Sexualité et sentiments, comment cest l'amour

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COMMENT C’EST L’AMOUR ?

Du même auteur,
dans la même collection, aux éditions du Rocher
(2012)

Dis maman, comment ça vient les bébés ? (4-10 ans)


Comment c’est la puberté ? (10-13 ans)
Comment c’est la sexualité ? (13-15 ans)
Comment c’est l’amour ? (15-20 ans)
Pr Henri Joyeux

COMMENT C’EST L’AMOUR ?


Sexualité et sentiments
Amitiés, Attirance, Amour
Réponses aux questions des 15-20 ans
Le CD Découvrir l’amour est offert avec ce livre.

Tous droits de traduction, d’adaptation et de reproduction réservés

pour tous pays.

© Éditions du Rocher, 2012.

ISBN : 978-2-268-07457-3

ISBN epub : 978-2-268-00156-2


Pour tous les jeunes du monde,
enfants et parents, grands-
parents, de 4 à 120 ans…

Pour une écologie de l’amour.


Aimer, c’est regarder ensemble
dans la même direction…

Antoine de Saint-Exupéry
Avant-propos à l’attention des parents

En 1982, date de l’arrivée du fléau du sida, et après avoir accompagné


vers la mort plusieurs jeunes atteints par cette terrible infection
sexuellement transmissible (IST) responsable d’infections généralisées ou
de cancers incurables, j’ai décidé de donner bénévolement une journée par
semaine aux jeunes de toutes les écoles, publiques ou libres. Pour prévenir :
informer, expliquer, responsabiliser. Les jeunes sont passionnés par les trois
thèmes : Santé, Amour et Sexualité. Surtout quand on leur en parle
simplement, sans tabou, en s’adaptant si nécessaire à leur langage. En vingt
ans, j’ai rencontré, seul ou avec mon épouse, plus d’un million de jeunes
(mille par semaine environ), regroupés par tranches d’âge, de la maternelle
à l’université.
Cette expérience originale et unique, j’ai toujours voulu la transmettre
aux jeunes, aux parents, aux éducateurs, spécialisés ou non. Mon métier de
chirurgien et cancérologue m’a amené sur tous les continents. Partout, j’ai
rencontré les mêmes jeunes et les mêmes questions, quelles que soient leur
langue, leur culture. Et chaque semaine, inlassablement, je me suis enrichi
de leurs questions, j’ai testé mes réponses. L’important, ce n’est pas ce que
je dis, c’est ce que le jeune comprend, ce qu’il sera capable de mettre en
pratique. En vingt ans, j’ai remarqué que ce que je disais aux classes de 4e
et de 3e, je le dis maintenant aux classes de 6e et de 5e. Et cela se vérifie
partout.
Mon diagnostic est fort : tous les parents doivent parler de ces sujets à
leurs enfants. Et le plus tôt possible, en s’adaptant évidemment à leur âge,
à leur état mental. J’ai appris à parler des choses de la vie et de l’amour aux
enfants. Quoi dire ? Comment le dire ? Quand le dire ? Ces livres sont
d’abord destinés aux parents, pour qu’ils les donnent à leurs enfants selon
leur âge. Il existe ainsi un livre pour chaque tranche d’âge : 4-10 ans, 10-13
ans, 13-15 ans, 15-20 ans. L’idéal est de commencer à 4 ans. Et chacun,
papa comme maman, a des choses à dire, qui se complètent… L’enfant,
pour son équilibre présent et à venir, a plus besoin de comprendre l’amour
et la sexualité que d’être bon en maths ou en histoire et géographie. L’école
donne en général de belles et détaillées explications biologiques. Les
enfants les retiennent souvent mal. Ils les déforment et elles les déforment.
Surtout parce qu’elles ne sont pas intégrées au grand, à l’immense domaine
de l’amour, de l’affectivité. Sexualité et affectivité font un tout. Les
dissocier, c’est risquer les contresens de l’amour. C’est l’affectivité qui est
première, prioritaire. Le cœur est plus important que le sexe.
Ces livres s’adressent donc à tous : aux jeunes, selon leur âge, mais
aussi à vous parents, grands-parents ou éducateurs. Ils veulent être une aide
concrète et pédagogique pour le dialogue avec vos enfants. C’est souvent
difficile parce que délicat, intime. Surtout parce que nous avons tous
tendance à répéter ce que nous avons appris, ce que notre père et notre mère
nous ont dit ; en général, pas grand-chose. Ce livre vous aidera à couper
enfin la chaîne du non-savoir, des non-dits. Vos enfants ont besoin
d’informations claires, dites en vérité et avec délicatesse.
Si nous ne leur donnions pas à manger pour assurer leur croissance,
nos enfants iraient chercher de quoi se nourrir dans les poubelles. Il en va
de même pour ces sujets vitaux que sont l’amour et la sexualité. Si nous ne
leur donnons pas les informations dont ils ont absolument besoin pour se
construire, ils iront chercher dans les poubelles de notre société, qui sont
pleines, saturées, dangereuses.
Parents, ne vous laissez pas endormir par certains spécialistes ou par
les médias. Formez-vous, et vos jeunes iront tellement mieux. Ne vous
contentez pas de donner ces livres à vos enfants ou de les laisser traîner
chez vous pour qu’ils les trouvent et qu’ils les lisent. Cela ne suffira pas à
les informer. Que vous soyez père ou mère, vous devez également les lire
vous-même. Car vos enfants vous attendent. Ils ont besoin de dialoguer en
confiance avec vous sur ces sujets très délicats. Que vous soyez d’accord ou
non avec tout ce qui est dit, l’important c’est le dialogue que ces livres
souhaitent susciter, en respectant le jardin secret de chacun.

Professeur Henri Joyeux,


conseiller scientifique de l’École de la Vie
et de l’Amour,
Montpellier, 2012.
Aux jeunes de 15 à 20 ans

À Patrick, Nathalie, Jérôme, Tariq, Véronique, Solange, Isabelle, Fatima,


Stéphane, Simon, Brigitte, Érol, Sylvie, Yann, Joseph, Robert, Julie,
Béatrice, Sarri, Florence, Hélène, Sarah, Amélie, Mehdi, Adrien…

Ce livre est fait pour t’aider, toi, jeune homme ou jeune fille de 15 à 20
ans, à y voir plus clair, à discerner ce qui anime ton cœur et ce qui anime
ton sexe, à mieux te comprendre et à comprendre les autres, ceux qui sont
de même sexe que toi et ceux qui sont de sexe différent. Ce livre peut
t’aider à faire les bons choix, il peut t’éviter de te tromper, car ce n’est pas
ce que tu cherches.

Est-on majeur à 15 ans ou faut-il attendre 18 ans ? Si je veux rester


dans la légalité, je dois te répondre : 18 ans. Si je veux te responsabiliser, je
te réponds : 15 ans. La réalité se trouve entre les deux. De toute façon, à 15
ans, tu es capable de tout comprendre. C’est l’âge de la majorité
intellectuelle. Tu dois donc être informé(e). Complètement. C’est bien ce
que tu cherches. Avec l’adolescence, les fondements de ton être adulte sont
posés. Tu es déjà dans une période de rêves, de sentiments, une période
pleine d’espoirs et de promesses. Tu veux aimer et être aimé(e).
L’essentiel de ta personnalité est formé. Tu sais à peu près qui tu es,
bien que tu cherches encore, et, en même temps, tu ne sais pas vraiment ce
que tu veux. C’est normal. Tu te poses beaucoup de questions sur l’avenir,
sur ton avenir. D’autant plus que tu entends parler de chômage, de
surendettement, de familles en difficulté, de terrorisme, de guerre…
Pourtant, tout ton être te pousse dans l’autre sens, vers la paix, l’amitié,
l’amour ; tu sens où est le bonheur et c’est lui que tu voudrais bien
construire. Et quand tu observes les adultes, quand tu les écoutes, tu te dis
que tu veux faire et que tu feras mieux. Tes parents ont pensé, rêvé comme
toi de changer le monde, mais ils n’y sont parvenus que partiellement.
Comme eux, tu n’as pas connu les guerres absurdes entre Français et
Allemands, ni celles du Viêtnam ou d’Algérie… Tu as vu en direct celles
des Balkans, du Koweït, de l’Irak, de la Lybie ou de la Syrie, avec toutes
leurs horreurs dans les deux camps… Tu ne voudrais plus voir tout cela, tu
souhaites que l’humanité tout entière vive en paix, et tu te dis que c’est
possible, car tous les jeunes du monde ont les mêmes désirs, les mêmes
rêves.
Tous les adultes le souhaitent aussi, mais ils savent que cela ne sera pas
si facile. Leur expérience les rend prudents, car ils ont rêvé aussi quand ils
avaient ton âge à un monde meilleur…
Tu te sens déjà un homme, une femme. Tu es très attiré(e) par les
filles, les garçons, plus souvent par plusieurs que par un(e) seul(e). Parfois,
tu as même l’impression que tu tomberais facilement amoureux(se) de
presque toutes celles/tous ceux que tu rencontres… Qu’est-ce que l’amour ?
Attirance et amour, où est la différence ? Amitié forte et amour, où est la
ligne de partage, comment passe-t-on de l’une à l’autre ? Après l’amour,
peut-on revenir à l’amitié, rester de bons amis ? Tu peux être incertain de
toi-même, au point de te demander si tu n’es pas en fait intéressé(e) par
celles ou ceux qui te ressemblent. Tu as entre 15 et 20 ans, tu as beaucoup
de temps devant toi, et en même temps tu es pressé(e).

