THESE_N.PAUZE-474SGM
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THESE
présentée par
Nathalie PAUZE
Membres du jury
Glossaire : Centres :
INTRODUCTION ……………..……………………………………………………..…...7
3
3 Résultats ………………………………….……………………………………………………83
3.1 Caractérisation de la piqûration …………………………………………………….83
3.1.1 Amorçage ……………………………………………………………………..83
3.1.2 Propagation …………………………………………………………………...85
3.2 Caractérisation de la corrosion intergranulaire ……………………………………89
3.2.1 Morphologie des défauts de corrosion intergranulaire …………………...89
3.2.2 Cinétique de corrosion intergranulaire ……………………………………..93
3.2.3 Evolution des défauts de corrosion intergranulaire ……………………….99
4 Discussion …………………….……………………………………………………………..101
4.1 Mécanisme de corrosion intergranulaire ………………………………………....101
4.2 Interprétation des cinétiques de corrosion intergranulaire ……………………..101
4.3 Modèle de cinétique complète de corrosion localisée …………………………..105
4
4 Discussion …………………………………………………...……………………………155
4.1 Calcul du facteur d’intensité des contraintes K ……………………………….155
4.2 Ralentissement de la CSC ……………………………...………………………163
4.3 Courbes da/dt=f(K) ......................................................................................165
4.4 Mécanisme mis en jeu ……………………………..….………………………...167
4.4.1 Fragilisation assistée par l’hydrogène …………………………………167
4.4.2 Dissolution anodique ………………………………...………………….169
5
3 Résultats : endommagement en FC …………………………………………...………235
3.1 Phénoménologie de la FC du 2024-T351 …………………………...……….235
3.2 Fatigue corrosion intergranulaire …………………………...………………….235
3.2.1 Forme de l’endommagement intergranulaire en FC ………………...237
3.2.2 Profondeurs et vitesses de propagation intergranulaire …………….239
3.2.3 Mécanisme de FC intergranulaire …………...………………………...243
3.3 Fatigue corrosion transgranulaire …………………………………………...…243
3.3.1 Forme de l’endommagement transgranulaire en FC …………..……245
3.3.2 Profondeurs et vitesses de propagation transgranulaire …………....247
3.3.3 Mécanisme de FC transgranulaire ………………...…………………..253
3.4 Transition entre la FC intergranulaire et la FC transgranulaire …………….255
3.5 Unification des vitesses de propagation transgranulaire en fonction de
l’amplitude du facteur d’intensité des contraintes …………………………..261
3.6 Transition transgranulaire/intergranulaire pour les fissures longues à basse
fréquence …………………………………………………………………...…..265
3.6.1 Morphologie des fissures longues ……………………………………..265
3.6.2 Vitesse de propagation des fissures longues ………………………...267
3.6.3 Mécanismes de FC des fissures longues …………………………….271
CONCLUSION …………………………………..…………………….………………281
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES…………………..…………………………285
6
REMERCIEMENTS
C’est une habitude saine que de remercier au début d’un tel travail tous ceux qui, plus ou
moins directement, ont contribué à le rendre possible. C’est avec un enthousiasme réel et sincère
que je vais tenter de rendre mérite à tous ceux qui à leur manière m’ont aidée à mener à bien cette
thèse.
Je tiens tout d’abord à adresser mes sincères remerciements au professeur Eric Andrieu pour
m’avoir transmis avec passion, par son enseignement et ses conseils à l’ENSIACET, son intérêt de
la recherche et des matériaux. Il a été l’initiateur qui a motivé et qui a dirigé mes premiers pas
dans l’univers des matériaux il y a bientôt 6 ans. Plus qu’un chercheur, c’est un professeur doué
de qualités humaines et pédagogiques inestimables. Merci d’avoir accepté d’être rapporteur de
ma thèse.
Je remercie le professeur Gilbert Henaff qui, pour la première fois, a accepté la tâche délicate
d’être président du jury.
Je tiens également à remercier le professeur Bernard Baroux, pour ses conseils toujours
judicieux et attentifs. Même si l’électrochimie a été quelque peu absente de ce travail, merci
d’avoir accepté la charge d’être rapporteur de ma thèse !
Ayant découvert les alliages d’aluminium au Centre de Recherche de Voreppe lors de mon
stage de fin d’études, je tiens tout particulièrement à remercier Christine Hénon qui m’a fait
l’honneur d’accepter de participer au jury de ma thèse.
Je remercie vivement le professeur et ami David Delafosse pour avoir accepté de me diriger
patiemment, pour son soutien constant pendant toute la thèse et pour sa disponibilité,
notamment la dernière année. Merci pour toutes ses remarques scientifiques, ses intuitions, ses
suggestions et ses conseils amicaux.
Merci à Döme Tanguy pour ses connaissances sur les aluminiums, ses remarques scientifiques
toujours pertinentes, sa ténacité et son esprit de synthèse.
Je remercie Jérôme Delfosse pour avoir suivi l’évolution de ce travail et Dominique Schuster, à
l’origine de cette étude.
7
Je tiens également à remercier EADS et le CNRS pour m’avoir accordé cette bourse de docteur
ingénieur.
Je réserve un remerciement chaleureux à Paul qui m’a toujours amicalement assisté lors de
mes premiers pas au MEB.
Je remercie Claire pour son assistance technique aux essais mécaniques, pour son aide au
quotidien, sa douceur et pour la petite touche de féminité qu’elle apporte à l’équipe MPI.
Je remercie Gilles Blanc pour m’avoir accueilli au sein de son laboratoire de métallographie et
pour ses conseils toujours avisés.
Je tiens également à remercier Pierrette pour son assistance sans faille et sa disponibilité qui
m’ont permises de gérer au quotidien les aléas bureaucratiques et administratifs, toujours avec le
sourire.
Merci à l’atelier pour tout le travail réalisé au cours de cette thèse, pour la mise en œuvre des
différents montages et de toutes les éprouvettes.
Je n’oublie pas Tous ceux ‐ chercheurs, techniciens, doctorants ‐ qui au cours de mon parcours
à l’école ont su créer une ambiance agréable et ainsi contribuer au bon déroulement de ce travail,
je les en remercie vivement.
Je voudrais maintenant remercier mes parents, sans qui, déjà, je ne serais pas là et surtout
parce qu’ils sont toujours présents pour m’épauler dans les moments difficiles et pour partager
les moments de bonheur. Je ne pourrais jamais oublier le soutien et l’aide des personnes qui me
sont chères, ma sœur, Louis, Steph, Marine et Maïlys. Je les remercie pour leur disponibilité, leur
écoute, leurs encouragements généreux et leur confiance en moi. Ils me sont très précieux.
Enfin, je remercie tous ceux que je n’ai pas cités mais que je n’oublie pas.
8
INTRODUCTION
Les structures aéronautiques en alliages légers sont soumises, au cours de leur vie, à une
doit se faire tout en garantissant un niveau de sûreté constant, voire croissant. La gestion et la
maintenance des flottes vieillissantes conduisent donc à étudier précisément les effets de la
D’un point de vue mécanique, une bonne connaissance des vitesses de propagation des
réparer systématiquement tout composant affecté par la corrosion. Ceci conduit à des
programmes de surveillance calendaires pour la corrosion, alors que la tolérance aux dommages
est évaluée en fonction du nombre de cycles de vol. Il n’y a pas de programme de surveillance
Pour les flottes vieillissantes, la probabilité pour qu’un défaut de corrosion soit associé à un
dommage mécanique augmente avec la durée de vie. L’avion a pu accumuler des défauts de
corrosion au cours de sa vie en service qui vont influer sur ses propriétés mécaniques résiduelles
avec un facteur qui dépend de la synergie entre les dommages électrochimiques et les
sollicitations mécaniques.
9
Un exemple reconnu d’une rupture par couplage milieu/sollicitation mécanique est l’accident
de l’Aloha Airlines en 1988 (Figure 1), pour lequel la rupture fut attribuée à la propagation et à la
coalescence de multiples sites endommagés à partir des rivets. La partie supérieure de l’avion
Figure 1 : Accident de l’Aloha Airlines en 1988, sur un Boeing 737 assurant des vols régionaux entre Hilo
et Honolulu, après 19 ans de service, 35493 heures de vols et 89090 cycles de vol.
Le 2024 est un alliage utilisé depuis plus de 30 ans dans l’industrie aéronautique, notamment
pour sa bonne résistance en fatigue. Il a été très étudié de ce point de vue, mais également de
celui de sa résistance à la corrosion car il présente une sensibilité notable à la corrosion localisée,
en particulier à la corrosion feuilletante lors d’essais accélérés en milieux très oxydants. Ces deux
aspects ont naturellement conduit les auteurs à examiner son comportement en fatigue corrosion,
point de vue de la propagation de fissures en milieu corrosif dans le régime de Paris. On sait en
revanche peu de choses sur l’évolution précoce des défauts de corrosion localisée soumis à des
de mécanismes synergiques de fatigue corrosion est en particulier mal cernée à l’heure actuelle.
10
Le terme de fatigue corrosion peut‐être défini comme l’action combinée d’un environnement
agressif et d’une contrainte cyclique conduisant à une rupture prématurée du métal par
et électrochimique.
La richesse des microstructures des alliages d’aluminium à durcissement structural les rend
d’endommagement. La sensibilité aux différentes formes de corrosion localisée est bien mise en
évidence qualitativement par divers essais accélérés, mais l’évaluation quantitative des
conséquences de la corrosion sur les propriétés mécaniques résiduelles reste à faire. Les
mécanismes de fissuration par effets d’environnement peuvent être contrôlés par des
fragilisation par l’hydrogène. Le plus souvent ces différents mécanismes coexistent et leur
importance respective évolue avec la profondeur de fissure. Le travail d’expertise sur ces défauts
est de déterminer comment traiter les défauts de corrosion : doivent‐ils être considérés comme de
du défaut de corrosion localisée au cours de sa vie, nous avons effectué des essais de fatigue
corrosion à partir de différents types dʹamorces de fissures. Nous avons utilisé des éprouvettes
11
Figure 2 : Eprouvettes présentant les trois types dʹamorces utilisées pour les essais de fatigue et de fatigue
corrosion : lisses pré‐corrodées, micro‐entaillées et compactes de traction.
Les résultats de cette étude sont présentés et discutés en quatre chapitres, en introduisant un
2024 traité thermiquement à lʹétat T351. Il présente une caractérisation fine de la texture
l’alliage à la corrosion localisée est présentée. Cet alliage est sensible à deux types de corrosion
des défauts particulièrement sévères dʹun point de vue mécanique est présentée en détail.
le troisième chapitre, l’effet de la contrainte sur la corrosion intergranulaire est détaillé grâce à
des essais de traction lente instrumentés avec un suivi électrique. La transition entre les
défauts de corrosion localisée et les fissures de corrosion sous contrainte est étudiée. La
IV. La fatigue corrosion. Le quatrième et dernier chapitre examine les effets de la combinaison
propagation des fissures courtes de corrosion intergranulaire dʹune part, la propagation des
12
fissures longues transgranulaires de fatigue dʹautre part, ainsi que les transitions entre ces
deux modes.
Dans ce travail, un grand nombre de modes dʹendommagement ont été rencontrés, tous
Ceci conduit à considérer lʹeffet de chaque caractéristique microstructurale de lʹalliage sur des
modes dʹendommagement différents. Nous avons donc choisi dʹen rendre compte de manière
relativement indépendante dans chaque chapitre, notamment pour ce qui concerne les parties
bibliographiques. La conclusion générale fournit une synthèse des effets observés et des
13
14
I – ALLIAGE 2024-T351
CHAPITRE I
PRESENTATION DE L’ALLIAGE
2024-T351
15
SOMMAIRE
INTRODUCTION ……………..…………………………..…………………………………….15
3 Microstructure ……………………………………………………..……………………….….29
3.1 Précipitation intragranulaire …………………………………………….………....31
3.2 Précipitation intergranulaire ……………………………………………….……....33
CONCLUSION ………………..…………………………..…………………………………….37
16
INTRODUCTION
Ce chapitre constitue la première étape de la démarche suivie pour étudier l’effet d’un milieu
corrosif sur la tenue mécanique de l’alliage 2024‐T351, depuis la corrosion de surface jusqu’à la
(Chapitre II), à la corrosion sous contrainte (Chapitre III) et à la fatigue corrosion (Chapitre IV) sont
morphologie des grains et/ou de l’état de précipitation ont d’importantes répercutions sur
l’endommagement.
la précipitation intragranulaire et intergranulaire présente dans cet alliage dans cet état
thermique.
17
Dans ce chapitre, les propriétés du matériau sont rapidement rappelées avant de mettre
et de la précipitation intergranulaire.
18
1 Propriétés du matériau
L’alliage 2024 est un alliage à durcissement structural. Il nous a été fourni sous forme d’une
tôle forte de 50 mm d’épaisseur par CORUS. Sa composition chimique est donnée dans le
tableau I-1 qui présente les spécifications extraites de la norme NF EN 573, les analyses du
fournisseur et les analyses effectuées à l’Ecole des Mines de Saint‐Etienne dès réception de la tôle,
gradient de composition chimique dans l’épaisseur de la tôle n’a été mis en évidence. Les
valeurs dans le tableau I-1 correspondent à la moyenne de toutes les mesures effectuées.
% Cu Mg Si Fe Mn Cr Zn Ti
Norme 3.8‐4.9 1.2‐1.8 ≤ 0.5 ≤ 0.5 0.3‐0.9 ≤ 0.1 ≤ 0.25 ≤ 0.015
CORUS 4.464 1.436 0.057 0.129 0.602 0 0.021 0.0297
EMSE 4.15 1.425 0.062 0.11 0.62 0.02 0.07 0.035
Les caractéristiques mécaniques ‐ limite d’élasticité (Rp0.2 en MPa), résistance à la traction (RM
mécaniques est très important. L’alliage possède des propriétés beaucoup plus faibles lorsqu’il est
sollicité dans le sens travers court. C’est dans ce sens, le plus défavorable, que tous les essais
TC TL L
RP0.2 RM A RP0.2 RM A RP0.2 RM A
Norme 270 380 4 300 428 9 329 430 12
CORUS 308.3 443 8.4 315 462.5 17 357 456.3 21.1
EMSE 317 468 9.1
19
Figure I-1 : a) Géométrie des éprouvettes ; b) Courbes de traction à l’air sur éprouvettes prismatiques à
section carrée utilisées pour les essais de corrosion sous contrainte et de fatigue corrosion, sur éprouvettes
a) b)
Figure I-2 : Faciès de rupture représentatif de la rupture ductile de l’alliage 2024‐T351 à l’air a) avec
présence de cupules ; b) les cupules se forment autour des particules intermétalliques de quelques microns
20
Plusieurs géométries d’éprouvettes ont été utilisées dans cette étude : des éprouvettes
normalisées, des éprouvettes prismatiques à section carrée utilisées pour les essais de corrosion
sous contrainte et de fatigue corrosion et des éprouvettes minces utilisées pour observer le faciès
après immersion et pour les essais de chargements en hydrogène (Figure I-1a). Des essais de
traction à l’air ont été conduits sur chaque type d’éprouvette. Les courbes sont présentées sur la
figure I-1b. Il convient de noter que toutes les propriétés mécaniques sont conservées sauf
l’allongement. Il faudra tenir compte de cette variation dans l’interprétation des résultats. Les
valeurs dans le tableau I-2 correspondent à la moyenne de tous les essais effectués.
La rupture du 2024‐T351 à l’air est ductile avec présence de cupules sur le faciès (Figure I-2).
De part sa bonne tenue en fatigue et sa grande tolérance aux dommages (Chapitre IV), l’alliage
2024 est un des alliages les plus couramment utilisé en aéronautique. Sous forme de tôles minces
plaquées, il constitue la peau du fuselage. Sous forme de tôles plus épaisses, il est utilisé pour la
Cette étude se focalise sur la caractérisation d’une tôle épaisse (50 mm) de 2024‐T351, dans
2 Durcissement structural
La gamme de fabrication de l’alliage 2024‐T351 peut être scindée en deux phases : la mise en
à l’alliage 2024 une macrostructure et une microstructure qui sont caractéristiques des alliages
commerciaux d’aluminium à durcissement structural. Toutes les étapes sont décrites ci‐après.
21
Figure I-3 : a) Particules intermétalliques grossières formées lors de la solidification ; b) Fragmentation et
redistribution de ces particules dans la direction de laminage (photo en MEB‐FEG : Field Emission Gun sur
échantillon poli).
Figure I-4 : a) Texture morphologique de l’alliage 2024‐T351, révélée en micrographie optique suite à une
22
2.1 Mise en forme
2.1.1 Coulée
Les constituants de l’alliage sont mélangés dans un four, vers 700°C, puis coulés verticalement
en continu sous forme d’une plaque. Des hétérogénéités structurales et chimiques se forment lors
de la solidification : les atomes de soluté dont la solubilité dans l’aluminium à l’état solide est
plus faible qu’à l’état liquide sont rejetés en avant du front de solidification. Il se forme alors des
dendrites d’aluminium pauvres en atomes de soluté et entre les dendrites, un mélange eutectique
très riche en atomes de soluté. Ces phases eutectiques sont à l’origine de la formation de
particules grossières indésirables (Figure I-3a), qui ne pourront être remises en solution par la
suite.
2.1.2 Homogénéisation
Afin d’homogénéiser la solution solide, la plaque est portée entre 475 et 495°C pendant 20 h.
Les particules intermétalliques grossières formées pendant la solidification sont insolubles à cette
2.1.3 Laminage
La plaque peut ensuite être laminée à chaud puis éventuellement à froid pour atteindre
l’épaisseur désirée (50 mm pour la tôle de notre étude). Cette opération fragmente et distord les
grains, les particules intermétalliques grossières sont cassées et redistribuées dans la direction
de laminage (Figure I-3b). Après cette étape, l’alliage présente une structure fibrée fortement
anisotrope, constituée de gros grains aplatis et étirés dans la direction de laminage (Figure I-4).
Nous avons observé cette microstructure fibrée après oxydation anodique dans une solution
eau (99%)–HBF4 (1%) pendant 40 s sous une tension de 20 V. Ce traitement permet de former une
couche épitaxique qui, observée à l’aide d’une lumière polarisée, met en évidence les différences
d’orientation cristallographique des cristaux. Nous avons constaté un gradient de la taille des
grains dans l’épaisseur de la tôle. Après avoir établi un profil sur les faces (TC, TL) et (TC, L)
(Figure I-5), il apparaît que seule l’extrême peau (4 mm) est affectée et a une taille de grains
beaucoup plus petite. Ce facteur de forme des grains, différent dans l’épaisseur de la tôle, est
23
Figure I-5: Profil de texture morphologique dans l’épaisseur de la tôle.
Figure I-6 : Influence de la vitesse moyenne de refroidissement durant la trempe sur les propriétés
mécaniques : a) pour le 2024 ; b) pour le 2024 comparé aux autres familles d’alliages d’aluminium
24
La texture morphologique est particulièrement importante pour la cinétique de propagation
Notre étude se focalise sur le matériau au cœur de la tôle où la taille de grains varie peu. Le
matériau est sollicité dans le sens travers court. Dans la suite, nous présentons le traitement
thermique T351 dans lequel se trouve l’alliage et qui est à l’origine de sa microstructure.
durcissement structural par précipitation et confère à l’alliage ses propriétés mécaniques. Cette
durée suffisante (2 à 4 h, selon l’épaisseur de la tôle), pour mettre en solution solide le plus grand
2.2.2 Trempe
Ensuite, l’alliage est trempé dans le but de maintenir à température ambiante la solution
solide homogène obtenue à la fin de la mise en solution, mais qui se trouve alors sursaturée en
lacunes et en atomes de solutés. L’étape de trempe influe sur les caractéristiques mécaniques et
sur la sensibilité à la corrosion de l’alliage (Figure I-6). Une vitesse de trempe inférieure à
En effet, lorsque la vitesse est trop lente (par exemple au cœur d’une tôle épaisse), le cuivre a le
temps de diffuser et de précipiter aux joints de grains sous forme de précipités stables Al2Cu,
grains à la corrosion.
2%, permet de réduire les contraintes résiduelles induites par la trempe et permet également de
rendre la précipitation ultérieure plus homogène en générant des dislocations, sites privilégiés de
germination des précipités. Ainsi, la tôle est dans un état de stabilité dimensionnelle remarquable
25
Figure I-7 : Schéma récapitulatif de l’état thermique de l’alliage 2024.
Figure I-8 : a) Séquence de précipitation des alliages à durcissement structural : Al‐Cu à gauche et
Al‐Cu‐Mg à droite d’après [Dubost, 1991] ; b) Diagramme de phase du système Al‐Cu‐Mg à 190°C d’après
[Ringer, 2000].
26
2.2.3 Revenu
L’étape fondamentale du durcissement structural consiste finalement en un vieillissement
L’alliage de l’étude se trouve dans l’état thermique T351, il a subi une mise en solution
séparée, une trempe, un détensionnement par traction et une maturation (Figure I-7).
L’état de précipitation de l’alliage 2024 consécutif aux différents types de revenu est détaillé
par la suite.
Le 2024 est durci par une précipitation mixte des phases θ : Al2Cu et S : Al2CuMg (Figure I-8).
Les précipités de phase θ se présentent sous la forme de plaquettes tandis que les précipités de
phase S se présentent sous la forme d’aiguilles. Cet alliage contient également du manganèse qui
Le durcissement des alliages Al‐Cu‐Mg lors d’un revenu se fait en trois étapes (Figure I-9) :
- une augmentation rapide de la dureté (1) : cette première étape très rapide dure environ une
l’alliage.
- un plateau (2) : la dureté n’évolue pas pendant une centaine d’heures de maintien à 150°C.
- une nouvelle augmentation de la dureté, après quelques centaines d’heures à 150°C (3) :
l’eau, en fonction de la durée du revenu à 150°C est présentée sur la figure I-9 [Ringer, 2000].
27
Figure I-9 : Evolution de la dureté d’un alliage Al‐1.1%Cu‐1.7%Mg mis en solution à 525°C, trempé à
après une mise en solution d’1 h à 490°C suivi d’une trempe à l’eau (courbe bleue). La courbe de l’alliage
28
D’après la bibliographie, il semble difficile de statuer sur les mécanismes précis de
durcissement (Tableau I-3). Il était communément admis que la première augmentation rapide de
la dureté (1) correspondait à la précipitation des zones GPB (Guinier Preston Bagaryatsky) et que
la deuxième augmentation (3) correspondait aux phases S [Zahra, 1998] [Sun, 1996]. Cependant
avec le développement de nouvelles techniques d’analyses (APFIM : Atom Probe Field Ion
Microscopy, 3DAP : three Dimensional Atom Probe), certains parlent d’interactions atomes de
d’autres parlent de clusters Mg‐Cu et rapprochent le mécanisme d’un durcissement par solution
solide qui pourrait être appliqué à de nombreux alliages de la famille des Al‐Cu‐Mg
Tableau I-3 : Etat de l’art concernant l’origine du durcissement du 2024 (RX : Rayons X ; AED : Analyse
Enthalpique Différentielle ; HRTEM : Microscopie Électronique en Transmission à Haute Résolution ; TEP :
Thermoelectric Power, EDS : Spectrométrie à Dispersion en Energie).
Source Moyens 1 2 3
[Zahra, 1998]
[Sun, 1996], RX, AED, Précipitation homogène des Germination et
Silcock, HRTEM, zones GPB, (précipitation croissance des
Bagaryatsky, TEP, EDS hétérogène de phase S’’, S’) phases S
Ratchev
MET,
[Ringer, 2000], Co‐cluster de Mg‐Cu. Zones GPB.
APFIM, Aucune structure
[Dlubek, 1998] Pas de zones GPB Pas de S’’
HRTEM
Interactions atomes de Zones GPB. Zone
3DAP‐ soluté‐dislocations Précipitation de S, dénudée en
[Nagai, 2001]
APFIM (durcissement par solution co‐cluster Cu‐Mg précipités aux
solide) joints de grains.
Dans notre cas, l’alliage est dans l’état T351, c’est à dire qu’il n’a subi aucun revenu, juste une
maturation à température ambiante. On se situe donc après l’étape 1. Nous avons mesuré
l’évolution de la dureté après une mise en solution d’1 h à 490°C suivie d’une trempe à l’eau
Al‐1.1%Cu‐1.7%Mg est rappelée en pointillés. L’alliage utilisé pour cette étude est sensiblement
29
a)
b)
Figure I-11 : a) Thermogrammes de l’alliage 2024‐T351 en AED pour des échantillons prélevés en
30
2.2.3.3 Etat de précipitation
Différentielle (AED ou Differential Scanning Calorimetry : DSC) sur toute l’épaisseur de la tôle.
précipitation de l’alliage, c’est à dire les précipités encore susceptibles de se former au cours de
traitements thermiques ultérieurs. L’analyse a été réalisée entre 20 et 540°C avec une vitesse de
balayage de 20°C/min à l’Ecole des Mines de Saint‐Etienne avec un appareil TG‐DSC 111 « gas
sweeping circuit » Setaram. Les échantillons utilisés sont des cylindres de 3 mm de diamètre sur
10 mm de long, polis de manière à ajuster leur masse à 200 mg, puis rincés à l’éthanol. La
référence est un aluminium pur 99.99% élaboré à l’Ecole des Mines et préparé dans les mêmes
précipitation. En comparant les thermogrammes à ceux de la littérature, chacun des pics a pu être
dissolution des phases S’’, puis le pic exothermique à 272°C à la précipitation des phases S’ et S et
enfin le second pic endothermique à la dissolution de ces phases. Différentes analyses réalisées
sur des échantillons prélevés en différents points de l’épaisseur (en peau, à 1.25 mm de la peau,
au milieu, à 1.25 mm de la peau opposée et en peau opposée) n’ont pas mis en évidence de
3 Microstructure
Différents types de particules ont pu être identifiés dans la tôle de l’étude. La précipitation
dans la matrice est tout d’abord présentée avant de s’intéresser en particulier à la précipitation
(Chapitre II). En effet, certaines particules peuvent être à l’origine de piqûres et la microstructure
intergranulaire.
31
Figure I-12 : Particules intermétalliques grossières formées pendant la solidification (a‐d : micrographies
en MEB‐FEG sur échantillon poli, e‐f : analyse chimique en EDX au FEG) : a) les particules sont alignées
particules Al‐Cu‐Mn‐Fe.
32
Nous avons étudié la précipitation intragranulaire et intergranulaire sur des échantillons polis
entre les différentes phases. Des observations en MET ont également été conduites sur un Philips
CM 200. Des cylindres de 3 mm de diamètre ont été prélevés au cœur de la tôle avec l’axe dans le
sens long. Des disques de 100 à 200 μm d’épaisseur ont été découpées à la scie à fil. Ils sont
Julabo F 83. Nous avons analysé les précipités par perte d’énergie des rayons X (EDX) en MEB et
en MET. La taille du spot en MET que nous avons pu atteindre pour faire les analyses chimiques
Ces particules sont réparties selon des bandes qui suivent la direction de laminage
(Figure I-12a), elles proviennent de la coulée et ont été fragmentées pendant les différentes
passes de laminage.
Al20Cu2Mn3 [Ringer, 2000] [Nagai, 2001] [Zahra, 1998] [Sun, 1996] [Dlubek, 1998].
Cependant, la structure cristallographique de cette phase n’est pas clairement définie. Ces
particules sont réparties de façon très hétérogène dans la matrice (Figure I-13) : on constate
des zones libres de ces précipités autour des intermétalliques grossiers (en pointillés sur les
33
Figure I-14 : Joint de grains après polissage électrolytique (photo en MEB‐FEG en électrons rétrodiffusés).
Figure I-15 : Photo en MET des précipités intergranulaires : a) dispersoïdes riches en Mn ; b) bâtonnets
34
En effet, ces dispersoïdes se forment lors de la solidification, en même temps que les
intermétalliques grossiers. Ces derniers puisent les éléments d’alliage dans leur proche voisinage,
créant une zone appauvrie où les dispersoïdes ne peuvent plus se former. Lors du laminage, les
intermétalliques grossiers sont cassés et étirés, de même que les zones libres de dispersoïdes
autour des intermétalliques qui sont étirées formant des traînées (Figure I-13).
dans une solution acide nitrique (20%) – méthanol (80%) pendant 1 minute 30 à –30°C sous un
- les intermétalliques,
Nous avons observé en plus, des précipités riches en cuivre en forme de bâtonnets
(Figure I-15b) et des précipités plus fins, en aiguilles difficile à identifier (Figure I-15c).
précipités est difficile. De par leur position, à la frontière de deux grains, ils sont difficiles à faire
diffracter. De par leur taille, ils sont difficiles à analyser en EDX : l’angle de tilt pour l’analyse
EDX est imposé à 23, ils doivent donc être visibles dans cette orientation. De plus, la déviation du
faisceau pendant l’analyse moyenne le signal sur le précipité et la matrice. Nous avons observé
sur une lame trois types de précipités riches en cuivre, présents à trois stades de croissance : des
fines aiguilles (Figure I-16a), des précipités globulaires germant préférentiellement sur les fines
aiguilles (Figure I-16b) et des aiguilles plus épaisses en forme de « bâtonnets pointus »
(Figure I-16c). Cette précipitation intergranulaire est présente de façon très hétérogène : certains
joints de grains ne montrent aucune précipitation en cuivre, d’autres sont parsemés d’aiguilles
35
Figure I-16 : Caractérisation en MET de la précipitation intergranulaire riche en Cu : a) précipitation sous
forme d’aiguilles fines. Les dispersoïdes dans la matrice sont riches en Cu et Mn ; b) précipités globulaires,
germant préférentiellement sur les aiguilles fines ; c) précipités en formes de bâtonnets pointus provenant
36
(Figure I-16b) et enfin sur certains, la morphologie de cette précipitation en cuivre évolue le long
du joint de grains (fines aiguilles, précipités globulaires, « bâtonnets pointus »). La composition
chimique de ces précipités n’a pas pu être déterminée de façon précise. D’après la littérature,
Nous n’avons pas observé de zones sans précipité aux joints de grains, ni mis en évidence de
gradient de composition chimique dans la zone adjacente du joint de grains avec la technique
d’analyse EDX disponible au laboratoire. La présence d’une zone dénudée en cuivre aux joints de
grains n’a quasiment jamais été observée directement en MET pour les états sous‐revenus. Dans
le cas du 2024‐T351, seule une publication fait état d’un gradient de composition chimique avec
une zone de 20 nm de part et d’autre du joint de grains ne contenant que 3% de cuivre par
rapport à la matrice qui en contient 4% [Guillaumin, 1999]. La taille de la sonde EDX utilisée à
l’école des Mines des Saint Etienne et la précision des analyses ne nous a pas permis de détecter
de telles hétérogénéités. Nous reviendrons sur cette zone intergranulaire dénudée en cuivre dans
le chapitre II en montrant des preuves indirectes de son existence. Nous verrons que cette
microstructure joue un rôle essentiel dans le développement des défauts de surface et dans la
37
Figure I-17 : Représentation schématique de l’état de durcissement structural de l’alliage 2024‐T351.
Figure I-19 : Les étapes de fabrication de l’alliage 2024 en lien avec la macro et microstructure obtenues.
38
CONCLUSION
Ce travail se focalise sur l’étude de tôles épaisses (50 mm) dans lesquelles sont usinées des
pièces massives. Tous les essais s’intéressent au comportement du cœur de la tôle : les essais de
corrosion sont réalisés sur des échantillons prélevés au cœur de la tôle et les essais de traction et
de fatigue sont réalisés avec une sollicitation dans le sens travers court de la tôle. Un gradient de
taille de grains a été mis en évidence à la surface de la tôle. Des grains plus petits sont observés en
peau sur une épaisseur de 4 mm. Aucun gradient de composition chimique ni de microstructure
dans l’épaisseur n’a été mis en évidence par les moyens dont nous disposions (spectrométrie
fibrée, texture morphologique caractéristique des tôles laminées avec des grains fortement
allongés dans le sens long. Les dimensions caractéristiques d’un grain sont de 1 mm dans le sens
long, 100 μm dans le sens travers court et 300 μm dans le sens travers long. Des intermétalliques
laminage. Deux types d’intermétalliques ont pu être identifiés : des particules de 10 à 30 μm, de
matrice.
Plusieurs origines pour le durcissement structural sont évoquées dans la littérature : (i) une
précipitation homogène des zones GPB et une précipitation hétérogène des phases S’’ et S’ ; (ii)
des co‐clusters de Mg‐Cu en l’absence de zones GPB ; (iii) des interactions atomes de
solutés/dislocations.
Nous avons observé peu de précipités intergranulaires (Figure I-18). On retrouve les
précipités présents dans la matrice (intermétalliques grossiers et dispersoïdes) avec en plus, des
précipités riches en cuivre dont la forme et la distribution est hétérogène entre les joints de grains
et le long d’un même joint de grains. Aucune zone dénudée le long du joint de grains n’a pu être
39
détectée par les techniques à notre disposition mais des preuves indirectes de son existence sont
40
II – CORROSION LOCALISEE
CHAPITRE II
CORROSION LOCALISEE
en l’absence de contrainte appliquée
41
SOMMAIRE
INTRODUCTION ……………..…………………………..…………………………………….41
3 Résultats ………………………………….……………………………………………………83
3.1 Caractérisation de la piqûration …………………………………………………….83
3.1.1 Amorçage ……………………………………………………………………..83
3.1.2 Propagation …………………………………………………………………...85
3.2 Caractérisation de la corrosion intergranulaire ……………………………………89
3.2.1 Morphologie des défauts de corrosion intergranulaire …………………...89
3.2.2 Cinétique de corrosion intergranulaire ……………………………………..93
3.2.3 Evolution des défauts de corrosion intergranulaire ……………………….99
4 Discussion …………………….……………………………………………………………..101
4.1 Mécanisme de corrosion intergranulaire ………………………………………....101
4.2 Interprétation des cinétiques de corrosion intergranulaire ……………………..101
4.3 Modèle de cinétique complète de corrosion localisée …………………………..105
CONCLUSION ………………..…………………………..…………………………………...107
42
INTRODUCTION
Après la présentation du matériau dans le premier volet, ce chapitre constitue la deuxième
étape de la démarche suivie pour étudier l’effet d’un milieu corrosif sur la tenue mécanique de
l’alliage 2024‐T351, depuis la corrosion de surface jusqu’à la fatigue corrosion. Ce chapitre a pour
présence d’un milieu corrosif, le 2024‐T351 présente différents types de corrosion localisée et
corrosion sous contrainte (Chapitre III) et de fatigue corrosion (Chapitre IV) et comme étant à
environnement/matériau ;
4) Développer et valider, sur cet alliage largement utilisé en aéronautique, une méthodologie
43
Dans ce deuxième chapitre, les principaux résultats bibliographiques concernant la sensibilité
des alliages d’aluminium à la corrosion localisée et les mécanismes communément évoqués sont
tout d’abord présentés. Ces alliages sont sensibles à deux types de corrosion localisée : la
milieu très oxydant. Dans cette étude, nous avons choisi un milieu corrosif peu agressif, plus
sont décrits, puis les résultats obtenus sont détaillés. Les phénomènes de piqûration observés
sont caractérisés. L’influence des particules intermétalliques décrites dans le chapitre I est mise en
sur l’amorçage et la propagation des piqûres. L’étude se focalise ensuite sur la corrosion
observations sur des échantillons corrodés pendant des durées allant de quelques dizaines de
minutes à plusieurs mois, l’évolution typique d’un défaut de corrosion au cours de l’immersion
permettant de décrire la cinétique complète de corrosion localisée dans l’alliage 2024‐T351 sont
44
1 Sensibilité des alliages d’aluminium à la corrosion
localisée et mécanismes associés
Nous présentons ici les principaux résultats bibliographiques concernant la corrosion localisée
qui ont orienté notre étude. Par définition, les phénomènes de corrosion localisée interviennent
lorsqu’une dissolution anodique importante apparaît sur une zone restreinte de la surface, le
reste de cette surface étant protégé par un film passif. Ces phénomènes sont très sensibles à la
répercutions sur la tenue à la corrosion. Les alliages d’aluminium sont particulièrement sensibles
phénomènes sont décrits dans le cas général des alliages d’aluminium en précisant, le cas
Les phénomènes de corrosion localisée et principalement les piqûres de corrosion ont été
identifiées par la plupart des auteurs comme le site principal sur lequel s’amorcent les fissures de
l’intégrité des structures aéronautiques à long terme. C’est pourquoi il est primordial d’identifier
1.1 Piqûration
La piqûration est une forme de corrosion localisée qui se traduit par la formation, sur la
surface du métal, de cavités aux formes irrégulières dont le diamètre et la profondeur varient
nombreuses études concernent la piqûration [Szklarska, 1999] [Liao, 1998]. La corrosion par
piqûre est considérée comme l’un des principaux mécanismes de dégradation des alliages
surface, d’une couche d’oxyde naturelle (Al2O3) continue, uniforme et très peu conductrice qui
fortement influencées par le pH et les espèces chimiques présentes dans le milieu. Pour des pH
proches de la neutralité, cette couche est stable (peu soluble) mais la présence d’ions
45
Figure II-1 : Mécanisme de pénétration : transferts ioniques et électroniques dans la couche d’oxyde
induits par la chute de potentiel à l’interface métal/oxyde et oxyde/électrolyte ainsi que par le gradient de
46
chlorures peut localement l’endommager. Les phénomènes de piqûration se développent ainsi la
complexes pas toujours très bien élucidés. Dans la suite, les principaux mécanismes proposés
propagation.
