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Jean 2/13-22

Quelques points de repère

Claude MOURLAM

1) Texte et contexte

2:13 La Pâque des Juifs était proche et Jésus monta à Jérusalem.


2:14 Il trouva dans le temple les marchands de bœufs, de brebis et de colombes
ainsi que les changeurs qui s'y étaient installés.
2:15 Alors, s'étant fait un fouet avec des cordes, il les chassa tous du temple, et
les brebis et les bœufs; il dispersa la monnaie des changeurs, renversa leurs
tables;
2:16 et il dit aux marchands de colombes: "Ôtez tout cela d'ici et ne faites pas de
la maison de mon Père une maison de trafic."
2:17 Ses disciples se souvinrent qu'il est écrit: Le zèle de ta maison me dévorera.
2:18 Mais les Juifs prirent la parole et lui dirent: "Quel signe nous montreras-tu,
pour agir de la sorte?"
2:19 Jésus leur répondit: "Détruisez ce temple et, en trois jours, je le relèverai."
2:20 Alors les Juifs lui dirent: "Il a fallu quarante-six ans pour construire ce
temple et toi, tu le relèverais en trois jours?"
2:21 Mais lui parlait du temple de son corps.
2:22 Aussi, lorsque Jésus se releva d'entre les morts, ses disciples se souvinrent
qu'il avait parlé ainsi, et ils crurent à l'Écriture ainsi qu'à la parole qu'il avait dite.

Ce passage biblique suit immédiatement le récit du premier signe (miracle) que


Jésus fait dans le village galiléen appelé Cana, là où il change de l’eau en vin !

H. van den Bussche, dans son commentaire du quatrième évangile nomme ce


chapitre : “La révélation du Messie”. Et le même auteur voit alors, dans ce sens,
un diptyque en Jean 2 :
- 2/1-12 = Le miracle du vin à Cana
- 2/13-25 = Le signe du temple à Jérusalem

2) Explication de mots !

v.13
- “PÂQUE” :
La scène se situe dans un espace et un temps bien particuliers. La fête de la
Pâque dans le Temple de Jérusalem, cela représente le centre de l’orthodoxie
juive (qui est donc visée ici). On est loin de la petite fête campagnarde (noces)
en Galilée, à Cana. Par ce contraste littéraire, l’auteur de l’Évangile présente un
Christ qui va droit au but, et cela, dès le début de son ministère !

v.15
- “UN FOUET AVEC DES CORDES” :
Selon les Évangiles, la violence de Jésus prend des accents différents. Chez
Matthieu (21/12-17), Jésus chasse vendeurs et acheteurs avant de renverser
tables et sièges. Chez Marc (11/15-19), en plus de tout cela, Jésus empêche les
gens de transporter des objets dans le temple. Chez Luc (19/45-48), Jésus se
“contente” de chasser uniquement les vendeurs. Et ici, chez Jean, le détail du
fouet ajoute encore un côté réel à la scène... à moins que cela ne revête une
signification autre. En effet, le fouet servait jadis à “conduire” des prisonniers
soumis à une corvée, ou à châtier sévèrement un coupable (cf. Deutéronome
25/1-3). Et dans ce cas, Dieu lui-même, est perçu comme pouvant brandir le
fouet (cf. Ésaïe 10/26). Cela dit, Jésus sera aussi flagellé lors de sa passion (cf.
Jean 19/1).
Alors, dans ce récit, Jésus est-il le bras de Dieu qui manipule le fouet pour
remettre dans le droit chemin les religieux égarés d’Israël ? ou bien est-il le bras
armé de la justice divine qui viendrait condamner les impies ?

v.16
- “UNE MAISON DE TRAFIC”
D’après les Synoptiques Jésus commence par rappeler une parole de l’Ancien
Testament (ma maison sera appelée une maison de prière) avant de faire un
constat (vous en avez fait une caverne de voleurs). D’après Jean, Jésus semble
plus direct et il ordonne de ne pas transformer la maison du Père en maison de
trafic.
Mais en parlant ainsi, Jésus s’inscrit-il dans la lignée de Jérémie ou dans celle
d’Ésaïe ? Petit rappel historico-théologique en deux temps :
a) Un jour, Jérémie s’est placé dans la cour du Temple (cf. Jérémie 7/1-15; et
26/9) pour interroger les passants : “Est-elle une caverne de cambrioleurs, cette
maison sur laquelle mon nom est invoqué ?” Et après cette interpellation musclée,
le prophète a rappelé le sort qu’a connu jadis un autre centre religieux
d’importance en Israël, le temple de Silo qui a été complètement détruit malgré
sa vocation première...
b) Le discours d’Ésaïe est tout autre (cf. Ésaïe 56/1-8). Il insiste davantage sur la
définition du Temple comme la maison “où Dieu est prié” (sans spécifier qui prie).
Et dans sa vision universaliste, il en vient à préciser que ce sont finalement tous
les peuples qui viendront prier le Dieu d’Israël, à Jérusalem !
Autrement dit, Jérémie menace le peuple d’Israël de voir disparaître le Temple à
cause de leur infidélité alors qu’Ésaïe envisage un élargissement du cercle des
utilisateurs de la Maison aux non-Juifs qui reconnaissent le Dieu d’Israël. Quant
au discours de Jésus, plus que la simple somme vectorielle de ces deux manières
de voir les choses, il se fait davantage invitation pour chaque croyant, non pas à
se rendre au Temple, mais à le suivre, lui, dont le corps sera reconstruit (relevé)
en trois jours (cf. v.19).