Toi, jeune fille, tu n’es pas indifférente à l’intérêt que les garçons te
portent et à leur comportement. Tu analyses presque inconsciemment leur
démarche, leurs fringues, leur look et, plus encore, leur visage. Tu perçois
bien leurs désirs plus ou moins entreprenants. Tu n’aimes pas la façon dont
ils parlent des filles. Tu les considères souvent comme pas mûrs, encore
immatures, trop jeunes, et pourtant ils ont ton âge ! En même temps, tu
envies telle ou telle copine qui a déjà un copain. Tu aimerais tellement avoir
le tien, te confier à lui, qu’il te prenne par la main et qu’il t’embrasse
amoureusement. Et cette autre copine, qui te raconte qu’elle a déjà couché
avec son mec, t’inquiète parce que, déjà, il l’a larguée. Ou bien c’est elle
qui l’a largué, car elle t’a dit qu’il ne pensait qu’au sexe !
Et toi, jeune homme, entre 15 et 20 ans, tu peux être très sensible.
Écœuré par les comportements de certains de tes copains qui exploitent les
filles, les unes après les autres. Déjà, tu as remarqué une fille de ta classe
qui est super sympa. Tu voudrais bien lui dire que tu l’aimes mais tu ne sais
pas comment t’y prendre. Cela t’inquiète aussi parce que ce n’est pas la
première qui t’attire. Tu as remarqué que tu tombes facilement
« amoureux ». Tu hésites souvent entre attirance et amour.
De plus en plus souvent, tu sais bien distinguer, parmi les filles, celles
qui t’intéressent surtout par leur corps – leurs seins et leurs fesses, pour être
clair – et celles qui t’attirent par leur douceur, leur beauté extérieure et
intérieure, leur regard, que tu n’arrives pas bien à capter. Tu ne sais pas
comment leur parler, tu hésites. Tu te poses la question essentielle : « Suis-
je vraiment amoureux ? Est-ce la fille de ma vie ? »
Tu crains ton copain parce qu’il pourrait devenir ton concurrent. Bref,
tu es plus ou moins « amoureux », mais dès que tu ne verras plus Sophie,
Véronique, Sonia ou Leila, tu tomberas amoureux d’une autre. Alors cela
t’inquiète un peu, ou beaucoup, car tu te demandes comment tu pourras
choisir un jour. Cette attirance pour le corps féminin, la grande sensibilité
que tu éprouves pour tout ce qui concerne la sexualité, tout cela peut à la
fois te préoccuper ou t’inquiéter, te gêner dans ton évolution, dans tes
comportements, dans ton discernement.
On voit de plus en plus de garçons de ton âge qui hésitent. Très
sensibles, ils ne se sentent pas comme les autres. Ils n’ont pas de blagues
grasses ou dégueulasses à raconter. Ils ne se sentent pas autant attirés par les
filles que leurs copains. Ils se demandent pourquoi ils sont si différents. Ils
recherchent à la fois des filles sympas pour discuter et des copains qui leur
ressemblent, sensibles. Au fond, ils se demandent s’ils ne sont pas plus
attirés par les hommes. « Homosensibilité » ? certainement.
« Homosensualité » ? peut-être aussi, car ils préfèrent être avec des garçons.
Le corps des garçons les attirerait-il plus que le corps des filles qui ne leur
dit rien ou pas grand-chose ? Certains rêves les inquiètent fort.
« Homosexualité » ? ils en entendent tellement parler partout. On leur dit
que c’est génétique, que l’on peut naître comme cela… Que la société est
homophobe et qu’il faut lutter contre… Mais à qui en parler ? Comment
déceler le vrai du faux ? Homosensibilité, homosensualité, homosexualité, y
a-t-il une évolution entre ces trois types d’attirance ? Si je suis
homosensible, suis-je forcément homosensuel, et peutêtre homosexuel ? Et
tout cela existe-t-il aussi chez les filles ?
L’adolescence est un parcours semé d’obstacles. Il est primordial de
connaître les pièges qui peuvent se présenter quand on ne s’y attend pas.
Peut-être as-tu déjà eu des expériences sexuelles (avec ou sans rapport),
positives ou négatives, qui ont laissé, comme on dit, des souvenirs en toi.
Es-tu bien sûr que tu connais ce que c’est que l’amour ?
Connais-tu les différences entre garçons et filles, en dehors des
différences anatomiques ? Es-tu bien sûr de connaître l’être féminin ? Es-tu
bien sûre de connaître l’être masculin ?
Et toi, as-tu sondé les innombrables richesses de ta personnalité et
celles de l’autre, qui t’attire ou que tu crois aimer ? Et celles de ton meilleur
ami ou de ta meilleure amie ? As-tu compris que tes défauts sont là pour
t’éviter l’orgueil de tes qualités ?
Sais-tu qu’en amour, on peut connaître beaucoup d’échecs, surtout si
l’on n’a pas suffisamment réfléchi, approfondi, mûri, discerné ? Il y a
tellement d’adultes qui se trompent parce qu’on ne leur a pas expliqué
suffisamment et au bon moment les « choses de la vie et de l’amour ».
Certains se sont même séparés alors qu’ils étaient faits l’un pour l’autre.
Toi, tu ne veux pas suivre ce chemin, et tu as raison.
Sais-tu que la relation sexuelle entre deux êtres qui se méfient l’un de
l’autre, ou qui s’exploitent l’un l’autre, est fortement handicapée au départ
et qu’elle ne pourra conduire qu’à des souffrances du cœur ? Sais-tu qu’elle
augmente l’opacité entre les deux êtres qui voulaient s’aimer ?
Sais-tu qu’aimer, cela veut dire d’abord connaître et non pas faire
connaissance, apprécier et non pas essayer, partager et non pas utiliser,
donner et non pas voler, rencontrer et non pas heurter ?

Oui, entre 15 et 20 ans, tu as soif d’aimer et d’être aimé(e).


Ce livre de questions-réponses veut t’aider à ne pas te replier sur toi, à
ne pas avoir peur des garçons ou des filles, à discerner, à travers beaucoup
d’autres personnes que tu rencontres ou rencontreras, celui ou celle qui sera
ton compagnon ou ta compagne, pour la vie. Car c’est bien cela que tu
cherches, consciemment ou inconsciemment.
Pour y parvenir, tu dois aussi savoir ce qui est difficile à vivre en
amour : la rupture quand on est trompé(e), largué(e) ; la goutte de méfiance
quand on vivait la totale confiance; une relation sexuelle imposée sans l’être
vraiment ; une grossesse qu’on ne veut pas ; une relation homosexuelle
imposée ou pratiquée pour tenir un pari ; la sodomie ; l’inceste ; le viol ; la
pornographie ; la prostitution ; la pédophilie…
Mais aussi la non-communication entre deux êtres qui vivent ensemble
et qui ne se comprennent pas ou plus… L’amour paraît parfois si difficile
que certains peuvent se demander : « N’y a-t-il pas d’amour heureux ?1. »
Tu te trouves à une période de ta vie qui est difficile, fondatrice,
tellement essentielle pour toute ta vie. Les échecs vécus par les adultes ont
pour beaucoup été initiés entre la puberté et 25 ans.
Si tu travailles pour avoir un métier, tu prépares aussi ton avenir
affectif et amoureux ; et comme tu t’en rendras compte de plus en plus,
c’est au moins aussi important. Cela vaut vraiment la peine que tu y
réfléchisses.

1. Cf. Guy Corneau, N’y a-t-il pas d’amour heureux ?, éditions Robert Laffont, 1999.
Avertissement Ne vous laissez pas manipuler !

