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UNIVERSITE DE LOME

ECOLE SUPERIEURE DES TECHNIQUES ET BIOLOGIE ALIMENTAIRES

COURS
TOX 100 :
TOXICOLOGIE
GENERALE

Mme LAWSON-EVI P.

1
Objectifs du cours

 Ce cours vise à poser les bases de la toxicologie générale chez l'étudiant.


 A l'issue de ce cours, l’étudiant doit être capable de :
- Définir et d’expliquer les grands concepts toxicologiques (organe cible, dose ...)
- Comprendre les principes de la toxicocinétique,
- Connaître les différentes classes des substances toxiques et comprendre leur mode
d'action

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PLAN DU COURS

CHAPITRE I : INTRODUCTION A LA TOXICOLOGIE


1. Généralités
1.1. Historique
1.2. Importance de la toxicologie
1.3. Domaines de la toxicologie
2. Différentes formes d’intoxication

CHAPITRE II : PRINCIPES GÉNÉRAUX DE LA TOXICOLOGIE


1. Définitions et concepts
2. Types d’action
3. Pénétration d’un toxique dans l’organisme

CHAPITRE III : TRANSPORTS MEMBRANAIRES


1. Membranes cellulaires
1.1. Structure des membranes
1.2. Propriétés des membranes
2. Transports membranaires
2.1. Transport passif
2.2. Transport actif
2.3. Endocytose

CHAPITRE IV : VOIES D’EXPOSITION ET D’ADMINISTRATION


1. Voies d’exposition
1.1. Voie respiratoire (inhalation)
1.2. Voie cutanée (peau)
1.3. Voie orale (ingestion)
2. Voies d’administration
2.1. Voie générale
2.2. Voie locale

CHAPITRE V : TOXICOCINETIQUE
1. Absorption
2. Distribution
3. Métabolisme / Biotransformation
4. Excrétion

CHAPITRE VI : ETUDE DE QUELQUES COMPOSES OU AGENTS TOXIQUES


DE SOURCE NATURELLE
1. Les métaux toxiques
2. Les mycotoxines

DE SOURCE SYNTHETIQUE
3. Les alcools
4. Les pesticides
5. Les additifs alimentaires

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CHAPITRE I : INTRODUCTION A LA TOXICOLOGIE

1. Généralités

L’organisme humain est en relation constante avec le milieu extérieur par un ensemble
d’échanges qui contribuent à maintenir un équilibre dynamique. Par exemple, la respiration
permet d’absorber l’oxygène de l’air et d’y rejeter du dioxyde de carbone. Ce qui suppose que
le milieu nous influence et nous l’influençons également.
Chaque année, l’industrie met des centaines de nouveaux produits sur le marché. La production
mondiale annuelle de substances chimiques a été évaluée à 400 millions de tonnes, soit 3000
nouvelles molécules synthétisées chaque année. Les produits chimiques font partie intégrante
de notre vie. Ils se trouvent partout dans l’air que nous respirons, dans nos aliments, nos
médicaments, nos cosmétiques, etc. et nous y sommes fréquemment exposés dans nos loisirs,
dans notre milieu de travail. Ceci n’est pas sans conséquences sur la santé (figure 1).
Il s’avère donc important de connaître l’innocuité (ce qui n’est pas nuisible) ou la nocivité (ce
qui est nuisible) des produits chimiques pour bien en saisir les effets sur notre santé. D’où
l’étude de la toxicologie.

Figure 1. Les différents éléments pouvant affecter l’organisme humain

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1.1. Historique
Le mot toxicologie provient de « toxicon », un mot grec qui signifie poison. La toxicologie est
depuis longtemps reconnue comme étant la science des poisons. En effet la connaissance des
poisons et de leurs effets sur l’homme et les animaux remonte à l’antiquité. Les papyrus
égyptiens avaient une grande expertise dans l’art et la science des poisons d’origine animale et
végétale. Au départ, la toxicologie était l’art de confectionner des poisons mais également l’art
de se prémunir contre les effets toxiques de ces poisons. Exemple : Mithridate consommait des
décoctions contenant des poisons. Emprisonné, il a échoué dans sa tentative de suicide à l’aide
de poisons. D’où l’origine du mot « mithridatisation » qui signifie une accoutumance ou une
immunité acquise à l’égard des poisons par exposition à des doses croissantes.
Un poison ou un toxique est une substance capable de perturber le fonctionnement normal
d’un organisme vivant. Une substance est dite toxique lorsque, après pénétration dans
l’organisme, quelle que soit la voie, à une certaine dose unique ou répétée, elle provoque,
immédiatement ou à terme, de façon passagère ou durable, des troubles d’une ou plusieurs
fonctions de l’organisme pouvant aller jusqu’à l’arrêt complet de ces fonctions et amener la
mort.
Les substances toxiques peuvent être de sources naturelle (ex: poussières, cadmium…) ou
synthétique (ex: formaldéhyde, pepticides…) et de nature : chimique (ex: acétone) ou
biologique (ex: aflatoxines, anthrax)…

1.2. Importance de la toxicologie


Dans les sociétés modernes, la toxicologie est devenue un élément important pour assurer la
santé tant dans le domaine environnemental que professionnel. C’est pourquoi de nombreuses
organisations gouvernementales et non gouvernementales font appel à son fond de
connaissances pour évaluer les risques en milieu professionnel ou dans l’environnement en
général et proposer une réglementation. Faisant partie intégrante des stratégies de prévention,
la toxicologie constitue la source d’informations sur les risques potentiels en l’absence
d’expositions humaines pertinentes. Il faut aussi rappeler que l’industrie emploie beaucoup les
méthodes toxicologiques puisqu’elle y puise des renseignements utiles à la formulation de
nouveaux produits ou à la conception de nouvelles molécules.

1.3. Domaines de la toxicologie


La toxicologie est l’étude des substances toxiques et, plus précisément, l’identification et
l’évaluation quantitative des conséquences néfastes liées à l’exposition à des agents physiques,

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chimiques ou de toute autre nature. Elle fait appel alors à la plupart des sciences biologiques
fondamentales, aux disciplines médicales, à l’épidémiologie et à divers domaines de la chimie
et de la physique. La toxicologie s’étend de la recherche fondamentale sur le mécanisme
d’action des agents toxiques à la mise au point et à l’interprétation de tests normalisés
permettant de caractériser les propriétés toxiques de ces agents. Elle fournit à la médecine et à
l’épidémiologie des informations indispensables pour comprendre l’étiologie et établir le lien
entre les expositions, y compris professionnelles, et les pathologies observées. La toxicologie
peut être scindée en spécialités: toxicologie clinique, toxicologie médico-légale, toxicologie
fondamentale et toxicologie réglementaire ou être présentée selon les organes cibles (par
exemple, immunotoxicologie, toxicogénétique) ou encore selon ses objectifs (recherche,
expérimentation et évaluation du risque) (figure 2).

Sciences
biologiques
fondamentales
Chimie Physique

Toxicologie

Epidémio Autres
logie
Discipline
médicale

Figure 2 : Différents domaines de la toxicologie

2. Différentes formes d’intoxication


2.1. Intoxication aigue
Classiquement, on considère qu’il y a intoxication aigue, lorsque des effets biologiques
surviennent après une période d’exposition à un contaminant ne dépassant pas 24 heures. Mais
en raison de l’utilisation du mot « aigu » conjointement avec exposition ou intoxication, certains
auteurs recommandent d’en réserver l’usage pour décrire la nature des effets résultant d’une
intoxication.

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Exemple : Lorsqu’un sujet pénètre dans un espace clos contenant de l’azote et peu d’oxygène,
il va immédiatement manquer d’oxygène cérébral, ce qui va conduire à son inconscience et à
son décès s’il n’est pas soustrait sur-le-champ à l’exposition.

2.2. Intoxication chronique


L’intoxication chronique concerne une exposition supérieure ou égale à six mois.
Exemple des pesticides organophosphorés.

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CHAPITRE II : PRINCIPES GÉNÉRAUX DE LA TOXICOLOGIE

1. Définitions et concepts
1.1. Toxicité : Evaluation et classification
La toxicité est définie comme la capacité intrinsèque d’un agent chimique à avoir un effet nocif
sur un organisme. Son évaluation et sa classification sont utilisées dans un but réglementaire.
En effet la classification arbitraire des doses ou des niveaux d’exposition à l’origine d’effets
toxiques permet de répertorier les produits exerçant une toxicité aiguë. Ceci permet de
regrouper les produits chimiques dans des catégories générales selon leur effet toxique
essentiel. Elle a une valeur d’avertissement et d’information.
Exemple: les allergènes, les neurotoxiques, les cancérogènes, etc.

1.1.1. La toxicité aiguë


La toxicité aiguë est la capacité d'un produit chimique d'engendrer des effets nocifs après
administration par voie orale (24 heures à deux semaines) d'un produit chimique ou après
exposition de quatre heures à un produit chimique dans l'air.

1.1.2. La toxicité chronique (long terme)


Elle désigne les effets néfastes qui se manifestent après une exposition répétée, sur une longue
durée, à une concentration donnée de la substance administrée.

1.2. Xénobiotique
Un xénobiotique est une substance étrangère, extérieure à l’organisme.
Exemple: les médicaments, les produits chimiques industriels, les poisons naturels et les
polluants environnementaux.

1.3. Dose
La dose est la quantité de xénobiotique ayant pénétré l’organisme. Elle est exprimée en mg/kg
de poids corporel.
Paracelse estimait que « Rien n'est poison, tout est poison : seule la dose fait le poison »

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1.3.1. Relation dose-effet
C’est la relation entre la dose et l’effet à l’échelle de l’individu. Lorsque la dose augmente,
l’intensité ou la sévérité de l’effet croit. Une courbe dose-effet peut ainsi être tracée. Certains
effets toxiques, comme la mort ou le développement d’un cancer, représentent des effets de
«tout ou rien» figure 3.

Figure 3 : Courbe dose-effet

1.3.2. Relation dose-réponse


La relation dose-réponse désigne la relation entre la dose et le pourcentage d’individus
présentant un effet spécifique. Lorsque la dose augmente, un grand nombre d’individus est
affecté dans la population exposée (Figure 4).

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(a)

(b)

Figure 4: Courbes dose-réponse (a et b)

Les relations dose-effet et dose-réponse sont essentielles pour la toxicologie.


En épidémiologie, la relation entre un agent et une pathologie repose sur la proportionnalité
entre la dose et les effets ou réponses observés. La pente de la courbe dose-réponse varie d’un
produit à l’autre. Dans le cas des produits à effets cancérogènes ou mutagènes, la courbe dose-
réponse peut être linéaire dès la dose zéro. Cela signifie qu’il n’existe aucun seuil pour ces
substances et que des doses mêmes faibles font encourir un risque.

1.3.3. Dose d’exposition


Il s’agit de la dose de substance reçue par l’organisme et rapportée au poids de l’individu; La
DJE (Dose Journalière d’Exposition) est exprimée en mg/kg/j.

1.3.4. Dose retenue ou absorbée


Elle est appelée en hygiène du travail, la charge corporelle ; C’est la quantité de xénobiotique
présente dans l’organisme à un moment donné pendant ou après une exposition.

1.3.5. Dose tissulaire


La dose tissulaire est la quantité de substance dans un tissu spécifique.

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1.3.6. Dose cible
La dose cible est la quantité de produit chimique (en mg) fixée par mg de macromolécule
spécifique dans un tissu. Pour utiliser ce concept, il faut disposer d’informations sur le
mécanisme d’action au niveau moléculaire. La dose cible est associée plus précisément à l’effet
toxique.
La notion de dose comporte souvent un paramètre temporel, même s’il n’est pas toujours
exprimé. La dose théorique selon la loi de Haber est D = ct, où D est la dose, c la concentration
du xénobiotique dans l’air et t la durée d’exposition à un produit chimique.
Au niveau de l’organe cible ou au niveau moléculaire, on peut dire qu’il s’agit de la quantité
fixée par mg de tissu ou de molécule pour un temps donné. La prise en compte du temps est
généralement plus importante pour comprendre les expositions répétées et les effets chroniques
que pour les expositions uniques et les effets aigus.

1.3.7. Dose seuil


La dose seuil représente le niveau de dose en dessous duquel aucun effet observable ne survient.
Il existe des seuils pour certains effets, notamment les effets toxiques aigus, mais non pour
d’autres, par exemple pour les effets cancérogènes (initiateurs formant des adduits à l’ADN).
Une simple absence de réponse dans une population donnée ne saurait cependant être
interprétée comme la preuve de l’existence d’un seuil. Elle peut être due à un simple phénomène
statistique: un effet toxique ne se produisant qu’à faible fréquence pourra ne pas être décelé
dans une petite population.

1.3.8. DL50 (dose létale 50)


La DL50 (dose létale 50) est la dose qui entraîne le décès de la moitié du lot d’animaux de
laboratoire soumis au toxique étudié. Elle est souvent employée comme une mesure de la
toxicité aiguë des produits chimiques.
■ Importance de la DL50
Il est difficile de comparer la toxicité d'un produit avec celle d'un autre, étant donné que tous
les produits chimiques ne causent pas les mêmes lésions. Par exemple, l’administration de 10g
d’un produit chimique « A » peut entraîner des lésions nerveuses alors que la même quantité
d’un produit « B » va provoquer des lésions rénales. Cette information ne nous apprend pas si
A ou B est plus toxique parce que nous ne savons pas entre les deux lésions laquelle est la plus
grave.

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Par conséquent, pour comparer la puissance ou l'intensité toxique de différents produits
chimiques, les chercheurs doivent mesurer le même effet. Une façon de procéder est de faire
des essais de létalité (DL50) en mesurant la quantité d'un produit chimique requise pour causer
la mort. Ce type d'essai est aussi appelé essai « quantique », parce qu'il mesure un effet qui « se
manifeste » ou qui « ne se manifeste pas ».
■ Mesure de la DL50
Le produit chimique peut être administré aux animaux par la bouche (voie orale) ou être
appliqué sur la peau (voie cutanée) ou être injecté à différents endroits, comme dans des veines
(voie intraveineuse, i.v.), dans des muscles (voie intramusculaire, i.m.) ou dans l'abdomen (voie
intrapéritonéale).
Les essais peuvent être effectués avec n'importe quelle espèce animale, mais on utilise le plus
souvent des rats ou des souris ou d'autres espèces : chiens, hamsters, chats, cochons d'Inde,
lapins et singes.
Dans chaque cas, la DL50 est exprimée en poids de produit chimique administré par kilogramme
de poids corporel de l'animal et fait mention du type d'animal utilisé ainsi que de la voie
d'exposition ou d'administration.
Exemple : DL50 (orale, rat) – 5 mg/kg, DL50 (cutanée, lapin) – 5 g/kg.
Donc, l'exemple « DL50 (orale, rat) – 5 mg/kg » signifie qu'une dose de 5 milligrammes de ce
produit chimique par kilogramme de poids corporel, administrée d'un seul coup par la bouche
à des rats, entraîne la mort de 50 % de l'échantillon d'essai.
Pour évaluer les effets mortels de l'inhalation d'un composé, le produit chimique (généralement
sous forme de gaz ou de vapeur) est tout d'abord mélangé en concentration connue dans une
enceinte spéciale dans laquelle les animaux d'essai seront ensuite placés. Cette concentration
est généralement exprimée en parties par million (ppm) ou en milligrammes par mètre cube
(mg/m³). Dans ces essais, la concentration qui tue 50 % des animaux est appelée CL50
(concentration létale 50) plutôt que DL50. Lorsqu'une valeur de CL50 est signalée, on doit aussi
mentionner le type d'animal utilisé et la durée de l'exposition.
Exemple : CL50 (rat) – 1000 ppm/4 h ou CL50 (souris) – 5 mg/m³/2 h.
Plus la DL50 est élevée, plus la toxicité aiguë est faible. Un produit chimique très toxique (avec
une faible DL50) est dit violent. Il n’existe pas nécessairement de corrélation entre la toxicité
aiguë et la toxicité chronique.
La DL50 donne une mesure de la toxicité immédiate ou aiguë d'un produit chimique. Elle ne
donne pas d'information sur les effets d'une exposition à long terme à un produit chimique.

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La DL50, permet la classification des produits chimiques à l'aide d'une échelle de toxicité. Les
deux échelles les plus couramment utilisées sont « l'échelle de Hodge et Sterner » et « l'échelle
de Gosselin, Smith et Hodge ». Ces échelles diffèrent au niveau de l'indice de toxicité de
chaque classe ainsi qu'au niveau des termes utilisés pour décrire chaque classe. Par exemple,
un produit chimique ayant une DL50 de 2 mg/kg serait classé « 1 » et « hautement toxique »
selon l'échelle de Hodge et Sterner, mais il serait classé « 6 » et « super toxique » selon l'échelle
de Gosselin, Smith et Hodge. D’où la nécessité de mentionner l'échelle à laquelle l’on fait
référence lorsqu’on classe un produit.
Il est aussi important de savoir que la valeur réelle de la DL50 peut être différente pour un produit
chimique donné, selon la voie d'exposition (p. ex. orale, cutanée, inhalation). Par exemple, voici
certaines DL50 pour le dichlorvos, un insecticide utilisé couramment dans les bandes pesticide :
 DL50 orale (rat) : 56 mg/kg
 DL50 cutanée (rat) : 75 mg/kg
 DL50 intrapéritonéale (rat) : 15 mg/kg
 CL50 inhalation (rat) : 1,7 ppm (15 mg/m³); exposition de 4 heures
 DL50 orale (lapin) : 10 mg/kg
 DL50 orale (pigeon) : 23,7 mg/kg
 DL50 orale (rat) : 56 mg/kg
 Orale (souris) : 61 mg/kg
 Orale (chien) : 100 mg/kg
 Orale (porc) : 157 mg/kg
Classification de la toxicité à partir de la DL50 :
- Extrêmement toxique DL50 < 5mg/kg
- Très toxique 5mg/kg < DL50 < 50 mg/kg
- Toxique 50 mg/kg < DL50 < 500 mg/kg
- Peu toxique 500 mg/kg < DL50 < 5000 mg/kg
- Très peu toxique ou non toxique DL50 > 5000 mg/kg

1.3.9. DE50 (dose efficace)


La dose efficace englobe :
- La NOEL/NOAEL : No Observed (Adverse) Effect Level. Dose à laquelle aucun effet (nocif)
n’est observé ou la plus forte dose n’entraînant aucun effet toxique. Pour établir une valeur
NOEL, il faut disposer de nombreuses doses dans une population mais aussi d’autres
informations.

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- La LOEL : Low Observed Effect Level: la plus faible dose provoquant un effet.

1.4. Danger
Le danger représente une toxicité potentielle survenant dans un cadre ou une situation
déterminée. Il est estimé à partir de la concentration en contaminant ou polluant dans une
alimentation ou dans un environnement donné sur la concentration maximale recommandée par
les normes internationales.
Estimation du danger: Concentration Obtenue/CMR
Lorsque le rapport est > 1 le Danger est avéré

Tableau 1 : Teneur en cadmium et en plomb dans les sols sur différents sites

Sites Teneur (mg/kg ms)

Cadmium Plomb

X1 0,47±0,13 268,63±33,82

X2 7,135±1,736 1,13±0,45

X3 0,092±0,005 0,845±0,025

CMR 0,43 200

CMR : concentrations maximales recommandée dans les sols agricoles selon New York
Departement of environnemental conservation (NYS DEC) (Grubinger et Ross, 2011)

1.5. Risques
Le risque représente la probabilité d’apparition d’un effet nocif spécifique. Il est souvent
exprimé en pourcentage de cas dans une population donnée pour une durée déterminée.
L’indice de risque (IR) pour les effets avec seuil (non cancérogènes):
IR= Dose Journalière d’Exposition (DJE)/ VTR (correspondante)
VTR= Valeur Toxicologique de Référence
IR < 1 : pas d’effet indésirable
IR > 1 : possibilité d’apparition d’effet indésirable

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Une évaluation du risque peut être faite à partir de cas réels ou par projection de cas futurs,
basée sur des extrapolations.

1.6. Effets
- Les effets systémiques sont des effets toxiques observés dans des tissus éloignés de la voie
d’absorption.
- Les effets aigus surviennent rapidement (en moins de 24h) après une exposition limitée; ils
peuvent être réversibles ou non.
- Les effets chroniques surviennent après une exposition prolongée (mois, années, décennies)
ou persistent une fois que l’exposition a cessé.
- Les effets additifs sont le résultat d’une exposition combinée à plusieurs produits chimiques,
où les toxicités particulières sont simplement additionnées les unes aux autres (1+1 = 2).
Lorsque les produits chimiques agissent selon le même mécanisme, on peut présumer qu’ils
auront un effet additif, mais il n’en va pas toujours de même dans la réalité. Ainsi, il peut arriver
que l’interaction entre des produits chimiques aboutisse à une inhibition (antagonisme), l’effet
observé étant plus faible que celui attendu par addition des effets des produits chimiques
individuels (1+1<2). Inversement, la combinaison de produits chimiques peut produire un effet
plus prononcé que celui attendu par simple addition (réponse augmentée chez les individus ou
augmentation de la fréquence des réponses parmi une population) (synergie) (1+1>2).

1.7. Temps de latence


Il s’agit du temps qui s’écoule entre une première exposition et l’apparition d’un effet ou d’une
réponse décelable. Ce terme est souvent employé pour les effets cancérogènes, où les tumeurs
apparaissent longtemps après le début de l’exposition et quelquefois bien après son arrêt.

1.8. Facteur de sécurité


Le facteur de sécurité est un chiffre formel et arbitraire par lequel on divise les valeurs NOEL
ou LOEL obtenues expérimentalement pour définir une dose admissible chez l’humain. Ce
facteur, souvent employé en toxicologie alimentaire mais aussi en toxicologie professionnelle,
peut servir à extrapoler des données issues de petites populations à des populations plus
importantes. Les facteurs de sécurité varient de 100 à 103. On considère qu’un facteur de sécurité
de deux suffit à protéger d’un effet peu sévère (par exemple, une irritation), alors que pour tous
les effets très sévères (par exemple, un cancer), on applique un facteur pouvant aller jusqu’à
1 000.

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1.9. Extrapolations
Les extrapolations sont des estimations théoriques qualitatives ou quantitatives de toxicité
(extrapolation d’un risque) obtenues par déduction de données d’une espèce à l’autre, ou d’un
ensemble de données dose-réponse obtenues dans une zone de doses élevées à des zones de
dose-réponse pour lesquelles il n’existe pas de données. Elles permettent de prévoir une réponse
toxique en dehors du champ d’observation. On les établit à partir de modèles mathématiques
basés sur la connaissance du devenir d’un produit chimique dans l’organisme (modèle
toxicocinétique) ou sur la probabilité statistique de la survenue d’un mécanisme biologique
(modèle biologique ou mécanistique). Certains organismes nationaux ont mis au point, dans un
but réglementaire, des modèles d’extrapolation complexes permettant de prévoir un risque
(Figure 5).

Figure 5 : Représentation graphique dose-réponse typique montrant l’excès d’incidence de


cancer par rapport à la dose de radiation ainsi qu’une extrapolation linéaire des données
jusqu’au point 0.

1.10. Organe cible


L’organe cible est l’organe principal ou l’organe le plus sensible, atteint lors d’une exposition.
Un même produit chimique pénétrant dans l’organisme peut atteindre des organes cibles
différents selon la voie, la dose, le sexe et l’espèce. Une interaction entre produits chimiques,
ou entre produits chimiques et d’autres facteurs, peut également affecter différents organes
cibles.

1.11. Exposition
On distingue :

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- L’exposition aiguë qui est une exposition de courte durée.
- L’exposition chronique qui est de longue durée (parfois toute la vie).

1.12. Tolérance
La tolérance se produit lorsque des expositions répétées entraînent une réponse inférieure à
celle que l’on observe sans prétraitement. On parle d’accoutumance ou de mithridatisation.