3) Piste de prédication : le Christ, un homme de parole !

PAROLE ENTRE LES HOMMES :


Les commentaires sont en général d’accord pour dire que l’événement de Cana
fait office de déclencheur dans le ministère du Christ. Sur fond de fête de
mariage, c’est le couple mère-fils qui prend la première place dans le récit. Marie
est la première à se présenter sur l’avant-scène et c’est pour signifier à Jésus qu’il
peut désormais faire librement la volonté du Père. Le courage maternel de Marie
ne rend que plus beau le point de départ de la mission de celui qu’elle aurait bien
voulu garder comme son fils chéri. Après une hésitation toute humaine, Jésus
prend les choses en main. Daniel Duigou dit qu’ “aux yeux de ces hommes-là, il
prend la place de Dieu sans se prendre pour Lui. Il Le nomme dans sa façon
d’être...”. Conséquence : là où les gens souffraient d’un terrible manque, Jésus
leur permet de surmonter l’épreuve. Comment ? Dans une lecture symbolique, on
remarquera que les cruches à vin sont restées vides mais que Jésus a utilisé les
jarres réservées à l’eau pour la purification (qui a comme signification l’eau de la
création). Autrement dit, Jésus les a invités à puiser dans l’eau de la “créativité”
pour inventer des relations non plus marquées par la frustration mais riches des
paroles échangées (ce qui vaut tous les vins du monde !).

PAROLE DES HOMMES AVEC DIEU :


Si on reprend maintenant l’idée de diptyque (de van den Bussche), Christ se
révèle en deux temps. Tout d’abord à lui-même, lors du miracle à Cana (Jn 2/1-
12) et ensuite au peuple d’Israël dans le Temple de Jérusalem (Jn 2/13-22). Mais
plus que cela, après avoir aidé les gens à se parler entre eux pour qu’il y ait une
vraie fête (à la dimension d’une humanité retrouvée), Jésus va s’attaquer tout de
suite à un problème plus grave encore. Lequel ? Eh bien, le manque de
communication vraie entre les hommes et Dieu. Où cela ? Notamment, dans le
Temple qui représente le centre du judaïsme orthodoxe de l’époque.
Ce faisant, Jésus s’inscrit en partie dans le prolongement du discours du prophète
Ésaïe. Ce dernier avait vu, en effet, que le Temple deviendrait le lieu privilégié de
la prière pour tous les hommes, même non-Juifs, qui voudraient s’adresser au
Dieu unique.
Face à un obstacle très concret, Jésus réagit donc. Il débarrasse l’accès au
Temple de tout le mercantilisme ambiant. Il dégage un chemin pour la parole que
les hommes pourront adresser à leur Dieu.

QUESTIONS POUR NOUS AUJOURD’HUI :


Qu’est-ce qui nous empêche dans nos liturgies de nous adresser plus
personnellement à Dieu pendant le culte communautaire ? Qu’est-ce que le Christ
viendrait (ou vient) faire aujourd’hui pour nous aider dans notre situation
moderne à retrouver le dialogue avec le Père ? Et qu’est-ce que je pourrais faire
dans ma paroisse (ou ma commune) pour aider à aller dans le sens de la vie ?

CONCLUSION :
Pour Jean, la foi n’a jamais rien d’abstrait : elle est ouverture sur la vie (ou sur
la Vie). C’est ainsi que l’Évangéliste représente toujours le Christ par des
symboles qui sont associés à la vie : le pain pour nourrir les hommes, le bon
berger pour conduire le troupeau, la lumière pour éclairer le chemin, la porte
pour passer vers Dieu, le cep pour faire grandir les sarments, ... Et en avant-
première, Jésus annonce ici que la vie est plus forte que la mort car, dit-il, le
temple sera “relevé” (à la place de “reconstruit”) en trois jours. Entendez par là
que, lui, le “nouveau Temple” (présence de Dieu auprès des hommes), est voué à
la vie plus forte que la mort. Et après sa résurrection, rien ne pourra plus
désormais obstruer ou détruire le chemin qui conduit au Père... La vie sera
victorieuse.

4) Suggestion d’une autre lecture biblique dans ce culte (avant la


prédication)

Ésaïe 56/1-8

5) Indications bibliographiques

- Daniel DUIGOU, Psychanalyse des miracles du Christ, Presses de la Renaissance,


Paris, 2003 (pages 19 à 47).
- Henri van den BUSSCHE, Jean, commentaire de l’Évangile spirituel, Desclée de
Brouwer, 1967 (pages 151 à 159).

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