses, ætobre-
conformisteset antiautoritairesqui constituent de Spartacus, qu'il avaitcrééeen 1979,poursuit
novembre 1947, p. 15. En le cataloguede Spartacus. depuisvingt ansI'activitédeséditionsSpartacus,
couverture, le titre est: < [æ
RenéLefeuvreregroupeautourde lui desmili- qui a pu être décrite comme < la plus belle édi-
Kominform déclre la guene
au sociâlisme >. tantsde divers courantsde I'extrêmegauche tion politique de France2e>.
27. René læfeuvre, non-léniniste,rejetantle sectarisme,et favorisant Quelquesannéesavant sa mort, RenéLæfeuvre
" Spartacushier et demain ". un libre débatd'idées.Les éditionsSpartacus déclarait en forme de bilan : si j'ai appris
Sparrdcls, novembre-décem- "
b r e 1 9 7 5 ,p . 2 . existefltalors dansune totale indépendance poli- quelquechoseà quelques-uns, si j'ai transmisla
28. Entretien avec René tique,animéespar la convictionque le dévelop- volontéde continuer le combat révolutionnaire,
Lefeuvre. Vertigesdes
leures,jtuin1984,p.9
p e m e n t d e I ' e s p r i t c r i t i q u e e s t u n é l é m e n t je m' estimeheureux3o., I
29. Claire Auzias, Un indispensableà I'action révolutionnaire.
Paris révolutionruire, Il relanceune revue Spartacus,sous-titrée Julien CHUZEVILLE
Nautilus. 200 I . p. 2,14.
30. Vertiges des lettres,
< Socialismeet Liberté >>,de 1975 à 1979.Dans
j u i n 1 9 8 4 ,p . l l . le no l, il expliqueson objectif: < Nousavons Textepubliépar leséditionsSpartacusenmai 2008.

JI
l+ - {;ltRtf$t[
I" ti9
INTEITI|IT
I,jtBt|ISSt|il

lafantastique
la Iéeuerte_-ou
deI'absinthe
histoire
Laféeverte,quelbeaunompouruneliqueurqui a marquétouteune
époque! Ellea surtoutaccompagnéla dégradation
de la conditionouvrière
(l'AssommoirdeZola,ISTT),maisa aussiétéla museet I'amiedesartistes
et resteencorepleinede mystères.

la plantemédicinalequi doit son nom à


J)e
l - l A r t e m i s , à l ' a p é r i t i ft a n t d é c r i é ,l i é p o u r
nousà I'alcoolismede la fin du XIX' siècleet
aux artistesplus ou moinsmaudits,l'absinthea
connuune histoireriche en rebondissements.
C'est une plantevivacequi poussesur les ter-
rainsincultes,secset rocailleux,jusqu'àune alti-
tude de 2000 m ; c'est une variétéd'armoise,
catégoriede plantesregroupantdes herbacées,
des arbrisseaux et des arbustes,généralement
a r o m a t i q u e s d, e l a f a m i l l e d e s a s t é r a c é e s r .
Uabsintheofficinale ou grandeabsinthe(artemi-
sia absinthium),encoreappeléepopulairement
aluine,alvine,herbesainte,herbedesvierges,
herbeaux vers,présenteune tige vert argenté,de
40 cm à I m. duveteuse. dressée et cannelée. I-es
feuilles sont gris verdâtredessus,blanchesdes-
sous,soyeuses,pétioléeset très découpées.La
floraison a lieu de juillet à septembre.Les fleurs
sontjaunes,tubuleuses, groupéesen petitscapi-
tules globuleux.
L'odeur de cette plante l Lafmilledes
estfortement
aroma- iiffi'.'"'J:Ttl''"it
:Ï#
tique et sa saveur très espècesdeplmtesherbâcées
(aster'dahlia'pissenlit'
amère. L'absinthe pon-
tiqueoupetiteabsinth"ËifiTïhÏffiT:lli;]""
(artemisia pontica) 6 leurfleur'uneinflorescence
des feuilles petites et ::i::::::ffi i:':';'j:. *
très divisées, OOO en lmguettesurle pourtour.

I' t;i$- 2i)


tiIn0{'il1]
I,,IBOI$${IN
ITTARNITil

OOO cotonneuses seulement en dessous. Elle sam,dansun papyruségyptiendatantde 1600


restebasseet en touffes.Son odeuret sa saveur avantJésus-Christ qui mentionnede nombreuses
s o n t b e a u c o u pm o i n s f o r t e s q u e c e l l e sd e l a r e c e t t e sà u s a g em é d i c a l .C h e zl e s a n c i e n s ,
grandeabsinthe.La petiteabsintheest surtout I'absintheétaitconsidérée commeI'emblèmede
utiliséepour la colorationde la liqueur. la santé.On la cultivait danslesjardins et les
Le nom latin communà toutesles armoisesest pauvresla semaientdansles pots.Sa simplepré-
a r t e m i s i a ,c e q u i l e s c o n s a c r eà l a d é e s s e senceconstituaitpour eux une protectioncontre
Artémis.D' aprèsI' I Ii ade,Artémis,sæurjumelle les maladies.Chezles Romains,PlineI'ancien,
d'Apollon, est une infatigablechasseresse, mais grandnaturaliste,vantaitsesnombreuses qua-
égalementIa maîtresseet la protectricedesbêtes lités. Dans sonHistoire naturelle,il fait la pre-
fauveset de la naturesauvagetout entièrequ'elle mièredescriptiondétailléede I'utilisationet des
défendde I'aneintedeshommes.Par extension, vertusde I'absinthe: < II y a plusieurssortes
artemisiasignifiebonnesanté.L'absinthea tou- d' absinthes: celleappeléeSantonique, venant
j o u r s é t é c o n s i d é r é ec o m m eu n e p l a n t ea u x d ' u n e v i l l e d e G a u l e ,e t l ' a b s i n t h eP o n t i c a l e
vertusmédicinales. venantde Pontus,où le bétail s'en gave et est
L'huile essentiellede la grandeabsinthecom- pauvreen bile, il n'y a point de meilleureque
p r e n dp l u s d ' u n e q u a r a n t a i n d
ee c o m p o s a n t s cettedernière:I'absintheitalienneestbienplus
dont la concentrationdépenddesconditionsde amère,tandis que la Ponticaleest douce. Tbutle
mondes'accordequant à sesutilisations,car
c'est uneplante très simpleà trouver et parmi
lesplus utiles; de plus, elle est utiliséeà son
honneurdans maints rites du peuple romain,
puisqueles vainqueursdescoursesde chariotsà
quatre chevauxdu Capitole du festival latin
boiventde l'absinthe,crois-je,purce que nos
ancêtresétaientd'opinion que le don de la santé
é t a i t u n e r é c o m p e n s eh o n o r a b l e .> D ' a p r è s
Pline,I'absintheresserrel'estomac,fait sortir la
bile, a desvertusdiurétiques, amollitle ventre,le
guérit s'il est douloureux,chasseles verset dis-
sipeles faiblesses d'estomacet les flatuosités,
elle aideà la digestion.Chezles Grecs,Galienla
recommandaitcontre la malaria et Hippocrate
contreI'ictère(launisse).
Les poètesgrecsI'appelèrentabsinthion,parce
que la tisanepréparéeaveccetteplanten'était
pasbuvable.Étymologiquement, absintheveut
dire en grec< qu'il est impossiblede boire >, ou
encore<<privéede douceur>. Dès cetteépoque,
on se servit de ce mot au figuré pour exprimer
tout ce qu'il y avait de plus amer dansla vie.
i,,,û&rmt * wt-Êouî& *tuttffi ,Sl/* Dansles écrituressaintes,elle estle symboledes
épreuveset deschagrinsde la vie.
culture.La thuyoneest le principeactif de la Le vin d'absintheétait une boissoncourante
planted'absinthe(on le retrouveaussidansla pendanttout le Moyen-Âge.Il était composé
s a u g ee t l e t h u y a ) .C ' e s t l e p r i n c i p a lé l é m e n t principalementd'hysope(plantevivacedester-
incriminédansla toxicité de I'absinthe,elle est rainsrocailleuxdes régionsméditerranéennes),
considérée commehallucinogène. Il semblerait d'anis et d'absintheet était utilisé pour soulager
qu'il y ait une certainesimilaritéentrela struc- angines,inflammationsdespaupièreset rages
ture moléculairede la thuyoneet celle de la tetra- de dents.
hydrocannibine(composantactif de la mari- L ' u t i l i s a t i o nd e I ' a b s i n t h ed a n sl a p h a r m a -
j u a n a ) . L ' a b s i n t h ec o n t i e n t é g a l e m e n td e copéefut définitivementconsacréepar 1'école
I'absinthinequi constitueI'une dessubstances de Salerne,prèsde Naples,qui joua au XI" siè-
connuesles plus amères. c l e u n r ô l e p r é d o m i n a n td a n s l e r e n o u v e a u
médicalpar la connaissance approfondiedes
Perre HrsrotRE DE LA PLANTE plantes.Elle organisaun enseignement qu'elle
Depuisla plus hauteantiquité,I'absinthepasse diffusa par écrit dans tous les pays alentour.
pour une planteayantles vertusthérapeutiques C e t t e p r e m i è r ef a c u l t é d ' E u r o p e e u t u n t e l
les plus précieuses. Elle estcitée,sousle nom de r a y o n n e m e n tp e n d a n tp l u s d e s i x s i è c l e s

2{i-t;tmtlml
I' r;rl
qu'elle donnanaissanceà la doctrinemédicale
o r t h o d o x e .L ' a b s i n t h e é t a i t p r e s c r i t e s o u s
forme de poudre,d'infusion, d'extrait d'hydro-
lat de vin, de teinture et de sirop, contre un
g r a n d n o m b r ed e m a u x . S o n u s a g eé t a i t t e l
qu'on en retrouvela mentionet l'éloge chezles
auteursdesXV" et XVI. siècles.L'absinthefai-
sait merveille pour les femmes,Sousforme de
t i s a n eo u m é l a n g é eà d u v i n , e l l e a i d a i t à
I ' a c c o u c h e m e n t ,n e t t o y a i t e t f o r t i f i a i t l a
matrice,abattaitles vapeurs...On la disait éga-
lement abortive et elle était très utilisée comme
vermifuge. Son nom anglais actuel est
d'ailleurs worrnwood,qui veut dire bois à vers.
Dès Louis XII, la vente,autrefoisréservéeaux
pharmaciens,se fit publiquementdansla rue.Au
coursdu XVIII" siècle.I'abusde I'eau-de-vie
s'accrutet le Français,buveurde vin depuistrès
longtemps,devint buveur d'alcool. C'est alors
que survint I'absinthe,celle que I'on connaît,qui
eut un succèsénorme,mais qui, arrivant dans
une époquedifficile, devint le symbolede la
ruine et de la déchéance.
C'est l'autre visagede I'absinthe: malgré ses
bienfaits,elle semblemauditedepuisI'origine
destemps.Avant mêmeI'invention de la liqueur,
I'absintheétait déjà synonymede poison et de
mort cornme le signale Saint Jeandans son texte
de l'Apocalypse(chapitre8, versetsl0 et ll):
< le troisième ange sonna de la trompette, il
tomba du ciel une grande étoile ardentecomme
untlambeau,et elle tombasur le tiers desfleuves
et sur lessourcesdeseaux,et le tiers deseauxfut
changéen absintheet beaucoupd'hommesmou-
rurent par les eaux,parce qu'elles étaient deve-
n u e s a m è r e s .L e n o m d e c e t t e é t o i l e e s t
Absinthe>. À partir de cette date,dans toute la région, les
La fée verte est-elleI'incarnationde la malé- habitants commencent à consommer de
fique étoile Absinthe de l'Apocalypse,ou plutôt I'absinthepour desraisonsqui ne sont pasuni-
un simple exutoire au malheur? Le hasard- quementmédicales.Le distillateursuisseest
probablement- est curieux: Tchernobylest le dépassépar son succès,et pour échapperaux
nom russede I'armoise,dont l'absintheest une droits élevés,décidede s'installeren France,à
variété. Pontarlier.Pernod fils loue une maison à
Pontarlier en 1805pour y établir une < fabrique
Ll lroueun D'ABSTNTHE d'eau verte >. La productiondevientrapide-
À t a t i n d u X V l l I " s i è c l e ,u n e r e b o u t e u s e ment célèbredanstoute la Franceet à l'étran-
suisse,la mère Henriot, mit au point la pre- gêr; I'usine fournit 32 litres par jour en 1855,
mière recetted'absinthequi était un breuvage I 000 litres en 1886,et 25 000 litres en 1900.
m é d i c i n a l . C e t t e l i q u e u r c o m p r e n a i ta n i s , É,videmment.de nombreusesfabricationsde
mélisseet camomille. produits similaireset de liqueursd'absinthe
En 1797,Daniel Henri Dubied et son gendre <<clandestines> apparaissent.
Henri Louis Pernod,artisansdu village du Val- P o u r l a p e t i t e h i s t o i r e : I ' u s i n e P e r n o dd e
de-Travers(Suisseromande), achètentaux Pontarlierbrûla le ll août 1901.Cet incendieper-
héritiers Henriot le droit d'exploiter industriel- mit de découvrir I'origine de la rivière de la l-oue.
lement la recettede cet élixir, et ouvrent la pre- En effet, un employéde I'usine eut I'idée heu-
m i è r e d i s t i l l e r i e d ' a b s i n t h eà C o u v e t . O n reusede vider lescuvesd'absinthedansle Doubs,
trouve dansle livre de raison de H.L. Pernodla afin d'éviter qu'elles n'explosent.Le lendemain,
première recette d'absinthe apéritive, datée de on en retrouvait destraces(odeur,couleur,goût) à
1797. la sourcede la Loue. On raconteque les OOO

il" l5$- 27
{l,ilR0cHu
tABOI$$ON
INTBRDI?A

OOO soldatsen garnisonà Pontarlierremplis- Iæs distilleriesse multiplient.[,eur nombredou-


saientleur casquede ce breuvage.La fabrique, ble par exemple à Pontarlier (passantde dix à
reconstruite,deviendrauneusinemodèle. vingt), sechiffre à soixante-dixenvironen région
parisienne,à une cinquantaineà Bordeauxet
UNegorssoNPoPULATRE presqueautantà Marseille.La consommation
Pendantune trentained'années,la boissonest d'absinthepar habitantne cessede croître au point
restéerégionale,jusqu'à la conquêtede l'Algérie qu'à la fin du siècle,elle avoisineles deux litres
en 1830.Réputéeefficacecontre la malariaet la par habitant et par an ! On comprendmieux pour-
dysenterie,I'absintheembarqueavecles colons quoi elle est qualifiéede . boissonnationale>>en
pour les suivredansplusieurscampagnes. C'est I 880 : elle fait travaillerdesmilliers de personnes
aux officiers que I'on doit l'émancipationde et c'est une entrepriseflorissantequi s'exporte
I'absinthe:à leur retour,forts de leurssuccès,ils mêmeà l'étranger.Elle fait partieintégrantede la
la font découvrir à la bonne sociétéqui ne tarde vie de l'époque.Iæreven de la médailleestla pro-
pas à s'enticherd'elle. C'est à cetteépoqueune fusion d'absinthesde mauvaisequalitétrès peu
b o i s s o np l u t ô t o n é r e u s er,é s e r v é eà l a b o u r - chèresque I'on surnommealors les < sulfatesde
geoisiequi vient la consommerdansles cafés. zinc > et qui semontrentravageuses.
Entre cinq et septheures,I'air des grandsboule-
vards s'emplit d'absinthe:c'est I'heureverte Le nruel
commeon I'appelle.La boissons'installeaussi La consommationde I'absinthes'accompagne
partouten Francepour plus d'un demi-siècle, de gesteset d'accessoiresspécifiques,et ce rituel
avecson rituel de la cuiller et sessenteurscarac- prendune placetrès importante.Le cérémonial
téristiques.Peu à peu,elle se démocratisetelle- françaisclassiquecommenceavecle placement
ment que tousles milieux sociauxtombentsous d'un morceaude sucresur une cuillère plate per-
son charme.Elle devientun art de vivre. foréereposantsur les bordsd'un verrecontenant
Qu'on la consommedansles cafésou chez soi, unemesured'absinthe.De I'eau glacéeestensuite
dansdes servicesluxueux,c'est toujoursun apé- verséetrès lentementsur le sucrequi se dissout
ritif au cérémonialunique en son genre.À partir petit à petit et tombeau goutteà goutte,troublant
de 1870,I'engouementest général,la publicité le liquide vert qui < louche> et tendversun blanc
est énorme(affiches,cartes,objets),lesjournaux opalescent. Normalement,I'on rajoutetrois à
en parlent,les artistesen font leur muse... quatrepartsd'eau pour une part d'absintheà
De Baudelaireà Verlaine,de Toulouse-Lautrec à 68 Vo:les vrais absintheursd'antanprenaient
Modigliani, nombreuxsont les écrivainset les grandsoin de verserI'eau très délicatement,en
peintresqui recherchentalorsI'inspirationdansla admirantla tracelaiteuseque chaquegouttefaisait
fréquentationimmodéréede la fée verte(ils boivent apparaîtredansI'absintheverte; observerles
de I'absinthetitant 65 7o),beaucoupI'ont intégree changements de couleurdu liquide fait partiedes
dansleur æuvre,coûrmeDegasparexemple. plaisirsdu rituel. Ce cérémonialest évoquépar
Le grand< spécialiste> de I'absintheétaitle Marcel PagnoldansLe Tëmpsdessecrets.
poèteRaoulPonchon(1848-1937),qui lui dédiela Les accessoires utilisés sont évidemmentdes
plupart de sesvers.Employé de banqueavantde < objetsspéciaux>>et encoremaintenant,ils fas-
s'installerà 23 ansdansune mansardepour deve- cinent.Les cuillèresà absinthesontdespiècesde
nir poète,il passesavie dansunesériede cafés,et collectiontrès prisées,il y a des centainesde
à l7 heures,il ne manquepasde s'installerau café modèles,certainesfurent dessinéespour commé-
de Cluny pour I'heureverte.Il a énormément écrit, morer un événement(par exempleI'inauguration
plus de 150000ven, dont 7fi)O traitantdu boireet de la tour Eiffel en 1889),certainesreprésen-
du manger.Mort à 89 ans,il avaitpeut-êtreraison t a i e n t d e s f e u i l l e s d ' a b s i n t h ee n t r e l a c é e s ,
de dire queI'absinthen'étaitpasnocive! d'autresétaientdotéesde gravurespublicitaires
Beaucoupd'auteursont chantéou défendu pour des mÉrquesde l'époque... Une alternative
I ' a b s i n t h ed a n sl e u r s é c r i t s ,d o n t A l p h o n s e à la cuillère,moins usuelle,était le brouilleur,un
Allais, lui aussihabituédescafés.L'une de ses réceptaclequi se place sur un verre, contenant
premièresæuvres,publiéedansle Chat noir en sucreet eau et laissantcoulerun légerfil d'eau
1885,s'appelle< Absinthes>. Elle contelespen- dansle verre.On collectionneaussibeaucouples
séesd'un écrivainassisà une terrasse, tristeet verres,carafes,pichets,fontaines...fabriqués
désabusé.Il guettele sucrede son absinthequi pour le rituel de I'absinthe.
fond et aprèsson premier verre, note que les
boulevardsont I'air de s'animeret que les fem- Ln orscnÂce
mes semblentplus jolies. Après son deuxième La demandeet la consommationd'absinthene
verre, il trouve un sujet unique, formidable, cessantde croître (au détrimentdesviticulteurs),
avantde commanderune dernièreabsinthe,pure notammentdansles milieux artistiques,elle
cettefois. C'est, paraît-il,OscarWilde qui donna devient peu à peu le symbole de I'alcoolisme et
à I'absinthele nom de < fée verte>. s'attire les foudresdes liguesde moralitéqui