2. Types d’action
2.1. Action locale
Lorsque la substance exerce son action à l’endroit de contact on parle d’action locale.
Exemple: anhydride sulfureux (irritant respiratoire); bases et acides forts (brûlures cutanées)

2.2. Action systémique ou générale


L’action se manifeste à des sites éloignés de l’endroit de contact initial.
Exemple: effet néphrotoxique du cadmium (administration par voie orale ou respiratoire)

3. Pénétration d’un toxique dans l’organisme


La pénétration d’un toxique depuis l’environnement jusqu’aux sites où il va exercer son effet
toxique dans l’organisme peut être divisé en trois phases:
- La phase d’exposition
- La phase toxicocinétique
- La phase toxicodynamique

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CHAPITRE III : TRANSPORTS MEMBRANAIRES

1. Membranes cellulaires
1.1. Structure des membranes
Les cellules aussi bien que les organites cellulaires (Figure 6) sont entourées d’une membrane
cytoplasmique qui commande le transport des substances et maintient l’homéostasie cellulaire.
Toutes ces membranes ont une structure semblable, mais diffèrent par leur teneur en lipides et
en protéines.

Figure 6 : Schéma d’une cellule eucaryote avec ses organites

1.1.1. Lipides membranaires


Les membranes sont constituées d’une double couche de molécules lipidiques (phospholipides,
sphingolipides, cholestérol). Les phospholipides sont surtout composés de glycérol dont 02
groupes OH sont estérifiés par des acides gras aliphatiques (de 16 à 18 atomes de C), le
troisième groupe est estérifié par un groupe phosphate et un composé azoté (choline,
éthanolamine, sérine).
Les sphingolipides sont surtout formés de sphingosine.
La molécule lipidique est amphipathique, car elle possède une «tête» polaire hydrophile
(amino-alcool, phosphate, glycérol) et une double «queue» non polaire (acides gras).

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La double couche lipidique est disposée de telle sorte que les têtes hydrophiles constituent la
surface intérieure et extérieure de la membrane et que les queues lipophiles sont étirées vers
l’intérieur de la membrane, qui contient de l’eau, divers ions et des molécules.

1.1.2. Protéines membranaires


Les protéines et des glycoprotéines sont insérées dans la double couche lipidique (protéines
intrinsèques) ou bien attachées à la surface de la membrane (protéines extrinsèques). Les
protéines contribuent à l’intégrité structurale de la membrane, mais peuvent également remplir
la fonction d’enzymes, de protéines porteuses, de parois de pores ou de récepteurs. Elles
assurent les fonctions des biomembranes.

1.2. Propriétés des membranes


Les membranes biologiques constituent une barrière sélective entre l'intérieur et l'extérieur
d'une cellule ou d'un compartiment cellulaire (organite). Elles présentent donc la propriété de
perméabilité sélective, qui permet de contrôler l'entrée et la sortie des différentes molécules et
ions entre le milieu extérieur et le milieu intérieur. Cela permet à chaque organite cellulaire,
mais également à la cellule tout entière d'avoir une composition propre différente de celle de
l’extérieur. Les membranes sont perméables aux petites molécules hydrophobes (O2, N2,
glycérol, ...), par diffusion simple, mais servent de support à de nombreuses protéines
transmembranaires ayant pour rôle de réguler les échanges transmembranaires (exemple :
canaux ioniques pour les transferts d'ions, aquaporines pour le transfert d'eau par osmose, ...).

2. Transports membranaires
Le transport membranaire est le passage d'une molécule, d'un ion ou d'une particule à travers la
bicouche de phospholipides de la membrane plasmique.
Les processus et mécanismes suivants, interviennent dans le transport de substances, y compris
celui des toxiques, à travers les membranes :
 Transport passif: sans consommation d'énergie
- Sans mouvements de membrane, diffusion simple
- Avec mouvements de membrane, diffusion facilitée
 Transport actif: avec consommation d'énergie

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2.1. Transport passif
2.1.1. Diffusion simple
Elle représente le mouvement des molécules et des ions à travers la double couche lipidique ou
les pores depuis une région à forte concentration, ou à fort potentiel électrique, vers une région
à faible concentration ou potentiel (gradient de concentration) (Figure 7).
La différence de concentration ou de charge électrique est la force motrice déterminant
l’intensité du flux dans les deux directions. A l’état d’équilibre, l’afflux est égal au flux sortant.
La diffusion est régie par la loi de Fick, selon laquelle le taux est directement proportionnel à
la surface membranaire disponible, au gradient de concentration (charge) et à un coefficient de
diffusion, et inversement proportionnel à l’épaisseur de la membrane.
Les petites molécules lipophiles passent facilement à travers la couche lipidique membranaire
selon le coefficient de partage de Nernst.
La plupart des substances toxiques traversent les membranes passivement par diffusion.
 les molécules liposolubles pénétrant par dissolution et diffusion à travers la partie
lipidique de la membrane,
 L’éthanol, petite molécule à la fois hydro- et liposoluble, diffuse rapidement à travers
les membranes cellulaires.
Les molécules qui passent à travers la bicouche lipidique sont : les gaz (O2, CO2, NO), les
petites molécules apolaires (l'éthanol ou l'urée) ; l'eau peut diffuser car elle est de petite taille
et non chargée.

Figure 7 : Mécanismes de diffusion simple

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2.1.2. La diffusion facilitée
Elle se fait également suivant un gradient de concentration. Le transport est facilité par une
glycoprotéine transmembranaire (protéine porteuse) ou de complexes macro-moléculaires
formés de plusieurs glycoprotéines (canal ionique).
■ La protéine porteuse
La protéine porteuse fixe les substances d’une manière sélective, ressemblant à un complexe
substrat-enzyme. D’autres molécules similaires (y compris des toxiques) peuvent entrer en
compétition vis-à-vis de la molécule porteuse spécifique, jusqu’à ce que le point de saturation
soit atteint. Dans le cas des toxiques, une fois liés à la molécule porteuse de façon irréversible,
le transport est bloqué.
Chaque type de molécule porteuse présente un taux de transport caractéristique. S’il est réalisé
dans les deux directions, le transport est appelé diffusion d’échange.
On distingue 3 types de protéines porteuses (Figure 8):
- Les Co-transporteur Uniport : Un seul type de produit est transporté.
- Les Co-transporteur Symport : Deux produits sont transportés dans le même sens.
- Les Co-transporteur Antiport : Deux produits sont transportés en sens inverse.

Figure 8 : Les co-transports, symport et antiport

21
Figure 9 : Transport du glucose

Exemple du transport du glucose (Figure 9): Il existe 12 types de transporteurs GLUT.


Exemple du transport de l'eau : L'eau peut être transportée par des protéines porteuses
spécifiques appelées aquaporines présentes dans de nombreuses cellules. Ces protéines
tapissent les membranes des cellules des tubules rénaux et sont responsables de la concentration
de l'urine.

■ Canaux protéiques
Ils assurent le transport rapide de molécules de petite taille comme l'AMP cyclique, le calcium,
l'eau, et les ions et favorise l'équilibre ionique entre deux cellules.

22
Exemple : Canaux ioniques localisés sur la membrane plasmique et sur la membrane du RE
lisse, ils sont spécifiques d'un ion. La vitesse d'échange est au moins 100 fois supérieure aux
échanges par protéine porteuse.
Le transport des ions dans les canaux se fait suivant leur gradient de concentration (du plus
concentré vers le moins concentré). Les canaux ioniques s'ouvrent très rapidement et de façon
transitoire (de l'ordre de la milliseconde). Les canaux ioniques ligand-dépendants constituent
une famille de récepteurs multimériques dont chaque monomère possède 4 domaines
transmembranaires.
Exemple: canal lié au récepteur de la glycine, un des récepteurs de la sérotonine, le récepteur
nicotinique de l'acétylcholine. Le récepteur nicotinique musculaire de l'acétylcholine. Présent
dans la cellule musculaire squelettique au niveau de la jonction neuromusculaire. Formé de 5
sous-unités dont deux sous-unités alpha. La liaison de l'acétylcholine aux deux sous-unités
alpha du récepteur induit l'ouverture du canal (antiport) qui fait rentrer du sodium et sortir du
potassium. Ceci dépolarise la membrane plasmique et fait partie des premiers événements
moléculaires déclenchant la contraction musculaire.
■ Les déplacements de l'eau
On pense souvent à l'eau comme un solvant mais l'eau est constituée de molécules H2O qui ont
la propriété de diffuser plus ou moins vite à travers les membranes selon un gradient de
concentration. L'osmose est la diffusion passive de l'eau des milieux les plus riches en eau
(dilués) vers les plus pauvres en eau (concentrés) à la fois par diffusion simple et par diffusion
facilitée (aquaporines). Ce mouvement d'eau a lieu pour équilibrer les pressions osmotiques
de part et d'autre de la membrane.
Les grosses molécules lipophiles, les molécules hydrosolubles et les ions utilisent les pores
aqueux pour leur passage. La taille et la configuration stérique conditionnent le passage des
molécules. Pour les ions, outre la taille, le type de charge est déterminant. Les protéines
constitutives de la paroi des pores peuvent acquérir une charge positive ou négative. Les pores
étroits sont sélectifs — les ligands chargés négativement permettant le seul passage des cations,
les ligands chargés positivement uniquement celui des anions.
Lorsque le diamètre du pore augmente, le flux hydrodynamique est dominant et permet le libre
passage des ions et des molécules, selon la loi de Poiseuille. La filtration est une conséquence
du gradient osmotique. Dans certains cas, les ions peuvent pénétrer par l’intermédiaire de
molécules spécifiques complexes « les ionophores » produits par des micro-organismes et
présentant des effets antibiotiques (nonactine, valinomycine, gramicidine, etc.).

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Diffusion
simple Voltage
dépendant
Canaux
Canaux
Transport ioniques
Diffusion protéiques
passif Chimio
facilitée
dépendant
Protéines Uniport
porteuses
Osmose
Symport

Antiport

Figure 10 : Schéma récapitulatif du transport passif

2.2. Transport actif


Dans le cas de certaines substances vitales pour la cellule, un type spécial de transporteur existe,
qui permet le transport contre le gradient de concentration ou le potentiel électrique. La
molécule porteuse présente une grande stéréospécificité et elle est saturable. Ce type de
transport nécessite de l’énergie, qui lui est fournie par le clivage catalytique de molécules
d’ATP en molécules d’ADP par l’enzyme adénosine triphosphatase (ATP-ase) (Figure 11).
Des toxiques peuvent interférer avec ce type de transport par inhibition compétitive ou non
compétitive des molécules porteuses ou par inhibition de l’activité ATP-asique.
Le transport actif s’apparente à la diffusion facilitée, mais il peut se produire contre un gradient
de concentration.

Figure 11 : Exemple de transport actif

24
2.3. Endocytose
L’endocytose est un mécanisme de transport au cours duquel la membrane cellulaire enveloppe
le matériau pour former une vésicule pénétrant dans la cellule. Lorsque le matériau concerné
est liquide, le processus est appelé pinocytose. Dans certains cas, ce matériau est lié à un
récepteur et le complexe ainsi formé est transporté par une vésicule membranaire. C’est ce type
de transport qu’utilisent notamment les cellules épithéliales du tractus gastro-intestinal et les
cellules hépatiques et rénales.
La phagocytose est un processus par lequel des cellules spécialisées comme les macrophages
absorbent des particules en vue de les dégrader. Ce processus de transport est important, par
exemple pour l’élimination de particules au niveau des alvéoles pulmonaires.
Flux de masse: Les substances sont aussi transportées dans l’organisme avec le flux de l’air,
ou par le flux sanguin, lymphatique ou urinaire.

25
CHAPITRE IV : VOIES D’EXPOSITION ET D’ADMINISTRATION

1. Voies d’exposition
Pour qu’un effet nocif se manifeste, l’organisme doit être exposé à un produit toxique. Certains
produits agissent pendant leur contact avec la surface exposée, soit la peau ou les yeux ; d’autres
doivent pénétrer dans l’organisme pour provoquer des effets nuisibles. Les principales façons
de les absorber sont l’inhalation (voie respiratoire), l’absorption par la peau (voie cutanée) et
l’ingestion (voie digestive).

1.1. Voie respiratoire (inhalation)


Les poumons représentent les organes où se font les échanges gazeux entre l’air des alvéoles et
le sang des vaisseaux capillaires qui tapissent les alvéoles pulmonaires. Ils sont le siège de la
respiration, qui permet l’absorption et l’élimination des gaz.
Dans la majorité des milieux de travail, la voie respiratoire représente la principale voie d’entrée
des contaminants et la forte possibilité que l’air ambiant soit contaminé par des vapeurs, des
gaz, des fumées, des poussières, etc. explique cette situation.
De nombreux facteurs sont à considérer dans l’absorption d’un produit par les poumons. Pour
les gaz et les vapeurs, il s’agira de la concentration, de la durée d’exposition, de la solubilité
dans l’eau et les tissus, de la réactivité et du débit sanguin, et pour les particules (exemple :
poussières, fibres, fumées, brouillards, brume, pollen, spores), il s’agira des caractéristiques
physiques (le diamètre, la forme, etc.) (Figure 12).
Exemples : le Dioxyde de soufre (SO2) est très soluble dans l’eau, donc pénètre peu
profondément dans le système respiratoire et se limite au nez ce qui permet son absorption par
le mucus et le tissu.
Par contre le monoxyde de carbone (CO) est peu soluble dans l’eau, donc pénètre
profondément dans le système respiratoire, passe dans le sang et est distribué dans l’organisme.

26
Figure 12 : Exposition par voie respiratoire

1.2. Voie cutanée (peau)


La peau est une barrière plus ou moins imperméable (enveloppe protectrice) qui recouvre toute
la surface du corps et qui le protège contre de nombreux contaminants. Toutefois, cette barrière
n’offre pas une protection complète, car elle présente des failles, dont la base des poils et les
pores (Figure 13). C’est un passage important, puisque plusieurs toxiques peuvent pénétrer dans
l’organisme en traversant la peau à la suite d’un contact avec un liquide, un solide ou des
vapeurs (exemple : certains solvants employés pour nettoyer des pièces mécaniques ou encore
des diluants ou des décapants qui sont utilisés sans protection).
Les facteurs influençant l’absorption cutanée sont d’ordre :
- physico-chimiques (pureté, taille de la molécule, solubilité),
- individuels (hydratation, lésions cutanées) et
- anatomiques (endroit du corps mis en contact avec le toxique).

27
Figure 13 : Coupe de la peau

1.3. Voie orale (ingestion)


En milieu de travail, l’ingestion n’est généralement pas considérée comme une voie
d’exposition importante. Toutefois elle ne doit pas être négligée car:
- Des méthodes de travail inadéquates, peuvent conduire à une ingestion accidentelle
- Des mauvaises habitudes (manger, boire ou fumer dans des lieux de travail contaminés)
et mains sales
En matière d’appréciation du risque, la voie orale reste la source majeure d’exposition à certains
toxiques (Ex: métaux lourds).

2. Voies d’administration
Les voies d’administration indiquent la façon dont un médicament est administré au malade.
Elles définissent en d’autres termes le mode d'acheminement du principe actif à son lieu
d'action. On distingue principalement deux voies : la voie générale et la voie locale.

2.1. Voie générale


Encore appelé voie systémique, le principe actif (PA) emprunte la circulation sanguine pour
atteindre son site d'action. On distingue la voie parentérale et la voie entérale.

28
2.1.1. Voie parentérale
Elle regroupe tout mode d'administration par une effraction de la peau et permet une absorption
plus rapide et plus complète des substances. Il s’agit des voies : intraveineuse (IV),
intramusculaire (IM), sous-cutanée (SC), cutanée (SC) et d'autres voies (intradermique, intra-
artérielle, intra-rachidienne ...).

2.1.2. Voie entérale ou digestive


La voie entérale comprend les voies perlinguale, orale et rectale.

2.1. Voie locale


Lorsque le médicament est directement appliqué sur son lieu d'action, il exerce son effet
pharmacologique sur le site précis de l'affection. Nous avons les voies : cutanée, oculaire, nasale
et respiratoire, auriculaire, vaginale…

29
CHAPITRE V : TOXICOCINETIQUE

1. Absorption
1.1. Principaux sites d’absorption
Les voies respiratoire, alimentaire et cutanée constituent les principaux sites d’absorption.

1.1.1. Voie respiratoire


1.1.1.1. Description de la voie respiratoire
L’absorption pulmonaire représente la principale voie de captation de nombreux toxiques
présents dans l’air (gaz, vapeurs, fumées, brouillards, poussières, aérosols, etc.).
Les poumons constituent un système idéal pour les échanges gazeux. En effet, ils présentent
une surface membranaire totale allant de 30 m2 (à l’expiration) à 100 m2 (lors d’une inspiration
profonde), faisant face à un réseau capillaire d’environ 2 000 km. Le système respiratoire est
localisé dans la cavité thoracique, protégé par les côtes.
Sur le plan anatomique et physiologique, l’appareil respiratoire peut être divisé en trois parties
(Figure 14):
- La partie supérieure ou nasopharyngienne, s’étendant du nez au pharynx et au larynx, fait
fonction de système de climatisation;
- L’arbre trachéo-bronchique, composé de nombreux tubes de tailles diverses acheminant l’air
aux poumons;
- Le compartiment pulmonaire, constitué de millions d’alvéoles (sacs alvéolaires) disposées en
grappes de raisins.
1.1.1.2. Mécanismes d’absorption
Les toxiques hydrophiles sont facilement absorbés par l’épithélium de la région
nasopharyngienne (l’épithélium des régions nasopharyngienne et trachéo-bronchique étant
recouvert en totalité d’un film aqueux). Quant aux toxiques lipophiles, ils sont peu absorbés
dans ces deux régions, mais le sont principalement au niveau des alvéoles par diffusion à travers
les membranes alvéolo-capillaires. Le taux d’absorption dépend de la ventilation pulmonaire,
du débit cardiaque (qui conditionne le flux sanguin au niveau pulmonaire), de la solubilité du
toxique dans le sang et de son métabolisme.

30
Figure 14 : Appareil respiratoire

C’est au niveau alvéolaire que s’effectuent les échanges gazeux. La paroi alvéolaire est
constituée d’un épithélium, d’une membrane basale interstitielle, de tissu conjonctif et d’un
endothélium capillaire. A travers ces couches dont l’épaisseur est de 0,8 µm environ, la
diffusion des toxiques est très rapide. Dans les alvéoles, le toxique est échangé entre la phase
aérienne et la phase liquide (sang).
Dans le sang, le toxique est dissous par simple processus physique ou par suite de sa liaison aux
cellules sanguines ou aux constituants plasmatiques selon l’affinité chimique ou par adsorption.
Le sang contenant 75% d’eau, les gaz et les vapeurs hydrophiles présentent donc une grande
solubilité dans le plasma (exemple, les alcools). Les toxiques lipophiles (comme le benzène)
sont généralement liés aux cellules ou aux macromolécules telles que l’albumine.
Dès le début d’une exposition par voie pulmonaire, deux processus opposés surviennent:
l’absorption et la désorption. L’équilibre entre ces processus dépend de la concentration du
toxique dans l’air alvéolaire et le sang. En début d’exposition, la concentration sanguine en
toxiques est nulle et la rétention dans ce milieu est pratiquement totale. Avec la poursuite de

31
l’exposition, un équilibre s’établit entre l’absorption et la désorption. Les toxiques hydrophiles
atteignent rapidement l’équilibre et le taux d’absorption dépend de la ventilation pulmonaire
plutôt que du flux sanguin. Les toxiques lipophiles ont besoin d’un temps plus long pour
atteindre l’équilibre et, dans ce cas, le flux sanguin commande le taux d’absorption.
La rétention relativement faible des particules de poussière observée de façon constante dans
les poumons de personnes fortement exposées (les mineurs, par exemple) donne à penser qu’il
existe un système très efficace de clairance des particules. Dans la partie supérieure du tractus
respiratoire (zone trachéo-bronchique), ce système est assuré par une couche mucociliaire. Dans
la partie pulmonaire, trois mécanismes ou niveaux interviennent:
1) la couche mucociliaire;
2) la phagocytose;
3) la pénétration directe des particules à travers la paroi alvéolaire.
Les 17 premières arborescences de l’arbre trachéo-bronchique possèdent des cellules
épithéliales ciliées qui par le mouvement des cils poussent continuellement une couche de
mucus vers la bouche. Les particules déposées sur cette couche mucociliaire sont avalées au
niveau buccal (ingestion). On note également une couche de mucus à la surface de l’épithélium
alvéolaire, se déplaçant en direction de la couche mucociliaire. De plus, des cellules spécialisées
pouvant se déplacer (les phagocytes) absorbent les particules et les micro-organismes présents
dans les alvéoles et migrent dans deux directions possibles: vers la couche mucociliaire, qui les
achemine ensuite vers la bouche; ou à travers les espaces intercellulaires de la paroi alvéolaire
vers le système lymphatique pulmonaire.

1.1.1.3. Facteurs influençant l’absorption


Le dépôt des particules et des aérosols dans le tractus respiratoire dépend de facteurs physiques
et physiologiques et de la taille des particules. Plus la particule est petite, plus elle pénètre
profondément dans le tractus respiratoire.

1.1.2. Voie gastro-intestinale


1.1.2.1. Description de la voie gastro-intestinale
Le tractus digestif, depuis l’œsophage jusqu’à l’anus (Figure 15), présente la même structure
de base. Une couche muqueuse (épithélium) est sous-tendue de tissu conjonctif et, au-delà, par
un réseau de capillaires et de muscle lisse. La surface de l’épithélium stomacal est très plissée
ce qui accroît la surface d’absorption et de sécrétion. La surface intestinale contient de

32
nombreux replis (villosités), capables d’absorber le toxique par «pompage». La surface active
pour l’absorption dans les intestins est d’environ 100 m2.

Figure 15 : Appareil gastro-intestinal

1.1.2.2. Mécanismes d’absorption


Dans les conditions normales, il y a peu d’absorption de xénobiotiques au niveau de la bouche
et de l’œsophage, largement en raison du transit rapide (faible temps de contact). Il existe
cependant des exceptions comme la nicotine, absorbée au niveau de la muqueuse buccale ou
certains médicaments administrés en sublingual (muqueuse peu épaisse et richement
vascularisée). La forte acidité de l’estomac (pH=1 -3) favorise l’absorption des acides faibles
(non-ionisés et plus facilement diffusibles), plutôt que les bases faibles. D’un autre côté,
l’acidité peut induire la dégradation (et l’inactivation) de certaines substances. La quantité
d’aliments ingérés en même temps que le xénobiotique peut aussi modifier l’absorption au

33
niveau de l’estomac. Proportionnellement, la majeure partie de l’absorption intervient au niveau
intestinal (muqueuse de type glandulaire, offrant une très grande surface du fait de son
organisation en villosités et un long temps de contact du fait de la longueur de l’intestin grêle).
Son pH voisin de la neutralité est compatible avec le passage transmembranaire des acides et
des bases faibles. Les petites molécules liposolubles peuvent pénétrer facilement par la voie
intestinale par simple diffusion passive. La flore intestinale peut également modifier
l’absorption en agissant sur certains xénobiotiques (biotransformation). Dans certains cas les
produits peuvent être beaucoup plus toxiques (oxydation des amines en nitrosamines,
cancérigènes). L’essentiel de l’absorption intervient dans l’intestin grêle et peu dans le côlon et
le rectum.
Le riche réseau vasculaire intestinal converge vers la veine porte qui arrive au niveau du foie,
un organe qui assure d’importantes fonctions (détoxification, biotransformation).
Les toxiques peuvent être ingérés à la suite d’une absorption de nourriture ou de boissons
contaminées, ou par ingestion de particules éliminées par le tractus respiratoire.
Certains ions de métaux toxiques utilisent les systèmes de transport spécialisés des éléments
essentiels. Ainsi le thallium, le cobalt et le manganèse font appel au système de transport du
fer, le plomb employant celui du calcium.