L’amorçage d’une piqûre nécessite, dans un premier temps, la rupture locale de la passivité
Les espèces chimiques présentes dans le milieu humide, notamment les anions, facilitent la
rupture du film d’oxyde. De tous les anions, ce sont les chlorures, petits et très mobiles, les plus
efficaces dans la piqûration [Vargel, 1999]. Le rôle précis de ces anions dans la rupture de la
passivité n’est cependant pas encore complètement compris [Szklarska, 1998]. Trois mécanismes
ont été proposés pour expliquer les interactions entre les ions chlorures et le film passif
[Strehblow, 1995] : un mécanisme de pénétration et de migration des ions chlorures dans le film
par les ions chlorures et un mécanisme d’adsorption des ions chlorures à la surface
‐ Le mécanisme de pénétration des ions chlorures suppose le transfert des anions à travers la
couche d’oxyde vers la surface du métal. La figure II-1 présente les transferts ioniques et
électroniques existants à travers la couche d’oxyde. Le transfert des ions chlorures s’explique
47
Figure II-2 : Mécanisme de rupture du film, d’après [Strehblow, 1995].
Figure II-3 : Mécanisme d’adsorption des ions chlorures à l’interface oxyde/électrolyte qui favorise le
transfert des ions Al3+ vers l’électrolyte par la formation d’un complexe chloruré plus soluble.
48
par l’action combinée du champ électrique à l’intérieur de la couche d’oxyde, de la chute
l’interface métal/oxyde. Sur cette base, différents modèles ont été développés et notamment un
modèle faisant intervenir le transfert des lacunes dans la couche passive. Sous l’action du champ
métal/oxyde, ce qui correspond au transport des cations Al3+ dans la direction opposée.
mécanisme. En effet, la migration des lacunes est un phénomène relativement lent comparé à
l’amorçage des piqûres très rapide (< 1 ms). De plus, l’action spécifique des anions chlorures dans
‐ Le mécanisme de rupture du film d’oxyde, quant à lui, suppose que des modifications locales
de potentiel, dues par exemple à des variations dans la composition chimique de l’alliage,
entraînent une rupture très localisée du film d’oxyde et donnent aux anions un accès direct à la
surface du métal nu (Figure II-2). Dans ce mécanisme, le rôle des chlorures consiste surtout à
‐ Enfin, le mécanisme d’adsorption suppose que les ions chlorures adsorbés à l’interface
oxyde/électrolyte plus soluble que le film d’oxyde naturel Al2O3 [Foley, 1986]. Ce complexe
favorise le transfert des cations métalliques de l’oxyde vers l’électrolyte. Il en résulte une
diminution de l’épaisseur de la couche d’oxyde puis la rupture du film (Figure II-3). Pour
supporter ce mécanisme, des études en XPS ont mis en évidence la présence de chlorures sur une
piqûre (Epiqûre) ou potentiel de dépassivation qui traduit la stabilité électrochimique du film passif.
matériau dans le milieu considéré dépasse cette valeur critique Epiqûre. En pratique, le potentiel de
corrosion est fixé par la réaction cathodique. Il correspond à l’intersection de la courbe cathodique
avec la courbe anodique, c’est à dire la valeur du potentiel pour lequel les courants cathodiques et
anodiques sont égaux. En milieu oxydant, il y aura développement de piqûres stables si la courbe
49
Figure II-4 : Courbe intensité potentiel schématique d’un alliage passivable en solution aqueuse chlorurée.
courant ; au voisinage de Ep, des instabilités peuvent apparaître dues à l’apparition de piqûres qui se
50
cathodique est telle que le potentiel de corrosion est supérieur au potentiel de piqûre (cas de la
courbe cathodique 2, Ecorrosion 2 > Epiqûre) et passivité stable si le potentiel de corrosion est inférieur
au potentiel de piqûre (cas de la courbe cathodique 1, Ecorrosion 1 < Epiqûre) (Figure II-4). Le potentiel
de piqûre, qui correspond au potentiel de germination de la piqûre, ne doit pas être confondu
redescendre pour repassiver une piqûre déjà amorcée. Le potentiel de piqûre dépend de la
de surface.
L’aluminium mis à nu s’oxyde (Eq. 1). L’équilibre électronique est assuré, dans un premier
temps, par la réduction en surface de l’oxygène dissous dans l’eau (Eq. 2).
Al → Al3+ + 3 e‐ (Eq. 1)
La réaction anodique (Eq. 1) est une réaction globale qui regroupe un certain nombre de
Les ions Al3+ en solution dans l’eau sont ensuite hydrolysés (Eq. 3). Cette réaction conduit à la
production d’ions H+ neutralisés par les ions OH‐ formés par la réaction cathodique (Eq. 2).
Les réactions conduisant à la formation d’une piqûre métastable sont illustrées sur la
figure II-5. Lors de cette deuxième phase, une cavité est formée. Deux possibilités se présentent
alors : soit la dissolution anodique s’arrête et l’intérieur de la piqûre se repassive (Figure II-6) ;
51
Figure II-5 : Formation d’une piqûre métastable : a) dissolution anodique du métal, b) réduction
cathodique de l’oxygène localisée sur la surface extérieure, c) hydrolyse des cations Al3+ et d) formation de
cations H+ neutralisés par les anions OH‐ produits lors de la réaction cathodique.
52
1.1.1.2 Mécanismes de propagation
Nous présentons tout d’abord le mécanisme de propagation classique des piqûres : le modèle
de la caverne puis les différents modèles donnant les cinétiques de propagation déterminés dans
la littérature.
La propagation des piqûres est intimement liée à leur stabilité et donc à la capacité de la piqûre
ioniques entre l’intérieur et l’extérieur sont de plus en plus difficiles. La réaction cathodique
localisée en surface produit des ions OH‐ et conduit à une alcalinisation de la zone cathodique
alors que l’hydrolyse des ions Al3+ produits par la réaction anodique en fond de piqûre acidifie le
milieu. Les ions Al3+ très concentrés en fond de piqûre diffusent vers l’extérieur, rencontrent un
ioniques. Un milieu confiné riche en ions Al3+, H+ et Cl‐ s’établit dans la piqûre. Le processus de
piqûration conduit à la formation d’une cellule occluse encore appelé caverne (Figure II-7).
Les réactions dans la piqûre sont en réalité plus compliquées et font intervenir différents
complexes plus ou moins hydratés et chlorurés [Foley, 1986]. Un gradient de ces espèces a été mis
en évidence dans le cas des 7xxx dans une fissure de corrosion sous contrainte (Figure II-8)
[Holroyd, 1989].
neutralisation des ions H+ formés dans la piqûre avec les ions OH‐. Ceci provoque l’acidification
du milieu. Les ions H+ à l’intérieur de la piqûre peuvent être adsorbés sur le métal nu au cours de
la réduction cathodique des protons, puis soit absorbés dans le métal, soit recombinés en
dihydrogène. La présence d’hydrogène et en particulier son adsorption dans le matériau est très
importante dans les mécanismes de CSC. L’hydrogène adsorbé peut induire des phénomènes de
53
Figure II-7 : Propagation de la piqûre (modèle de la caverne) : a) échanges ioniques de plus en plus
produits de corrosion obstruant l’orifice, e) précipitation de complexes chlorurés en fond de piqûre d’après
[Combrade, 1994] .
Figure II-8 : Représentation schématique de la répartition des hydroxychlorures et pH associés dans une
fissure courte de CSC en milieu marin dans un alliage 7xxx d’après [Holroyd, 1989].
54
1.1.1.2.2 Cinétique de propagation des piqûres
Plusieurs lois de propagation des piqûres ont été proposées dans la littérature : d = kt1/ 3 ,
d = kt 2 / 3 et d = kt1/ 2 avec d la profondeur des piqûres, k une constante qui dépend du matériau et
du milieu et t le temps [Blanc, 1998]. Le modèle le plus couramment utilisé est celui basé sur la loi
de Faraday en t1/3 [Harlow, 1998]. Le modèle suppose que la piqûre est hémisphérique, de rayon a
et qu’elle croît avec une vitesse volumique constante. La vitesse de propagation est donnée par la
2
V = π a3
3
dV MI P
=
dt n ρ F
da da dV 1 MI p (Eq. 4)
= =
dt dV dt 2π a 2 n ρ F
1
⎡ 3MI P ⎤3
a=⎢ t + a03 ⎥
⎣ 2π n ρ F ⎦
Un critère de stabilité des piqûres développé pour les aciers [Vargel, 1999] a également été
I piqure
appliqué aux aluminiums : ≥ 4.10-2 A / cm .
rpiqure
En résumé, l’amorçage des piqûres dans l’aluminium pur est induit par la présence de
de piqûre et assistée par les ions chlorures présents dans l’électrolyte. Les alliages commerciaux
55
56
1.1.2 Piqûration en présence d’hétérogénéités microstructurales
Les alliages commerciaux d’aluminium sont particulièrement sensibles à la corrosion localisée
solidification) et les précipités (particules formées lors du traitement thermique) qui ont germé à
partir des impuretés ou à partir des éléments d’alliages en excès. Au final, ces particules
intermétalliques ont une distribution très hétérogène. En présence de ces différentes particules,
les phases de piqûration (amorçage et propagation) décrites dans le cas de l’aluminium pur
La présence de particules intermétalliques joue un rôle décisif dans l’amorçage des piqûres
dans les alliages commerciaux, tant pour la rupture du film passif que pour la formation de
piqûres métastables.
1.1.2.1.1 Influence des particules intermétalliques sur la rupture locale du film passif
d’oxyde, microdéfauts qui facilitent la rupture du film. Les inclusions ayant une ductilité
métal/inclusion, qui servent de sites préférentiels à l’amorçage des piqûres [Baroux, 1995].
substrat. Un gradient de composition chimique dans la matrice, induit par exemple par la
‐ Enfin, les inclusions favorisent l’adsorption des ions chlorures [Shao, 2003]. On a vu dans le
cas de la piqûration intrinsèque que ce mécanisme est un des mécanismes possibles pour la
57
a)
b)
Figure II-9 : Microcouplages galvaniques entre les particules intermétalliques et la matrice : a) dans le cas
d’une particule cathodique et b) dans le cas d’une particule anodique d’après [Wei, 1998].
58
La concentration en Cl‐ joue un rôle fondamental dans la germination des piqûres : une étude a
résistance à la piqûration. En effet, certains alliages (Al‐Li) sont réputés plus sensibles après de
longs revenus alors que le potentiel de piqûre ne varie presque pas. Ceci est dû à la formation ou
à la coalescence pendant le revenu de particules très actives qui se dissolvent, augmentant ainsi la
corrosion localisée sans altérer la stabilité de la couche d’oxyde [Chen, 1996a]. L’approche
Les particules intermétalliques n’ayant pas la même composition chimique que la matrice, une
(Figure II-9). Les phases moins nobles que la matrice se dissolvent en formant une cavité. Les
phases plus nobles que la matrice jouent le rôle de cathodes entraînant la dissolution de la
électrochimique des particules intermétalliques dans les alliages d’aluminium et notamment dans
- Des études ont mesuré le potentiel des différentes phases intermétalliques dans NaCl avec des
alliages modèles [Liao, 1999] [Li, 2005]. Les valeurs déterminées sont reportées dans le
phase, toutes les particules intermétalliques semblent anodiques par rapport à la matrice, mais
c’est sans considérer les hétérogénéités locales présentes autour de ces particules. Dans le cas
des particules Al2Cu, des observations fines en MET [Wei, 1998] ont montré une zone sans
59
Figure II-10 : Micrographie en MET montrant une particule Al2Cu et la matrice qui l’entoure dans un
alliage 2024‐T3 a) avant et b) après 80 minutes d’immersion dans NaCl 0.5 M à température ambiante. Le
spectre en bas à gauche montre que le film de produit de corrosion est principalement formé de cuivre
[Wei, 1998]. Les particules Al2Cu ont un comportement cathodique par rapport à la matrice qui l’entoure.
Figure II-11 : Profil 3D d’une particule intermétallique Al‐Cu‐Mn‐Fe : a) après polissage ; b) après
5 minutes de polarisation à –750 mV/ECS. La particule apparaît en relief : la matrice autour a été dissoute
[Guillaumin, 1999]. Les particules Al‐Cu‐Mn‐Fe sont cathodiques par rapport à la matrice.
60
sans précipité (EPFZ ≈ EAl= ‐730 mV/ECS). L’observation des lames MET après corrosion
confirme bien le comportement cathodique de ces particules vis à vis de la zone sans précipité
Tableau II-1 : Potentiel de corrosion des différentes phases présentes dans l’alliage 2024‐T351.
particules, les zones dénudées et la matrice étant difficile, les valeurs de potentiel ne donnent
- Pour comprendre plus en détail les interactions entre les particules et la matrice pendant la
corrosion, Wei et al. ont conduit des études en MET permettant d’identifier les particules, de
interactions suite à l’exposition de la lame mince dans une solution corrosive 0.5 M à pH=7
naturellement aérée à potentiel libre pendant 180 minutes (Figure II-10) [Wei, 1998].
- Des études en microscopie à force atomique couplées avec une mesure du potentiel
[Campestrini, 2000] ont permis de caractériser les différences de potentiel entre les particules
intermétalliques et la matrice ainsi que les différences de potentiel à l’intérieur même d’une
particule (Figure II-12). Des profils 3D de chaque type de particules avant et après polarisation
à ‐750mV/ECS ont également été réalisés [Guillaumin, 1999] (Figure II-11 et 13).
61
Figure II-12 : Analyse AFM couplée avec une mesure du potentiel à travers une particule
Al‐Cu‐Mn‐Fe‐Si qui met en évidence le comportement cathodique de ces particules par rapport à la matrice
c)
Figure II-13 : Profil 3D d’une particule Al2CuMg : a) après polissage ; b) après 5 min. de polarisation à
‐750 mV/ECS : dissolution de la matrice autour ; c) profil 2D de la particule : a. après polissage ; b. après
5 min de polarisation à –750 mV/ECS [Guillaumin, 1999] : les particules Al2CuMg sont cathodiques par
rapport à la matrice.
62
Les résultats de toutes ces études concernant le comportement électrochimique des particules
Les particules intermétalliques grossières (>10 μm) riches en fer Al‐Cu‐Mn‐Fe‐(Si) provenant
[Chen, 1996a] [Liao, 1998] [Wei, 1998] [Guillaumin, 1999] : lorsqu’il y a corrosion, c’est la matrice
autour qui est dissoute (Figure II-11). Une différence de potentiel de 150 à 180 mV a été mesurée
entre la particule et la matrice [Campestrini, 2000] (Figure II-12). De plus, des dépôts nodulaires
de cuivre ont été observés sur ces particules [Chen, 1996a]. Ceci confirme leur comportement
cathodique, qui entraîne la réduction des ions Cu2+ dissous dans la solution.
moins bien défini. Anodiques vis à vis de la matrice [Wei, 1998], elles deviendraient
cathodiques au cours de leur dissolution (Figure II-13) [Guillaumin, 1999]. Des mesures de
potentiel libre sur des alliages modèles montrent en effet que le potentiel de la phase S évolue au
cours du temps : anodique par rapport à la matrice, il devient cathodique (Figure II-14) [Li, 2005].
cuivre, rend la région cathodique [Chen, 1996a] [Guillaumin, 1999] [Shao, 2003] [Wei, 1998] ;
pour des trempes non immédiates après la mise en solution (délais de 54 s). Il semblerait que
pendant le passage à l’air libre, les particules Al‐Cu‐Mg se dissolvent, puis le cuivre et le
(Figure II-15).
- la présence d’une zone dénudée en précipités autour de la particule, anodique par rapport à
63
Figure II-14 : Potentiel libre des phases modèles Al pur (α), Al2Cu (θ’) et Al2CuMg (S) dans NaCl 4% à
pH=6 : la phase θ’ est cathodique par rapport à l’aluminium pur et la phase S, qui au début de l’essai est
anodique par rapport à l’aluminium, devient cathodique par rapport à l’aluminium pur après 70 h
[Li, 2005].
Figure II-15 : Analyse AFM couplée avec une mesure du potentiel à travers une particule bi‐métallique
(Al‐Cu‐Mg en peau et Al‐Cu‐Mn‐Fe‐Si au cœur) obtenue après 81 s de maintien à l’air avant trempe dans
du 2024‐T351 : le potentiel à cœur est plus noble que la matrice (ddp = 250mV) et la peau est moins noble
64
En observant les particules au MEB avant et après corrosion, la taille des piqûres est toujours
supérieure à celle des particules, ce qui revient au final à considérer qu’elles ont toujours un
comportement cathodique par rapport à la matrice, quelle que soit leur nature chimique. Des
dépôts de cuivre sur les particules « anodiques » et « cathodiques » ont également été observés,
montrant que toutes les particules tendent à se comporter cathodiquement [Chen, 1996a]. En
résumé, la matrice peut se dissoudre parce qu’elle est dénudée en cuivre autour de la particule
Al2Cu, parce qu’elle est anodique par rapport aux précipités Al2CuMg, parce que la particule
Al2CuMg s’est dissoute de façon sélective, laissant le cuivre, plus noble ou dans le cas des
particules Al‐Cu‐Mn‐Fe‐(Si) parce que le pH est acide (pH=3.5). En effet, une variation de pH de
6.5 à 3.5 entraîne une variation du potentiel de l’aluminium pur de –730 mV à –1150 mV, rendant
ainsi toutes les particules cathodiques par rapport à l’aluminium pur à pH=3.5.
Les particules Al‐Cu‐Mg se dissolvent quelque soit l’environnement, même dans l’eau
déionisée [Chen, 1996a]. Elles ne se passivent pas. Pour les particules au fer, les ions chlorures
sont nécessaires pour déstabiliser le film passif. Les particules Al‐Cu‐Mg semblent plus actives
que les particules au fer, dues à un film d’oxyde moins résistant [Shao, 2003].
localisé, propre à chaque particule en surface. Une fois le défaut amorcé par dissolution ou
65
Figure II-16 : Modèle de corrosion par piqûre induite par la présence de particules intermétalliques
[Liao, 1998].
Figure II-17 : Réplique en résine époxy d’une piqûre sévère dans le plan et de profil [Liao, 1996].
66
1.1.2.2 Mécanismes de propagation
piqûres mais leur répartition joue également un grand rôle dans la propagation. En effet, selon la
densité et la répartition des intermétalliques, les piqûres peuvent coalescer et devenir très sévères
si l’attaque touche des précipités sub‐surfaciques ou des clusters de précipités (Figure II-16)
Des répliques 3D en résine époxy des piqûres [Liao, 1996] permettent de déterminer l’effet des
la réplique correspond à la dissolution d’une particule individuelle suggérant que la piqûre s’est
propagée par dissolution anodique progressive des particules d’un cluster en volume
(Figure II-17).
implique les interactions locales entre les particules. Un modèle de propagation des piqûres
prenant en compte la distribution des particules subsurfaciques a été développé [Wei, 2001]. Ce
modèle considère la piqûration induite par les particules autour de la particule surfacique et la
de la particule surfacique est la même que celle donnée par la loi de Faraday (Eq. 4). Cependant,
la croissance des piqûres est alimentée par le courant galvanique provenant de la dissolution
anodique des particules exposées à la surface de la piqûre qui se propage, c’est à dire par le
couplage galvanique entre la matrice (la surface de la piqûre) et les particules exposées à la
surface de la piqûre. En supposant que les particules subsurfaciques du cluster ont un diamètre
moyen ap et sont distribués uniformément avec une densité moyenne dp, le nombre moyen de
particules exposées à la surface d’une piqûre hémisphérique de rayon a au temps t est donné par
np=dp(2πa²).Le courant de piqûration est donné par le produit de la densité de courant cathodique
limite que peut supporter la particule ico par la surface des particules exposées à l’électrolyte dans
l’équation 4 :
67
Figure II-18 : Modèles décrivant les cinétiques de propagation en tenant compte des particules
intermétalliques subsurfaciques (en trait plein) par rapport au modèle classique suivant la loi de Faraday
qui ne tient compte que des particules en surface (en pointillé) d’après [Liao, 1998] [Wei, 2000]. Les
dans la légende (16, 14 et 10 μm pour les clusters de particules et 15, 10 et 5 μm pour les particules).
68
da Mico d p
= (2π a 2p )
dt nρ F
(Eq. 5)
Mico d p
a = a0 + (2π a 2p )t
nρ F
Le modèle est illustré figure II-18 dans le cas du 2024‐T3 pour trois densités de particules : 3000,
modèle d’interactions). La densité de courant limite ico est choisie constante, égale à 200 μA/cm².
La prise en compte des clusters de particules subsurfaciques permet d’obtenir des cinétiques de
piqûration à long terme nettement plus élevées, plus proches des cinétiques mesurées
expérimentalement.
En résumé, dans le cas des alliages commerciaux comme le 2024‐T351, l’amorçage n’est pas
l’étape limitante ni déterminante pour la corrosion par piqûres. Ces alliages contiennent de
nombreuses hétérogénéités microstructurales en surface : 3000 particules par mm² [Wei, 1998] à
est très facilement initiée [Liao, 1998] : les piqûres se forment immédiatement après immersion.
69
70
1.2 Corrosion intergranulaire
La sensibilité à la corrosion intergranulaire et à la corrosion sous contrainte intergranulaire
étant très souvent intimement liées [Garner, 1979], il est important de détailler les mécanismes à
La corrosion intergranulaire résulte de la présence aux joints de grains d’un passage anodique
(par rapport à la matrice) continu. Elle nécessite la présence d’hétérogénéités autour de la zone du
joint de grains et l’existence d’un milieu corrosif permettant de différencier d’un point de vue
pratique, le milieu est presque toujours, comme pour la piqûration, un milieu neutre chloruré.
Les ions chlorures agissent comme pour la piqûration sur la rupture du film passif dans
(Figure II-19). C’est le cas des alliages de la série 5xxx qui contiennent plus de 2% de
[Vargel, 1999]. Dans le milieu corrosif, la corrosion se propage par dissolution préférentielle de
ces précipités.
- Des hétérogénéités de composition peuvent également constituer, le long des joints de grains,
des zones anodiques appauvries en éléments de soluté (Figure II-20). C’est le cas des alliages
intergranulaire est supposée résulter de la présence aux joints de grains d’une zone appauvrie
en cuivre. Cette zone est créée par la diffusion des atomes de cuivre depuis la matrice lors de
71
Figure II-19 : Corrosion intergranulaire dans le cas de précipités intergranulaires 1) anodiques,
Figure II-20 : Corrosion intergranulaire en présence d’une zone dénudée [EAAM, 2005].
72
la précipitation de la phase Al2Cu. Cette précipitation, qui intervient lorsque la trempe est
lente, se produit d’abord aux joints de grains. En effet, les précipités germent sur les défauts de
structure et les lacunes abondantes aux joints de grains par un processus hétérogène. Cette
des joints de grains, faute de cuivre en solution. Au final, l’alliage est constitué de trois phases
différentes (Figure II-20) : des précipités Al2Cu aux joints de grains, la zone dénudée en
précipités le long des joints de grains et l’intérieur des grains avec la fine précipitation
dénudée qui est la phase la plus anodique. Des études approfondies sur les alliages de la
famille des 2xxx ont permis d’apporter des preuves expérimentales à ce mécanisme de
corrosion intergranulaire induite par la présence d’une zone dénudée en cuivre le long des
joints de grains.
selon que l’on considère les potentiels de corrosion ou les potentiels de piqûration.
des phases présentes aux joint de grains, présentés dans le tableau II-1, la zone dénudée en
cuivre aux joints de grains (Ecorrosion=‐730 mV) est bien anodique par rapport à la matrice
« piqûre » (ou potentiel de dépassivation) entre la matrice, la zone dénudée en cuivre et les
dépassivation de la matrice (Epiqûre 2), seule la zone dénudée en cuivre est dépassivée et se
dissout (Figure II-21). Dans cette approche, la corrosion intergranulaire est envisagée comme
73
Figure II-21 : Courbe intensité potentiel de l’aluminium et de Al‐4%Cu en solution chlorurée d’après
[Galvele, 1970] : Epiqûre 1 : potentiel de piqûre de la zone appauvrie en cuivre et Epiqûre 2: potentiel de piqûre de
la matrice.
domaines de sensibilité à la corrosion dans le cas d’un Al‐4%Cu sous‐revenu d’après [Galvele, 1970].
74
une corrosion par piqûre aux joints de grains. Des mesures du potentiel de piqûration sur des
alliages modèles ont clairement montré que la teneur en cuivre de la solution solide influe
directement sur le potentiel de piqûration des alliages Al‐Cu [Muller, 1977]. La concentration
piqûration de l’aluminium pur (‐520 mV) et celui de Al‐5.22%Cu (‐330 mV) dans NaCl 1 M
désaéré. Il a mis en évidence un domaine de potentiel dans lequel la zone dénudée en cuivre
est dépassivée alors que la matrice reste passive. Ce domaine de potentiel dépend de la
milieu. En effet, en l’absence d’oxygène, le potentiel de corrosion de l’alliage est décalé vers la
potentiel de piqûre de la matrice (Epiqûre 2). La corrosion intergranulaire ne peut avoir lieu.
L’identification de chacun des potentiels de rupture avec d’une part la dissolution des joints
de grains et d’autre part la dissolution de la matrice est cependant loin d’être établie de façon
unanime. En effet, dans le cas du 2024‐T351, le premier potentiel de rupture est attribué
[Urushino, 1979] mais aussi à la dissolution des phases S [Guillaumin, 1999] [Zhang, 2003] et le
cuivre aux joints de grains n’a quasiment jamais été observée directement en MET pour des états
sous‐revenus. Dans le cas du 2024‐T351, seule une publication fait état d’un gradient de
composition chimique avec une zone de 20 nm de part et d’autre du joint de grains ne contenant
que 3% de cuivre par rapport à la matrice qui en contient 4% [Guillaumin, 1999]. Par contre, des
observations en MET de lames minces d’alliages Al‐4%Cu avant et après corrosion dans
KC + K2CrO4 ou KC + KMnO4‐ ont permis d’identifier les régions dissoutes au niveau du joint de
grains : les précipités Al2Cu sont intacts. La dissolution préférentielle touche la zone adjacente
Pour valider l’hypothèse de corrosion intergranulaire induite par la présence d’une zone
dénudée en cuivre le long des joints de grains, d’autres preuves expérimentales indirectes ont été
75
Figure II-23 : A) Effet de la vitesse de trempe sur le potentiel de l’alliage 2024 dans NaCl 0.2 N en lien avec
1) trempe très rapide : pas de précipité intergranulaire, pas de corrosion intergranulaire ; 2) petits précipités
aux joints de grains : légère sensibilité à la corrosion intergranulaire ; 3) larges précipités + zone dénudée :
76
microstructure de l’alliage (présence ou non d’une zone dénudée en cuivre) ont été corrélés avec
la susceptibilité à la corrosion intergranulaire. Dans la suite, l’effet de deux de ces paramètres est
détaillé : l’effet de la vitesse de trempe dans le cas du 2024 [Ketcham, 1963] et l’effet du revenu
dans le cas d’un alliage Al‐4%Cu [Garner, 1979] [Galvele, 1970] [Muller, 1977] et sur le 2024
La diffusion des atomes de solutés et la germination des précipités aux joints de grains étant
des phénomènes thermiquement activés, la formation d’une zone dénudée aux joints de grains
dépend de la vitesse de trempe (Figure II-23). Lorsque la vitesse est élevée (>167°C/s), les
précipités n’ont pas le temps de se former aux joints de grains (Figure II-23 B1) : l’alliage n’est
sensible qu’à la piqûration, pas à la corrosion intergranulaire (Figure II-23A). Lorsque la vitesse
est plus faible, (entre 70 et 167°C/s), de petits précipités apparaissent aux joints de grains
(Figure II-23B2) et conduisent à une légère corrosion intergranulaire (Figure II-23A). Enfin, pour
une vitesse inférieure à 70°C/s, l’alliage présente trois zones : des précipités intergranulaires, une
zone anodique adjacente aux joints de grains et la matrice. Les observations MET montrent de
larges précipités aux joints de grains et une zone adjacente affinée par l’électrolyte lors du
Galvele et De Micheli [Galvele, 1970] se sont intéressés à l’effet du revenu sur la sensibilité à la
corrosion intergranulaire des alliages Al‐4%Cu. A l’état de solution solide sursaturée (2 h à 550°C
et trempe à l’eau), l’alliage constitué d’une seule phase homogène Al‐4%Cu (Figure II‐24a) n’est
pas sensible à la corrosion intergranulaire. Après 2 h de revenu à 176°C, l’alliage présente trois
zones : des précipités Al2Cu aux joints de grains, une zone dénudée en cuivre le long du joint de
NaCl 0.5 M désaéré, le potentiel de piqûre de ces trois zones vaut respectivement ‐403 mV,
‐514 mV et ‐390 mV. Une étude MET [Garner, 1979] montre clairement la dissolution de la zone
le long des joints de grains, laissant les précipités intacts. Après un traitement de sur‐revenu
(1 h à 430°C), les précipités Al2Cu sont répartis de façon homogène dans la matrice et aux joints
77
Figure II-24 : Evolution de la microstructure au cours des traitements thermiques : a) solution solide
Al‐4%Cu, b) microstructure après trempe lente à l’eau à cœur d’une tôle épaisse (état T351) (trempe lente),
c) microstructure après revenu au pic de dureté ou après un sur‐revenu d’après [Garner, 1979].
78
Le sur‐revenu diminue la susceptibilité à la corrosion intergranulaire à cause de la germination
en cuivre dans la solution solide diminue globalement. La zone dénudée en cuivre s’étend à toute
grains. De même, il n’y a plus de domaine de potentiel dans lequel seule la zone dénudée est
dépassivée. L’alliage ne présente qu’un seul potentiel de rupture. Toute la matrice est dépassivée,
- la corrosion de fines feuilles de différentes épaisseurs (« foil penetration ») [Liu, 2004] qui
(pénétration) ;
- la radiographie X qui permet d’observer les sillons intergranulaires in situ avec une
Les cinétiques ont été déterminées en condition de brouillard salin à potentiel libre dans un
milieu enrichi en oxydant H2O2 (solution EXCO : Norme ASTM G110) dans le sens L et TL en
peau et au cœur d’une tôle de 42 mm d’épaisseur [Robinson, 1998] et dans NaCl 1 M sous bullage
d’oxygène à potentiel imposé (‐580 mV) pour une tôle de 19 mm dans différentes orientations
[Liu, 2004]. Les figures II-25 et 26 présentent les différentes cinétiques obtenues.
corrosion a été mis en évidence [Liu, 2004]. La cinétique est beaucoup plus élevée quand la
pénétration se fait dans le sens long : un facteur 4 par rapport au sens TC a été mesuré
(Figure II-25).
79
Figure II-25 : Cinétique de corrosion intergranulaire obtenue pour une tôle de 2024‐T3 d’épaisseur 1.9 cm
dans NaCl 1 M avec bullage d’oxygène et à potentiel anodique imposé (‐580 mV) par la technique de « foil
penetration ». On note l’effet de l’orientation des échantillons : dans le sens L (a=320 t1/2) dans le sens TL
Figure II-26 : Cinétique de corrosion intergranulaire obtenue par Robinson sur 2024‐T3 d’épaisseur 42 mm
en condition de brouillard salin : milieu EXCO au cœur de la tôle, à mi épaisseur et en peau de la tôle pour
une pénétration dans le sens L et TL. La corrosion intergranulaire est plus rapide au cœur de la tôle et dans
80
Un effet du facteur de forme des grains (rapport profondeur sur largeur) a également été mis
en évidence [Robinson, 1998]. Des essais ont été réalisés sur des éprouvettes prélevées en
différents endroits dans l’épaisseur de la tôle où les grains présentent des facteurs de forme
différents. La vitesse (à potentiel imposé en solution EXCO) est plus élevée au « cœur de la tôle »
où le facteur de forme des grains est plus important, quel que soit le sens de pénétration de la
corrosion. La pénétration dans le sens long est là encore plus rapide que dans le sens TL.
Pour tenir compte de l’effet du facteur de forme des grains et du sens de pénétration de la
intergranulaire comme la longueur de joints de grains corrodés c’est à dire le chemin parcouru
des joints de grains corrodés étant défini par (NxL/2)+(NxW) avec N le nombre de grains pénétrés,
du grain dans le sens de pénétration (Figure II-27). La vitesse de corrosion intergranulaire reste
cependant plus rapide dans le sens L par rapport au sens TL et au cœur de la tôle par rapport à la
mi‐épaisseur ou à la surface.
Figure II-27 : Effet du sens de pénétration de la corrosion sur le chemin parcouru par la corrosion.
81
Figure II-28 : Mesure de la concentration en oxygène lors de la désoxygénation de 300 ml de solution
NaCl 0.5 M par bullage d’argon. Les deux essais diffèrent par le débit de gaz, qui n’est pas mesuré
quantitativement.
Figure II-29 : Immersion en l’absence de contrainte dans NaCl 0.5 M, pH=7, naturellement aérée à
potentiel libre.
82
2 Dispositif expérimental
d’aluminium présentés précédemment nous ont conduit à choisir un milieu corrosif peu agressif
pour nos essais, plus représentatif des conditions rencontrées en service. La solution corrosive
utilisée est une solution de chlorure de sodium 0.5 M (30 g de NaCl + 1 l d’eau purifiée)
naturellement aérée. Le pH est ajusté à 7 par ajout de quelques gouttes de soude. Comme nous
l’avons vu dans l’étude des mécanismes, le rôle de l’oxygène dans la corrosion localisée des
alliages d’aluminium est très important. Certains essais ont donc été réalisés en milieu désaéré. La
solution a été quantifiée (Figure II-28) : il faut moins de 12 minutes pour obtenir moins d’1 ppm
d’oxygène et moins d’une heure pour atteindre moins de 0.1 ppm avec un bullage important. Un
bullage modéré (100 bulles par minute) permet de maintenir ensuite le niveau d’oxygène à une
valeur inférieure à 0.1 ppm. Tous les essais sont réalisés à potentiel libre. Nous avons mesuré
de corrosion intergranulaire. La face exposée dans le milieu est le plan (TC, TL), c’est à dire que la
pénétration de la corrosion se fait dans le sens long (L), le plus sensible. Des cubes (1 cm3) sont
découpés dans le cœur de la tôle, enrobés, polis mécaniquement au papier P 1000 puis à la pâte
diamantée jusqu’au micron. L’interface résine/échantillon est protégée à l’aide d’un vernis
acrylique pour éviter la corrosion caverneuse. Les échantillons sont placés verticalement dans un
bécher (Figure II-29) et 100 ml de solution sont ajoutés pour une surface de 1 cm². A la fin de
l’essai, les échantillons sont rincés à l’acétone et maintenus dans un bain à ultrasons puis, pour
dissoudre les produits de corrosion, trempés 10 min dans une solution de nettoyage à 65°C
(17.5 ml H3PO4 + 5 g CrO3 complété avec de l’eau purifiée jusqu’à 1 l) [Liao, 1998]. Des
observations en micrographie optique avant et après nettoyage ont montré que ce traitement
83
Figure II-30 : Observation de la surface (TC,TL) en micrographie optique d’échantillons immergés pendant
Figure II-31 : Evolution de la fraction surfacique, du diamètre moyen en surface et de la densité des
piqûres en fonction de la durée d’immersion. La baisse de la densité est liée à la coalescence des piqûres en
surface.