28- trntlrn[T"rig
voient en elle le vecteur de la criminalité, de la
tuberculose,de la violenceconjugale,de I'alié-
nationet de la baissede la natalité! Dès I 875, les
ligues antialcooliques,les syndicats,les curés,
les médecins,la presse,se mobilisentcontre
< l'absinthequi rendfou
".
À partir de 1901,la Ligue nationalecontre
I'alcoolismechercheà sensibiliserI'opinion et
multiplie les affiches,tracts,campagnes, petitions,
etc. La croisadecontrel'absinthea commencéet
se poursuivrapendant14 ans.En 1906,la ligue
recueille400000 signaturesdansune pétition.
Elle trouveen 1907un allié inattendu:les viticul-
teurs,qui souffrentéconomiquement de I'engoue-
ment pour I'absinthe.Ils organisentmêmeune
manifestationderrièrele slogan< Tbuspour le vin
contrel'absinthe >. Un combleI En 1908,un
groupeantialcooliqueseconstitueau Sénatet veut
faire voterdesmesures.
La lutte est longue et difficile. Les affiches et
LtOOLTv
pamphletsse multiplient... Animée par le jour-
nal Le Matin, une formidable campagnese
d é c h a î n ee n F r a n c e c o n t r e I ' e a u v e r t e . L a
Chambredes députéslui emboîtele pas et I'on
assisteà de sévèresempoignadesoratoiresentre
détracteurset partisansde I'absinthe. Des hom-
mesde sciencesse livrent à desexpériencespour
arbitrer la polémique.On inocule des extraitsdu
produit à de malheureuses bêtesqui tombentfou-
droyées.Les parlementairesde Franche-Comté
s'opposentbien sûr farouchementaux partisans
de I'abolitionnismede I'absinthe.M. Girod,
députédu Doubs,monte à la tribune pour décla-
rer: <<Voyons,entrenous,qu'est-ceencoreque
cette balançoiredes expériences faites sur les
animaux?Est-ceque les organismessont iden-
tiques? Onfait absorberaux chiens,aux lapins,
aux singes,par voie digestive,des essences
d'anis, defenouil et d'hysope,et on leur trouve
des crisesagressives,l'épilepsie,que sais-je
encore.Et puis après? Savez-vousce que le bon
senspopulaire a réponduau cours d'une confé- L'trutenorcttoN
r e n c e a n t i a l c o o l i q u e ,p a r l a b o u c h e d ' u n Finalement,un décretdemandeaux préfets
ouvrier ? C'est que l'absinthen'est pas faite d'interdire la vented'absinthedansles établisse-
pour leschiens,voilàtout! > mentspublicsen 1914,réservantla boissonà
Cette éloquenceparlementaireétait surtout une consommationchez soi. Mais la fraude res-
motivée par le fait qu'à Pontarlier et dans les tant importante,il fallut une loi d'interdiction.
environs,beaucoupd'électeurstravaillaientau L'absinthedevint illicite en Francepar le vote
débutdu siècledansles distilleries;à l'époque, d'uneloi du 16 mars1915.
les paysansdes villages et hameauxdes alen- L'absinthe aura été victime de son succès:
tours ne vivaient pas de lait commeaujourd'hui, déciée par les ligues de moralité et dévaluéepar
mais de la <<verte >>,partout,les flancs de la les distilleriessansscrupuleet leurs < sulfatesde
montagneétaientcouvertsd'absintheque I'on zinc >. Elle a été interditedansbeaucoupde pays
vendaitaux distillateurs.Chaquematin, des voi- (Belgique,États-Unisen l9l2).EnSuisse, où I'on
tures chargéesde plantesaromatiquesdescen- en consommaitaussibeaucoup,la lutte anti-
daient vers les établissements PernodFils et absinthea été moins importantequ'en France,
embaumaientles ruessur leur passage. mais un fait-divers (un père de famille alcoolique
La bataille entre pro-absintheet anti-absinthe notoire massacresa famille aprèsavoir fait la
fut rude,les défenseursde I'absintheavaient,eux tournéedesbars)a achevéde convaincreles légis-
aussi,leurstroupeset leursarguments. lateurs de la dangerositédu breuvage. IOO

I" t5$- 2$
{ltTR00Hr
t,aB0t$$0iï
tilTHBntrn
OOO PlusieurscantonsI'ont interdit dansles plante d'absinthe > qui ne doit pas dépasser
années1906-1908,un referenduma mêmeété 3 5 m g / l d e t h u y o n e ,5 m g / l d e f e n c h o n ee t
organiséen 1908demandantau peuplede sepro- l0 mg/l de pinocamphone.
n o n c e rp o u r o u c o n t r eI ' a b s i n t h e( r é s u l t a t s : Aujourd'hui, la liqueur d'absinthe,comme
241078 contreet I 39699pour).Une loi a entériné autrefois.titre entre 45o et 80o.Elle est pro-
ce vote en 1910et I'interdictionde I'absinthea été d u i t e n o t a m m e n td a n s l e s d i s t i l l e r i e s d e
ajoutéeà la Constitutionsuisse(article32). Fougerollesen Haute-Saône,à Pontarlierdans
D a n s d e n o m b r e u xp a y s , l ' a b s i n t h en e f u t le Doubs, ville dont elle fit la richessejusqu'à
jamais interdite, elle disparuttout simplement I'interdictionde 1915,et à Saumurpar la dis-
(Royaume-Uni,Europedu Sud et de I'Est). La tillerie Combier.On trouve aussideux distil-
faute à la guerre,probablement,on avait alors leriesen Provence.Elle est notammentde nou-
d'autressujetsd'intérêt. Et cet élixir magique, veau fabriquéeau Val-de-Travers(région de
q u i a v a i t s i l o n g t e m p sc a p t i v é ,e n c h a n t ée t Suisseromande).berceaude I'absinthe.Elle
inspirétant de monde,sombradansI'indiffé- était jadis produitepar distillation ou mélange
rence générale.La plupart des grandesfirmes d'essences. Aujourd'hui, certainesabsinthes
produisantI'absinthefirent faillite, furent absor- sont macéréespuis filtrées, un processusnou-
béesou sejetèrent sur la productionde pastis. veau emprunté à la fabrication du pastis. Les
C e r t a i n e st r a n s f é r è r e n lt e u r p r o d u c t i o ne n s i x p l a n t e sd e b a s ed ' u n e a b s i n t h es o n t l a
Espagne,où l'absinthene fut jamaisinterditeet g r a n d ea b s i n t h ee t l a p e t i t e a b s i n t h e ,l ' a n i s
est encorefabriquéeà petite échelle.Un vestige vert, le fenouil, la mélisseet I'hysope.Selon
de PemodFils continuaà fabriquerde I'absinthe les recettes,d'autresplantespeuventcompléter
à Tarragonede 1948au milieu des années1960. l a l i s t e c o m m eI ' a n g é l i q u e , l ac o r i a n d r e , l a
Évidemment,le produit a évolué et I'absinthe véronique,le calamus,lamenthe...Elles inter-
e s p a g n o l ed e 1 9 5 0 é t a i t a s s e zé l o i g n é e d e viennent soit dansle processusde macération
I'absintheoriginale. (avantdistillation),soit dansle processusde
coloration(aprèsdistillation).
Le neroun DELAFÉEvERTE Désormaisautorisée,I'absinthea trouvé un
s a r q u e s n o u v e a uc r é n e a u ,c e n ' e s t p l u s u n e b o i s s o n
A p r è sI ' i n t e r d i c t i o nl,e s a n c i e n n em
d'absinthese reconvertissent dansdes anisés populaire,mais plutôt une liqueur de < spécia-
sanssucrequi sepréparentcommeI'absinthe.En listes >. On ne la boit plus pour s'alcooliser,
l932.Paul Ricardinventele Pastisqui estle pre- mais pour la beautédu geste,pour le rituel, pour
mier aniséà connaîtreun succèspresqueéquiva- la belle couleurdu liquide... Des boutiqueset
lent à celui de la boissoninterdite. L'absinthe des muséesde I'absintheont ouvert récemment,
sembleoubliée. où I'on peut achetertoutesles sortesd'absinthes
E n 1 9 8l , l e s r e s p o n s a b l e d s e la Food and existantes, mais aussidescuillers,desfontaines
Agricole Organizationet de I'OMS (Organi- et des livres et affichesconcernantI'absinthe.
sationmondialede la santé)se réunissentau Le rockeurMarilyn Mansona avouéêtre accroà
Conseilde I'Europe à proposdesmatièresaro- I'absinthe,d'aprèslui le seulalcoolqui ne lui
matiquesà usagealimentaire.Ils estimentêtre c h a n g ep a s s a v i s i o n d u m o n d e . I l a m ê m e
incapablesde fixer une dosejournalièreaccep- d é c i d é d e p r o d u i r e s a p r o p r e a b s i n t h e ,l a
table (DJA) pour la thuyone.Leur seulerecom- Mansinthe,sortieen 2007.Depuisla libéralisa-
mandationest de tenter de limiter la quantitéde tion, on fabriquedes chocolats,des bières,des
cettesubstance, mais absolumentpasde rejeter saucissons ou encoredes biscuitscontenantde
systématiquement les boissonsqui en contien- la liqueur d'absintheou desextraits de la plante.
nent.Puis,le 2 novembre1988,un décreteuro- Un parfum a mêmepris pour nom . Absolument
p é e n a u t o r i s ee t r é g l e m e n t el a p r é s e n c ed e Absinthe>. La notice indique: < 49 essences
thuyonedansles boissonset I'alimentation,ce enrichiesdes notes inéditesd'absintheet de
qui permettechniquementde produireà nouveau cannabisfont d"'absolumentabsinthe"un par-
de I'absintheen Europe. fum unique.C'est un parfum de peau qui com-
C ' e s t e n 1 9 9 9q u ' e s t p r o d u i t el a p r e m i è r e pose avec les notespersonnellesde celui ou
absinthefrançaisedepuis l9l5: la Versinthe celle qui le porte. Il se découvrede près et par
v e r t e , q u i c o n t i e n td e l a g r a n d ea b s i n t h e . s a f i n e s s e n ' a g r e s s e p a s I ' e n t o u r a g e .
Pourquois'appelle-t-elleVersinthe? Tout sim- V é r i t a b l e m e n tu n i s e x e ,i l a s s o c i el e s d e u x
plementparce que selon un traversassezcou- essencesmythiquesqui ont su exalter la créati-
rant en France,la loi qui interdit l'absinthen'a vité de nombreuxartistes >.
pas été abrogée.On peut à nouveauen fabri- L'heurede la revanchede I'absinthe serait-elle
q u e r e t e n v e n d r e ,m a i s à c o n d i t i o nq u ' e l l e venue? La fée verte sembleà nouveaudansune
s'appelle autrement! Le gouvernementa voté phasepositivede sa longuehistoire.I
un aménagementdu décreteuropéen,il s'agit
maintenantd'un <<spiritueux aromatiséà la Christiane LE DIOURON

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II[]VIIJ

Lamorthéroiïue
d'Emmanuel
]{iGolakakis
té4oignage
4'après-lg
deSonfrèreJean(2sîai
1e411
Pendant la Seconde Guerremondiale, la Crèteestle théâtre
de violentscombats, la population
prenant lesarmespour
se défendre contrelestroupesnazies.Emmanuel Nicolakakis
fait partiedescombattants volontaires.

LorsqueviendraI'heure de I'adieu et qu'elle D'unEDIcTATUREÀ t'lutne


s'élancera ( 1936- 1941)
Avecuneattentiond'angepour l'éclairer L a G r è c ee s t à l a f o i s u n e j e u n e n a t i o ne t
Commeil tremblede peur de lui dévoilermalgré l'héritièred'un prestigieuxpasséantique.Elle
lui, s'estémancipéede I'empriseottomaneau XIX"
Sontendreet secretbonheursi intenset... sièclepour se placersousla dépendance écono-
miqueet militaire de grandespuissances tuté-
I . Traduction Elisa Vellia,
harpiste, compositeur,
L'âme,poèmede KostisPalamas(1880) laireseuropéennes, principalementla France,Ia
interpÈte, in A,hroru Grande-Bretagne et la Russie.SousI'impulsion
(Traces), [æ chat du monde,
g l a c i a lm o i s d e d é c e m b r el 9 4 3 . l a d u P r e m i e rm i n i s t r e ,E l e u t h é r i o sV e n i z é l o s
2008. l]n "e
2. Non I Le < non > grec . l - r p o p u l a t i o n d ' A t h è n e se s t r é u n i e p o u r ( 1 8 6 4 - 1 9 3 6 )l ',É t a t h e l l è n ea c c r o î ts o na s s i s e
se prononce æhi en
" " accompagner le poèteKostis Palamasdanssa territoriale.Il concrétisemomentanément, au
tiançais.
d e r n i è r ed e m e u r e L . o r s d e s a m i s ee n b i è r e , lendemainde la PremièreGuerremondiale,la
3. Le 28 octobre est un
I'assistance é m u ed é c l a m ec e s v e r s s o u sl e s >. la
jour férié en Grèce.
" Grandeldée Cetteréalisationserabrève:
4. L'oÉration se dlvjse en baibnnettes nazies.Tout un peupleexprimealors crised'Asie mineure(1922)y met tragiquement
deux volets. Mcrira
conespond à la conquête
sourdement safarouchevolontéde libération... u n t e r m e : l e r o i C o n s t a n t i na b d i q u e a, u s s i t ô t
continentale des Balkans et r e m p l a c ép a r s o n f i l s a î n é ( G e o r g e sI I ) . L a
Mertrr à la prise de la Crète. Grècese divise.À droite,les royalistess'agrè-
5. lÆ Front national de
liberation (EAM). Fondé le
g e n t a u t o u rd ' u n p a r t i p o p u l i s t e d , i r i g ép a r
27 seplembre1941.celui-ci P.Tsaldaris(1868-1936);au centre,les venézi-
regroupe des hommes de
listesdu Parti libéral,présidépar Th. Sophoulis
différents horizons,
notamment des démærates, ( 1 8 6 0 - 1 9 4 9 )e; t , à g a u c h e u, n c o n g l o m é r a t
des sæialistes et des r é p u b l i c a i n .c o m p o s éd e p e r s o n n a l i t é d se
communistes,qui rejoignent
les rangs d'une mée
I ' a r m é e( N . P l a s t i r a e s t T h . P a n g a l o s )d,' u n
populaire de libération p a r t i , I ' U n i o n d é m o c r a t i q u ed e A . P a p a -
(ELAS). Cene armée est secondépar les communistes grecs
nastassiou,
fortement influencée par le
Parti communiste grec
( K K E ) . E n a v r i l 1 9 2 4 , l aG r è c ep l é b i s c i t eu n
(KKE). Ce mouvement. régimerépublicainet ramènetemporairement
majoritaAe, s'oppose dès
V e n i z é l o sà l a t ê t e d u g o u v e r n e m e n(t1 9 2 8 -
cette epoque aux autres
mouvements animés pu des 1 9 3 3 ) .M a i s l a r é p u b l i q u en ' e s t
tmmanuel qu'un
militaires, des monarchistes
Nt;i;ik;i;;;, intermède: un coup d'Etat
ou des conservateurs.Un
conseil nationaldes régions 2t ans. fusitté militaireramèneGeorgesll sur le
libérées est élu le 30 avril pardes trône.Le monarque- qui assoit
I 944 à Korischadès par près
?,'-yl'-tjt:* son autorité sur un plébiscite
laileman0s
de I 800000 personnes,dont -
des femmes qui votent pour âoi,rii,uii* truqué dissout le parlement
la première fois en Grèce. le23nai 1941 août 1936)et donneun pouvoir
(4