1.1.2.3. Facteurs influençant l’absorption


De nombreux facteurs ont une influence sur le taux d’absorption des toxiques dans les diverses
parties du tractus gastro-intestinal:
- Les propriétés physico-chimiques des toxiques, particulièrement le coefficient de
partage de Nernst et la constante de dissociation; dans le cas des particules, leur
granulométrie revêt une importance particulière. En effet, plus elles sont petites, plus
elles sont solubles;
- La quantité de nourriture présente dans le tractus gastro-intestinal (effet de dilution);
- Le temps de rétention dans chaque partie du tractus gastro-intestinal (de quelques
minutes au niveau buccal à une heure dans l’estomac et plusieurs heures au niveau
intestinal);
- La surface d’absorption et la capacité d’absorption de l’épithélium;
- Le pH local, qui régit l’absorption des toxiques ionisés; dans le pH acide de l’estomac,
les composés acides non ionisés seront plus facilement absorbés;
- Le péristaltisme (mouvement musculaire au niveau des intestins) et le flux sanguin
local;

34
- Les sécrétions gastriques et intestinales transforment les toxiques en produits plus ou
moins solubles; la bile est un agent émulsif produisant des complexes plus solubles
(hydrotrophie);
- L’exposition combinée à d’autres toxiques, produisant des effets synergiques ou
antagonistes lors des processus d’absorption;
- La présence d’agents complexants ou chélateurs;
- L’action de la microflore du tractus gastro-intestinal (environ 1,5 kg). Il existe une
soixantaine d’espèces de bactéries différentes pouvant intervenir dans la
biotransformation des toxiques.
- Il faut également mentionner la circulation entéro-hépatique. Les toxiques ou leurs
métabolites polaires (glucuronides et autres conjugués) sont excrétés avec la bile dans
le duodénum. A ce niveau, les enzymes de la microflore réalisent une hydrolyse et les
produits libérés peuvent être réabsorbés et transportés par la veine porte vers le foie. Ce
mécanisme est très dangereux dans le cas de substances hépatotoxiques, car il permet
leur accumulation temporaire dans le foie.
S’agissant des toxiques biotransformés dans le foie en métabolites moins toxiques ou non
toxiques, l’ingestion peut représenter une voie d’entrée moins dangereuse. Après absorption
dans le tractus gastro-intestinal, ces toxiques sont transportés par la veine porte au foie où ils
peuvent être partiellement détoxifiés par biotransformation.

1.1.3. Voie dermique


La peau est une barrière très efficace. A côté de son rôle thermorégulateur, elle est conçue pour
protéger l’organisme contre les micro-organismes, le rayonnement ultraviolet et autres agents
nocifs et éviter une perte d’eau excessive. La présence de couche de kératine assure une grande
résistance à la diffusion de la plupart des substances.
Néanmoins, en présence de substances liposolubles très toxiques telles que les insecticides
organophosphorés ou les solvants organiques, on peut observer une absorption dermique
considérable pouvant être à l’origine d’une intoxication. Dans le cas de substances liquides,
l’absorption est notable. L’absorption percutanée de vapeurs peut être importante pour les
solvants présentant une pression de vapeur très basse et une forte affinité pour l’eau.

1.1.3.1. Description
La peau (1,8 m2 de surface chez l’adulte) et les muqueuses des orifices recouvrent la surface
corporelle. La peau agit comme un rempart vis-à-vis des agents physiques, chimiques et

35
biologiques et, entre autres tâches physiologiques, elle maintient l’intégrité du corps et
l’homéostasie.
La peau est constituée de trois couches: l’épiderme, la vraie peau (le derme) et les tissus sous-
cutanés (hypoderme). Du point de vue toxicologique, l’épiderme est du plus grand intérêt. Il est
constitué de nombreuses couches cellulaires. Une surface calleuse de cellules mortes aplaties
(couche cornée) constitue la couche supérieure, sous laquelle se trouvent des couches continues
de cellules vivantes ; le stratum lucidum, le stratum granulosum, le stratum spinosum, et le
stratum basale. La membrane lipidique représente une barrière protectrice que traversent les
follicules des poils et les canaux des glandes sudoripares dans les parties velues de la peau.

1.1.3.2. Mécanismes d’absorption


L’absorption dermique peut se faire selon les mécanismes suivants:
- Absorption transépidermale par diffusion à travers la membrane lipidique (barrière),
principalement pour les substances lipophiles (solvants organiques, pesticides, etc.) et,
dans une moindre mesure, par certaines substances hydrophiles à travers les pores;
- Absorption transfolliculaire autour de la tige des follicules pileux, évitant ainsi la
barrière membranaire; cette absorption a lieu au niveau des surfaces cutanées pileuses;
- Absorption au niveau des canaux sudoripares, dont la section transversale correspond à
environ 0,1 à 1% de la superficie totale de la peau;
- Absorption à travers la peau quand celle-ci est lésée pour des raisons mécaniques,
thermiques, chimiques ou par suite d’affections cutanées; les couches cutanées, y
compris la barrière lipidique, sont alors rompues permettant ainsi la pénétration des
toxiques et des agents dangereux.

1.1.3.3. Facteurs influençant l’absorption


Le taux d’absorption à travers la peau dépend de nombreux facteurs:
- La concentration du toxique, le type de véhicule (milieu), la présence d’autres
substances;
- Le degré d’hydratation cutanée, le pH, la température, le flux sanguin local, la
transpiration, la surface de peau contaminée, l’épaisseur de la peau;
- Les caractéristiques anatomiques et physiologiques de la peau en fonction du sexe, de
l’âge, des variations individuelles, des différences de nature ethnique ou raciale, etc.

36
1.2. Paramètres mesurant la vitesse d’absorption : La Biodisponibilité
1.2.1. Définition
La biodisponibilité est la fraction d’une dose administrée pénétrant dans la circulation
systémique. En l’absence de clairance présystémique, ou de métabolisme de premier passage,
la fraction est égale à 1. Lors d’une exposition per os, la clairance présystémique peut être due
au métabolisme au niveau du contenu gastro-intestinal, de la paroi intestinale ou du foie.

1.2.2. Mesure de la biodisponibilité


La biodisponibilité est usuellement évaluée par l'aire sous la courbe des concentrations
plasmatiques en fonction du temps (Figure 16).
En général, la quantification du facteur (F) de biodisponibilité s’effectue par comparaison des
aires sous la courbe des concentrations en fonction du temps (ASC) après administration de
chaque forme (voie intraveineuse et voie per os) séparément. Celles-ci sont en effet
proportionnelles à la quantité de médicament présent dans la circulation générale.
F est obtenu selon :

F= ASCpo / ASCiv (biodisponibilité absolue)

On voit selon cette équation que si toute la dose administrée par voie orale est absorbée (comme
en intra-veineux) la biodisponibilité absolue de ce produit sera 1. Une biodisponibilité absolue
de 0,5 pour un produit signifie que seule la moitié de la quantité administrée est retrouvée dans
la circulation générale. Ainsi, la dose contenue dans le comprimé ou la gélule ne reflète pas
toujours la dose biodisponible ; F est donc par définition compris entre 0 et 1.
La biodisponibilité relative, permet de comparer entre elles deux formes du médicament
administrées par la même voie (ex. comprimé vs sirop). La comparaison porte alors sur les 3
paramètres : F, Cmax et Tmax.

Figure 16 : Biodisponibilité des médicaments

37
2. Distribution
2.1. Définition
La distribution correspond au processus de répartition d’une substance dans l’ensemble des
tissus et organes. Pour diffuser dans les différents tissus, la substance doit passer à travers les
membranes plasmiques.
La distribution d’une substance dans l’organisme est un processus dynamique dépendant des
vitesses de captation tissulaire et d’élimination, du flux sanguin vers les différents tissus et de
l’affinité de ces derniers pour la substance. Les petites molécules hydrosolubles, non ionisées,
les cations monovalents et la plupart des anions diffusent facilement et finissent par se répartir
de façon relativement régulière dans l’organisme.

2.2. Mécanismes de distribution


L’organisme humain peut être divisé en plusieurs compartiments:
1) les organes internes;
2) la peau et les muscles;
3) le tissu adipeux;
4) le tissu conjonctif et le tissu osseux.
Cette classification est principalement basée sur le degré, en l’occurrence décroissant,
d’irrigation vasculaire (sanguine). Ainsi, les organes internes (dont le cerveau), représentant
12% du poids corporel total, reçoivent environ 75% du volume sanguin total. A l’opposé, les
tissus conjonctif et osseux (15% du poids total du corps) ne reçoivent que 1% du volume
sanguin total.
Les organes internes fortement irrigués atteignent généralement la plus forte concentration
toxique dans le temps le plus court. La captation des toxiques par les tissus moins perfusés est
plus lente, mais la rétention y est plus forte et la durée de séjour plus longue (accumulation) en
raison de la faible perfusion.
Trois éléments revêtent une importance capitale dans la distribution intracellulaire des
toxiques: l’eau, les lipides et les protéines, et en particulier leur teneur dans les cellules des
divers tissus et organes. Les compartiments susmentionnés se caractérisent par une teneur en
eau cellulaire décroissante. Les toxiques hydrophiles sont distribués plus rapidement dans les
fluides et les cellules riches en eau, alors que la distribution des toxiques lipophiles est plus
rapide vers les cellules à contenu lipidique élevé (tissus gras).
L’organisme possède des barrières empêchant la pénétration de certains groupes de toxiques,
surtout hydrophiles, dans des organes et des tissus.

38
2.3. Facteurs influençant la distribution
2.3.1. Accumulation
Lors de la distribution et de la rétention dans les organes et tissus, on assiste à divers processus
de biotransformation. Cette biotransformation produit des métabolites plus polaires et plus
hydrophiles, qui sont plus faciles à éliminer. Un taux faible de biotransformation d’un toxique
lipophile provoque généralement son accumulation dans un compartiment.
Les toxiques peuvent être divisés en quatre groupes principaux selon leur affinité et leur mode
prédominant de rétention et d’accumulation dans un compartiment particulier:
- Les toxiques solubles dans les fluides corporels sont distribués uniformément selon
la teneur en eau des compartiments. De nombreux cations monovalents (lithium,
potassium, rubidium, sodium, par exemple) et certains anions (chlore, brome, etc.) sont
distribués selon ce modèle.
- Les toxiques lipophiles montrent une forte affinité pour les organes (SNC) et tissus
(gras, adipeux) riches en lipides.
- Les toxiques formant des particules colloïdes sont captés par les cellules spécialisées
du système réticulo-endothélial des tissus et organes. Les cations tri- et quadrivalents
(lanthane, césium, hafnium) sont distribués dans ce système des tissus et des organes.
- Les toxiques ayant une forte affinité pour les tissus osseux et conjonctifs (éléments
ostéotrophiques, «chercheurs d’os»), y compris les toxiques cationiques divalents
(aluminium, baryum, béryllium, cadmium, calcium, plomb, radium, strontium, par
exemple).

2.3.1.1. L’accumulation dans les tissus riches en lipides


Un homme de 70 kg de poids corporel est constitué de 15% environ de tissu adipeux (jusqu’à
50% chez l’obèse), mais cette fraction lipidique n’est pas répartie uniformément. Le cerveau
(SNC) est un organe riche en lipides et les nerfs périphériques sont entourés d’une gaine de
myéline riche en lipides et en cellules de Schwann, tissus qui tous permettent l’accumulation
de toxiques lipophiles.
De nombreux toxiques non ionisés et apolaires ayant un coefficient de partage de Nernst
favorable seront distribués dans ce compartiment, de même que de nombreux solvants
organiques (alcools, aldéhydes, cétones, etc.), des hydrocarbures chlorés (dont les
insecticides organochlorés comme le DDT), certains gaz inertes (radon), etc.

39
Le tissu adipeux accumule les toxiques en raison de sa vascularisation et de son taux de
biotransformation faibles. L’accumulation des toxiques peut y représenter une sorte de
«neutralisation» temporaire du fait de l’absence de cibles pour l’effet toxique dans ce milieu.
Cependant, le danger potentiel pour l’organisme est toujours présent en raison de la possibilité
d’une mobilisation des toxiques depuis ce compartiment vers la circulation.
Le dépôt de toxiques au niveau cérébral (SNC) ou dans le tissu riche en lipides de la gaine de
myéline du système nerveux périphérique s’avère très nocif. En effet, les neurotoxiques sont
déposés directement à proximité de leur cible. Les toxiques retenus dans les tissus riches en
lipides des glandes endocrines peuvent entraîner des troubles hormonaux. Malgré la barrière
hémato-encéphalique, de nombreux neurotoxiques lipophiles atteignent le cerveau (SNC):
anesthésiques, organomercuriels, pesticides, plomb tétraéthyle, solvants organiques, etc.

2.3.1.2. La rétention dans le système réticulo-endothélial


Dans tous les tissus et organes, des cellules spéciales possèdent une activité phagocytaire leur
permettant de piéger les micro-organismes, les particules, les particules colloïdales, etc. Ce
système, appelé système réticulo-endothélial, comporte à la fois des cellules fixes et des
cellules mobiles (phagocytes) présentes sous forme inactive. Lorsqu’elles se trouvent exposées
à un nombre élevé de microbes ou de particules, ces cellules sont activées jusqu’à un point de
saturation.
Les toxiques colloïdaux sont captés par le système réticulo-endothélial des organes et des
tissus. La distribution dépend de la taille des particules colloïdales, la rétention des plus grosses
particules ayant lieu préférentiellement dans le foie. Pour les particules colloïdales plus petites,
une distribution plus ou moins uniforme se fait entre la rate, la moelle osseuse et le foie. Au
niveau du SNC, la clairance des colloïdes est très lente, alors que les petites particules sont
éliminées de façon relativement plus rapide.

2.3.1.3. L’accumulation osseuse


Environ 60 éléments sont identifiés comme éléments ostéotrophiques, ou «chercheurs d’os».
Les éléments ostéotrophiques peuvent être divisés en trois groupes:
- Les éléments formant ou remplaçant des constituants physiologiques de l’os. Vingt
éléments de ce type sont présents en plus forte quantité, les autres ne se retrouvant qu’à
l’état de traces. Lors d’une exposition chronique, des métaux toxiques tels que le plomb,
l’aluminium et le mercure peuvent également pénétrer dans la matrice minérale osseuse.

40
- Les éléments alcalins et d’autres éléments formant des cations dont le diamètre ionique
est identique à celui du calcium sont échangeables avec lui dans la partie minérale de la
substance osseuse. De même, certains anions sont échangeables avec les anions
(phosphate, hydroxyle) de cette même substance osseuse.
- Les éléments formant des microcolloïdes peuvent être adsorbés à la surface du minéral
osseux.
Le squelette d’un homme normal représente 10 à 15% du poids corporel total et constitue un
potentiel de stockage important pour les toxiques ostéotrophiques. L’os est un tissu hautement
spécialisé formé, en volume, de 54% de minéraux et de 38% de matrice organique. La matrice
minérale osseuse est constituée d’hydroxyapatite, Ca10(PO4)6(OH)2, dans laquelle le rapport
Ca/P est d’environ 1,5 à 1. La surface de minéral disponible pour l’adsorption est d’environ
100 m2par gramme de tissu osseux.
Les os du squelette peuvent être divisés en deux catégories en fonction de leur activité
métabolique:
- l’os actif, au point de vue métabolique, dans lequel les processus de résorption et de
formation de nouveau tissu osseux, ou de remodelage de tissu osseux existant, sont très
importants;
- l’os stable, à faible taux de remodelage ou de croissance.
Chez le fœtus, le nouveau-né et le jeune enfant, l’os actif (squelette disponible) représente près
de 100% du squelette. Ce pourcentage d’os décroît avec l’âge. L’incorporation des toxiques
lors d’une exposition se fait dans l’os actif et dans les compartiments se renouvelant plus
lentement.
Cette incorporation se produit de deux manières:
- Dans le cas des ions, un échange a lieu avec les ions calcium présents, ou les anions
(phosphate, hydroxyle).
- Pour les toxiques formant des particules colloïdes, l’adsorption se fait à la surface du
minéral.

2.3.2. Liaisons sanguines


Le sang représente le véhicule principal assurant le transport des toxiques et de leurs
métabolites. Quelle que soit la voie d’absorption, les toxiques atteignent le sang, la lymphe ou
les autres fluides corporels.
Les toxiques sont absorbés sous forme moléculaire ou ionique. Certains d’entre eux forment,
au pH du sang, des particules colloïdales constituant la troisième forme de transport dans ce

41
liquide. Les molécules, les ions et les colloïdes toxiques sont transportés dans le sang de
diverses manières:
- par liaison physique ou chimique aux éléments du sang, surtout aux érythrocytes;
- par dissolution physique dans le plasma à l’état libre;
- par liaison à un ou plusieurs types de protéines plasmatiques, complexés avec des acides
organiques ou avec d’autres fractions du plasma.
La plupart des toxiques sanguins se trouvent soit à l’état libre dans le plasma, soit liés aux
érythrocytes et aux constituants plasmatiques. Leur distribution dépend de leur affinité envers
ces constituants.
Les toxiques peuvent être adsorbés à la surface des érythrocytes ou se lier aux ligands du stroma.
S’ils pénètrent dans les érythrocytes, ils peuvent se lier à l’hème (le monoxyde de carbone et le
sélénium, par exemple) ou à la globine (Sb111, Po210). Parmi les toxiques transportés par les
érythrocytes, on trouve l’arsenic, le césium, le plomb, le radium, le sodium et le thorium. Le
chrome hexavalent est exclusivement lié aux érythrocytes et le chrome trivalent aux protéines
plasmatiques. Dans le cas du zinc, on assiste à une concurrence entre les érythrocytes et le
plasma. Le plomb est transporté à 96% environ par les érythrocytes. Le mercure organique est
principalement lié aux érythrocytes, le mercure inorganique étant en majeure partie acheminé
par l’albumine plasmatique. De petites fractions de béryllium, de cuivre, de tellure et d’uranium
sont prises en charge par les érythrocytes.
La majorité des toxiques sont transportés par le plasma ou les protéines plasmatiques. Les
protéines plasmatiques possèdent une surface totale d’environ 600 à 800 km2 pouvant assurer
l’absorption des toxiques.
Les acides organiques (lactique, glutamique, citrique) forment des complexes avec certains
toxiques. Les éléments alcalins et les terres rares (le scandium, l'yttrium, et les quinze
lanthanides (Lanthane, Cérium, Praséodyme, Néodyme, Prométhium, Samarium, Europium,
Gadolinium etc…), de même que certains éléments lourds sous forme cationique, sont
également complexés avec des acides organiques et des acides aminés. Tous ces complexes
sont généralement diffusibles et facilement distribués dans les tissus et les organes.
Physiologiquement, les agents chélateurs plasmatiques tels que la transferrine et la
métallothionéine rivalisent avec les acides organiques et les acides aminés vis-à-vis des cations
pour former des chélates stables.
Les ions libres diffusibles et certains complexes et molécules libres passent facilement du sang
aux tissus et aux organes. La fraction libre des ions et des molécules est en équilibre dynamique
avec la fraction liée.

42
La distribution d’un toxique du sang vers les tissus et les organes ou, inversement, sa
mobilisation depuis les tissus et les organes vers le sang, dépendent de sa concentration
sanguine.

2.3.2. Barrières
On peut distinguer :
■ La barrière hémato-encéphalique (barrière cérébro-spinale),
Elle est constituée d’une couche de cellules endothéliales étroitement soudées que les toxiques
lipophiles sont les seuls à pouvoir traverser. La barrière hémato-encéphalique restreint la
pénétration de molécules de poids moléculaire élevé et des toxiques hydrophiles dans le SNC.
■ La barrière placentaire :
Elle restreint la pénétration des toxiques du sang maternel vers le fœtus.
■ La barrière histo-hématologique :
On la retrouve au niveau des parois des capillaires. Elle est perméable aux molécules de petite
taille et de taille intermédiaire ainsi qu’à certaines grosses molécules et aux ions.
Comme il a été déjà mentionné, seules les formes libres des toxiques dans le plasma (molécules,
ions, colloïdes) peuvent pénétrer à travers les parois capillaires. Cette fraction libre est en
équilibre dynamique avec la fraction liée. La concentration des toxiques dans le sang, qui est
elle aussi en équilibre dynamique avec leur concentration dans les organes et les tissus,
commande leur rétention (accumulation) ou leur mobilisation dans ces milieux.
La distribution dépend de l’état général de l’organisme, de l’état fonctionnel des organes (en
particulier la régulation neuro-humorale), de l’équilibre hormonal et d’autres facteurs.
La rétention d’un toxique dans un compartiment donné est généralement temporaire et se
termine par une redistribution vers d’autres tissus.
La rétention et l’accumulation dépendent de la différence entre vitesse d’absorption et vitesse
d’élimination.
La durée de rétention dans un compartiment est exprimée par la demi-vie biologique, intervalle
de temps durant lequel 50% du toxique sont éliminés du tissu ou de l’organe pour être
redistribués dans l’organisme ou en être éliminés.

2.4. Paramètres mesurant la distribution : Notion de volume de distribution


Le volume de distribution est une valeur de répartition d'une substance active dans le corps.
Cette notion est importante dans la mesure où elle évalue la façon dont la molécule va se
diffuser. Si le volume de distribution est faible, cela signifie que la substance n'est que peu

43
absorbée, elle se maintient dans le sang plutôt que de passer dans les tissus. Inversement, en cas
de volume de distribution élevé, on sait que la substance a été correctement absorbée et qu'elle
sera donc plus active.
Lorsqu’on administre une quantité Q de substance, on mesure dans le sang et on obtient une
concentration C de cette substance. Cette concentration va dépendre de la voie d'administration,
de l'absorption, de la diffusion etc…

A partir de Q (que l'on connait) et de C (que l'on mesure), on va pouvoir calculer :


Le volume de distribution Vd, avec Vd = Q/C.

Ainsi, Vd correspondrait au volume dans lequel s'est dissoute la substance pour obtenir la
concentration que l'on a mesuré. Mais étant donné que la substance n'est pas répartie
uniformément dans tout le corps (il y a des organes où elle sera plus concentrée que d'autres),
on définit ce volume comme étant celui qu'on aurait si la substance avait partout la même
concentration que celle que l'on mesure dans le plasma.
Exemples :
On injecte une quantité Q = 10 mg d'un médicament A chez un sujet. On mesure ensuite la
concentration plasmatique de ce médicament, on trouve C = 2 mg/L. Cela voudrait donc dire
que, si le médicament était partout concentré à 2 mg/L, il serait dissous dans un Vd = Q/C =
10/2 = 5 L.
Cette valeur correspondant au volume sanguin, on peut donc dire que la distribution du
médicament est homogène dans l'organisme, c'est-à-dire qu'il se retrouve surtout dans le sang.
On injecte ensuite une quantité Q = 10 mg d'un médicament B chez notre sujet. On mesure
ensuite la concentration plasmatique de ce médicament, on trouve C = 0,02 mg/L. Cela voudrait
donc dire que, si le médicament était partout concentré à 0,02 mg/L, il serait dissous dans un
Vd = Q/C = 10/0,02 = 500 L. Cette valeur étant très supérieure au volume sanguin, on en déduit
que la distribution est inhomogène, c'est-à-dire que le médicament s'est concentré dans certains
tissus et qu'il n'y en a presque plus dans le sang.
De manière générale, on peut dire qu'une substance qui a un volume de distribution élevé est
une substance qui se concentre dans certains organes.
Un volume de distribution inférieur à 1 litre par kg de poids corporel indique une distribution
préférentielle dans le sang (le sérum ou le plasma), alors qu’une valeur supérieure témoigne
d’une prédilection pour les tissus périphériques, par exemple le tissu adipeux pour les
substances liposolubles.

44
3. Métabolisme / Biotransformation
La biotransformation est un processus qui mène à la transformation métabolique de composés
étrangers (xénobiotiques) dans l’organisme. Ce processus est souvent appelé métabolisme des
xénobiotiques. En règle générale, le métabolisme convertit les xénobiotiques liposolubles en
métabolites hydrosolubles, de poids moléculaire plus élevé et faciles à éliminer.