Les sensations sexuelles sont très fragiles, plus chez la femme que
chez l’homme – bien que ce ne soit pas si sûr et que cela varie avec l’âge.
Pour que le féminin s’épanouisse vraiment amoureusement, c’est-à-dire
affectivement et physiquement, il est essentiel que l’affectif domine. Les
épanouissements purement sexuels sont avant tout du cinéma, de la
comédie, de la littérature, du rêve que l’auteur décrit ou fait jouer devant la
caméra. Ils ne sont souvent que des fantasmes espérés, décrits ou appliqués
comme s’ils étaient vécus.
Faire croire et rêver à tous les plaisirs physiques de l’amour a un
double but : d’une part, donner du plaisir à celui ou celle qui écrit, décrit,
observe (voyeurisme), comme s’il ou si elle le vivait (c’est tellement sympa
de le faire croire au plus grand nombre, et ça peut rapporter gros : des
écrivains ont avoué avoir écrit sous pseudonyme au début de leur carrière
des textes croustillants et sensuels ou sexuels pour faire de l’argent !);
d’autre part, stimuler le plaisir et la recherche du plaisir chez les autres, les
lecteurs ou voyeurs, avides d’en être au même point.
Évidemment, cela peut devenir une escalade sans fin. Les magazines et
les prétendus spécialistes de la sexualité le savent bien, qui en profitent pour
continuer à faire rêver leurs clientes et leurs clients. Business oblige. Et la
publicité le sait aussi. En avril 2003, Courrier international 1 rapporte avec
avis favorable l’invention du « porno humanitaire » : un homme d’affaires
américain met la libido au service du développement du tiers-monde, en
vendant du matériel indispensable pour assouvir tous ses fantasmes : 80
millions de dollars de chiffre d’affaires en 2002 ! Tout est justifié par
l’objectif, considéré comme « évangélique » : l’humanitaire.
Les publicitaires se servent des fragilités de l’humain, en particulier
dans le domaine de la sexualité, pour présenter leurs appâts et stimuler les
ventes de produits sans intérêt. Ça marche quand le public n’est pas averti.
Il y a beaucoup à faire pour l’informer et éveiller son esprit critique, mais
ne nous décourageons pas. Cela prendra du temps, et il faut commencer le
plus tôt possible. Les moyens audiovisuels, bien utilisés, nous le
permettront.
Le sexe a pris une place prééminente dans notre société, et les
laboratoires pharmaceutiques et la parapharmacie se sont engouffrés dans
ce créneau très porteur. Angoisse oblige. Rien ne vaut la sexualité, ses
images, ses fantasmes, vécus ou rêvés, pour éloigner les soucis, les craintes
du monde moderne.
La « petite pilule bleue » si médiatisée pour les hommes fait un tabac
en bourse (sans jeu de mots !), tandis que les chercheurs finiront bien par
trouver la « petite pilule rose » pour les femmes (ce n’est pas une blague).
L’objectif est que, de 20 à 100 ans, nul ne puisse plus s’en passer pour
connaître l’amour, ses fantasmes et ses orgasmes. Lesquels seront eux-
mêmes médiatisés comme des sensations encore inconnues, à répétition, en
croissance, que chacun pourra se procurer (démocratisation oblige)
moyennant quelques dollars de plus, chaque jour plutôt qu’une fois par
semaine ou tous les quinze jours. Et comme il y aura toujours frustration de
l’un ou l’autre des partenaires sexuels, l’escalade sera sans fin.
À moins que les jeunes, plus et mieux avertis, refusent de se faire
« anesthésier debout » ! L’objectif de cet ouvrage de questions-réponses est
d’éviter que des générations de jeunes ne se fassent avoir (comme tant de
précédentes) par les mirages que façonnent les manipulateurs de
conscience, malins et avides de pouvoir et d’argent.

1. Courrier international, n° 648, p. 52-53.


QUESTION 1

Patrick. – J’ai 15 ans, je suis amoureux


d’Amélie, comment faire ? Je n’ose pas le lui
dire…

À 15 ans, il est tout à fait naturel que tu sois amoureux d’Amélie. En


effet, elle te plaît, tu la trouves belle, tu rêves d’être seul avec elle, de lui
parler, de lui prendre la main, de te promener avec elle, de l’amener au
cinéma… Tu as son numéro de portable et tu l’utilises sans cesse, en lui
envoyant des SMS à répétition.
Tous ces sentiments, très présents en toi, te font oublier presque tout le
reste. Tu penses à Amélie dès que tu te lèves, quand tu vas au lycée,
pendant les heures de cours, tu n’as plus envie de travailler. Tu as
l’impression que tout ton être s’oriente vers Amélie. Si elle est loin de toi, il
te tarde tellement de la revoir ! Si elle est près de toi, tu as les yeux fixés sur
elle. Oui, Patrick, tu es amoureux. Et il est important que tu analyses tous
les sentiments qui t’animent et parfois te débordent. Tu ne penses plus qu’à
Amélie, tu as déjà oublié Sylvie qui te plaisait beaucoup l’année dernière,
Solange avec laquelle tu aimais tant discuter le samedi, Brigitte dont les
cheveux te fascinent…
Tu as certainement remarqué que tes désirs sont purs. Tu ne veux pas
de mal pour Amélie. Tu voudrais tant la protéger. Tu voudrais tant qu’elle
soit pour toi seul. Tu as aussi une crainte, une pointe de jalousie. Tu as peur
que tes camarades ou ton meilleur copain la trouvent belle comme toi. Si
quelqu’un te disait que tu as le désir de coucher avec Amélie, tu répondrais
que ce n’est pas vrai, car tu la trouves si pure. C’est vrai que tu peux avoir
de telles pensées avec d’autres, mais surtout pas avec Amélie. Tu ne lui
veux que du bien, de la tendresse, tu rêves seulement de te promener la
main dans la main dans un endroit désert où tu serais seul avec elle. Ces
sentiments sont rares, quand ils sont présents. En général ils ne durent pas
longtemps à ton âge.
Beaucoup de tes camarades, qui sont au stade de l’attirance, ont des
difficultés à différencier « je suis amoureux de cette fille… » de « je suis
attiré, j’ai envie de cette fille… ». L’attirance s’oriente strictement sur
l’apparence, la « carrosserie » féminine pour les garçons et le look général
du garçon pour les filles – le visage, le regard, le charme, le torse, la
musculature ou même les régions sexuelles des garçons, qui attirent
davantage les filles qui ont été blessées sexuellement (voir les pubs
d’aujourd’hui qui sont très significatives).
QUESTION 2

Patrick. – C’est exactement cela. Je l’aime et je


ne sais pas comment le lui dire. J’ai tellement peur
que ce ne soit pas réciproque !

Tu as raison, Patrick, de te poser ces questions, car il n’est pas certain


qu’Amélie t’ait remarqué comme tu l’as remarquée. C’est vrai que si tu le
lui demandes, tu risques d’avoir une réponse négative ou hésitante, au lieu
d’une réponse claire, positive, comme tu l’espères. Alors je te conseille de
ne rien dire, de ne rien faire… Tu continueras à observer Amélie, à l’aimer
secrètement, mais ne cherche pas vraiment à la rencontrer. Laisse au fond
de toi-même tous tes sentiments prendre la place qu’ils doivent avoir par
ordre d’importance, et réfléchis simplement. N’oublie pas que tu as tout le
temps devant toi. Laisse ton cœur s’épanouir et donnelui du temps. Pour
connaître l’autre, il faut du temps : le voir aux quatre saisons, connaître ses
racines, son histoire. Comme un chêne que tu as dans la cour de ton lycée.
Ce n’est pas parce que tu l’as vu une fois, ou pendant un trimestre, ou la
moitié de l’année, que tu sais qui l’a planté…
Le temps est un ami de l’amour.
QUESTION 3

Plusieurs jeunes en même temps. – C’est quoi


l’amour ?

Voyons d’abord si l’on peut le définir, nous verrons ensuite comment il


s’exprime, et enfin quels sont les ingrédients et les buts de l’amour.

Les jeunes. – Comment définir l’amour ?

On ne peut pas définir l’amour comme on définirait un objet. Le mot


« amour » est souvent utilisé en dépit du bon sens. De plus en plus de filles
posent cette question : « Pourquoi les garçons disent “je t’aime” comme on
dit “bonjour” ? » Le verbe « aimer » est très spécial. Quand il s’agit de
personnes, nous le définirions volontiers comme un verbe en mouvement :
« J’aime et je suis aimé de quelqu’un… »
En anglais, il y a deux verbes pour dire « j’aime » : « I like » pour les
objets et « I love » pour les personnes. En espagnol, aimer une personne se
dit « quiero », qui signifie « je te veux » et qui traduit la volonté, et aimer
un objet se dit « gusta », qui renvoie au goût physique.