rt-l
.il - titl|il)t'llll
\' t;9
dictatorialau généralMétaxas(avril 1936-jan- ç o n s .D ' e x t r a c t i o nm o d e s t e ,i l e s t l e f i l s d e
v i e r I 9 4 1) . P a r a d o x a l e m e n tl a , dictature D o m i n i q u eP i t s i g a u d a k i - K y r i a k fi ,e m m ea u
g r e c q u ed , ' i n s p i r a t i o nf a s c i s t e s, e r av i c t i m e foyer, et de Michel Nicolakakis,fonctionnaire
d ' u n e i n v a s i o nd e sp u i s s a n c elsu i s e r v a n td e dansla gendarmerie crétoise,qui a été un temps
modèle. le mairedu petitvillage.Michel a collaboréavec
la policeitaliennelors de I'occupationintematio-
<<OcHr2>! Ll RÉsrsrANcE
GREcouEÀ nalede la Crète,en qualitéd'interprète:il parle
L'OCCUPATION courammentI'anglaiset l'italien,en plus de sa
L e s p r e m i e r sm o i s d e l a g u e r r e ,l e g é n é r a l l a n g u e m a t e r n e l l e .L e f r è r e a î n é d e J e a n ,
Métaxasengagesonpaysdansla voie de la neu- Emmanuel,est un enfantprédisposépour les
t r a l i t é .C ' é t a i t s a n sc o m p t e rs u r l a s o i f d e é t u d e sq u i j o u i t d ' u n g r a n dp r e s t i g ed a n ss a
conquêtede Mussolini,déjàmaîtrede I'Albanie. f a m i l l e e t d a n sl e v i l l a g e . C e j e u n e h o m m e
Soudaindéfenseurdes minoritésshqiptars,le altruistedevientinstituteuren Macédoine,où il
Duce dénonceleur persécutionpar les Grecsépi- se lie avecune populationà laquelleil offre gra-
r o t e s .L e 2 8 o c t o b r e1 9 4 0 .à t r o i s h e u r e sd u t u i t e m e n t s e s s e r v i c e sd ' é c r i v a i n p u b l i c .
matin.l'ambassadeur d'Italie en Grècesommele L'offensiveallemandeI'oblige à retourneren
généralMétaxasde céderdesbasesmilitaires Crète(avril l94l). Malheureusement, la guene-
localiséessur le territoirehellène.La réponse commepour de nombreuses famillesgrecques-
négativedu dictateurest restéedepuisdansles va durementfrapperla famille Nicolakakis.
m é m o i r e s 3Q . u a t r e - v i n g tm i l l e h o m m e sd e Depuisle moisde novembre1940,lecomman-
troupe,soutenus par I'aviation,attaquentl'Épire. d e m e n tm i l i t a i r e g r e c e n C r è t e o r g a n i s el a
Mal conduite,I'offensiveitaliennesetermineen défensede l'île dansl'éventualitéd'une OOO
déroute:les troupesgrecques,
dirigéespar le générallapâgos. ::!^N:::':!t::'
repoussent les I taliens .i pàe -'i:;:r:: :::,: X:;
trent en Albanie. La guerre opérationsde
s'enlise. L'échec italien et la contre-guérilla
préparation de I'opération
irit::;t;:';r:;
Barbarossaobligent Hitler à grec(1948).
intervenirdansles Balkanspour
assurersesarrières.Aprèsavoir obtenu1'alliance
bulgare(l" mars l94l), Hitler s'assure,dansles
jours qui suivent,du soutiendu gouvernement
yougoslaveà l'aide d'un coupd'État militaire.
Alors que la guerrecivile éclateen Yougoslavie.
I'armée allemandepositionnéesur sesfrontières
passeà I'attaque.
Le 6 avril 1941,I'opérationMarita-Merkura
est lancée.La Yougoslavie est vaincueen onze
j o u r s . L e s t r o u p e sa l l e m a n d e sp a r t i e s d e
Bulgarie contournentles unités grecquesde
l ' É p i r e d é f e n d a n tl a l i g n e M é t a x a se t l e s
c o n t r a i g n e nà t u n r e p l i v e r s l e s u d .C ' e s t l a
déroute.Le PremierministreKorysis se donne
la mort (18 avril), tandisque le roi, le gouverne-
mentet les restesde I'arméehellène,ainsique
les formationsanglaisesstationnées en Grèce
c o n t i n e n t a l es, e r e p l i e n te n C r è t e( 2 3 a v r i l ) .
Assezrapidement,un mouvementstructuréde
résistance verrale jour en Grèce5.

< L n DEUXrRous RouGEsAU côTÉ


DROIT,):LA MORTCOURAGEUSE
D'EMMANUEL NIcoLAKAKIS
(23uer1941)
JeanNicolakakisest né en 1925à Drapanias,
d a n sl a r é g i o nd e K i s s a m o s - K a s t e l ldi ,a n sl e
ponantcrétois.Il est le troisièmeenfantd'une
famille composéed'une fille et de quatregar-

t;tt- 3;J
fiuRt)t'ltltI'
ilNvtH
T'HII{I'Hil

6. Qui est le pmain de COO attaqueaéroportéeallemande.La Crète desarmesde la PremièreGuerremondialeet des


Jean Nicolakakis.
est une piècemaîtresse de l'échiquierméditerra- fusils de chasse.Emmanuelobtient finalement
7. Le général Freyberg,
commandant des forces néenoriental,en raisonde sonéquipement aéro- u n f u s i l d e c h a s s ed ' u n a u t r eo n c l e ,M i c h e l
britanniques, infomé des portuaire(trois aérodromes et une pisted'atter- Kornarakis6. Dansla matinéedu 20 mai l94l,la
principaux ues de I'at(aque
rissage)et de sesports(principalement la basede Lufrw'affelargue des troupesaéroportéessur les
allemande grâce au
déchiffrement des Kolpo). Elle est défenduepar une brigadenéo- s i t e sc l e f s d e l ' î l e ( M a l é m é ,R é t h y m n o ne t
infomations codées zélandaise (7700 hommes),desélémentsbritan- Héraklion).Jeanet sa famille assistentau lar-
ennemies(systèmeEnigma),
a fait habilement camoufler
niquesépars(23000hommes)et 10000soldats gageet aux combatsdu secteurde Malémé,situé
les posilions de ses batteries grecs,médiocrement équipés,soit plus de 40000 dansles environsde leur village. Les troupes
antiaériennes. Celles-ci. combattants. aéroportées traversentun intensetir des batteries
dévoiléesau demier
moment,concentrentleurs L a p o p u l a t i o nd e I ' î l e s ' i n q u i è t ed e l ' i m m i - antiaériennes avantmêmed'être parachutées et
tirs sur les aéronefs de nenced'une attaque.Emmanuelentreen relation s u b i s s e ndt e f o r t e s p e r t e s TD. e s u n i t é sa l l e -
transpoft de troupe.
avecsononcle,le généralManuelTzanakakis, mandessontlâchéesdansle secteurde Kastelli-
8. Ce mot sera bnilé pu
Dominique Nicolakaliis, la commandantdestroupesgrecquesde l'île. pour Drapania,à proximitéde Malémé.L'échecdu
mère d'Emanuel, à son lui réclamerdesarmesafin d'en doterla popula- p l a n i n i t i a l p o u s s el ' é t a t - m a j o ra l l e m a n dà
retour au domicile familial
de crainte que ce dæument
tion crétoise.Le généralne peut satisfairesa concentrerson effort sur le secteurouestde 1'île
ne le compromette dans le demande,car le commandement britanniquea et I'aérodromede Malémé.
village. interditde délivrerlesarmesdisponiblesdansles L e s c o m b a t sa u t o u rd e c e t t e p o s i t i o n s o n t
9. L€ ptrachutiste a été
remis aux auloritésmilitaires dépôtsmilitaires.La populations'équipeavec âpres.Les troupesnéo-zélandaises ne font aucun
de Kastelli. prisonnierparmi les combattants allemands.Les
10. Stéliosexerçaitla
Crétoissonteux-mêmestrèsdurset exécutent
profession de menuisier en
Grande-Bretagne. Les I ' e n n e m ià I ' a r m e b l a n c h e D . a n su n p r e m i e r
recherchesde Jean après la temps,Emmanuelsoigneles blessésà I'arrière
SecondeGuene mondiale
pour retrouver le résistant
avantde rejoindreles combattantsvolontaires.
ont été vaines. Alors qu'il monteen ligne,il estle témoind'une
I I . Il est secÉtaire- vindictede paysanscrétoisautourd'un parachu-
greflier.
tiste blessé.Les hommesexcitésclamentleur
désir de mettre fin aux jours du soldaten < lui
coupantla têteet un bras ". Le soldatest sauvé
in extremisgrâceà I'interventiond'Emmanuel,
qui les persuadede ne pasmettreleur menaceà
exécution.Le prisonnier,ému,griffonneun mot
de remerciemanltqu'il remetà Emmanuelpen-
d a n t l e t r a j e t l e c o n d u i s a n tà l a c a p t i v i t é
(20 mai)e.Le jeunehommeconnaîtquantà lui
un sorttragique.Aprèsdeuxjours de combats,il
retourneà Drapanias.Le 23 mai. il est anêté au
domicile familial par un groupede soldatsalle-
mandsqui pro,eressent dansl'île à la recherche
de partisans.Emmanuelest arrêtéen compagnie
d'un autrecombattant, EvangéliosSoulakis,âgé
de l9 ans.Fouillésbrutalement,les deuxjeunes
DoniniqueNicolakakis,
nère d'Ennanuelet deJean, hommessontpoussés contreun mur et fusillés...
vers1940.

SURVOLDU PARCOURS DE JF]AN pdr le capitainePapadopoulosct rattuehé un assautnocturnecorltrele mont Oîti.


NICOLAKAKISDANSI,ESCO}IIIATS à u n r é g i m c n td e c o n t r c - g r r é r i l l eao. n t - L e c a p i t a i n eB r a h i n r i s .s u c c e s suer d c
GRECS(1947.19191
T]RATRICIDES poséde deuxbataillonslrutttnorttcs. tkrttt Papadopoulostué au combat.ordonnc
l'état-majorsc t()Ll\c ù .\r |inio tar.trtord une attaquesurpriseclansla neigeet le
À l9 ans.Je:nestju.eéapteau scrvice. de N'lissolonghi). Jeanprcntl le e()nlran- b r o u i l l a r d .L e s c o n r b a t t a n t sc o m m L t -
Il quitte}Iéraklionpourôtreincorporé denent d'un pek)tontie dtruzeliorlrnrcs. n i s t e ss o n t s u r p r i s ,m i s e n f u i t c o u
dansl'arméerégulièreà Athènes.Le Plpatloptrttl.rs ct \ù\ lttrtttttte s l)lrt1i!il)ùllt tués. Pour ven.ger la rnort cJe
jcunehommccst.soninstruction nrili- à unc péniblegucrrede positionct à tlc P a p a d o p o u l o sl.e c a p i t a i n ea b a t l e u r '
taire terminée.transféréà Patras cluresopérationsclecontrc-guérilladans chef d'une balle dans la têtc et de trois
(Péloponnèse). puisà Livadia(Grèce lesmontagncs. a u t r e sc o u p s d e f e u . P a r l b i s .d e s p r i -
occidentale).Jeanestinté-sré
à un -rroupe A u c o u r sd e l ' h i v e r l t ) 1 7 - 1 9 - 1 8 . l a s o n n i e r sé c h a p p e n ti \ l a f a t a l e s a n c -
dc combatde 2(X)hclnrnres. conrmandé c o l u p a g n i cd e J c a n e s t e n g a g é ec l a n s tion: Aristotc. r"rnad.ludant,parvicnt à

rl .l
.Jt- (;lllilil'lll
\" t;!f
Éptocue: JeaHNrcourarcsREJoTNT
ta RÉsrsmruce...
Les combatstournentrapidementau désavan-
tagedestroupesbritanniques:le 27 mar,l'ordre
d e r e p l i s u r l ' É g y p t ee s t d o n n é .L e l " ' j u i n ,
I'essentieldesforcesalliéesa rembarquédepuis
le port de Souda.Les Allemandsont perdu envi-
ron 6000 hommeset les alliés,prèsdu triple. A
1 ' é c h e l l ed e l a S e c o n d eG u e r r em o n d i a l ee n
Europe,cettebatailleet I'héroïsmedescombat-
tantsalliéset crétoisont une répercussionimpor-
t a n t ep u i s q u ' i l sm a r q u e n tl a f i n d u c o r p sd e
bataille aéroportéallemand.
Après l'évacuation,une partie dessoldatsalliés
ne peut malheureusement pasrejoindreI'Afrique
d u N o r d . R e s t é sd a n sl ' î l e , i l s s o n t s o u v e n t
I'objet de la sollicitudeet de la protectionde la
population.Ainsi, ce soldatanglaisd'origine
c h y p r i o t e , S t é l i o s C h r i s t o d o u l o u t 0q, u i e s t
recueilli par la famille de Jean.Avec lui, deux
a u t r e ss o l d a t sb r i t a n n i q u e ss e r o n tc a c h é sà
Drapanias:I'un d'entreeux fera souche,puis-
qu'il épouserala fille de sonprotecteuraprèsla
guerre.Un autrefrère de Jean,Georges,quitte
président
JeanNicolakakis, deI'Assochtion desvolontaires
Drapaniaspour se cacherdansles montagnes. grec
hellènes franpise,poftele drapeau
deI'armée national
Plusjeune,Jeanresteauprèsde sa mère,mais il aucoursd'unecérémonieà proxinitédela tonbe
estréquisitionnéen qualitéde maçonpar le ser- duSoldatinconnu.
vice du travail forcé allemand.
L occupationnazie,les souffrancesde son peu-
ple et de sa famille, et surtoutla pertede son destins dans ses chaussures.Son jeune âge et son
frère poussentle jeune JeanNicolakakis à parti- métier de maçon endorment la vigilance des sol-
ciper à la lutte.En raisonde sesdéplacements dats allemands qui laissent sans méfiance circu-
quotidienssur les différentschantiersde cons- ler le courageux messager.
truction de fortifications nazies,il est intégré Le départ des nazis de Crète en 1944 ne marque
dansun réseaude résistants,animélocalement qu'un bref répit dans la vie combattante de Jean
p a r S t é l i o . C e d e r n i e r ,e n r e l a t i o n a v e c d e s Nicolakakis: mobilisable, il participe ensuite à la
patriotesgrecs,est en liaison radiophoniqueavec guerre civile grecque du côté des troupes gouver-
les servicesbritanniquesdu Caire. Dans son nementales (voir encadré). I
entourage,Georges,un ami de sonpère,animela
résistancelocale.Ce dernierdivulguede pré- Rémy VALAT
cieux renseignements au réseauen sa qualitéde
f o n c t i o n n a i r ed e p o l i c e d e l a p e t i t e v i l l e d e L'auteur remercieM. JeanNicolakakis pour son
Kastellirl.Jeanremplit souventdes missions extrêmegentillesseet son précieux témoignage,ainsi
d'agentde liaison:il glissedesmessages clan- qu'Angie pour sapatienterelecture.

jpargner la vie de sa sceur.militante contre la position de Drinronas- Brahimisopèredansles montagnes, la


J o m m u n i s t ee t c a p i t a i n ed e I ' E L A S , Trihonidos(nord-estde Missolonghi). positiclnestrnassiventent attaquée. À
qui vient d'être capturéepar le groupe Cetteposition,bâtieautourd'uneéglise l'aidede fuséeséclairantes, lesdéf'en-
B r a h i m i s .A r i s t o t e o b t i e n t l e s o u t i e n (celledu prophèteElie),avaitdéjàsubi seurstirent au morlier et lancentdéses-
Je JeanNicolakakis et d'autres memb- uneattaque nocturne d'unecompagnie pérémentdesgrenadessur les vagues
rL'\ du groupe qui menacentleur ofÏi- communistequi s'étaitinfiltréepar d'assautennemies. Le lendemain, le
. ' i e r d e d é s e r t e rs i o r d r e e s t d o n n é l'arrièredu bâtiment.avantd'exécuter g r o u p et r è sa m o i n d r ie s t r e p l i és u r
J'exécuter la jeune femnre. Grâce à ce parsurprise un groupedevingt-sixpoli- Then.no. nlaisn'a paslâchéla positionà
.()trtien.la militante pourra regagner ciers(23 avril 1948).Suiteà ce coupde défendre.
\on fbyer en vie. main. la positiona été renforcéeet Quelquesmois plustard.Jeanrejoint
.Tcanse remémoreégalementun collp l'égliseabritenn dépôtde munitions. enfinla vie civile.aprèshuit doulou-
. l c r n a i nd c s m a q u i sc o m m u n i s t e s En 1949" alorsque la compagniede reusesannéesd'expérience de la guere.

