Yersinia pathogènes

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Yersinia pathogènes

Deux espèces de Yersinia peuvent causer la yersiniose


entérique chez l’homme. Il s’agit de certaines souches de
Yersinia enterocolitica et de l’espèce Yersinia
pseudotuberculosis. Ce sont de petits bacilles Gram négatifs,
aéro-anaérobies non sporulés (ci-contre). L’espèce Yersinia
enterocolitica est subdivisée en 6 biotypes qui sont associés à
des stéréotypes pour former des biosérotypes. En Europe les biosérotypes pathogènes pour
l’homme les plus fréquents sont les biosérotypes 4/O :3, avec comme réservoir principal le
porc sain, et 2/O :9 porté surtout par les bovins en bonne santé. Certaines souches de Yersinia
enterocolitica ne sont pas pathogènes pour l’homme. L’espèce Yersinia pseudotuberculosis
est composée de 5 principaux sérotypes divisés en génosérotypes. Cette espèce est
responsable d’une maladie appelée pseudotuberculose chez les animaux, notamment les
rongeurs et les oiseaux. Certains autres types de ces bactéries circulent dans d’autres régions
du monde comme le biosérotype 1B/O :8 de Yersinia enterocolitica, aux Etats-Unis, qui
rassemble des souches plus pathogènes que celles qui circulent en Europe.

Ces Yersinia pathogènes provoquent la yersiniose entérique qui est une gastro-
entérite aiguë accompagnée de fortes douleurs abdominales et de fièvre. On décrit parfois
des complications graves sous forme de localisations comme des abcès, des endocardites, des
ostéomyélites ou des arthrites ou sous forme septicémique avec des taux de mortalité allant
jusqu’à 50%. On l’appelle aussi pseudo-appendicite à cause des douleurs abdominales parfois
confondues avec celles d’une vraie appendicite.

L’incubation dure 2 à 14 jours après le repas infectant et les symptômes persistent de


2 jours à quelques semaines alors que l’excrétion peut durer plusieurs mois. On considère que
la dose minimale infectieuse est élevée, de l’ordre de 100.000 à un million de micro-
organismes ingérés. Le traitement est, en général, seulement symptomatique sauf si des
complications se déclarent.

La yersiniose est la troisième zoonose transmise par les aliments en termes de


fréquence au sein de l’Union européenne avec près de 7.000 cas déclarés en 2021. Il s’agit
souvent de cas sporadiques, mais des cas associés à une même origine alimentaire ont été
décrits. Le nombre de cas déclarés est en diminution constante en Belgique depuis les années
nonante alors que dans d’autres pays, comme la France, l’incidence semble augmenter.

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Cependant, il est probable que cette croissance soit due à une augmentation des recherches
dans ce pays alors que le diagnostic de yersiniose entérique est intégré aux analyses de routine
depuis plus de 30 ans en Belgique.

Un ensemble de facteurs de virulence ont été mis en évidence chez les Yersinia, ce qui
leur permet d’adhérer et d’entrer dans les cellules M de l’épithélium intestinal sans s’y
multiplier. Elles ont la capacité d’inhiber la phagocytose par les macrophages, mais de les
utiliser pour se disséminer dans l’organisme et, in fine, provoquer leur apoptose. Elle peut
résister dans la circulation sanguine, notamment à la privation de fer. Une entérotoxine
thermostable a aussi été décrite, mais son rôle reste incertain. Les gènes de ces facteurs sont
présents sur le chromosome ou sur un grand plasmide commun aux souches pathogènes de
Yersinia.