Les jeunes. – Comment s’exprime l’amour ?

Aimer à votre âge, entre 15 et 20 ans, n’a pas la même signification


qu’aimer à 7 ans ou à l’âge adulte.
À 7 ans, on aime ses parents presque sans le savoir, ils sont sympas, on
vit avec eux, ils font des cadeaux, ils paient de belles vacances… À 7 ans,
on aime ses grands-parents, ses frères et sœurs, bref bien des personnes de
notre entourage proche, surtout familial. Il peut aussi nous arriver, c’est plus
fréquent qu’autrefois, de « bien aimer » sa maîtresse ou son maître
d’école…
Il y a dans chaque être humain une formidable capacité d’aimer. Cette
capacité d’aimer, je l’appelle le « fleuve amour », et ce fleuve, il avance
chaque jour de notre vie, et même au-delà de 100 ans si l’on vit plus d’un
siècle. Je conseille souvent aux jeunes de se mettre au bord d’un fleuve ou
d’une rivière et d’observer l’eau qu’ils ont en face d’eux. C’est toujours de
l’eau, mais ce n’est jamais la même. Et le fleuve suit son cours dans ce
qu’on appelle le « lit » du fleuve.
Pendant que nous sommes dans le ventre de notre mère, le lit du fleuve
amour, c’est le berceau-piscine maternel dans lequel nous sommes; puis dès
la naissance, il s’élargit, au papa, aux éventuels frères et sœurs, à toute la
famille. Plus tard, le fleuve peut fonctionner à l’école, au club de sport ou
de musique. Ainsi, il n’est pas rare de voir des enfants dire dès la petite
école qu’ils sont « amoureux » de tel ou telle camarade. Ils confondent très
tôt amour et attirance, et les adultes les confortent très souvent dans ces
pensées, en affirmant: « Oui, Charlotte est amoureuse de Loïc… » Alors
qu’ils devraient dire: « Charlotte est attirée par Loïc, et il n’est pas sûr que
la réciproque soit vraie, d’autant plus que la semaine précédente, Charlotte
préférait Kevin, mais il lui a tiré les cheveux, alors elle ne l’aime plus… »
Vous remarquerez que lorsque le fleuve amour ne peut s’écouler
normalement dans le cadre de la famille, parce qu’il rencontre un obstacle
(dispute des parents ou même simple tension familiale que les enfants
ressentent très facilement), alors il va s’exprimer hors de la famille, là où il
peut, et plus particulièrement à l’école ou dans tout endroit où se trouvent
des personnes à rencontrer, donc peut-être à aimer. L’amour est comme
l’eau d’une rivière ou d’une source qui s’écoule, il passe là où il peut et il
ne s’arrête jamais. Car il est bien vrai que tout être humain a besoin d’aimer
et d’être aimé. Du plus jeune âge à l’âge le plus avancé, nous avons besoin
d’amour. C’est l’essence de la vie !

Les jeunes. – Quels sont les ingrédients et les


buts de l’amour ?
Évidemment, l’amour ne se commande pas, ne s’achète pas. S’il y a
des magasins de sexe, il n’y a pas de magasin d’amour. Le vrai amour est
un sentiment difficile à exprimer et que l’on a du mal à expliquer.
Cependant, on peut facilement expliquer l’amour des enfants pour les
parents et inversement. Ils sont protégés, choyés, nourris, logés. Les enfants
sentent bien qu’ils sont aimés fortement et que les parents font tout pour les
aider à se construire, pour les rendre heureux. Les parents n’exigent pas
d’amour en retour, l’amour est naturel. Cela n’empêche pas les frictions, les
oppositions qui, disons-le au passage, jouent un rôle positif, dans la
construction de l’adolescent en particulier.
L’âge ingrat n’est pas celui du jeune, mais celui des parents qui ont du
mal à se reconnaître dans leur enfant, car ils imaginent l’adolescence à
travers ce qu’ils ont vécu. Or leur adolescence est loin, plus de dix années
ont passé depuis le début de leur vie commune. Leur enfant, jusque-là si
attentif, délicat, obéissant, devient brutalement contestataire, irrespectueux,
grossier. Il n’écoute plus, n’obéit plus… Bref, les relations se tendent.
« Nous avions tout fait pour lui/elle et voilà qu’il/elle, conteste tout ! »
Il/elle veut tout essayer. L’ado cherche à faire peur à ceux qui l’aiment,
comme pour tester les limites de leur amour. En même temps, il teste ses
propres limites.
Période difficile, qui peut durer une à trois années. L’ado croit que tout
est possible, que rien ne lui est interdit, il rêve à la fois d’un monde meilleur
et il peut avoir tendance à détruire ce que d’autres ont mis des années à
construire. Ces tendances, ces pulsions, il a besoin qu’on les lui explique
pour apprendre à les gérer, car il est capable de les transformer en
constructions, en réalisations concrètes qui lui donneront une plus grande
confiance en lui. Le jeune a besoin de se sentir aimé, alors qu’il donne
l’impression de tout faire pour qu’on le haïsse.
À l’inverse, vous avez le modèle Tanguy, du film de 2002 que nous
vous conseillons de voir avec vos parents. Hilarant ! Tanguy est l’ado-
adulte, l’« adulescent » qui veut rester chez papa-maman et qui est
incapable de décoller de chez eux sans faire une crise d’asthme. Il a besoin
d’un nounours féminin dans son lit tous les soirs et les parents ne savent pas
comment faire pour le pousser à partir, à couper le cordon. Enfant unique
probablement trop couvé qui a du mal à trouver sa propre autonomie…
Les ingrédients de l’amour sont présents chez chacune des personnes
qui s’aiment à des niveaux divers, ils ne sont pas symétriques, et les raisons
qui poussent à aimer peuvent être fort différentes chez l’un et l’autre. Il
reste important que les deux « amoureux » se posent la question: pourquoi
je l’aime ? Qu’est-ce qui fait que je sens le désir, le besoin de vivre avec
lui/elle ? Là intervient ce que l’on peut appeler le « projet amoureux ». Et
ce projet, il est essentiel d’en discuter, d’en appréhender les grandes lignes,
les options vitales, celles qui feront vivre et qui entretiendront l’amour. Que
voulons-nous faire ensemble, où vivrons-nous, quel métier pour lui/elle ?
S’il aime les voyages et qu’elle préfère rester au chaud, chez ses parents,
s’il préfère la montagne et elle la mer, il faudra accorder les désirs de
chacun. Car aucun ne pourra dominer l’autre, ou alors la situation sera
explosive avant même de commencer à vivre ensemble. L’écoute mutuelle
est déjà vitale.
Bien d’autres sujets seront évoqués longuement, mais insistons déjà
sur le fait que si vous mettez la sexualité en premier, avant le dialogue,
avant la vraie connaissance de l’autre, qui demande du temps, beaucoup de
temps parfois, vous vous lasserez plus vite que vous ne le pensez. La
sexualité, on s’en lasse. Il ne faut pas croire que c’est elle qui permet de
trouver l’amour. Mettre la sexualité en premier, c’est mettre la rupture en
place dès le début. Car l’amour n’est pas un sexe qui cherche un autre sexe,
mais d’abord un cœur qui cherche longuement un autre cœur.
QUESTION 4

Les jeunes. – Pouvez-vous préciser votre


pensée sur le « projet amoureux » ?