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Unepag_e
dela lutte-Goltle
latauromachie à Ia
BelleEpoque:
l"attehtat
de
Deuildu4iuin1900
DepuisI'introductiondescorridasen Franceau milieudu XlX.siècle,
I'oppositionà la tauromachiea prisditférentes
formes.En1900,
lvanAguéliva jusqu'à blesserun toréadoren signede protestation.

e f 8 m a r s1 9 0 1. L ' A u r o r ep u b l i eu n eé t o n - gné de nos antis de Lton pour empêcher des


T
I - r n a n t c l e t t r ed ' a v e r t i s s e m e a
ndI r e s s éaeu ('ourses à I'espagnole projetées cet aulomne en
ministrede I'Intérieurà proposde coursesde ville.
taureauxprévuesalorsà Nice. Nous espéronsde même, monsieur le ministre,
o Monsieurle ministre. qu'il sffira de votre intervention pour que force
Des courses de taureaux à I'espagnole demeure à la loi cette fois ; car, si ces
ont eu lieu à Nice, dimanche der- cornupesdewtient conlinuer en vio-
nier: trois chevaux ont été éven- lation de cetTenrênteloi, nos amrs
trés, des taureaux égorgés. songeraient, dans la légitime
Vous souvie nt- i l, monsieur rëvttltede leur conscience,
le ministre, de I'attentat de q L t es i v i n g t m i n u t e s s é p a -
D e u i l , d L t4 j u i n d e r n i e r , rent Paris de Deuil, il sffit
par un protestataire de de vingt heurespour aller
nos amis qui blessaun à Nice protester comme il
toréador à I'entrée dans convient.
I'arène ? . Agréez, monsieur le
Mandée comme témoin mini stre, mes respectueu-
aLr sujet de cette affaire ses salutatiotts. "
par-devant le tribunal de La lettre,reproduitedans
Pontoise le 20 juillet der- l' Enctclopédiecontempo-
nier, j' approuvai hautement raine illustrée du 25 mars
son acte, et crus de mon I 90 I . gazette" desSciences,
devoir de déclarer que plu- des Arts et de l'lndustrie >
l. Enctc'lopédie content-
sieurs de nos amis étaient prêts dont son mari est le gérant, est
poraine illustée n" 460.
25 mars l90l (Bibliothèque à I'imiter en d'analopues circons- signée par o Marie Huot, secrétaire
nationale de France). tances. de la Ligue populaire contre la vivisec-
2. Emest Cæurderoy:lz
corrida de ktros et Madrid.
A la suite du scandale de Deuil, vous dai- t i o n t , . E l l e f a i t r é f é r e n c eà l ' a t t e n t a td e
1853.édité par les Ateliers gnâtes, monsieur Ie ministre, donner satisfctctiott Deuil, en régionparisienne, commisle 4 juin de
de créationlibenaire.Lyon. aux interpellateurs qui se levèrent à la Chambre I'annéeprécédente alorsqu'unecorridaseprépa-
2003 (âvecdes textes
d'Alain Thévenet et Yves
pour réclamer I'interdiction des courses de tau- rait. L'auteurde coupsde pistolets- qui ne bles-
Bonnrdel). reaux. Il a sffi, depuis, de l'avertissement indi- sèrentque légèrementI'un destoréadors- est

3{i-r;rrnu'uri\"
r;rl
Q ...
\{i

I v a n A - e u é l in, o m d ' a r t i s t ed u p e i n t r es u é d o i s à la tauromachieapparaîtalors,chezun exilé


J o h nG u s t a vA g e l i i ( 1 8 6 9 - 1 9 1 7q)u i v i t a l o r sà commeVictor Hugo.en lien avecuneopposition
Paris.Si elle estspectaculaire, cetteactionn'est p o l i t i q u eà u n r é g i m ef o n d és u r l ' a r b i t r a i r ee t
cependant pasisolée:elle s'inscritaussidansun honni.Mais l'évolutiondessensibilités à l'égard
m o u v e m e ndt ' o p p o s i t i o n à l a t a u r o m a c h iqeu i desanimauxjoueaussi: la mêmeannée1853,un
t o u c h el e s m i l i e u xr é p u b l i c a i nrsa d i - r dn E s p a g n el,e
e x i l éq u a r a n t e - h u i t a e
cauxdepuislesannées1850. médecinErnestCæurderoy, rédigeà
Madridun pamphletcontrela cor-
DELA
L'rrurRooucroN r i d ae t s o nc a r a c t è rcer u e l .q u ' i l
EN
TAUROMACHIE assocle peu ou prou a une
Fnnruce 'r'
Espagne ternissant 1àcertains
C ' e s tà p a r t i rd u m i l i e u de ses meilleurs traits: < 1ci,
du XIXe siècleque. dans écrit-il, I'on croit que la
l e c o n t e x t ed e I ' i n s t a u - , pitié déshonore) ,. En
Ptna dê ntilrha'
':
l- ralion du régime de France. il existe pourtant - Aguélià l'âgede20ans.
t-
I Napoléon III .. le et les opposantsaux corri- VivecaWessel,lvan Aguéli
:
'" portrâtt
avemrymd,
I P e t i t' . l a t a u r o m a c h i e d a s n e c e s s e n td e l ' i n v o -
Fôrtaftafôrl,1988.
l - m o d e r n ee s t i m p o r t é e quer, comme Marie Huot
d ' E s p a g n eL.' i m p é r a - dans sa lettre - une loi pro- Ci-dessus:
t r i c e E u g é ni e n é e d e Ç tégeant les animaux de mau- Éludedevisaged'Aguéti,
Montijo estelle-même vais traitementsen public: la sansdate.Muséenational
i
deSuède,
e s p a g n o l ee.t c ' e s td e v a n l loi Gramontdu 2 juillet 1850.
l e c o u p l ei m p é r i a lq u ' e s t M a i sc e l l e - cn i ' e s t ,s o u v e n t , Étudedeportrait
d o n n é ee n 18 5 3 à B a y o n n e , a p p l i q u é eq u e d e f a ç o n s y m b o - (personnage
avec
:'.:', ' lique. les aficionadosconstituantdes d'Aguéli,
unecasquette)
n o n l o i n d e l ' u n e d e s e sr é s i - sansdate.Muséenational
d e n c e sd e v i l l é g i a t u r eà B i a r r i t z .l a g r o u p e sd e p r e s s i o nl o c a u xe f f i c a c e s , deSuède.
premièrecorridafrançaise. Danscettemode r é c u p é r a ndt a n sl e M i d i , o ù l a t a u r o m a c h i e
c o n v e r g e npt r é o c c u p a t i o ndsi p l o m a t i q u e e
st s'implante, la voguepourI'identitérégionale. ;
Ci-contre
del\4me
Portrait Huot
familiales.et soucid'un nouveaudivertissement L'oppositionà la tauromachiecontinueavecla parAguélide1913
pourlesFrançaisinvitésà apprécierle stylekitch IIIe République.Elle est souventle fait de socia- (peinture).
Muséenational
du régime.Sousle SecondEmpire.l'opposition l i s t e se t d e l i b e r t a i r e sc. o m m eL o u i s e l l l deSuède.

ll}i1"t;* - :};
{;lll|tfl
'{TTIIITAT
UN -CORRID1I
ANTI

térateurssymbolistes,à des questionsésoté-


riques; il publieradansla revueoccultistede
GérardEncaussedit PapusI'lnitiation en 1902,
et deviendrasoufi en Égypte où il résideune
dizained'annéesau cours de sa vie - il aurait
même initié le futur écrivain ésotéristeRené
Guénonau soufismeen 19l l. Signede la gêne
des autorités,Aguéli est libéré aprèsquelques
semainesde préventiveà la prisonde Pontoise.
Si une partie de la pressele soutient,il a aussi
contrelui certainslittérateurs;la Libre parole de
I'antisémiteDrumont ne manquepas de signaler
sa condamnation(< trois mois de prison,avec
a p p l i c a t i o nd e l a l o i d u s u r s i s ,e t 2 0 0 F d ' a -
m e n d e> >l)e 2 3 j u i l l e t 1 9 0 0 .E n 1 9 1 3 ,M a r i e
Huot dédieraà I'auteur des coupsde feu son
recueil de poèmessymbolistesLe Missel de
Notre-Damedes Solitudes: o À monfrère d'ar-
meslvan Aguéli >. Expulséd'Égypteen 1916en
raisonde sesactivitésantibritanniques, il meurt
en l9l7 dansla régionde Barcelone.

ETENGAGEMENTS
TaunomncHtE
Malgré ces oppositionset en dépit de la loi
Gramont,des corridas continuentà être orga-
nisées,avecune accentuationà la fin du siècle.
O O O M i c h e l , m a i s a u s s id e c h r é t i e n sA
.u L'opposition à la tauromachiedécroît au XX"
momentoù descorridassont prévuesen région siècleoù I'on assisteaussi,chez certainsartis-
parisienne, le coupde revolverd'Aguéli s'inscrit t e s p r o c h e sd u s u r r é a l i s m e ,c o m m e A n d r é
danscettetrame,dansune séquencehistorique Masson,chezun intellectuelcommeGeorges
marquéeégalementpar la < propagandepar le Bataille ou chez l'écrivain barrésien
fait > de certainsanarchistes. Montherlant,à une fascinationesthétiquepour
le thèmede la corrida.métaphored'une eÎpé-
Les pnorncoNrsrEsDEL'ATTENTAT
DE riencehumaineextrêmes.La conversiond'écri-
Deut: MARIEHuor Er lvANAcuÉu vainset d'artistesest aussisymptomatique d'un
Mais qui sontMarie Huot et Ivan Aguéli, prota- éloignementde la questionanimaledes préoc-
gonistesde I'attentatde Deuil ? La première,née c u p a t i o n sd e s i n t e l l e c t u e l s Z
. ola, Mirbeau,
en 1846,prochedes idéesnéomalthusiennes de
Paul Robin, future poétessesymboliste,mène
aussià traversdes conférenceset des interven-
tions parfois houleusesun combatradical contre
3. Christime Douyère-
Ia vivisection,la vaccinationpasteurienne3 et la
Demeulenaere: tæs polé-
"
miques autour du trâitement tauromachie. À certainségards,c'est une figure
mtimbique de Pasteu ', qui anticipeI'actuelcourant< antispéciste > qui
Gavroche n" 128. mm-avril
2003.
contestela domination humainesur les autres
4. Encyc lop édi e cont em- espèces animales.
poraine illustée, lO mu Ivan Aguéli, lui, a été, arrivantde Suèdeà Paris
1896, article signé G. Ivan
(cité dans Munch et la en 1890.élèvedu peintreÉmile Bernardqui a
france, Réunion des musées c r é é a v e cG a u g u i n ,à P o n t - A v e n ,l e c o u r a n t
nationaux, 1992, pp. 26 et < synthétiste>. ConsidérécommeI'un despré-
199); Les expositions d'art
" curseursde I'art modemeen Scandinavie, Aguéli
à Paris sur le cubisme,
"
signé Habdul-Hâdi, a aussirédigédes chroniquesd'art dansla revue
Ency c Iopédie contemporai ne
de son amieMarie Huot - il fut I'un despremiers
illustée n'659, 15 novem-
bre 1912. à reconnaîtrel'importance de Munch ou des
5. Eric Btratay et cubistes4. Il est égalementlié au milieu anar-
Elizabeth Hrdouin-Fugier :
ln corrida,PUF, 1995.
chiste,et figure, pour avoir donné asile à un
6. Azorin: <<Los torcs >, compagnon,parmi les inculpésdu < Procèsdes
C asti I la (19 12), E/lciôn Trente> d'août 1894,faisantplusieursmois de
Inman Fox, coleccidn
Austral, Madrid, 1999, pp.
prison à Mazasavant d'être acquitté.Mais il
127-t33. s'intéresseaussi,commed'autresartistesou lit-

ùo
;iô- li,llR0fll[
N'li!|
-;-

Z,? ta-
ê
Lc llud æilto b lidi- d b. chocû iloa.

,ûguéli eiA tjurfâktning i Deuil' Skamuecknïngàv


Caran 7'âcbc t Lc /outnal.

Séverineprenaientfait et causecontreles spec- tion: si le franquismen'avait pasété victorieux


taclestauromachiques; les surréalistes, les phi- contrela Républiqueet la révolution,il n'est
losophesdu vingtième sièclesont, le plus sou- pas sûr qu'il ait fallu attendrela fin du millé-
vent,étrangersà cettequestion. n a i r ep o u r v o i r d e s v i l l e s d e l a p é n i n s u l e-
De I'autrecôté desPyrénées, la tauromachie commeBarceloneen 1998- abolir le spectacle
est souvent,dansles milieux conservateurs, un d e l a m i s e à m o r t d e t a u r e a u x .Q u a n t à l a
emblèmenationalqui cultive, face aux étran- France.commesousNaooléonIII ou à la Belle
gers,une singularitéhispanique(pourtantcodi- Époque.lescorridass'y poursuivent. I
fiée récemment).Ainsi en 1912,l'écrivain et
chroniqueur Azorî,n(1873-1967),peintre et DeniSANDRO
c h a n t r ed e l a C a s t i l l e , f a i t d e l a c o r r i d a u n
divertissementempreintde passionqui ne peut
qu'être incompréhensible pour desAnglais6.
Azorin seradu resteplus tard réservésur la cor-
rida. Le thème de I'opposition entre Nord et
Sud de I'Europeintervientaussidansle croquis Pagedegauche:
Photodegroupenontrant
que le fameux dessinateurantidreyfusardCaran Aguéli(deboutà gauche)
d'Ache a consacrédansLe Journal à I'attentat enEgyptevers1904.
de Deuil, Ivan Aguéli étantsupposéincarnerun AxelGauffin,
lvanAguéli:
mànniskan,mystikern,
type nordiquea priori hostile à la corrida: le mâlaren,Sverigesallmânna
c r o q u i s ,q u i r e p r é s e n t eAguéli tirant sur un 1940et
konsttorening,
toréadormais lui-mêmepris à partie par le tau- 1941.
r e a u ,a p o u r l é g e n d e : < L e N o r d c o n t r e I e
Portraitd'AguéliparFritz
Midi .. . et le choc en retour >. Mais cetteoppo- Lindstron(1898).Musée
sition, plutôt que culturelle,apparaîtcommele nationaldeSuède.
résultatde parcourspolitiqueset esthétiques
Ci-dessus:
d i v e r g e n t s- e t q u i p e u v e n ts e r e n v e r s e r :
DessindeCarand'Ache
Azorin,avantde devenirconservateur, publiait parudansLeJournalen
l u i - m ê m ed a n sd e sj o u r n a u x a n a r c h i s t e ;s i l 1900.
avait traduiten 1897en espagnolMesprisons
Ci-contre:
de Kropotkine- le . princeanarchiste> russe Madame HuotparAguéli
qu'Ivan Aguéli avait pour sa part rencontréà de 1890(aucrayon).
Londresen 1890.Et I'on peut se poserla ques- MuséenationaldeSuède.

r" t;9- 3$
tilTR0t'H|j
ITTI$T][IITISMA

Unooqtom
à Bheilos-Aires
en191I
En janvier1919en Argentine,la répressioncontreun mouvement
ouvrierse transformeen véritablerafledans les quartiersjuifs
de la capitale.