3.1. Mécanismes de la biotransformation


Le foie est le principal site de la biotransformation. Tous les xénobiotiques absorbés au
niveau intestinal sont transportés vers le foie par un vaisseau sanguin unique, la veine porte. Si
une substance étrangère est absorbée en petites quantités, elle peut être complètement
métabolisée par le foie avant d’atteindre la circulation générale et les autres organes (effet de
premier passage).
Les xénobiotiques inhalés parviennent au foie par la circulation générale. Seule une fraction de
la dose est alors métabolisée avant d’atteindre les autres organes.
Les cellules hépatiques contiennent diverses enzymes qui oxydent les xénobiotiques. Cette
oxydation active généralement le composé, qui devient plus réactif que la molécule mère. Dans
la plupart des cas, le métabolite oxydé est métabolisé plus complètement par d’autres enzymes
lors d’une seconde phase.
Ces enzymes conjuguent le métabolite avec une substance endogène, de sorte que la molécule
augmente de volume et se polarise, ce qui facilite son élimination.
Les enzymes métabolisant les xénobiotiques sont également présentes dans d’autres organes
tels que les poumons et les reins où elles peuvent jouer des rôles spécifiques et qualitativement
importants dans le métabolisme de certains xénobiotiques. Les métabolites formés dans un
organe peuvent être ensuite métabolisés à nouveau dans un second organe.
Les bactéries intestinales peuvent aussi participer à la biotransformation.
Les métabolites des xénobiotiques peuvent être excrétés par les reins ou par la bile. Ils peuvent
aussi être exhalés par les poumons, ou se lier à des molécules endogènes dans l’organisme.
La relation entre la biotransformation et la toxicité est complexe. La biotransformation peut être
considérée comme un processus nécessaire à la survie. Elle protège l’organisme vis-à-vis d’une
toxicité en empêchant les substances nocives de s’accumuler dans l’organisme. Cependant, des
métabolites réactifs intermédiaires peuvent se former lors de la biotransformation, métabolites
qui sont potentiellement dangereux. Ce phénomène est appelé l’activation métabolique. La
biotransformation peut donc induire également une toxicité. S’ils ne sont pas conjugués, les

45
métabolites oxydés intermédiaires peuvent se lier aux structures cellulaires et les endommager.
Par exemple, la liaison d’un métabolite de xénobiotique à l’ADN peut être à l’origine d’une
mutation. Si le système de biotransformation est dépassé, il peut se produire une destruction
massive de protéines essentielles ou des membranes lipidiques qui peut aboutir à la mort
cellulaire. Deux classes de réactions enzymatiques peuvent intervenir pour transformer un
produit en un métabolite : les réactions de phase I et les réactions de phase II.

3.2. Réactions de la phase I


Trois types de réactions sont possibles : l’oxydation, l’hydrolyse et la réduction.
La phase I comporte les biotransformations dont le mécanisme réactionnel implique une
oxydation sans que celle-ci soit toujours apparente dans le produit final obtenu.
Elle comporte :
- des réactions d’hydroxylation (RCH => RCOH, R pouvant être aliphatique ou
aromatique et C un carbone), de N-oxydation (R1-NH-R2 => R1-NOH-R2), de S-oxydation
(R1-S-R2 => R1-SO-R2) où l’oxydation est évidente car il y a eu addition d’un atome
d’oxygène, et
- des réactions de N- et O-déalkylation, où la fixation d’un atome d’oxygène n’a été
qu’une étape intermédiaire et n’apparaît pas dans le produit final.

Figure 17 : Les réactions d’oxydation catalysées par le cytochrome P-450

Un très grand nombre de réactions d’oxydation sont catalysées par le cytochrome P450 (Figure
17).

46
Les cytochromes P450 (CYP) sont répartis en quatre familles (CYP1, CYP2, CYP3 et CYP4),
puis en sous-familles (CYP1A, CYP2D, etc.) et en isoenzymes (CYP3A4, CYP2D6, etc.).
Chaque isoenzyme métabolise préférentiellement des substrats déterminés. Parmi les
cytochromes P450 les plus impliqués dans le métabolisme des médicaments, on retrouve par
ordre décroissant le CYP3A4 (plus de 50% des médicaments), puis 2D6, 2C9, 1A2 et 2E1.
Le fonctionnement du cytochrome P-450 nécessite la présence d’une enzyme associée, appelée
cytochrome P-450 réductase, qui prélève deux électrons à une flavoprotéine réduite pour les
transférer au substrat qui sera oxydé. La flavoprotéine elle-même reçoit ses électrons du
NADPH + H+.
Chaque famille métabolise préférentiellement des substrats déterminés. Certains substrats étant
des inducteurs de l’iso-enzyme correspondante et d’autres des inhibiteurs.
Exemple :
- CYP 1A2 métabolise, la caféine, la théophylline, la clozapine, l’imipramine, la tacrine.
Il est induit par le tabac.
- CYP 2C9 métabolise la phénytoïne, le tolbutamide, l’ibuprofène, la warfarine.
- CYP 2I9 métabolise, l’oméprazole, le moclobémide, le diazépam, l’imipramine.
- CYP 2D6 métabolise divers antidépresseurs, divers neuroleptiques, divers b-bloquants.
- CYP 3A, notamment le 3A4 métabolise la clozapine, la terfénadine, le cisapride,
l’érythromycine, la ciclosporine, la nifédipine ; ainsi que le cortisol, la progestérone, la
testostérone. Le kétoconazole, l’érythromycine sont des inhibiteurs des CYP 3A.
- CYP 2E1 métabolise les petites molécules dont les anesthésiques volatils.
On constate que la même substance peut être métabolisée par deux ou plusieurs iso-enzymes
différentes.
Il peut exister de grandes différences d’activité entre les divers types de cytochromes,
différences d’origine génétique ou acquises par induction ou inhibition.

3.2.1. Induction des CYP450


Une induction des cytochromes P450 entraîne une accélération du métabolisme des
xénobiotiques. Celle-ci va se traduire par :
- Une diminution de l’effet si les métabolites sont inactifs ;
- Une augmentation de l’effet ou de la toxicité si les métabolites sont actifs.
L’induction est un phénomène lent puisqu'il implique l'augmentation de l'expression des gènes
des cytochromes et la synthèse des protéines correspondantes. Ses effets peuvent commencer à
se voir dès les premières 24h pour les inducteurs puissants (rifampicine). Les substances

47
inductrices du cytochrome P450 les plus connues sont la rifampicine, le phénobarbital, la
carbamazépine et l’alcool. A l'arrêt du traitement inducteur, il faut quelques jours encore pour
revenir à une activité enzymatique basale. Ainsi la prise d’un médicament inducteur
enzymatique comme la rifampicine peut rendre inefficace le cortisol, par exemple, et entraîner
la réapparition des crises chez un asthmatique, ou rendre inefficace un contraceptif oral et
entraîner une grossesse non souhaitée.
L’exemple le plus connu est celui de la warfarine (antivitamine K, AVK) : son métabolisme est
augmenté par induction du CYP2C9 par la carbamazépine (anti-convulsivant) et la rifampicine
(antituberculeux). Afin de maintenir l’effet anticoagulant, il faut augmenter les doses de
warfarine, exposant ainsi à un risque hémorragique à l’arrêt de l’induction si on ne corrige pas
les doses d’AVK.

3.2.2. Inhibition des CYP450


Une inhibition des cytochromes P450 va se traduire par une diminution du métabolisme de la
substance et soit par une augmentation des effets bénéfiques ou toxiques de la substance (pour
les molécules directement actives) ou une diminution de l'effet (pour les prodrogues).
L’inhibition est un phénomène rapide, par blocage direct de l'enzyme, dont les effets sont
souvent observés en moins de 24h.
Les substances inhibitrices du cytochrome P450 les plus connues sont :
- certains antibiotiques comme la ciprofloxacine, l’érythromycine,
- des antidépresseurs comme la fluvoxamine,
- des antifongiques avec notamment le kétoconazole et le miconazole, et les
antirétroviraux (ritonavir). Par exemple, les macrolides et les antifongiques imidazolés
inhibent le métabolisme du tacrolimus et augmentent sa néphrotoxicité.
- une substance présente dans le jus de pamplemousse, la naringénine inhibe le
cytochrome P-450 de type 3A4, ce qui ralentit le catabolisme de certains médicaments
comme la ciclosporine, la terfénadine qui a été retirée du commerce.
L’inhibition peut être un phénomène recherché dans certaines situations : dans le cas des
antiviraux anti-VIH, le ritonavir est co-administré à d'autres antiprotéases pour ses propriétés
inhibitrices du CYP3A4, pour obtenir un effet "booster" et améliorer la biodisponibilité, et non
pas pour ses propriétés antivirales propres.
Le cobicistat est aussi utilisé pour ses propriétés inhibitrices du CYP3A4, en association à
l'elvitegravir, l'emtricitabine et le tenofovir dans la prise en charge du VIH.

48
3.3. Réactions de la phase II
Les biotransformations par réaction de conjugaison permettent d'obtenir des métabolites
hydrosolubles, donc éliminables par voie rénale.
Les réactions de conjugaison sont principalement dues à des enzymes cytosoliques, exprimées
majoritairement dans le foie, mais aussi dans les poumons et le rein. D’une manière générale,
la conjugaison conduit à des métabolites moins actifs que la substance.
La phase II comporte les réactions de conjugaison, soit par l’acide glucuronique
(glucuronoconjugaison), la glycine (glycoconjugaison), soit par le sulfate (sulfoconjugaison
catalysée par des sulfotransférases) ou encore l’acétate (acétylation catalysée par des N-
acétyltransférases) et le glutathion.

La glucuronoconjugaison constitue le mécanisme principal. Elle est catalysée par des UDP-
glucuronyl-transférases qui favorisent la fixation de l’acide glucuronique sur un atome
d’oxygène, d’azote ou de soufre d’une molécule.
Par exemple, le paracétamol et la morphine sont des médicaments métabolisés par
glucuronoconjuguaison.

.
Glucuronoconjugaison d’un substrat

49
Les glutathion transférases sont les enzymes qui favorisent la fixation de la molécule de
glutathion qui est un tripeptide sur un atome électrophile d’une autre molécule.
L’acétylation, sous l’influence de la N-acétyl transférase, concerne un certain nombre de
médicaments tels que l’isoniazide qui est ainsi inactivé et d’autres comme l’hydralazine, la
sulfapyridine, le sulfaméthoxazole etc…
D’une manière générale, la conjugaison conduit à des produits moins actifs que le médicament
initial, mais il existe des exceptions illustrées par l’exemple de la morphine. La morphine
comporte deux groupes OH. Le métabolite obtenu par glycuronoconjugaison du groupe OH en
position 6 est un agoniste actif, alors que le métabolite résultant de la conjugaison du groupe
OH en 3 est un antagoniste.

Figure 18 : les réactions de la phase II

3.4. Différences d’activités enzymatiques


L’activation de l’oxygène peut être déclenchée par les métabolites de certains xénobiotiques.
Ils peuvent s’auto-oxyder en produisant des espèces oxygénées activées. Ces espèces dérivées
de l’oxygène, qui incluent le superoxyde, le peroxyde d’hydrogène et le radical hydroxyle,

50
peuvent léser l’ADN, les lipides et les protéines dans les cellules. L’activation de l’oxygène
intervient également dans les processus inflammatoires.
La variabilité génétique entre les individus a été constatée pour de nombreux gènes codant
pour des enzymes de phase I et de phase II. Cette variabilité peut expliquer que certains
individus soient plus sensibles que d’autres aux effets toxiques des xénobiotiques.

4. Excrétion
L’excrétion est l’élimination de l’organisme d’une substance et de ses produits de
biotransformation.
4.1. L’élimination rénale (urines)
Le rein est la principale voie d’excrétion des déchets métaboliques non volatils, certains d’entre
eux étant potentiellement toxiques (urée, acide urique, créatinine, acide oxalique). Le rein
élimine aussi de nombreux xénobiotiques, médicaments ou toxines et leurs métabolites. Par
ailleurs il participe au catabolisme des protéines de petit poids moléculaire et régule la
composition ionique des fluides biologiques.
L’anatomie du rein est schématisée sur la figure 19 ci-contre, afin de pouvoir localiser les trois
fonctions principales : filtration, excrétion et réabsorption, qui interviennent sur des sites
différents et concernent des éléments spécifiques. C’est le poids moléculaire et la polarité des
substances qui déterminent pour l’essentiel la capacité du rein à les éliminer. Les petites
molécules liposolubles peuvent être filtrées au niveau du glomérule. Celles de plus grande
taille (y compris des toxiques fixés sur des protéines) peuvent être secrétées de façon passive à
travers les cellules endothéliales des capillaires et la membrane des cellules du tube pour entrer
dans l’urine. Les substances chargées resteront dans l’urine et seront éliminées. Par contre les
toxiques non polaires peuvent être réabsorbés et retourner dans la circulation sanguine,
augmentant ainsi la demi-vie et la toxicité potentielle.
Toute atteinte à la fonction rénale, d’origine infectieuse ou toxique, éventuellement liée à l’âge,
peut entraîner une diminution de la capacité d’élimination des xénobiotiques et rendre les
individus particulièrement vulnérables en cas d’exposition à des substances toxiques.

51
Filtration Réabsorption

Sécrétion

Figure 19 : Voie d’élimination rénale

4.2. L’élimination par voie digestive (fèces)


Elle est importante pour les xénobiotiques et leurs métabolites. Elle concerne de nombreuses
substances conjuguées, excrétées par la voie hépato-biliaire. Il s’agit de processus de transport
actif pour des molécules polaires. Les molécules qui arrivent au niveau intestinal sont
hydrosolubles et seront éliminées dans les selles. Cependant, il peut y avoir hydrolyse des
molécules conjuguées (glucuronides ou sulfates par l’action de la flore intestinale) et donner
lieu à une réabsorption, prolongeant ainsi la demi-vie du xénobiotique : il s’agit du cycle entéro-
hépatique.

4.3. L’élimination par voie respiratoire


L’élimination par voie respiratoire est la plus simple et ne concerne que quelques substances
polaires et volatiles.

52
4.4. Autres voies d’élimination
Les molécules hydrosolubles ou liposolubles de faible poids moléculaire sont facilement
sécrétées vers le fœtus par voie placentaire, et dans le lait chez les mammifères. Chez la mère,
la lactation peut être une voie d’excrétion importante du point de vue quantitatif pour les
produits chimiques liposolubles. La descendance peut être secondairement exposée par
l’intermédiaire de la mère pendant la grossesse et lors de la lactation.
La sueur et la salive peuvent aussi servir d’émonctoire, bien que beaucoup moins important,
aux composés hydrosolubles. Cependant, étant donné le volume de salive produit et absorbé,
l’excrétion salivaire peut contribuer à la réabsorption d’un produit. Certains métaux, comme le
mercure, sont excrétés dans les cheveux par suite de leur forte liaison aux groupes sulphydryles
de la kératine.

53
CHAPITRE VI : ETUDE DE QUELQUES COMPOSES OU AGENTS TOXIQUES

DE SOURCE NATURELLE
1. Les métaux toxiques
1. Généralités

On appelle métaux lourds ou éléments en traces, tout élément métallique naturel dont la masse

volumique dépasse 5 g/cm3. Les métaux lourds sont des éléments en traces naturels qui se

retrouvent dans l'air, l'eau, les sols, les sédiments, et par conséquent les plantes, les animaux et

les poissons, éléments de l'alimentation humaine. Ils englobent l'ensemble des métaux et

métalloïdes présentant un caractère toxique pour la santé et l'environnement.

2. Origine des métaux lourds

Les métaux lourds sont des éléments naturels, présents dans tous les compartiments de

l’environnement. Cependant l’homme, de par ses activités, peut affecter leur redistribution,

provoquant ainsi des pollutions.

2.1. Les sources naturelles

L’activité volcanique, l'érosion et les incendies de forêts constituent les importantes sources

naturelles des métaux lourds.

2.2. Les sources anthropogéniques

Les principales sources anthropogéniques sont les activités pétrochimiques, urbaines (trafic

routier), agricoles (utilisations de pepticides), industrielles (exploitation des mines et autres).

Les éléments métalliques d’origine anthropogènes sont présents sous formes chimiques assez

réactives et entraînent de ce fait, des risques de contamination très élevés par rapport aux

métaux d’origine naturelle qui sont souvent sous des formes relativement inertes (Mckenzie,

1997).

54
3. Répartition et devenir des métaux lourds dans l’environnement

3.1. Contamination de l'air

Les métaux lourds se dispersent dans les hautes couches de l'atmosphère et retombent après sur

de très longues distances. On estime qu'une particule de mercure dans l'atmosphère reste un an

dans celle-ci, avant de retomber (INERIS, 2010). On peut retrouver ces métaux sous forme

gazeuse ou solide (fines particules de poussière). Dans l’air ambiant, on trouve de nombreux

éléments, comme le plomb, le cadmium, le zinc, le cuivre, le fer, dont la concentration est

d’autant plus élevée que les particules sont fines.

3.2. Contamination des sols

Tous les sols contiennent naturellement des éléments métalliques à partir de la roche initiale.

On parle de contamination d'un sol lorsque sa teneur en élément métallique est supérieure à la

concentration naturelle, mais sans grande influence sur la qualité du sol. On parle de pollution,

lorsque la teneur en élément trace métallique constitue une menace pour l'activité biologique

ou les fonctions du sol (Bouvet, 2004).

3.3. Contamination de l’eau

Les précipitations et l'irrigation sont les principales sources d'eau des sols. Une partie est

évacuée par évaporation ou ruissellement de surface. Une partie pénètre dans le sol et est

absorbée par les racines des plantes, soit par gravité vers les nappes phréatiques. Au cours de

ces transports, l'eau se charge en éléments métalliques dissous. Les métaux présents dans l’eau

peuvent exister sous forme de complexes, de particules ou sous forme de solutions (Gaujous,

1993).

55
3.4. Effets des métaux lourds sur les espèces végétales, animales et aquatiques

Le processus de transmission des métaux lourds des sols vers les plantes et les animaux dépend

du métal (exemple : on note une faible transmission pour le plomb et une transmission plus

forte pour le cadmium), de la forme chimique du métal, (ce qui détermine sa solubilité et sa

capacité à être assimilé par un organisme vivant), du sol (surtout l'acidité qui accroît la

transmission), de l'espèce animale (les poissons concentrent le mercure, les crustacés

concentrent le cadmium), de l'espèce végétale (certaines plantes sont accumulatrices, d'autres

ne le sont pas), et même des différences au sein de chaque espèce (douze variétés de blé

accumulent différemment le cadmium, et la même variété accumule différemment selon les

sols) (Boulkrah, 2008).

4. Impacts toxicologiques

4.1. Toxicité générale

A de faibles concentrations, beaucoup de métaux lourds, dont le mercure, le cadmium, le plomb,

l’arsenic et le cuivre ont des impacts toxicologiques aussi bien chez les animaux que chez

l’homme. Ce dernier est exposé aux métaux lourds beaucoup plus par inhalation des polluants

aériens et la consommation d’eau, de végétaux ou d’animaux contaminés. Les métaux peuvent

être absorbés sous la forme inorganique ou organique et la quantité de métaux absorbée influe

directement sur la santé de l’homme. Ainsi l’organisme humain peut présenter une toxicité

aiguë (pic de pollution dans l'air ou l'eau), ou chronique (par une exposition continue au milieu

pollué). Plusieurs études ont montré que les métaux lourds entraînent la toxicité d’ordre rénal,

hépatique, cardiaque et hématologique. (INERIS, 2005 ; ATSDR, 1999).

56
4.2. Les valeurs toxicologiques de référence

Les Valeurs Toxiques de Référence (VTR) sont des indices toxicologiques qui quantifient le

risque d’exposition aux éléments métalliques, pour la santé humaine. Elles sont variables selon

la nature des effets pris en compte (à seuil ou sans seuil) et l’organisme qui les propose. Il peut

s’agir d’instances internationales comme l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), ou

nationales telles que l’Agency for Toxic Substances and Disease Registry (ATSDR), l’United

States Environnmental Protection Agency (US EPA) ou encore le RijksInstituut voor

Volksgezondheid en Milieu (RIVM), Santé Canada et Office of Environmental Health Hazard

Assessment (OEHHA) (INERIS 2005).

Pour les effets à seuil (non cancérogènes), les VTR sont des doses de référence (DRf, RfD) ou

des doses journalières tolérables. Elles correspondent à la dose de toxique qui, absorbée par

voie orale chaque jour et durant toute la vie, n'entraîne pas d'effets adverses. Elles peuvent être

obtenues pour les humains soit en appliquant des facteurs de variations aux NOAEL (No

Observed Adverse Effect Level) calculées avec les modèles animaux, soit à partir d’études

épidémiologiques (Parent-Massin, 2009; Schepers, 1964).

Ces doses de références permettent aux gestionnaires du risque de connaître le degré

d’exposition sans effet sur la santé, sous lequel ils s’efforcent de maintenir la population. Pour

les effets sans seuil (cancérogènes), la VTR est l'excès de risque unitaire (ERU). Il s’agit de

l'excès attendu de cas des cancers, consécutifs à l'exposition continue (24 h/24), sur une vie

entière (70 ans), à une concentration de 1 unité du toxique. Par exemple, un ERU de 2.10-3

(mg/kg/j) -1 signifie que sur mille personnes exposées 24 h/24 pendant toute leur vie à 1 mg/kg

de substance, deux développeront consécutivement un cancer. Dans ce cas, il n’existe pas de

degré d’exposition sans effet car la présence d’une seule molécule est déjà susceptible de

provoquer un cancer.

57
5. Quelques définitions

Les écotoxicologues distinguent plusieurs phénomènes :

5.1. La bioaccumulation

Elle résulte de la balance entre les processus de capture, de stockage et l’excrétion d’une

substance dans un organisme, due à une exposition à l’eau, à la nourriture, au sédiment et à l’air

(Neff, 2002). La bioaccumulation dépend des propriétés chimiques du contaminant (nature,

forme), des facteurs biologiques de l’organisme contaminé (surface d’échange, nutrition,

respiration), des caractéristiques physico-chimiques du milieu (température, pH, salinité).

5.2. La bioconcentration

Il s’agit d’un cas particulier de bioaccumulation. Elle correspond à l’accroissement direct de la

concentration du contaminant dans l’organisme à partir du milieu environnant. L’intensité de

ce phénomène est évaluée avec les facteurs de bioconcentration (FBC) (Madéjon et al., 2002).

FBC = [polluant] organisme / [polluant] eau, air, sol

Un FBC de 1000 signifiera par exemple que la concentration du polluant dans l’organisme en

question est mille fois plus élevée que dans son milieu. La bioconcentration (accumulation

directe à partir du milieu) est le phénomène prédominant pour le plomb et le cadmium quelque

soit l’espèce (Wren et al, 1983).

5.3. La biomagnification ou bioamplification

C’est le processus par lequel un organisme concentre un polluant à un niveau supérieur à celui

où il se trouve dans le contaminant. Ce processus concerne donc plusieurs espèces et peut être

illustré par le calcul des facteurs de transferts (Ft) entre deux échelons successifs de la chaîne

trophique (n et n+1). Ft = [polluant] n+1 / [polluant] n.

58
6. Méthodes de dosage des métaux lourds (Di Benedetto, 1997)

Le respect de normes en matière de rejets de métaux lourds conduit à l’établissement d’un

certain nombre de moyens de détection de ces éléments dans un gaz, un liquide ou un solide.

6.1. Méthodes chimiques

6.1.1. Gravimétrie

La méthode gravimétrique est une méthode ancienne, dont le principe est le suivant :

On considère un échantillon liquide, dans lequel des ions Ag+, Ni2+, Cu2+, Fe3+ sont en solution.

On les fait précipiter, et après filtration, on récupère le précipité et on le pèse. Les constantes

de précipitation des différents ions étant connues, on déduit de la masse du précipité la quantité

d'Ag+, Ni2+, Cu2+, Fe3+.

6.1.2. Colorimétrie visuelle

On utilise des bandelettes dont le principe est proche de celui du papier pH. Différentes

substances sont placées sur le bout de la bandelette que l'on trempe dans l'échantillon

(nécessairement liquide) que l'on souhaite étudier. On compare ensuite la couleur de la partie

trempée dans le liquide avec une référence donnée par le fabriquant de la bandelette, et on en

déduit une concentration indicative en métal.