L’amour ne peut se concevoir que comme une construction à deux. Ou


alors, il y a quelque part exploitation. L’un exploite l’autre, et ça ne durera
pas longtemps. L’amour s’inscrit donc dans le temps. Deux personnes qui
se disent amoureuses pensent que cela va durer la vie entière. « Amour »
rime avec « toujours » ; il n’y a pas que les chansons qui le disent. Et les
ruptures, les breaks, sont difficiles à supporter, ils font souffrir, parfois
tellement que le jeune ou l’adulte pense à arrêter sa vie pour stopper la
souffrance devenue intolérable. C’est la pensée du suicide, si fréquente
aujourd’hui chez les jeunes1.
Être amoureux, c’est aller au-delà de l’attirance normale des premiers
pas de l’amour. Se « rouler des pelles », avoir des relations sexuelles,
fussent-elles les plus merveilleuses (ce qui est exceptionnel), cela ne facilite
pas le dialogue en confiance. Comme nous le disait une fille de 16 ans :
« J’ai l’impression que mon copain me roule des pelles, comme ça il n’a pas
à me parler… »
Cette fille traduit bien le comportement de beaucoup de garçons qui ne
savent pas exprimer l’amour avec des mots et qui n’ont d’autres moyens
que l’exprimer avec la langue, les mains, le sexe. Et ils ont l’impression
d’être sincères, car, pour eux, souvent non avertis, l’amour se résume aux
envies, aux pulsions. Ils confondent complètement amour et attirance.
Parfois, ils sont tout à fait sincères, adolescents qui ne cherchent que
l’immédiateté des plaisirs de l’amour. L’amour se résume alors à prendre du
plaisir avec l’autre, à en prendre le maximum, et quand c’est fini, on
change, on zappe, de partenaires en partenaires. Où est l’amour dans ce cas,
sinon dans la multiplication des aventures ! Il s’agit d’amourettes plutôt que
d’amour.
Le « projet amoureux » correspond à « ce qu’on a l’intention de faire »
(c’est la signification du mot « projet ») et de faire « ensemble » puisqu’on
va être deux, et pas trois. Alors soyons clair. Quel projet peuton avoir à 15
ans, 16 ans ou 17-18 ans ? Un projet lointain évidemment, qui fait que
beaucoup d’eau devra couler sous les ponts avant que l’on puisse le réaliser.
Il faudra patienter, attendre, surtout ne pas s’engager de manière définitive.
C’est bien ce que les jeunes répondent à nos questions quand on leur
demande : « Cette fille sera-t-elle la mère de tes enfants ? Ce gars sera-t-il
le père de tes enfants ? Pensez-vous que vous pourrez construire une famille
ensemble ? » La plupart du temps, ils ne se sont jamais posé ces questions.
Mais il n’est jamais trop tôt pour réfléchir à l’avenir.

1. Il faut d’ailleurs en parler avec les jeunes, pour les aider à affronter ces déprimes suicidaires.
Cf. Le suicide, qui n’y a jamais pensé ? Les clés pou comprendre, parler, prévenir, Pr Henri Joyeux,
Philippe Vaur et Jean Epstein, éditions François-Xavier de Guibert, 2008.
QUESTION 5

Patrick. – C’est vrai qu’Amélie me plaît, c’est


vrai que je suis amoureux d’elle, mais il y a un an,
même moins, j’étais presque aussi amoureux de
Sylvie… Et avant Sylvie, c’était Brigitte qui
m’attirait… Et avant Brigitte, c’était Solange…
Comment expliquez-vous que je n’arrive pas à me
décider facilement ? J’étais amoureux ou attiré ?

En réfléchissant, tu te rends compte que tu as été, ces derniers mois, ou


depuis un ou deux ans, attiré par les filles. Si tu regardes bien, tu te rends
compte qu’elles étaient très différentes les unes des autres. Chez l’une, tu
étais attiré par un aspect de son physique, chez l’autre par sa façon de
s’habiller, chez la troisième par son goût pour la peinture comme toi, chez
la quatrième par le sport que tu aimes pratiquer encore avec elle… En
réfléchissant, a posteriori, en regardant derrière toi dans le temps qui vient
de s’écouler, tu t’aperçois que tout ton être est attiré par l’être féminin en
général.
Tu vas très bien ! Tu arrives même à distinguer facilement des
différences : telle fille dont tu as été amoureux est devenue une amie ; une
autre, tu ne la respectes pas trop parce que tu as bien remarqué quelle
couche avec n’importe quel garçon ; telle autre, tu la plains beaucoup parce
qu’elle n’a pas eu de chance avec ton meilleur ami qui l’a exploitée puis
laissée tomber…
QUESTION 6

Patrick. – Oui, j’ai remarqué tout cela, mais je


suis quand même très amoureux d’Amélie. Alors
comment m’y prendre avec elle ?

Surtout, Patrick, ne te presse pas, laisse passer un peu de temps. Laisse


passer le temps des prochaines vacances. Tu vas te rendre compte tout
doucement que tu es peut-être attiré aussi par une autre fille qui a tendance
à remplacer un peu dans ta tête ou dans ton cœur Amélie, alors que tu avais
pensé que tu étais prêt à passer ta vie avec Amélie, qu’elle était l’unique.
Lentement, tu vas changer un peu d’avis. Toutes les qualités d’Amélie
seront toujours présentes en toi, mais peut-être vas-tu observer tel ou tel
petit défaut physique, tel ou tel point de son caractère qui ne te plaît pas
trop, tels ou tels comportements qui vont insensiblement prendre en toi une
certaine importance. Cela aussi est naturel. Tu n’as pas à te faire de souci.
C’est pour cette raison qu’il ne faut pas que l’on te presse ou que tu te jettes
trop vite dans les bras d’Amélie et elle dans les tiens. Car le temps qui passe
est indispensable pour mûrir, pour discerner, pour voir plus clair, pour
comprendre, pour mieux se connaître dans des situations parfois aussi
délicates. Je le répète, le temps est un ami de l’amour.
Comme tu le vois, la patience est une grande conseillère ; elle aide
beaucoup pour prendre des décisions aussi importantes. D’ailleurs, t’es-tu
vraiment posé cette question : « Amélie, dont je suis tellement amoureux,
sera-t-elle plus tard ma compagne de vie, mon épouse, ma femme ? Non,
c’est seulement ma copine… Plus tard, c’est loin ! Trop loin. » Et même si
tu penses que tu es sûr de tes sentiments envers elle, il y a bien un petit
doute qui traîne en toi. Quel avenir avec elle ? Tu voudrais bien partir au
bout du monde, rester seul avec elle pour lui confier tes secrets, mais au
fond de toi règne une certaine incertitude. Le grain de sable de méfiance qui
traîne dans ta tête. Non pas que tu n’aies pas confiance en elle, mais c’est
surtout en toi que règne la méfiance, l’absence de confiance en toi. Car
n’oublie pas que pour construire l’amour, il vaut mieux être bien dans ses
baskets, avoir confiance en soi, ce qui demande pas mal de temps et de
maturité.
QUESTION 7

Nathalie. – Moi aussi, je suis très amoureuse.


De Joseph. Je ne pense plus qu’à lui. Il me plaît
tellement ! Tous les autres garçons m’énervent.
J’aimerais tant passer seulement une heure, seule
avec lui. Mais j’ai peur qu’il ne veuille pas. J’ai
peur que ma sœur lui plaise plus que moi, ou bien
même ma meilleure copine. Je ne rêve pas de
coucher avec Joseph. Je rêve seulement de parler
avec lui, d’entendre le son de sa voix, de participer
à la chorale le week-end prochain où je suis sûre
qu’il viendra… Que faire ? Que dire ?

Oui, Nathalie, tu es certainement très amoureuse de Joseph, très attirée


par lui. Mais tu as remarqué aussi que ce n’est pas le premier garçon qui
t’attire. D’ailleurs, cela t’a même inquiétée, car Gabriel te plaisait beaucoup
l’année dernière, et puis, un jour, tu as vu qu’il allait avec une de tes
camarades. Alors tu t’es tournée plutôt vers Jean, qui te paraissait plus
rêveur, peut-être plus sérieux. Et puis Jean t’a énervée, car il n’a pas
compris tout ce que tu as voulu lui dire. Alors tu t’es tournée plutôt vers
Adrien, mais tu hésitais parce que tu le trouvais trop grand et un peu
bêcheur… Finalement, tu observes aussi Mehdi, qui te tourne autour et qui
est très sympa. Tu aimes bien discuter avec lui…
Nathalie. – Oui, c’est vrai tout cela. Au fond de
moi, toutes ces pensées se mêlent et me gênent un
peu pour travailler. Tout d’un coup, les examens
qui viennent sont devenus très peu importants par
rapport aux sentiments que j’éprouve pour
Joseph. Par moments, j’ai l’impression que plus
rien ne m’intéresse, sauf de rêver, de penser à lui.
D’ailleurs, j’ai l’impression que tout cela est très
pur car je n’ai ni rêves érotiques ni rêves sexuels
avec Joseph. Non, je rêve simplement de le tenir
par la main, d’être avec lui, de l’entendre. Je rêve
qu’il me regarde vivre dans chacun de mes gestes.
Je voudrais tellement lui dire les secrets de mon
esprit, de mon cœur…

Comme tu le vois, Nathalie, ton problème est peu différent de celui de


Patrick, tout à l’heure. Je te donnerai donc à peu près les mêmes conseils:
sois patiente. Ne te lance pas, car tu risques l’échec, c’est-à-dire que Joseph
n’éprouve aucun sentiment ou peu d’intérêt pour toi. Attends, observe, tu
verras bien comment il se comporte. Si vraiment tu intéresses Joseph, tu
t’en rendras compte rapidement. Il fera tout pour te rencontrer, pour te
parler ; il cherchera à te voir toute seule, il se renseignera auprès de tes
camarades… Surtout, s’il t’aime, il te respectera et ne cherchera pas à
trouver des arguments pour coucher avec toi, parce que « vous vous
aimez ». Sinon, prudence !
QUESTION 8

Les jeunes. – Nous avons vraiment l’impression


qu’à notre âge, la sexualité est très puissante. Elle
gêne nos études, auxquelles nous accordons moins
d’importance que nos parents. Est-ce que vous
pensez que nos études gênent l’épanouissement de
notre sexualité ? Est-ce normal ?