I u d é b u td u X X " s i è c l e . l e m o u v e m e n t M a i s , e nf a i t . c ' e s tl e m o u v e m e notu v r i e r q u i


ll,ouvrier argentincommencesérieusement à est visé, les grèvessontréprimées.
s'organiser,notammentsousI'impulsion des L'étatde siègeayantétéprolongéà 90 jours,la
immigréscatalanset juifs russesr. célébrationdu 1"'Mai a lieu le 2l mai.Alors que
Le 20 novembre1904à Rosario,les vendeurs le cortège(FORA et UGT manifestaient ensem-
se mettenten grève.Ils réclamentla journéede ble) arrive à sonpoint de dislocation,quelqu'un
8 heures,le jour de repos hebdomadaire,la agiteun drapeaurouge(sonutilisationavaitété
reconnaissance des syndicatspar les patrons.À interditepar les autorités).N'attendantqueça, la
causedes policiers qui chargentdes grévistes policeattaqueet tire sur la foule,faisant2 morts
sortantd'une réunionsyndicale,les boulangers et 20 blessés.
de la ville sedéclarenten grèvele 22 novembre; Le I 8 septembreI 905. les dockersde Rosario
l e m ê m ej o u r , l a p o l i c e a b a t f r o i d e m e n tu n s e m e t t e net n g r è v ee t l e m o u v e m e nst ' é t e n dà
ouvrier de 19 ans. La fédération locale de la tousles portsargentins ; débutoctobre,les mate-
FORA2de Rosariodécidela grèvegénéralepour lots de Buenos-Airesentrent dans la lutte. En
48 heureset appelle à une manifestationde mêmetemps.lescheminots de Rosariomenacent
< protestationet de deuil vers le cimetière. de semettreen grève.C'en esttrop pourle pou-
"
l a, p o l i c ea t t a q u e
S a n sr a i s o na p p a r e n t e le cor- r ' o i r : l ' é t a t d e s i è g ee s t d é c r é t é .E m p r i s o n -
tègefaisant3 morts,dont un enfantde l0 ans.et nementset déportations,interdictionde la presse
plus de 50 blessés. La grèveà Rosarioest pro- ouvrièresont de nouveauà I'ordre du jour. A
longéeet la FORA, appuyéepar I'UGT, appelle l'appelde la FORAet de I'UGT, unegrèvegéné-
à unegrèvegénéralenationaleles l.'et 2 décem- rale très suivie se dérouleles l0 et I I octobre,
l . D e 1 8 9 5à 1 9 1 4 ,l e bre. La solidaritéouvrièreest impressionnante. maiselle n'empêchepasl'écroulementdesluttes
total de la population passe toutesles villes du payssontparalysées. en cours
de 4 à 79 millions. Entre
1906et 1912,le nombre
En janvier 1905,.plusieurs De 1906à 1919,malgréla répres-
@
annuel d'imigrmts juifs est greves eclatent pour oe mellleurs sion.les licenciements. I'utilisation
d e 1 3 0 0 0 .D e 1 9 0 1à 1 9 1 0 , salaires et des journées de travail rclrtcrrrÛrlgrlrLd'' massivedu lock-out,lesmortset les
488 174 Espagnols trrrntnrltl'lû'
immigrent. moins dures. La plus importante blessés,manifestations et grèvesse
2. Il existe deux syndicats e s t c e l l e m e n é ep a r l a C o n f é - s u c c è d e n ts, e t e r m i n a n tp r e s q u e
ouvriers: la FORA de
dérationferroviaire.Le 4 février, toutespar desvictoires.
tendance anarchiste
révolutionnaire et I'UGT de a l o r s q u e l e s g r è v e ss e m u l t i - Le 7 janvier 1919,un incidentse
tendancesocialiste. p l i e n t , a l i e u u n e t e n t a t i v ed e produit entre des ouvriers métallur-
3 . D e p u i sm a i 1 9 1 5 .i l y a
deux FORA: la FORA du
c o u p d ' É t a t m i l i t a i r e .L e p r é s i - gistesen grèvede I'usineVasena,à
llNrlTI
IX. congrès dite d e n t M a n u e l Q u i n t a n ad é c r è t e B u e n o s - A i r e se,t d e sj a u n e s .L a
"
syndicaliste et la FORA
" l'état de siègepour une duréede police intervientet tire sur les gré-
se réclamant du V. congrès
dite<quintiste)ou
3 0 j o u r s , o f f i c i e l l e m e n tp o u r vistes,faisant4 mortset 20 blessés.
( communiste >, poursuivreles auteursdu putsch. La FORA <<communiste3 > appelle

llf-r,unnnmrhe
l1:
' i^

t{
!t

dufllrnUnpogrom
Affiche enBuenos-Aires. Manifestation
à Buenos-Aires
en1906. Diabolisation
desanarchistes
dansunecaricature
d'époque.
à une grèvegénéraleillimitéeet la FORA < syn- J e s u sS a c r a m e n t a d > o . L e s r e s p o n s a b l edse
dicaliste> à une grèvegénéralede 24 heures.Le I'intenseagitationanarchistesonto les nomb-
8 janvier, alorsque 200000 personnesassistent reux ressortissants de la communautérusso-
aux funéraillesdesvictimes,lapolicefait feu sur israélitequi se livrent à unepropagandeachar-
la foule, tuant 50 personneset en blessantau néetant en russequ'en hébreu".
moins 100.Le lendemain,la grèveest totale: la Le l0janvier, sousla chaleurde l'été,la terreur
capitaleestparalysée. Des barricadessontéri- s ' i n s t a l l ed a n sl e s q u a r t i e r sc o m m e r ç a n tds e
géeset desarmurerieset desmagasinssontpris O n c ee t V i l l a C r e s p o .J u a nE m i l i a n oC a r u l l a
d'assautpar les ouvriers.La répressionest bru- ( 1888-1968), écrivainnationaliste et conserva-
t a l e . T r e n t em i l l e s o l d a t so c c u p e n tB u e n o s - teur raconte'. Il paraît qu'on esten train d'in-
"
Aires; desbataillesont lieu entredestravailleurs cendierle quartierjuif. J'y suis allé voir.Arrivé
a r m é s ,l a p o l i c ee t l e s e s c a d r o n d se la Ligue à hauteur de la faculté de médecine,j'ai été
patriotique,la milice crééepar les patrons. témoin de ce que l'on pourrait appeler le pre-
La classedirigeantene fait pastrop confiance mier pogrom de I'histoire argentine.On se bat
au présidentHip6litoYrigoyen,élu en 1916pour danslesmaisons,aux crisde "mort auxRusses".
affronterla situationet en finir avecI'agitation On brûle en peine rue des livres empilés,des
ouvrièrepersistante.L'idée germede profiter des vêlementsenlassés,des meubles.Lesflammes
troublespour le renverseret le remplacerpar un éclairentla nuit d'une lueur monstrueuse qui
pouvoirforf ,, cher à la droiteclassiquement projettedes refletsrougessur les visagesd'une
"
antisémite. foule en proie à la panique. De tempsà autre,je
Au cercledesofficiersde marine,le contre- voispasserdes vieillardsbarbuset desfemmes
amiralO'Connorapostrophe les hommes:" Sl échevelées. Je n'oublieraijamais cethommeà la
les Juifs et les Catalansn'osentpas venir ici, figure violacée, au regardimplorant,cet enfant
c'est nous qui irons les qui s'accroche en sanglotant à une
c h e r c h e r" . L ' é g l i s e c a t h o l i q u e lévite en lambeaur. ,
surenchérit et publiedesdizaines Juan José de Soiza Reilly (1879-
d ' é d i t o r i a u xv i o l e m m e n at ntisé- 1959), un écrivain et journaliste,
m i t e s .U n é v ê q u ep r ê c h ea i n s i : Htl écrit: J'ai vu des vieillards à la
Ê-=l "
n--=l
< Les Juifs sont les seulscoupa- barbe arrachée. L'un d'eux a sou-
bles de la pénurie ; ce sont de levé sa chemisepour me montrer
v é r i t a b l e ss a n g s u e sq u i s ef o n t deux côtes ensanglantéesqui lui
expulserde tous les pa,v-s ,. Les transperçaient la peau comme des
=::-!- I
r u m e u r sl e s p l u s i g n o b l e sc i r c u - aiguilles. Deux adolescentesont
l e n t : < D e s J u i f s a u r a i e n tp r i s ::l
été violées. L'une d'elle a tenté de
part à I'attentat commiscontrele
:.-=|
résister. On lui a tranché la main
a
f o y e r c a t h o l i q u ee t l ' é g l i s e d e droite d'un coup de hache. OOO

fillRtft'i l ]tr 'ti 9- | |


rlilTI$ill[TI$ffn

G}
\

A
Atelierdecharpentiers
à Buenos-Aires 19tg.
auenos-ires, Répression.
Destroupespolicières
prennent
position
dansune
audébutdesannées| 910. ruedeBuenos-Aires
oendantlesaffrontements
deianvier1919.

OOO J'ai vu desouvriersjuifs dont on brisait vres ont été incinérésau fur et à mesure.On
lesjambesà coupsdepieds. Touscescrimessont mesureI'horreurde la situationsi on se souvient
c o m m i sp a r l a r a c a i l l e q u i h u r l e " m o r t a u x que le chiffre de la populationjuive de Buenos-
juifs !" en brandissantle drapeauargentin.De Aires estd'environ85000.
jeunes vovousporteurs de brassardset armésde O n c o m p t ep r è sd e 5 0 0 0 0 a r r e s t a t i o n sD. e
bâtonset de carabinesaffêtent tout ce qui porte nombreuxlocaux syndicauxsont ferméset les
barbe.Ceuxqui ont descarabinesleur crèventle journauxinterdits.
ventre; les autresjettent despierres dans les Les protestationsinternationalessont faibles.
vitrines desmagasinsdont lespropriétairesffi- L'ambassadeur de Russieadresseune note au
chentdesnomsimpossiblesà prononcer. ministèrede I'Intérieurpour exigerla protection
"
L e s p o l i c i e r s i v r e s a c h è v e n tl e s b l e s s é sà desJuifs russes.L'ambassadeur de Francenote
coupsde bâtonset de haches,leur crevantle que la policemassacre tout ce qui est ,<russe,>
ventre à la baïonnette.Les Juifs sont raflés en ou qui a y1s n gueulede russe: c'est-à-dire juiï >
masseet enfermésdansles commissariats des (ministèredesAffaires étrangères, Amérique
7' et 9, arrondissements et à la préfecturede l 9 l 8 - I 9 4 0 . s o u ss é r i eA r g e n t i n e 8, citépar
p o l i c e .I l s s o n tm a l t r a i t é sh, u m i l i é s ,o n l e s NaûmSolominsky).
fouette,on leur brûle les genoux,on enfonce D é f a i t p a r t i e l l e m e n (t c e t t em ê m e a n n é e ,
desrasoirsdanslesplaies... s'en_sageront d'autresluttesaussiintensespour
Le l0 janvier, la FORA < syndicaliste> signe les salaireset la duréedu travail),le mouvement
un pacteavecle gouvemement,en promettantde ouvrierargentinpansesesplaieset la riposteest
faire cesserles grèvessi les métallurgistes de faible..l00membresde I'UCR,le partiradicalau
Vasenaobtiennentsatisfaction et si les prison- pouvoir.déchirentleur carte.FranciscoBeir6,un
nierspolitiquessontlibérés.Mais elle n'est pas dirieeantde I'UCR.organise unerencontre entre
écoutéeet, au contraire,la grèves'étendà toutes les responsables de la communauté juive et le
lesgrandesvillesdu pays.Pourtant,dèsle I 2 jan- présidentYrigoyenqui déclaresanshontequ'il a
vier, le mouvementcommenceà déclinerpour lui-mêmeété victime de persécutions et qu'il
finalements'écroulerquelques joursplustard. s'engageà trouverles coupableset à les faire
En une semaine, le bilan esttragique.Comme condamner.En fait, il se contenterade nommer
toujours,on n'en connaîtrajamaisles vraischif- Beirdministrede l'lntérieur.
fres.Un rapportde I'ambassadeur américainfait Forcésde négocier,les patronslâcherontde 20
état de I 356 morts et 5000 blessés(Recordsof à 40 % d'augmentation de salaire,les dirigeants
4. ln Semana Trdgica.
Biblioteca popular judia.
t h e S t a t eD e p a r t m e n t R , e p .A r g e n t i n a .f t e m syndicauxserontlibérés.Quantau pogromde
Collecion Hechos de la 835.5045/92, p. 8, cité par NarimSolominsky,lzr Buenos-Aires, on n'en entendraplusparleravant
Historia Judfa, n' 40, Buenos SemanaTrdgicaa).À quoi il faut ajouter 179 longtemps.l
Aires: Ejecutivo
Sudmericano del Congreso
cadavresentassés à l'intérieurde I'arsenal.Tous
Judio Mundial, I 971. les morts n'ont pu être comptabilisés, descada- Pierre-Henri ZAIDMAN

{2- t,tutttt'uu
I" t.)e
CJil:"îH:j'ili#"':?I ;;ffiî: derrièreles barreauxdontnousavonsaccepté
I'existenceet maintenantnousne sommes
joursplustard,les plus des Hippieset ne I'avonsjamaisété et la
du Summer of Love.Quinze
D i g g e r s / F r eCei t yC o l l e c t i voer g a n i s e nl at Villeest nôtrepour créerà partird'elle,poury
Cérémonie de la mortdu Hippieet décident de vivre.C'estnotreoutil,premièrecréationà par-
fairedéfinitivement le deuilde ce " filsdévoué tir de laquellel'hommelibrecréeson nouveau
desmédias". On choisitla datedu 6 octobre, monde.
Lr$0ittrn$
Itt0t"Ûlt0I
il N0lfi
I sil nrilcr8c0
Rt-1ût-r|Jrr
11000-1!8rl
o r e m i ear n n i v e r s a i dr ee l a l o i c r i m i n a l i s a n t Naissancede I'hommelibre indépendance de
I'usagedu LSD.AlainDister,alorsjournaliste San Francisconaissancedes Américains
pourRock&Folk à San Francisco se rappelle: libres.[...1
" Le terme Hippie qui n'a jamais vouludire Ne vouslaissezpasacheteravec une image,
grandchoseestdevenule moyensimplepour une phrase...Ne soyezpas prisonniersdes
les médiasde désignertoutindividuportantle mots.La ville està vous. Vousêtesêtesêtes.
cheveuun peu long et vivant,cela va de soi, Prenezce qui vousappartient...Prenezce qui
une existencede débaucheentouréde filles vousappartientles frontièressont tombées
affaméesde sexe.1...1Pourles Diggers,les SanFranciscoest libremaintenantlibre."
Hippiesn'ontjamais existé.ll n'y a que des
gens libres et indépendants,qui ont décidéde Au rythmede percussions, la procession des-
vivreselon leur choix,dans une sociétérefu- cendvers HaightStreetoù sontaccrochées
sant I'aliénation sous toutessesformes.1...1 des banderoles* Mort du Hippie,naissance LesDiggers
C'estpourquoi,avec leursamis de la Mime de I'hommelibre". Quelquesquatre-vingt Bévolution et
Troupe,ils ont décidéd'organiserles funé- personnes, chandelles auxpoings, entourent contrc-culturc
raillesde ce personnagedéjà mythique,connu le cercueil. Aprèsunegénuflexion au croise-
de par le mondesousle nomde 'Hippie".1...1 mentdes ruesHaightet Ashbury,la proces- à San Francisco
Tout ce qui de près ou de loin sionse dirigeversle Psychedelic (ts66-1968)
évoqueI'imageriehip véhiculée Vousêteslibres. S h o po ù u n t o u r n e - d i s q uees t AliceGaillard
par les médias- colliersde perles, Noussommes libres. lancéà fondpourcouvrirles cris L'échappée,coll.
posters,et jusqu'àces fameuses
Nesoyezpas recréés. (totalement imprévus et terrible-
" dans le feu de I'action
-,
fleursqu'onest censéporterdans m e n tp e r t i n e n t sd )' u n ef i l l ee n 2009, 170 p., 20 €
les cheveuxdès lors qu'onaborde Croyez seulement en pleinmauvais trip.Surla devan-
aux rivagesde SanFrancisco -, votrepropreesprit t u r ef e r m é ed u P s y S h o pu n e (inclusle DVD, Les Diggers
de San Francisco,un film
tout ce bric-à-bracvenduau long incarné.Créez, pancarte'." Ne te faispas de bile
de HaightStreetpar les jeunes Soyez... de Céline Deransart,
Nesoyez pas pour moi, organise-toi. Le Alice Gaillard &
entrepreneurs du hip capitalism va Nebraskaa plus besoinde toi. "
être brûlé en grandecérémonie,
créés.C'estvotre LesfrèresThelin.reorésentant Jean-Pierre Ziren)
sous l'æil impavidede flics bien- territoire, v otre ville. lespluscélèbres
veillants et qui en ont vu Personne nepeut des commer-
ans I'effervescence du San Francisco des
d'autres." vousenoctroyer çantsHlP,si criti-
qui années 60, un groupe d'activistes inspiré
La cérémonie, débuteau lever desparcelles. qués par les
par le o théâtre guérilla > reprend le nom
d u s o l e i l s, u r l a c o l l i n eB u e n a D i g g e r s ,a b a n -
des Diggers, ces paysans anglais du XVII" siècle
Vista,est annoncée par un tract,rédigépar donnentleurcommerce. Ron qui, avec Gerrard Winstanley, voulaient
Richard Brautigan: " Mortdu Hippie" : décidede rejoindre le Collectif < terminer > la révolution en cultivant en commltn
d e l a V i l l eL i b r e .R é a c t i o n les terres reprises aux seigneurs.Ces nouveaux
" Les médiasont créé le htppieavec votre c o h é r e n t ee t é v i d e m m e n t Diggers décident de vivre, ici et maintenant, I'tuopie
consentement avide.Êtrequelqu'un.1...1Votre a b s o l u m e ni st o l é ep a r m il a en actes d'une société remise à I'endroit.
tête à la TV,votrestyle immortalisésansâme c o m m u n a u tmé a r c h a n ddee À I'opposé du rêve américain consumériste de
dans lesreportagesdu Chronicle.NBCdit que H a i g h t . . . L a c é r é m o n i e I'après-guerre , ils développent Ia culture du <<free >>