84
3 Résultats
En observant au microscope optique la surface des échantillons immergés, nous avons constaté
la présence des deux types de corrosion localisée présentés précédemment, c’est à dire de la
pH=7 naturellement oxygénée s’amorcent sur les particules intermétalliques. On se trouve donc
dans le cas d’une piqûration induite par la présence d’hétérogénéités microstructurales. Les
3.1.1 Amorçage
Les essais d’immersion à potentiel libre en l’absence de contrainte montrent, en surface, des
piqûres alignées dans la direction TL dont la fraction surfacique augmente avec la durée
moyen des piqûres en surface et de la densité de piqûres a pu être réalisée par analyse d’image,
en seuillant les images numériques avec le logiciel ImageJ. La densité de piqûres évolue peu au
cours du temps, par contre la taille et par conséquent la fraction surfacique occupée par les
piqûres augmentent sensiblement avec la durée d’immersion (Figure II-31). Ceci peut s’expliquer
par la coalescence des piqûres de surface au cours du temps : leur nombre ne varie plus mais
leur diamètre augmente. Ainsi, le nombre de piqûres par unité de surface augmente rapidement
pour de faibles durées, puis diminue, alors que la fraction surfacique des piqûres augmente de
manière monotone.
Les piqûres s’amorcent sur les particules intermétalliques grossières (> 10 μm) décrites au
chapitre I. Suivant leur nature électrochimique, ce sont ces particules ou la matrice autour qui se
particules intermétalliques présentes dans la tôle de l’étude, nous avons réalisé des observations
en MEB et des analyses EDX des surfaces immergées dans la solution corrosive NaCl 0.5 M,
pH=7, à potentiel libre. Les observations (Figure II-32) confirment le comportement cathodique
85
Figure II-32 : Comportement électrochimique des précipités dans NaCl 0.5 M, pH=7, naturellement aérée, à
potentiel libre.
Figure II-33 : Analyse chimique par EDX des précipités arrondis après immersion dans NaCl 0.5 M, pH=7,
86
par rapport à la matrice des précipités irréguliers Al‐Cu‐Mn‐Fe : la matrice avoisinante est
dissoute. Les précipités arrondis Al‐Cu‐Mg quant à eux semblent anodiques par rapport à la
matrice qui les entoure : ils sont dissous. Les analyses EDX ont montré un enrichissement en
cuivre au niveau des particules arrondies Al‐Cu‐Mg (Figure II-33), sans permettre de déterminer
s’il s’est redéposé ou s’il ne s’est pas dissous. La présence de cuivre sur les particules Al‐Cu‐Mg
permet cependant de supposer qu’il s’agit de dissolution sélective. Si le cuivre s’était dissous et
redéposé, il aurait plutôt été réduit sur les particules cathodiques Al‐Cu‐Mn‐Fe. Les particules Al‐
3.1.2 Propagation
Les particules intermétalliques jouent un grand rôle, à la fois sur l’amorçage et sur la
Les piqûres sont plus profondes que larges. Ceci est dû au sens de pénétration de la corrosion.
Comme mentionné dans la bibliographie, les piqûres se propagent par dissolution progressive
des particules intermétalliques subsurfaciques. La figure II-34 présente une coupe d’une piqûre
La cinétique de piqûration dans le sens long a pu être établie en réalisant des coupes
piqûres en fonction de la durée d’immersion. Les points présentés sur le graphe (Figure II-36a)
ont été déterminés statistiquement (12 durées d’immersion différentes, 347 défauts observés).
Nous avons comparé nos résultats expérimentaux avec les modèles issus de la littérature
(Figure II-36b). La loi en puissance 1/3 semble bien adaptée aux temps courts alors que les
modèles tenant compte des clusters de particules semblent plus adaptés aux temps longs. Les
résultats expérimentaux montrent une grande variabilité. Cette disparité peut s’expliquer par la
variation de la taille initiale des particules en surface sur lesquelles s’amorcent les piqûres, par
des variations de la distribution en volume des particules (distance entre la particule de surface et
87
Figure II-34 : Coupe d’une piqûre après 10 mois d’immersion dans NaCl 0.5 M, à pH=7, naturellement
aérée à potentiel libre : la propagation de la piqûre suit les particules intermétalliques. Au fond de la
piqûre, les dernières cavités formées par la dissolution anodique des particules sont visibles.
a) b) c)
Figure II-35 : Piqûration et coalescence des piqûres dans le sens TC et L. L’orientation a) favorise la
formation de piqûres sévères étendues en surface, alors que la configuration b) (celle de notre étude)
favorise la formation de piqûres isolées et profondes, c) coupe polie montrant un alignement de précipités
88
a)
b)
Figure II-36 : a) Cinétiques de piqûration du 2024‐T351 dans le sens long dans NaCl 0.5 M, pH=7, à
potentiel libre, mesurées sur des échantillons immergés ; b) comparaison avec les différents modèles de
89
joints gravés
Figure II-37 : Observation du gravage intergranulaire sur la surface (TC,TL) en micrographie optique
d’échantillons immergés pendant 30 min, 1 h, 3 h et 7 h dans NaCl, 0.5 M, pH=7, à potentiel libre : 1 h
b) 7 h et c) 48 h d’immersion.
90
particules…) et/ou par des variations de la densité de courant cathodique qui dépend de la
Dans notre cas, la face immergée est perpendiculaire à la direction de laminage, les
des piqûres (Figure II-35) mais peuvent conduire parfois à des piqûres profondes pour des
cependant, pour des durées d’immersion plus faibles (< 1 mois), l’intensité de la dissolution est
l’endommagement. Par contre, les joints de grains apparaissent particulièrement actifs. Nous
durées d’immersion. En milieu naturellement oxygéné NaCl 0.5 M, pH=7 à potentiel libre
(≈ ‐650 mV), un sillon de corrosion intergranulaire est visible dès les premières heures
d’immersion (Figure II-37b). Une heure semble constituer la limite d’apparition de la corrosion
intergranulaire (Figure II-37a-d). En effet, suite à 1 h d’immersion, deux zones gravées ont été
observées sur une surface d’1 cm², alors qu’après 30 min d’immersion, sur une surface
comparable, aucun gravage intergranulaire n’a pu être détecté optiquement (Figure II-37a). Dans
les premiers instants de l’immersion, les piqûres ne semblent pas être un prérequis à la formation
des sillons intergranulaires. Des joints de grains gravés ont été observés en l’absence de toute
trace de piqûration.
91
a)
b)
Figure II-39: Observation en micrographie optique du halo formé sur la surface (TC,TL) a) après 12 h
d’immersion sans nettoyage chimique et b) après 14 jours d’immersion après nettoyage chimique (à droite).
92
L’observation en MEB‐FEG de la surface exposée montre qu’au tout début de la corrosion
La répartition des joints de grains gravés n’est pas homogène. Plusieurs joints de grains sont
gravés dans une même zone (Figure II-37c et 38b), la surface avoisinante ne présentant que des
piqûres. Après une certaine durée d’immersion, un halo circulaire se forme autour des zones de
corrosion intergranulaire (Figure II-39a). Ces halos sont souvent associés dans la littérature au
phénomène de piqûration et à la localisation des réactions anodiques et cathodiques sur des sites
localisées sur la surface extérieure du matériau produisent des ions OH‐ qui provoquent une
cathodique est localisée, entraînant la précipitation de Al(OH)3. Sous les dépôts d’oxyde, les zones
(cathodiques) sont peu attaquées. Dans notre cas, les halos sont systématiquement observés
autour des zones intergranulaires dissoutes. Ils semblent davantage liés aux défauts
intergranulaires qu’aux piqûres. Certes, lorsque les durées d’immersion sont importantes, les
piqûres envahissent toute la surface de l’échantillon. Il est alors impossible de dissocier les deux
phénomènes de corrosion localisée. Mais la formation des halos autour des zones de corrosion
intergranulaire témoigne d’une activité très intense de ces zones. Les piqûres participent
La morphologie typique d’un défaut de corrosion intergranulaire dans les premières heures de
l’immersion (7 h) a été caractérisée dans les trois dimensions : épaisseur, largeur, profondeur
grâce aux observations de la surface immergée (plan TL, TC), de coupes (plan TC, L) et du faciès
- Il s’étend sur quelques centaines de micromètres de large en surface (Figure II-40) et peut
93
Figure II-40 : Coupe transverse montrant des défauts de corrosion intergranulaire après 7 h d’immersion
dans NaCl 0.5 M, pH=7, à potentiel libre. La corrosion atteint une profondeur caractéristique de 200 μm.
profondeur sur épaisseur est particulièrement important, ce qui confère à ce défaut une capacité élevée de
Figure II-41 : Faciès de rupture après ouverture en traction d’une éprouvette immergée 7 h en l’absence de
contrainte appliquée dans NaCl 0.5 M, pH=7, à potentiel libre. Le défaut de corrosion intergranulaire a une
forme semi‐elliptique. Il atteint une profondeur caractéristique de 200 μm. Sa largeur (sens TL) vaut une
centaine de micromètres.
94
- Il atteint une profondeur moyenne de 200 μm au bout de seulement 7 h d’immersion
Le rapport profondeur sur épaisseur (Figure II-40) est remarquable : de l’ordre de 200 μm sur
50 nm, ce qui implique une capacité de confinement du milieu très forte dès les premiers
instants d’immersion.
En coupe, nous n’avons pas observé de corrosion feuilletante (déchaussement des joints de
grains), même pour des durées d’immersion très importantes. En premier lieu, l’absence de
corrosion feuilletante peut être due à la composition chimique du milieu, peu oxydant par
rapport aux milieux utilisés conventionnellement dans les études de corrosion feuilletante. Le
second facteur qui limite l’apparition de la corrosion feuilletante dans notre cas est l’orientation
dans le sens L : la pénétration se fait dans le sens de la profondeur plutôt qu’en surface. La
croissance latérale des défauts est limitée, ce qui rend difficile l’ouverture mécanique des joints de
grains suite au gonflement des produits de corrosion. En revanche, on peut penser que lorsque le
matériau sera soumis à une contrainte extérieure perpendiculaire au sens long, dans le sens
travers court de la tôle par exemple, la contrainte exacerbe l’effet de coin des produits de
heure) et les défauts obtenus après seulement quelques heures sont très profonds (200 μm en 7 h).
Ces premières informations peuvent paraître assez inquiétantes vis à vis de la tenue en service.
C’est pourquoi nous avons poussé plus avant la quantification de la cinétique de corrosion
intergranulaire. Cette cinétique va servir de référence pour la suite, notamment pour caractériser
la corrosion sous contrainte (Chapitre III) qui est très souvent de nature intergranulaire dans les
alliages d’aluminium.
95
Figure II-42 : Cinétique de corrosion intergranulaire en l’absence de contrainte appliquée du 2024 dans
NaCl 0.5 M, pH=7 à potentiel libre. Elle est très rapide aux premiers instants et conduit à la formation d’un
défaut moyen de 200 μm de profondeur en quelques heures, puis ensuite décroît très fortement. Chaque
Figure II-43 : Coupes transverses d’échantillons immergés dans NaCl 0.5 M, pH=7, pénétration de la
96
d’immersion (Figure II-42). Plusieurs méthodes ont été mises au point pour caractériser cette
cinétique.
- Des coupes transverses ont été réalisées sur des échantillons massifs. La profondeur est
- Des essais sur des éprouvettes minces corrodées, rincées, mises sous vide et rompues en
traction ont également été menés au laboratoire. L’observation post‐mortem des faciès de
- Enfin, une méthode de polissages successifs de la surface exposée en utilisant des empreintes
de dureté pour déterminer l’épaisseur de matière enlevée à chaque polissage a été mise en
La méthode de polissages successifs est très précise mais fastidieuse et peu adaptée à des
chaque polissage pour des empreintes de dureté de 50 μm. Les mesures sur les faciès de rupture
piqûre du sillon intergranulaire. De plus, nous ne pouvons écarter toute possibilité d’interaction
entre la corrosion intergranulaire et la traction, dans l’hypothèse d’un séchage incomplet du fond
Les valeurs présentées sur le graphe (Figure II-42) sont celles déterminées statistiquement
(347 défauts mesurés) par des observations optiques sur les coupes transverses d’échantillons
massifs. Chaque trait horizontal correspond à un défaut. Dans un premier temps, seul le sillon
Aucune trace de corrosion intergranulaire n’a été observée en milieu désoxygéné (carrés noirs
97
Figure II-44 : Multifissuration latérale après 18 mois d’immersion dans NaCl 0.5 M, pH=7, naturellement
Figure II-45 : Disparités des profondeurs de corrosion intergranulaire mesurées en fonction de la coupe
(plans bleus et oranges) : a) dans les premiers instants de l’immersion, sous‐estimation possible de la
98
Comme mentionné dans la bibliographie, la cinétique de dissolution des joints de grains dans
le sens travers court (symbolisée par des triangles bleus sur la figure II-42) est plus faible que
dans le sens long. Dans le sens travers court, les grains mesurent en moyenne 100 μm de
(Figure II-43b). Il semble que les nœuds triples et le changement de joint de grains constituent un
intergranulaire n’a pénétré au maximum que de 100 μm. Le sillon est très large, ce qui montre
que le phénomène est plus lent. Cependant, si on considère le « chemin » cumulé parcouru par la
corrosion et pas la profondeur maximale atteinte, à la manière de Robinson [Robinson, 1998] pour
tenir compte du facteur de forme des grains, le chemin parcouru par la corrosion est sensiblement
le même. Dans le sens travers court, le sillon se divise rapidement latéralement, ce qui freine sa
progression en profondeur.
La cinétique a été complètement caractérisée dans le sens long. Deux régimes de vitesses de
très rapide pendant les premières heures d’immersion : 200 μm en 7 h, puis un régime beaucoup
Ces résultats ne sont pas directement comparables avec ceux de la littérature. En effet, les
cinétiques de corrosion intergranulaire publiées dans la littérature ont été déterminées soit dans
un milieu fortement enrichi en oxydant avec H2O2 (Norme ASTM G110) à potentiel libre, soit à
potentiel imposé en milieu désaéré. Les cinétiques sont beaucoup élevées que celle déterminée
dans cette étude. Les études de corrosion localisée dans un milieu similaire à celui étudié ici se
Pour des durées d’immersion importantes, l’observation des coupes transverses a mis en
aux alentours de 200 μm quelque soit la durée d’immersion (Figure II-44). Cette profondeur a été
mesurée pour les essais courts en l’absence de piqûre et a été quasiment systématiquement
observée en avant des piqûres profondes pour les essais longs. Aucun sillon de plus de 200 μm de
99
Figure II-46 : Etapes de la corrosion intergranulaire. Le sillon fin (a) est obtenu au bout de quelques
heures d’immersion. Il s’épaissit ensuite pour former un défaut plus « macroscopique », assimilable à une
entaille (200 μm x 80 μm) (e), elle même susceptible d’être prolongée par un nouveau sillon
intergranulaire (f).
100
Une grande dispersion dans les résultats peut‐être signalée. Ceci peut s’expliquer par la
(Figure II-45a), la profondeur est dans ce cas sous‐estimée. De plus, nous n’avons représenté sur
le graphe que la profondeur du sillon intergranulaire sans tenir compte de la piqûration. Pour les
immersions longues, des piqûres se développent en arrière du sillon fin. Le développement des
piqûres se faisant en 3D, suivant la coupe, la répartition entre sillon intergranulaire et piqûration
sera différente (Figure II-45b). La longueur du sillon intergranulaire est en général sur‐estimée.
Néanmoins, nous estimons que le nombre de défauts observés permet de donner une
1) La première étape consiste en la formation en quelques heures d’un sillon profond très
fin : 200 μm de profondeur sur quelques dizaines de nanomètres d’épaisseur (Figure II-46a).
est généralement attribué à la présence d’une zone dénudée en cuivre (§ 1.2.1). L’existence
2) Dans la deuxième étape (53 h d’immersion, Figure II-46b), le sillon s’épaissit sans toutefois
n’importe où sur le sillon fin. Les zones épaissies peuvent être corrélées avec la présence de
phénomènes de piqûration. Des piqûres se développent le long du sillon fin. Comme dans
101
4) Après quelques centaines d’heures, le défaut devient « macroscopique » : quelques dizaines
voire quelques centaines de micromètres (Figure II-46d) et s’étend latéralement sur plusieurs
grains. Les « piqûres » se sont développées et ont coalescé dans les 3 dimensions par
matrice, formant ainsi une « piqûre » sévère. Le défaut n’a toujours pas progressé en
arrière du sillon fin. Il résulte aussi bien de la dissolution anodique des particules
5) Dans la dernière étape, la piqûre sévère s’étend sur toute la profondeur du sillon initial de
corrosion intergranulaire (Figure II-46e). Elle s’est développée latéralement permettant ainsi
Pour des durées d’immersion très longues (18 mois), la corrosion intergranulaire peut
L’observation du sillon fin en avant des piqûres sévères n’est pas systématique. On peut
penser que le « redéveloppement » de ce sillon fin est soumis à différentes conditions comme le
fait qu’un joint de grains doive émerger en fond de piqûre, que la piqûre sévère doive s’être
Pour chaque défaut, la vitesse de corrosion intergranulaire entre l’étape 1 et l’étape 4 est nulle.
102
4 Discussion
Nous proposons ici une interprétation du mécanisme de corrosion intergranulaire en termes
basé sur l’existence d’une zone anodique appauvrie en cuivre au voisinage du joint de grains
[Galvele, 1970] [Guillaumin, 1999] [Sugimoto, 1975] [Urushino, 1979] [Ketcham, 1963]
[Muller, 1977].
A l’état T351, la zone dénudée nanométrique est très difficile à observer directement. Une
seule publication fait état de cette zone dénudée en cuivre dans le cas d’absence de précipitation
[Guillaumin, 1999] : une zone de 20 nm de part et d’autre du joint de grains qui ne contient que
3% de cuivre par rapport à la matrice qui en contient 4%. Dans notre cas, des précipités
intergranulaires riches en cuivre ont pu être observés en MET (Chapitre I) mais pas la zone
appauvrie le long du joint de grains. Une preuve indirecte est donnée par la figure II-47 obtenue
au laboratoire. Elle montre un joint de grains dans une lame MET après 30 s d’immersion dans la
solution NaCl 0.5 M : la dissolution a lieu préférentiellement dans la zone au voisinage immédiat
du précipité.
Afin de déterminer des caractéristiques communes aux joints de grains gravés en termes
d’orientation cristallographique, une étude systématique en EBSD des joints gravés a été
conduite. Cependant, les cartographies EBSD des coupes des échantillons gravés n’ont pas
intergranulaire est très rapide dans les premières heures d’immersion : 200 μm en 7 h
ralentissement.
103
Figure II-47 : Attaque intergranulaire observée en MET après 30 s de corrosion d’une lame mince dans
NaCl 0.5 M. Un précipité intergranulaire semble protégé (cathodique). Le sillon de dissolution suit
104
- Des paramètres microstructuraux et notamment la morphologie des grains peuvent
moyenne. Dans le sens long, l’arrêt de la corrosion intergranulaire correspondrait alors à la fin
plusieurs joints de grains. Deux hypothèses peuvent être formulées : soit la corrosion
intergranulaire s’arrête car les grains voisins ne sont pas de bons candidats du point de vue de
dénudée en cuivre…), le sillon va alors s’élargir sans progresser en profondeur ; soit elle
donne l’impression de ralentir car elle se partage entre plusieurs joints de grains. Pour
grains, à franchir un nœud triple, ou l’effet d’une précipitation intergranulaire différente d’un
joint de grains à un autre, on peut reprendre les essais de corrosion intergranulaire réalisés de
façon à faire pénétrer la corrosion dans le sens travers court (TC) avec une « profondeur » de
grain de l’ordre de 100 μm. Lorsque la propagation a lieu dans le sens long, les grains sont
millimétriques, il est donc rare de rencontrer une barrière microstructurale dans les 150 μm
gravés. Le gravage ne concerne le plus souvent qu’un seul grain. Dans le sens TC, nous avons
microstructure n’est donc pas une barrière infranchissable (Figure II-46). De même, dans le
plan de la surface immergée, le gravage intergranulaire est restreint à des zones d’étendue
limitée. A l’intérieur de chacun de ces halos (Figure II-39), plusieurs joints sont gravés. Il n’y a
pas de barrière microstructurale mais plutôt une « barrière électrochimique » au niveau des
surface est liée à la formation des halos et à la protection cathodique des zones entourant le
défaut. De plus, les analyses EBSD n’ont pas mis en évidence d’orientation particulière des
grains de part et d’autre des joints gravés. L’hypothèse d’une barrière microstructurale est
[Foley, 1986].
105
a)
b)
Figure II-48 : a) Schéma des différentes morphologies de défauts, b) calcul du facteur d’intensité des
contraintes pour chacune de ces morphologies en fonction de la longueur de fissure [Tinnes, 2004].
106
L’oxygène est nécessaire à la corrosion intergranulaire (Figure II-20). Des essais de
désoxygénation ont été menés pour déterminer le rôle de l’oxygène dans la corrosion
observée en milieu désoxygéné NaCl 0.5 M, pH=7, à potentiel libre (E ≈ ‐950 mV). Le manque
corrosion intergranulaire publiées dans la littérature ont été déterminées soit à potentiel libre
dans un milieu enrichi en oxydant avec H2O2 [Norme ASTM G110], soit à potentiel imposé en
milieu désaéré. Les cinétiques sont bien plus élevées que celles déterminées dans cette étude.
présent que le sillon fin de corrosion. Nous avons vu que cette profondeur saturait rapidement, et
que la progression ultérieure de cette corrosion était liée au développement d’un défaut plus
large (piqûre ou extension latérale de la corrosion à l’intérieur des grains) en aval du sillon.
Cependant, si l’on s’intéresse à la nocivité mécanique de ce type de défaut, par exemple du point
de vue du développement d’une fissure de fatigue, c’est la profondeur totale (piqûre + corrosion
intergranulaire) qui doit être prise en compte. En effet, le facteur d’intensité des contraintes
associé à une fissure fine débouchante d’une entaille de rayon fini n’est affecté par cette dernière
que lorsque la profondeur de la fissure fine n’excède pas le rayon de l’entaille. Pour des
profondeurs plus importantes, l’ensemble « entaille + fissure » équivaut à une fissure fine de
même profondeur totale débouchante en surface : le fond de fissure ne « voit » plus l’entaille en
retrait. Ce résultat a été confirmé numériquement par Tinnes dans une caractérisation mécanique
De plus, comme nous l’avons mentionné (Figure II-45b) la méthode de mesure sur coupes
façon claire. La corrosion intergranulaire s’étend en 3D, sur une coupe il est possible que seul le
107
sillon intergranulaire soit visible alors que ce sillon a été alimenté en solution non pas par la
Dans notre modèle, le défaut de corrosion intergranulaire se développe avec une cinétique
La cinétique globale de l’endommagement en corrosion doit donc tenir compte des deux
arrière du sillon fin qui résulte aussi bien de la dissolution anodique des particules
de corrosion au cours du temps peut donc être déterminée en combinant les deux cinétiques
précédemment caractérisées.
La cinétique de piqûration peut être ici légèrement modifiée par la présence du sillon fin
intergranulaire. Ce sillon facilite l’exposition des particules subsurfaciques et peut conduire à une
vitesse un peu plus importante. Dans l’exemple ci contre (Figure II-49), nous avons considéré la
cinétique moyenne de piqûration modélisée à partir des résultats expérimentaux (courbe noire) à
laquelle nous ajoutons la corrosion intergranulaire par avancée discontinue de 200 μm. La courbe
108
CONCLUSION
L’alliage commercial d’aluminium 2024 traité thermiquement à l’état T351, immergé dans une
solution NaCl 0.5 M, pH=7, à potentiel libre naturellement aérée, est sensible à deux types de
Les piqûres s’amorcent sur les nombreuses particules intermétalliques présentes dans
intermétalliques en volume. Ceci est à l’origine d’une grande dispersion des résultats et d’une
corrosion. Lorsque la corrosion pénètre dans le sens long, les particules ne conduisent pas à des
piqûres sévères coalesçant en surface mais peuvent conduire parfois à des piqûres profondes et
étroites pour des durées d’immersion très longues : 1.5 mm en 18 mois d’immersion. La plupart
du temps cependant, pour des durées d’immersion plus courtes (<1 mois), l’intensité de la
présence d’une zone dénudée en cuivre le long du joint de grains. Cette zone très fine (≈20 nm) a
été mise en évidence de façon indirecte en observant l’amincissement des zones adjacentes aux
joints de grains sur des lames minces en MET après une immersion brève dans la solution
corrosive.
d’immersion dans NaCl 0.5 M, pH=7, à potentiel libre, naturellement oxygéné, un défaut semi‐
elliptique de 150 à 250 μm de profondeur sur 100 à 200 μm de large et seulement quelques
heure d’immersion. Deux régimes de propagation ont été mis en évidence avec une chute de la
vitesse d’un ordre de grandeur après quelques heures d’immersion. La corrosion intergranulaire
est très rapide, de l’ordre de 30 μm/h dans les 7 premières heures d’immersion, puis ralentit
109
fortement. Ce changement de cinétique est sans doute dû à l’appauvrissement en oxygène dans
le sillon. Aucune trace de corrosion intergranulaire n’a été observée en milieu désoxygéné.
premiers instants de l’immersion, les deux phénomènes agissent ensemble pour créer des défauts
très fin s’épaissit pour former une piqûre. Lorsque cette dernière atteint une dimension suffisante,
des piqûres profondes. Une cinétique complète de corrosion localisée prenant en compte les
deux aspects (formation d’un sillon intergranulaire et propagation de piqûres profondes) est
déterminée. Cette cinétique globale suit deux régimes : une cinétique rapide de corrosion
intergranulaire dans les 7 premières heures : 30 μm/h puis un régime de piqûration : 0.06 μm/h
La majorité des travaux publiés sur la corrosion localisée de l’alliage 2024 se focalise sur la
piqûration sévère à partir des particules intermétalliques, qui apparaît notamment lors d’essais
de corrosion accélérés. Nous avons ici développé une méthodologie adaptée à l’étude
quantitative des sillons fins de corrosion intergranulaire formés en milieu modérément oxydant.
Les deux chapitres suivants montrent l’importance de ces défauts du point de vue de
fonction de la durée d’immersion. Ces défauts constituent autant de sites d’amorçage possibles
pour les fissures de corrosion sous contrainte (Chapitre III), de fatigue et de fatigue corrosion
considérer qu’un défaut semi‐elliptique très fin a une durée de vie suffisante pour constituer
une amorce pour une fissure de CSC ou de FC. Nous allons donc, dans un premier temps,
défauts de corrosion localisée de taille plus importante est étudiée par la suite avec des essais sur
110
éprouvettes micro‐entaillées et des éprouvettes compactes de traction afin de balayer toute la
111
112
CHAPITRE III
113
SOMMAIRE
INTRODUCTION ……………..…………………………..…………………………………...113
3 Résultats ……………………………………………………………………………………..143
3.1 Effet macroscopique du milieu …………………………………………………….143
3.1.1 Effet du pH …………………………………………………………………..143
3.1.2 Effet de la concentration en chlorures ……………………………………145
3.2 Effet de la contrainte sur la corrosion intergranulaire ………….……..…………147
3.2.1 Nature de la fissuration en CSC …………………………………………..147
3.2.2 Morphologie des fissures de CSC ………………………………………...147
3.2.3 Profondeur …………………………………………………………………..149
3.2.4 Cinétique …………………………………………………………………….151
4 Discussion ……………………………………………………………………………………155
4.1 Calcul du facteur d’intensité des contraintes K ………………………………….155
4.2 Ralentissement de la CSC …………………………………………………………163
4.3 Courbes da/dt=f(K) ...........................................................................................165
4.4 Mécanisme mis en jeu ……………………………………………………………...167
4.4.1 Fragilisation assistée par l’hydrogène ……………………………………167
4.4.2 Dissolution anodique ……………………………………………………….169
CONCLUSION ………………..…………………………..……………………………..…….170
114
INTRODUCTION
Après l’étude des interactions matériau/environnement corrosif dans le deuxième volet, ce
chapitre constitue la troisième étape de la démarche suivie pour étudier l’effet d’un milieu
corrosif sur la tenue mécanique de l’alliage 2024‐T351, depuis la corrosion de surface jusqu’à la
fatigue corrosion. L’objet de ce chapitre est d’étudier la corrosion sous contrainte (CSC) de
l’alliage 2024‐T351, c’est à dire l’action conjointe d’un environnement corrosif et d’une
chapitre II. En effet, il n’existe pas de milieu dans lequel tous les matériaux soient sensibles à la
CSC, même si la présence de certaines espèces comme les chlorures facilite le phénomène. De
même, un matériau peut fissurer dans différents types d’environnements mais suivant des
mécanismes très différents. L’objectif de ce chapitre est de comprendre les différentes étapes de
Les fissures de CSC peuvent engendrer des ruptures prématurées de pièces en service et
peuvent servir de sites d’amorçage aux fissures de fatigue corrosion. De plus, fatigue corrosion et
corrosion sous contrainte peuvent opérer suivant les mêmes mécanismes d’endommagement.
C’est pourquoi il est important d’identifier ce phénomène, d’en quantifier la cinétique et d’en
1) Identifier les phénomènes de CSC intervenant sur le 2024‐T351 : comment passe t’on d’un
défaut de corrosion localisée à une fissure de corrosion sous contrainte ? y a t’il continuité
évidence ?
115
Dans ce troisième chapitre, les principaux résultats de la bibliographie concernant la corrosion
sous contrainte et les mécanismes communément proposés pour la décrire sont tout d’abord
présentés. Les enjeux et la complexité du phénomène sont évoqués. La phase d’amorçage d’une
fissure de CSC est décrite en faisant le lien avec le chapitre II et en introduisant la notion de défaut
critique de surface pour expliquer la transition entre le défaut de corrosion localisée et la fissure
Les différentes techniques expérimentales mises en œuvre dans cette étude sont décrites.
Trois types d’essais ont été réalisés : des essais de traction lente sur éprouvettes lisses, sur
éprouvettes lisses pré‐corrodées et sur éprouvettes entaillées. Une méthode de suivi de fissure a
Les résultats obtenus sur le 2024‐T351 sont ensuite présentés puis discutés. L’effet
concentration en chlorures sur les propriétés mécaniques. L’effet de la contrainte est ensuite
détaillé en décrivant la nature des fissures de CSC, leur morphologie et leur profondeur. Une
cinétique moyenne est donnée puis affinée avec des essais instrumentés par la méthode de suivi
électrique. La notion de facteur d’intensité des contraintes (K) est introduite pour expliquer la
116
1 Présentation générale de la corrosion sous contrainte et
des mécanismes associés
Par définition, le terme « corrosion sous contrainte (CSC) » s’applique lorsqu’un matériau
monotones, subit une fissuration qui se différencie d’une rupture mécanique pure
[Desjardins, 1990]. Ce phénomène synergique (Figure III-1) cause des dommages bien plus
néfastes que ceux occasionnés par l’application indépendante ou successive de cet environnement
et de cette sollicitation.
la fissuration par CSC est la cause de ruptures prématurées de pièces en service. Ce phénomène
de croître avec les conditions sévères d’utilisation exigées par les industries modernes. De plus,
dans le cadre de cette étude sur la fatigue corrosion, CSC et fatigue corrosion sont souvent
associés aux mêmes mécanismes d’endommagement. En effet, ces deux phénomènes font appel
Le phénomène de CSC est gouverné par l’action conjointe de trois éléments (Figure III-2) : le
matériau, le milieu environnant et la déformation plastique. Pour avoir CSC, il faut une
triple interaction rend le phénomène difficile à modéliser et à prévoir. Il est en effet difficile de
préciser le rôle de chaque paramètre sur le processus global de fissuration. Même si des
Depuis les années 70, des efforts ont été fournis pour essayer de séparer la CSC en deux
CSC nous permet de faire le lien avec le chapitre précédent sur la corrosion localisée (Chapitre II).
Les notions de défaut critique de surface et de fissures courtes sont introduites pour expliquer la
transition entre les défauts de corrosion localisée et les fissures de CSC. La phase d’amorçage
117
Figure III-1 : Schéma représentant l’aspect synergique de la corrosion sous contrainte (CSC).
118
étant très souvent associée à une cinétique lente (dissolution anodique, multifissuration), la
plupart des études en CSC se sont focalisées sur la propagation des fissures qualifiées de fissures
« longues » dont la cinétique, en général élevée, est préoccupante pour l’avionneur. La phase de
propagation fait appel à des phénomènes physiques différents basés sur les interactions corrosion
corrosion sous contrainte dans les alliages d’aluminium : la dissolution anodique assistée par la
1.1 Amorçage
Comme pour la corrosion localisée présentée au chapitre II, l’amorçage d’une fissure de CSC
peut être divisé en plusieurs étapes : la rupture du film passif et la formation d’un défaut. Deux
soit par dissolution anodique des particules intermétalliques insolubles présentes dans les
anodique des zones appauvries en éléments de soluté le long des joints de grains par un
rupture du film par émergence des bandes de glissement ou par localisation de la déformation
au niveau des points faibles, par exemple les zones sans précipités au voisinage des joints de
grains.
Ces deux types d’amorçage, purement électrochimique et assisté par la déformation plastique
sensibles à la corrosion localisée – c’est le cas des alliages de la familles des 2xxx (Chapitre II) ‐ la
plastique sera donc mineure sur cette phase. Ceci sera repris au début de la discussion.
119
Figure III-3 : Ensemble de réactions intervenant dans la formation du défaut critique.
Figure III-4 : Schéma d’un défaut critique formé par dissolution anodique localisée au voisinage d’une
120
L’amorçage n’est pas l’étape limitante dans le cas du 2024‐T351. L’objectif est ici d’introduire
une notion de tolérance à l’endommagement pour déterminer la nocivité des défauts de corrosion
fissures ?
l’apparition d’une fissure peut s’expliquer soit par la formation d’un environnement chimique
soit par une concentration de contraintes due à la géométrie du défaut de corrosion localisée, soit
par l’exposition de nouveaux chemins préférentiels de dissolution, soit par une action combinée
des trois phénomènes. Pour décrire la transition entre le défaut de corrosion localisée et les
fissures courtes de CSC, la notion de défaut critique a été introduite par Najjar dans le cas des
alliages 7xxx (Figure III-3 et 4) [Najjar, 1997]. Dans ces alliages, l’amorçage se fait par un
fragilisation par l’hydrogène. Lorsque l’échantillon est polarisé cathodiquement dès le début de
l’essai, l’amorçage d’une fissure de CSC n’a pas lieu. L’endommagement est plus faible à
potentiel cathodique qu’à potentiel libre. Par contre, si on laisse le défaut s’amorcer à potentiel
libre par un processus anodique et que l’on polarise seulement ensuite l’échantillon, la
propagation des fissures est plus rapide, par un mécanisme de fragilisation par l’hydrogène.
Dans le cas des alliages 7xxx, la dissolution anodique est nécessaire à l’amorçage des fissures
Une fois que les fissures courtes se sont amorcées à partir des différents sites de corrosion
localisée géométriquement séparés, elles peuvent se propager, puis coalescer pour former une
fissure principale, dite fissure « longue », qui peut accélérer ou ralentir suivant le matériau,
l’environnement et les conditions de chargement. Les différentes étapes de la CSC sont résumées
121
Figure III-5 : Récapitulatif des différentes étapes de la CSC.
Figure III-6 : Les deux mécanismes communément admis pour expliquer la propagation d’une fissure de
hydrogène/plasticité.
122
sur la figure III-5. La suite présente les deux mécanismes communément évoqués pour décrire la
l’hydrogène. Les différents modèles proposés dans la littérature sont détaillés dans chacun des
cas.
mécanismes qui se différencient la plupart du temps de l’amorçage initial sur éprouvette lisse.