Si l’on regarde les choses un peu superficiellement, on a l’impression


que ce que vous dites n’est pas faux. Il faut cependant réfléchir davantage.
Je crois que cette impression que vous avez vient d’une très grande
méconnaissance des problèmes de la sexualité: je dirais même, de la
sexualité normale et physiologique. Il est, en effet, naturel que la sexualité
se développe, chez le garçon comme chez la fille, nettement après la
puberté, puisque, à partir de 15 ans, la puberté peut être déjà loin pour une
jeune fille, alors qu’elle n’est pas vraiment terminée pour un garçon.
Beaucoup d’adultes pensent : « Ils n’ont qu’à faire leur expérience. Il ne
sert pas à grand-chose de leur en parler. À eux de vivre différentes
situations, ils verront bien ce qui est le mieux pour eux. » Ces adultes sont
dans l’erreur à 100 %. Certes, ils doivent respecter votre jardin secret ; mais
vous devez pouvoir leur demander conseil, sans entrer évidemment dans
leur propre jardin secret.
Dire que vos études gênent l’épanouissement de votre sexualité et, à
l’inverse, que votre sexualité gêne le développement de vos études traduit
une réflexion un peu rapide, courte. Je dirais, au contraire, que vos études
doivent aider à l’épanouissement de votre sexualité et que votre sexualité
épanouie doit aider au développement de vos études. Il n’y a pas de
contradiction entre l’un et l’autre ; il y a, au contraire, une heureuse
complémentarité. Il faut bien gérer les deux, la mise en place de votre
affectivité, souvent bouillonnante, et celle de votre sexualité (attirances,
désirs, pulsions, compulsions…). Cela peut être à l’origine de moments
d’angoisse, si vous n’êtes pas suffisamment informés sur le sujet. Car vous
vous demandez ce qui se passe en vous. L’envahissement de la sexualité et
des pulsions peut créer des problèmes graves chez le jeune. Il peut les voir
chez ses camarades, sans vraiment les comprendre, et cela ne l’empêchera
pas de vivre à peu près les mêmes choses.
Cela ne signifie pas du tout que Paul ou Patrick doivent coucher avec
n’importe quelle fille, et inversement pour vous, Sylvie, Brigitte, Béatrice
ou Nathalie. Cela signifie surtout qu’il faut que chacun d’entre vous soit
informé clairement des problèmes liés à la sexualité, qu’il connaisse les
effets normaux du développement de celle-ci, mais aussi les tensions, les
fragilités, les anomalies, les perversions, les dangers.
Lorsque vous allez apprendre à conduire, vers l’âge de 16 ou 18 ans,
pour obtenir le permis, on va certes vous apprendre la technique, mais, dans
un premier temps, on va aussi vous apprendre la théorie. Je crois qu’à votre
âge, avant de passer à la technique de la sexualité, il ne serait pas inutile de
vous en apprendre la théorie. C’est seulement une théorie bien comprise qui
vous permettra une pratique épanouissante, quel que soit votre âge, quels
que soient même vos désirs. Car sachez que, dans tous les pays du monde,
les désirs d’un garçon ou d’une fille de votre âge (15-20 ans) sont
semblables. Il n’y a pas tellement de différences entre une fille du Japon,
d’Australie, de Chine, d’Europe ou d’Afrique. Il est certain que les
circonstances de la vie, les éléments apportés par l’éducation peuvent
amener à réagir différemment. Mais, grosso modo, les désirs, les pulsions,
les réactions des uns et des autres, on les retrouve toujours d’une génération
à une autre, d’un groupe humain à un autre.
Il y a cependant une différence importante par rapport au temps de vos
parents : c’est la civilisation de l’image qui envahit tous nos écrans, les
publicités souvent très sensuelles et stimulantes. Vous êtes donc beaucoup
plus stimulés que vos parents ne l’étaient et cela peut vous amener à faire
des erreurs graves pour votre avenir amoureux et sexuel. Car ces
stimulations rendent la gestion des pulsions banales de l’adolescence bien
plus délicates. Parfois, les pulsions se transforment en compulsions, c’est-à-
dire qu’elles deviennent ingérables. Ce qui peut créer du danger pour soi-
même ou, malheureusement, souvent pour les autres. Il y a addiction ; le
sexe, le porno et tout ce qui tourne autour peuvent devenir une drogue très
dange-reuse pour votre propre vie et pour les autres.
QUESTION 9

Plusieurs garçons et filles. – Alors, vous pensez


que dans tous les pays du monde, la plupart des
jeunes de notre âge, garçons ou filles, ont
facilement envie de coucher les uns avec les autres
pour avoir des expériences sexuelles ! C’est vrai
qu’en France, nous le sentons un peu ainsi. Les
relations sont très banalisées.

Oui, évidemment, et cette envie, ce désir ou ce besoin, sont


absolument naturels. Ils peuvent être d’autant plus forts ou violents, non
contenus ou impossibles à contenir, qu’ils sont poussés ou favorisés par les
adultes. Dans les années cinquante à soixante-dix, personne ne conseillait
aux jeunes d’avoir des expériences sexuelles précoces. C’était tabou et, en
réalité, la question ne se posait pas. Depuis une trentaine d’années, on est
passé d’un extrême à l’autre. À partir de slogans très simplistes : « Mieux
vaut faire l’amour que la guerre » ou « il est interdit d’interdire », tout est
devenu possible et presque souhaitable.
Vous trouverez aujourd’hui beaucoup d’adultes pour justifier les
relations sexuelles précoces, au nom de la liberté, de l’expérience, des
erreurs du passé qui les interdisaient… Ils ne mesurent aucunement les
conséquences et, s’il y a échecs, ils vous assureront que ces échecs sont
« constructifs ». Il est difficile de reconnaître qu’on s’est trompé ! En plus,
un autre argument non-dit pousse ces adultes, pour se justifier, à tenir le
langage de la liberté, de l’expérience : les échecs qu’ils ont vécus eux-
mêmes sont mis sur le compte de l’inexpérience et des interdits. D’où les
changements proposés à la génération de leurs enfants, aujourd’hui. Ce
qu’ils oublient totalement, c’est que les échecs qu’ils ont vécus
(difficilement) le furent à l’âge adulte, alors que leurs enfants les vivent à
l’adolescence, ce qui est tout autre chose !
Entre 15 et 20 ans, les ressorts de l’existence ne sont pas les mêmes, ils
sont nettement plus fragiles. Les ruptures ou les breaks subis à votre âge
laissent évidemment des traces et vous êtes souvent seuls à les assumer. Car
vous ne racontez pas à vos parents vos mésaventures sentimentales ou
sexuelles, alors qu’à l’âge adulte, toute la famille peut aider et soutenir. Les
fragilités naturelles de l’adolescence sont alors brutalement mises à jour,
aggravées même. Elles peuvent pousser jusqu’à la pensée du suicide, voire
même à l’acte.
Chez l’ado, les pulsions sexuelles sont normales, on peut même les
considérer comme « écologiques1 ». L’idéal serait que chaque ado, garçon
ou fille, en soit conscient, les connaisse bien, pour mieux les appréhender,
pour mieux les gérer. Or, pour connaître, il est nécessaire d’être informé et,
si possible, correctement informé.
Je vois donc deux discours qui s’opposent frontalement et que vous
devez bien connaître.
Le premier, c’est le discours A, dit « moderne », qui consiste à dire:
« Fais ce que tu sens. » Il a pris sa source chez certains philosophes du
siècle dernier, de Nietzsche à Sartre, et il pousse à aller au bout de sa
pulsion, en la vivant au mieux et sans en concevoir les conséquences. Il
s’agit de suivre ses penchants, sa nature…
Le deuxième, c’est le discours B, considéré comme « ancien », qui
consiste à dire : « Attends, ne te presse pas, prend le temps de te construire,
trouve ton propre équilibre avant de trouver cet Autre qui construira avec
toi, en symphonie. » Si ce deuxième discours a perdu du terrain
aujourd’hui, c’est parce qu’il était lié à la morale des religions, qui faisait
confondre « conseils de santé » et « commandements imposés ».
Que vous conseiller aujourd’hui ? le discours A ? le discours B ?
N’existerait-il pas un discours C ? Je choisirais volontiers pour aujourd’hui
le modèle C, très différent des modèles A et B. Il consiste d’abord à
apprendre à se connaître, à ne rien faire sans imaginer les conséquences,
positives ou négatives, de ses actes. Il s’agit, au fond, de vous aider à être
responsables et adultes plus tôt. Sortir des discours imposés A et B. Donc
vous prendre au sérieux, à la différence du discours A, laxiste et permissif,
ou du discours B, le plus souvent rétrograde et intolérant.
1. Certains disent « instinctives », mais ce mot n’est pas bien choisi, car l’instinct n’est pas
contrôlable et nous assimile à tort aux animaux. Pour l’homme, il vaut mieux parler de « pulsions »,
ce mot fait mieux apparaître la capacité qu’a l’homme de contrôler et maîtriser ses « instincts ».
QUESTION 10

Jérôme. – Parlez-nous de la sexualité, et tout


particulièrement des désirs très forts que nous
ressentons à notre âge.