It_ vousexistez,ergoje suis.Narcissisme,


plébéienne.La victimeimmortalisée.
vanité s ' a c h è v ep a r u n b û c h e rs u r dans le quartier de Haight Ashburry : concerts,
[...] lequelest immoléle cercueil fêtes. magasins, repas gratuits: occupation non-
L'hommelibre vomitson imageet rit dans les du Hippieet autourduquelon
nuagesparcequ'il estle grandévadé,I'animal d a n s e .D a n sI ' a o r è s - m i ldai
marchande et sans autorisation de I'espace urbain;
subversion ludique de I'autorité. Dans I'extrait que
qui hanteles jungles de I'imageet ne voit policeprocèdeà son habituel nous reproduisons ici, les Diggers anticipent la
aucuneombrel...l c o u pd e b a l a id u q u a r t i eer t récupération spectaculaire du phénomène hippie et
Mort du Hippiefin / fini Hippyeeparti au revoir a r r ê t eu n j e u n es a n sc a r t e la marchandisation, promise à un bel avenir, des
avatars de la contre-culture, (wec cet enterrement
hehppeeee mortmonhhippee[...] d'identité ni papiermilitaire. ll
symbolique du hippie, prélude à leur retrail de la
Vousêtes libres. Noussommeslibres.Ne a le choix: soitil est mineur,
ville et à la poursuite du combat dans d'autres lieut
soyezpas recréés.Croyezseulementen votre s o i t i l e s t d é s e r t e u rd, e u x
et sur d'autres terrains. Ce seront essentiellement Ie
propre espritincarné.Créez,Soyez...Ne accusations qui entraînent la théâtre et les questions écologiqttes, avec Ie concept
soyezpas créés. C'est votre territoire,votre prison.Lesmédiasse précipi- de biorégionalisme ,
" forgé par Peter Berg.
ville. Personnene peut vousen octroyerdes t e n t p o u r t é m o i g n edr e l a Contrairement à d'autres de leur génération, le
parcelles.Les Médias-Policenous ont réparti disparition de ce Hippiequ'ils noyau des Diggers - ni secte, ni parti avide de
des parcellesde H/Ashburyet puis les tou- auraienteux-mêmes créé.La pouvoir - n'est pas passé du Free Store au Rotary
ristessont venusau zoopour voirles animaux b o u c l e e s t b o u - - - CIub, et travaille dans I'anonymat avec l'espérance
en cage et nous avonsgrognéfarouchement c l é e . .l.l l u s i o n . . . d'un orochain soulèvemenî.. .
tt

r' t:i9- {T
{;llT0{'Hil
CG"ï"nT[îîfJi'i'r"ï,],f,"r?'.
c r o q u e - m o rqt su i a i d e n à
bienséance qui n'a sansdouted'autreraison
quede tenirla mortà distance au momentoù
t l e h i s s e sr u r l e s ellese manifeste implacablement.
é p a u l e sP , e d r o J, e s u s ,L u i s ,J o s éM a r i a , Lescompagnons quiontployésousle cercueil
Victor,Ger6nimo, six hommesvieuxportante/ s o n t l à . e t t o u s l e s a u t r e s a . c c o u r u sd e
compafrero au longde la ruelleet au travers Toulouse et de Bordeaux, de Perpignan et de
de la placepourdéposerla bièredansle four- villagesreculésd'oùils ne sortentplusque
gonsombrequeI'ona faits'éloigner audernier oourde tellescirconstances. Le cercueilest
momentpourquela place,précisément, soit p o s és u r l e s t r é t e a u xa u b o r dm ê m ed e l a
t r a v e r s é eo a r l e s c o u l e u r sd e l a C o n f e - fosse,la surplombant en unesobrereprésen-
deraciôn. tationde I'inéluctable.
Lesfleurss'amoncellent avantque le cortège Sonregarddemeurefixésur l'espacerestreint
nes'ébranle. Malikaprendsa mainet Manuela maisinfiniqui séparele cercueilde la terre
son brasalorsque les hommes,devant,for- béantealorsqu'iléprouveune foisencore
mentuneescortecomoacte cheminant d'un cetteimpression de déjàvécu,ce retourd'un
paslourd.lls vontainsiau longde la " côtedu passéqui n'estpasle sien,qui ne le peutrai-
cimetière " dansle bruissement deschuchotis. sonnablement, et qui n'estautre,alors,que
À m i - c h e m i inl s e d r e s s eu n i n s t a n st u r l a celuidu pèrevacillant entreles plistombants
pointedes piedspourobserver la fouledes du drapeaude I'impossible révolution, et une
femmeset des hommesqui accompagnent ce foisde plusil est abasourdi parl'évidence de
Histoires cortègecommeils le fontde biend'autres, cet instantque le pèrevécutlui aussi,accom-
deguenes, commesi chaqueavisde décèsdiffusépar la pagnantsousce mêmesoleilun camarade
derévolutions voituresonorisée qui a remplacé le roulement honoréde cettemêmebannière pourle dépo-
et d'exils de tambourdu garde-champêtre suscitaiten sersur le coteauqui porteainsiI'empreinte de
eux l'irrépressible besoinde se pencherau sespasdanslesquelsil posesesproprespas.
llestorRomero bordde l'abîmepouren éprouver Maislui,le père,n'a pas reçuun
Acratie,2009,244p., 17€ on ne saitquelsecretvertige.ll ne Turegrefrestellementtel hommage,il reposedans une
peutalorsréprimerun sourireà d, ne nasI'avoir fosseindigned'oùnul,pasmême
l'idéeque cettesagefouledéfile -.,-- - : - - , lui,le fils,ne pourraI'extraire pour
gulne'
ingénument sousla bannièrenoire v:c.u::ce!2 le déposerlà, sur le coteau,face
et rougede I'Anarchisme ibérique. luiilil'elleuniour, au bétroivers lequelil lève les
Puis, le récit de Manuelalui etilenétaildemeuréyeuxet,ce faisant, leursregards
revient en mémoire, Românzigza- interdit. se saisissent et se fondent
g a n ts o u sl e sb a l l e sa u c æ u rd u e x c l u a n lte m o n d eo u p l u t ô tl e
traquenard, Românhurlant dansla nuit,exhor- réduisant à leursregardsmêléset les motsde
tantsescompagnons, empoignant son revol- Malikalui reviennent à I'esprit, ces motsqui ne
ver,maisil ne parvient pas,curieuse- sontdésormais jamaisloindanssa mémoire et
ment.à retrouverlestraitsvivantsde émergentparfoiscommedesbranchesentraî-
imnte-dixans: Ie 28 ianvier 1939Ie
gouvernementfrançais consent enfin
sonvisagecommesi leureffacement néesentredeuxeauxet quisoudainémergent,
à ouvrir la frontière pyrénéenne aux
ne laissaitsubsisterdanssa mémoire en effet,et révèlent lesturbulences occultées
vaincus de la guerre et de la révolution.
quele refletd'unsourire, nonplussar- parl'écoulement lissedu flot: tu regreftes telle-
Romin, lui, décide de rester, de poursuivre kt donique,maiscompatissant. mentde ne pas I'avoirvécue,cetteguerre,lui
lutte dans ce qu'il reste de la République en Lessix hommeschargent à nouveau dit-elleun jour,et il en étaitdemeuréinterdit,
compagnie, plutôl que sous les ordres, de la bièresur leursépauleset ainsi,à c e t t eg u e r r ed o n tl e s r é c i t si n n o m b r a b l e s
Cipriano Mera, Ie célèbre général dosde compagnons, Românfaitson avaientbercésonenfancecommed'autres
"
anarchiste , commandant Ie M corps entréesurle coteauensoleillé deouis sont bercéspar le ChatBotté,et dont les
d'armée et vainqueur de la bataille de l e q u e l e sc y p r è s d, r e s s é ss u r l e s h é r o s ,B u e n a v e n t u rDau r r u t i F , rancisco
Guadalajara. Prisonnier de droit commun morts,défientou veillent, on ne sait,le Ascaso,FedericaMontseny, CiprianoMeraet
libéré par la Révolution fin juillet 1936, bourgpelotonné autourdu beffroiet jusqu'àEl Campesino étaientaussiextraordi-
Romtin n'a plus cessé de combattre pour d e s t r o i sc o u p o l e sd e I ' a b b a t i a l e , nairesque BuckJohnou OpalongCassidy,
,, Ias ldeas les idées dont il s'est instruit au avec,au loin,pourquiobserveattenti- cetteguerreI'avaitenglouti, lui,commesi la
",
Iong de sesannées de bagne. lz pire I'attend v e m e n t , l e m i r o i t e m e ndt e l a mortde son père,abolissant le merveilleux, le
pourtant derrière les montagnes qu'il doit
Dordogne commeun clignement de hissaitbrutalement à l'âgeadulteet le plon-
bien se résoudre àfranchir. Lt touftnente
vie souslesarchesdu pontde pierre. geaitdu mêmecoupdansla dernièrede ces
passée, il trouve refuge, enfin, dans ce gros
bourg, entre coteaux pierreux du Quercy et [...]Puis,s'insinuant et s'excusant il ridules concentriques dontI'origine, si lointaine
parvient enfin à se poster face aux maintenant, n'était autre quecettedéferlante
rives de la Dordogne. Jusqu'à ce matin
d'automne, bien des annéesplus tard, où on " procheso, cofilfÎêI'ondit en de tel- lyriquedu 20 juillet1936surles Ramblas de
le trouve là, recroquevillé sur sa terre de < la les circonstances, de mêmeque I'on Barcelone.Tu regrettestellement,avait-elle
Plaine >, une balle dans le ceur. . . Mais il est dit descirconstances qu'ellessont,en poursuivi,tu racontescetteguerreavectantde
toutes sortes d'exils comme il est toutes de pareilsmoments, bientristes,ou nostalgieet tant d'amertume,commesi tu en
sortes de guerres et toutes sortes de mêmetragiques, les momentseux- voulaisau mondeentier,à Dieului-même,de
révolutions. C'est peut-être bien ce que mêmesne pouvantêtreque pénibles, ne pas être né à temps,tu la racontescomme
semblent dire les courtes nouvelles eui toutcela,se laisse-t-il allerà songer, comme''"
accompagnenlRonuin. t o u tc e l ae n u n ec o d i f i c a t i odne l a 2i,:i';â';;ivécue'
tt
1{-t,ttnu'lurr"
rie
ff Le travaildansle tunnelest Jorgeconstruisent aussitôt le chariotquicir-
A f é p u i s a n t .O u t r e l e d a n g e r c u l e r a d a n sl e t u n n esl u rd e sr a i l sc o m m eu n
physique, les obstacles et les imprévusse wagonrudimentaire de mine.lls utilisent les
s u c c è d e n tP. a r f o i su, n c o u pd e p o u c ed u o u t i l sd e I ' a t e l i edr' a r t i s a n e a t l e sl a t t e sd e
d e s t i nv i e n tl e sa i d e rc, o m m el e j o u ro ù i l s b o i ss o u t e n a nl te s m a t e l a sd e s l i t s .U n e
t o m b e n ts u r u n c i m e t i è r ed e p i o c h e s d, e c o r d ed e v a n et t u n ea u t r ed e r r i è r p eermet-
pelleset d'oshumains. lls en déduisent que tentde le fairecirculer. Pendant queceluide
celadoitdaterde l'époquede la construc- devantcreuseet chargele chariot,I'autrele
t i o n ,p l u sd ' u ns i è c l ea u p a r a v a nLt .a t r o u - d é c h a r g A e .i n s ii,l sg a g n e ndtu t e m p se t s u r -
v a i l l ee s td ' u ng r a n ds e c o u r cs a r l e sp e l l e s t o u td e l ' é n e r g i[e. .. . ]
r o u i l l é e lse, sm a n c h eest m ê m el e so s l e u r A c e t t eé p o q u e l,' é v o l u t i odnu p a y sl e u r
sonttrèsutilespourcreuser. confirmechaquefoisplusclairement que le
A I'inverse, unesimple fuitedanslescanalisa- projetde transition (dansla compromission
t i o n s s o u s l e s t o i l e t t e se t l e s d o u c h e s a v e cl e sp r i n c i p a u p xi l i e rds e l a d i c t a t u r lee)s
embourbe unepartiedu tunnelet ralentitle laissera de côté.L'idéede l'évasion estdonc
passage danscettezone.Letempsde travail plusquejamaisnécessaire et opportune. Fin
en estfortement diminué, d'autant plusqu'au juillet1989,se déroulele referendum pour
r e t o u ri l, se n p e r d e net n c o r e à s e l a v e ro u i s - r é f o r m e rl a C o n s t i t u t i odne l a d i c t a t u r e . LesDerniers
Exilés
q u ' i ls o n b t e a u c o uppl u ss a l e s . C i n q u a n t e - q u a t r er é f o r m e s
Parfoislesterrassiers se retrou- Àmesure quele conclues entrelesreprésentants dePinochet
ventface à une énormepierrei funnels'allonse, de Pinochet et les membresde Desluttesclandestines
impossiblede la détruire,de ,, -.L._t _,,,,1,1,_.- I'opposition modérée sontapprou- à la transition
l'entamer ni mêmede la déplacer. l enracnon delsterre vées à olus de 85 7odes voix.
Dansce cas,deuxpossibilités etdesdécombres se Dans ce qui est baptisé la
dénouatique
ou bienla contourner en perçant faitpluslente etplus Concertation,coexistent les XavierMontanyà
sur le côté,si la pierren'estpas coûteuse.C'estun démocrates-chrétiens et les Traduitdu catalan

i,!li",il'iiii; probunll.a
,""i'i::l,iliiJ::nouveau tii?:;,:"Jli:":EffiJïi,'"1l;1
par LlunaLlechaLlop
Marseille, Agone,
qu'àpouvoir provoquer un glisse- resouare' uneuee plus de f lexibilité dans la coll." Mémoiressociales,,
ment de la roche af in qu'elle brillante leurviendra Constitution, il consacre en même 2009,224p., 18€
dégagele passage.Cesdésagré- Iorsdela projectio1 tempsla légitimité de celle-cidans
mentsretardent le travailet repré- d,unfilm vidéodans le processusvers la démocratie
sententdes risquestrès impor- ,___i,^f,^1.,._.:_:_,-touten supposant le maintien des
tants.Unjour,en contournant une uI salrcd-etercvtson' structures, des institutions et des
p i e r r e ,P a n c h os e r e n dc o m p t e A v e c b e a u c o u p p r i n c i p a u xr e s p o n s a b l eds e s
qu'unefoispasséela roche,il a d'humour,unmembre crimesde la dictature. Deplusen
bouchéla galerieen repoussant d'unedesfamilles 4 plus convaincus de la justesse de
le sableen arrièreavecsespieds leur analyse, les frentistes conti-
eu
- - ' Hdéi
- - : deleur
e t i l r e s t ec o i n c él.m p o s s i b ldee n u e n tà c r e u s e rE . n o u t r e c, e r -
bouger.La paniquecontrôlée, apporter La grande tainesvoixde I'opposition démo-
l'aidedes camarades de I'arrière évasiOn, avecSteve cratique modérée traitent la
et f'existenced'un systèmede McQueen, question desprisonniers politiques
communication contribuent à évi- en établissant une
ter la tragédie. Ce jour-là,Panchoauraitpu distinction discriminatoire entre e journaliste Xovier Montanyà retrace ici
f
mourirasphyxié. lesorisonniers de conscience I I'épopée des militanrs chiliens du Front
A mesure quele tunnels'allonge, I'extraction et lesprisonniers de violence .Ll parrioriEre Manuel Rodrigue:. t FPMRI dont
d e l a t e r r ee t d e s d é c o m b r esse f a i t o l u s o u d ' a c t i o cn o m m ee u x ,q u i , I'action année - notomment I'attentat contre
lenteet oluscoûteuse. C'estun nouveau Dro- p o u rc o m p l i q u e p rl u se n c o r e Pinochet en 1986 - joua un rôle décisif pour
b l è m eà r é s o u d r eU. n ei d é eb r i l l a n t lee u r leschoses, sontemprisonnés, ébranler Ie régime sanglant des militaires. Ce
v i e n d r al o r sd e l a p r o j e c t i odn' u nf i l mv i d é o a v e co u s a n sp r e u v e sp, o u r n'est qu'à leur suite que viendronr les tractations
d a n sl a s a l l ed e t é l é v i s i o nA.v e cb e a u c o u p desactions de guérilla de haut politit'iennes, sous l'arbitrage plus ou moins
d'humouu r ,n m e m b r ed ' u n ed e sf a m i l l e a s niveau,commeI'introduction discret des États-Unis. Et, le 20 janvier 1990,
eu l'idéede leurapporterLa grandeévasion, d'armesou l'attentat contrele alors que le général Pinochet s'apprête à céder la
place à un président démocratiquement élu, une
avecSteveMcQueen. Le restedes prison- dictateur. Danscetteambiance,
spectaculaire évasion, Ionguement préparée, a lieu
niersregarde le filmavecun mélange d'envie à m e s u r eq u e I ' o p é r a t i o n
dans une prison de Santiago. Les prisonniers
e t d ' a d m i r a t i om n ,a i sl e sc o n s p i r a t e unr se avance, uneidéelesobsède: politiques FPMR viennent
du brutalement
perdent pasle moindre détail;jusqu'àce que s ' i l sé c h o u e nutn en o u v e l l e
rappeler que, derrière les apparences de la
d a n s I ' u n ed e s s é q u e n c e sa p p a r a i s s e , f o i s ,c o m m eà C a r r i z aol u < transition démocratique comptes de Ia
commeunerévélation, la solution: le chariot dansI'attentat contrele dicta- dictatttre sont loin d'être réglés. ",les
Ayant refusé de
s u r r a i l .l l s s e r e g a r d e net t l ' é c h a n g de e t e u r ,l ' é c h e cm a r o u e rlaa f i n s'en remettre à la clémence h.v-pothétiqued'une
coupsd'ceilconfirme la trouvaille. Heureux et d u F P M R .P a rc o n t r e s, ' i l s démocratie où I'ancien dictateur allait rester le
légers,ilsse disentqu'ilsexpérimenteront le r é u s s i s s e nlte, s u c c è sp o l i - chef des armées, ces évadés, dont certoins sont
système dèsle lendemain. Defait,ayantdes t i q u e r é a c t i v e r al e encore poursuivis par Ia justice, restent jusqu'à
c o n n a i s s a n c ed se m e n u i s e r i eR,a f a e el t soutienpopulaire.
JJ aujourd'hui les derniers erilés de Pinochet.