6.2. Méthodes physico-chimiques

6.2.1. Potentiométrie

Les méthodes potentiométriques sont fondées sur la mesure d'un potentiel électrochimique

d'une solution en l'absence de courant électrique. La concentration en ions est alors obtenue en

fonction du potentiel mesuré à une électrode à membrane spécifique à chaque ion.

6.2.2. Voltampérométrie

59
Les méthodes voltampérométriques sont des méthodes électroniques fondées sur la mesure d’un

courant fonction d’un potentiel appliqué à l’échantillon sous des conditions spécifiques

favorisant la polarisation. La voltampérométrie est d’une très grande valeur pour l’identification

et l’analyse d'oligo-éléments métalliques.

6.2.3. Colorimétrie : Spectrophotométrie

Le spectrophotomètre UV-Visible est un appareil ancien, qui présentait de sérieux

inconvénients en termes d'interférences spectrales, ce qui en faisait un appareil inutilisable dans

l'industrie pour des mesures précises et fiables. Il a donc fallu améliorer le processus: lampes

xenon-flash, réseaux holographiques à champ plan, mais surtout un traitement multivariable

des données (chimiométrie). La méthode repose sur la loi de Beer-Lambert.

6.2.4. Chromatographie ionique

Cette désignation regroupe toutes les méthodes de dosage d’ions par chromatographie en phase

liquide, et ce quel que soit le mode de séparation et de détection.

6.2.5. Spectrométrie atomique, d’absorption et ICP

6.2.5.1. Spectrométrie d’absorption et d’émission atomiques

La spectrométrie par absorption permet de doser une soixantaine d’éléments à l’état de traces

(ppm).

6.2.5.2. FIA (Flow Injection Analysis)

Cette technique consiste en une injection de la solution à analyser dans le détecteur à l’aide

d’un fluide porteur. On peut ainsi introduire de faibles quantités de solution de façon séquencée

et rapide. Le signal obtenu est en général un « pic », et l’intégration de l’aire du pic permet la

corrélation avec la concentration des éléments ou des espèces détectées.

60
6.2.5.3. ICP (Inductively Coupled Plasma)

En fonction des impératifs de rapidité, de sensibilité et de précision, la spectrométrie d'émission

par ICP est une technique qui s'est progressivement implantée et imposée dans les différents

laboratoires d'analyse de contrôle industriel ou de recherche.

6.3. Méthodes nucléaires

6.3.1. Méthode par observation de réactions nucléaires

Les méthodes basées sur la physique nucléaire permettent d'analyser des échantillons solides,

liquides ou gazeux afin d'établir leur composition chimique ou doser des éléments présents à

l'état de traces.

6.3.2. Méthode par activation

On peut procéder à deux types d’analyse. Tout d’abord l’analyse qualitative permet de

déterminer les différents éléments présents dans l’échantillon. Ensuite, l’analyse quantitative

qui conduit aux concentrations dans l’échantillon.

6.3.3. Méthode par activation neutronique

Cette méthode est basée sur l'idée que l'on peut doser les éléments par les rayonnements qu'émet

une réaction nucléaire ou les radionucléides obtenus par une telle réaction. Elle permet de doser

la plupart des éléments de nombre de masse supérieur à 8, en utilisant des réactions nucléaires.

6.3.4. Méthode par activation par photons gamma ou particules chargées

61
Ces méthodes sont moins utilisées que l'activation neutronique. Cependant elles peuvent être

utilisées lorsque la méthode par activation neutronique rend fortement radioactif le matériau à

analyser.

6.3.5. Spectroscopie de Fluorescence X

La méthode d’analyse élémentaire par fluorescence X permet de détecter des éléments dont le

numéro atomique est compris entre 5 (Bore), 9 (Sodium) ou 13 (Aluminium) selon les appareils

et 92 (Uranium). Cette analyse non destructive s’effectue à partir d’échantillons solides ou

liquides, n’ayant pas subi de préparation ou ayant subit une préparation simple.

6.4. Méthodes biochimiques: luminescence bactérienne

Il s'agit d'étudier les effets des métaux lourds sur des micro-organismes (levures, enzymes,

bactéries luminescentes) au travers d'expériences in-vitro. Ce sont des méthodes globales qui

permettent de quantifier la toxicité des métaux plus que de définir leur nature exacte.

7. Étude de quelques métaux lourds

7.1. Le plomb

7.1.1. Production et utilisation

Le plomb est un métal bleu grisâtre présent naturellement dans l'environnement. Cependant, la

plupart des concentrations en plomb que l'on trouve dans l'environnement sont le résultat des

activités humaines. Il n'y a pas seulement l'essence au plomb qui augmente les concentrations

dans l'environnement, d'autres activités telles que les procédés industriels et la combustion des

déchets solides, y contribuent également (INERIS, 2003).

7.1.2. Principales sources de contamination

7.1.2.1. Le sol

62
Dans le sol, le plomb provient des gisements primaires des roches éruptives et métamorphiques

où il est présent essentiellement sous forme de sulfure (galène). Il est ensuite redistribué via

l’altération dans toutes les roches sous forme de carbonate (cérusite), de sulfate (anglésite) et

peut se substituer au potassium dans les roches silicatées et les phosphates. Il s’agit cependant

d’un métal dont les composés sont très peu hydrosolubles et de faible mobilité géochimique.

Dans les sols, la dégradation des composés du plomb très solubles conduit à la formation de

composés plus stables comme le Pb3(CO3)2(OH)2 ou très insoluble de PbS (INERIS, 2003).

Pour les sols qui ont des pH élevés, le plomb peut précipiter sous forme d’hydroxyde, phosphate

ou carbonate, ou alors former des complexes Pb-matière organiques qui sont assez stables

(Kabata-Pendias Pendias, 1992). La mobilité du plomb dans le sol est très faible, il peut

s’accumuler dans les horizons de surface, dans les horizons argileux et riches en matière

organique qui ont une grande affinité vis à vis du plomb ; et des sols ayant au moins 5 % de

matière organique et un pH supérieur à 5 (Adriano, 1986). Les facteurs affectant la mobilité et

la biodisponibilité du plomb dans les sols sont donc le pH, la texture du sol (surtout la teneur

en argile) et la teneur en matière organique.

Les valeurs limites de la teneur du plomb dans les sols dépendent des types de sols et des

Organisations non gouvernementales. Ainsi l’OMS a fixée une valeur limite maximale à 100

mg/kg (Godin, 1982), les travaux de Plant et Raiswell, rapportés par Angima (2010), donne une

gamme de concentration se situant entre 2 et 300 mg/kg et New York Departement of

environnemental conservation (NYS DEC) situe la valeur maximale à 200 mg/kg pour les sols

agricoles (Grubinger et Ross, 2011).

7.1.2.2. Les eaux

63
La plupart des composés inorganiques du plomb (PbS, PbCO3, PbSO4) sont peu solubles dans

l’eau; par contre les composés halogénés (chlorure, bromure) ou les acétates sont plus solubles

(INERIS, 2003).

Le plomb dans les rivières est principalement sous forme de particules en suspension (HSDB,

2000). Dans les eaux, le plomb a tendance à être éliminé de la colonne d’eau en migrant vers

les sédiments soit par adsorption sur la matière organique et les minéraux d’argile, soit par

précipitation comme sel insoluble (carbonate, sulfate ou sulfure) et par réaction avec les ions

hydriques et les oxydes de manganèse. La quantité de plomb qui reste en solution est toujours

fonction du pH (HSDB, 2000).

Selon l’OMS (2006), la concentration maximale en plomb dans les eaux superficielles et eau

potables est fixée à 0,01 mg/L.

7.1.2.3. Les végétaux

Le plomb est absorbé passivement par les racines et est rapidement immobilisé dans les

vacuoles des cellules racinaires ou retenu par les parois des cellules de l’endoderme. Son

accumulation depuis le sol est assez limitée (INERIS, 2003; Alloway, 1995). Le phénomène de

translocation vers les parties aériennes des plantes est faible (Kabata-Pendias et Pendias, 1992).

La quantité de matière organique présente dans le sol et le pH du sol ont une influence sur

l’absorption du plomb par les plantes. Bien qu’il ait été démontré que l’addition de matière

organique au sol diminue la disponibilité du plomb pour les plantes, la décomposition

éventuelle des composés organiques peut entraîner le relargage du plomb dans la solution du

sol et donc favoriser l’accumulation du plomb par les racines.

En plus de l’impact qu’à la matière organique, il a été démontré que la modification du pH du

sol par épandage de chaux ou d’engrais phosphaté diminue la quantité de plomb absorbée par

les plantes (INERIS, 2003; Adriano, 1986).

64
La voie aérienne est également une voie d’accumulation du plomb par les plantes. Mais les avis

concernant l’absorption par pénétration foliaire divergent dans la littérature. Néanmoins,

certaines études ont montré qu’une grande partie du plomb déposé par voie atmosphérique sur

les plantes peut être éliminé par lavage parce que le processus de pénétration dans la plante est

très faible, à cause d’une forte rétention par les membranes cuticulaires qui fonctionnent comme

une barrière efficace (Juste et al., 1995 ; Kabata-Pendias et Pendias, 1992).

7.1.2.4. Les espèces aquatiques

Le plomb s'accumule dans le corps des organismes aquatiques. Chez les crustacés ces effets se

font ressentir même si de très petites concentrations de plomb sont présentes (Monperrus et al.,

2005).

7.1.3. Sources d'exposition humaine

7.1.3.1. L’alimentation

L'alimentation reste la source majeure d'exposition aux métaux lourds. Les produits végétaux

sont souvent contaminés par des dépôts de poussières de plomb ou par le sol contaminé ayant

servi pour l’agriculture. Les produits d’origine animale sont contaminés par la concentration du

plomb dans les tissus ou les liquides physiologiques. Les produits alimentaires préparés dans

les récipients contaminés ou ceux d’origine industriels, contaminés lors de la production ou de

la conservation dans les circuits de préparation ou récipients contaminé constituent une source

de contamination pour les hommes. La consommation d’eau de boisson issue des nappes

phréatiques contaminées ou des réseaux de distribution contaminés est également une source

de pollution pour les hommes (INERIS, 2003).

7.1.3.2. Apports atmosphériques

65
Le plomb atmosphérique peut exister sous forme de vapeurs, de gaz ou de particules. Absorbé

par inhalation, le plomb peut être considéré comme négligeable sauf en cas d’exposition

particulière (exposition professionnelle, proximité d’un site pollué).

7.1.4. Données toxicologiques

7.1.4.1. Devenir dans l’organisme humain

De nombreux facteurs tels que la vitamine D, des régimes riches en graisse, les carences en fer,

calcium, phosphore, zinc, vitamine B1, magnésium et les fibres végétales favorisent

l’absorption du plomb par l’organisme (Demichele, 1984 ; Ito et al., 1987).

Après absorption, le plomb passe dans le sang où il se répartit entre une forme fixée aux

hématies (95 %) non diffusible et une forme plasmatique qui sera stockée dans les tissus ou

éliminée dans les urines (Batàriovà et al., 2006; INERIS, 2003). Le plomb sanguin représente

environ 2 % du pool total de l’organisme. Les sels de plomb se fixent dans les différents tissus

et en particulier au niveau de l’os où ils entrent en compétition avec les ions calcium (Wedeen,

1988).

Le plomb passe facilement la barrière placentaire par simple diffusion et l’exposition prénatale

constitue un risque important d’imprégnation du plomb par les très jeunes enfants. Plusieurs

études ont en effet montré qu’à la naissance, les plombémies maternelles et prénatales sont

fortement corrélées (Goyer, 1990). De même, les teneurs dans le lait maternel sont supérieures

à celles du plasma de la mère, probablement en raison d’une mobilisation du plomb stocké dans

les os liée aux besoins augmentés en calcium (Gulson et al., 1997; Lagerkvist et al., 1996). En

effet, dans des situations particulières (grossesse, allaitement, ménopause), les modifications

du métabolisme osseux peuvent entraîner une augmentation ponctuelle du relargage endogène

de plomb.

66
7.1.4.2. Toxicologie aiguë

L’essentiel des données rapportées dans la littérature concerne l’absorption de plomb ou de ses

dérivés par voie orale. Les troubles digestifs sont les symptômes les plus précoces qui se

traduisent par l’apparition de fortes coliques associées à des douleurs et crampes abdominales,

ainsi qu’à des vomissements (INERIS, 2003; Schneitzer et al., 1990). Ces effets apparaissent

en général pour des taux de plombémie compris entre 1000 et 2000 µg/L, mais peuvent se

déclarer chez certains sujets à des taux bien plus faibles compris entre 400 et 600 µg/L. En plus

des coliques, les enfants présentaient des signes de constipations sévères, souffraient d’anorexie

et de vomissements par phases intermittentes. Des atteintes rénales et hépatiques étaient

également observées chez ces enfants présentant des signes d’intoxication. La sévérité des

lésions peut aller jusqu’à entraîner la mort des sujets exposés, mais l’administration rapide d’un

traitement rend en principe les effets réversibles (Cézard et Haguenoer, 1992).

7.1.4.3 Toxicologie chronique

Effets systémiques

Les effets du plomb sur l’homme sont identifiés à partir de la dose interne de plomb mesurée

dans le sang (plombémie). Des effets sur le système nerveux central ou des effets d’ordre

hématologiques et rénaux ont été rapportés (INERIS, 2003).

Chez l’adulte, les intoxications chroniques sévères (plombémies > 1500 µg/L) se traduisent par

une encéphalopathie saturnique grave, devenue rare en milieu professionnel (Lauwerys, 1998).

Les sujets les plus exposés montrent de fortes perturbations neurocomportementales et

psychomotrices, avec notamment une réduction des capacités de raisonnement et des

performances visuo-motrices.

Un des effets classiques du plomb est l’anémie liée, d’une part, à l’inhibition de la synthèse de

l’hème et d’autre part, à la réduction de la durée de vie des érythrocytes. (Lauwerys et al., 1978).

67
Plusieurs enquêtes épidémiologiques en milieu professionnel, où prédomine l’exposition par

inhalation, ont mis en évidence un excès de mortalité par insuffisance rénale chez les sujets qui

avaient subi des expositions chroniques intenses au plomb (INERIS, 2003; Davies, 1984).

Effets cancérigènes

Chez l’homme une association de données indique qu’une exposition professionnelle pourrait

être associée à un risque accru de cancer bronchique ou du rein. D’autres analyses réalisées ont

rapporté de légers excès de cancers pulmonaires et du rein chez les sujets dont la plombémie

avait dépassé 200 µg/L (INERIS, 2003; Cocco et al., 1997; Anttila et al., 1995).

7.1.4.4. Valeurs toxicologiques de référence

L’OMS propose une DHT de 25 µg/kg soit une DJT de 3,5 µg/kg pour le plomb (OMS, 1993).

Cette valeur est issue de divers travaux qui montrent chez l’enfant qu’en deçà de 4 µg/kg/j, on

ne note pas d’augmentation de la plombémie, mais à partir de 5 µg/kg/j une augmentation peut

intervenir (INERIS, 2003; Rye et al., 1983). Initialement attribuée aux nourrissons et aux jeunes

enfants (1987), cette valeur a depuis été appliquée à la population générale (1993). Elle

correspond à la moitié de la valeur recommandée par l’OMS en 1972 (INERIS, 2003).

L’US EPA (IRIS) propose une RfD de 10-7 mg/kg/j pour une exposition chronique par voie

orale au plomb tétraéthyl (1991).

Cette valeur est basée sur l’existence de lésions hépatiques et neuronales sur des rats exposés

20 semaines (5j/semaine) au plomb tétraéthyl administré par gavage. Un LOAEL de 1,2 µg/kg/j

a été recalculé pour une exposition de 7 jours à partir du LOAEL de 1,7 µg/kg/j initialement

établi pour une exposition de 5 jours (INERIS, 2003).

68
Un facteur de 10 000 a été appliqué (10 pour l’utilisation d’un LOAEL, 10 pour l’extrapolation

de données animales vers l’homme, 10 pour la durée de l’étude et 10 pour la variabilité au sein

de la population.

L’ATSDR et l’US EPA ne proposent, pour le plomb et ses dérivés inorganiques, aucune valeur

de référence aussi bien pour les effets non cancérogènes que pour les effets cancérogènes.

L’âge, l’état de santé, la charge pondérale en plomb, et la durée de l’exposition sont autant de

facteurs qui jouent sur le métabolisme du plomb, et compliquent l’établissement de ces valeurs.

Le RIVM propose une TDI de 3,6.10-3 mg/kg/j pour une exposition chronique au plomb et ses

dérivés par voie orale (Baars et al., 2001). Cette valeur est directement issue de la dose

hebdomadaire tolérable (PTWI) de 25 µg/kg proposée par le " Comité mixte (FAO/WHO) sur

les additives alimentaires " en 1993 (OMS, 1993). Cette PTWI, initialement proposée en 1987

pour les enfants, a été étendue à l’ensemble des classes d’âge en 1993, pour protéger notamment

les fœtus in utero (INERIS, 2003).

Calcul : 25 µg/kg/semaine x 1 / 7 = 3,6 µg/kg/j

Selon le RIVM, la fiabilité de cette valeur est élevée.

L’utilisation d’un modèle multi étape linéarisé a permis de calculer une limite supérieure à 95%

de 8,5.10-3 (mg/kg/j) -1 qui correspond à l’excès de risque unitaire par voie orale (ERUo). Les

données humaines disponibles indiquent que 50% du plomb inhalé est absorbé, comparé à 10%

du plomb ingéré (Owen, 1990). Si l’on considère que ces taux d’absorption sont identiques chez

le rat, et en considérant un adulte moyen de 70 kg respirant 20 m3 par jour, une ingestion de 1

mg/kg/j correspond à une inhalation de 3 500 µg/m3 par 24 heures. L’ERUo équivaut à un

risque par inhalation de 2,4.10-6 µg/m3, multiplié par 5 pour tenir compte de l’absorption par

inhalation qui est 5 fois supérieure à l’ingestion, ce qui donne un ERUi de 1,2.10-5 (µg/m3)

(INERIS, 2003).

69
7.2. Le cadmium

7.2.1. Production et utilisation

Le cadmium est présent dans la croûte terrestre où il est souvent associé au zinc et au plomb. Il

est également obtenu comme sous-produit de raffinage du plomb et du cuivre.

Le cadmium présent dans la croûte terrestre peut être dispersé dans l'air par entraînement de

particules provenant du sol et par les éruptions volcaniques. Cependant, les activités

industrielles telles que le raffinage des métaux non ferreux, la combustion du charbon et des

produits pétroliers, les incinérateurs d'ordures ménagères et la métallurgie de l'acier constituent

les principales sources de rejet atmosphérique. La principale forme étant l’oxyde de cadmium,

les autres formes étant des sels de cadmium.

7.2.2. Principales sources de contamination

7.2.2.1. Le sol

Le cadmium est assez mobile dans les sols. Il a tendance à s’accumuler dans les horizons

supérieurs des sols riches en matière organique. La mobilité du cadmium dépend

essentiellement du pH du sol. Son adsorption par les particules solides du sol pouvant être

multipliée par un facteur de 3 lorsque le pH augmente d’une unité dans la plage 4-8 (Adriano,

1986). Il peut exister sous forme soluble dans les couches liquide du sol (CdCl2, CdSO4) ou

sous forme de complexes insolubles inorganiques ou organiques avec les constituants du sol

(INERIS, 2005a).

Les travaux de Plant et Raiswell rapportés par Angima (2010), donne une gamme de

concentration du cadmium dans le sol allant de 0,01 à 2 mg/kg et New York Departement of

environnemental conservation (NYS DEC) situe la valeur maximale à 0,43 mg/kg pour les sols

agricoles (Grubinger et Ross, 2011).

70
7.2.2.2. L’eau

Dans l'eau, le cadmium provient de l'érosion naturelle, du lessivage des sols ainsi que des

décharges industrielles et du traitement des effluents industriels et des mines. Le cadmium à

l’état métallique n’étant pas soluble dans l’eau, est relativement mobile et peut être transporté

sous forme de cations hydratés ou de complexes organiques ou inorganiques (HSDB, 2001).

Les concentrations maximales du cadmium dans les eaux de surface selon l’OMS (2006) sont

fixées à 0,003 mg/L.

7.2.2.3. Les organismes aquatiques

Les espèces primaires possèdent des facteurs de bioconcentration (FBC) de cadmium plus

élevés que ceux des poissons. Le FBC diminue lorsque la concentration d'exposition augmente.

Il diminue également lorsque la dureté de l'eau augmente (INERIS, 2004).

7.2.2.4. Les végétaux

Les végétaux absorbent le cadmium dans les sols contaminés. Les taux d’absorption du

cadmium par les plantes sont très variables et dépendent de l’espèce (Kim et al., 1988, Kuboi

et al., 1986), de la concentration de cadmium dans le sol, ainsi que d’autres facteurs influençant

la biodisponibilité du cadmium, particulièrement le pH du sol. Diverses études montrent une

accumulation du cadmium soit dans les racines de certaines plantes (INERIS, 2005a; Cobb et

al., 2000), soit dans les feuilles chez d’autres (Cobb et al., 2000 ; Kim et al., 1988).

7.2.3. Données toxicologiques

7.2.3.1. Devenir dans l’organisme

Les deux principales voies d’absorption sont l’inhalation et l’ingestion.

71
Par voie pulmonaire, le cadmium se dépose le long du tractus respiratoire en fonction de la taille

des particules. Les sels les plus solubles tels que les chlorures et oxydes de cadmium sont

absorbés par hydro solubilité à hauteur de 90-100 % et les sulfures à hauteur de 10 %. Cette

absorption peut se poursuivre pendant plusieurs semaines même après une inhalation unique.

Par voie digestive, l’absorption du cadmium se fait sous une forme chimique avec un taux

d’environ 5 %. Ce taux d’absorption peut être augmenté lors de carences alimentaires en

calcium, en fer, en zinc, en cuivre ou en protéines. Le cadmium est transporté dans le sang fixé

à l’hémoglobine et surtout aux métallothionéines qui sont des protéines dont leur synthèse est

directement stimulée par l’exposition au cadmium (INERIS, 2005a). Le cadmium se concentre

principalement dans le foie et les reins (entre 50 % et 70 % de la charge totale). Il est également

retrouvé dans le pancréas, la glande thyroïde, les testicules et les glandes salivaires. Dans les

différents tissus, le cadmium se fixe sélectivement sur les métallothionéines. C’est sous cette

forme de complexe avec les métallothionéines que le cadmium peut être stocké dans les

organes. Le cadmium possède une demi-vie de l’ordre de 20 à 30 ans dans le rein et de 30 jours

dans le sang. Il est excrété dans les fèces, les urines et les phanères (INERIS, 2005a).

7.2.3.2. Toxicologie aiguë

Ingéré par voie orale chez l’homme, les symptômes observés sont des manifestations de gastro-

entérite avec crampes épigastriques, des vomissements, des diarrhées et des myalgies. L’effet

émétique du cadmium est un facteur pouvant expliquer la faible mortalité par cette voie.

Une intoxication mortelle a cependant été observée suite à l’ingestion volontaire de 5 g d’iodure

de cadmium (INERIS, 2005a; Wisniewska-Knypl et al., 1971).

72
Par inhalation, dans le cas d’intoxication aiguë sévère par les fumées de cadmium, la mortalité

est estimée de 15 à 20 % chez ceux qui développent une pneumonie chimique. La mort survient

souvent 1 à 3 jours après l’exposition, les effets observés pendant cette période sont une

irritation pulmonaire sévère accompagnée de dyspnée, de cyanose et de toux (Lauwerys, 1990).

7.2.3.3. Toxicologie chronique

- Effets systémiques pertinents

Le principal organe cible est le rein. L’exposition chronique au cadmium entraîne l’apparition

d’une néphropathie irréversible pouvant évoluer vers une insuffisance rénale. Une atteinte

glomérulaire a été observée chez des salariés exposés au cadmium (SFSP, 1999).

Par ailleurs, il a été montré que certaines atteintes pulmonaires peuvent être réversibles (Chan

et al., 1988). Des atteintes du squelette liées à une interférence avec le métabolisme du calcium

sont également observées pour les expositions au cadmium aux concentrations les plus élevées.