Deux mécanismes sont généralement évoqués pour expliquer la propagation des fissures de
corrosion sous contrainte dans les alliages d’aluminium : la dissolution anodique assistée par la
anodique et la fragilisation par l’hydrogène sont considérées par la majorité des auteurs comme
mutuellement exclusives.
Jusque dans les années 80, beaucoup d’auteurs évoquaient seulement la dissolution anodique,
ignorant les travaux sur les effets de l’hydrogène [Holroyd, 1989]. Depuis, les choses ont un peu
évolué. Concernant les alliages de la famille des 7xxx, l’intervention de la fragilisation par
l’hydrogène dans le mécanisme de propagation des fissures de CSC est bien établi
[Holroyd, 1989] [Gruhl, 1984] [Gest, 1974]. Plus récemment, Jones a montré, dans le cas d’un
alliage 5xxx avec une précipitation intergranulaire discontinue, que la dissolution anodique des
précipités Al3Mg2 génère de l’hydrogène capable de fragiliser les joints de grains et de conduire à
Dans la suite, les deux mécanismes sont décrits dans le cas général des alliages d’aluminium,
en précisant les principaux résultats de la littérature concernant les alliages de la famille des 2xxx
proposés pour tenter d’expliquer la fissuration par CSC. Même si certains modèles avaient à
l’origine l’ambition de décrire l’ensemble des cas de CSC, il apparaît aujourd’hui que cette
123
Figure III-7 : Mécanisme électrochimique de DIX.
124
Dans la suite, les modèles sont classés en fonction du mécanisme prépondérant : dissolution
anodique ou fragilisation assistée par l’hydrogène. Les modèles faisant intervenir les interactions
A la réaction anodique M → Mn+ + ne‐ (Eq. 1), sont associés des modèles basés sur la
base de tous ces mécanismes de propagation résulte dans le fait que la dissolution anodique en
pointe de fissure est plus importante que sur les lèvres de la fissure de façon à éviter
l’émoussement de cette dernière. Ceci peut être réalisé si les lèvres de la fissure sont passivées par
la formation d’une couche d’oxyde ou de couches de sels. Dans le cas des mécanismes basés sur
la dissolution anodique, la rupture est intergranulaire. Deux modèles sont uniquement basés sur
Dans ce modèle, le terme de CSC peut être défini comme étant une corrosion localisée le long
intergranulaires, zone dénudée en précipité) qui localisent la corrosion. Cette corrosion localisée
forme un défaut mécanique qui favorise la concentration de contraintes en fond de fissure. Ceci
localise encore et intensifie la dissolution en fond de fissure. Ainsi, la vitesse de propagation est
nettement plus élevée que celle obtenue par un simple enlèvement de matière en l’absence de
contrainte. Dans le modèle de Dix, le rôle de la contrainte est juste d’exacerber la dissolution le
long du chemin préférentiel rendu sensible par la microstructure. C’est un processus continu.
Provoquée par la dissolution anodique de matière au voisinage des joints de grains, la sensibilité
125
Figure III-8 : Corrélation entre les paramètres fondamentaux contrôlant le slip dissolution model
environnement, microstructure) connus pour intervenir dans la CSC des matériaux ductiles dans des
Figure III-9 : Schéma des différentes étapes du modèle de Ford : principe de propagation par séquences
« rupture du film/dissolution/repassivation ».
126
1.3.1.2 Modèle de Ford : dissolution anodique accélérée par la rupture du film
(Slip Dissolution Model)
Les paramètres fondamentaux contrôlant le slip dissolution model sont présentés sur la
figure III-8 en association avec les paramètres phénoménologiques [Ford, 1992]. Ce modèle,
développé dans les années 70, s’applique aux matériaux passifs dans le milieu considéré. Il est
plastique entraîne une rupture localisée du film passif en fond de fissure par l’émergence des
bandes de glissement. La zone mise à nu s’oxyde, la fissure avance par enlèvement de matière. Le
film se reforme et le mécanisme peut recommencer (Figure III-9). L’avancée de la fissure dépend
M Q M ε
V= = Q (Eq. 6)
nρ F t f nρ F ε f
modèle que les paramètres qui gouvernent l’avancée de la fissure sont la vitesse de déformation
Mêmes si ces paramètres sont difficiles à déterminer à cause de leur caractère extrêmement
localisé, il n’en demeure pas moins qu’une bonne corrélation a pu être mise en évidence
permettent pas d’expliquer les faciès de rupture fragile d’apparence cristallographique lorsque la
fissuration est transgranulaire. Pour combler cette lacune, d’autres modèles ont considéré les
dissolution sélective d’un film fragile [Sieradzki, 1985], un modèle basé sur la mobilité de
surface des atomes [Galvele, 1993] et un modèle faisant intervenir les lacunes [Jones, 1996].
127
Figure III-10 : Effet de la température sur la vitesse de propagation des fissures de CSC dans l’alliage 2014
dans l’eau. Les carrés présentent les résultats expérimentaux de CSC et la droite, la cinétique de corrosion
128
1.3.1.3 Cas des alliages de la famille des 2xxx : arguments en faveur d’un
mécanisme de dissolution anodique accélérée et localisée par l’application d’une
contrainte
souvent évoqué dans le cas des alliages 2xxx. Plusieurs résultats expérimentaux publiés dans la
littérature en témoignent.
- Les alliages de la famille des 2xxx sont sensibles à la corrosion intergranulaire en l’absence de
contrainte appliquée [Reboul, 1992]. Ceci a été détaillé dans le chapitre II.
intergranulaire ont été observées [Reboul, 1992]. Selon Gruhl, les 2xxx ne sont pas vraiment
sensibles à la CSC mais plutôt à la corrosion intergranulaire qui peut intervenir en l’absence de
contrainte mais qui est accélérée par la contrainte [Burleigh, 1991]. Colvin a cependant observé
isolés en l’absence de contrainte, il observe une fissure fine bien définie en CSC
[Burleigh, 1991].
température a été mise en évidence avec un facteur 10 entre les deux vitesses (Figure III-10)
[Vogt, 1998]. La même énergie d’activation a été déterminée pour la corrosion intergranulaire
- Une désensibilisation des alliages de la famille des 2xxx par des traitements thermiques a été
observée. La CSC serait contrôlée par la différence de potentiel entre la matrice et les joints de
dissolution anodique [Reboul, 1992]. Ces alliages sont sensibles à la CSC pour des vitesses de
trempe faibles ou des conditions de sous‐revenu (Figure III-11). Ceci rappelle bien
évidemment les conditions pour lesquelles l’alliage est sensible à la corrosion intergranulaire
(Chapitre II). Mais ceci peut également s’expliquer sous l’angle de la plasticité, c’est à dire des
est d’autant plus importante que le glissement est plan. La planéité du glissement est fonction
129
Figure III-11 : Evolution de la dureté et de la résistance à la CSC durant le revenu d’alliages d’aluminium
à durcissement structural.
Figure III-12 : Effet du facteur d’intensité des contraintes sur la vitesse de propagation en CSC de l’alliage
2014 immergé deux fois par jour dans NaCl 3.5%. Les carrés sont les valeurs expérimentales et la courbe, les
130
(zones GPB, Al2Cu, Al2CuMg) avec la matrice. Les zones GPB présentes au début de la
réaction de précipitation sont cohérentes avec la matrice et sont facilement cisaillables par les
de grains. Dans ce cas, la rupture intergranulaire peut être attribuée aux concentrations de
degré de cohérence entre la matrice et les précipités intragranulaires formés diminue. Ces
précipités sont alors contournés par les dislocations, ce qui rend la déformation homogène et
fonction du facteur d’intensité des contraintes pour les alliages 2014 et 7022 immergés deux
fois par jour dans NaCl 3.5%. Ils comparent leurs valeurs expérimentales avec différents
Gerberich pour l’hydrogène interne. Dans le cas du 2014, le modèle de Shoji basé sur la
(Figure III-12). Le modèle de Galvele quant à lui ne correspond pas aux mesures de vitesse
[Vogt, 1998].
- Izu et al. ont montré que le temps à rupture pour un alliage 2017 dépendait de la densité de
courant appliquée et pas de la contrainte appliquée. Ils concluent que le facteur contrôlant la
- Enfin, un autre argument en faveur d’un mécanisme de dissolution anodique assistée par la
contrainte est l’absence de fissuration dans l’eau distillée des alliages 2001 [Reboul, 1992]. Il est
en effet connu sur les alliages 7xxx que, si la précipitation intergranulaire s’y prête, il peut y
avoir fragilisation par l’hydrogène produit par la corrosion en présence de vapeur d’eau,
même si cette dernière reste limitée au premier grain sous la surface [Holroyd, 1989]. La
nécessité d’avoir des ions chlorures va à l’encontre d’un mécanisme de fragilisation par
l’hydrogène.
131
132
Ces nombreuses études sur les alliages 2xxx relient le mécanisme de CSC à des données
est retenue la plupart du temps comme mécanisme de propagation des fissures de CSC pour
les alliages de la famille des 2xxx, la phase dissoute pouvant être une zone dénudée le long du
joint de grains, le joint de grains ou les précipités intergranulaires. Cette attaque intergranulaire
peut avoir lieu avec ou sans contrainte. D’autres modèles de CSC basés sur les effets de
évoqués dans le cas des alliages 2xxx. Dans la suite, ces mécanismes sont tout d’abord présentés
de façon général pour les alliages d’aluminium, puis plus spécifiquement pour les alliages 2xxx.
A la réaction cathodique de réduction du proton 2H+ + 2 e‐ → H2 (Eq. 7), sont associés des
mécanismes basés sur les effets de l’hydrogène. L’effet de l’hydrogène dans les mécanismes de
corrosion sous contrainte dans les alliages d’aluminium a longtemps été rejeté pour deux raisons.
Tout d’abord, l’aluminium ne peut être fragilisé en présence d’hydrogène sec, même sous de très
sont, à première vue, trop faibles par rapport aux vitesses de propagation des fissures.
Pourtant, depuis les années 70, de nombreuses preuves expérimentales, en particulier pour les
fragilisation par l’hydrogène. En effet, l’apparence fragile des faciès de rupture de CSC pour
divers systèmes où le matériau étudié, de structure cubique à faces centrées est ductile en
sollicitation mécanique appliquée est monotone ne peuvent être expliquées seulement par un
mécanisme de dissolution anodique. De plus, des tests ont montré que l’hydrogène produit
pendant le processus de corrosion peut finalement diffuser dans le matériau à des vitesses
importantes par des mécanismes de transport détaillés dans la suite, puis être piégé et se
concentrer localement sur les défauts microstructuraux du matériau. Dans ce type de mécanisme,
133
Figure III-13 : Tube creux conçu par Ratke et Gruhl pour montrer la propagation d’une fissure à partir
d’une entaille sur la surface extérieure du tube, le milieu étant contenu dans le tube d’après [Gruhl, 1984].
134
étapes sont nécessaires au mécanisme de fragilisation par l’hydrogène : production, entrée,
- Tout d’abord, les H+ se forment lors de l’hydrolyse des cations aluminium mis en solution en
fond de fissure (Eq. 3). Ils sont ensuite adsorbés sur le métal nu au cours de la réduction
H+ + e‐ → Hads (Eq. 8)
La réduction des protons est en compétition avec la réduction de l’oxygène (Eq. 2). La
réduction de l’hydrogène à la surface du métal est possible dès que des traces d’eau sont
majoritaire, l’oxygène étant absent en fond de fissure et son transport étant ralenti par la
reprend le dessus. La réduction de l’hydrogène est également favorisée par l’application d’un
potentiel cathodique. Cette réaction est l’étape limitante lorsque le milieu est peu corrosif (eau,
d’autant plus marqué qu’il est facilité par la destruction locale du film protecteur par la
déformation plastique.
- L’hydrogène ainsi adsorbé est pour partie absorbé par le métal et pour partie, se recombine
sous forme d’hydrogène gazeux suivant les réactions (Eq. 9) et (Eq. 10).
- L’hydrogène doit alors être transporté. L’expérience de Gruhl montre que l’hydrogène est
capable de fragiliser les joints de grains loin de la surface où il est produit [Gruhl, 1984]. Dans
cette expérience, l’hydrogène est produit sur la surface interne du métal en contact avec la
solution corrosive (Figure III-13). Il diffuse vers le fond de l’entaille située sur la surface
135
externe en contact avec l’air et le fragilise. La fissure se propage finalement sous l’effet de la
contrainte. L’hydrogène peut être transporté par diffusion sous contrainte en interstitiel, par
diffusion intergranulaire ou par les dislocations. Bond et al. ont constaté in situ au MET sur de
dislocations [Bond, 1987]. Chene et al. constatent que la zone fragilisée lors d’un chargement
cathodique sur un 7075 sous‐revenu est beaucoup plus étendue que ce qu’ils avaient prédit en
transport de l’hydrogène facilité par les dislocations ou bien à une perméation préférentielle
de l’hydrogène le long des joints de grains [Chene, 1990]. La diffusion de l’hydrogène dans les
joints de grains est l’étape limitante lorsque la production d’hydrogène est facile (milieu très
corrodés).
- L’hydrogène est ensuite piégé. Chene et al., en faisant varier les conditions de chargement,
constatent que la concentration en hydrogène est plus importante lors d’un chargement à
température ambiante que lors d’un chargement à 120°C alors que la diffusivité et la
profondeur de pénétration de l’hydrogène sont multipliées par 100. Ils proposent alors la
formation d’une phase hybride, comme piège de l’hydrogène, phase qui ne serait pas stable à
haute température. Les précipités Al2CuMg seraient également des sites d’interaction
Les mécanismes de fragilisation assistée par l’hydrogène peuvent être classés en trois
136
Cas des alliages de la famille des 2xxx : arguments en faveur d’un mécanisme
de fragilisation assistée par l’hydrogène
Dans le cas des alliages de la famille des 2xxx, il est souvent proposé que le mécanisme
contrôlant la CSC des 2xxx soit la dissolution anodique accélérée et localisée par l’application
intéressées à l’effet de l’hydrogène dans ces alliages. Nous présentons ici les principaux résultats.
- Hardwick et al sont parvenus à fragiliser le 2124 (2024 avec une teneur plus faible en Fe et en
Si) par l’hydrogène avec des conditions d’entrée sévères et dans une moindre mesure que pour
le 7075 [Hardwick, 1982]. Ils utilisent le Set : Straining Electrode Test, c’est à dire qu’ils
l’hydrogène par les dislocations. D’après eux, ce sont les zones GPB qui sont responsables de
la sensibilité du 2124 à l’hydrogène. En effet, ce sont les alliages sous‐revenus T351 et T4 les
plus sensibles à la CSC. Ils expliquent cette sensibilité par des considérations
microstructurales : les zones GPB forment des précipités durcissants cohérents. Le cisaillement
de ces précipités localise le glissement dans un plan, ce qui adoucit localement l’alliage.
L’hydrogène transporté par les dislocations s’accumule dans les bandes de glissement,
- Charitidou et al. ont identifié différents sites de piégeages de l’hydrogène dans le 2024. Ils
utilisent le test EXCO comme test de corrosion accéléré et mesurent l’hydrogène désorbé
pendant le chauffage des échantillons. Ils déterminent différents pics de désorption qu’ils font
est « réversible », c’est à dire qu’il rejette continuellement de l’hydrogène lors d’un dégazage.
Il intervient vers 100‐150°C. Ce site sert de puit ou de source d’hydrogène. Il est insaturé. La
EXCO. Cette croissance linéaire est due à la création pendant la corrosion de nouveaux
chemins de pénétration de l’hydrogène. C’est le plus bas état en énergie. L’hydrogène est
absorbé en solution solide interstitielle. Puis ils identifient trois sites « irréversibles » qui
haute température). Ils servent de puits pour l’hydrogène. A 200‐350°C, un site vite saturé en
hydrogène contenant 40 ppmw au bout de 60 h d’immersion est attribué aux interfaces semi‐
137
cohérentes des précipités durcissants ou aux interfaces incohérentes entre les dispersoïdes
et le réseau de la matrice. Lorsque les précipités ne sont pas cohérents avec la matrice, ils sont
contournés par les dislocations qui peuvent alors capter des atomes d’hydrogène. A 410‐490°C,
un site contenant 300 ppmw au bout de 60 h est identifié comme étant un hydrure Mg. Il y a
d’abord formation de Mg2Si puis lorsque tout le Si est utilisé, formation de MgH2. Cet
dernier site contient 1200 ppmw après 35 h d’immersion. Il est énergétiquement favorisé : c’est
- Pantelakis et al. ont observé qu’une exposition brève à l’air atmosphérique conduit à une
densités d’attaque et la mesure de la perte de poids ne montrent aucune différence entre les
différents échantillons. Ils en déduisent qu’il s’agit d’un effet de l’hydrogène, invisible en
ductilité en fonction du temps d’exposition dans la solution EXCO suit une loi exponentielle.
L’hypothèse d’un processus contrôlé par la diffusion en volume est avancée. Des essais
138
2 Techniques expérimentales
Afin de déterminer les mécanismes susceptibles d’être mis en jeu dans la CSC de l’alliage
2024‐T351 parmi ceux qui ont été décrits précédemment, nous avons choisi de conduire une
Trois types d’essais ont été menés : des essais de traction lente sur des éprouvettes lisses, sur des
cinétique de CSC, nous avons mis en œuvre dans cette étude une technique de suivi électrique
de fissure. Cette technique permet de suivre l’évolution de la fissure in situ en temps réel.
contrainte : le sens travers court de la tôle. En effet, nous avons vu au chapitre II que les joints de
environnement corrosif. L’orientation de ces joints par rapport à l’axe de contrainte principal a
donc une importance primordiale vis à vis de la CSC. Un alliage commercial texturé est d’autant
plus sensible à la CSC que l’axe de sollicitation est perpendiculaire au plan des joints de grains et
ce, indépendamment du mécanisme d’avancée de fissure impliqué. Le sens travers court est ainsi
plus sensible à la CSC que le sens travers long ou le sens long. La ténacité du 2024‐T3 est donnée
égale à 22.5 MPa.m1/2 dans le sens TC contre 35.7 MPa.m1/2 dans le sens long [Develay, 1989].
Speidel indique que la contrainte maximale sans rupture à 84 jours dans NaCl 3.5% est de 55 MPa
dans le sens TC contre respectivement 170 et 140 MPa dans le sens L et TL [Speidel, 1975].
(Figure III-14). Elles sont polies mécaniquement au papier P1000 puis à la pâte diamantée
jusqu’au micron. Trois types d’essais ont été réalisés : des essais pour lesquels les 4 faces sont
immergées, des essais où l’endommagement a été localisé sur une seule face, les autres étant
protégées avec un vernis acrylique ou une pâte siliconée et des essais sur éprouvettes micro‐
entaillées (Figure III-14 b1, b2 et b3). La protection permet de s’affranchir des effets de coin dus
139
a) b)
Figure III-14 : a) Plan des éprouvettes de traction lente ; b) Schéma de la partie utile 1) non protégée, 2)
140
à la géométrie des éprouvettes et évite un amorçage multiple en dehors de la zone sélectionnée.
réalisée à la scie à fil pour ne pas introduire de contraintes résiduelles. Le rayon de fond d’entaille
est de 40 μm et la profondeur d’environ 120 μm. Les 3 faces non entaillées sont également
Le milieu corrosif est le même que pour les essais de corrosion en l’absence de contrainte :
NaCl 0.5 M, pH=7, naturellement aéré (ou désaéré), à potentiel libre. La sollicitation mécanique
est la traction lente à vitesse de déplacement de la traverse imposée. L’axe de traction est
confondu avec le sens travers court de la tôle. La vitesse de déformation choisie est 5×10‐8 s‐1. Il
s’agit d’une vitesse couramment utilisée pour observer les interactions entre la déformation
plastique et la corrosion dans les matériaux cubiques à faces centrées. La vitesse est un paramètre
important dans les essais de traction lente. Le milieu corrosif doit avoir suffisamment de temps
pour agir et donner lieu à un endommagement superficiel qui puisse interagir avec la plasticité.
Le montage de traction lente est composé d’une cellule en plexiglas et d’un montage de
traction (Figure III-15). Le potentiel et le pH sont mesurés tout au long de l’essai. A la fin des
essais, le faciès de rupture est observé avec un MEB conventionnel et le fût est observé en
la fissure. Un courant constant de forte intensité (5‐30 A) est appliqué sur une éprouvette fissurée,
d’autre de la fissure est mesurée à l’aide de deux électrodes (Figure III-16a). Le montage et les
capteurs de déplacement LVDT sont isolés électriquement grâce à des plots et des pastilles
isolantes.
141
Figure III-16 : a) Branchement et isolation du montage ; b) Evolution de la différence de potentiel en
fonction du nombre de cycles. La fréquence du suivi électrique est prise égale à 1 Hz. Ainsi, 1 cycle
correspond à 1 s.
Figure III-17 : Soudage des fils de cuivre pour la mesure de la différence de potentiel.
142
Lorsque la fissure se propage, la section non fissurée de l’éprouvette diminue, sa résistance
électrique augmente : la différence de potentiel augmente. Les résultats peuvent être représentés
sur un graphique en reportant la différence de potentiel mesurée entre les électrodes en fonction
du temps (Figure III-16b). Pour les fils de mesure, l’alliage 2024‐T351 étant difficilement soudable,
différentes techniques ont été testées. Finalement, des fils de cuivre de diamètre 200 μm ont été
soudés par percussion. La soudure est très localisée, réduisant ainsi le transfert de chaleur et la
- des méthodes expérimentales : essai par repérage des plages de propagation de fissure après
essai couplé avec une autre méthode de suivi de fissure (suivi optique, compliance) ; essai
- pour certaines géométries d’éprouvettes, des formules existent qui dépendent de la géométrie
⎧ ⎫
⎪ ⎪
⎪ ⎪ (Eq. 11)
⎪ ⎛πy⎞ ⎪
⎪ cosh ⎜ ⎟ ⎪
2W -1 ⎪ ⎝ 2W ⎠ ⎪
a= cos ⎨ ⎬
π ⎪ ⎡ ⎛ ⎛ π y ⎞ ⎞ ⎤ ⎪
⎪ ⎢V ⎜ cosh ⎜ 2W ⎟ ⎟ ⎥ ⎪
⎝ ⎠ ⎟⎥
⎪ cosh ⎢ cosh ⎜
-1
⎪
⎪ ⎢V0 ⎜ cos ⎛ π a0 ⎞ ⎟ ⎥ ⎪
⎢ ⎜ ⎜ ⎟ ⎟⎥
⎪⎩ ⎣ ⎝ ⎝ 2W ⎠ ⎠ ⎦ ⎭⎪
143
Figure III-18 : Effet du milieu corrosif sur les caractéristiques mécaniques : avec des carrés bleus la courbe
Figure III-19 : Effet du pH sur les caractéristiques mécaniques : avec des carrés bleus la courbe à l’air ; avec
des triangles rouges, la courbe de CSC à pH=7 et en orange sans symbole, la courbe de CSC à pH=4.
144
3 Résultats
Après avoir décrit les moyens expérimentaux utilisés, les résultats obtenus sur le 2024‐T351
sont maintenant détaillés et discutés. L’effet macroscopique du milieu corrosif est tout d’abord
naturellement aéré, à potentiel libre) induit une nette diminution de l’allongement à rupture
(Figure III-18). Plusieurs milieux corrosifs ont été testés afin de déterminer l’effet du pH (pH=4 et
3.1.1 Effet du pH
Une solution à pH=7 induit une diminution de l’allongement à rupture d’un facteur 3 (courbe
en triangles rouges) alors que la solution à pH=4, un facteur 5 à 7 (courbes oranges sans symbole)
(Figure III-19). Autrement dit, pour atteindre la rupture de l’échantillon, les essais à pH=4 sont 1.5
à 2 fois plus courts (6.45 et 4.38 jours contre 9.6 jours). Il convient cependant de rappeler la faible
reproductibilité de l’allongement à rupture au cours des essais de traction à l’air (Chapitre I). Ces
courbes ne permettent pas de quantifier l’effet du pH mais donnent une tendance générale.
En observant le fût des éprouvettes, les essais à pH=4 conduisent à des fissures très fines.
L’endommagement est principalement intergranulaire avec peu de piqûres (Figure III-20a). Les
essais à pH=7 conduisent à la formation de halos et de piqûres. Les fissures sont plus émoussées
(Figure III-20b). Cependant, les essais à pH=4 sont deux fois plus courts, il est donc difficile de
conclure sur la morphologie des fissures, l’éprouvette ayant passé deux fois moins de temps dans
la solution corrosive.
145
a)
b)
Figure III-20 : Effet du pH : a) CSC à pH=4 (6.45 jours) : les fissures sont fines et peu émoussées, b) CSC à
Figure III-21 : Effet de la concentration en chlorures : avec des carrés bleus, la courbe à l’air, avec des
triangles rouges, la courbe de CSC dans NaCl 0.5 M et en pointillés verts la courbe de CSC dans NaCl
0.05 M.
146
3.1.2 Effet de la concentration en chlorures
La concentration en chlorures (entre 0.5 M et 0.05 M) ne semble avoir aucune influence sur les
propriétés mécaniques : les courbes se superposent (Figure III-21). Les essais à rupture ont la
même durée (9.6 et 9.69 jours). Sur le fût, les fissures sont émoussées dans les deux cas.
déstabilisant le film passif et en modifiant les réactions susceptibles de se produire dès l’ajout
du milieu corrosif. Dès que la fissure est amorcée, il se crée un milieu confiné de composition,
intergranulaires de CSC, l’amorçage dans le 2024‐T351 est facile et rapide. Un défaut de quelques
centaines de nanomètres d’épaisseur sur 150 à 250 μm de profondeur est obtenu au bout de
seulement 7 h d’immersion dans NaCl 0.5 M à pH=7 naturellement oxygéné (Chapitre II). La
déformation plastique n’est pas nécessaire à cette phase d’amorçage. Il convient de noter que
7 h d’essai de traction lente à 5×10‐8 s‐1 correspondent à une déformation plastique très faible
(0.13 %). L’effet de la déformation plastique sur cette phase n’est donc pas étudiée. Il s’agit, dans
dissolution anodique et la plasticité dans les mêmes régions. La suite de cette étude vise à
comprendre comment les défauts de corrosion localisée se comportent quand ils sont couplés à la
déformation plastique.
147
Figure III-22 : Micrographie optique d’une fissure de CSC intergranulaire révélée après oxydation
Figure III-23: Micrographie optique des fissures de CSC intergranulaires en lien avec la texture
148
3.2 Effet de la contrainte sur la corrosion intergranulaire
De la même façon que nous avons caractérisé la corrosion intergranulaire dans l’alliage
2024‐T351 dans le chapitre II, nous allons maintenant caractériser le comportement de l’alliage en
CSC, c’est à dire identifier le phénomène, le quantifier en termes de cinétique et essayer d’en
Suite à l’application d’une contrainte monotone en milieu corrosif (essais de traction lente à
5×10‐8 s‐1 sur des éprouvettes à section carrée), le développement de fissures de corrosion sous
contrainte a été observé. Les fissures se propagent de façon intergranulaire (Figure III-22). Elles
sont courtes et accidentées sur la face (TC, TL) et longues sur la face (TC, L) (Figure III-23).
Quelques zones transgranulaires ont toutefois été observées en milieu NaCl 0.05 M
(Figure III-24a) et sur les éprouvettes micro‐entaillées (Figure III-24b). Dans le cas des éprouvettes
Les zones intergranulaires s’amorcent sur des plans juste en dessus ou en dessous du plan de
La morphologie du défaut est très similaire à celle observée sans sollicitation mécanique : une
forme semi‐elliptique (Figure III-25a). Lorsque l’alliage est sollicité mécaniquement et que
l’endommagement électrochimique est localisé sur une seule face (les autres étant protégées avec
du vernis) les défauts de corrosion intergranulaires isolés coalescent sur toute la largeur de
Sur une coupe transverse, une fissure typique est composée de deux parties de morphologies
différentes (Figure III-26) : une fissure émoussée, probablement par dissolution des flancs, de
10 μm de large, profonde de 200 μm en moyenne prolongée par une fissure fine de 100 nm de
large, d’environ 200 μm d’avancée devant la fissure émoussée. Ces morphologies sont similaires à
celles observées au chapitre II en l’absence de contrainte appliquée mais sont obtenues pour des
149
Figure III-24 : Image MEB montrant des zones transgranulaires sur un faciès de CSC a) dans NaCl 0.05 M,
Figure III-25 : a) Morphologie semi elliptique du défaut de corrosion intergranulaire sous contrainte ;
b) défaut de corrosion intergranulaire sous contrainte s’étendant sur toute la largeur de l’éprouvette.
Figure III-26 : Les deux morphologies de la fissure a) en micrographie optique révélée par oxydation
anodique et b) en MEB‐FEG : fissure émoussée 200 μm x 10 μm et fissure fine 200 μm x 100 nm.
150
durées d’immersion nettement plus courtes : quelques jours en CSC contre plusieurs mois en
3.2.3 Profondeur
Une statistique des profondeurs des défauts mesurées sur le faciès d’éprouvettes rompues en
traction lente a montré que la corrosion intergranulaire sous contrainte atteint des profondeurs
beaucoup plus élevées qu’en l’absence de contrainte appliquée pour les mêmes durées
d’immersion (Figure III-27). Pour les essais où l’endommagement n’est pas localisé sur une seule
face de l’éprouvette (4 essais, 37 défauts isolés examinés, 2 à 12 défauts par essai), la contrainte
prolonge les défauts isolés de corrosion statique vers des profondeurs de l’ordre de 600 μm.
Lorsque l’endommagement est localisé sur une seule face (4 essais avec ou sans entaille, 5 défauts
Figure III-27 : en vert (triangles + cercles), les profondeurs de pénétration des défauts de corrosion
intergranulaire observées sur les faciès de rupture après traction lente en fonction de la durée de l’essai
(> 2 mm) et en orange (losanges), rappel de la cinétique de corrosion intergranulaire caractérisée dans le
chapitre II. En plein les profondeurs mesurées sur des éprouvettes où les 4 faces sont exposées dans le
milieu corrosif ; avec symboles ouverts, les essais où une seule face est immergée.
151
Figure III-28 : Profondeur moyenne typique des fissures secondaires émoussées : 200 μm.
Figure III-29 : Faciès de rupture après traction lente dans NaCl 0.5 M, à pH=4 et à pH=7 et dans NaCl
0.05 M à pH=7.
152
Sur des coupes transverses d’échantillons rompus, nous avons constaté que les fissures
3.2.4 Cinétique
Les premiers essais de traction lente – sans protection ni méthode de suivi – menés jusqu’à
que la vitesse est constante au cours de l’essai et en considérant le défaut le plus profond ramené
à la durée de l’essai. La vitesse varie entre 2 et 10 μm/h. Elle est 2 à 3 fois plus élevée à pH=4 qu’à
pH=7 (Figure III-29). Cependant, le caractère aléatoire de l’amorçage des fissures rend la
quantification délicate. Dans la suite, la cinétique a été déterminée sur des éprouvettes
Deux régimes de propagation différents ont été mis en évidence (Figure III-30) :
Peu de données existent dans la bibliographie. Vogt rapporte l’existence d’un facteur 10 entre
l’eau [Vogt, 1998]. Liu indique que la contrainte augmente la vitesse de corrosion intergranulaire
d’un facteur 7 lorsque la contrainte vaut 45% de la Re et d’un facteur 2.8 lorsque la contrainte
vaut 15% de la Re, pour une sollicitation dans le sens travers court et une pénétration de la
corrosion dans le sens long [Liu, 2004]. Dans une autre publication, Frankel propose un facteur
1.5 entre la corrosion intergranulaire et la CSC sur les 7 premières heures d’immersion
(Figure III-32) [Liu, 2001]. Robinson évoque une facteur 10 entre la vitesse de propagation lors de
tests de corrosion intergranulaire en solution EXCO en brouillard salin acide et lors de tests de
153
Figure III-30 : Courbes de propagation a=f(t) obtenues grâce au suivi électrique pour une propagation
dans le sens travers long et une propagation dans le sens long et faciès de rupture correspondant : en haut,
à l’essai de propagation dans le sens travers long et en bas, à l’essai de propagation dans le sens long .
Figure III-31 :Comparaison des propagations a) en CSC : essais de traction lente à 5×10‐8 s‐1 sur éprouvettes
coupes transverses d’échantillons massifs après immersion dans NaCl 0.5 M (Chapitre II).
154
CSC à charge constante (175 MPa) en solution EXCO : 6.2 μm/h pour les tests EXCO contre
61 μm/h pour les essais de CSC [Robinson, 1999]. La solution EXCO est une solution très
oxydante. La différence de vitesse entre les tests EXCO et les tests de CSC sont dus à la différence
de solution corrosive utilisée mais surtout à la différence du niveau de contrainte. Robinson et al.
constatent que le rapport des vitesses entre les tests EXCO et les tests de CSC est indépendant de
la morphologie des grains, preuve que les deux mécanismes, corrosion feuilletante et CSC, sont
liés.
Pour comparer les essais instrumentés par le suivi électrique avec les premiers essais réalisés,
des vitesses moyennes ont été calculées avec la même méthode que pour les premières
le défaut le plus profond ramené à la durée de l’essai. Les vitesses valent 18.2 et 18.4 μm/h
(1750 μm en 4 jours et 1150 μm en 2.6 jours). Par rapport aux premiers essais sans protection ni
fissuration. L’état de contrainte et les conditions électrochimiques associées aux deux types de
défauts sont différents. C’est sur ce point que nous allons insister dans la suite.
Figure III-32 : Cinétique obtenue par Liu, Frankel et Zhang sur un alliage 2024‐T3 d’épaisseur 1.9 cm dans
NaCl 1 M avec bullage d’oxygène et à potentiel anodique imposé (‐580 mV) par la technique de « foil
penetration ». A gauche, en losanges oranges, les résultats sans contrainte dans le sens L (a=0.32 t1/2) et en
triangles verts, les résultats de CSC dans le sens (L‐TL) (a=0.47 t1/2). A droite, les courbes extrapolées pour
155
1/4
⎡ ⎛a⎞
2
⎛a⎞ ⎤
4
⎡⎛ a ⎞2 ⎤
F(φ)= ⎢ M 1 +M 2 ⎜ ⎟ +M 3 ⎜ ⎟ ⎥ f φ f W f φ = ⎢ ⎜ ⎟ cos 2 φ + sin 2 φ ⎥
⎣⎢ ⎝ t⎠ ⎝ t ⎠ ⎦⎥
⎣⎢ ⎝ t ⎠ ⎦⎥
⎛ ⎞ a 1/2
a) M 1 =1.13-0.09 ⎜ c ⎟ ⎡ ⎤
⎝ ⎠
⎢ ⎥
0.89 1
M 2 =-0.54+ f W = ⎢⎢ ⎥
a ⎞⎥
⎛a⎞
0.2+ ⎜ ⎟ ⎛ πc
⎝c⎠ ⎢ cos ⎜ ⎟⎥
24 ⎢⎣ ⎝ 2W t ⎠ ⎥⎦
1 ⎛ a⎞
M 3 =0.5- +14 ⎜ 1- ⎟
⎛ ⎞
a ⎝ c⎠
0.65+ ⎜ ⎟
⎝c⎠
⎡ ⎛a⎞
2
⎛a⎞ ⎤
4
⎡ ⎛a⎞
2
⎛a⎞ ⎤ a
4
F(A)= ⎢ M1 +M 2 ⎜ ⎟ +M 3 ⎜ ⎟ ⎥ F(B)= ⎢ M1 +M 2 ⎜ ⎟ +M 3 ⎜ ⎟ ⎥
⎢⎣ ⎝t⎠ ⎝ t ⎠ ⎥⎦ ⎣⎢ ⎝t⎠ ⎝ t ⎠ ⎦⎥ c
b) ⎛a⎞ ⎛a⎞
2 2
M1 =1.112-0.09923 ⎜ ⎟ + 0.02954 ⎜ ⎟ ⎛a⎞ ⎛a⎞
M1 =1.340-0.2872 ⎜ ⎟ + 0.06611⎜ ⎟
⎝c⎠ ⎝c⎠ ⎝ ⎠
c ⎝c⎠
2 2
⎛a⎞ ⎛a⎞ ⎛a⎞ ⎛a⎞
M 2 =1.138-1.134 ⎜ ⎟ + 0.3073 ⎜ ⎟ M 2 =1.882-1.7569 ⎜ ⎟ + 0.4423 ⎜ ⎟
⎝c⎠ ⎝c⎠ ⎝c⎠ ⎝c⎠
2 2
⎛a⎞ ⎛a⎞ ⎛a⎞ ⎛a⎞
M 3 =-0.9502+0.8832 ⎜ ⎟ − 0.2259 ⎜ ⎟ M 3 =-0.1493+0.01208 ⎜ ⎟ − 0.02215 ⎜ ⎟
⎝c⎠ ⎝c⎠ ⎝c⎠ ⎝c⎠
Figure III-33 : Formules semi‐analytiques de Newman (a) et Wang (b) pour calculer le facteur
d’intensité des contraintes dans le cas de fissures semi‐elliptiques planes [Newman, 1981] [Wang, 1997].