I't;||- l;i
t;llntx'ttt
t l,lmûil
Chronique du mouuement libeÉrrire
D'abordpubliéen 1959par Jean-Jacques Pauvert,ce pour sesprotagonistes. S'y ajoutentsesincontestables
livre fut rééditéen 1913en deux volumesdansla col- talentsd'écrivain qui font de la lecturede ce livre un
lection 10/18avantd'entamerune longuetraverséedu plaisirrenouveléà chaquepage.Il excelledansnombre
désert.Il faut donc saluersa réédition,d'autantque, de portraitscommedansles évocationsréussiesde ces
mêmepour ceuxqui connaissaient les deuxéditions événements qui virentdeshommesseuls,et quelques
précédentes, il s'agit d'un objet nouveaugrâceà un femmes,rendrecoup pour coupet s'opposeravecla
f o r m a t o r i g i n a l ( l 8 x 2 2 c m ) a v e cu n e m a q u e t t e seuleforce de leurs convictionsrévoltéesà un ordre
réussie, complétéd'unetrèsricheiconographie, d'un établiincarnépar deshommesde pouvoirqui prenaient
appareilde notesconséquent,d'une bibliographie encore,à leurscorpsdéfendant,quelquesrisquesà
d'André Salmon,d'une autresur I'anarchisme, ainsi incarnerlesprivilègesde leurclasse.
quede repèresbiographiques sur I'auteur. Salmonest sanscontestenostalgique de cestempsoù
tA ÎERREUR Celui-ci,injustementoublié,est à I'origine d'une despersonnes incarnèrentla révolteindividuelleanar-
æuvremultiforme- il fut critiqued'art,journaliste, chisteau péril de leur vie, et souventau prix de leur
lIOTRE r o m a n c i e re, t p o è t e- e t I ' a m i d ' é c r i v a i n se t d e mort,et marquebien la césurede la guerrede 1914-
d'André Salmon peintrescommeMoïse Kisling, JulesPascin,Pablo l 9 l 8 q u i p a s s eà l ' é q u a r r i s s a gl ees p e u p l e se t l e u r s
l'échappée,2008, Picassoou GuillaumeApollinaire,Max Jacob,Pierre désirsd'autonomie.Pourconclure,il écrivait: < Al
336 p., 25 € Mac Orlan... café Terminus,les classesde plus en plus moyennes
De la fin de la Communede Parisà I'entre-deux- discutentdes avantageset des inconvénients de la
guerres,André Salmon(1881-1969)livre une chro- cohabilationpacifique.Aucundes innocentsamassés
nique originale du mouvementlibertaire durant une là ne voit circuler entre les guéridons le spectre
périodedécisivede son histoire,et tout particulière- d'Émile Henry portant sa têtecoupéesur le plateau du
mentpour les années1880-1914. Il le fait en écrivain garçon qui lui donna Ia chasse.>>Neuf ansplus tard,
ayantconnuet fréquentéquelques-uns desprotago- les événements de mai 1968voyaientune renaissance
nistesqu'il évoque.et non en historienobjectif,pourne inattenduede o I'increvableanarchisme> et une nou-
pasdire sentencieux. Mais, contrairementà beaucoup vellegénérationmonterà I'assautdu ciel avecle résul-
de cesderniers.il arrived'autantmieuxà rendrele cli- t a t q u e I ' o n s a i t .M a i s c ' e s t u n e a u t r eh i s t o i r eq u i
matde l'époque,sesenjeux,sesdrameset,quelquefois, attendencoresonchroniqueur.. .
sesridiculesqu'il le fait avecempathieet familiarité CharlesJACQUIER

Les golnements de lq littéroture


enfontine t|llem||nde
Les frontièresculturelles(sansparlerdes autres) peries ingénieuses sejouant de tous ,, dont les aven-
ftitwIL ont bien du mal à tomber, même entre deux pays tures se transmettaientoralement.Véritable succès
aussiprochesque I'Allemagneet la France.Il aura de librairie en France,les péripétiesde Jean-Paul
H E L MÛN fallu quasimentun sièclepour qu'un des sommetsde
la littératureenfantined'outre-Rhin. Max et Moritz
C h o p p a r t ,g a r n e m e n to n n e p e u t p l u s n é g l i g ée t
vicieux, auront peupléles rêves(et les cauchemars)
BUSCH d e W i l l e m B u s c h ,s o i t e n f i n t r a d u i te t é d i t é d a n s desenfantsnésau XIX" siècle.

*n.**'** ;;;mîi3
I'Hexagone,privantplusieursgénérations de jeunes La figure de I'enfant envahit alors la littérature,
des vilenies drolatiquesprovoquéespar ces deux maisaussile dessinde presse.Desjournauxspécia-
enfantsterribles.À I'occasiond'une expositionorga- lisés,en généralillustrés,visent tout spécialement le
s*fi n i s é e p a r l e m u s é ep r o v i n c i a l F é l i c i e n R o p s e n
Belgique(www.museerops.be) et intitulée. Wilhelm
jeunepublic,tant dansun but récréatifque pédago-
gique.Le succèsde ces histoiresd'enfantspas sages,
B u s c h ,d e l a c a r i c a t u r eà l a B D p a r a î tu n p e t i t pleinesd'humour,ne cessed'étonner,à une époque
WILHELM ouvragedont nous conseillonsla lecture.Ce petit
",
où I'ordre moral règne.Lajeunessey aurasansdoute
BU5CH, cataloguelargementillustré de planchesen couleurs apprisl'âpretédes rapportshumains,que le rire, très
DE IA CARICATURE permet de faire connaîtreau public francophonele présentdanscette imageriepétillante,aura certaine-
ÀLABD talentde cet hommequi aura,dansla secondemoitié ment permis de rendreplus acceptable.Notons tout
de Hans Joachim Neyer, du XIX. siècle,largementcontribuéà I'intelligence de mêmeque Wilhelm Buschdonneune fin tragique
des histoiresen images,sériesde vignettessouvent à sesdeux héros qui termineront leur courte vie dans
NellyFeuerhahn,
visuellementtrès prochesles unesdes autreset met- les estomacsde canardsgourmands,aprèsavoir été
MichelDefourny t a n t e n s c è n ed ' e x t r a o r d i n a i r egsa g sv i s u e l s .C e s meuléscommede vulgairescéréales...
Kunstboek
Stichting planches,dont la structurenarrativeet I'efficacité L e s a v e n t u r e sd e c e s e n f a n t se s p i è g l e s f, o r t
éditeur,
2009, v i s u e l l ea n n o n c e nlta B D , e n n o i r o u e n c o u l e u r , cocasseset dont on se réjouit encoreaujourd'hui,
96p.,29,90€ étaientpubliéesdansla presse,en feuillesvolantes distillent évidemmentleur morale.Elles montrent
ou en recueilset comblaientun public enfantindont surtoutun regardnormatifdesadultesdu XIX' siècle
les loisirs faisaientI'objet d'une attentionsocialede sur lesjeunesgénérationsd'alors. Depuis les années
plus en plus grande. 1970,on peut accorderun autre statutà ces terribles
Les auteursde cet ouvragecollectif, en plus de la garnements,dont la personnalitéeffrontéereflète
vie du dessinateur, s'intéressent à l'émergencede ces parfois une volonté d'émancipation,un refus des
hérosenfantins,véritablesgarnementsdont la tradi- règles trop contraignantes,I'expressionbrute du
t i o n r e m o n t e p a r f o i s à l a R e n a i s s a n c eN. e l l y d é s i r e t f i n a l e m e n tl a m a n i f e s t a t i o nd ' u n c e r t a i n
Feuerhahnexploretout particulièrementI'histoirede espritrebelle.
Till, fils de paysans,o célèbrepar sespetites trom- Guillaume DOIZY

lfi - t;tttrx'nt.
I" rilt
Une histoile du cnpitnlisme
Dans la 1'" Internationale,les divergencesentre s'acquiertpar desrazziaspuis des guerresà l'échelle
marxisteset anarchistes n'empêchentpas la recon- des peuplesoù les seigneurss'approprientla terre et
naissancedes apportsadversesà la causecommune. les serfs.Mais à 1afin du XV'et au débutdu XVI'
Ainsi le communistelibertaire italien Carlo Cafiero siècles,la plus-valuesur la laine devientsupérieureà
(1846-1892)traduit et résumepour les classespopu- celle sur les culturesvivrières.Leurschampset les
laires Le Capital de Karl Marx. Cette o histoire du biens communauxconvertisen pâturagesou en ter-
développement de la productioncapitaliste>, qui est rains de chasse,les familles de paysanséchouent
o aussi martyrologedu travailleur )), vulgarisece dans les taudisdes grandescités pour y fournir Ia
processus:marchandise, monnaie,richesseet capi- main-d'ceuvrebon marchénécessaireaux fabriques.
tal, ainsi que les conceptsde plus-valueet d'accumu- Le surplus,réduit à la mendicité,au vagabondage et
lation. au vol, souffrele fouet,les travauxforcés...
Pour se conserverle capital doit se reproduire de Le capitalisme- venu au monde .. puant le sang et
f a ç o n s u c c e s s i v ee t c o n t i n u e l l e ,e n t r a î n a n tu n e la bouepar tous les pores r, - s'embourgeoiseau fil
exploitationintensive.Dans I'industriecéramique des générations.Le rentier entendjouir en paix des
v e r s 1 8 6 0 ,u n e n f a n td e s e p ta n s t r a v a i l l eq u i n z e biens accaparésaux dépensdes plus faibles par le ABRÉGÉ DU
heurespar jour six jours sur sept.Le mode fonda- brigandageet le meurtre.Dès le XVIII' siècle,se CAPITAT DE
mentalde la productioncapitaliste* la coopération- forge la légended'un capitalismede droit divin, des
multiplie I'efficacité des forces.La division du tra- inégalitéssocialesnaturelleset la fable de la fortune
KARL MARX
vail transformeI'ouvrier en rouagede la machineet bâtiesur le labeurou par le mériteindividuel.Enrichi de CarloCafiero
les perfectionnements de celle-ci accroissentla pro- par I'usure admisesur Ie travail en vol légal, le capi- LeChienrouge,
duction des richessessansaméliorer son sort. Le talismeprêcheà I'ouvrier le droit sacréde la pro- 2 0 0 81, 6 0p . ,1 0€
salaireassujettitpar la faim et privatiseI'entretiende priété, la religion, f idéologie du travail, et aux tra-
I'esclaveautrefoisdévolu à son maître.Pourtant. vailleursle seulusagedes moyensmorauxpour se
<<l'ouvrier a toutfoit ; et I'ouvrier peut tout détruire, défendre.Dans le mêmetemps,aux colonies,< /es
parce qu'il peut îout refaire >. Pourquoi sert-il une exploits dtt capital se manifestentpar des atrocités
économiequi devraitassurerson bien-êtreet vend-il sunséquivalent dansI'histoire..
sa force de travail au bénéficed'autrui ? Parcequ'il Dans son avant-propos, JamesGuillaume(1844-
ne disposepas d'un capitalde réserveinitial: I'accu- 1916),traducteurde cet abrégéen français,ajoute
mulation primitive dont le modèleexemplaire une notice biographiquesur I'auteur et deux lettres
s^'observe en Angleterre.De I'Antiquité au Moyen- inéditesde sa correspondance avecKarl Marx.
Age, la possession d e s b i e n se t d e s p e r s o n n e s Hélène FABRE

De belles figules de militqnts


Qu'est-ceque la consciencede classe? En voilà un q u i c r o y a i e n tl u t t e r p o u r c r é e r u n e o r g a n i s a t i o n
beausujet de réflexion ! Et cédantà I'ironie, comme socialeémancipatrice en soientvenusà reproduire
pour souligner son caractèredésuetet décalépar rap- des comportements de soumissionet d'obéissance
port aux futilités courantesqui peuplentles éditosde dignesd'une caserneprussienne? Revisiterles fonda-
la presseà grandtirage,les éditionsSpartacusont mentauxet revenir sur quelquesdéfinitionsne fait
intituléce nouvelopusde leur trèsriche catalogueDe jamaisde mal, mêmesi c'est à la façond'un Reich
Ia conscience enpolitique.La nostalgieestau rendez- qui donneparfoisle sentimentd'être 1epère de sa
vous ! Car c'est une impressiontrès forte, et pas for- proprecaricature.Le militant sait-il, par exemple,
cémentdésagréable, qui se dégagede la lecture des distinguernationalisationde collectivisationet de
textesde rililhelm Reich, Maurice Brinton, Galar et socialisation.ou en reste-t-ilaux mots d'ordre du
J. M. Kay rassembléspar les bons soinsdes amis de momentque lui dicte sa " direction >, versatileen la
S p a r t a c u sU . n e n o s t a l g i ed o u l o u r e u s ee t p l e i n e matière ? Et Maurice Brinton, un des animateursde
d'amertume,certes! Mais aussiun bel effort pour Solidarity, proche dans I'esprit de Socialismeou
regarderen face quelquesvéritéssansdoutepénibles Barbarie,revient sur ce qui distingueraitla cons-
à Wilhelm Reich et Maurice Brinton, tous deux mili- ciencede classedes cadresdes partis de celle des DE LA
tantsrévolutionnairesinterpellantd'autresmilitants <(masses>>.MauriceBrinton est de ceuxqui réfléchi- COilSCIENCE
t o u t a u s s ie s t i m a b l e sI E n e f f e t . c ' e s t d a n sI ' e x i l rent aux causesde o I'aliénation volontaire,. En
q u ' u n e p o i g n é ed ' a c t i v i s t e sd u K P D s e m b l e n ts e e m p r u n t a n tl e s v o i e s o u v e r t e sp a r W . R e i c h e t EII POLITIQU=
heurterà leur propreaveuglement. L'incapacitéd'éla- H. Marcuse,I'auteurs'interrogesur les causesde la de Wilhelm Reich,
borer une réflexion sur les causesd'une défaite à soumissiondes militants révolutionnairesà ,. de^t Maurice Brinton
laquelle,selonReich, ils ne seraientpas entièrement structuresd'autorité ,r. Ces textes,comme le souli- Spartacus,
é t r a n g e r sb, i e n q u ' e n é t a n t ,n e l ' o u b l i o n sp a s ,l e s g n e l ' é d i t e u rd a n ss a p r é s e n t a t i o cno. n s t i t u e nutn
2008,173p., 13 €
principalesvictimes,les conduità vouloir reproduire excellentpoint de départ.Et Galar de nous inviter à
un mode de fonctionnementqui met en lieu et place nous retourner vers le Marx de L'idéologie alle-
de toute finalité la pérennitéde < I'organisation>. mandeel autresécrits de jeunesse.De I'en soi et du
Abstractionà laquellechacunse soumet.Et Reich de p o u r s o i d e l a c o n s c i e n c ed e c l a s s e à R o s a
s o u l i g n e rq u e s u r c e t e r r a i n I ' e n n e m i e s t b i e n Luxemburg,en terminantla visite guidéepar I'incon-
meilleur,bien mieux adapté.Il est là où on I'attend. tournableGramsci,on s'évadeau milieu de belles
Ordreet disciplinesont les deuxmamellesde la mili- figuresde militants.Beau compagnonnage en vérité.
tarisationde la politique.Commentsefait-il que ceux Jean-Luc DEBRY

fillRtftl[;I"lig- 17
,{ I,ÂPAfiil

Hymne ù I'qmour libre


En rééditantce texte,initialementparuen 1934,lesédi- 1930, à une attaquefrontale contre la morale de son
tionsde la Découverteet I'historienGaetanoManfudonia temps, mais surtout met en pratique ses convictions. Il
danssonremarquable avant-propos nousfont redécouvrir s'agit bien d'un discours politique et de subversion
un auteuret unepenséepolitiquedontnousavionssans sociale. Il milite en faveur de I'amour libre et de la cama-
douteoubliéla vitalitéet le sensde la révolte.L éditeuret raderie amoureusebien avant que cela devienne un lieu
I'historien,en nouslivrant ce corpuset en I'introduisant commun qui fera du sexe un produit commercial. Bien
de fort belle manière,dégagentcet horizonétroit dans avant que le sexuel o ne devienne une sorte d'alibi pour
"
lequeldepuisquelquetempsnotremémoiresemblesuffo- les enfants des classesmoyennes qui réduisent leur senti-
quer.E. Armand- de sonvrai nom Emest-LucienJuin ment de liberté à une pratique consumériste dont la
(1872-1962)- Î^rt partiede cesanarchistes individualistes marque principale est le mépris du partenaire, E. Armand
défenseurs acharnés de la libertésexuelle.qui estiment fustige l'" exclusivismeen antoLtr Il dénonce o Ie poi-
".
tA RÉUOIUTION qu'il faut sansattendre< lespetitsmatinsdu grandsoir
" son de la jalousie dont les excès passionnels ne peuvent
transformernos comportements. Il collaboreau célèbre entraîner que frustration ou violence Son non-confor-
SEXUETLE ET tA journal fondé par Libertad,l'anarchie et participeraà la misme sexuel est brandi cornme une bannière lace à o kt
".