Une excrétion excessive du calcium induit de l’ostéomalacie, de l’ostéoporose, avec des

douleurs osseuses intenses. Ces troubles constituent une partie des signes de la maladie de «

Itaï-Itaï » observée au Japon chez les populations exposées au cadmium lors de la

consommation de riz contaminé (INERIS, 2005a).

Les femmes sont plus sensibles que les hommes. Les femmes enceintes ou allaitantes sont

atteintes plus précocement en raison des besoins accrus en calcium (Staessen et al., 1999; Jarup

et al., 1998; Hayano et al., 1996; Kjellstrom, 1992; Tsuritani et al., 1992 ; Buchet et al., 1990)

ou à cause de leur carence en fer (Piscator, 1985). Il est probable que le cadmium soit également

à l’origine de neuropathies périphériques (Viaene et al., 1999).

- Effets cancérigènes

73
Différentes études réalisées en milieu professionnel, et correspondant à des expositions par

inhalation, ont montré une augmentation significative de la mortalité par cancer pulmonaire

(IARC, 1993). Une étude de mortalité réalisée chez une population japonaise exposée au

cadmium via l’alimentation (riz contaminé) a mis en évidence l’absence d’augmentation de

mortalité par cancer tous sites confondus et par cancer du foie ou de l’estomac en particulier.

En revanche, cette étude a montré l’augmentation de mortalité par cancer prostatique. Les

niveaux étaient de 0,2 à 0,7 ppm dans les zones polluées et de 0,02 à 0,1 ppm dans les zones

non polluées (INERIS, 2005a; Shigematsu et al., 1982).

Les résultats d’une autre étude, réalisée aux États Unis, semblent confirmer la corrélation entre

l’augmentation de la mortalité par cancer prostatique (53,6 cas sur 100 000) et les niveaux

d’exposition au cadmium via l’environnement. Les niveaux mesurés étaient de 0,006 ppm dans

les eaux usées, 0,27 ppm dans les sols et de 0,004 ppm dans l’eau courante (Bako et al., 1982).

Selon l’ Union Européenne, le cadmium, le chlorure de cadmium, l’oxyde de cadmium, le

sulfate de cadmium et le sulfure de cadmium sont classés dans la catégorie 2 comme des

substances devant être assimilée à des substances cancérogènes pour l’homme et en catégorie

3 comme des Substances préoccupantes pour l’homme en raison d’effets mutagènes à

l’exception du sulfate de cadmium classé en catégorie 2 pour les mêmes effets (JOCE, 2004).

L’IARC classe le cadmium et ses dérivés dans le groupe 1 comme substance cancérogène pour

l’homme.

7.2.3.5. Valeurs toxicologiques de référence

L’US EPA (1994) a établi un RfD de 5.10-4 mg/kg/j pour une exposition chronique par voie

orale dans l’eau de boisson et un RfD de 0,001 mg/kg/j pour une exposition chronique par voie

orale dans la nourriture.

74
Facteurs d’incertitude : un facteur de 10 est appliqué pour tenir compte des populations

sensibles.

Pour ce qui concerne la voie d’exposition par inhalation, l’US EPA a établi un ERUi de 1,8.10-
3
(μg/m3)-1 (1992).

L’ATSDR a établi un MRL de 2.10-4 mg/kg/j pour une exposition chronique par voie orale

(1999). Cette valeur est basée sur l’étude épidémiologique de Nogawa et al. (1989) pour

laquelle un NOAEL de 0,0021 mg/kg/j a été défini.

Facteurs d’incertitude : un facteur de 10 est appliqué pour tenir compte des différences de

sensibilité de la population.

L’OMS a établi une DHTP de 7 μg/kg pour une exposition par voie orale (2004). Elle préconise

une valeur établie en 1998 par le JECFA (Comité mixte FAO/OMS d’experts sur les additifs

alimentaires). Il a été estimé que l’apport total de cadmium ne devrait pas excéder 1 μg/kg de

poids corporel par jour pour que la concentration de cadmium dans le cortex rénal ne dépasse

pas 50 mg/kg. La DHTP (Dose hebdomadaire tolérable provisoire) est fixée à 7 μg/kg de poids

corporel. Il est reconnu que la marge entre la DHTP et la dose hebdomadaire de cadmium

effectivement absorbée par la population est faible puisque le rapport entre les deux est inférieur

à 10, et que cette marge est peut être encore réduite chez les fumeurs. Cette valeur proposée par

le JEFCA en 1989 a été confirmée par le même groupe de travail en 1993 (OMS, 1996).

Le RIVM propose une TDI de 5.10-4 mg/kg/j pour une exposition chronique au cadmium par

voie orale (Baars et al., 2001). Les résultats de nombreuses études chez l'homme et l'animal

montre que l'effet principal lié à l'exposition chronique au cadmium est une atteinte irréversible

de la fonction rénale (Baars et al., 2001). Il est établi que le taux en cadmium au niveau du

cortex rénal ne doit pas dépasser 50 mg/kg pour protéger la fonction rénale.

Des données récentes chez l'homme montrent que, pour une concentration corticale de 50
mg/kg, des effets délétères sur la fonction rénale peuvent être détectés chez 4 % de la population
(Baars et al., 2001). Ce niveau est susceptible d'être atteint au bout de 40-50 ans, si l'on absorbe

75
50 μg Cd/j (soit environ 1 μg/kg/j). Le RIVM propose donc d'appliquer un facteur de sécurité
de 2, ce qui donne une dose maximale journalière de 0,5 μg/kg/j (INERIS, 2005a). L'OEHHA
propose un REL de 2.10-2 μg/m3 pour une exposition chronique au cadmium par inhalation
(2003). Cette valeur a été établie à partir d’une étude épidémiologique chez des travailleurs
exposés au cadmium durant 1 à plus de 20 ans (Lauwerys et al., 1974). Un LOAEL (Lowest
Observed Adverse Effect Level) de 21 μg Cd/m3 pour des effets rénaux et respiratoires a été
établi. La concentration sans effet (NOAEL) a été établie à 1,4 μg/m3 pour une exposition
moyenne de 4,1 ans, ce qui équivaut à 0,5 μg/m3 pour une exposition continue (1,4 x 10 m3/20
m3 x 5 j/7).
Facteurs d’incertitude : Un facteur 10 est appliqué pour tenir compte des différences de

sensibilité au sein de l’espèce humaine et un facteur 3 pour la faible durée d'exposition.

Calcul : 0,5 μg/ m3 x 1 / 30 = 0,017 μg/ m3 (arrondi à 0,02 μg/ m3).

Santé Canada propose une CT0,05 = 5,1.10-3 mg/m3 pour une exposition au cadmium par

inhalation (1993). Cette valeur a été calculée à partir des données de cancers pulmonaires

induits chez des rats exposés à un aérosol de chlorure de cadmium durant 72 semaines (23 h/j)

(Takenaka et al., 1983 ; Oldiges et al., 1984).

7.3. Le zinc

7.3.1. Production et utilisation

Le zinc est présent dans l'écorce terrestre principalement sous forme de sulfure (blende),

accessoirement sous d'autres formes telles que la smithsonite (ZnCO 3), l'hémimorphite

(Zn4[(OH2Si2O7]H2O), ou l'hydrozincite (Zn5(OH)6(CO3)2). Il est produit industriellement par

un procédé hydro métallurgique comportant quatre étapes :

- Enrichissement et grillage du minerai,

- Extraction du zinc soluble par fusion et lessivage du précipité à l'acide sulfurique,

- Purification,

- Raffinage électrolytique.

Il peut aussi être produit suivant un procédé pyrométallurgique dans lequel le minerai est

également préalablement grillé. L'oxyde de zinc ainsi formé combiné à du coke ou du charbon

76
à environ 1 100 °C donne naissance à du zinc métal. Le zinc provient également des minerais

de plomb dans lesquels il est toujours associé au cadmium. Principalement utilisé pour les

revêtements de protection des métaux contre la corrosion (galvanoplastie, métallisation,

traitement par immersion), le zinc entre dans la composition de divers alliages (laiton, bronze,

alliages légers). Il est utilisé dans la construction immobilière, les équipements pour

l'automobile, les chemins de fer et dans la fabrication de produits laminés ou formés. Il constitue

un intermédiaire dans la fabrication d'autres composés de zinc et sert d'agent réducteur en

chimie organique et de réactif en chimie analytique. Le chlorure de zinc est utilisé dans l'Union

Européenne principalement en galvanoplastie, fonderie, soudure, dans la fabrication d'agents

conducteurs, dans l'industrie électrique et l'industrie électronique, dans la synthèse de

médicaments et de vitamines, dans la production de fongicides, de teintures et d'encres.

7.3.2. Principales sources de contamination

7.3.2.1. Le sol

Le zinc sous forme de sulfure (blende) est assez uniformément distribué dans les roches

magmatiques (40 à 120 mg/kg). Sa concentration est un peu plus élevée dans les sédiments

argileux (80 à 120 mg/kg) et les schistes alors qu'elle est plus faible dans les roches-mères

sableuses. Il entre naturellement dans l'atmosphère à partir du transport par le vent de particules

du sol, des éruptions volcaniques, des feux de forêts, d'émission d'aérosols marins.

Les apports anthropiques de zinc dans le sol résultent des sources minières et industrielles et de

la supplémentation à l'alimentation des animaux, surtout les porcs, ce qui se retrouve en

abondance dans les lisiers.

Dans l’environnement, le zinc se trouve principalement à l’état d’oxydation +2 (souvent sous

la forme ZnS); mais plusieurs autres formes ioniques peuvent se retrouver dans le sol (INERIS,

2005b).

77
Le zinc s'accumule dans les sols. Dans les cas de contamination superficielle, rares sont les sols

où le zinc migre en profondeur. Le gradient de zinc diminue puis croît avec la profondeur

parallèlement avec la teneur en argile et en fer. L’adsorption du zinc dans le sol peut se faire

par échange de cations (milieu acide) et par chimisorption sous l’influence des ligands

organiques (milieu alcalin).

Les minéraux argileux, les hydroxydes, le pH et la salinité sont les principaux facteurs qui

contrôlent la solubilité du zinc. Un pH élevé (> 7) permet une meilleure adsorption du zinc.

Une augmentation de la salinité du milieu entraîne la désorption du zinc dans les sédiments. La

matière argileuse peut retenir le zinc assez fortement.

Cette adsorption sur les surfaces argileuses peut expliquer la forte dépendance au pH de la

rétention du zinc sur les sols. A pH élevés, où la concentration en composés organiques est

forte, le zinc se complexe dans la matière organique. Les oxydes ou hydroxydes de fer et de

manganèse et certaines argiles ont la capacité d’adsorber le zinc et ont tendance à retarder sa

mobilité dans le sol.

Parmi les facteurs qui affectent la disponibilité du zinc dans les sols, les paramètres du sol, tels

que la quantité totale de zinc, le pH, la matière organique, les sites d’adsorption, l’activité

microbienne, l’humidité, jouent un rôle important (Alloway, 1995 ; Adriano, 1986).

La teneur en zinc dans le sol varie d’une organisation à une autre. Selon l’OMS la concentration

maximale est fixée à 300 mg/kg (Godin, 1982), alors que les travaux de Plant et Raiswell

rapportés par Angima (2010) fixe cette concentration à 20 mg/kg et New York Departement of

environnemental conservation (NYS DEC) situe cette valeur maximale à 1100 mg/kg pour les

sols agricoles (Grubinger et Ross, 2011).

7.3.2.2. L'eau

78
Le zinc existe dans l’eau sous diverses formes : ion hydraté (Zn(H2O)2+), zinc complexé par les

ligands organiques (acides fulviques et humiques), zinc adsorbé sur de la matière solide, oxydes

de zinc, phosphate de zinc, Chlorure de zinc. La spéciation du zinc dans le compartiment

aquatique est un phénomène très complexe qui dépend de nombreux facteurs abiotiques tels

que le pH, la quantité de matière organique dissoute, le potentiel redox.

Le chlorure de zinc et le sulfate de zinc sont très solubles dans l’eau, mais peuvent s’hydrolyser

en solution pour former un précipité d’hydroxyde de zinc, sous conditions réductrices.

Un pH faible est nécessaire pour maintenir le zinc en solution. Dans différentes rivières

européennes, une distribution de 30 % de zinc libre et 70 % de zinc complexé a été rapportée

par Jansen et al. (1998).

Selon l’OMS (2006), la concentration maximale en zinc dans les eaux de surface est fixée à 3

mg/L.

7.3.2.3. Les organismes aquatiques

Le zinc est un métal essentiel, c’est à dire nécessaire en quantité généralement faible, à la vie

d’un grand nombre d’organismes. L’accumulation du zinc dans l’organisme est régulée pour

de nombreuses espèces dont les mollusques, les crustacés, les poissons et les mammifères. Le

zinc peut s’accumuler dans les organismes aquatiques, mais les valeurs de FBC décroissent

lorsque l’on monte dans la chaîne trophique.

7.3.2.4. Les végétaux

La fraction de zinc liée aux oxydes de fer et de manganèse est la plus facilement assimilable

par les plantes.

Généralement, une augmentation de la concentration en zinc dans le sol provoque une

augmentation dans les tissus des plantes. Cette concentration est plus élevée pour les plantes

matures recevant un traitement aux boues que pour les plantes ayant poussé sur un sol traité

79
avant culture (Alexander et al., 2006; Mortvedt et Giordano, 1975). Les formes de zinc

absorbées par les plantes sont surtout le zinc hydraté et Zn2+, et aussi les formes complexées du

zinc. L’absorption de zinc par les plantes est plus faible par un traitement aux boues que pour

une quantité équivalente de zinc apportée sous forme ZnSO4 en solution (INERIS, 2005b;

Mortvedt et Giordano, 1975).

La fraction de zinc liée à la matière organique pourrait expliquer sa forte mobilité dans les

plantes. Le zinc se concentre préférentiellement dans les feuilles matures de la plante. Dans les

écosystèmes où le zinc est un polluant atmosphérique, il se concentre plutôt au sommet des

plantes. Par contre, les plantes ayant poussé dans un sol contaminé par du zinc accumulent du

métal dans les racines (Kabata-Pendias et Pendias, 1992).

7.3.3. Données toxicologiques

7.3.3.1. Devenir dans l’organisme

Le zinc est l'un des oligo-éléments les plus abondants chez l'homme. Il intervient au niveau de

la croissance, du développement osseux et cérébral, de la reproduction, du développement

fœtal, du goût et de l'odorat, des fonctions immunitaires et de la cicatrisation des blessures.

Les quantités journalières recommandées en zinc sont de 10 mg chez les enfants (1-10 ans), 12

mg chez la femme et 15 mg chez l'homme (NAS/NRC, 1989). La Commission des

Communautés Européennes recommande toutefois des niveaux journaliers plus faibles : 9-10

mg/j et 7-9 mg/j pour respectivement les hommes et les femmes (CEE, 1993).

On trouve du zinc dans tous les tissus, et il joue le rôle de co-facteur pour plus de 200 systèmes

enzymatiques. Les os et les muscles contiennent respectivement 30 et 60 % de la quantité totale

de zinc présente dans le corps (Wastney et al., 1986). Les organes contenant des quantités

mesurables de zinc sont le foie, le tractus gastro-intestinal, les reins, la peau, les poumons, le

80
cœur, le cerveau et le pancréas (Llobet et al., 1988 ; Bentley et Grubb, 1991). Des

concentrations élevées en zinc ont été également détectées au niveau de la prostate, de la rétine

et du sperme (Bentley and Grubb, 1991). Les niveaux en zinc peuvent varier considérablement

d'un individu à un autre et évoluent avec l'âge (INERIS, 2005b).

La pénétration du zinc dans l'organisme se fait principalement par voie orale (via la nourriture).

En milieu professionnel, l'exposition par inhalation peut être également importante. La voie

cutanée reste marginale, bien que le zinc fasse partie de certaines préparations pharmaceutiques

ou cosmétiques.

Chez l'homme, le taux d'absorption du zinc, pris en complément alimentaire, varie de 8 à 81 %

et dépend de la quantité et de la qualité de la nourriture ingérée. Des personnes non carencées

en zinc absorbent environ 20 à 30 % du zinc ingéré (INERIS, 2005b). Ce taux est augmenté en

cas de carence (Johnson et al., 1988). Par ailleurs, la présence de protéines en facilite

l'absorption (Hunt et al., 1991). Par voie cutanée, le taux d'absorption n'est pas connu. Il dépend

vraisemblablement de l'état de la peau et du solvant utilisé (CE, 1999).

Le zinc diffuse lentement à travers le placenta. Seulement 3 % du zinc maternel atteint le

compartiment fœtal en 2 heures (Beer et al., 1992). Une exposition des nourrissons est

également possible via le lait maternel (Rossowska et Nakamoto, 1992).

7.3.3.2. Toxicologie aiguë

Le zinc, sous sa forme métallique, présente une faible toxicité par inhalation et par voie orale.

Par contre, certains composés du zinc sont responsables d'effets délétères chez l'homme et

l'animal.

Des cas de mortalité ont été rapportés chez l'homme après inhalation de vapeurs de composés

de zinc (INERIS, 2005b).

81
Deux autres cas de mortalité ont été décrits après inhalation de fumées contenant

essentiellement du chlorure de zinc (INERIS, 2005b ; Hjortso et al., 1988).

A l'autopsie, ont été observées une fibrose pulmonaire interstitielle et intraalvéolaire, ainsi

qu'une occlusion des artères pulmonaires. Les teneurs en zinc dans les organes et tissus

principaux se situaient dans la norme et aucune particule de zinc n'a été observée en microscopie

électronique (Hjortso et al., 1988).

La poudre de stéarate de zinc a été à l'origine d'inflammations pulmonaires qui se sont révélées

létales chez des enfants (BIBRA, 1989). Toutefois, on ne sait pas si ces effets ont été causés par

le stéarate de zinc en lui-même ou par la grande quantité de poussière inhalée (Walsh et al.,

1994). En milieu professionnel, certaines opérations très spécifiques se déroulant à hautes

températures, comme le découpage ou la soudure d'acier galvanisé, peuvent conduire à la

formation de fumées contenant des particules ultrafines d'oxyde de zinc (< 0,1 μm de diamètre).

L'exposition à ces fumées peut causer la "fièvre des fondeurs", caractérisée par les symptômes

suivants: gorge sèche et douloureuse, toux, dyspnée, fièvre, douleurs musculaires, céphalée et

goût métallique dans la bouche (Heydon et Kagan, 1990 ; Gordon et al., 1992). Des effets

cardiaques (Mueller et Seger, 1985) et gastro-intestinaux (NIOSH, 1975) peuvent également

être associés à l'exposition à ces fumées.

7.3.3.3. Toxicologie chronique

- Effets systémiques

Peu de données ont été rapportées sur la toxicité à long terme du zinc par inhalation.

Par voie orale, des crampes d'estomac, des nausées et des vomissements ont été observés chez

des volontaires ayant ingéré du sulfate de zinc en tablette (2 mg /kg/j) durant 6 semaines

(Samman et Roberts, 1987). L'ingestion d'oxyde de zinc a également été associée à de tels

symptômes (INERIS, 2005b).

82
De nombreux cas d'anémies ont été décrits chez des personnes supplémentées en zinc durant

de longues périodes (1 à 8 ans) (Porter et al., 1977 ; Patterson et al., 1985 ; Hale et al., 1988 ;

Hoffman et al., 1988 ; Broun et al., 1990 ; Gyorffy et Chan, 1992). Une exposition à 2 mg /kg/j

sous forme de sulfate a également induit une anémie (Hoffman et al., 1988). Une diminution

de l'hématocrite, de la ferritine sérique et de l'activité de la superoxyde dismutase érythrocytaire

a été notée chez des femmes ayant reçu 50 mg /j sous forme de gluconate durant 10 semaines

(Yadrick et al., 1989).

Le zinc joue un rôle dans le développement et le maintien de l'intégrité du système immunitaire.

Cependant, des doses trop élevées en zinc altèrent les réponses immunitaires et inflammatoires.

Onze volontaires ayant ingéré du sulfate de zinc durant 6 semaines à raison de 4,3 mg /kg/j ont

présenté des altérations fonctionnelles des lymphocytes et des polynucléaires sanguins

(Chandra, 1984).

- Effet cancérigène

Selon l’Union Européenne, la poudre de zinc, le chlorure de zinc, l’oxyde de zinc, le phosphate

de zinc, et le sulfate de zinc ne sont pas classés comme substances cancérogène (JOCE, 2004).

Les chromates de zinc sont classés en catégorie 1 : comme substances cancérogènes pour

l'homme à cause des composés dérivés du chrome (INERIS, 2005b).

Pour le CIRC – IARC, le zinc et ses dérivés n'ont pas fait l'objet d'une classification.

L’US EPA (IRIS) range le zinc et ses dérivés dans la Classe D comme substances non

classifiables quant à leur cancérogénicité pour l'homme (1991).

7.3.3.4. Valeurs toxicologiques de référence pour des effets avec seuil

L'ATSDR propose un MRL de 0,3 mg/kg/j pour une exposition subchronique ou chronique au

zinc et à ses composés par voie orale (1994). Cette valeur a été établie en prenant en compte les

effets sanguins (diminution de l'hématocrite, de la ferritine sanguine et de l'activité de la

83
superoxyde dismutase érythrocytaire) observés chez des femmes supplémentées en gluconate

de zinc à raison de 50 mg/j (0,83 mg/kg/j) durant 10 semaines (Yadrick et al., 1989). Un

LOAEL de 1 mg/kg/j a été défini en ajoutant cette dose à l'estimation de l'apport journalier en

zinc chez les femmes (0,16 mg/kg/j) établi par la FDA (Pennington et al., 1986).

Facteurs d'incertitude : un facteur minimal de 3 a été appliqué car l'étude concerne une

population sensible et aussi le zinc est un nutriment essentiel.

Calcul : (0,83 + 0,16) mg/kg/j x 1/3 = 0,3 mg/kg/j

L'US EPA (IRIS) propose une RfD de 0,3 mg/kg/j pour une exposition chronique au zinc et à

ses composés par voie orale (1992). La démarche utilisée pour l'établissement de cette valeur

est similaire à celle suivie par l'ATSDR pour évaluer le MRL concernant les effets

subchroniques et chroniques par voie orale.

Facteurs d'incertitude : un facteur 10 a été appliqué pour l'extrapolation inter-espèces, un

facteur 10 pour la variabilité au sein de la population, un facteur 10 pour l'extrapolation d'une

durée subchronique à chronique et un facteur 10 pour l'utilisation d'un LOAEL.

Calcul : 3,48 mg/kg/j x 1/10 000 = 0,0003 mg/kg/j

Le RIVM propose une TDI de 0,5 mg/kg/j pour une exposition chronique au zinc par voie orale

(Baars et al., 2001). Cette valeur est issue d'un LOAEL de 1 mg/kg/j défini par l'ATSDR en

1994, pour les effets sanguins chez l'homme.

Selon la Commission Européenne (1994) et le Health Council of the Netherlands (1998), une

marge de sécurité de 2 est suffisante. Cela donne une TDI de 0,5 mg/kg/j. Cette valeur est

proche de la dose journalière recommandée en zinc qui est de 0,3 mg/kg/j. Selon le RIVM, la

fiabilité de cette valeur est élevée (INERIS, 2005).

2. Les mycotoxines

84
1. Généralités sur les mycotoxines

Le nom mycotoxine a été inventé en 1962, suite à une crise vétérinaire dû à la mort de 100.000
dindonneaux. Il dérive de deux mots ‘‘mycos’’ qui fait référence aux champignons et ‘‘toxine’’
qui vient du mot latin et qui signifie poison (Bhatnagar et al., 2002). Produites par certaines
souches de moisissures, les mycotoxines sont des composés de faibles poids moléculaires (<
1 000 daltons) difficilement dégradable et potentiellement dangereuses pour l’homme et les
animaux (WHO 1978; Schiefer 1990; Bhatnagar, 2002; Fakruddin et al., 2015). Près de 400
types de mycotoxines ont été découvertes et la majorité d'entre elles était connue depuis 1960.
Elles sont regroupées en fonction de leurs similitudes sur le plan structurales et toxiques (Bennet
et Klich, 2003). Cependant, une trentaine de ces molécules ont une véritable importance en
termes de santé animale et humaine (Castegnaro et Pfohl-Leszkowicz, 2002).