Figure III-34 : Evolution du facteur d’intensité des contraintes normalisé le long du front de fissure pour
différentes formes de fissure, a/t=0.1 et c/W=0.2 calculé avec la formule de Newman et Raju (N&R)
[Newman, 1981].
156
4 Discussion
Différents résultats ont été mis en évidence. Deux types de morphologies de fissures de CSC
ont été observées suivant la localisation de l’endommagement électrochimique (sur une seule face
de l’éprouvette par une petite fenêtre ou sur les quatre faces de l’éprouvette) : des fissures semi‐
elliptiques isolées et la coalescence des défauts isolés sur toute la largeur de l’éprouvette. La
vitesse de propagation est plus élevée dans le cas d’éprouvettes entaillées par rapport aux
éprouvettes lisses. Nous allons discuté de l’action conjointe des paramètres mécaniques et
CSC plus élevées lorsque l’endommagement est localisé sur une seule face, nous avons calculé le
facteur d’intensité des contraintes dans le cas d’un défaut semi‐elliptique isolé et dans le cas
d’une entaille, mais également en tenant compte des interactions entre les défauts dans le cas de
Dans le cas des défauts semi‐elliptiques isolés, le facteur d’intensité des contraintes associé a
été calculé sur la base d’une fissure plane semi‐elliptique de surface dans une plaque plane. Le
demi grand‐axe (orienté dans le sens long) est noté a et l’ouverture de la fissure en surface 2c. Les
défauts rencontrés correspondent à des rapports a/c compris entre 1 et 3 (demi‐ellipse allongée
dans le sens de propagation). Peu d’expressions analytiques existent pour cette configuration
[Newman, 1981] [Wang, 1997] (Figure III-33). La plupart ne sont valables que pour a/c<1. Des
extensions existent pour 1 < a/c < 2. La manière conventionnelle d’exprimer le facteur d’intensité
πa
K =σ F (Eq. 12)
Q
157
Figure III-35 : Evolution du facteur d’intensité des contraintes normalisé le long du front de fissure en
Figure III-36 : Valeurs du facteur d’intensité de contraintes en pointe de fissure pour une fissure plane
semi‐elliptique de surface dans une plaque plane d’épaisseur 4 mm, avec une contrainte de 250 MPa pour
différents facteurs de forme calculées avec la formule de Newman et Raju (N&R) et Wang (W)
158
1.65
⎛a ⎞ ⎛a⎞
Q ⎜ ≤ 1⎟ = 1 + 1.464 ⎜ ⎟
⎝c ⎠ ⎝c⎠
(Eq. 13)
⎞ ⎡ ⎛ c ⎞ ⎤⎛ a ⎞
1.65 2
⎛a
Q ⎜ > 1⎟ = ⎢1 + 1.464 ⎜ ⎟ ⎥ ⎜ ⎟
⎝c ⎠ ⎢⎣ ⎝ a ⎠ ⎥⎦ ⎝ c ⎠
contraintes normalisé. Dans la suite, nous présentons les expressions analytiques de Newman et
Raju, puis celle de Wang [Newman, 1981] [Wang, 1997]. Le modèle de Newman et Raju permet
de déterminer la répartition du facteur d’intensité des contraintes le long du front de fissure. Les
valeurs du facteur d’intensité de contraintes normalisé F sont présentées sur la figure III-34 pour
Le facteur d’intensité des contraintes est maximum en fond de fissure lorsque la fissure est
aplatie et en surface lorsque la fissure est profonde. Pour les fissures semi‐circulaires, ce modèle
ne permet pas de conclure. Une approche tridimensionnelle a été proposée par Lamazouade
[Lamazouade‐Tarek, 2007] sur trois formes de fissures : aplatie (a/c = ½), semi‐circulaire (a/c=1) et
profonde (a/c=3/2). La figure III-35 présente les résultats. Le facteur d’intensité de contraintes est
maximum en profondeur lorsque la fissure est aplatie, en surface lorsque la fissure est semi‐
qu’un défaut profond favorise la coalescence. Ceci peut expliquer en partie pourquoi les défauts
semi‐elliptiques profonds isolés (Chapitre II) coalescent et donne une première tendance pour
expliquer pourquoi les entailles (défaut large) propagent plus vite que les défauts isolés.
Pour expliquer les différences dans les vitesses de propagation à partir d’une entaille et à
partir de défauts semi‐elliptique isolés, le facteur d’intensité des contraintes associé à une entaille
a également été calculé. Lorsqu’il s’agit de fissures planes, le facteur d’intensité des contraintes
associé est calculé sur la base d’une fissure latérale dans une éprouvette de largeur W et
d’épaisseur B avec la formule empirique déterminé par Gross et Brown qui donne une précision
⎡ ⎛a⎞ ⎛a⎞
2
⎛a⎞
3
⎛a⎞ ⎤
4
159
Figure III-37 : Mise en évidence de l’apparition a) d’un effet d’amplification en configuration coplanaire et
d’un effet d’écran en configuration superposée ; b) d’un mode mixte en configuration non coplanaire. Le
facteur d’interaction est défini par γ=K/K0, avec K le facteur d’intensité de contraintes de la fissure en
160
Les valeurs du facteur d’intensité de contraintes en fonction de la forme des défauts sont
présentées sur le graphe (Figure III-36) pour une épaisseur d’éprouvette de 4 mm et une
contrainte de traction de 250 MPa. Plus les fissures sont profondes, plus le facteur d’intensité des
contraintes en pointe de la fissure est faible. D’après ces résultats, il apparaît que le facteur
d’intensité des contraintes associé à une fissure s’étendant sur toute la largeur de l’éprouvette est
Le cas des fissures isolées ne rend cependant pas compte de la situation réelle de fissuration
multiple. La présence des fissures voisines modifie les champs de contrainte et de déformation
singuliers en pointe de fissure. Ces interactions peuvent être traduites par des variations des
facteurs d’intensité de contraintes par rapport à ceux obtenus pour une fissure isolée. Ces effets
d’interaction varient suivant la position relative des fissures, leur forme et leur taille. Ils peuvent
soit amplifier soit diminuer l’intensité des contraintes en pointe des fissures. Des fissures
[Lamazouade‐Tarek, 2007].
Ces interactions permettent d’expliquer la différence de morphologie des fissures de CSC entre
les essais où les quatre faces sont immergées et les essais où l’endommagement est localisé sur
une seule face. En effet, le fait de localiser l’endommagement par une petite fenêtre conduit à
isolées et forme une fissure de CSC sur toute la largeur. Par contre, lorsque les quatre faces sont
immergées, de nombreuses fissures sont superposées. Les interactions induites par cette
propagation. Ces effets d’interactions peuvent peut‐être également expliquer les observations de
Frankel et al. qui constatent en suivant l’évolution des fissures en radiographie microfocale de
rayon X que ce n’est pas forcément la fissure la plus longue qui se propage et mène à la rupture
[Liu, 2007].
161
162
En résumé, les défauts profonds ont un facteur d’intensité des contraintes maximal en
surface, ce qui favorise leur coalescence pour former une défaut s’étendant sur toute la largeur
de l’éprouvette. Le facteur d’intensité des contraintes associé aux entailles est plus élevé que
celui associé aux défauts semi‐elliptiques isolés, ce qui permet d’expliquer en partie les
différences de vitesses de CSC observées entre les éprouvettes lisses pré‐corrodées et les
lorsque l’endommagement électrochimique est localisé sur une seule face avec une fenêtre et la
différence de vitesse de propagation entre un défaut isolé et une entaille en termes de facteur
d’intensité de contraintes mais il ne faut pas oublier les paramètres électrochimiques qui
interviennent fortement dans le processus de CSC des alliages 2xxx. Concernant la double
cinétique mise en évidence par les essais instrumentés par suivi électrique, une explication d’un
163
Figure III-38 : Réactions cathodiques et anodiques : si la réaction est sous contrôle cathodique, A reste A, C
devient C’’, E’’corr<Ecorr ; si la réaction est sous contrôle anodique, A devient A’, C reste C, E’corr>Ecorr.
164
4.2 Ralentissement de la CSC
Deux régimes de propagation différents ont été mis en évidence (Figure III-30) : une
propagation d’abord très rapide : 60 μm/h en moyenne puis une propagation plus lente :
statique (en l’absence de contrainte) ont été évoquées dans le chapitre II et notamment la
désoxygénation.
Considérons la situation dans les premiers instants de l’exposition : la vitesse de corrosion est
relativement élevée. Le système est représenté par une courbe anodique (courbe A) et une courbe
- la branche cathodique se déplace vers les potentiels négatifs (C devient C’’), par exemple par
système est décalé vers un potentiel plus bas (Ecorr devient Ecorr’’). Le système est sous contrôle
- la branche anodique est décalée vers la droite, par exemple suite à une passivation en fond de
défaut. Par un raisonnement analogue, on voit que le système, ici sous contrôle anodique va
Pour déterminer l’origine de la chute de la cinétique dans les premières heures d’immersion,
nous avons mesuré l’évolution du potentiel au cours du temps (Figure III-39). Le suivi du
potentiel en cours d’essai montre une chute rapide de celui‐ci dès les premiers instants de la
propagation. Au début de l’essai, il vaut en moyenne ‐ 620 mV, puis il se stabilise vers – 750 mV.
intergranulaire est sous contrôle cathodique. C’est l’oxygénation du fond de fissure qui contrôle
la vitesse de propagation. Cette hypothèse a été confirmée par un essai de traction lente
instrumenté par suivi électrique au cours duquel le milieu a été désoxygéné par bullage d’argon
en cours d’essai. Le suivi électrique mesurant la propagation en continu a permis de mesurer les
165
Figure III-40 : Désoxygénation en cours d’essais de traction lente.
Figure III-41 : Représentation schématique des effet du facteur d’intensité des contraintes K sur la vitesse
166
changement de vitesse très net (Figure III-40) mais elle n’induit pas un arrêt définitif de la
propagation, seulement un ralentissement de cette dernière, comme dans l’essai de CSC sans
CSC des alliages après la phase d’amorçage est donnée par les courbes de vitesse de fissuration
da/dt en fonction du facteur d’intensité des contraintes K. Cette courbe présente généralement
trois régions (Figure III-41). Dans la région I, pour les faibles K, la vitesse est fortement
dépendante du facteur d’intensité des contraintes. Elle peut s’exprimer par une exponentielle de
la forme da/dt=exp(AK). Dans le région intermédiaire, la courbe forme un plateau : la vitesse est
indépendante du facteur d’intensité des contraintes. Et enfin, pour des facteurs d’intensité des
contraintes élevés, la vitesse est à nouveau dépendante de K. Cette dernière région n’est en
général pas présente pour les alliages commerciaux. Le début de la région I définit le seuil de
étant très longue et son existence même étant discutée, il est plus raisonnable de considérer que
cette valeur correspond à une vitesse de propagation très faible <10‐11 m/s.
Les courbes da/dt obtenues au laboratoire sont reportées sur la figure III-42. Dans cette section,
nous avons voulu présenter les résultats expérimentaux sous la forme classique d’une avancée de
fissure par heure : da/dt en fonction de K. Pour ce faire, en l’absence de suivi in situ de la
d’intensité des contraintes est calculé pour chaque défaut observé sur le faciès. La vitesse de
propagation supposée constante est ensuite reportée en fonction du facteur d’intensité des
contraintes maximal de chaque essai (carrés sur la figure III-42). Dans le cas des essais
instrumentés avec le suivi électrique, la vitesse est calculée toutes les 10 heures et reportée en
167
Figure III-42 : Courbes da/dt en fonction de K : les carrés correspondent aux vitesses, supposées
constantes au cours de l’essai, reportées en fonction du facteur d’intensité des contraintes maximal de
chaque essai ; les ronds correspondent aux essais instrumentés avec le suivi électrique : la vitesse est
calculée toutes les 10 heures et reportée en fonction du facteur d’intensité des contraintes maximal sur cette
période.
Figure III-43 : Comparaison avec les courbes da/dt en fonction de K de la littérature [Speidel, 1975]
[Branco, 1977].
168
fonction du facteur d’intensité maximal sur cette période (cercles sur la figure III-41). Nos
résultats expérimentaux sont en bon adéquation avec les résultats publiés dans la littérature
Du point de vue des mécanismes, un effet hydrogène est écarté car aucune zone
intergranulaire fragile n’a pu être mise en évidence dans le prolongement du sillon de dissolution
par des essais de pré‐corrosion en l’absence de contrainte appliquée, suivi d’une traction rapide.
Trois essais ont été comparés dans NaCl 0.05 M à pH=7 : un essai de traction lente, un essai où
découplées mais avec un traitement de désorption d’1 h à 460°C entre les deux. La durée de
l’immersion est égale à la durée de l’essai de traction lente. De même des essais découplés
d’immersion pendant 7 h dans NaCl 0.5 M avec et sans désorption avant la traction ont été
par rapport à un matériau ayant subi le même traitement thermique sans immersion préalable. Ce
résultat diffère de ceux de Pantelakis et al. [Pantelakis, 2000] qui ont constaté que l’alliage
retrouve les valeurs initiales de Rm et Rp0.2 mais pas de l’allongement après avoir abrasé la zone
corrodée (350 μm). Abraser 350 μm sur chaque face de l’éprouvette en contact avec la solution
permet d’enlever la partie endommagée mais peut‐être pas la fissure la plus longue. Or, dans les
alliages d’aluminium, la rupture se fait à 45° par rapport à l’axe de sollicitation avec localisation
mettre en relation avec le défaut le plus long alors que la Rm et la Rp0.2 peuvent être reliées à la
traitement à une température suffisante pour désorber tout l’hydrogène, Pantelakis et al.
constatent que l’alliage retrouve toutes ses propriétés. Ces résultats mettent en évidence un effet
169
fragilisant de l’hydrogène, réversible par un traitement permettant la désorption de tous les sites
contenant de l’hydrogène.
Plusieurs raisons peuvent expliquer les différences entre les résultats de notre étude et ceux de
Pantelakis.
- Dans notre cas, la solution corrosive est nettement moins agressive : NaCl 0.5 M pH=7 contre
la solution des tests EXCO (ASTM G34090 avec NaCl, KNO3 et HNO3). La production
utilisée avec λ la longueur de diffusion, D le coefficient de diffusion qui suit une loi
L’hydrogène est produit en fond de fissure et diffuse dans le matériau sain, créant une zone
affectée par l’hydrogène. Au fur et à mesure de l’expérience, la frontière entre les deux zones
se déplace : la zone affectée par l’hydrogène se corrode et une partie saine est à nouveau
affectée. De plus, les valeurs de diffusivité de l’hydrogène dans l’aluminium s’étendent sur 5
ordres de grandeur. Dans ce calcul, les deux valeurs extrêmes sont considérées : 10‐14 m²/s et
10‐9 m²/s. En 1 h, le front d’hydrogène peut parcourir entre 6 et 2000 μm. Etant donné la
cinétique élevée de dissolution anodique (30 μm/h), la dissolution peut tout à fait masquer un
effet hydrogène.
- Il est possible que le traitement thermique utilisé (1 h à 460°C) ne permette pas de désorber
2024 identifiés par Charitidou et al. ont des températures de désorption allant de 100°C à
540°C. Le traitement à 460°C ne permettrait donc pas de désorber l’hydrogène présent dans le
dernier site de piégeage identifié comme étant les précipités Al2Cu ou Al2CuMg
[Charitidou, 1999].
concerne l’impossibilité à laquelle nous avons été confrontés de fragiliser le matériau par
chargement cathodique. Pour aller plus loin dans l’étude d’un possible effet hydrogène, des
170
chargements cathodiques ont été réalisés au laboratoire. Le milieu choisi est un milieu acide
grains sont gravés de façon discontinue. Une immersion en milieu désoxygéné pendant 20 h
conduit à de la piqûration mais pas à un gravage des joints de grains. Lorsqu’un chargement
gravage continu des joints de grains sont observés. Pendant 4 h à –1.5 mA/cm², seules des piqûres
ont été observé et la traction ne conduit pas à l’ouverture des joints de grains. Ces essais n’ont pas
conduit à une fragilisation des joints de grains. Les intermétalliques semblent perturber le
Tous ces arguments réfutent un mécanisme de fragilisation assistée par l’hydrogène. Qu’en
présentée dans ce chapitre sont nombreuses. Le mécanisme retenu ici est un mécanisme de
plastique est d’ouvrir la fissure, de permettre la diffusion des produits de corrosion hors de la
pointe de la fissure et de permettre une corrosion plus rapide de la pointe de la fissure par
concentration de contraintes.
revanche, lorsque l’on parle de corrosion intergranulaire assistée par la contrainte et/ou la
déformation, il y a continuité des mécanismes, la déformation ayant pour rôle d’amplifier et/ou
de la solution). On a bien ajout d’un facteur aggravant mais sans changer de mécanismes. Dans
notre cas, la notion de défaut critique n’est pas pertinente. Le passage corrosion
171
CONCLUSION
En résumé, la CSC de l’alliage 2024‐T351 dans NaCl 0.5 M à pH=7, à potentiel libre sous
aération naturelle est de nature intergranulaire. Les fissures de CSC sont de forme semi‐
électrochimique est localisé sur une seule face. Cette coalescence peut s’expliquer par la
distribution du facteur d’intensité des contraintes le long du pourtour d’un défaut semi‐
elliptique. En effet, les défauts profonds ont tendance à s’étendre en largeur et à coalescer pour
former un front rectiligne. De plus, la localisation de la corrosion sur une fenêtre favorise les
Deux régimes de propagation ont pu être mis en évidence un régime rapide de 60 μm/h et un
régime plus lent de 6 μm/h. La transition est corrélée avec une désoxygénation en fond de
effet synergique corrosion/déformation plastique a été mis en évidence. Dans le régime rapide
en milieu oxygéné, les fissures de CSC atteignent des profondeurs plus élevées qu’en l’absence de
contrainte appliquée. Deux paramètres peuvent expliquer cet effet de la contrainte et/ou de la
à la diffusion des produits de corrosion et à l’aération du fond de fissure. Dans le régime lent, la
contrainte est de permettre une dissolution anodique plus rapide de la pointe de la fissure.
172
CHAPITRE IV
FATIGUE CORROSION
(FC)
IV - FATIGUE CORROSION
173
INTRODUCTION ……………..…………………………..………………………………………...….174
1 Phénoménologie et mécanismes de fatigue corrosion ………………………………….……….175
1.1 Amorçage en fatigue corrosion …………………………………………………….………179
1.1.1 Essais d’endurance sur des pièces non fissurées ………………………………179
1.1.2 Mécanismes d’amorçage …………………………………………………………..181
1.2 Transition entre les piqûres et les fissures courtes …………………………….………..187
1.3 Propagation des fissures en fatigue corrosion ……………………………….…………..191
1.3.1 Essais de fissuration ………………………………………………………………..191
1.3.2 Mécanismes de propagation …………………………………………….…………199
1.3.3 Les modèles de propagation …………………………………………….…………215
2 Techniques expérimentales …………………………………………………………………..……..219
2.1 Essais sur éprouvettes carrées lisses et entaillées …………………………….………..219
2.1.1 Description de l’éprouvette et conditions d’essais …………………………….…219
2.1.2 Présentation des différents essais ………………………………………………...223
2.1.3 Méthode de dépouillement des résultats …………………………………………223
2.2 Essais sur éprouvettes de mécanique de la rupture (CT) ……………………………....227
2.2.1 Géométrie de l’éprouvette CT ……………………………………………………..227
2.2.2 Pré-fissuration ……………………………………………………………………….229
2.2.3 Cellule de corrosion …………………………………………………………….…..229
2.2.4 Conditions de chargement des essais de fissuration ……………………………229
2.2.5 Moyens d’évaluation de la longueur de la fissure ……………………………….231
2.2.6 Méthode de dépouillement des résultats …………………………………………233
3 Résultats : endommagement en FC ………………………………………………………………..235
3.1 Phénoménologie de la FC du 2024 T351 ………………………………………………..235
3.2 Fatigue corrosion intergranulaire …………………………………………………………..235
3.2.1 Forme de l’endommagement intergranulaire en FC …………………………….237
3.2.2 Profondeurs et vitesses de propagation intergranulaire ………………………...239
3.2.3 Mécanisme de FC intergranulaire ………………………………………………....243
3.3 Fatigue corrosion transgranulaire ……………………………………………………….…243
3.3.1 Forme de l’endommagement transgranulaire en FC ……………………………245
3.3.2 Profondeurs et vitesses de propagation transgranulaire …………………….….247
3.3.3 Mécanisme de FC transgranulaire ………………………………………………...253
3.4 Transition entre la FC intergranulaire et la FC transgranulaire ……………………..…..255
3.5 Unification des vitesses de propagation transgranulaire en fonction de l’amplitude du
facteur d’intensité des contraintes …………………………………..……..……………...261
3.6 Transition transgranulaire/intergranulaire pour les fissures longues à basse fréquence
3.6.1 Morphologie des fissures longues …………………………………………….…..265
3.6.2 Vitesse de propagation des fissures longues ……………………………….……267
3.6.3 Mécanismes de FC des fissures longues …………………………………….…..271
CONCLUSION ………………..…………………………..…………………………………………….277
174
INTRODUCTION
Après la présentation du matériau dans le chapitre I, l’étude du couple matériau‐milieu dans le
chapitre II et l’étude de la CSC dans le chapitre III, ce chapitre constitue la dernière étape de la
démarche suivie pour étudier l’effet d’un milieu corrosif sur la tenue mécanique en fatigue de
chapitre est d’identifier et de quantifier les différentes étapes de l’évolution d’un défaut de
corrosion localisée au cours de sa vie, nous avons effectué des essais de fatigue à partir de
différents types d’amorces de fissures. Nous avons utilisé des éprouvettes lisses pré‐corrodées,
Figure IV-1 : Eprouvettes présentant les trois types d’amorces utilisées pour les essais de FC : lisses pré‐
cyclique ;
175
Dans ce quatrième chapitre, les principaux résultats bibliographiques concernant la fatigue
corrosion (FC) et les mécanismes les plus communément associés sont présentés. A chaque
étape de l’endommagement (amorçage et propagation), l’état de l’art en fatigue est tout d’abord
présenté à l’échelle macroscopique en précisant l’effet du milieu sur les différentes courbes
obtenues dans la littérature, puis les mécanismes à l’échelle microscopique sont décrits dans le
cas de la fatigue pure puis de la fatigue corrosion. La phase d’amorçage est décrite en faisant le
lien avec les études bibliographiques présentées dans les chapitres précédents. La transition entre
les piqûres et les fissures courtes de fatigue est décrite au travers des différents modèles proposés
dans la littérature. La propagation est ensuite détaillée. Les courbes da/dN en fonction de ΔK sont
étudiées en fatigue à l’air puis l’effet du milieu corrosif sur ces courbes est mis en évidence. Le
rôle du film d’oxyde en fatigue dans les alliages d’aluminium est précisé en comparant les
courbes de fissuration dans différents milieux (ultravide, O2 sec, air humide). Nous décrivons
dissolution anodique, « fragilisation » assistée par l’hydrogène et formation d’un film d’oxyde.
Les différentes techniques expérimentales utilisées sont ensuite décrites : essais de fatigue à
l’air et essais de FC en milieu corrosif sur des éprouvettes lisses pré‐corrodées, sur des
Enfin, les résultats obtenus sur le 2024‐T351 sont présentés. Nous avons identifié les
phénomènes de fatigue corrosion intervenant sur le 2024‐T351 : nature, forme et profondeur des
fissures. Nous présentons chaque étape de l’endommagement. Nous avons déterminé les vitesses
de propagation des fissures en mettant en évidence un effet synergique entre le milieu corrosif et
la sollicitation mécanique cyclique et nous avons identifié les mécanismes mis en jeu. La notion
de facteur d’intensité des contraintes est utilisée pour décrire la transition entre les différentes
étapes de l’endommagement et pour rationaliser les résultats obtenus sur toute la gamme de
défauts étudiée.
176
1 Phénoménologie et mécanismes de fatigue corrosion
Le terme « fatigue corrosion (FC) » s’applique lorsqu’un matériau, soumis à l’action conjointe
qui se différencie d’une rupture mécanique pure par fatigue. La particularité de ce phénomène
par rapport à la corrosion sous contrainte présentée au chapitre III réside dans la sévérité de
suffisamment intense ‐ permet à elle seule (sous ultra vide) d’amorcer et de propager une fissure.
L’évolution d’un dommage en fatigue corrosion se divise en plusieurs étapes (Figure IV-2) :
de corrosion ;
former une fissure principale : il s’agit du régime des « fissures courtes » près du seuil ;
c. la phase III concerne les instabilités finales qui mènent à la rupture complète de la
structure.
Une des plus grandes difficultés associée aux modèles de prédiction de la durée de vie en
fatigue réside dans la définition de l’amorçage d’une fissure. Ce terme est défini de façon
L’ambiguïté réside alors dans le concept de « première » fissure détectable qui dépend de
l’échelle d’observation et par conséquent des techniques mises en œuvre. Si l’on s’intéresse à la
résolution des techniques de détection ou à la taille initiale des fissures utilisée dans les calculs de
conception des structures. Si en revanche, l’accent est mis sur les origines physiques de
l’endommagement en vue du choix des matériaux par exemple, l’amorçage sera défini à une
177
Figure IV-2 : Evolution de la profondeur d’une fissure de fatigue (corrosion) en fonction du nombre de
cycles.
Figure IV-3 : Diagramme schématique illustrant les deux grandes étapes de la fatigue (corrosion) dans une
structure réelle et les deux types d’approches associées pour caractériser le comportement d’un alliage en
fatigue (corrosion).
178
échelle plus microscopique. Dans la suite, le terme d’amorçage ne concerne que la formation de
défauts microscopiques. La propagation et la coalescence de ces défauts pour former une fissure
Les conditions d’amorçage et les vitesses de propagation sont largement influencées par les
appréhender la fatigue (Figure IV-3) selon que l’on souhaite quantifier l’amorçage ou la
- une approche basée sur la durée de vie totale, c’est‐à‐dire la somme du nombre de cycles
nécessaire à l’amorçage d’une fissure et du nombre de cycles pour que la fissure se propage
jusqu’à rupture. Les essais réalisés sont des essais d’endurance qui permettent de déterminer
la limite de fatigue (σD) ou la durée de vie à rupture (Nr). Ils sont utilisés pour rendre compte
- une approche basée sur la tolérance aux dommages, qui étudie la propagation des fissures à
partir de défauts existants. Les essais réalisés sont des essais de fissuration qui permettent de
La plupart des études bibliographique de fatigue, considérant que les matériaux réels
possèdent déjà des défauts, se sont penchées sur la propagation des fissures longues et sur
l’application des concepts de la mécanique de la rupture. Dans ce travail, nous étudions toute
des fissures, en insistant sur la transition entre les deux, c’est à dire sur le régime des fissures
Dans la suite, les principaux résultats bibliographique concernant chacune des étapes de
présentant les méthodes d’essais en fatigue et en fatigue corrosion puis à l’échelle microscopique
en détaillant les mécanismes de fatigue et de fatigue corrosion. Dans cette revue bibliographique,
l’état de l’art est présenté de façon générale pour les alliages d’aluminium en détaillant, le cas
179
Figure IV-4 : a) Courbe d’endurance ou courbe S‐N (Stress‐Number of cycles) ; b) Type d’éprouvettes
180
1.1 Amorçage en fatigue corrosion
Nous décrivons ici le type d’essais permettant d’étudier l’amorçage de l’endommagement en
fatigue. L’effet de l’environnement sur les courbes obtenues dans la littérature est mis en
évidence. Nous détaillons ensuite les mécanismes à l’origine de la formation des défauts
1.1.1.1 En fatigue
Pour étudier l’amorçage des fissures de fatigue, des essais d’endurance sont réalisés sur des
éprouvettes lisses (Figure IV-4b). Ces essais consistent à soumettre une éprouvette de petites
rupture NR. Plusieurs essais à différentes valeurs de la contrainte maximale (σmax) sont
nécessaires. σmax est reportée en fonction du nombre de cycles au bout duquel la rupture se
produit (NR) sur une échelle logarithmique (Figure IV-4a). Sur les courbes d’endurance, deux
- le domaine de fatigue plastique oligocyclique, Low Cycle Fatigue (LCF) où la rupture est
obtenue pour un petit nombre de cycles (<104). Les contraintes sont importantes Re<σ<Rm.
Chaque cycle entraîne une déformation plastique d’ensemble, généralisée ou localisée par une
- le domaine de fatigue endurance, High Cycle Fatigue (HCF) où la rupture est obtenue pour un
grand nombre de cycles (>105) sans être accompagnée d’une déformation plastique
d’ensemble. Ce sont typiquement les conditions en service rencontrées par les pièces. La
déformation par cycle est très faible, inférieure à la limite élastique. Ces essais permettent de
déterminer σD, la limite de fatigue ou limite d’endurance, c’est à dire la contrainte maximale
que peut supporter le matériau sans amorcer de fissure. La valeur de σD est difficile à
déterminer du fait de la faible reproductibilité des ruptures en fatigue. Des études de fatigue
gigacyclique évoquent même l’absence d’asymptote. Pour le 2024‐T351, une limite de fatigue
181
Figure IV-5 : Effet du milieu sur la courbe d’endurance : le milieu 1 retarde la rupture pour des contraintes
élevées et le milieu 2 translate toute la courbe indiquant une résistance à la fatigue en milieu globalement
plus faible. Dans les deux cas, la fatigue corrosion se traduit par l’absence d’asymptote, donc de limite de
fatigue.
182
Les essais d’endurance sont utiles pour caractériser le comportement d’un alliage dans un état
microstructural et des conditions d’essais donnés. Bien qu’ils soient conduits jusqu’à la rupture,
fatigue des matériaux. En effet, pour des grandes durées de vie, étant donnée la faible dimension
des éprouvettes, la part de la durée de vie consacrée à la propagation est très faible par rapport à
la durée de vie pendant la phase d’amorçage. Par contre, ils ne donnent aucune indication sur les
L’ajout d’un milieu corrosif peut se traduire de différentes façons sur les courbes d’endurance
(Figure IV-5). Il peut retarder la rupture pour des contraintes élevées et faire disparaître la limite
de fatigue (milieu 1 sur la figure IV-5) ou déplacer toute la courbe indiquant une résistance à la
fatigue en milieu globalement plus faible, c’est à dire un amorçage plus rapide et l’absence de
limite de fatigue (milieu 2 sur la figure IV-5). D’une façon générale, la fatigue corrosion se
traduit par l’absence d’asymptote. La limite de fatigue σD est alors remplacée par la résistance à
1) L’amorçage des fissures de fatigue peut être induit par l’émergence et l’irréversibilité du
glissement en surface. Les sollicitations cycliques répétées activent les dislocations dans les
formation d’extrusions/intrusions sur la surface libre. Ce relief de surface agit comme une
183
Figure IV-6 : Fissures s’amorçant à partir de la même particule Al7Cu2Fe d’un alliage 2024‐T351
[Halliday, 2003]. L’axe de sollicitation est horizontal. Une attaque chimique a été réalisée post fatigue de
Figure IV-7 : Effet de l’environnement sur l’amorçage : a) interaction des bandes de glissement avec
l’oxygène ; b) formation de cavités sous la couche d’oxyde à cause de la formation d’une couche d’oxyde
184
- le glissement dévié des dislocations vis ;
- la formation de crans lors des interactions entre les dislocations qui bloquent leur
- un glissement de va‐et‐vient dans des plans parallèles, proches mais distincts appartenant
à la même bande de glissement : l’irréversibilité est due à une distribution différente des
dislocations dans chaque plan de glissement dans les sens aller et retour.
déformation entre les grains ou encore à l’intersection des bandes de glissement permanentes
3) Les fissures peuvent s’initier sur les défauts microstructuraux de surface : sur les inclusions
glissement/particules), sur les pores, les criques, les retassures, les occlusions de gaz, les
la formation d’une couche d’oxyde (Figure IV-7a) sur les marches de glissement fraîchement
surface.
rugosité de surface. La déformation plastique cyclique facilite ensuite le transport des espèces
fragilisantes le long des bandes de glissement permanentes. La durée de l’amorçage est ainsi
considérablement réduite.
6) Selon Shen, dans les matériaux ductiles, la formation d’un film d’oxyde peut entraîner
Sous le chargement cyclique, les dislocations s’accumulent à la surface jusqu’à former des
cavités et des trous qui peuvent grossir en fissure (Figure IV-7b) [Petit, 2002].
185
Figure IV-8 : Piqûres à l’origine de l’amorçage d’une fissure de fatigue sur un alliage 2024‐T3
[Gruenberg, 2004].
a) b)
Figure IV-9 : Réduction de la durée de vie en fatigue a) de l’alliage Duralumin entre les échantillons non
pré‐corrodés et les échantillons pré‐corrodés 5 ou 10 jours : décalage du seuil de 130 MPa à moins de
80 MPa (Moore, 1927) dans [Dolley, 2000] ; b) de l’alliage 2024‐T351 après 36 h de pré‐corrosion selon
ASTM G110 [Kermanidis, 2005] : on retrouve les mêmes effets pour une pré‐corrosion en solution EXCO.
186
7) Enfin, les fissures de fatigue corrosion peuvent s’amorcer, en présence d’un milieu corrosif,
sur les défauts de corrosion localisée (Chapitre II). Dans la littérature, la quasi‐totalité des
[Dolley, 2000] [Chen, 1996b] [Walde, 2005, 2007, 2008] [Gruenberg, 2004] [Shi, 2003]
[Kermanidis, 2005] (Figure IV-8). Un scénario possible de l’amorçage d’une fissure de fatigue
en milieu humide à partir d’une piqûre a été proposé par Walde et al. L’amorçage est
immédiat : des essais interrompus après seulement 10000 cycles à 50%Re (10% de la durée de
vie) montre que des fissures se sont amorcées sur les piqûres. Les fissures s’amorcent en pointe
fatigue est corrélée avec la texture morphologique de la tôle. Après plusieurs milliers de cycles
(> 30000 cycles), les microfissures amorcées à partir des piqûres isolées coalescent
[Walde, 2007]. Dans notre étude, nous étudions l’amorçage de fissures à partir des sillons
milieu peu oxydant, ce qui n’a pas été considéré dans les études bibliographiques.
été largement étudié. Dolley et Wei ont montré que la pré‐corrosion d’échantillons de 2024‐T351
dans NaCl 0.5 M contenant 7 ppm d’oxygène réduit considérablement leur durée de vie en
fatigue (Figure IV-9a) [Dolley, 2000], la présence de piqûres facilitant l’amorçage des fissures de
fatigue. La même observation a été faite pour des éprouvettes pré‐corrodées selon la norme
ASTM G110 (NaCl + H2O2) (Figure IV-9b) [Kermanidis, 2005]. Malgré la dispersion des résultats,
Dolley et al. ont observé que la durée de vie diminue fortement quand la durée de pré‐corrosion
augmente puis sature pour les grandes durées d’immersion (Figure IV-10a). La réduction de la
durée de vie avec la durée de pré‐corrosion est plus importante pour des faibles niveaux de
chargement : la limite d’endurance passe de 175 MPa à 95 MPa (Figure IV-9b) [Kermanidis, 2005].