Les souches de Yersinia pathogènes pour l’homme ont pour réservoir le tube digestif
du porc, du bovin, mais aussi de nombreux autres animaux comme des rongeurs ou des
oiseaux. Comme l’être humain, une fois guéri, peut excréter la bactérie dans ses selles
pendant plusieurs mois, l’homme peut aussi être une source de contamination des aliments.
Chez le porc, il a été montré que les concentrations que l’on peut retrouver, notamment au
niveau des amygdales, peuvent être très importantes : de l’ordre de plus de 100.000 bactéries
par gramme. Les bactéries sont surtout excrétées dans les matières fécales et les aliments
sont contaminés par celles-ci directement ou après un passage par l’environnement. La
résistance de ces bactéries dans l’environnement est très importante, plusieurs dizaines de
jours dans l’eau et jusqu’à près d’un an dans le sol. La bactérie peut aussi se multiplier dans
l’environnement ou dans les aliments, même ceux conservés sous réfrigération, car elle peut
se multiplier à basse température.

La transmission directe par contact avec des animaux ou des personnes infectées a
été décrite ainsi que par contamination avec des eaux de surface, des boues ou des sols
contenant la bactérie.

Les viandes et abats de porc conservés pendant une longue période sur couverture
froide sont la source principale de contamination de l’homme, mais des infections
sporadiques ou des épidémies ont pu aussi été associées à la consommation de crudités
diverses. Le lait cru conservé au frigo peut aussi être une source de contamination.

La prévention dans la chaîne alimentaire vise, d’une part, à gérer les contaminations
d’origine fécale et, d’autre part, à minimiser la multiplication de la bactérie pendant la
conservation de l’aliment. Au niveau de la production végétale, elle vise à ne pas utiliser d’eau
contaminée sur les cultures maraîchères et à n’utiliser que de l’eau potable pour laver les
fruits et légumes destinés à être consommés crus. Dans les abattoirs, il s’agit de minimiser les

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contaminations des carcasses et des organes, soit par la manipulation ou l’incision des
amygdales ou des ganglions lors de l’expertise, soit par contamination fécale lors des étapes
d’échaudage, d’épilation, de flambage, d’éviscération et de fente des carcasses. Dans les
ateliers de transformation et dans la distribution, il faut toujours considérer la viande crue et
les abats de porc comme systématiquement contaminés et éviter les contaminations croisées
entre les types de viande et entre viande crue et viande cuite. Il faut, enfin, réduire la DLC
pour les produits conservés sous réfrigération. In fine, chez le consommateur, il faut aussi
éviter les contaminations croisées, bien cuire la viande de porc, faire bouillir le lait cru, utiliser
de l’eau potable pour laver les végétaux et ne pas conserver des aliments trop longtemps au
frigo.

Les Yersinia peuvent être considérées comme des micro-organismes psychrotrophes,


puisqu’elles peuvent se multiplier à partir de moins 2°C. La croissance est possible jusqu’à
une température de 42°C, avec un optimum à 29°C. Elles peuvent se multiplier à un pH allant
de 4 à 10 et à partir d’une activité de l’eau de 0,945. Il faut atteindre des taux de 5 à 7 % de
sel pour voir leur croissance inhibée. Dans un frigo à 4°C, la population de Yersinia
enterocolitica peut doubler toutes les 24h.

Les Yersinia sont sensibles aux traitements thermiques et leur temps de réduction
décimale à 60°C est d’environ une minute et demie. Le conditionnement de l’aliment sous
atmosphère modifiée, contenant plus de 20% de CO2, ralentit leur croissance alors que le
conditionnement sous vide a peu d’effet. La bactérie est relativement résistante aux
désinfectants chlorés et aux pH alcalins.

Pour conclure, il faut se rappeler que certaines Yersinia peuvent causer des maladies
graves qui ne se limitent pas à une gastro-entérite. Le réservoir de cette bactérie est humain
et animal, mais la viande de porc est la principale source de contamination. Les aliments sont
contaminés directement à partir des matières fécales ou indirectement à partir de
l’environnement contaminé, qui sert de réservoir secondaire. La bactérie peut se multiplier à
basse température même en dessous de 0°C. Comme la dose minimale infectieuse pour
l’homme est élevée, le risque de maladie est surtout associé à des aliments qui ont été
conservés longtemps sous réfrigération.

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