2. Toxinogenèse dans les denrées alimentaires

Il existe deux types de champignons toxinogéniques, les champignons pré et post récolte. Ils
colonisent les plantes vieilles ou stressées et produisent des mycotoxines; ce sont les
champignons pré-récolte. L’autre groupe de champignons contamine pendant la récolte, le
stockage des grains et au cours du transport. Ces champignons sont présents sur le sol et
disséminent leurs spores qui contaminent les grains. Ils se développent lorsque les conditions
sont favorables et produisent des mycotoxines.
La production de mycotoxines dépend de plusieurs facteurs qui peuvent être intrinsèques
(nature de la souche) ou extrinsèques (conditions de l’environnement) (Reboux, 2006).

2.1. Les facteurs intrinsèques


Certaines souches sont toxinogènes et d’autres ne le sont pas (Hussein, 2001). Au sein d’une
même souche, certaines sont fortement productrices, d’autres moins. Toutes les souches ne sont
pas donc équivalentes pour la production de mycotoxines. Les progrès de la chémotaxonomie
ont permis de démontrer que pour une même espèce, les profils des substances produites sont
différents si on prélève le champignon sur le substrat naturel ou à partir d'une culture en boîte
de Pétri. Le Penicillium roqueforti est incapable de produire une toxine sur le fromage de
Roquefort, alors qu'in vitro, il secréte un métabolite très toxique (Reboux, 1996). La
toxicogenèse dépend du stage de développement ou de maturité de la souche productrice. Les
conditions environnementales nécessaires à la production de mycotoxines sont plus étroites que
celles permettant la croissance fongique et sont, le plus souvent, proches des conditions
optimales de développement de l’espèce considérée.

85
2.2. Les facteurs extrinsèques
Les facteurs de l’environnement tels que la composition du substrat en éléments nutritifs,
l’activité de l’eau, la température ambiante, le pH, et la compétition entre les différents micro-
organismes ont un grand impact sur le développement de la toxinogénèse des moisissures. Les
études ont montré qu’il y a une expression des gènes de production des mycotoxines suite à
l’influence de la température, le pH et l’activité de l’eau (Schmidt-Heydt et al., 2008).

2.2.1. Les facteurs physico-chimiques

- La nature du substrat

La production de mycotoxines est stimulée par la présence de substances nutritives en


particulier les glucides et les acides aminés qui permettent non seulement la croissance des
champignons mais également la sécrétion des mycotoxines (Tableau 1). Cependant d’autres
substances dans le substrat à l’instar des phénols et des tanins diminuent leur production
(Audilakshmi et al., 1999). Ainsi, l’acide phytique diminue la synthèse d’aflatoxine par
Aspergillus parasiticus et Aspergillus flavus alors que la proline stimule cette production.
L’acide glutamique et la proline stimulent également la synthèse d’ochratoxine A par
Aspergillus ochraceus (Pfohl-Leszkowicz, 2001).

Tableau 1 : Effet du temps d’incubation sur la production de l’ochratoxine A


Temps d’incubation Production de l’ochratoxine (µg/ga) à 4°C
(jour) Maïs Riz Blé
21 2,67 0,09 0,94 0,03 -- --
28 3,05 0,10 3,11 0,10 2,74 0,09
a
en µg d’ochratoxine pour 30 g de substrat par flacon, Source: Trenk et al. (1971)

- L’activité de l’eau et la température


L’activité hydrique (Aw) nécessaire à la toxinogénèse est supérieure à celle permettant la
croissance fongique (Pfohl-Leszcowicz, 2001). L'activité de l’eau d'un aliment dépend de sa
composition chimique et peut varier de 0 (pour les substrats contenant de l’eau) à 1 (pour l’eau
pure). Elle joue un rôle primordial sur la croissance des moisissures en particulier sur la
germination des spores et la croissance du mycélium. La plupart des moisissures se développent
bien pour des activités en eau voisines de 0,85 (Tableau 2). Les moisissures appartenant aux
genres Aspergillus et Penicillium sont généralement capables de se développer respectivement
à des Aw voisines de 0,72 - 0,80 à 25°C et 0,8 - 0,90; mais la production de mycotoxines comme

86
le déoxynivalénol (DON), est importante pour des Aw de l’ordre de 0,995. La croissance et la
production de zéaralénone à 25°C ont été inhibées à une activité hydrique égale à 0,90 et
pendant un court temps d'incubation; mais l’accumulation était plus grande à une Aw égale à
0,97 (25°C) (Montani, 1988).

Tableau 2 : Optimum de température pour la production de mycotoxines

Mycotoxines Température (°C) Activité de l’eau (aw)


Aflatoxines 33 0,99
Ochratoxine 25-30 0,98
Fumonisines 15-30 0,9-0,995
Zearalénone 25 0,96
Deoxynivalenol 26-30 0,995
Citrinine 20-30 0,75-0,85
Millani, 2013
- Le pH
La plupart des moisissures croissent à pH compris entre 3 et 8 et généralement l’activité
fongique optimale est comprise entre ente 5 et 6. Le pH permettant la toxinogénèse est plus
restreint que celle permettant la croissance fongique. En 1997, Keller a démontré l’effet du pH
sur la croissance de Fusarium proliferatum et en parallèle, sur la production de fumonisine B1
(Tableau 3) (Tabuc, 2007).

Tableau 3 : Influence du pH sur la production de fumonisine B1 par Fusarium


pH Concentration en FB1( ppm)
2,2 9,4±4,5
2,6 33,3±10,2
3,0 261,6±38,1
3,7 436,7±118,0
4,2 432,3±66,9
5,6 16,9±9,2
Source : Keller, 1997

- La composition gazeuse
La réduction de la pression partielle en oxygène et surtout l’augmentation de la concentration
en gaz carbonique ont un effet dépresseur plus important sur la toxinogénèse que sur la
croissance. L’activité toxinogénèse devient alors intense lorsque les denrées alimentaires

87
passent d’une atmosphère confinée où les moisissures peuvent plus ou moins se développer, à
l’air libre (Royer et Tap, 2004).

2.2.2. Les facteurs biologiques


La contamination simultanée du substrat par plusieurs espèces de microorganismes entraîne
une diminution de la production de mycotoxines par les moisissures. Même si les avis
scientifiques peuvent parfois être divergents, il existe un effet de la co-occurence des
moisissures sur la toxinognèse (Pfohl-Leszkowicz, 2001). Ainsi, la quantité d’aflatoxine B1
produite est réduite lorsqu’une souche d’A. flavus est introduite dans une culture en même
temps qu’une souche d’A. parasiticus, et ceci même si la souche d’A. parasiticus est une souche
non toxinogène (Pfohl-Leszkowicz, 2001). La présence de Fusarium verticilloides sur les épis
protège le maïs d’une contamination ultérieure avec l’A. flavus et réduit la quantité d’aflatoxine
produite (Zummo et Scott, 1992).
En 1988, Mislivec a démontré expérimentalement que la culture simultanée d’A.parasiticus et
d’A. flavus ne modifie pas la production d’aflatoxines par ce dernier, alors que la présence
d’espèces de Penicillium diminue la production de cette mycotoxine (Mislivec et al., 1988). La
production d’aflatoxines par A. flavus est inhibée par la présence d’A. niger (Horn et Wicklow,
1983).

3. Voie de biosynthèse des mycotoxines

La contamination d’une plante ou d’un substrat de toute nature par les champignons induit trois
types de réaction substrat-moisissure à la suite de laquelle il y a production de métabolites
toxiques soit par :

- Induction par le champignon ou de moisissure d’une exacerbation de certaines réactions


métaboliques de la plante, conduisant à la concentration anormalement supérieure du
constituant habituel ou par la formation de produits toxiques n’existant pas dans la plante saine.
- Transformation d’un composé peu toxique ou non, existant dans la plante en composé toxique
par le jeu de bioconversion. Par exemple l’acide coumarique présent dans la plante peut être
transformé par différents espèces en 4-hydroxycoumarine puis en dicoumarol, un anticoagulant
puissant.
- Production de toxines toxiques propres aux moisissures à l’instar des aflatoxines, des
trichothécènes, la zéaralénone etc.

88
Cette dernière réaction est à l’origine des mycotoxines, métabolites toxiques produits à la suite
d’un métabolisme secondaire. Trois origines principales (Figure 6) à savoir les polyacétates
CH3 CO2H, les terpènes C10 H16 et les acides aminés ont été identifiées.

Glucides G6P - De Pentoses Pyruvate


phosphate

Cycle des acides


Acide Kojique AcétylcoA tricarboxyliques
(Amstein et Bentley)

Patuline Shikimates Rubratoxines


Ac. penicilique Acetate

Fusachromanone
(Pawloyski et
Mirocha,1991) Acide
aminées Mévalo
Polycétoacid nate
aromatiqu
es Voie
des
Voie des acides
aminées
Terpene
Tryptophane Ohratoxin Aflatoxines Trichothé
Alcaloide Ergot es A Citrinine cènes
Ac. Griséofulvine
Cyclopropiazoniq Stérigmatocysti
Fumonisi
ue ne
Zeéralenone

Voie des polyacétates

Figure 1 : Voie de biosynthèse des mycotoxines

4. Contaminations mycotoxiques

Les moisissures sont des espèces ubiquitaires. La contamination des denrées alimentaires peut
se produire aux champs, au cours de la récolte, pendant le stockage et au cours du transport. La
mycotoxinogenèse et la toxinogenèsese se produisent lorsque les conditions sont favorables.
Les toxines produites par les moisissures varient en fonction des espèces et du genre (Tableau
4). Les espèces des genres Aspergillus et Penicillium sont des champignons qui contaminent
lors du stockage. Les espèces d'A. clavatus et d'A. fumigatus sont deux espèces qui n’attaquent
que les graines endommagées et nécessitent une grande rétention des graines en humidité.
Compte tenu du caractère ubiquitaire, toxique et l’effet non désirable des toxines de ces
moisissures, elles sont classées par le codex comme des contaminants naturels de nombreuses
denrées végétales, notamment les céréales, les graines, les fruits, les noix, les amandes, les
fourrages ainsi que les aliments transformés provenant de ces matières premières et destinés à
l’alimentation humaine ou animale. En conséquence, les produits tels que les farines infantiles
à base de céréales locales, les pâtes d’arachide, les œufs, les abats (reins, foie) et le lait, les
89
fromages, provenant d’animaux préalablement exposés sont aussi contaminés par les
mycotoxines.

Tableau 4 : Quelques espèces fongiques productrices de et mycotoxines associées

Champignons Mycotoxines
Aspergillus flavus, A. parasiticus, Penicillum frequentans Aflatoxine
Aspergillus flavus, Acide cyclopiazonique
A. ochraceus, A. carbonarius, P. verrucosum, P. cyclopium, Ochratoxines
P. expansum, Byssoclamys nivea, B. fulva, A. clavatus Patuline
P. islandicum, P. brunneum, P. citrinum, A. terreus Islandicine,citrine, lutéoskyrine
P. rubrum, P. purpurogenum Rubratoxine
Fusarium tricinctum, F. sporotrichoides Trichothécènes
F. moniliforme, F. proliferatum Fumosines
F. tricinctum, F. oxysporum Zéaralérone
F. graminearum, F. roseum Diacétoxiscirpénol
F. nivale Nivalénol, fusarénones
Stachybotrys chartarum Satratoxine, roridine, verrucarine
Trichoderma viride Trichodermine, trichoverrine
Chaetomium globosum Chasetoglobosine
Memnoniella sp. Trichodermol, trichodermine
Source : Bennett et Klich, 2003
4.1. Contamination des produits agricoles
4.1.1. Oléagineux

Les noix et les oléagineux sont des substrats privilégiés d’A. flavus sous climat tropical. Ainsi,
une présence de quantités importantes d’aflatoxines est signalée dans les arachides, le coton et
leurs dérivées. Des teneurs variables sont retrouvées dans différentes parties du monde. En
Corée, l’AFB est retrouvée dans l’arachide torréfiée à une concentration de 1,85-18,04 µg/kg
(Chun et al., 2007).

4.1.2. Céréales

Dans les céréales, la contamination peut avoir lieu avant la récolte, au champ, au cours du
séchage, du stockage et après transformation des graines.

4.1.3. Fruits et boissons


Les fruits portent des moisissures sous la forme de spores capables de se multiplier lorsque les
conditions de stockage sont mauvaises. Le Pennicillum sp est souvent à l’origine des
contaminations et cause des pertes post-récoltes (Janisiewicz et al., 2008). Les jus de fruits mal

90
stérilisés peuvent également être contaminés par Byssochlamys sp et Humicola sp, dont les
spores résistent aux fortes températures (Pfohl-Leszkowicz,1999).
4.2. Contamination des produits d’origine animale
Il existe deux cas de contamination des produits laitiers par les mycotoxines. La présence de
mycotoxines dans le lait d'animaux ayant consommés des aliments renfermant déjà des
mycotoxines. Les aflatoxines sont des dérivées de la coumarine produits surtout par l’A. flavus,
un champignon fréquent dans le sol, sur les matières organiques, dans les grains et
particulièrement dans les grains oléagineux. Les amandes d’arachide en contiennent également.
Lors de la préparation des huiles, les aflatoxines passent dans les tourteaux qui constituent l’une
des matières premières de l’alimentation des bétails. Ces aliments ingérés par les animaux sont
métabolisés en aflatoxine M qui est incontestablement un carcinogène potentiel du foie au
même titre qu’aflatoxine B1. Les mycotoxines peuvent être produites par des moisissures
développées dans le lait sec ou sur des dérivés du lait; ou par des moisissures utiles à la
préparation de certains fromages (Moreau, 1976).

5. Etude de quelques mycotoxines

En matière de toxicité et de fréquence de contamination, les mycotoxines les plus courantes


identifiées dans les denrées alimentaires sur le plan mondial sont les aflatoxines, la zéaralénone,
les ochratoxines A, les fumonisines, les trichothécènes notamment le déoxynivalénol, le
nivalénol, et la toxine T-2 (Miller et al 1995). Elles sont produites principalement par trois
genres de champignons : Aspergillus, Penicillium, Fusarium (Kumar 2008). Cependant, il
existe d’autres mycotoxines qui sont potentiellement toxiques comme la moniliformine, la
patuline, la stérigmatocystine, l’alternariol, l’alténuène, l’acide ténuazonique etc…; produites
soit par les trois genres majeurs et ou par d’autres champignons, les Claviceps, l’Altenaria, le
Curvularia, le Phoma, le Chaetomium, l’Helminthosporum, le Colletotrichum, le Periconia, le
Rhizopus, le Mucor, le Trichotecium, le Cephalosporum.
5.1. Structure et propriétés physico-chimiques
5.1.1. Les aflatoxines
Les travaux de l’équipe de recherche d’Asao et d’Iongh, Holzapfel ont permis de connaître la
structure des aflatoxines (Blanc, 1982). Il existe l’aflatoxine B1, B2, G1, G2 et M.

91
G2

Figure 2 : Structure des différentes aflatoxines

Les aflatoxines sont des molécules de faible poids moléculaire (312 à 330 g.mol-1) qui se
présentent sous forme de poudre cristalline de couleur blanche ou jaune pâle. Elles sont peu
solubles dans l’eau (10-30 mg.ml-1), insolubles dans les solvants non polaires mais très solubles
dans les solvants organiques polaires (chloroforme et méthanol) où elles sont facilement
extraites (Cole et Cox, 1981). Les aflatoxines se trouvent instables sous la lumière ultraviolette
en présence d’oxygène avec des pH extrêmes (pH < 3 ou pH > 10). Par oxydation, le cycle
lactone des aflatoxines devient sensible à une hydrolyse alcaline, mais en cas de neutralisation,
il peut se reformer. Les aflatoxines sont aussi dégradées par l’ammoniaque (NH 4OH) et
l’hypochlorite de sodium (NaOCl). Ainsi, lors de cette dernière réaction, il se forme le 2,3-
dichloro-aflatoxine B1 qui est directement génotoxique (Cole et Cox, 1981). Les points de
fusion et de décomposition des principales aflatoxines sont présentés dans le tableau 1.

Tableau 5 : Points de fusion et données spectrales des aflatoxines et pouvoir rotatoire.

Spectre d’absorption en lumière


Aflatoxines Point de Fusion (°C) Ultraviolette (Solution dans l’éthanol) [α] D
Λmax (nm) ε CHCl
3

AFB1 268-269 (décomposition) 223 25 600 - 558

92
(cristalisation dans le 265 13 400
chloroforme) 362 21 800

AFB2 287-289 (décomposition) 222 17 000 - 492


(cristalisation dans un 265 11 700
mélange de 363 23 400
chloroforme et de pentane

AFG1 244-246 (décomposition) 243 11 500 - 556


(cristalisation dans un 257 9 900
mélange de 264 10 000
chloroforme et de 362 16 100
méthanol)

AFG2 237-239 (décomposition) 214 28 100 - 473


(cristalisation dans une 265 11 600
solutiond’acétate d’éthyle) 363 21 000

AFM1 299 (décomposition) 226 23 100 - 280


(cristalisation dans une 265 11 600
solution de méthanol) 357 19 000

5.1.2. L’ochratoxine

L’ochratoxine (OTA) est une mycotoxine dérivée de la famille des dihydrocoumarines (Figure
3). Son nom chimique est L-phenylalamine-N-[5-chloro-3,4-dihydro-8-hydroxy-3-methyl-1-
oxo-1-H2-benzopypyrane-7-yl-carbonyl-(R)- isocoumarine].

Figure 3 : Structure de l’ochratoxine A et de ses dérivés

93
Il existe d’autres dérivées de l’ochratoxine A. L’ochratoxine B qui est l’analogue déchloré de
l’ochratoxine A (l’OTA), l’ochratoxine C (OTC) est un ester éthylique de l’OTA et
l’ochratoxine α (OTα), une dérivée isocourmarique de l’OTA de même que son analogue
déchloré de l’ochratoxine β (OTβ).
L’ochratoxine (OTA) est un acide organique faible ayant un pka de 7,1 en milieu acide ou
neutre et une masse molaire de 403,8 gmol-1. Elle présente une solubilité dans les solvants
organiques polaires et très peu dans l'eau. Dans un pH alcalin, elle devient soluble et stable en
solution aqueuse. Sa nature et sa structure, lui confèrent une stabilité au stockage et une
résistance aux procédés de transformation industriels (Vidal et al., 2015).

5.1.3. Les fumonisines


La fumonisine FB1 est isolée en 1988 par Gelberblom (Adejumo, 2014). Il existe six
métabolites de fumonisines dénommés FA1, FA2, FB1, FB2, FB3, FB4 (Cawood et al., 1991).
Les fumonisines du type A possèdent des fonctions amides et les formes B les plus abondants
ont une fonction amine libre. La forme FC1 est aussi rapportée par Plattner et al. (1992). La
Figure 3 présente la structure générale des fumonisines et des différentes formes B.

Structure générale des fumonisines

Fumonisine B1 Fumonisine B2

94
Fumonisine B3 Fumonisine B4

Figure 4 : Structure des fumonisines

La Fumonisine B1 (FB1 synonyme: Macrofusine) a un poids moléculaire de 722 g/mol et la


fumonisine (FB2), de 706 g/mol. Le point de fusion de FB1 est compris entre 103-105°C. Les
fumonisines se présentent sous forme de solide amorphe. Les fumonisines sont des composés
polaires, solubles dans l'eau, le méthanol et insolubles dans les solvants apolaires. Il présente
une stabilité dans l’acétonitrile/eau (1/1) et à la lumière. La FB1 et FB2 sont les plus abondantes.
Les fumonisines n’absorbent pas en lumière ultraviolet ou en lumière visible et ne sont pas
fluorescentes. Une dérivatisation est nécessaire pour leur mise en évidence après séparation par
la chromatographie (Thibault et al, 1997).

5.1.4. La zéaralénone
La zéaralénone (ZEN) [6-(hydroxy-6-oxo-trans-1-undecenyl)-β-acide résorcylique μ-lactone
(figure 5) ou toxine F-2.

95
Figure 5 : Structure générale de Zéaralénone et dérivés: a) zéaralénone (ZEA), b) α-
zéaralénol (α-ZOL), c) β-zéaralénol (β-ZOL), d) zéaralanone (ZAN), e) α-zearalanol (α-
ZAL), f) β-zearalanol (β-ZAL)

Les dérivés α et β zéaralénols, métabolites naturels, sont des produits du métabolisme animal
ou humain. Ils peuvent être également détectés dans les céréales contaminées (Schollenberger
et al., 2005 ; Schollenberger et al., 2006).
La zéaralénone a un poids moléculaire de 318 gmol-1 avec un point de fusion variant entre 164-
165°C. La zéaralénone absorbe dans la lumière visible et est fluorescent. La zéaralénone est
insoluble dans l’eau, le disulfure carbone, le tétrachlorométhane. Elle est par contre soluble
dans l'eau alcaline, l'etherbenzene, le chloroforme, dichlorométhane, acétate d’éthyle,
l’acétonitrile et les alcools. Il est faiblement soluble dans l’éther de pétrole.

5.1.5. Les trichothécènes


Les trichothécènes appartiennent au groupe des sesquiterpènoïdes. Ils possèdent un squelette
tricyclique formé par un cyclopentane, un cyclohexane, un cycle à six chaînons oxygénés et
quatre groupements méthyles. Ce squelette est appelé trichothécène. Tous les trichothécènes
naturels possèdent une double liaison (ou pont oléfinique) en C9, 10 ainsi qu’un groupement
époxy en C12, 13 caractéristique des 12,13 époxy-trichothécènes. On classe les trichothécènes
(Figure 6) en 4 groupes, les groupes A et B étant les plus importants en termes de prévalence
naturelle (DiMello et al., 1997; Placinta et al., 1999) :
- Groupe A : constitué par les trichothécènes qui n'ont pas de fonction cétone en C8. Les plus
importants sont la toxine T-2, la toxine HT-2 et le diacétoxyscirpénol (DAS) ;

- Groupe B : constitué par les trichothécènes ayant une fonction cétone en C8. Les plus
importants sont le déoxynivalénol (DON/vomitoxine) et ses formes acétylées, le nivalénol
(NIV), et la fusarénone-X (FX) ;
- Groupe C : constitué par les trichothécènes ayant un époxyde supplémentaire en C7 comme
la crotocine ;
- Groupe D : constitué par les trichothécènes ayant un macrocycle entre C4 et C15. Les plus
importants sont les verrucarines, les roridines et les satratoxines. La structure des principales
trichothécènes des groupes A et B sont représentées par la Figure 6.

96
Figure 6 : Structure générale des trichothécènes

Les trichothécènes se présentent en général sous forme de poudre incolore incristallisable


(UEMO, 1980). Leurs poids moléculaires varient entre 205-550 g mol-1. Ils sont optiquement
actifs soit lévogyre ou dextrogyre. Les trichothécènes n’absorbent pas de radiation ultraviolette
ou visible excepté pour les trichothécenes macrocyclique (groupe D) qui présentent des doubles
liaisons conjuguées et absorbent à 260 nm (IPCS, 1990).
Les trichothécènes sont des composés neutres, solubles dans les solvants modérément polaires,
tels l’alcool, les solvants chlorés, l’acétate d’éthyle ou l’éther éthylique et parfois légèrement
soluble dans l’eau (UEMO, 1980; IPCS, 1990). Les dérivés alcooliques ont une solubilité dans
l’eau supérieure à celle des dérivés éthérifiés (nivalénol et diacéthylnivalenol) et sont plus
difficiles à obtenir sous forme cristallines. La toxicité des trichothécènes provient
essentiellement du groupe époxyde. Ce groupe en position C12-C13 est extrêmement stable
vis-à-vis des attaques nucléophiles (Peng et al., 1996).