Le nombre de piqûres sur lesquelles se sont amorcées des fissures de fatigue augmente avec la
contrainte [Gruenberg, 2004] [Walde, 2005]. La figure IV-10b présente les résultats d’un modèle
sur la réduction de la durée de vie en fatigue corrosion. Lorsque la taille des piqûres augmente, la
durée de vie en fatigue est largement réduite. Pour un niveau de contrainte donné, lorsque la
fréquence diminue, la durée de vie en FC (en nombre de cycles) diminue. Il est important de
187
a) b)
Figure IV-10 : a) Réduction de la durée de vie en fatigue de l’alliage 2024‐T3 en fonction de la durée de
pré‐corrosion dans NaCl 0.5 M [Dolley, 2000] ; b) Estimation par la mécanique de la rupture de la réduction
de la durée de vie en fatigue corrosion de l’alliage 2024‐T3 en fonction de la taille des piqûres, de la
fréquence et du niveau de contrainte. Cette estimation est vérifiée expérimentalement [Dolley, 2000].
Figure IV-11 : Durée de vie totale en fonction du nombre de cycles initial en fatigue [Du, 1998].
188
souligner que ces essais de fatigue à partir de piqûres de corrosion supposent implicitement
l’absence de couplage entre corrosion et fatigue, ce qui nécessite d’être démontré ou infirmé.
Une étude présente un effet bénéfique de la corrosion sur la durée de vie en fatigue dans le cas
courtes créées en fatigue à l’air. Du et al. constatent que le gain en durée de vie est d’autant plus
important que le nombre de cycles de la fissuration initiale est important (Figure IV-11)
[Du, 1998].
plupart des études concernant la FC se sont intéressées à la transition entre les piqûres et les
fissures courtes de fatigue. Toutes ces études ont conduit à la formulation de nombreux modèles
basés sur les mécanismes de fatigue corrosion par piqûres. Il est important de noter que ces
modèles font appel à la fois aux concepts utilisés pour la piqûration (cinétique de corrosion
Deux modèles principaux ont été proposés pour caractériser le mécanisme d’amorçage d’une
de piqûre [Müller, 1982] [Jones, 2006]. Une fissure de fatigue corrosion s’amorce à partir d’une
piqûre lorsque cette dernière atteint une profondeur critique, telle que les conditions
mécaniques locales soient suffisantes à la propagation d’une fissure. La profondeur critique est
souvent traduite en termes de ΔKtransition piqûre/fissure en considérant la piqûre comme une fissure
de surface semi‐elliptique. Ce mécanisme, schématisé sur la figure IV‐12a et 13a, ne tient pas
compte d’un effet synergique entre le milieu et la déformation cyclique dans la cinétique de
par la fatigue.
- un modèle basé sur la compétition entre piqûration et fissuration [Kondo, 1989]. Une fissure
de fatigue corrosion s’amorce à partir d’une piqûre lorsque la vitesse de propagation par
189
Figure IV-12 : Décomposition schématique des différents stades d’endommagement d’une structure en
fatigue corrosion a) selon le modèle de Hoeppner et Muller introduisant la notion de profondeur critique ;
a) b)
Figure IV-13 : Processus d’amorçage d’une fissure de fatigue à partir d’une piqûre : a) notion de
profondeur de piqûre critique et b) compétition entre vitesse de piqûration et vitesse de fissuration d’après
[Kondo, 1989].
190
Les conditions chimiques et mécaniques locales critiques sont également définies en termes de
facteur d’intensité des contraintes ΔKtransition piqûre/fissure. Ce modèle fait naturellement apparaître
une dépendance de ΔKtransition piqûre/fissure avec la fréquence (Figure IV-14). Dans ce modèle, la
supposée se faire avec le même rapport de forme semi‐elliptique (a/c) et la piqûre est supposée
ne plus évoluer après l’amorçage d’une fissure de fatigue. La vitesse de propagation en fatigue
corrosion est la même qu’en fatigue à l’air. Ces modèles fournissent un ΔKtransition piqûre/fissure au
Wei et al. ont étudié la transition entre une piqûre et une fissure de fatigue dans le cas de
l’alliage 2024‐T351 [Chen, 1996b] [Wei, 2002]. Les essais sont conduits dans NaCl 0.5 M
0.1 à 20 Hz. Il constate que la profondeur critique de la piqûre et le facteur d’intensité des
contraintes à l’amorçage d’une fissure sont indépendants de la fréquence pour les hautes
fréquences (> 5Hz) mais croît lorsque la fréquence décroît pour les basses fréquences (< 5Hz). Les
Wei utilise deux critères pour la transition piqûre/fissure : i) l’amplitude du facteur d’intensité
des contraintes équivalent en fond de piqûre doit atteindre l’amplitude du facteur d’intensité des
fissuration doit être supérieure à la vitesse de piqûration (critère de Kondo). Il constate que le
niveau de contrainte maximal influe sur la taille de la fissure critique mais n’a pas d’effet sur le
ΔKtransition piqûre/fissure. Les limites de ce modèle résident dans le fait que la vitesse de fissuration en
fatigue (corrosion) est considérée comme indépendante de la fréquence et que la loi de vitesse de
propagation utilisée est celle déterminée dans le régime des fissures longues, ce qui n’est pas
L’amorçage n’est pas l’étape limitante de la FC des alliages d’aluminium. Nous présentons
dans la suite les principaux résultats de la bibliographie concernant la propagation des fissures
191
Figure IV-14 : Effet de la fréquence : (a) Δka=ΔKseuil et (da/dt)fissure>(da/dt)piqûre ; (b) et (c)
(da/dt)fissure=(da/dt)piqûre et ΔKc>ΔKb>ΔKseuil. La piqûration (courbe continue rouge) domine dans les premiers
instants de la fatigue corrosion jusqu’à ce que sa profondeur atteigne ΔKseuil. Au seuil, si la fréquence est
suffisante pour que la vitesse de fissuration soit supérieure ou égale à la vitesse de piqûration, une fissure
s’amorce (point (a) pour les fréquences f1 et f2, ΔKtransition= ΔKseuil) et le ΔKtransition ne dépend pas de la
fréquence, sinon, la piqûration continue jusqu’à atteindre cette condition (point (b) et (c) pour les
192
1.3 Propagation des fissures en fatigue corrosion
La durée de vie totale d’une pièce sollicitée de façon cyclique comprend une partie liée à
l’amorçage et une partie liée à la propagation des fissures. La notion de tolérance aux dommages
est basée sur le fait que des structures de grandes dimensions contiennent déjà des défauts.
L’important est alors de déterminer le nombre de cycles nécessaires pour propager une fissure
principale à partir d’un défaut de taille connue ou de la plus petite taille de défaut détectable par
les méthodes de contrôles non destructifs utilisées en service. Nous décrivons ici le type d’essais
d’oxyde dans les alliages d’aluminium est précisé en comparant les courbes de fissuration dans
différents milieux (ultravide, O2 sec, air humide). Nous décrivons ensuite les mécanismes
1.3.1.1 En fatigue
Pour déterminer la vitesse d’avancée de la fissure principale, des essais de fissuration sont
(Figure IV-15b). Ces essais permettent de rendre compte du comportement en fatigue des
matériaux vis à vis de la propagation des fissures longues. Ils permettent de déterminer au bout
de combien de temps une pièce déjà fissurée risque de rompre. Les résultats sont présentés
(Figure IV-15a) sur un diagramme bilogarithmique donnant la vitesse de propagation des fissures
- le stade I correspond aux faibles ΔK, la vitesse est inférieure à 10‐6 mm/cycle , c’est à dire
régime est associé à l’existence d’un seuil en dessous duquel les avancées de fissure ne
sont pas détectables. Le seuil de propagation du 2024‐T351 (ΔKseuil) est donné dans la
193
Figure IV-15 : a) Courbes de fissuration en fatigue da/dN=f(ΔK) ; b) Type d’éprouvette ; c) Evolution de
194
- le stade II correspond au régime de Paris. Dans cette partie centrale de la courbe, une loi
da
= C ΔK m (Eq. 15)
dN
résultats issus d’essais très différents à l’aide d’un paramètre unique. Cependant, cette loi
ne décrit que 10% de la durée de vie (Figure IV-15c). En effet, une fois qu’une fissure
macroscopique a été amorcée, la rupture est très rapide. Dans l’aéronautique, l’approche
de la tolérance aux dommages utilise le régime de Paris pour dimensionner les structures
et maîtriser la propagation des défauts. Une pente élevée (m>2) sur la courbe de Paris
- le stade III concerne la rupture finale : K atteint une valeur critique KIC, caractéristique du
matériau.
L’effet du milieu sur la propagation des fissures de fatigue est largement reconnu. Les courbes
fatigue pure (sous ultra vide pour l’aluminium). Les courbes schématiques de propagation en
fatigue pure et de propagation en CSC en fonction du facteur d’intensité des contraintes sont
tracées sur la figure IV-16a et 16b. On peut schématiquement dégager trois comportements de
- La figure IV-16 (c1) représente la fatigue corrosion « vraie » (FCvraie). L’environnement seul (en
l’absence de contrainte cyclique) n’a pas d’effet sur la propagation de la fissure. Il accélère
195
Figure IV-16 : Représentation schématique des différentes combinaisons possibles des vitesses de
l’environnement.
c1) Fatigue corrosion avec effet synergique entre le chargement cyclique et l’environnement,
c2) Fatigue corrosion par corrosion sous contrainte avec superposition de la propagation mécanique en
La plupart des études comparent le comportement des fissures de fatigue dans l’air à celui des fissures
196
- La figure IV-16 (c2) présente la fatigue corrosion par corrosion sous contrainte, qui est en fait
contrainte (b). Ce type de fatigue corrosion n’intervient que lorsque le Kmax est supérieur au
KICSC. Dans ce cas, il n’y a pas de tolérance aux dommages possible : une marge de sécurité sur
propagation. Cette situation est critique pour l’avionneur. Un tel plateau n’a pas été reporté
- La combinaison des types (c1) et (c2) conduit au troisième type de fatigue corrosion avec un
comportement mixte de fatigue corrosion vraie (c2) et de fatigue corrosion par corrosion sous
contrainte (c3).
En résumé, la FC peut se traduire par un décalage du seuil et/ou du domaine de Paris, et/ou
par l’indépendance de la vitesse avec la contrainte (plateau de corrosion sous contrainte) lorsque
L’aluminium étant un métal très réactif, l’oxydation va jouer un rôle important en fatigue.
Plusieurs espèces peuvent conduire à une oxydation : les molécules de dioxygène et les molécules
d’eau. En testant différents milieux gazeux, les études bibliographiques ont mis en évidence que
dans l’étude des mécanismes qu’il s’agit en fait de l’hydrogène adsorbé. Il est alors possible
d’interpréter la nocivité des différents milieux en tenant compte de leur capacité à fournir de
l’hydrogène (Figure IV-17). L’ultravide ou l’argon sec constituent le milieu neutre de référence : il
n’y a pas d’oxydation des surfaces créées lors de la propagation. Puis, plus la teneur en vapeur
d’eau augmente, plus l’environnement est nocif, avec un palier de sensibilité lié à la limitation de
l’adsorption de l’hydrogène par la diffusion. Enfin, les milieux aqueux chlorurés sont les plus
nocifs, les chlorures jouant sur la déstabilisation du film passif et la dissolution anodique, ce qui
La figure IV-18 présente les courbes de fissuration d’un alliage Al‐4.5%Zn‐1.25%Mg sollicité
dans le vide, dans l’azote sec (15 ppm d’H2O) et à l’air ambiant. La vitesse de fissuration est plus
197
Figure IV-17 : Vitesse de propagation du 2024‐T351 en fatigue dans différents environnements : a) Ar sec,
air sec, air humide, eau distillée et NaCl 3.5% (R=0.5 et f=2 Hz) [Feeney, 1970] ; b) O2 sec (C=4.55×10‐12 et
m=3.69) et NaCl 0.5 M avec 7 ppm O2 (C=4.13×10‐11 et m=3.51) (R=0.1 et f=10 Hz) [Wan, 2000].
ambiant, dans le vide, et dans l’azote sec (15 ppm H2O), R=0.1 Hz et 35 Hz [Petit, 2002].
198
élevée dans l’air par rapport aux autres milieux. L’air ambiant (humide) n’est pas un milieu
neutre en fatigue. Il induit un décalage complet de la courbe. Dans l’azote sec, 15 ppm de vapeur
d’eau suffisent à induire un décalage du seuil par rapport au vide, identique au décalage observé
à l’air ambiant, suivi par un plateau qui rejoint la courbe dans le vide pour ΔK>5 MPa.m1/2. Pour
ΔK>10 MPa.m1/2, les trois courbes se rejoignent. Les effets du taux d’humidité sont plus
importants aux faibles ΔK quand l’effet de l’endommagement plastique est moindre. C’est un
comportement typique des interactions Hads‐plasticité. On reviendra par la suite sur le rôle de
l’hydrogène adsorbé sur les mécanismes microscopiques. Un effet identique a été observé dans le
cas de l’alliage 2024‐T351 entre le vide et l’air (Figure IV-19a). La vitesse de propagation dans l’air
est 3 fois plus élevée que celle dans le vide pour le même ΔK lorsque ΔK<17 MPa.m1/2. La vitesse
de fissuration est estimée à 1.3×10‐7 m/cycle à l’air et à 4×10‐8 m/cycle dans le vide.
Dans l’air ambiant, l’oxygène et la vapeur d’eau contribuent tous deux à la formation d’un film
d’oxyde mais la vapeur d’eau conduit en plus à l’adsorption et l’absorption d’hydrogène. Il existe
des études sous ultravide mais peu en milieu O2 sec. En effet, nous avons vu que 15 ppm d’eau
suffisent à induire un décalage du seuil. Le taux de vapeur d’eau n’ayant pas été mesuré dans la
plupart des études, les résultats de propagation dans O2 « pur » sont controversés
[Gangloff, 2002]. L’effet seul de la formation d’un film d’oxyde est donc mal connu. Nous
retiendrons que l’accélération de la propagation est surtout sensible entre les milieux
propagation en présence de chlorures dans le cas du 2024‐T351. Dans une autre étude, un
199
a) b)
Figure IV-19 : a) Vitesse de fissuration en fonction de l’amplitude du facteur d’intensité des contraintes
pour un alliage 2024‐T3 testé dans l’air et dans le vide (Meyn, 1968) dans [Petit, 2002] ; b) FC de l’alliage
200
1.3.2 Mécanismes de propagation
L’objectif de ce paragraphe est d’examiner les mécanismes de propagation stable d’une fissure
longue (plusieurs millimètres) de fatigue corrosion. Mais avant de passer en revue les
début du régime de Paris. C’est dans cette gamme de conditions mécaniques que l’effet de
propagation.
1.3.2.1.1 Stade I
Au seuil de propagation , la taille de la zone plastique est inférieure à la taille du grain, les
fissures se propagent en « zigzag » (Figure IV-20) : un seul système de glissement est activé dans
chaque grain. Le faciès de rupture présente des facettes cristallographiques correspondant aux
plans de glissement.
Ce stade est particulièrement mal compris. La propagation des défauts microscopiques est
souvent considérée comme « anormale » dans le sens où elle peut être significativement plus
rapide que la propagation des fissures longues. Ces défauts se situent de plus, pour la plupart, en
d’intensité des contraintes pour caractériser de façon unique la propagation des fissures courtes
et des fissures longues rend cette étape de l’endommagement difficile à étudier : contrairement au
régime des fissures longues, dans le cas des fissures courtes, la vitesse de propagation ne dépend
pas que de ΔK mais également de la longueur de la fissure [Feeney, 1970]. Plusieurs types de
fissures courtes peuvent être distinguées : les fissures microstructuralement courtes, de taille
voisine de celle des grains ; les fissures mécaniquement courtes, dont la taille est comparable à
celle de la zone plastique et les fissures chimiquement courtes, c’est à dire les fissures pour
201
a)
b)
Figure IV-21 : a) Schéma de propagation des fissures courtes à travers les barrières microstructurales,
b) Activation des sources de dislocations et création d’un empilement sur l’obstacle structural précédant la
Figure IV-22 : Branchement d’une fissure à la traversée d’un joint de grains. L’axe de sollicitation est
202
Fissures microstructuralement courtes :
grain à l’autre. Les fissures avancent par une succession d’étapes (Figure IV-21). Une fois le
défaut microscopique créé, la fissure s’arrête à une certaine distance d’une interface. Cette
interface agit comme une barrière. Les dislocations ne peuvent pas la franchir : elles s’accumulent,
créant ainsi une concentration de contraintes. Une source peut alors être activée dans le grain
voisin avec activation du glissement dans la direction du joint de grains. Un embryon de fissure
est créé dans le grain voisin. Les dislocations s’empilent entre le joint de grains et la source. La
densité de dislocations augmente dans cette zone ; la déformation s’accumule. Il s’en suit une
rupture mécanique du ligament compris entre les deux fissures. Chaque nouvelle barrière est
moins efficace, jusqu’à entrer dans le régime des fissures longues. Dans le cas du 2024‐T351, le
franchissement d’un joint de grains peut donner lieu au branchement de la fissure (Figure IV-22)
[Halliday, 2003].
Les fissures mécaniquement courtes sont des fissures de taille inférieure à l0, la taille de la zone
2
1 ⎛ ΔK th ⎞
plastique cyclique : l0 = ⎜ ⎟ avec ΔKth le seuil du facteur d’intensité des contraintes
π ⎝ Δσ C ⎠
(4 MPa.m1/2) et ΔσC la limite d’endurance (240 MPa). Cette longueur critique l0 vaut environ
100 μm pour l’alliage 2024‐T351 [Wan, 2000]. Il convient de souligner toutefois que la notion de
fissures mécaniquement courtes est difficile à appliquer lorsque le facteur de forme des grains est
important.
Une étude s’est intéressée au cas des fissures chimiquement courtes sur l’alliage 2024‐T351
[Wan, 2000]. Les essais sont conduits dans NaCl 0.5 M, 10 Hz, R=0.1 et 0.5 et trois concentrations
d’oxygène : 0, 7 et 30 ppm. L’effet des fissures chimiquement courtes, c’est à dire le fait que la
vitesse de fissuration décroît lorsque la longueur de la fissure augmente est limité aux faibles
valeurs de ΔK et R et est plus prononcé pour des fortes concentrations en oxygène. Cette étude a
mis en évidence un facteur 2 entre les vitesses de propagation des fissures courtes et des fissures
203
a) b)
Figure IV-23 : Vitesse de propagation en fonction de la longueur de la fissure : a) pour deux niveaux de
ΔK (4 et 5 MPa.m1/2) dans NaCl 0.5 M, 7 ppm O2 : l’effet fissure courte est visible jusqu’à 3.5 mm pour
ΔK=4 MPa.m1/2 et jusqu’à 4.5 mm pour ΔK=5 MPa.m1/2; b) pour deux niveaux de ΔK (5 et 10 MPa.m1/2) dans
NaCl 0.5 M, 7 ppm O2 : il n’y a pas d’effet fissure courte en l’absence d’oxygène [Wan, 2000].
204
longues (Figure IV-23a). L’effet est observé dans NaCl avec 7 ppm d’O2 jusqu’à 5 MPa.m1/2 et
dans NaCl avec 30 ppm d’O2 jusqu’à 8 MPa.m1/2 et R=0.1. La limite entre fissure chimiquement
courte et fissure longue est estimée à 3.5 mm à 4 MPa.m1/2 et à 4.5 mm à 5 MPa.m1/2. Cet effet
n’apparaît pas dans O2 sec ni dans NaCl désaéré (Figure IV-23b). L’effet de la fréquence est peu
oxygène en pointe de la fissure corrèle cet effet fissure courte avec la présence d’oxygène dissous
en fond de fissure. Le transport de l’oxygène étant surtout assuré par les mouvements de
convection dus à la sollicitation cyclique, cet effet disparaît pour des rapports de charge plus
importants (R≥0.5). Cette étude met en évidence l’importance de l’oxygénation du fond de fissure
Dans notre étude, il convient de rappeler que les défauts de corrosion localisée sont à
l’échelle d’un grain. Les fissures sont microstructuralement courtes, mécaniquement courtes et
chimiquement courtes.
1.3.2.1.2 Stade II
Dans le régime de Paris, la taille de la zone plastique est supérieure à la taille de plusieurs
apparaissent sur le faciès (Figure IV-25). Elles forment des bandes micro‐ductiles serrées,
pour atteindre une déformation plastique cumulée suffisante pour faire propager la fissure et
former une strie. Le matériau stocke au fur et à mesure des cycles la déformation jusqu’à
atteindre une valeur critique qui dépend de la capacité du matériau à s’écrouir. Toute l’énergie
205
A) B)
Figure IV-26 : A) modèle de Laird de l’émoussement plastique qui conduit à la propagation de fissure
dans le stade II. a) charge nulle, b) faible charge en traction, c) charge maximale en traction, d) chargement
retour, e) charge maximale en compression, f) faible charge de traction du cycle suivant. Les flèches
Figure IV-27 : Faciès de rupture d’un alliage 2024‐T3 testé en fatigue dans le vide (en haut) et dans l’air (en
bas). La flèche indique la direction de propagation (Meyn, 1968) dans [Petit, 2002].
206
Mécanismes de formation des stries
mécanisme par émoussement plastique (Laird) (Figure IV-26a) et un mécanisme par glissement
alterné (Neumann) (Figure IV-26b). De nombreuses études se sont attachées à relier la distance
entre deux stries consécutives avec la propagation par cycle. La formation de stries et leur
des contraintes, de l’état de contrainte et de l’environnement. Les matériaux testés sous vide ne
présentent pas de stries (Figure IV-27), ce qui tend à montrer que, quel que soit le mécanisme
d’espèces chimiques en fond de fissure est nécessaire pour créer l’irréversibilité entraînant la
formation de stries.
Effet de fermeture
fermeture (induit par la plasticité). La propagation des fissures ne dépend pas seulement des
conditions en pointe de fissure mais aussi du contact des lèvres de la fissure en arrière du front de
propagation, c’est à dire de l’histoire de la fissure (chargement, longueur, état de contrainte). Lors
de l’avancée de la fissure, les zones déformées préalablement qui ont conduit à cet incrément de
propagation restent dans le matériau en arrière du front de propagation. Seule la partie élastique
taille de la zone plastique en pointe de fissure augmente, une enveloppe des zones plastiques
peut être tracée (Figure IV-28a). Cette zone plastifiée à la pointe de la fissure induit un champ de
contraintes résiduelles de compression qui conduit à une fermeture partielle de la fissure pendant
une partie du cycle de chargement (traction) et induit la diminution de la force motrice apparente
d’avancée de la fissure. Cet effet a été découvert par Elber dans les années 70 sur des tôles fines
de 2024‐T3. Pour le corriger, on introduit un facteur d’intensité des contraintes effectif Keff qui
permet de rationaliser l’effet du rapport de charge. Pour le 2024‐T3, pour un ΔK compris entre 13
et 40 MPa.m1/2 et une fréquence comprise entre 1 et 30 Hz, une relation entre le Keff et le rapport
207
Figure IV-28 : Illustration schématique des mécanismes pouvant retarder la propagation des fissures pour
des essais à amplitude constante. Effet de fermeture induit a) par la plasticité, b) par la formation d’oxyde,
c) par la rugosité des surfaces de rupture, d) par la présence de fluide visqueux, e) par la transformation de
phase ; Retard induit f) par un changement de direction de propagation, g) par la formation de pont entre
les fibres, h) par le piégeage de particules, i) par écrantage par des microfissures, j) par écrantage par les
dislocations.
Figure IV-29 : Influence de différents environnements gazeux sur la résistance à la fatigue de l’alliage
Al‐4%Cu contenant des zones GP ou des précipités θ’’ (Bouchet, 1975) dans [Petit, 2002].
208
Plusieurs autres phénomènes peuvent retarder la propagation d’une fissure de fatigue
(Figure IV‐28) : des effets de fermeture induits par la formation d’oxydes dans la fissure
Les effets de l’état de durcissement structural de l’alliage sur le mode de glissement et sur
l’endommagement assisté par l’environnement en pointe de fissure sont encore mal compris, en
particulier dans le cas des alliages de la famille des 2xxx, pour lesquels les différents auteurs font
état d’observations parfois contradictoires. Gangloff et al. ont établi une corrélation entre la
cette série : le 2024‐T351 et un alliage Al‐Cu‐Mg‐Li [Bray, 2001]. En faisant varier le traitement
thermique de ces deux alliages, ils constatent que les alliages sur‐revenus sont moins résistants à
la fatigue. La plus grande résistance à la fatigue des états sous‐revenus est corrélée avec la
présence de clusters de particules et diminue avec la dissolution de ces cluters et/ou la formation
et l’augmentation du nombre des précipités S’. Cet effet de la microstructure est très prononcé
aux faibles ΔK (< 10 MPa.m1/2) et faibles rapport de charge R (R=0.1) et, dans le cas des alliages
2xxx, persiste pour des valeurs de R élevées ou après avoir corrigé l’effet de fermeture par une
analyse en ΔKeff.
seuil dans les alliages d’aluminium est le glissement alterné, plus ou moins réversible.
L’aluminium pur ayant une forte énergie de faute d’empilement, le glissement dévié est favorisé.
Le glissement a lieu sur des systèmes multiples et peut être relativement irréversible. Les clusters
qui se forment dans les alliages d’aluminium vieillis naturellement et qui évoluent pendant le
vieillissement initial peuvent localiser le glissement dans un unique plan comme les précipités
ordonnés cisaillables mais, dans ce cas, à cause d’effets de composition locale qui retardent le
dissolvent et/ou que les précipités ordonnés forment des précipités de taille non cisaillable, le
favorisé. Lorsque l’on poursuit le vieillissement, le nombre et la taille des précipités augmentent,
209
vitesse de fissuration. L’effet du vieillissement est le même pour les deux alliages (Al‐Cu‐Mg et
Al‐Cu‐Mg‐Li), ce qui suggère que les mêmes changements microstructuraux sont responsables de
La figure IV-29 illustre une courbe d’endurance dans différents environnements gazeux pour
un alliage Al‐4%Cu présentant deux microstructures différentes : des zones GP dans un état sous‐
revenu et des précipités θ’’ pour un revenu au pic de durcissement. Pour chacun des
environnements, les alliages présentant des zones GP sont plus résistants que les alliages avec des
précipités θ’’. Nous pouvons également constaté l’effet du milieu sur ces courbes. Pour chacune
des microstructures, la courbe à l’air est décalée vers la gauche par rapport à la courbe sous vide
et dans le cas de précipitation θ’’, il n’est pas possible de définir de limite en fatigue à l’air.
formation de facettes de 0.5 μm lisses sur le faciès n’est pas expliqué. Il n’est donc pas possible de
donner un mécanisme de rupture en FC. Dans la suite, les principales tendances bibliographiques
en FC sont présentées.
influence différemment le régime de Paris et le régime près du seuil. A faible ΔK, la vitesse de
également été observé pour le 2024 et les Al‐Cu‐Mg‐Li. Dans les 7xxx, la meilleure résistance à la
fissuration dans l’état sous‐revenu est expliquée par les effets de fermeture et de « deflection »
induit par le glissement plan réversible caractéristique de ces microstructures. Par contre, dans le
cas du 2024, les phénomènes de « deflection » sont peu importants et l’effet du revenu à faible ΔK
persiste à R élevé et après avoir corrigé l’effet de fermeture. L’effet bénéfique du sous revenu à
faible ΔK n’est donc pas expliqué de manière convaincante. Dans le régime de Paris, pour les
7xxx, on observe un effet inverse du revenu : la vitesse de fissuration diminue avec le revenu. Le
glissement plan réversible dans les alliages sous‐revenu favoriserait le transport de l’hydrogène
210
depuis de la pointe de la fissure, augmentant l’endommagement en fatigue et la vitesse de
fissuration. Augmenter le vieillissement rend les précipités moins cohérents, ce qui entraîne
l’homogénéisation du glissement et donc diminuerait l’effet de l’hydrogène. Pour les 2xxx, cet
effet bénéfique du revenu dans le régime de Paris n’est pas observé, ce qui peut refléter une
sensibilité à l’hydrogène différente par rapport aux alliages 7xxx. Les mécanismes à l’origine de
l’effet bénéfique ou néfaste du revenu sur la vitesse de fissuration dans les alliages d’aluminium à
durcissement structural sont encore mal compris (effet de l’environnement, effet de fermeture,
effet du ΔK, interactions dislocations, clusters de solutés, lacunes, zones GPB, précipités).
vue du chemin cristallographique de fissuration grâce à des études EBSD [Ro, 2007]. Dans le
vide ou dans O2 pur, près du seuil, dans le cas d’alliages 2xxx sous‐revenu, le faciès de rupture
présente des facettes cristallographiques tortueuses selon {111} quelque soit la structure des
sous grains, la texture et la taille des grains. Le mécanisme est basé sur la localisation de la
déformation dans les bandes de glissement selon les plans {111} à cause des précipités cohérents
(Al‐Li) ou des clusters de particules (2024‐T351) présents dans les alliages à durcissement
structural à l’état sous revenu. Sur un 2090 revenu au pic de dureté, de multiples facettes selon
{111} ont été observées dans un seul grain. Le chemin de fissuration dans le vide est très tortueux.
Dans un environnement humide (environnement hydrogénant) sur des alliages de la famille des
2xxx, les faciès sont toujours transgranulaires mais très différents de ceux observés dans le vide,
changement de mécanisme. Les orientations sont complexes, aucune facette selon {111} n’a été
observée. La plupart des facettes, dans le cas du 2090 sollicité dans NaCl désaéré, suit des plans
d’indices élevés {521}. Des facettes suivant {100} ont été observées dans le 2024‐T351, ce mode de
rupture peut être attribué à une mécanisme de glissement alterné. Les différents mécanismes de
fragilisation par l’hydrogène ont été passés en revue pour permettre d’expliquer la
cristallographie des faciès de rupture sans permettre de conclure précisément pour chacun des
211
a)
b) c) d)
[Suresh, 1991].
Figure IV-31: Effet de l’environnement sur le glissement : formation d’un film d’oxyde et mécanisme
212
1.3.2.2.2 Mécanismes de FC :
plastique et la formation d’un film de surface. En milieu aqueux, ces trois phénomènes peuvent
réellement fragiles (Si non préécrouis à basse température). Cette dénomination provient de
l’observation de facettes planes sur les faciès de rupture. Cette impression de planéité dépend
de l’échelle d’observation et est subjective. Pour expliquer l’origine de ces facettes, deux
plans cristallographiques de bas indices ou le long de joints de grains (Figure IV-30b) et (ii) la
{111} (mécanisme HELP présenté dans le chapitre III) (Figure IV-30c). Dans les deux cas, il
cyclique. La zone de déformation plastique cyclique est confinée près de la pointe. Les
concentrations en hydrogène dans cette zone endommagée sont mal connues en raison de la
diffusion (désorption) rapide de l’hydrogène pendant les mesures et de la taille de cette zone.
propagation, surtout étudié dans les alliages 7xxx, montrent un contrôle par la diffusion de
l’hydrogène dans la zone endommagée [Gingell, 1997] [Holroyd, 1983] [Gangloff, 2002]. Le
L’absence de facettes {111} en milieu hydrogénant suggère que la propagation a lieu le long de
rupture.
2) Un autre mécanisme est basé sur la dissolution anodique du métal. La sollicitation cyclique
facilite la rupture du film d’oxyde par formation de marches de glissement, par frottement des
213
fait par dissolution de la surface exposée à chaque cycle. L’émoussement continu de la fissure
l’effet de barrière des interfaces. Sous chargement cyclique, le frottement des lèvres de la
dissolution anodique.
3) Un dernier mécanisme concerne la formation d’un film d’oxyde de surface. Ce film peut être à
glissement dans le milieu par rapport au vide en empêchant le « resoudage » des surfaces
fraîches de la fissure (Figure IV-31). La présence d’oxygène modifie aussi les surfaces de
rupture : la fissuration est plus lisse, moins facettée que dans le vide. Ceci permet d’expliquer
- la formation d’oxyde épais induit une augmentation de l’effet de fermeture. Pour expliquer
l’oxydation des surfaces de rupture est évoquée. Pour de faibles ΔK et R, le contact répété des
lèvres de la fissures (mode mixte, rugosité microscopique, effet de fermeture induit par la
« frottement » peut conduire à la formation de couche d’oxyde d’épaisseur 20 fois plus élevée
que celle formée dans le même environnement sans fatigue. L’ouverture du fond de fissure
étant de cet ordre de grandeur, il est possible que le film d’oxyde ressoude complètement la
fissure. Pour des ΔK élevés, la vitesse de propagation est trop rapide pour induire une
oxydation suffisante.
1.3.2.2.3 Mécanismes de FC retenus dans le cas des alliages de la famille des 2xxx
Le mécanisme de fragilisation par l’hydrogène a été retenu pour la FC des alliages Al‐Li‐Cu
- Piascik et al. constatent une augmentation de la vitesse de propagation pour de très faibles
214
Dans les Al‐Zn‐Mg, une pré‐exposition dans l’air humide est aussi néfaste qu’un essai réalisé
complètement en environnement humide. L’important effet d’un très faible taux d’humidité
constitue la différence majeure entre CSC et FC dans les alliages d’aluminium. A cette faible
également été constaté sur les alliages Al‐Cu‐Mg et Al‐Cu‐Li [Ro, 2007]. La courbe da/dN en
gouvernée par le transport des molécules d’eau. Puis entre 100 et 1000 Pa.s, da/dN augmente
plus graduellement avec PH2O/f jusqu’à atteindre un plateau : la fissuration semble limitée par
- Enfin, l’oxygène pur n’a pas d’effet sur la vitesse de propagation. La propagation dans O2 est
identique à celle dans le vide. Cette observation a également été faite sur le 2024‐T351 dans le
cas des fissures longues [Wan, 2000]. Des analyses par spectrométrie Auger ont mis en
évidence la formation d’un film d’oxyde mais l’effet de ce film sur la vitesse de propagation est
mal compris. En milieu aqueux, la vitesse de fissuration diminue dans les conditions qui
stabilisent les films de surface et défavorisent l’entrée de l’hydrogène c’est à dire sous
[Piascik, 1991].
En résumé, pour le 2090, l’effet endommageant de la vapeur d’eau est associé à un mécanisme
Une autre étude propose également le mécanisme de fragilisation par l’hydrogène mais pour
expliquer l’effet de la pré‐corrosion sur la propagation aux forts ΔK et forts R [Kermanidis, 2005].
215
Figure IV-32 : Dépendance de la vitesse de fissuration da/dN en fonction du rapport pH2O/f pour un alliage
Al‐4.0Cu‐1.4Mg‐0.6Mn à l’état T351 et T851 à ΔK=7 MPa.m1/2, Kmax=16.5 MPa.m1/2 et R=0.58 [Ro, 2007].
Figure IV-33 : a) Faciès de rupture montrant les différents sites d’amorçage des fissures ; b) représentation
216
Dans le cas de l’alliage 2024‐T351, une étude privilégie le mécanisme de dissolution anodique.
Khobaib et al. constatent que la vitesse de fissuration dans NaCl est très supérieure à la vitesse de
fissuration de cet alliage dans l’eau. Ils constatent de plus qu’en présence d’inhibiteurs, le
comportement de l’alliage dans NaCl est similaire à celui observé à l’air. L’ajout d’inhibiteur
pendant la propagation arrête et retarde la propagation. L’effet des inhibiteurs est expliqué par la
compétition entre les ions NO3‐ et Cl‐ dans la formation d’un film passif, non déstabilisé par les
ions chlorures.
Différents modèles de propagation des fissures courtes ont été développés en tenant compte
des interactions entre les piqûres et les fissures (Figure IV-33) : modèles basés sur le Multiple Site
Damage [Shi, 2003], modèle de liaison des zones plastiques [Walde, 2005].
Pour s’affranchir de l’effet de fermeture et des difficultés associées, des modèles « unifiés » ont
été proposés utilisant des paramètres combinés (ΔK, Kmax) pour décrire la force motrice de la
propagation des fissures de fatigue dans les alliages d’aluminium. Le comportement des fissures
physiquement courtes et des fissures longues peut ainsi être traité en utilisant une loi unique
(Figure IV-34).