Vous voulez que nous parlions des pulsions sexuelles ?

Les jeunes. – Exactement.

Nous sommes en plein dans le discours C. D’abord, sachez que si les


pulsions sexuelles sont très fortes à votre âge, elles persistent de façon plus
ou moins intense toute la vie. Mais, le temps passant, avec la maturité, et si
on a appris assez tôt à les gérer, elles seront plus faciles à maîtriser. En
effet, la période des 15 à 20 ans correspond à celle où les pulsions sexuelles
sont les plus fortes de toute la vie. Alors, ces pulsions, quelles sont-elles ?
Analysons-les d’abord chez les filles entre 15 et 20 ans. Il nous faut
distinguer, pour être plus clair, deux sortes de filles, sans porter un jugement
sur leur vécu antérieur :
– les filles qui n’ont eu aucune expérience sensuelle ou sexuelle (de
moins en moins nombreuses), qui sont restées plus ou moins fortement
attirées par les garçons, mais qui, soit les ont repoussés efficacement, soit
en sont restées au domaine du rêve. Leurs pulsions sont essentiellement
affectives, elles ne pensent plus tellement au prince charmant, mais restent
attachées à être aimées par un garçon sympa, mignon, respectueux, bref qui
ne pense pas d’abord au sexe ;
– les filles qui ont eu des expériences sensuelles (embrassées
longuement sur la bouche) ou sexuelles, qui sont évidemment fort
différentes. Les expériences vécues ont obligatoirement laissé des
souvenirs. Les expériences sensuelles ont déclenché des désirs sexuels très
nets et perceptibles dans les régions génitales. En général, les garçons
savent y faire pour pousser à la sexualité : « Si tu m’aimes, on couche
ensemble ; si tu n’es pas prête, je suis prêt à attendre huit à quinze jours,
mais pas trop longtemps… Sinon j’irai voir ailleurs, et ailleurs, il y a du
monde… On ne couche pas, mais on se câline, on fait tout sauf mon sexe
dans le tien » ; et la fille, de peur de perdre « celui qu’elle aime », accepte et
se fait avoir, car, peu de temps plus tard, elle va se faire larguer pour une
autre, ou c’est elle qui va le larguer, se rendant compte au bout de quelques
mois qu’elle s’est fait exploiter (« Il ne s’intéressait qu’au sexe ! »).
Parmi les filles qui ont eu des expériences sexuelles, certaines
cherchent l’amour à travers des expériences multiples, changeant de
partenaires tant qu’elles n’ont pas trouvé l’amour, le grand amour dont elles
ont toujours rêvé et qu’elles veulent consciemment et inconsciemment.
L’erreur est immense, car elles cherchent le cœur dans le sexe. On parlera
de nymphomanie, comme s’il y avait « exagération des besoins sexuels ». Il
y a simplement erreur d’appréciation au départ, et enfermement dans
l’erreur, confusion entre le cœur et le sexe. Il peut arriver que ces jeunes
filles, surtout si elles ont commencé tôt, avant 15 ans, évoluent vers un
écœurement, une sorte d’overdose de la sexualité des mecs (comme elles
disent, « ils ne pensent qu’à ça ! »). Elles finissent par se refuser. Elles
peuvent alors se tourner, surtout si elles y sont initiées, vers l’homosexualité
féminine, à la recherche de la douceur et du sentiment dont elles ont
toujours rêvé.

Voyons maintenant les pulsions sexuelles chez les garçons entre 15 et


20 ans. Le garçon remarque d’abord qu’il est très sensible à tout ce qui est
sensuel ou sexuel venant de l’autre sexe. Qu’il s’agisse de l’habillement, du
comportement féminin : façon de marcher, de s’asseoir, de parler, de rire,
parfum, maquillage, etc. Beaucoup de garçons y sont sensibles sans même
s’en rendre compte. Cela fait partie de leurs réflexes naturels. D’ailleurs,
vous avez certainement remarqué qu’entre garçons, il peut arriver qu’on ne
parle plus que de ça : des filles, de leur comportement, de leur sexualité, de
leur sensualité… Le comportement d’un garçon peut varier en fonction de
la fille qu’il a en face de lui. Il peut être différent selon qu’il se trouve
devant Brigitte ou devant Nathalie.
Chez le garçon, la pulsion sexuelle peut se traduire physiquement. Il
s’en est rendu compte, il y a déjà plusieurs années. Cette pulsion peut
entraîner une érection; celle-ci peut venir le soir avant de s’endormir, quand
des images plus ou moins érotiques ou sensuelles passent dans sa tête,
d’autant plus importantes qu’elles ont été créées par les événements de la
journée. Certains garçons croient que la seule possibilité pour eux de
s’endormir est de pratiquer le plaisir solitaire, c’est-à-dire la masturbation,
qui soulage leur tension sexuelle physique. Ils se câlinent. La grande
fréquence de la masturbation chez les garçons est très classique. Certains se
câlinent le sexe plusieurs fois par jour. Évidemment, ils sont souvent
fatigués mais ne disent pas pourquoi. Le plus souvent, ils n’en parlent pas
entre eux, parce qu’ils en ont un peu honte. Mais certains, à l’inverse, s’en
vantent. Le plus souvent, ils préfèrent fantasmer, rêver à une masturbation à
deux, avec une copine ou une star du cinéma, et inventer parfois des
événements qu’ils n’ont jamais vécus.
Tous les garçons sont très sensibles sexuellement. En dehors de
quelques-uns (10 à 20 %), qui accepteront de pratiquer régulièrement la
masturbation sans complexe et sans se poser de question, et qui vont alors
se refermer psychologiquement sur eux-mêmes, les garçons vont chercher à
aller au-delà du plaisir solitaire et s’orienter vers le plaisir à deux. Ils vont
donc se mettre en « chasse » d’une partenaire. L’expression n’est pas
exagérée ; c’est le mâle qui cherche l’accouplement, c’est-à-dire la
jouissance et la détente sexuelles, obtenues non plus seulement par des
moyens autonomes, mais en utilisant une autre personne qui devient l’objet
de sa sexualité. C’est ce qu’on peut appeler la « masturbation à deux ou en
groupe ». C’est la « sexualité masturbatoire ». Beaucoup d’adultes n’ont pas
dépassé ce stade adolescent.
QUESTION 11

Une fille. – Est-ce que si un jeune ou une jeune


a beaucoup d’expériences sexuelles, il pourra
mieux choisir et moins se tromper ? En plus, on ne
peut pas connaître la sexualité si on n’a pas vécu
au moins une expérience. Les expériences sont
vitales dans la vie ! « Si tu couches pas avant pour
essayer, tu risques de te faire avoir : mec
impuissant, homosexuel ou travesti… », c’est
exactement l’histoire de la pub de Bouygues
télécom 1 de l’an 2000 !