6. Toxicité des mycotoxines

6.1. Les aflatoxines


- Effets sur le système reproducteur
Les aflatoxines exercent des effets négatifs sur l’appareil reproducteur de l’homme, provoquant
des retards dans le développement des testicules, la dégénérescence testiculaire et la
concentration plasmatique réduite de la testostérone (CAST, 2003).
- Effets sur le système immunitaire
Les aflatoxines agissent comme des immun-modulateurs, provoquant une diminution de la
résistance à des infections secondaires par les champignons, les bactéries et les parasites. La
réponse cellulaire est particulièrement sensibles aux aflatoxines (AFs), marquée par une
diminution des lymphocytes, une déficience des macrophages/neutrophiles, une synthèse de

97
cytokines inflammatoires, NK cytolyse à médiation cellulaire supprimée, une diminution de
l'immunité à la vaccination et une altération de la fonction immunitaire dans le développement
des animaux (Jiang et al., 2008).
- Encéphalopathie avec dégénérescence graisseuse des viscères
L’Encéphalopathie ressemble au syndrome de Reye (Dvořáčková et al., 1977). En effet, les
aflatoxines produisent une dégénérescence graisseuse, les reins pâles et élargis et des œdèmes.
Malgré la détection fréquente d'aflatoxines dans le foie des enfants décédés de cette maladie,
son implication directe dans l’étiologie de cette maladie est encore mal élucidée.

6.2. L’ochratoxine

- Effet cancérogène
L'ochratoxine A (OTA) est une mycotoxine impliquée dans le développement de différents
types de cancer chez les rats, les souris et les humains. Chez le rongeur, l’ochratoxine induit
des tumeurs rénales, hépatiques, mammaires et testiculaires (Schwartz, 2002).
L’OTA est classée dans le groupe 2B par le CIRC (1993) comme étant un cancérogène probable
chez l’homme. De nombreuses études ont décrit un rôle du stress oxydatif dans la toxicité et la
cancérogénicité de l’OTA.

- Génotoxicité et mutagénicité
La genotocixité de l’ochratoxine A reste encore ambigüe (Haighton, 2012). Les études
d’évaluation de la génotoxicité de l’OTA se sont révélées négatives par les tests Ames même
en présence d’activation métabolique (Mally et dekant, 2005).

Les études de mutagenicité sur les souches de salmonelle typhimurium TA100 se sont montrées
positive contrairement à l’étude sur la TA 1535, alors que les mécanismes de mutagenicité sont
identiques pour les deux souches (Wehner et al., 1978; Bendele et al., 1985; Wurgher et al.,
1991; Obrecht-Pflmio et al., 1999; Föllman et Lucas, 2003).
D’autres études ont montré des effets génotoxiques comme les brins d’ADN, les échanges de
chromatides sœurs, des aberrations chromosomiques et des inductions de micronoyaux qui ont
été observés dans certaines cellules de mammifères en réponse à une exposition à l’OTA (Mally
et Dekant, 2005). Ces effets sont interprétés par certains auteurs comme la résultante d’effet
néfaste de l’OTA sur le matériel génétique de la cellule (Kuiper-Goodman et Scott, 1989) dû à
une induction du stress oxydatif (Bendele et al., 1985 et Arbillaga et al., 2007).

98
6.3. Les fumonisines
Parmi les quatre groupes de fumonisines, les types B (B1, B2, B3) sont les plus toxiques et sont
classés comme «peut-être» cancérogène pour les humains (CIRC, 1993).

- Effet toxique sur les sphingolipides

L'activité biologique des fumonisines notamment du FB1 dépend de leurs stéréochimies et du


groupe amine primaire non substitué dans leur structure moléculaire. La FB1 est la fumonisine
la plus importante en matière de toxique et d’occurrence (Marin, 2013). Cette toxine interfère
avec la biosynthèse des sphingolipides.
La fumonisine FB1, qui est structurellement similaire aux sphingolipides et la sphingamine (Sa)
inhibe fortement à des concentrations élevées l’enzyme ceramide synthase ou N-
acyltransférases (CER) qui catalyse l’acylation de la sphinganine et le recyclage de la
sphingosine dans la biosynthèse des sphingolipides (Marin, 2013). Cette inhibition de la CER
augmente les bases sphingoïdes intracellulaire. Ces bases sphingoïdes libres sont pro-
apoptotique, cytotoxique et des inhibiteurs de croissance (Lallès et al., 2010). D’après Morred
(1992), le déséquilibre à l’origine de la formation des sphingoïdes est tenu responsable de la
toxicité et de la cancérogenèse. D’autres actions d’inhibition de FB1ont été démontrées sur des
enzymes intracellulaires, notamment les protéines phosphatases et synthétase arginosuccinate
(Jenkins et al., 2000).

- Effet mutagène et cancérogène


Des tests réalisés sur des rats (Marasas et al.,1984; Jaskierviicz et al., 1987; Gelderblom et al.,
1991) et sur des cultures cellulaires (Norred et al., 1992) suggèrent que les fumonisines ne sont
pas des mutagènes mais ont des effets promoteurs de cancer (Thibaut et al., 1997; Summerell
et al., 2011).
Des études de mutagénicité des fumonisines (FB1, FB2, FB3) sur des souches de salmonelles
TA 97a TA98, TA 100 et TA102 n’ont montré aucune dose-réponse avec les différentes
concentrations. Il a été noté également que la FB1 est responsable d’un carcinome hépatique
sur les rats. Une exposition alimentaire de 50 mg de FB1/kg d’aliment induit des carcinomes
alors qu’à 25 mg de FB1/kg d’aliment, l’induction est négative (Gelderblom et Snyman,1991;

99
Gelderblom et al., 1995). Ce qui permet d’établir la dose sans effet (NOAEL) tumorigène
équivalente à 1,25 mg de FB1/kg pc /j (AFSSA, 2009).

6.4. La zéaralénone

- Immunotoxicité
Des études sur l’immunotoxicité du zéaralénone réalisées sur des rats gravides en gestation
nourris avec des aliments contaminés en ZEN ont causé une diminution des coefficients
spléniques, de viabilité de splénocyte et la prolifération des lymphocytes T et des dommages
histopathologique induite dans la rate (Yin et al. 2014). D’autres études sur des rats
ovariectomisés traités par gavage avec 3,0 mg/kg de ZEN pendant 28 jours a causé une atrophie
du thymus et les changements histologiques de thymocytes de phénotype et diminution du
pourcentage de lymphocytes B dans la rate. Aussi, chez les rats traités au ZEN, la production
d'anticorps et de peroxydes libérés par les macrophages ont été altérées. la ZEN se révèle
comme étant un composé immunotoxiques similaire à l'œstrogène et certains perturbateurs
endocriniens (Hueza et al. 2014).

- Effet sur la reproduction


Les données toxicologiques sur les effets de la zéaralénone et de ses métabolites sur différents
paramètres relatifs aux organes de reproduction ont montré que la zéaralénone se lie de manière
compétitive aux récepteurs d'œstrogènes dans un système in vitro (Tiemann et Dänicke 2006).
La zéaralénone et de ses métabolites sont responsables de l’altération de la qualité du sperme
et de baisse de la fertilité chez les animaux (Yang et al. 2007; Minervini et Dell’Aquila 2008).
Chez l’homme, la ZEA est incriminée dans de changements pubertaires chez des jeunes enfants
à Porto-Rico. Des toxicoses aux Etats-Unis, en Chine, au Japon et en Australie ont été liées à
la présence de ZEA dans les denrées alimentaires (Bilgrami et Choudhary, 1998).

6.5. Les trichothécènes


Les trichothécènes sont les principales et les plus diversifiées des trois grands groupes de classes
de mycotoxines produits par le Fusarium (Summerell et Leslie, 2011). Des études associées
aux trichothécènes ont démontré des effets de neurotoxicité, de reprotoxicité, d’immunotoxicité
et d’hématoxicité.
Des données épidémiologiques résultant de la consommation alimentaire ont suspecté les
trichothécènes dans l’Aleucie Toxique Alimentaire (ATA) décrite en Russie et aussi la "Moldy
Corn Toxicosis" en Amérique du Nord, la "Red Mold Disease" ou "Akakabi byo disease" au

100
Japon, toutes provoquant les mêmes symptômes. L'ATA se caractérise par des diarrhées, des
vomissements et des modifications hématologiques.

7. Règlementation sur les mycotoxines

Les conséquences graves résultant de la contamination des aliments sur l’économie et la santé
des hommes et des animaux ont entrainé la mise en place de règlementation sur les
mycotoxines. Ces réglementations varient en fonction des pays, du type d’aliments et de la
nature des produits. L’établissement de réglementations en matière de mycotoxines est une
activité complexe et fait intervenir de nombreux facteurs et parties intéressées. Les premières
limites pour les mycotoxines ont été fixées à la fin des années 60 pour les aflatoxines. Quatre-
vingt-dix-neuf (99) pays au moins (Figure 7) disposent de réglementation sur les mycotoxines
(FAO, 2004). Les principaux mycotoxines couverts par la législation sur le plan mondial,
régional, ou pays dans l’alimentation humaine et animale sont les aflatoxines, l’ochratoxine, les
fumonisines, la zéaralenone, le nivalénol et le desoxynivalénol. Depuis la découverte des
afltaoxines, la législation sur les mycotoxines s’est faite de manière graduelle (Milicevic, 2009).
Une attention particulière est portée sur la teneur en aflatoxines dans les produits destinés à
l’alimentation humaine et animale.

Légende
Réglementations en vigueur
Pas de réglementation en vigueur
Information non disponible

101
Figure 7 : Cartographie de la couverture de la réglementation des mycotoxines dans le
monde

8. Méthodes de dosage des mycotoxines

8.1. Chromatographie en couche mince (CCM)


La TLC est la première méthode chromatographique semi-quantitative appliquée pour l’analyse
des mycotoxines. Cette méthode comporte une phase d’extraction, de purification et une
migration des molécules de mycotoxines sur une plaque CCM de silica-gel grâce à une phase
mobile constituée d’un mélange approprié de solvants. L’amélioration de la performance de
cette méthode a donné la CCM de haute performance, la CCM bidimensionnelle et la CCM
bidirectionnelle utilisant la densitométrie fluorescente pour améliorer la quantification
(Sydenham et al., 1996). Cependant, cette méthode est limitée du fait de son manque de
précision, de certitude et de sensibilité (Tosch et al., 1984).

8.2.Chromatographie gazeuse
La chromatographie gazeuse possède un meilleur pouvoir de séparation des molécules de
mycotoxines. Le caractère polaire des mycotoxines implique une dérivatisation préalable des
molécules avant leur injection dans la colonne de chromatographie gazeuse (GC). Mais dans le
cas de fumonisine, son analyse au GC est extrêmement limitée par l’hydrolyse de l’ester
tricarboxylique et la séparation des dérivés issus du capillaire de chromatographie gazeuse
(Stephard, 1998). Pour certains mycotoxines, la détection au CG peut couplée soit à un
détecteur d’ionisation flamme, soit par capture d’électron ou au masse ou tandem (MS/MS).

8.3. Chromatographie liquide à haute performance


Les mycotoxines sont bien séparés par chromatographie liquide à haute performance en phase
inverse et utilisant une phase mobile composée d’eau, de méthanol et d’acétonitrile ou un
mélange de ses trois solvants. La détection des mycotoxines se fait soit par un détecteur UV ou
fluorescent. Des avancées nouvelles associent la chromatographie liquide à la spectrométrie de
masse. Le CL-SM présente comme une technique de confirmation individuelle de chaque
molécule de mycotoxines résultant du métabolisme secondaire des moisissures. Elle a
l’avantage en analyse de routine de donner le profil des mycotoxines recherchés dans
l’échantillon à un seul tour mais également la possibilité de découvrir des mycotoxines
inconnus se trouvant dans la matrix voir non soupçonnés dans certains aliments. Quatre
différents types de détecteurs de spectrométrie de masse peuvent être associés à la

102
chromatographie liquide. Ceux sont les détecteurs de piégeage d’ion, Orbitrap, triple quadripôle
et Q-trap. Les deux derniers d’une meilleure résolution ont l’avantage de quantifier et confirmer
les ions sélectionnés.

9. Méthodes de prévention et de décontamination


9.1. Méthodes de prévention
Des stratégies préventives pour éviter le développement des moisissures tout comme les bonnes
pratiques agricoles avant la récolte ont été mis en place (OMS, 2012), mais aucune de ces
mesures ne s’avère suffisante pour empêcher la contamination par les mycotoxines. Le
développement des traitements de décontamination des aliments devient alors une alternative
pour garantir la sécurité sanitaire des produits destinés à l’alimentation humaine et animale.

9.1.1 Méthodes de décontamination


Ces méthodes consistent à réduire la contamination des denrées alimentaires déjà contaminées
par des traitements physiques.

DE SOURCE SYNTHETIQUE
3. Les alcools
4. Les pesticides
5. Les additifs alimentaires
6. Le monoxyde de carbone
7. Les salicylates

103
CHAPITRE VII : EVALUATION DU POTENTIEL TOXIQUE D’UN
XENOBIOTIQUE

1.1. Etudes in vivo


Ces tests s’effectuent sur les organismes vivants. Les tests in vivo débutent tout d’abord par une
collecte d’informations disponibles sur le produit à tester. De telles informations permettent
dans un premier temps de sélectionner la première dose à utiliser et de choisir ensuite la voie
d’exposition (la substance à tester doit être administrée par la voie qui est celle de l’exposition
humaine). Par la suite, il faut choisir le modèle expérimental. Le plus souvent il s’agit de
rongeurs, poissons, oiseaux ou autres animaux de notre environnement. L’utilisation des
rongeurs (rat, souris, cobaye) fournit dans l’ensemble, une base de prédiction des effets toxiques
des substances chez l’homme grâce à une extrapolation. Ces tests sont menés sur des animaux
(rongeurs) répartis par lot et par sexe ayant accès libre à l’eau et à la nourriture et étant soumis
à des conditions standards d’expérimentation (température 22 ± 3°C, humidité relative 50%,
cycle de lumière et obscurité de 12/12 h). Ces animaux subissent au moins 5 jours
d’acclimatation avant toutes les expérimentations afin d’éviter les artéfacts dus au stress
(OECD, 2006).

1.2. Etudes in vitro


Ces tests s’effectuent soit :
- Sur des cultures de cellules (cytotoxicité)
La cytotoxicité est la recherche d’un effet toxique sur un type cellulaire le plus souvent peu
différencié, par une méthode évaluant un paramètre général. Le but de cette évaluation consiste
en la détermination de la concentration inhibitrice 50% (CI50) qui pourra ensuite être comparée
à la dose létale 50% (DL50) obtenue in vivo. La CI50 est souvent déterminée à partir des tests
de MTT ou de Rouge neutre ou des tests d’incorporation de colorants vitaux.
Les cellules sont isolées à partir des tissus ou organes normaux (peau, foie, reins, pancréas).
Ces cultures sont appelées culture primaire de cellules. Généralement ces cellules ne se divisent
pas ou peu et restent en survie pour une expérimentation de courte durée. On peut aussi cultiver
des cellules qui proviennent d’un tissu cancéreux (cellules Caco-2, cellules HIT15, cellules
Vero, cellules N2A) : c’est le cas le plus fréquent. Il s’agit alors de lignées continues dont il est

104
important de connaître le nombre de passages. Exemple : les fibroblastes du hamster chinois
(CCL39), servent de méthode d’essai d’aberration chromosomique chez les mammifères.
- Sur des tissus ou organes isolés :
Ces tests de toxicité peuvent être réalisés sur des organes isolés, foie, rein, cœur ou sur des
tranches d’organes dans des milieux nutritifs et oxygénés. Ceci permet des études très fines sur
des prélèvements de cornée, d’aorte, de testicule ou de muscle.
Ces tests s’effectuent également soit sur des modèles disponibles dans le commerce ou soit mis
au point dans le laboratoire d’essai. Exemple de modèle de l’épithélium intestinal à partir des
monocouches de cellules Caco-2 et de EPIDERMTM et EPISKINTM comme modèle de peau
humaine.
- Sur des bactéries :
Les essais bactériens de mutation réverse ou mutagénicité sont pratiqués sur des souches de
Salmonella typhimurium et d'Escherichia coli auxotrophes à l'égard d'un acide aminé. Ils
servent à détecter des mutations ponctuelles résultant de la substitution, de l’addition ou de la
délétion d'une ou de quelques paires de bases de l'ADN.
Une autre classification des études de toxicité basée sur la fréquence et la durée de l’exposition
permet de distinguer des types de toxicité à exposition à court et à long terme.

1.3. Toxicité aiguë (exposition à court terme)


Le temps d’exposition à la substance ne dépasse pas 24 heures. Elle constitue la première étape
dans l’évaluation de la toxicité d’une substance. La toxicité aiguë informe sur les dangers sur
la santé suite à une exposition unique à une dose forte ou massive. Les données provenant de
cette étude servent de base pour la classification du produit en produit très toxique, toxique ou
nocif (OCDE 2006).
Suivant le mode d’exposition, on distingue :
- La toxicité orale aiguë pour laquelle l’exposition à la substance se fait par voie orale à l’aide
de sonde de gavage. Elle permet essentiellement de déterminer la dose létale 50 ou (DL50). La
DL50 correspond à la dose d’une substance pouvant causer la mort de 50% d’une population
animale dans des conditions d’expérimentation précises. On administre généralement le produit
à des rats ou à des souris (30 animaux) répartis en plusieurs groupes, et ce, à des doses
croissantes suffisantes pour obtenir un pourcentage de mortalité s’échelonnant entre 0 et 100%
(OECD 401). La DL50 exprime la toxicité aiguë. Elle sert aussi à classer et comparer les
toxiques. Elle a cependant une valeur limitée, car elle ne concerne que la mortalité et ne donne
pas d’information sur les mécanismes en jeu et la nature des lésions ou les organes cibles. Il

105
s’agit d’une appréciation préliminaire (première analyse) qui peut être influencée par plusieurs
facteurs tels l’espèce animale, le sexe, l’âge, la chronobiologie, etc.. Récemment, compte tenu
de la limitation du nombre des animaux d’expérimentation, la toxicité orale aiguë OECD 401 a
été abandonnée en faveur de trois autres, à savoir la méthode par classe de toxicité aiguë OECD
423, la méthode de la dose prédéterminée OECD 420 et la méthode de l’ajustement des doses
OECD 425 (up and down method). Une préférence a été accordée à cette dernière qui utilise
moins d’animaux que l’OECD 401 : approximativement 8 animaux contre 30.
Il existe d’autres méthodes d’étude de la toxicité, par exemple les tests d’irritation et de
corrosion de la peau et des yeux, qui font généralement partie d’un programme d’évaluation
toxicologique.
- La toxicité par inhalation : Lorsqu’il s’agit d’un toxique qui est inhalé, on parle de
concentration létale 50 (CL50) pour exprimer la concentration du toxique dans l’air inspiré qui
cause la mort de 50% des animaux. Ceci s’applique aussi aux tests dans l’eau pour la toxicité
vis-à-vis des animaux aquatiques.
- La toxicité par voie cutanée : Les études d’irritation cutanée sont mises en place pour mesurer
la capacité d’un produit chimique à causer une lésion irréversible de la peau. La toxicité d’un
produit suite à une application sur la peau peut aussi être étudiée.
et ce, à des doses croissantes suffisantes pour obtenir un pourcentage de mortalité s’échelonnant
entre 0 et 100% (OECD 401). La DL50 exprime la toxicité aiguë. Elle sert aussi à classer et
comparer les toxiques. Elle a cependant une valeur limitée, car elle ne concerne que la mortalité
et ne donne pas d’information sur les mécanismes en jeu et la nature des lésions ou les organes
cibles. Il s’agit d’une appréciation préliminaire (première analyse) qui peut être influencée par
plusieurs facteurs tels l’espèce animale, le sexe, l’âge, la chronobiologie, etc.. Récemment,
compte tenu de la limitation du nombre des animaux d’expérimentation (OMS, 1993 ; US
Submission, 1999 ; Botham, 2002), la toxicité orale aiguë OECD 401 a été abandonnée en
faveur de trois autres, à savoir la méthode par classe de toxicité aiguë OECD 423, la méthode
de la dose prédéterminée OECD 420 et la méthode de l’ajustement des doses OECD 425 (up
and down method). Une préférence a été accordée à cette dernière qui utilise moins d’animaux
que l’OECD 401 : approximativement 8 animaux contre 30.

1.4. Toxicité à doses répétées (exposition à long terme)


L’évaluation de la toxicité à dose réitérée fournit des informations sur les dangers pour la santé
qui peuvent résulter d’une exposition (par voie orale ou autre) à long terme à une substance
donnée.

106
La méthode est basée sur l’administration orale répétée de la substance étudiée pendant une
période limitée (une dose quotidienne pendant 28 jours). Cette ligne directrice utilise
principalement des rongeurs (de préférence des rats). Au moins 10 animaux (5 femelles et 5
mâles) doivent être employés pour chaque niveau de dose. Trois groupes d’essai, au moins,
doivent être utilisés. Le composé d’essai est administré par gavage ou via la nourriture ou la
boisson. Les résultats de l’étude comportent : des mesures (le poids au moins une fois par
semaine, la prise alimentaire, la prise d’eau), des observations quotidiennes détaillées, des
dosages des paramètres hématologiques et biochimiques permettant d’évaluer une toxicité
spécifique d’un organe ou d’une fonction (les transaminases, la créatinine, la créatine phospho
kinase pour évaluer par exemple la toxicité sur respectivement le foie, les reins ou les muscles),
ainsi qu’une étude histologique complète après autopsie.

1.5. Toxicité subchronique et chronique (exposition à long terme)


Des études destinées à évaluer la toxicité subchronique et chronique s’échelonnent
respectivement sur 90 jours et au-delà de 90 jours jusqu’à 2 ans et plus. Ces tests de toxicité
supposent l’administration de plusieurs doses faibles répétées dans le temps et sachant
qu’aucune de ces doses ne doit entraîner un effet toxique directement observable. Au terme de
cette étude, toutes les fonctions vitales de l’animal sont explorées et tous les tissus subissent
une étude histologique. Certains effets néfastes peuvent en effet prendre plusieurs semaines ou
de nombreuses années avant d’être diagnostiqués et peuvent se révéler éventuellement
irréversibles (ex: la neurotoxicité de l’hexane).
Ces études peuvent révéler différents aspects de la toxicité d’un xénobiotique, par exemple
l’immunotoxicologie et la cancérogenèse. Dans le cas d’une immunotoxicité par exemple on
observera des épisodes répétés d’infections et une moindre résistance aux maladies infectieuses.
L’observation de la survenue de transformation néoplasique dans les tissus peut permettre la
mise en évidence du potentiel cancérigène d’un toxique.

- Exemples d’utilisations des données de toxicité chronique pour l’évaluation et la gestion


des risques liés aux produits toxiques (Tableau I)
Les données expérimentales des tests de toxicité chronique et subchronique peuvent être
utilisées de la façon suivante :
Soit une substance dont les résultats d’évaluation de la toxicité chronique indiquent qu’elle est
toxique pour la reproduction à la dose de 50 µg/kg par exemple. La NOEL ou dose sans effet
(DSE) étant pour cet effet de 50 µg/kg, on estime que pour éviter que l’homme ne soit victime

107
de cet effet lorsqu’il est exposé, il ne faudrait pas qu’il soit exposé à une dose supérieure à
50µg/kg divisée par un facteur de sécurité (FS) de 500 ; Ce qui donne 100 ng/kg. Cette valeur
constitue une DJT (dose journalière tolérable) d’environ 6 µg/jour pour une personne de 60 kg.
Il faudrait fixer la limite réglementaire dans les aliments de telle sorte que personne ne soit
exposé à une dose supérieure à 6 µg/kg de poids corporel et par jour.

Tableau : données de toxicité chronique chez le rat la souris et le singe par rapport à la ZEA
et la FB1

Toxine Zéaralénone (ZEA) Zéaralénone (ZEA) Fumonisine B1

Espèce Souris Singe Rat

Toxicité d’organe Cancer du foie Reproduction Cancer du foie

NOEL (µg/kg) 4180 50 1000

F.S 5000 500 5000

DJT (ng/kg) 838 100 200

108
CHAPITRE VIII : TOXICITE DES MEDICAMENTS

CHAPITRE IX :

109

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