Ces trois formules empiriques s’appliquent bien pour R=0.1, surtout celle de Kujawski, mais
moins pour R=0.6 ou 0.7. Le paramètre employé par cet auteur (ΔK.Kmax)1/2 est plutôt astucieux,
[Kujawski, 2001b] [Maymon, 2005b]. Il n’existe pas de modèle comparables décrivant la FC.
217
da
(m/cycle)=A ( K max -K max ) ( ΔK max -ΔK max )
th n th m
dn
A=1.08033357×10-10
a) n=1.968271
m=1.680724
th
K max =2.4MPa m
th
ΔK max =1.75MPa m
ΔK
K max =
1-R
da
(m/cycle)=C ( PK )
m
dN
PK= ( ΔK×K max )
0.5
b)
C=7.648179×10-12
m=4.05
ΔK
K max =
1-R
C ( ΔK )
n
da
(mm/cycle)= q
dN ⎛ ΔK ⎞
⎜1- ⎟
⎝ (1-R ) K C ⎠
-12
c) C=6.054×10 d)
n=3
q=1
K C =1181 MPa m
[Kujawski, 2001a]; c) « Modèle » de NASGRO Forman [Maymon, 2005a], d) comparaison des modèles et
218
1.4 Synthèse des résultats de la partie bibliographique et
positionnement de notre étude de fatigue corrosion :
Nous avons effectué une présentation générale, rapide, des principales caractéristiques
retenir que :
- L’amorçage, susceptible de représenter l’essentiel de la durée de vie, est dans notre cas très
rapide puisqu’au bout de 7 h d’immersion en milieu NaCl 0.5 M, des défauts de surface
pouvant servir d’amorces mécaniques sont formés. La transition entre les piqûres sévères
obtenues pour des durées d’immersion importantes ou dans des milieux très oxydants et les
fissures de fatigue est déjà bien documentée. Elle est décrite comme une compétition entre la
désoxygénation (O2 étant le moteur de l’avancée d’une piqûre par dissolution anodique) et la
vitesse de propagation en fatigue à l’air. Notre étude se concentre sur l’effet mécanique des
présentant une géométrie telle que le milieu est rapidement confiné (200 μm de profondeur
- La propagation des fissures longues est déjà largement étudiée par des essais sur des
la forte tendance de cet élément à former un oxyde. La formation d’un film d’oxyde peut, en
milieu humide (gaz contenant de la vapeur d’eau ou milieu aqueux), libérer de l’hydrogène
grandeur plus élevées que sous ultravide. La nocivité du milieu dépend de sa capacité à
générer de l’hydrogène absorbé, dont l’effet est limité par le coefficient de diffusion de
l’hydrogène dans le cristal. Un milieu NaCl 0.5 M peut, du point de vue de la propagation
être considéré comme un milieu modèle hydrogénant. Les essais réalisés sous air humide (air
ambiant) sont des essais de FC mais avec des quantités d’hydrogène plus faibles. Du point de
vue des mécanismes de rupture microscopique, l’hydrogène a un effet remarquable sur les
trajets de propagation. Dans les alliages à durcissement structural (dont le 2024), présentant
du glissement plan en fatigue par cisaillement de précipités (à bas ΔK), les facettes sur les
faciès de rupture sous ultravide sont principalement parallèles à {111}. Ceci démontre une
219
propagation par cisaillement intense. Par contre, en présence d’hydrogène, l’orientation des
facettes est quelconque. Elles maintiennent leur apparente planéité (à l’échelle de l’observation
du MEB), ce qui amène à parler de « fragilité ». Il ne s’agit pas de décohésion car les surfaces
(dynamiques) sont primordiales. L’endommagement a lieu dans une zone très réduite :
les fissures longues. Les concentrations en hydrogène dans cette zone sont mal connues. D’un
point de vue pratique, on retiendra que les variables pertinentes pour caractériser le
chargement mécanique sont Kmax puisqu’il conditionne la taille de la zone plastique monotone
220
2 Techniques expérimentales
Pour balayer toute l’étendue de l’endommagement en fatigue corrosion, d’un défaut de
corrosion localisée à une fissure longue, nous avons effectué des essais de fatigue à partir de
différents types d’amorces. Nous avons utilisé des éprouvettes carrées lisses pré‐corrodées, des
traction).
Pour chaque type d’éprouvette, nous avons comparé deux essais : des essais en milieu corrosif
NaCl 0.5 M et des essais dans un « milieu de référence » : air humide. Au vu des résultats de la
bibliographie, on sait que l’air humide constitue un environnement agressif pour les alliages
d’aluminium. Pour s’en affranchir il faudrait réaliser des essais sous ultravide, ce qui n’est pas
possible au laboratoire. Les deux milieux choisis (corrosif et référence) amènent à de la FC. On
cherche ici à mettre en évidence l’amplification des effets de l’environnement en milieu aqueux
chloruré.
éprouvettes lisses pré‐corrodées et sur des éprouvettes entaillées. Ces essais utilisent la même
différents éléments du montage sont les mêmes que pour les essais de traction lente. Les
éprouvettes ont une partie utile de section carrée 4 mm x 4 mm sur 12 mm de longueur. Quatre
types de protections avec une pâte siliconée ont été utilisées (Figure IV-35) :
- (ii) une protection localisant l’endommagement sur une petite fenêtre de 2 mm de hauteur sur
- (iii) une protection localisant l’endommagement sur une petite fenêtre sur une seule face, les
221
Figure IV-35 : Type de protection des échantillons : (i) aucune protection : les 4 faces de l’éprouvette
sont immergées ; (ii) une protection localisant l’endommagement sur une petite fenêtre de 2 mm de
hauteur sur les 4 faces, les arêtes étant protégées ; (iii) une protection localisant l’endommagement sur
une petite fenêtre sur une seule face, les arêtes étant protégées ; (iv) identique à (iii) avec une entaille
fine (40 μm de rayon) sur la face protégée, réalisée à la scie à fil pour ne pas introduire de contraintes
résiduelles.
222
- (iv) identique à (iii) avec une entaille fine (40 μm de rayon) sur la face protégée, réalisée à la
(amorce sur les arêtes par effet de coins) et permet de localiser l’endommagement pour réduire la
- des essais de fatigue en milieu de référence (à l’air ou sous courant d’argon) sur éprouvettes
pré‐corrodées. La pré‐corrosion est obtenue par immersion statique dans la solution NaCl
0.5 M, pH=7, naturellement aérée, à potentiel libre pendant 7 h pour créer un défaut de surface
contrôlé (Chapitre II). L’éprouvette est ensuite rincée dans un bain d’acétone aux ultrasons et
mise sous vide pendant une heure avant d’être soumise à la sollicitation cyclique.
- des essais de fatigue en milieu corrosif dans une solution de NaCl 0.5 M à pH=7,
Les conditions d’essais testées sont présentées dans le tableau IV-1. Les essais sont réalisés en
appliquant une amplitude de force constante (R et Fmax constants). La force suit un signal
triangulaire. La fréquence f vaut 0.1 Hz pour les essais en milieu corrosif et 1 Hz pour les autres.
Le rapport R des contraintes minimales et maximales vaut 0.1 ou 0.6 et la contrainte maximale
Milieu corrosif (NaCl 0.5 M, pH=7, aéré, potentiel libre) 0.1 0.1/0.6 250/200/150
Les paramètres pertinents par rapport aux conditions mécaniques en service des avions sont
soit un rapport de charge et une fréquence élevés (R=0.7 et f=1 Hz), conditions représentatives du
gonflement du fuselage et/ou des vibrations de l’avion en vol, soit un rapport de charge et une
fréquence faibles (R=0.1 et f=0.05 Hz), conditions qui correspondent à l’atterrissage, au décollage
et/ou à la présence de bosses sur la piste lors du décollage ou de l’atterrissage. Il existe des
223
Figure IV-36 : Diagramme de distribution des contraintes décomposé en paliers de charge. Il présente le
rapport de la contrainte maximale sur la contrainte moyenne pendant le vol en fonction de la fréquence sur
40000 vols. Par exemple, pour le palier V qui correspond à R=0.1, sur 40000 vols, l’avion a subi 520 cycles à
σmoy ± 0.995 σmoy. Quand R augmente, la contrainte relative se rapproche de 1 et le nombre de cycles par vol
224
spectres de charges standards, appelés diagramme de distributions des contraintes en fonction de
la fréquence (Figure IV-36) élaborés à partir de l’enregistrement des sollicitations des pièces
aéronautiques en service. Ces spectres permettent de connaître les sollicitations réelles subies par
l’avion sur un certain nombre de vols. Le rapport de la contrainte maximale sur la contrainte
moyenne en vol σmax/σmoy est tracé en fonction de l’occurrence de ces sollicitations sur 40000 vols
par exemple. Ces diagrammes peuvent être décomposés en palier de charge, et ainsi permettent
Certains essais sur éprouvettes entaillées ont été instrumentés avec une technique de suivi
électrique. Le protocole expérimental est le même que celui décrit dans le chapitre III pour les
essais de CSC.
Tous les essais de fatigue et fatigue‐corrosion réalisés sur éprouvettes lisses sont présentés
dans le tableau IV-2. Plusieurs durées d’essais ont été testées : 8500 cycles, 25200 cycles,
65000 cycles, 90000 cycles, 176000 cycles. Les essais courts ont été réalisés dans le but de
déterminer l’existence ou non d’un temps de latence, temps nécessaire à l’« amorçage » d’une
microfissure de fatigue à partir des défauts de corrosion localisée ou de CSC formés sur la surface
de l’éprouvette. Tous les essais sur éprouvettes entaillées sont présentés dans le tableau IV-3 en
précisant les conditions d’essais (R, σmax), la longueur de l’entaille, l’amplitude du facteur de
Les courbes correspondant au déplacement maximal, mesuré par les capteurs LVDT, en
fonction du nombre de cycles sont tracées. Le faciès de rupture pour chaque essai est observé en
microscopie électronique à balayage. Tous les défauts sont caractérisés (forme, largeur,
profondeur). Le fût est observé en microscopie optique. Lorsque la longueur de la fissure est
225
Tableau IV-2 : Bilan des essais de fatigue et fatigue corrosion réalisés sur éprouvettes lisses : à gauche, les
essais à l’air ou sous courant d’argon et à droite les essais en milieu corrosif. Les essais présentant les
mêmes conditions mécaniques sont sur une même ligne. Pour chaque essai, le nombre de défauts
24 R=0.1 f=1 Hz 21841 cycles (rupture) R=0.1 f=0.1Hz 8500 cycles (rupture)
25
Ar Protection i) 8 défauts + un coin Protection i) 8 défauts + un coin
41 R=0.6 f=1 Hz > 212507 cycles (rupture) Protection iii) 1.5 mm de propagation
air sans pré‐corrosion rupture dans la tête
29 R=0.6 f=1 Hz < 60500 cycles (rupture) R=0.6 f=0.1Hz 60500 cycles (interrompu)
28
Ar Protection iii) rupture dans la tête Protection iii) 3 défauts
30 R=0.6 f=1 Hz 8500 cycles (interrompu) R=0.6 f=0.1Hz 8500 cycles (interrompu)
31
Ar Protection ii) 12 défauts Protection ii) 4 défauts
36 R=0.6 f=1 Hz 90000 cycles (interrompu) R=0.6 f=0.1Hz 36768 cycles (rupture)
37
air Protection ii) Rupture dans la tête
39 R=0.6 f=1 Hz 51442 cycles (rupture) R=0.6 f=0.1Hz 91800 cycles (rupture)
38
air 10 jours d’immersion 12 défauts Rupture dans la tête
226
Tableau IV-3 : Bilan des essais de fatigue et fatigue corrosion réalisés sur éprouvettes entaillées : à
gauche, les essais à l’air ou sous courant d’argon et à droite les essais en milieu corrosif. Les essais
présentant les mêmes conditions mécaniques sont sur une même ligne. Pour chaque essai, la profondeur de
Essais de fatigue à l’air sur éprouvettes Essais de fatigue en milieu corrosif sur
entaillées (f=1Hz) éprouvettes entaillées (f=0.1 Hz)
41 Eprouvette lisse σmax=250 MPa
> 212 507 cycles (rupture congés)
40 Entaille : 120 μm σmax=250 MPa 47 Entaille : 125 μm σmax=250 MPa
ΔK0=2.18 MPa.m1/2 ΔK0=2.22 MPa.m1/2
89613 cycles (rupture dans l’entaille) 62705 cycles (rupture dans l’entaille)
800 μm de propagation (8.9 nm/cycle) 1060 μm de propagation (16.9 nm/cycle)
ΔKf=7.77 MPa.m1/2 ΔKf=10.05 MPa.m1/2
42 Entaille : 60 μm σmax=200 MPa
ΔK0=1.23 MPa.m1/2
>475777 cycles (rupture congés)
43 Entaille : 95 μm σmax=200 MPa
ΔK0=1.55 MPa.m1/2
>201736 cycles (rupture congés)
44 Entaille : 140 μm σmax=200 MPa
ΔK0=1.88 MPa.m 1/2
160862 cycles (rupture dans l’entaille) 74225 cycles (rupture dans l’entaille)
1130 μm de propagation (7 nm/cycle)
ΔKf=9.54 MPa.m1/2
50 Entaille : 120 μm σmax=250 MPa
SE* ΔK0=2.18 MPa.m1/2
39027 cycles (interrompu)
* SE = Suivi Electrique
227
Figure IV-37 : Schéma d’une éprouvette CT de largeur utile W, de largeur totale C, d’épaisseur B, de demi‐
228
2.2 Essais sur éprouvettes de mécanique de la rupture (CT)
Des essais sur éprouvettes compactes de traction (CT) ont été réalisés. Il s’agit d’essais de
l’amplitude du facteur d’intensité des contraintes appliqué ΔK. Les éprouvettes sont sollicitées
dans le sens travers court de la tôle, sens le plus endommageant en fatigue. En effet, compte tenu
de la texture du matériau, le nombre de joints de grains dans le plan TL‐L est le plus faible : une
sollicitation dans le sens travers court permet de diminuer l’effet barrière des joints de grains,
effet important en fatigue [Stolarz, 2000]. La propagation de la fissure se fait dans le sens long.
La géométrie des éprouvettes et les conditions d’essais sont normalisées [ASTM E 647]. Les
dimensions dépendent toutes de l’épaisseur B (Figure IV‐37). B est choisie égale à 20 mm. Pour
obtenir une fissure qui se propage suivant un front plan, l’entaille est usinée avec un chevron.
Dans cette géométrie, le facteur d’intensité des contraintes K en fond de fissure peut être
PF
K= (Eq. 16)
B W
⎞⎡ ⎛a⎞ ⎤
2 3 4
⎛ a a ⎛a⎞ ⎛a⎞
⎜2+ ⎟⎢ 0.886 + 4.64 -13.31 ⎜ ⎟ + 14.72 ⎜ ⎟ - 5.6 ⎜ ⎟ ⎥
⎝ W ⎠ ⎢⎣ W ⎝W ⎠ ⎝W ⎠ ⎝ W ⎠ ⎥⎦
F= 3
(Eq. 17)
⎛ a⎞ 2
⎜1- ⎟
⎝ W⎠
Ce paramètre K sera utilisé par la suite pour caractériser le chargement mécanique de tous les
229
a)
b)
Figure IV-38 : a) Visualisation des pièces du montage en 3D comprenant les deux chapes (bleues), les
goupilles (grises), l’éprouvette (rouge) et la cellule (grise). Le serre joint (marron) permet la fixation de la
cellule ; b) montage complet : machine de fatigue, suivi de fissure, éprouvette et cellule de corrosion.
230
2.2.2 Pré-fissuration
Les pré‐fissurations ont été réalisées à R=0.1. L’étape finale est obtenue avec une force
maximale de 2 kN en moyenne. La profondeur finale des pré‐fissures est comprise entre 19.3 et
19.8 mm et conduit à un Kmax final compris entre 3.4 et 5.6 MPa.m1/2, ce qui peut nous permettre
de commencer les essais de fissuration à très faible ΔK, entre 2.2 et 3.6 MPa.m1/2 à R=0.6.
La cellule de corrosion est formée de deux demi‐cellules en plastique dans lesquelles peut
circuler le milieu. L’étanchéité à l’avant de l’éprouvette est assurée par un joint torique de 3 mm
de diamètre et sur les flancs, par une plaque de téflon d’1 mm d’épaisseur découpée aux cotes
exactes de la cellule. Un serre joint en plastique assure le bon positionnement et le maintien des
deux demi‐cellules. Une représentation en 3D est donnée sur la figure IV-38a. La protection
contre d’éventuelles fuites se fait en recouvrant les pièces métalliques (éprouvettes, goupilles,
montage) d’une fine couche de graisse à vide. Des mors isolants sont utilisés lorsque la méthode
de suivi électrique est employée. Le milieu utilisé est un milieu NaCl 0.5 M, pH=7, naturellement
aérée, à potentiel libre. Le volume de solution dans tout le montage est de 6 ml. Le volume de
solution par rapport à la surface en contact avec l’éprouvette vaut 1 ml pour 30 mm² dans le cas
des éprouvettes CT contre 5 à 25 ml par mm² pour les éprouvettes carrées suivant le type de
protection utilisée et 2.5 ml par mm² dans le cas de l’immersion en l’absence de contrainte
Les essais sont réalisés en appliquant une amplitude de charge constante (R et Fmax constants).
Lorsque la fissure se propage, le facteur d’intensité des contraintes augmente. Il s’agit donc
d’essais à amplitude de facteur d’intensité des contraintes (ΔK) croissant. La charge suit un signal
231
Figure IV-39 : Séquence de chargement d’un essai de fatigue à l’air : préfissuration, fissuration, fissuration
Figure IV-40 : faciès de rupture d’une éprouvette de fatigue : préfissure en fatigue (R=0.1) ; fissure de
232
triangulaire. Plusieurs fréquences ont été testées, de 0.1 Hz à 30 Hz. Le rapport R des contraintes
A la fin de l’essai, le reste de la section de l’éprouvette est rompu en fatigue en changeant les
conditions de chargement : Fmax =5 kN et R=0.7. La fissure n’est pas ouverte en traction pour ne
pas déformer le faciès. Nous appellerons cette partie « fatigue ou fissuration à rupture », pour la
étapes : la pré‐fissure (R=0.1 et Fmax décroissante), l’essai de fissuration (R=0.6 et Fmax=3.467 kN),
la fissuration à rupture (R=0.7 et Fmax=5 kN) et enfin la rupture ductile (Figure IV-39). Sur le
préfissure est mesurée en surface à l’aide d’une loupe binoculaire, une graduation tous les
100 μm ayant été préalablement gravée à l’aide d’un microduromètre. Cette mesure optique est
comparée aux mesures de compliance, pour lesquelles la longueur de la fissure est calculée avec
la formule suivante :
a
= 1.001 − 4.6696U + 18.467U 2 − 236.82U 3 + 1214.9U 4 − 2143.6U 5
W
1 (Eq. 18)
U=
EvB
1+
P
initiale de la fissure au début de l’essai de propagation est donnée par la moyenne de la valeur
Pour les essais de fissuration en milieu corrosif, la cellule ne permettant pas de mesure
optique, la longueur de la fissure est mesurée par compliance et par suivi électrique.
233
Figure IV-41 : Lignes d’arrêt liées au changement de conditions mécaniques visibles a) en optique et b) en
MEB.
a) b)
Figure IV-42 : a) Propagation d’une fissure en fatigue à l’air R=0.6, Fmax=3.468 kN pendant 750 000 cycles
234
2.2.6 Méthode de dépouillement des résultats
Pour déterminer la longueur finale afinal de la fissure avant la fissuration à rupture, on utilise
les marques formées sur le faciès par les modifications de la sollicitation (rapport de charge et
Fmax). Il s’agit (i) de traces macroscopiques visibles en optique (Figure IV-41a) : modifications du
relief, aspect plus ou moins brillant et (ii) de traces microscopiques visibles en MEB
Aux longueurs de fissures données par la compliance, on rajoute une fonction linéaire. Les
coefficients sont déterminés de telle sorte que les longueurs initiales et finales données par la
compliance soient égales aux valeurs de longueur initiale a0 et finale afinal déterminées
précédemment. Pour les essais de suivi électrique, la valeur initiale a0 est utilisée dans le calcul de
a avec la formule de Johnson et le même type de correction que la compliance est utilisé. Deux
- da/dN en fonction de ΔK. La pente da/dN est calculée tous les 20000 cycles et est reportée en
Un essai à l’air, instrumenté par compliance (triangles rouges) et par suivi électrique (carrés
bleus), nous a permis de choisir les paramètres de réglage du suivi électrique (fréquence
Factor=0.5 s et courant I=9A) et nous a permis de vérifier la bonne corrélation entre les résultats
obtenus par ces deux méthodes (Figure IV-42). La figure IV-42a présente l’évolution de la
propagation en fonction de ΔK. Les deux techniques donnent des résultats comparables mais pas
exactement superposables.
235
Figure IV-43 : a) Faciès de rupture après fatigue corrosion dans NaCl 0.5 M pH=7, naturellement aéré, sur
éprouvettes lisses (R=0.6, σmax=250 MPa et f=0.1 Hz) ; b) Représentation schématique de l’endommagement
avec la présence de deux zones : défauts intergranulaires semi‐elliptiques (à gauche, en vert) + couronne
236
3 Résultats : endommagement en FC
L’objectif de ce chapitre est d’identifier les phénomènes de fatigue corrosion intervenant sur le
2024‐T351, de déterminer les vitesses de propagation des fissures en mettant en évidence les effets
mis en jeu. Nous avons mis en évidence un changement de mécanismes et tenté de caractériser la
transition entre ces mécanismes en termes de facteur d’intensité des contraintes. Nous allons,
naturellement aéré) indique la présence de deux zones bien distinctes : une zone intergranulaire
observé en fatigue corrosion à partir d’une surface lisse : défaut intergranulaire semi‐elliptique
(Chapitre II) et des défauts intergranulaires de CSC (Chapitre III). Nous avons vu que ces deux
long des zones dénudées en cuivre. S’agit‐il du même phénomène, assisté ici par la contrainte
cyclique ?
237
Figure IV-44 : Morphologie de la zone intergranulaire : a) défaut intergranulaire semi elliptique isolé, b)
Figure IV-45 : Zones intergranulaires présentes sur le fût, au voisinage immédiat de l’entaille.
238
3.2.1 Forme des défauts intergranulaires en FC
Comme pour les essais de traction lente, deux formes de défauts intergranulaires ont été
observés :
- des défauts intergranulaires semi‐elliptiques isolés (Figure IV-44a) lorsque toutes les faces de
l’éprouvette sont immergées dans le milieu ou dans le cas des essais interrompus pour un
faible nombre de cycles (< 100000 cycles) quelle que soit la protection utilisée. Ils sont
- des défauts intergranulaires avec un front rectiligne s’étendant sur toute la largeur de
l’éprouvette lorsque l’endommagement électrochimique est localisé sur une seule face par une
petite fenêtre, les trois autres étant protégées, ou lorsque l’essai est mené jusqu’à rupture
(180000 cycles). Comme pour les essais de traction lente (Chapitre III), ce front rectiligne
rectiligne (Figure IV-44b). Il n’a pas été possible de définir le nombre de cycles pour lequel les
défauts coalescent en raison des différents types de protection utilisés donc des différents
Pour simuler les défauts intergranulaires à front rectiligne (Figure IV-44b), nous avons réalisé
(Figure IV-45). Nous apportons des explications sur ce phénomène dans la suite (§ 3.4).
Dans le cas des fissures longues (essais sur éprouvettes CT), nous n’avons pas, non plus,
observé de zones intergranulaires dans le plan principal de fissuration. Nous reviendrons sur le
239
Figure IV-46 : Profondeur de pénétration (Δainter) de la corrosion intergranulaire mesurée sur le faciès
après fatigue corrosion (σmax=250 MPa, R=0.6 et f=0.1 Hz) dans le sens long (carrés) et dans le sens travers
long (triangles). Chaque ligne verticale de points représente les profondeurs des fissures mesurées sur le
240
3.2.2 Profondeurs et vitesses de propagation intergranulaire
Pour déterminer la vitesse d’avancée du front intergranulaire en fatigue corrosion, nous avons
mesuré la profondeur (Δainter) de tous les défauts intergranulaires (défauts semi‐elliptiques isolés
et défauts à front rectiligne) présents sur les faciès (8 essais, 33 défauts observés), que nous
l’application d’une contrainte cyclique (σmax=250 MPa, R=0.6 et f=0.1 Hz), une profondeur
maximale de 600 μm (Figure IV-46). Cette profondeur rappelle la profondeur typique atteinte en
L’effet de la texture morphologique est important. Les défauts sont plus profonds dans le sens
long : 600 μm, que dans le sens travers long : 200 μm.
Les essais de FC interrompus après seulement 8500 cycles (30 h d’immersion) permettent de
donner une vitesse de propagation intergranulaire minimale de 20 μm/h dans les 30 premières
Comme pour la CSC, nous avons suivi l’évolution de l’endommagement en FC in situ par
suivi électrique sur des éprouvettes entaillées. Cependant, comme nous l’avons évoqué (§ 3.2.1),
quelques défauts intergranulaires isolés ont été observés en surface, à proximité de l’entaille
(Figure IV-45). Il n’a donc pas été possible de déterminer in situ la vitesse d’avancée du front
intergranulaire rectiligne comme au chapitre III. En analysant en détail les signaux donnés par le
suivi électrique, nous avons tout de même constaté des perturbations dans les premières heures
d’immersion (Figure IV-47). Nous avons corrélé les augmentations discontinues du signal
électrique à la formation des défauts intergranulaires isolés à proximité de l’entaille. En effet, les
241
Figure IV-47 : Evolution au cours du temps du signal électrique converti en « longueur » de fissure pour
un essai de FC sur éprouvette entaillée (σmax=250 MPa, R=0.6 et f=0.1 Hz). On note les discontinuités du
242
(Chapitre II), ils sont alors plus profonds que l’entaille (120 μm) et peuvent perturber le signal
électrique. Sur plusieurs essais, le nombre de défauts intergranulaires sur le fût de l’éprouvette
(Figure IV-47) présentent des pentes voisines, indiquant que tous ces phénomènes ont des
vitesses de propagation du même ordre de grandeur. Les vitesses déterminées (2 à 10 μm/h) sont
cependant plus faibles que les vitesses estimées en CSC ou en CI dans les premiers instants (20 à
60 μm/h). Ceci peut s’expliquer par le fait que les vitesses de FC intergranulaire ont été estimées
avec la formule de Johnson qui permet de convertir la chute de potentiel mesurée par le suivi
électrique à la longueur de la fissure dans le cas d’une fissure à front rectiligne. Dans le cas de
défauts semi‐elliptiques isolés, en supposant que le signal est proportionnel à la surface fissurée,
il est raisonnable de penser que la formule de Johnson sous estime les vitesses.
Afin de déterminer l’effet synergique de fatigue corrosion, nous avons comparé les
profondeurs et les vitesses de propagation des défauts intergranulaires mesurées après essais de
fatigue corrosion (en vert) avec les profondeurs et les vitesses de propagation mesurées en
(Chapitre III, en noir et gris) (Figure IV-48). En l’absence de contrainte appliquée, nous avons
déterminé au chapitre II une vitesse de CI entre 20 et 30 μm/h dans les premières heures
facteur d’accélération entre 1 et 3 a été mis en évidence sur ce premier régime rapide de
600 μm. Dans le cas de la fatigue corrosion intergranulaire, nous observons la même chose qu’en
CSC : une propagation intergranulaire rapide, d’au moins 20 μm/h, saturant vers 600 μm de
propagation déterminé en CSC au chapitre III, aucun défaut intergranulaire supérieur à 600 μm
transgranulaire.
243
Figure IV-48 : Profondeurs et vitesses de pénétration de la corrosion intergranulaire mesurées sur le
faciès : en vert : après fatigue corrosion ; en gris et noir : après CSC (Chapitre III) et en orange : en l’absence
de contrainte appliquée (Chapitre II). Chaque alignement vertical de points représente les profondeurs des
244
3.2.3 Mécanisme de FC intergranulaire
Les similitudes entre les morphologies, profondeurs maximales atteintes et vitesses de
dans le régime rapide avant désoxygénation ‐ étudiés jusqu’à présent nous amènent à conclure
qu’il s’agit du même mécanisme : un mécanisme de dissolution anodique assistée, dans le cas
marches comparables à ceux observés en fatigue à l’air (Figure IV-49a et 49b). Aucune facette
cristallographique n’est observée, que ce soit dans l’air ou dans le milieu corrosif. Nous pouvons
constater sur la figure IV-49b que le faciès en fatigue corrosion est plus plat que celui observé en
fatigue à l’air. Ceci est accord avec la bibliographie et les études comparatives entre les milieux
En faisant la synthèse entre les essais de fatigue et ceux de traction lente (Chapitre III), il
plastique locale est suffisante. En effet, des zones de propagation transgranulaire avaient été
figure IV-50 présente les différents types de faciès transgranulaires observés en fatigue à l’air
245
Figure IV-49 : Stries et chevrons formés sur le faciès de rupture d’une éprouvette entaillée sollicitée a) en
fatigue à l’air (σmax=250 MPa, R=0.6 et f=1 Hz), b) en fatigue corrosion (σmax=250 MPa, R=0.6 et f=0.1 Hz).
à partir d’un défaut intergranulaire obtenu par pré‐corrosion (90000 cycles, σmax=250 MPa, R=0.6 et f=1 Hz) ;
246
3.3.1 Forme des fissures transgranulaires en FC
Deux formes de fissures transgranulaires ont été observées sur les faciès de rupture
d’éprouvettes sollicitées en FC :
- des fissures transgranulaires isolées avec un front semi‐elliptique formant une couronne
- des fissures transgranulaires avec un front rectiligne s’étendant sur toute la largeur de
l’éprouvette, lorsque les essais sont prolongés ou que la zone intergranulaire est déjà
rectiligne. Cette morphologie de fissure résulte donc soit de la coalescence des couronnes
Sur les éprouvettes où le front intergranulaire rectiligne (Figure IV-51c) a été simulé par une
l’entaille. Un liseré transgranulaire est systématiquement observé après l’entaille sur le faciès
(Figure IV-52).
Le comportement à l’air des éprouvettes entaillées a été caractérisé d’un point de vue
de cycles à rupture a été analysé. Comme attendu, plus le facteur d’intensité des contraintes
initial est important (de 1.23 MPa.m1/2 à 2.18 MPa.m1/2), plus la durée de vie diminue (de
Dans le cas des fissures longues (essais sur éprouvettes CT), la préfissure est transgranulaire.
Elle débute sur le chevron puis s’étend sur toute la largeur de l’éprouvette, sur un front quasi
247
Figure IV-51 : Morphologie du front de la zone transgranulaire : a) fronts intergranulaire et
248
3.3.2 Profondeurs et vitesses de propagation transgranulaire
Dans les conditions des essais de fatigue corrosion (σmax=250 MPa), au delà de 600 μm, les
fatigue corrosion, nous avons mesuré la profondeur (Δatrans) de toutes les zones transgranulaires
présentes sur le faciès (8 essais, 33 défauts observés), que nous reportons en fonction du nombre
de cycles (Figure IV-53). Les essais sur éprouvettes entaillées sont également présentés en rouge
sur la figure IV-53. Un des essais sur éprouvette entaillée a été instrumenté par suivi électrique :
est représentée par la courbe rouge sur la figure IV-53. Nous rappelons ici que seule la zone
zones transgranulaires peuvent s’étendre sur plus d’un millimètre après le défaut intergranulaire
sont supérieures aux profondeurs atteintes par les défauts isolés. D’une façon générale, dès que la
propagation transgranulaire se fait sur un front étendu (à partir d’un front intergranulaire
rectiligne, à partir d’une entaille ou par coalescence des couronnes transgranulaires semi‐
elliptiques en un front rectiligne), les profondeurs de propagation sont plus importantes en raison
d’un facteur d’intensité de contraintes associé plus élevé, comme nous l’avons vu au chapitre III
(Figure IV-53).
Sur les faciès de rupture, nous avons constaté sur plusieurs défauts une propagation
transgranulaire débutant sur un joint de grains et s’arrêtant sur le suivant (Figure IV-54a). Le
obstacle à la propagation mais ne la bloque pas. En effet, lorsque la longueur de la fissure est
grains ont été mises en évidence grâce à la technique d’EBSD. La figure IV-54b présente une
249
Figure IV-53 : Profondeur de propagation transgranulaire (Δatrans) mesurée sur le faciès après fatigue
corrosion. Chaque ligne verticale de points représente les profondeurs de propagation transgranulaire
mesurées sur le faciès d’un essai interrompu. En rouge sont présentées les mesures sur éprouvettes
entaillées dont une a été instrumentée avec le suivi électrique (courbe rouge).
250
franchissement des joints de grains peut s’expliquer par le changement d’orientation
Une estimation des vitesses de propagation par cycle a tout d’abord été réalisée pour chaque
défaut en supposant que la vitesse est constante pendant la propagation et que tous les cycles
contribuent à l’avancée de la fissure. Cette estimation sera donc meilleure pour les essais courts
où les fissures se sont peu propagées. Il est ainsi possible de tracer da/dN=Δatrans/Nr=f(Nr)
(Figure IV-55) où une ligne de points verticale donne un aperçu de la dispersion des vitesses
locales sur défauts isolés. La vitesse de propagation en FC transgranulaire des fissures semi‐
Les vitesses mesurées sur les éprouvettes entaillées instrumentées avec le suivi électrique
sont également présentées sur la figure IV-55 par des symboles ouverts. En supposant la vitesse
de propagation constante tout au long de l’essai comme pour les fissures semi‐elliptiques, une
vitesse de propagation en FC transgranulaire moyenne des défauts à front rectiligne peut être
donnée à 18 nm/cycle. Les vitesses de propagation sont plus élevées dans le cas des éprouvettes
entaillées. Ceci peut s’expliquer en termes de ΔK comme pour les essais de CSC.
3.3.2.3 Synergie
Pour déterminer l’effet du milieu corrosif sur la propagation transgranulaire en fatigue, nous
avons comparé les profondeurs et les vitesses de propagation obtenues pour deux types d’essais :
les essais en milieu corrosif présentés précédemment et des essais réalisés en milieu de référence
sur éprouvettes pré‐corrodées dans les mêmes conditions mécaniques. La pré‐corrosion permet
En fatigue, l’air n’est pas un milieu neutre pour les alliages d’aluminium [Feeney, 1970]. Nous
avons réalisé des essais sous courant d’argon et à l’air ambiant. Pour tester l’effet de ces deux
milieux, nous avons réalisé quatre essais : un essai sous courant d’argon à f=1 Hz, un essai à l’air à
f=1 Hz, un essai à l’air à f=0.1 Hz et un essai en milieu corrosif à f=0.1 Hz. L’objectif était d’une
251
a)
b)
Figure IV-55 : a) Profondeurs et b) Vitesses de propagation de fatigue corrosion (i) déterminées sur des
essais interrompus sur des éprouvettes lisses présentant des défauts intergranulaires semi‐elliptiques isolés
en supposant la vitesse constante (symboles pleins) et (ii) déterminées sur des éprouvettes entaillées
instrumentées avec le suivi électrique (vitesse instantanée) (symboles ouverts) dans les mêmes conditions
mécaniques (R=0.6, f=0.1 Hz, σmax=250 MPa), La droite continue présente la vitesse moyenne de
propagation transgranulaire des défauts semi‐elliptiques isolées et la droite en pointillés présente la vitesse
252
part de comparer le courant d’argon et l’air à 1 Hz, de déterminer si la fréquence (1 Hz et 0.1 Hz)
avait un effet sur la propagation à l’air et d’autre part de comparer l’air et le milieu à corrosif
f=0.1 Hz.
Aucune différence notable sur la profondeur de propagation n’a été constatée entre l’essai sous
courant d’argon et l’essai à l’air. Concernant l’effet de la fréquence sur la fatigue à l’air : à 0.1 Hz,
la propagation semble plus importante qu’à 1 Hz. Cependant, 25200 cycles n’entraînent qu’une
faible propagation des défauts originels et la taille du défaut originel varie sensiblement entre les
deux essais. La comparaison est donc difficile. De plus, il a été démontré dans la littérature pour
les alliages d’aluminium qu’une très faible teneur en eau suffit à induire un effet de FC [Ro, 2007].