CAMARADERTE belle aventurede la revuedésormaismythiqueL'Er- p u d i b o n d e r i e d e s b i e n - p e n s a n t s, , . I l s ' e n p r e n d à l a


AMOUREUSE dehors.Avecsathèsede la < camaraderieamoureuset
qui esten quelquesorteI'aboutissement
famille, cet o État en petit et aux rapports de pouvoir qui
"
de sonparcours oppriment et oppressent la femme et font des enfants des
de E. Armand politique,il nousincite à goûterà la libertéavecun sens sujets soumis au patriarcat dans un espit de proprié-
Avant-propos "
aigu de la responsabilitésocialeet politique.E. Armand raire milite pour le droit à la jouissance pour tous
".Il " ".
par GaetanoManfredonia, estloin en effet de prônerdescomportements irresponsa- Ce qu'il recherche,et invite à vivre, c'est o I'amour libre
La Découverte, bles.Il insistesur I'hygièneet le respectde I'autre.Sa dans le cadre d'une camaraderie amoureuse égalitaire
".
collection
Zones,2009, démarchene doit pas être confondueen effet avecune Il appelle à former des sortesde coopératives sexuellesoù
1 9 2p . ,1 5€ simplethéoriede la jouissancequi seraituniquementgui- corps et caressess'échangeraient comme autant de dons
déepar unevisionégotisteet narcissique tellequecelle circulant de I'un à I'autre, un potlatch de I'amour en
qui a donnénaissance à o I'hédonismecommercial, dont somme. Propos d'une rafraîchissantesubversion qui nous
on connaîtles dérives.Personneau parcoursatypique,sa rappellent que, dans les années soixante-dix, beaucoup y
prosen'estpassansdéfaut,et I'hommearboreparfoisun goûtèrent avant que le retour à I'ordre moral ne s'empare
goût pour I'expérimentationdessensations qui longeles du monde.
abysses. E. Armandselivre, dansle courantdesannées Jean-Luc DEBRY

uie de quorciel
Traducteurde BaltasarGraciân,spécialistede 1'âge père,avecsa mèreet sesdeux sæurs,sansdomicileet
baroqueeuropéenet professeuréméritedesuniversités, sanspapiers.Installéedansle quartierde Saint-Louis,sa
I'auteurlivre ici, loin de sesintérêtsacadémiques habi- famille s'inséradansce creusetdesimmigrationsmar-
tùels,< unesortede modeste fresEte,émueet amusée, des seillaisessur fond de crisedu logement(mouvementdes
années1950dansIe Marseille ouvrier et populaire des squatters) et de sociabilitépolitiqueet socialemarquée
immigrés dansles quartiersnord de la ville, tels que par I'omniprésence du parti communisteauquelfaisaient
"
SainrAndré, Saint-Antoine,Saint-Henriet Saint-Louis. facequelqueschrétiensde gauche(c'étaitaussil'époque
Privilégiant< la brumesélectivedu souvenir> à la recons- desprêtresouvriers)dansune ville encoresûrede sa
truction chronologique,il y mêle despersonnages réels puissance industrielle.
parmisesprocheset d'autresinventéspourreprésenter des Celle-cin'estplus aujourd'huiqu'un souvenir,et les
idéologies, desmanièresd'êre et de penserde l'époque. habitantsattendenttoujoursunerenaissance souventévo-
MARSEIttE Cenechroniqueoriginaled'un tempsrévoluconstitueun quée,rarementconcrétisée. læs tempsont bien changéet
genreà part,entresouvenirs, romanet théâre.Elle sedis- c'est ce qui fait le prix de cettechroniquequi évoqueles
QUART NORD tingue surtoutpar sonilvention linguistiqueen refusantde différentsaspectsd'une vie quotidienne,à la fois si loin-
de BenitoPelegrin fabriquerdu " marseillais'. Au contraire,elle essaiede tainedanssonfonctionnement et sesvaleurs,et si proche
2009,282
Sulliver, p.,19€ o rendredesfaçons de prononcer,des tours grammati- puisqu'unevie suffit pour connaîtrecestransformations
cattr, des lournuresdephrase de cesfaçonsde parleret radicales.Enfin, on ne peutrefermerce livre sanspenser
"
de leursinventifsdérapages linguistiques(o un motpour à ce que seraitdevenuecettefamille de sans-papiers cin-
un autreau sonsinonau senssemblable"'). quanteansplus tard et au destinde l'élève, le plus doué
Fils d'un anarchiste espagnolde la CNT-FAI,I'auteur fut-il.rafléen sortantde l'école...
arriva à Marseilleaprès-guerre, suiteau décèsde son ChaTIesJACQUIER

Gnribaldi: I'homme et Ie mythe


Il est impossiblede résumeren quelqueslignesla vie démocratiequi fit rêverdesgénérationsentières.On sait
particulièrementbienrempliede Garibaldi(1807-1882). moinsque Marx regardaitle personnage commeun petit
Elle se déroula dans plusieurspays d'Europe et bourgeoiset refusade le rencontrerdurantune toumée
d'Amériquelatineet connutnombrede combats,de peri- triomphalequ'il fit enAngleterreen 1864ou bienque,sol-
MÉilOIRES D'UTI petieset de rebondissementsdepuissonadhésionen 1832 licitéparlescommunards en l87l pourprendreleurtête,il
au mouvementGiovineltalia de GiuseppeMazzini, une déclinaI'invitation.alorsmêmequ'il venaitde combattre
CHEMISE ROUGE associationsecrètequi voulait transformerI'Italie en une pendantla guerrede 1870-187I en faveurde la Franceà
de Giuseppe Garibaldi républiquedémocratiqueunitaire.Il est donc considéré I'appelde Gambena.La reeditionde cesmémoires,com-
éditionsdu Sextant,2008, commeun hérosde I'uniténationaleitalienneen même plétéed'une utile préfaceet d'une chronologiedétaillée,
448p., 17€ tempsqu'un combattant valeureuxet désintéressé de la p€rmettraà chacunde seforgersonopinion...

{ll-r,rrrrtlntl
r"Iie
Les bons stlips de solko
Depuis le premier d'entre eux, Louis-Napoléon demeurevivement intéresséepar les questionsperson-
Bonaparte,les présidentsde la Républiquefrançaise nelleset triviales.Il s'agitbien de permettreau lecteur
ont suscitéla férocitédes dessinateurs, que leur pou- de pénétrerde manièresymboliqueI'intimité de notre
voir relève de la représentation ou au contrairese présidentkangourouqui sauted'une télé à I'autre,
révèle tout à fait effectif. Après l88l et la loi sur la d'un déplacementà I'autre, d'une .. réforme >>à une
libertéde la presse,le crayons'en donneà cæurjoie, autre.Ainsi le dessinateurimagine-t-ilSarkozyutili-
réactionnaired'abord, puis égalementd'extrême sant sa Wii, sirotantson Red Bull, s'époumonanten
gauche.pour flétrir les chefsd'État issusdes rangs famille, au lit avecCarla,en maillot de bain sur la
opportunistespuis radicaux.Le début du XX. siècle plage,son téléphoneportabletoujoursen main, etc.,
voit égalementécloreun genreparticulier,dansle toutessituationstotalementimpensables autourde
c h a m p d e l a b a n d ed e s s i n é e l,e < s t r i p > q u i , e n 1900.Luz met en scèneles angoisses et les traversde
quelquesvignettes,raconteune histoire, en général ce personnagedont la petite taille (qui induit une peti-
tES SARKOZY
I terminéepar une chute édifianteou amusante.Un tessemorale)et I'amour frénétiquedesRolex, sont GÈRE]TT
siècleplus tard, la bandedessinéesatiriqueet poli- s a n sc e s s er a p p e l é s .L e p e r s o n n a g et,o t a l e m e n t tA FRAITCE
tique sembleavoir rencontréun bel écho dans le décomplexé,se montrevulgaire,pervers,orgueilleux,
public. NicolasSarkozyfait I'objet d'une pléthore fielleux,revanchard,
de Luz
angoissé, etc.,et finalementtota-
d'ouvragesde ce genre,dont ce dernier de Luz, qui lementridicule,tel qu'on I'imaginesansdifficulté,au- éditions LesÉchappés,
réunit les strips de la série < Les Sarkozy gèrent la delà de son image médiatiquesanscessechangeante. 2 0 0 9 , 8p0. ,1 5€
France', publiésd'abord dansCharlie Hebdo. Avec ce recueil parfois hilarant au dessinnerveuxet
L exerciceconsisteà mettre en boîte le présidentde expressif,le lecteurrevivra les polémiqueset les
la Républiqueen 8 vignettessuccessives, dont la pre- petitesphrasesqui ont émailléle débutde mandatde
mière forme le titre du strip. Contrairementaux des- Sarkozy,en regrettantpeut-êtreque, finalement,le
sinsde la Belle Époquequi ridiculisaientla foncrion fond réel de sa politique ne soit jamais qu'effleuré.
ou attaquaientviolemment les idées,la satire actuelle Guillaume DOIZY

Témoigndg,e de réptession
Poursuivantleur travail sur les révolutions du XIX" Étudiant,I'auteurest I'un des raresd'entre eux à
siècle,et particulièrementsur 1848,les éditionsde la combattresur les barricadesaux côtés des prolé-
Fabriquerepublientaujourd'huile témoignagede taires,mais est fait prisonnier,menacéd'être fusillé,
FrançoisPardigonsur les journéesde juin, d'abord puis envoyédansdifférentslieux de détention,avant
p a r u d a n s l a p r e s s ee n a v r i l - m a i 1 8 4 9 , p u i s e n d ' é c h a p p e r m i r a c u l e u s e m e n ta u m a s s a c r ed u
ÉprsooEsDEs
volume en 1852,et jamais réêdité.Ce témoignage C a r r o u s e l I. l d é c r i t d o n c u n e s o r t ed e c h e m i nd e IOURITÉESDE
vient naturellementà la suite de I'essai de Louis croix, de prison en prison, toujours sousla menace
Ménard,Prologued'une révolution (voft Gavroche, d'une exécutionsommaire.Il relateces événements
futil t848
n' 155),mais les deux livres ont un point de vue dif- en militant, et non en victime larmoyante,dansun
de François Pardigon
férent dans la mesureoù celui de Pardigonraconte témoignageterrible sur le fossé de sang qui, dès Présentation d'Alix
essentiellement I'expérienced'un prisonnieret la I'origine, séparala républiquebourgeoisedesclasses Héricord, la fabrique,
2008,
répressionférocequi frappales insurgés. laborieuses. 2 9 0p . , 1 7€

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cauchemarmuge.Izs massacres en Ukraine.Tal- du peuple.Ed. du Noroît,1983,195p., bibliogra- L'lslatndu XX' siècle;Dialectique;Izs Religions
landier,l92'|,222p.,étatneuf ....20€ phie,neuf. .... 15€ séculières et L'lmperiumMondi. Gallimud, 1949,
- Courier (Paul-Louis), Collection cornplètedes - Kergoat et Bureau, Crise de Mai 1968et évo- 510p... ......20€
pamphlets politiques et opusculeslittéraires. lution des pratiques revendicativesouvrières. - Pierre-Henry, Histoire des préfets 1E00-1950.
Précédéd'une note sur la vie et les écrirs de Unemonographie d'usine(Plancoët(:i. CNRS, 150ansd'adminisrration provincicle.N.E.L, 1950,
I'auteur.Bruxelles,1826,in-8 reliured'époque, Centrede sociologiedesorganisations, 1971, 380p.,annexes et sources.TBE. . . . . . . . .. . 20€
dos avectitre et motifs dorés,480p. Très bel tirageoffset,271p 50€ - Serge(Victor), Mémoiresd'un révolutionnaire
exemplaire . . . .50€ - Lavergne (Bernard) (mémoires),Les deux et autres écrits politiques 1908-1944.Bouquin,
- ComteJ. de Maistre, Lettres à un gentilhomme présidences de Jules Grévy 1879-1887. Fisch- 2001, 1047p., broché,repèresbiographiques,
russesur l'inquisition espagnole.Pélagaudhls et bacher,1966.531p., illustrations,2 cartes,index bibliographie et index . . . . . . . . . . . 30€
Roblot,Lyon-Paris,1871,in-12,183p., couverture et tableaudépliantin fine de la compositiondes - Soria (Georges),Guerre et révolution en
muette.bonétat.rousseurs . .. ... ..20€ m i n i s t è r e sB. e l e x e m p l a i r ea v e c q u e l q u e s E s p a g n e1 9 3 6 - 1 9 3 9C. l u b D i d e r o t .1 9 7 6 , 5
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tourné. Rééditiondes euvres complètesen 5 - Lettres bougrementpatriotiques de la Mère superbementillustré noir et couleurs(412-383-
volumes.Le Ventdu ch'min, 1980(manquele Duchêne.Suividu Journal desfenmes 1791. 406-390-389 pp.). Completdu cartonnage toilé
tomel),4 volumes brochés (135,163,l&, 149 Edhis,1989,rééditionà l'identiquedescélèbres in-folio comprenant4 gravuresde Picasso,7
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les4volumes ..........50€ exemplaire ....15€ son.Lensemble enparfaitéTal. . ... . . . . 140€
- Cuvillier (Armand), Proudhon. Éditions - Lorulot (André), Un mois chezles curés.Idée - La Ïbur de Feu N' 102, Iæ Socialismeà l'état
SocialesInternationales,1937,S.P.278p, couver- Libre,1930,souscouverture illustrée, 170p., par- sauvage.Revuede créationpoetiquesousla direc-
rurelégèrementfrottée..... ...... 15€ faitétat. ......20€ tion de PieneBoujutà Jamac,no de juin 1969,
- Documentation photographique: L'Italie fas- - Maltête (René),Cent poèmespour la paix, brochél8l p. non coupé(nousdisposons d'aufes
cisteet I'Allemagnenazie 1919-1939. Document AppeldesCent.LeCherche Midi, 1987,E.O. 189 n'decetterevue).. ..... 15€

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llill|ltfil'

René Bidouze
La Commune de Paris telle
qu'en elle-inême
Le Temps des Cerises,2009,
241p.,22€.
Réédition de cet ouvrage paru
en2OO4 augmenté de dévelop-
pements repris de 72 jours qui
changèrent la cité. Ce livre
replaçait la Commune dans
l'histoire des services publics.
U n é c l a i r a g e i n t é r e s s a n tq u i
permet de rappeler que les
communards.d'abord résis-
tants à l'envahisseur, ont aussi
æuvré à sauver la République en tentant de mettre plus de justice et de
liberté dans l'exercice des institutions et des affaires publiques. Entre
ceux qui n'y voient qu'un accident de I'histoire à oublier et ceux qui
démontrent sans fin son actualité, René Bidouze dresse le constat d'une
Commune qui mérite toujours d'être étudiée pour y retrouver < Ies ten-
Pascale Hustache Emilio Mentasti
dancesfortes de la culture politique de notre peuple >.
Destins de femmes La < garde rouge > raconte
Éditions Dittmar, 200E, 320 p., Les Nuits rouges
20 €. 2009,233p.,12€.
Essai sur le statut de la femme Le sous-titre. Histoire du comité
dans le roman populaire, dans la ouvrier de la Magneti Marelli,
France et l'Angleterre du XIX" résume la recherche de cet historien
siècle. sur la lutte de plusieurs dizaines de
Le livre montre comment I'image salariés contre la direction et les
de la femme à travers les portraits syndicats dans une grande usine
de femmes jeunes filles, mariées, milanaise au milieu des années
prostituées,courtisanes,aventu- 1970. Une < garde rouge ,' qui
rières et criminelles, s'inscrit s'étoffera et s'imposera dans
dans le rapport de forces âvec les I'usine mais aussi à l'extérieur en
Moscou hommes. faisant profiter de son expérience.

sousLénine
lesorigines
du communisme
nê6redHEiliffifr
tffiç aHJl{]

Charles Malato Alfred Rosmer


La Grande grève Moscou sous Lénine
Encrage Édition, 2009, 318 p., Les Bons caractères, 2009,
20 €. 311p.,1650 €.
Roman sur les grèves des Réédition de I'ouvrage déjà
mineurs d' inspiration anarchiste publié en 1953 et l97O d'Alfred
dans la région de Montceau-les- Rosner qui joua un rôle de pre-
Mines dans les années 1880 paru mier plan au sein de la Troisième
en 1905. Épisodesrocambo- Internationale et resta fidèle à
l e s q u e se t a u s s i t é m o i g n a g es u r son idéal après la mort de Lénine.
une époque.
Bourse du Tbavail - Mémoire
vivante !
Cette association (43, rue Jean-
Lacoste, Troyes) ouverte à ceux et
celles qui s'intéressentà I'histoire
sociale et populaire de Troyes
æuvre pour que la Bourse du
travail de la ville reste un lieu de
mémoire vivante, et édite une
revue.
Le dernier numéro publie des
témoignages de femmes ouvrières
recueillis en 1984 pour l'écriture
des Troyennes, une pièce jouée
par le Théâtre Populaire de
Champagne.Des photos person-
nalisent ces récits émouvants sur
la condition des femmes dans la
bonneterie.
(photo: sortie de filature vers 1923)

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