Le montage sous courant d’argon n’étant pas complètement étanche, il est possible que la teneur
en vapeur d’eau soit suffisante pour induire un effet de FC. Pour avoir une vraie référence, il
faudrait pouvoir conduire des essais sous ultravide, ce qui n’est pas possible au laboratoire. Dans
la suite, l’air et le courant d’argon sont tous deux désignés comme « milieu de référence »,
En milieu corrosif, seulement 3 défauts intergranulaires sur 33 n’ont pas donné lieu à une
n’ont pas donné lieu à une avancée de fissure transgranulaire. Le milieu corrosif semble faciliter
éprouvettes pré‐corrodées (en noir) et en milieu corrosif (en bleu), un net effet du milieu sur les
d’accélération entre 2 et 3 a été mis en évidence en milieu corrosif chloruré par rapport à l’air
(Figure IV-57) : un facteur 3 pour les défauts transgranulaires à front semi‐elliptique (6 nm/cycle
en milieu corrosif contre 2 nm/cycle en milieu de référence) et un facteur 2 pour les défauts
transgranulaires à front rectiligne (18 nm/cycle en milieu corrosif contre 9 nm/cycle en milieu de
référence). Cette estimation est en bon accord avec ce qui a été observé dans la littérature sur des
253
a) b)
Figure IV-56 : Profondeurs de propagation transgranulaire observées en fatigue corrosion en bleu (R=0.6,
f=0.1 Hz, σmax=250 MPa) et en fatigue en milieu de référence en noir (R=0.6, f=1 Hz, σmax=250 MPa) : a) sur
des éprouvettes lisses pré‐corrodées présentant des défauts intergranulaires semi‐elliptiques (symboles
pleins) et sur des éprouvettes entaillées (symboles ouverts), dans chacun des cas, les vitesses moyennes
sont indiquées par des droites en supposant la vitesse constante pendant l’essai ; b) sur des éprouvettes
a) b)
Figure IV-57 : Vitesse de propagation observée en fatigue corrosion R=0.6/0.1, f=0.1 Hz, σmax=250 MPa sur
éprouvettes lisses et en fatigue sur éprouvettes pré‐corrodés présentant des défauts intergranulaires semi‐
elliptiques isolés R=0.6, f=1 Hz, σmax=250 MPa ; a) Les symboles pleins sont obtenus par des essais
interrompus sur des éprouvettes lisses présentant des défauts intergranulaires semi‐elliptiques isolés en
supposant la vitesse constante, b) les symboles ouverts ont été déterminés sur des éprouvettes entaillées
254
éprouvettes pré‐fissurées [Feeney, 1970]. Le suivi électrique (Figure IV-56b) permet de retrouver
le facteur 2 sur le nombre de cycles à rupture et de constater que le facteur d’accélération n’est
L’effet accélérateur du milieu corrosif est modeste mais visible. D’après nos résultats et au vu
des similitudes entre les faciès de rupture en fatigue à l’air humide et en fatigue en milieu NaCl,
nous avons conclu à un mécanisme de fatigue plastique transgranulaire assistée par le milieu
corrosif. Le mécanisme d’endommagement à l’échelle microscopique n’est pas connu. D’après les
Pour résumer cette partie concernant la fatigue corrosion transgranulaire, deux formes de
défauts ont été observées : des fissures de FC transgranulaires isolées à front semi‐elliptique et
2 et 3 a pu être mis en évidence en milieu corrosif chloruré par rapport à l’air. Le mécanisme
retenu est un mécanisme de fatigue plastique transgranulaire assistée par le milieu corrosif.
milieu corrosif. La notion de « défaut critique » présentée au chapitre III peut être utilisée ici,
puisque nous avons mis en évidence un changement de mécanisme. La forte propension de cet
alliage à produire des fissures transgranulaires par plasticité cyclique ou monotone en traction
lente nous incite à penser que c’est l’endommagement plastique qui pilote le changement de
mécanisme. Nous allons donc caractériser la transition entre ces deux types d’endommagement
255
Figure IV-58 : Observation d’un même défaut sur les deux faciès de rupture d’une même éprouvette
b)
Figure IV-59 : a) Schéma présentant les différentes grandeurs calculées et comparées : l’amplitude du
256
3.4 Transition entre la FC intergranulaire et la FC transgranulaire
Nous avons observé les deux faciès de rupture d’une même éprouvette : les défauts
intergranulaires sont l’image miroir l’un de l’autre (Figure IV-58). Ceci nous indique que le défaut
pas forcément au niveau d’un nœud triple, il est donc raisonnable de penser que la transition a
lieu quand un défaut intergranulaire atteint une profondeur critique où la vitesse de déformation
S’agissant d’un mécanisme plastique, il nous semble plus pertinent de caractériser la transition
de souligner que nous avons fréquemment observé des défauts géométriquement similaires
conduisant ou non à la propagation d’une fissure transgranulaire. Il est donc clair que pour des
amorces de la taille d’un grain, la cristallographie a une influence forte sur le passage inter/trans.
L’influence de la cristallographie n’est pas considérée dans l’approche que nous proposons, basée
Comme dans le chapitre III, le facteur d’intensité des contraintes associé aux défauts
intergranulaires isolés semi‐elliptiques a été calculé sur la base d’une fissure plane semi‐elliptique
de surface dans une plaque plane avec la formule de Wang. Le demi grand‐axe (profondeur du
défaut) est noté a et l’ouverture de la fissure en surface 2c. Pour chaque défaut présent sur le
(Figure IV-59a). Les ΔKinter(/trans) associés aux différents défauts intergranulaires semi‐elliptiques
présents sur les faciès sont compris entre 0.4 et 7 MPa.m1/2. Afin de déterminer s’il existe une
propagation transgranulaire Δatrans en fonction de ΔKinter(/trans), pour tous les défauts observés
(Figure IV-59b).
257
258
Le ΔKtransition correspond dans l’idéal à ΔKinter/trans minimal associé aux défauts ayant donné lieu à
une avancée de fissure transgranulaire et à ΔKinter(/trans) maximal associé aux défauts n’ayant pas
considérer que le ΔKtransition vaut environ 1 MPa.m1/2. Cette valeur est du même ordre de grandeur
que les valeurs déterminées dans la littérature pour passer d’une piqûre à une fissure, entre 1 et
3 MPa.m1/2 suivant le rapport de charge [Chen, 1996b]. Cette valeur de ΔKtransition peut être
sollicitée à σmax=250 MPa et R=0.6. Aucun défaut soumis à un ΔK<1 MPa.m1/2 ne propage de façon
transgranulaire. Par contre, des défauts auxquels sont associés des ΔK jusqu’à 3 MPa. m1/2 ont été
observés sans propagation transgranulaire. Deux raisons peuvent être avancées pour expliquer la
dispersion des résultats. Nous avons vu au chapitre précédent que les interactions élastiques
facteur d’intensité des contraintes en pointe de ces défauts. Les facteurs calculés ici ne tiennent
pas compte de ces interactions. Il est possible que les défauts qui n’ont pas propagé soient
écrantés par des défauts voisins. Le facteur d’intensité des contraintes réel serait alors plus faible.
cristallographique des grains : certains grains peuvent ne pas être orientés favorablement pour la
propagation transgranulaire.
Le ΔKtransition vaut 1 MPa.m1/2, quel que soit le type d’essais : en milieu corrosif, à l’air ou sous
courant d’Argon. Aucune influence notable du milieu sur la valeur de ΔKtransition (dans la limite
de précision des mesures) n’a été observé. Par contre, nous pouvons souligner une augmentation
nette de la fraction d’amorces qui donnent lieu à une fissure transgranulaire : 90% des défauts
Sur le graphique (Figure IV-44b), nous avons reporté tous les résultats d’essais interrompus,
indépendamment du nombre de cycles appliqués (entre 8500 et 100000 cycles). Cependant, il peut
cumulée suffisante pour amorcer une fissure transgranulaire et former une strie) qui, pour les
essais interrompus à 8500 cycles, peut conduire à conclure prématurément à une absence de
propagation. Nous avons tracé les facteurs d’intensité des contraintes des défauts ayant entraîné
259
Figure IV-60 : Amplitude du facteur d’intensité des contraintes du défaut intergranulaire initial donnant
Figure IV-61 : Faciès de rupture montrant les différentes zones : entaille en rouge, zones intergranulaires
260
une propagation (losange bleus sur la figure IV-60) et ceux ne donnant pas de propagation en
fonction du nombre de cycles subi (carrés rouges sur la figure IV-60). Le ΔKtransition est proche de
1 MPa.m1/2 quelque soit le nombre de cycles subi. Etant donné le manque de statistique et l’effet
important de la cristallographie, nous ne pouvons conclure sur l’existence d’un temps de latence
Dans le cas des éprouvettes entaillées, aucune fissure intergranulaire ne s’amorce en fond
contraintes associé aux différentes entailles utilisées a été calculé sur la base d’une fissure latérale
avec la formule de Gross et Brown, (Chapitre III, Eq. 14). Le ΔK pour une entaille de 120 μm
sollicitée à σmax=250 MPa et R=0.6 vaut 2 MPa.m1/2. Nous sommes au dessus de la valeur de
intergranulaire à partir du fond de l’entaille. Dans le cas où la fissure démarre sur la surface lisse
près de l’entaille, il s’agit d’un processus de corrosion intergranulaire sans contrainte : l’entaille
fait écran entre la contrainte appliquée et le défaut intergranulaire. Nous avons déterminé les ΔK
associés aux défauts intergranulaires observés sur le faciès : 1.2 et 1.4 MPa.m1/2, pour des défauts
de 125 et 190 μm de profondeur par 215 et 310 μm de largeur respectivement. Ces valeurs sont
isolés, mais la présence de l’entaille modifie le champ de contrainte, ce qui n’a pas été pris en
En résumé, ces premiers résultats indiquent que le facteur d’intensité des contraintes semble
être un paramètre pertinent pour rationaliser les observations sur des défauts de taille et de forme
variable. Une valeur du facteur d’intensité des contraintes de transition entre le défaut
dispersion des résultats expérimentaux, le calcul de ΔK va nous permettre de situer nos résultats
par rapport aux données issues de la littérature et par rapport aux courbes de Paris classiques
261
Figure IV-62 : Schéma expliquant le calcul de la vitesse de propagation transgranulaire en fonction des
a) b)
ΔKinter/trans et du ΔKfinal et b) en fonction d’une amplitude de facteur d’intensité des contraintes moyenne.
262
3.5 Unification des vitesses de propagation transgranulaire en
fonction de l’amplitude du facteur d’intensité des contraintes
L’amplitude du facteur d’intensité des contraintes a été identifiée comme le paramètre
transgranulaire. Nous allons l’utiliser pour unifier les différents résultats obtenus en FC
transgranulaire. Dans cette section, nous présentons les vitesses de propagation déterminées
précédemment (§ 3.3.2) sous la forme classique d’une avancée de fissure par cycle : da/dN en
fonction de ΔK. Pour ce faire, en l’absence de suivi in situ de la propagation, nous supposons la
vitesse de propagation constante au cours de l’essai. Nous rappelons que nous ne considérons ici
que la FC transgranulaire. Pour chaque défaut semi‐elliptique isolé, le da/dN est calculé en
le nombre total de cycles de l’essai. On considère que les quelques heures nécessaires à la
corrosion intergranulaire sont négligeables par rapport au nombre de cycle total. Nous avons
observé sur le faciès (Figure IV-62). Nous reportons donc le Δatrans/N en fonction de ΔKinter/trans et
de ΔKfinal. Chaque trait horizontal sur la figure IV-63 représente la vitesse de propagation de la
relativement lourde, nous avons reporté sur le graphique de droite la vitesse Δatrans/N en fonction
référence (carrés noirs). Les courbes semblent se rapprocher pour les ΔK plus élevés
(ΔK>3 MPa.m1/2).
Nous avons également calculé le facteur d’intensité des contraintes associé aux entailles. Les
essais instrumentés avec le suivi électrique ont permis de suivre l’évolution de la vitesse de
263
a) b)
Figure IV-64 : a) Vitesse de propagation en fonction de l’amplitude du facteur d’intensité des contraintes
calculée dans le cas des éprouvettes entaillées instrumentées avec le suivi électrique. Les essais à l’air
(R=0.6, σmax=250 MPa et f=1 Hz) sont en carrés noirs et les essais en milieu corrosif (R=0.6, σmax=250 MPa et
f=0.1 Hz) sont en triangles bleus ; b) Superpostion des figures IV-48b et IV-49a : les valeurs estimées à
partir des défauts semi‐elliptiques isolés en considérant la vitesse constante au cours de l’essai sont
présentées par des symboles pleins, les vitesses déterminées sur les éprouvettes entaillées instrumentées
avec le suivi électrique sont présentées par des symboles ouverts. La droite en bleu est la droite de Paris
264
être déterminée (Tableau IV-5) (Figure IV-64a). Le facteur d’accélération du milieu corrosif sur la
propagation transgranulaire n’est pas constant sur tout le domaine des ΔK : un facteur 5 est mis
en évidence aux faibles ΔK (entre 3 et 5 MPa.m1/2) et un facteur 2 pour des ΔK plus élevés (entre
7 et 10 MPa.m1/2). La figure IV-64b présente, mis bout à bout, (i) les vitesses de propagation
estimées sur les défauts isolés, (ii) les vitesses de propagation à partir d’entailles mesurées par
suivi électrique et (iii) les résultats de Wei sur fissures longues. Malgré la grande dispersion
expérimentaux sur éprouvettes lisses et entaillées sont en bon accord avec ceux de la
bibliographie sur éprouvettes CT obtenus pour des défauts de dimensions plus importantes, ce
qui montre la pertinence de l’amplitude du facteur d’intensité des contraintes comme paramètre
Tableau IV-5 : Valeurs expérimentales des coefficients intervenant dans la loi de Paris
les défauts transgranulaires a été étudiée en termes d’amplitude du facteur d’intensité des
contraintes et vaut 1 MPa.m1/2. Ce paramètre nous a permis de rationnaliser les résultats issus
d’essais sur éprouvettes lisses pré‐corrodées et sur éprouvettes entaillées et de les comparer avec
les essais de la littérature sur éprouvettes CT. Un facteur d’accélération du milieu a été
élevés.
transgranulaire, nous avons testé d’autres paramètres et notamment l’effet de la fréquence sur la
265
Figure IV-65: Faciès de rupture caractéristiques de toute la séquence : a) préfissure en fatigue (R=0.1) et
fissure en fatigue à l’air (R=0.6, Fmax=3.468 kN) recouvertes de produits de corrosion ; b) fissure
intergranulaire de fatigue corrosion lorsqu’un joint de grains émerge en pointe de fissure (R=0.6,
c) transition directe entre la fissure de fatigue à l’air et la fissure de fatigue à rupture lorsqu’il n’y a pas de
joints de grains en pointe de fissure ; d) fissure de fatigue à rupture (R=0.7, Fmax=5 kN), e) transition fissure
266
3.6 Transition transgranulaire/intergranulaire pour les fissures
longues à basse fréquence
Dans le cas des essais de fatigue corrosion sur éprouvettes CT à 0.1 Hz, nous avons observé la
reprise inattendue de la corrosion intergranulaire dans des conditions mécaniques où nous nous
attendions, suite aux résultats sur éprouvettes carrées, à une propagation transgranulaire.
corrosion pour les fissures longues. Comme nous l’avons indiqué dans l’étude de la morphologie
des zones intergranulaires (§ 3.2.1), aucune zone lisse intergranulaire n’a été observée dans le
plan principal de propagation. Par contre, des zones lisses intergranulaires ont été observées soit
au dessus soit en dessous du plan principal de fissuration transgranulaire (Figure IV-66a). Ces
zones peuvent s’étendre sur 600 μm dans le sens long, mais pas sur toute la largeur de
doivent être réunies. Les joints de grains doivent émerger sur la surface rompue en pointe de
fissure et le plan du joint de grains ne doit pas être trop éloigné du plan moyen de propagation de
de la sollicitation, cette configuration est favorisée. La séquence b), sur la figure IV-65, illustre le
cas où un joint de grains contribue à l’avancée de la fissure, ce qui se traduit sur le faciès par la
présence d’une zone intergranulaire, alors que la séquence c) illustre le cas où la transition entre
la fissure à l’air et la fissure transgranulaire à rupture est directe, sans passer par une zone
intergranulaire. Nous rappelons que la fissure à rupture correspond à la rupture en fatigue à l’air
de la section non fissurée, afin ne pas déformer le faciès. Les différentes zones intergranulaires
Des zones intergranulaires se forment également « post mortem » (post fissuration) en arrière
de la pointe de fissure (Figure IV-67) lorsque l’avancée de la fissure met en contact, le long des
lèvres de la fissure, des joints de grains avec la solution. Ces joints ne sont pas ouverts et sont
visibles seulement sous forme de sillons fins sur les faces et sur des coupes transverses. Il s’agit
dans ce cas de CI en l’absence de contrainte appliquée, semblable à celle décrite au chapitre II.
267
Figure IV-67 : Corrosion intergranulaire sur les flancs de l’éprouvette « post fissuration ».
Figure IV-68 : Multifissuration intergranulaire en coupe d’un échantillon sollicité en FC à f=0.1 Hz.
268
3.6.2 Vitesse de propagation des fissures longues
Les vitesses de propagation ont été déterminées grâce aux mesures de compliance et de suivi
électrique. En fatigue corrosion, suite à la formation de produits de corrosion dans la fissure, les
(courbe rouge sur la figure IV-69) alors que le signal détecté par le suivi électrique continue
légèrement d’augmenter ou se stabilise (courbe bleue sur la figure IV-70). Après retrait du milieu
corrosif et nettoyage de la cellule, le signal détecté par la compliance redevient supérieur ou égal
au signal détecté avant l’ajout du milieu corrosif. La décroissance du signal semble provenir d’un
de fissure qui, par « effet de coin », provoque un recul du centre de rotation des bras de
l’éprouvette lors des décharges partielles. Ces mesures ne sont donc pas exploitables. Dans la
suite, nous allons considérer les résultats obtenus avec le suivi électrique (courbe bleue sur la
figure IV-70).
Suite à l’introduction du milieu corrosif dans la cellule à ΔK=4 MPa.m1/2 (R=0.6, Fmax=3.468 kN
et f=0.1 Hz), la propagation ralentit très fortement, voire s’arrête complètement dans certains
essais (Figure IV-70). Après nettoyage de la cellule et reprise de la fatigue à l’air (R=0.7, Fmax=5 kN
et f=10 Hz), la profondeur de la fissure augmente rapidement. Nous nous sommes interrogés sur
l’introduction du milieu corrosif dans le cas des fissures longues et sur les origines de la reprise
rapide de la propagation suite au retrait du milieu corrosif. Plusieurs hypothèses ont été
examinées.
Sur le faciès, des défauts intergranulaires, jusqu’à 600 μm de profondeur, ont été observés
mais pas sur toute la largeur de l’éprouvette (Figure IV-71). L’augmentation rapide de la
entre les défauts intergranulaires isolés corrobore cette hypothèse. Pour justifier la formation de
zones intergranulaires en FC à 0.1 Hz à ΔK > ΔKtransition = 1 MPa.m1/2, nous avons comparé les
269
Figure IV-69 : Evolution de la profondeur de la fissure mesurée par compliance au cours d’un essai sur
éprouvette CT : fatigue à l’air (R=0.6, Fmax=3.468 kN) pendant 680000 cycles puis fatigue corrosion (R=0.6,
Fmax=3.468 kN et f=0.1 Hz pendant 70000 cycles et enfin fatigue à l’air (R=0.7, Fmax=5 kN) jusqu’à rupture. Le
trait vert vertical correspond à l’introduction du milieu dans la cellule : il induit une chute apparente de la
Figure IV-70 : Evolution de la profondeur de la fissure mesurée par suivi électrique au cours d’un essai
sur éprouvette CT : fissure en fatigue à l’air (R=0.6, Fmax=3.468 kN) pendant 300000 cycles puis fatigue
corrosion (R=0.6, Fmax=3.468 kN f=0.1 Hz) pendant 175000 cycles et enfin fatigue à l’air (R=0.7, Fmax=5 kN et
f=10 Hz) jusqu’à rupture. Le trait vert vertical correspond à l’ajout du milieu : il induit un arrêt de la
propagation de la fissure.
270
vitesses de propagation transgranulaire des fissures longues en fatigue à l’air avec les vitesses de
des fissures longues en fatigue à l’air avant introduction du milieu corrosif vaut entre 6 et
8×10‐6 mm/cycle. La vitesse de CSC intergranulaire dans le régime lent de propagation en milieu
désoxygéné déterminée précédemment vaut 6 μm/h, ce qui à 0.1 Hz, correspond à un da/dN de
fatigue corrosion transgranulaire dans le cas des éprouvettes carrées : facteur 2, la CSC
intergranulaire qui est localement très rapide (6 μm/h) mais qui ne conduit pas à une
intergranulaire peut ne pas être détectée par la compliance et être sous‐estimée par le suivi
électrique. Les ligaments entre les zones intergranulaires pourraient être rompus en fatigue
corrosion transgranulaire et donner une vitesse apparente par cycle proche de celle obtenue à
plus forte fréquence. Cependant, les sillons de corrosion intergranulaire formés de part et d’autre
et explique pourquoi une contrainte plus importante doit être appliquée pour faire redémarrer la
fissure transgranulaire après une période où les fissures intergranulaires se sont développées. On
peut dire qu’à 0.1 Hz, la corrosion intergranulaire ralentit ou bloque la propagation
fissuration en FC à 0.1 Hz dans le cas de fissures longues est schématisé sur la Figure IV-73.
Pour tester le critère de compétition des vitesses et le scénario d’écrantage par multifissuration,
nous avons réalisé un essai en faisant des sauts de fréquence. A 10 Hz, la propagation en fatigue
transgranulaire est plus rapide que la propagation en CSC intergranulaire présentée sur le graphe
par les droites oranges dès que ΔK>2 MPa.m1/2 (Figure IV-74). Nous ne devrions donc pas
271
Figure IV-71 : Propagation intergranulaire s’étendant sur 600 μm profondeur observée sur le faciès de
rupture d’une éprouvette CT sollicitée en FC, R=0.6, Fmax=3.468 kN pendant 70000 cycles.
Figure IV-72 : Vitesse de fissuration obtenue sur des essais à 0.1 Hz. Au cours de l’essai, le ΔK augmente.
A ΔK=4 MPa.m1/2, le milieu corrosif est ajouté. La vitesse transgranulaire à l’air vaut environ 8 nm/cycle. En
considérant le facteur accélérateur du milieu (2), cette vitesse est comparable à la vitesse de CSC
intergranulaire en milieu désoxygéné. La fissuration devient intergranulaire et donne une vitesse nulle par
suivi électrique. Après avoir retiré le milieu, une force plus élevée est nécessaire à la reprise de la
propagation. La vitesse est alors très importante (« reprise brutale de la propagation ») puis suit l’évolution
normale à l’air.
272
observer de ralentissement macroscopique de la fissuration transgranulaire par multifissuration
intergranulaire. On constate en effet que l’ajout du milieu n’arrête pas la fissuration. Au contraire,
la propagation en FC est rapide, même aux très faibles ΔK (ΔK≈2 MPa.m1/2) alors qu’à 0.1 Hz la
propagation est intergranulaire à ΔK=4 MPa.m1/2. Sur la figure IV-74b, les vitesses de propagation
facteur d’intensité des contraintes augmente, les courbes se rapprochent. L’effet accélérateur du
L’ajout du milieu induit une propagation de la fissure à ΔK=2 MPa.m1/2 alors qu’à l’air, aucune
propagation après 17 000 000 cycles n’a été mesurée (R=0.6, Fmax=3.468 kN et f=20/25/30 Hz). Le
milieu entraîne un décalage du seuil de propagation. Cependant, nous ne pouvons pas affirmer
que 2 MPa.m1/2 constitue le seuil de propagation en fatigue corrosion à 10 Hz. En effet, dans cet
essai, il faut également tenir compte de la plasticité induite par les 17 000 000 cycles à l’air qu’il est
très difficile de quantifier. Cette plasticité peut être à l’origine d’interaction avec la corrosion et
corrosion/plasticité.
Après plus d’un million de cycles à 10 Hz, lorsque l’on baisse la fréquence à 0.1 Hz : la
fissuration s’arrête. Sans changer les paramètres mécaniques, après 65000 cycles sans
reprise de la propagation : la fissure ne propage toujours pas. D’après notre scénario, la fissure
serait trop écrantée par la multifissuration intergranulaire pour pouvoir redémarrer. Après 2
Deux mécanismes de propagation des fissures longues ont été mis en évidence, suivant la
fréquence de l’essai :
273
Figure IV-73 : Scénario de FC sur éprouvette CT à 0.1 Hz
274
- à fréquence « élevée » :
⎛ da ⎞
⎜ ⎟
⎝ dt ⎠corrosion
f > .
⎛ da ⎞
⎜ ⎟
⎝ dN ⎠ fatigue
Une accélération de la propagation d’un facteur 2 à 5 par rapport à l’air a été observée suivant
le domaine de ΔK. Une diminution du seuil de propagation a aussi été mise en évidence : il y
a propagation transgranulaire en milieu corrosif à ΔK=2 MPa.m1/2 alors qu’un défaut soumis
- à faible fréquence :
⎛ da ⎞
⎜ ⎟
⎝ dt ⎠corrosion
f <
⎛ da ⎞
⎜ ⎟
⎝ dN ⎠ fatigue
celui observé en CSC et en FC pour des fissures courtes (éprouvettes de traction, entaillées ou
non). Des défauts intergranulaires d’une profondeur maximale de 600 μm ont été mis en
évidence, mais n’affectant pas toute la largeur de l’éprouvette. Dans ce cas, un ralentissement
intergranulaire sur la largeur du front de fissuration ne permet probablement pas aux mesures
mesures indiquent aussi un net ralentissement du front transgranulaire. Nous proposons que
observe une reprise rapide de la propagation qui peut être expliquée par la coalescence
275
a)
b) c)
Figure IV-74 : a) Propagation d’une fissure en fatigue R=0.6, Fmax=3.468 kN à 25/30 Hz pendant
17 000 000 cycles puis en fatigue corrosion à 10 Hz pendant 1 160 000 cycles puis à 0.1 Hz pendant
65 000 cycles puis à 10 Hz pendant 1 800 000 cycles et enfin à 10 Hz et Fmax=4.162kN jusqu’à rupture ;
b) Vitesse de propagation : en vert à 10 Hz pendant 1 160 000 cycles puis en bleu à 10 Hz à Fmax + 20% ;
vitesse maximale de CSC intergranulaire (60 μm/h) convertie en da/dn aux différentes fréquences.
276
Les essais sur éprouvettes CT ont montré que l’amplitude du facteur d’intensité des
généralisée), le critère pertinent reste le ΔKtransition, par contre pour des contraintes faibles
CSC/FC sous la forme d’une vitesse d’avancée par cycle (da/dn) et l’impossibilité d’unifier les
277
Figure IV-75 : Synthèse de l’endommagement en FC de l’alliage 2024‐T351.
278
CONCLUSION
La figure IV-75 synthétise les principaux résultats de ce chapitre.
L’amorçage, qui peut représenter l’essentiel de la durée de vie, est ici facile et rapide. Les
d’amorces de fissures. L’application d’une contrainte cyclique entraîne soit la coalescence des
voisin de 1 MPa.m1/2 à σmax=250 MPa a été mis en évidence, ainsi qu’un fort effet de la
cristallographie, surtout à l’air où 50% des défauts ne propagent pas contre seulement 10% dans
NaCl 0.5 M.
En ce qui concerne les vitesses de propagation, une nette accélération a été observée entre l’air
humide et NaCl 0.5 M, avec un facteur 2 à 5 sur les vitesses par cycles suivant le domaine de ΔK
considéré. L’effet d’entaille créé par la coalescence des défauts de corrosion a été simulé par des
entailles fines qui ont facilité la mesure des vitesses de propagation transgranulaire. Les vitesses
de propagation à partir d’entailles sont cohérentes avec celles qui ont été mesurées directement
La propagation des fissures longues, à bas σmax a été étudiée sur des éprouvettes CT
préfissurées à l’air. Un fort effet de la fréquence a été observé, se traduisant par la reprise de la
s’avère cette fois ci être la compétition entre la vitesse d’avancée de la fissure transgranulaire en
chargement mécanique sont augmentés. Le faciès de rupture montre que les domaines
l’augmentation
279
Figure IV-76 : Différentes séquences d’endommagement possibles en fatigue en milieu de référence sur
280
nécessaire de σmax à haute fréquence pour relancer la fissuration transgranulaire par la
La comparaison entre les résultats obtenus à fort σmax (sur éprouvettes lisses et entaillées) et
ceux obtenus à bas σmax (sur éprouvettes CT) montre que le critère de comparaison des vitesses ne
s’applique pas à fort σmax car la propagation est toujours transgranulaire sur éprouvette entaillée
même à faible ΔK et faible fréquence tels que VCSCinter>VFCtrans. Ceci semble indiquer que quand σmax
est trop proche de la Re, l’endommagement plastique en pointe de fissure est tel que même si
VCSCinter>VFCtrans, l’endommagement est quand même plastique. Ceci est cohérent avec les essais de
281
Figure IV-3 : Gamme d’essais balayée dans cette étude.
282
CONCLUSION
L’étude bibliographique et nos premiers résultats ont montré l’influence très forte de l’état
métallurgique sur l’endommagement par corrosion, par corrosion sous contrainte et fatigue
corrosion. Nous avons donc réalisé une caractérisation métallurgique fine de l’alliage 2024‐T351
L’essentiel des travaux publiés sur la fatigue corrosion du 2024 concerne des études de fatigue
sur des échantillons pré‐corrodés pendant des durées d’immersion importantes ou dans des
milieux très oxydants, présentant des piqûres sévères. Deux aspects manquent dans ces études.
En milieu peu oxydant, nous observons systématiquement des sillons très fins de corrosion
intergranulaire en avant des piqûres. Ces défauts potentiellement très actifs mécaniquement ne
sont pas considérés dans les études bibliographiques. D’autre part, étudier l’endommagement
Ainsi, nous avons conduit une étude complète des profondeurs et de la cinétique de la
corrosion intergranulaire (Chapitre II) à l’aide d’essais d’immersion en milieu corrosif peu
mécanique monotone (Chapitre III) ont été quantifiés par des essais de traction lente
instrumentés. Les effets d’une sollicitation cyclique, depuis la corrosion de surface, jusqu’à la
fissure de fatigue corrosion (Chapitre IV) ont été étudiés à l’aide d’essais de fatigue corrosion
283
Les principaux résultats sont les suivants :
Corrosion Intergranulaire :
Ö L’alliage 2024 T351 est sensible à la corrosion intergranulaire sans doute à cause de la
présence d’une zone dénudée en cuivre le long du joint de grain. Il se forme un défaut
évolue ensuite sous la forme de piqûres avec une cinétique nettement plus lente de
0.06 μm. Un sillon intergranulaire fin est toujours présent en pointe de la piqûre. Dans
cette partie, nous avons mis en place une méthodologie de caractérisation de la cinétique
de corrosion intergranulaire.
Ö Deux régimes de propagation ont été mis en évidence : 60 μm/h dans le régime rapide et
6 μm/h pour le régime lent. La transition est corrélée avec une désoxygénation en fond de
Dans le régime rapide, l’application d’une contrainte de traction a pour effet d’augmenter
lent, on observe également une forte augmentation de la vitesse par rapport à l’absence de
Fatigue‐Corrosion :
Ö Une fissure de fatigue transgranulaire est facilement amorcée à partir des défauts de
284
Ö L’effet du milieu sur ce deuxième mécanisme est relativement modeste (facteur 2‐5), ce
qui est en accord avec des études précédemment publiées et se manifeste particulièrement
aux faibles ΔK. D’après la littérature, la FC transgranulaire en milieu humide sur les
Les effets sont amplifiés en milieu NaCl 0.5 M par rapport à l’air humide.
suffisante. Différents critères de transition ont été proposés : un Δkcritique à σmax élevée et la
sous contrainte intergranulaire à bas σmax. L’influence de la fréquence est aussi très
corrosion dont la vitesse de propagation plus lente et peu différente de celle à l’air est
pouvons signaler tout de même que lorsque σmax est faible et après multifissuration
285
PERSPECTIVES
Cette étude propose une méthodologie applicable à d’autres alliages, notamment les
intermétalliques pouvant être à l’origine de piqûres mais aussi zones dénudées aux joints de
des différents phénomènes et leur poids respectif qui permettra de déterminer efficacement les
Cette étude a clairement démontré l’effet d’une contrainte de traction sur la corrosion
intergranulaire, cet effet pourrait être quantifié par des calculs élasto‐plastiques d’ouverture de
fond de fissure. Ceci permettrait en particulier de déterminer si cet effet « géométrique » est
considérer un effet couplé de la déformation sur la dissolution, par exemple par rupture de film.
propagation au seuil en fatigue dans les alliages sous‐revenus. Dans ces conditions, il est difficile
fissure sont nécessaires pour modéliser les effets de l’hydrogène sur une base physique.
et une caractérisation plus quantitative est nécessaire pour transposer ces résultats aux conditions
de service. Les défauts concernés ont cependant des géométries complexes et très variables d’un
domaine. Enfin, il faut garder à l’esprit que contrairement à d’autres cas de CSC ou de FC, la
nature des environnements auxquels les composants sont exposés est ici très variable. Cet aspect
n’a pas pu être abordé dans notre étude et un travail sur cet aspect en constituerait un
prolongement naturel.
286
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Ecole Nationale Supérieure des Mines
de Saint‐Etienne
Title : Corrosion fatigue in the short transverse direction of AA 2024‐T351 plates containing
localized corrosion defects
Keywords :
corrosion fatigue, AA 2024‐T351, intergranular corrosion, stress corrosion cracking, intergranular
corrosion kinetic, transgranular crack growth rate, mechanisms, low ΔK, direct current potential
drop
Abstract :
Ageing aircraft led to study the effects of corrosion on the mechanical properties of aluminum
alloys: from localized corrosion defect to mechanically active crack.
We have characterized the sensitivity of AA2024‐T351 to intergranular corrosion. A semi‐
elliptical 150‐250 μm depth intergranular defect is formed after 7h exposure in 0.5 M NaCl. Then
intergranular corrosion rate drops sharply.
We studied the mechanisms of fatigue crack growth from these defects, and more precisely the
transition from intergranular corrosion to transgranular short fatigue crack. At each stage of the
damage, an estimate of kinetic, ΔK and morphology defects are given. Two mechanisms have
been distinguished: a mechanism of intergranular (cyclic) stress corrosion cracking and a
mechanism of transgranular corrosion fatigue. A transition criteria is proposed.
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Ecole Nationale Supérieure des Mines
de Saint‐Etienne
Titre de la thèse : Fatigue corrosion dans le sens travers court de tôles d’aluminium 2024‐T351
présentant des défauts de corrosion localisée
Mots clefs :
fatigue corrosion, alliage 2024‐T351, corrosion intergranulaire, corrosion sous contrainte, cinétique
de corrosion intergranulaire, vitesse de propagation transgranulaire, mécanismes, faible amplitude
de facteur d’intensité des contraintes, suivi électrique
Résumé :
La gestion des flottes vieillissantes conduit à étudier les effets de la corrosion sur la tenue
mécanique des structures en alliages d’aluminium, depuis les défauts de corrosion de surface
jusqu’à la fissure mécaniquement active.
Nous avons caractérisé la sensibilité de l’alliage 2024‐T351 à la corrosion intergranulaire. Il se
forme en 7h d’immersion dans NaCl 0.5 M un défaut semi‐elliptique de 200 μm de profondeur.
Puis la corrosion intergranulaire ralentit fortement.
Nous avons étudié les mécanismes de propagation en fatigue à partir de ces défauts, en
particulier la transition entre la corrosion intergranulaire et les fissures transgranulaires courtes
de fatigue. A chaque étape de l’endommagement, une estimation des cinétiques, du ΔK et la
morphologie des défauts sont données. Deux mécanismes ont été distingués : un mécanisme de
corrosion sous contrainte (cyclique) intergranulaire et un mécanisme de fatigue corrosion
transgranulaire. Un critère de transition est proposé.
300