Voilà une des questions les plus importantes, à laquelle les adultes ont
le plus de mal à répondre.
Parlons d’abord de la nécessité de l’expérience pour savoir.
Quand il s’agit d’un objet, il est certes indispensable d’essayer, de
comparer (avant d’acheter une voiture ou un ordinateur) ; mais quand il
s’agit d’une personne, il n’est pas nécessaire d’« essayer ». Il est d’abord
nécessaire, avant de s’engager, de bien connaître la personne. Le domaine
de l’amour est celui de la confiance, et non de la méfiance. Aimer, c’est
anéantir toute goutte de méfiance.
Connaître une personne demande du temps, parfois beaucoup de
temps. Pour connaître vraiment un arbre, il faut le voir aux quatre saisons et
rechercher sa véritable histoire, qui l’a planté, pourquoi à cet endroit… Cela
est encore plus vrai pour une personne que pour un objet. Essayer une
personne ou être essayé(e), c’est risquer de blesser ou d’être blessé(e). Car
les expériences d’intimité laissent obligatoirement des traces. Il s’agit d’un
domaine très émotionnel, où tout se grave dans la mémoire, autant dans le
compartiment affectif que sexuel (que nous résumons par les deux mots
« mémoire sexuelle1 »).
On ne peut pas conseiller des relations sexuelles même consenties
entre deux personnes qui ne se connaissent pas vraiment. Lui a peur
d’attraper le sida avec elle, et inversement. D’où le discours officiel et
sécuritaire de l’amour-danger, qui dit que « tu dois sortir couvert le soir » et
que « le préservatif est le seul moyen de prévention du sida », qui ne dit pas
que le préservatif féminin (femidom) a été mis au point après le préservatif
masculin (condom) parce que ce dernier n’est pas fiable à 100 2.
Généralement, c’est le garçon qui dit : « Ce soir, je baise ! » et quand
on lui demande pourquoi, il répond avec sincérité : « Parce que j’ai
envie ! » Tout cela peut se comprendre, mais attention, ne faisons pas croire
aux jeunes que de telles attitudes aident à savoir ce que c’est que l’amour.
Elles aident plutôt à mieux comprendre ce que n’est pas l’amour, et à bien
distinguer l’amour de la « baise ».
On entend aussi que les expériences permettent les comparaisons et
qu’ainsi on peut mieux choisir. Les filles ont vite fait de comparer les
performances des mecs: « L’un est éjaculateur très précoce, l’autre un peu
moins, le troisième est une brute, le quatrième a éjaculé après une
fellation… Un autre est très doux, mais aimet-il les filles, car il a eu une
érection d’oiseau… » Ces comparaisons permanentes restent au niveau de
la balistique des sexes. Elles n’aident en rien à mieux connaître l’amour,
lequel se construit seulement en cherchant à mieux apprécier l’autre dans
toutes ses dimensions, et pas d’abord et surtout dans ses dimensions
sexuelles.
Et le garçon, lui aussi, compare et évalue : telle fille n’a aucune
expérience et est passive ; telle autre est très expérimentée et active ; une
troisième veut garder sa « virginité » mais accepte la sodomie ; une autre
refuse tout sauf des caresses sur tout son corps, mais a peur de tomber
enceinte parce que sa mère ne veut pas lui donner la pilule…
Au fond, toutes ces expériences, si elles donnent des idées sur la
sexualité, n’apprennent rien sur ce que sont l’amour et la vie à deux. Si l’on
place la sexualité en premier, rien ne peut se construire, tout pousse à
multiplier les expériences, à éviter tout engagement et l’on ne connaît rien
de l’amour. Et lorsqu’il s’agira de s’engager dans l’amour, alors toutes ces
expériences sexuelles viendront perturber, interférer avec l’amour. Car dans
le domaine de l’amour et de la sexualité, rien ne peut être effacé de la
mémoire. Et lorsque la mémoire sexuelle est saturée, on a bien des
difficultés pour y voir clair. Les erreurs passées risquent d’empêcher
l’amour de se développer.
N’oublie pas que l’amour est en permanente évolution : ou il grandit et
se développe pour ton plus grand bien (et tu le ressens), ou il se ratatine sur
luimême et devient une quête permanente qui fatigue, et à laquelle on finit
par ne plus croire. Les blasé(e)s de l’amour sont des personnes souvent
négatives, pessimistes et pas marrantes.

1. La « mémoire sexuelle » correspond à tout ce qui est enregistré par la voie des cinq sens dans le
domaine de la sensibilité, de la sensualité et de la sexualité. Voir question 31.
2. Une jeune fille de 14 ans a ainsi reçu en cadeau de sa mère, pour son anniversaire, une boîte de
quatre préservatifs masculins (dix fois moins chers que les préservatifs féminins) : « Garde-les
toujours sur toi, ça peut te servir ! »
QUESTION 12

Jérôme. – Vous êtes quand même un peu dur


avec nous, et vous manquez de sentiment !

Non, je ne suis pas tellement dur, je vous dis la réalité. D’ailleurs,


quand vous parlez à un garçon entre 15 et 17 ans qui couche avec une fille,
et que vous lui demandez: « Quelle est ta motivation principale ? », il
répond la plupart du temps : « Au début j’étais très amoureux, mais
maintenant je m’amuse », ou « Je trouve ça bon », ou « Quel plaisir ! ». Et
si vous lui demandez quel est le plaisir qu’il donne à sa partenaire, à la fille
qu’il aime, ou qu’il est censé aimer, il vous répond que peu lui importe, ou
qu’il ne sait pas. Il sait seulement que lui a du plaisir. Où est le plaisir
partagé? C’est pour cela que les psychologues parlent de « sexualité
masturbatoire ».
Il faut dire que le plaisir du garçon ne dépasse pas beaucoup celui qu’il
peut obtenir par la masturbation ; et même, il va souvent se ternir, car la
partenaire, la fille qui est avec lui, ne va pas toujours accepter d’être l’objet
de la sexualité du garçon: elle va très vite refuser l’acte sexuel. Parfois, elle
recherchera le plaisir avec d’autres partenaires mais, ne le trouvant pas, elle
gardera surtout l’espérance, l’espoir que cela ira mieux avec un autre. D’où
le zapping de partenaires amoureux et sexuels.

Les garçons. – Est-ce que vous pouvez


distinguer les garçons qui ont eu des expériences
sexuelles et ceux qui n’en ont pas eu ?
Voyons donc d’abord les garçons qui n’ont pas eu d’expérience
sexuelle. Ils peuvent en rêver. D’une façon générale, ils en restent à
l’imaginaire. Aujourd’hui, cet imaginaire peut être fortement perturbé par
des images vues dans des BD, vidéos, scènes de film, etc., qui présentent
les relations sexuelles de façon plus ou moins troubles. Un jeune peut
passer d’une relation avec une femme à une autre avec un homme, c’est la
bisexualité, de plus en plus banalisée ; un garçon de 15 ans est initié à la
sexualité par une femme de 25 ans; deux filles s’embrassent à pleine
bouche, jouent sexuellement ensemble, puis vont avoir des relations
sexuelles avec plusieurs mecs ; un homme sodomise une femme et elle
semble y prendre plaisir ; une femme se masturbe devant un garçon… Tout
est désormais possible et présenté fréquemment aux jeunes comme réalités
de la sexualité1. Ensuite, les médias et les responsables politiques sont
étonnés qu’il y ait des « tournantes », où les filles sont esquintées pour la
vie et où les garçons se demandent pourquoi on veut les punir puisqu’ils
jouaient comme dans les films ou les vidéos… et les filles étaient d’accord.
Certains jeux vidéo poussent à de tels comportements !
Ce qu’on ne dit surtout pas, c’est où est l’amour dans tous ces gestes.
Soyons clairs : c’est « l’amour prostitué », et ce sont les adultes qui le
prostituent. L’objectif est évidemment, en premier lieu, commercial et
utilise l’insuffisance d’information du jeune, sa soif de savoir, pour stimuler
sa sexualité, l’attirer dans le voyeurisme, lui faire acheter des magazines,
des films, des BD… Ce sont parfois ses parents ou grands-parents qui lui
offrent, pour qu’il soit au courant, et pour ne pas paraître eux-mêmes
ringards. Surtout, cela leur évite de parler de ces choses dont on ne leur a
jamais parlé à l’adolescence. Rien reçu, rien transmis !
Le jeune qui n’a pas eu de relation sexuelle est donc fortement poussé
aujourd’hui à passer à l’acte, et s’il tarde trop, on le fera apparaître comme
nul, puceau, abruti… Alors qu’il n’est autre qu’un héros des temps
modernes. Idem pour les filles.
Voyons maintenant les garçons qui ont eu des expériences sexuelles.
Beaucoup ne se posent pas de questions. Ils font ce qui leur paraît banal,
normal ; ils ont envie, ils font. Les filles sont d’accord, et ils vous diront
qu’aujourd’hui, les filles en demandent de plus en plus, du sexe. Que savent
ces garçons de l’amour ? Ils confondent totalement amour et sexe. Pas
d’amour sans sexe. Où est leur projet ? Ils ne voient pas plus loin que leur
prochaine proie féminine et fixent dans leur mémoire un vécu qui sature
leur mémoire sexuelle2. Et lorsqu’ils sont physiquement avec telle ou telle
partenaire, ils ont leur cœur avec telle autre et leur esprit avec une autre
encore. Leur être est disloqué et ils ne sont pas bien dans leur peau. La
même chose se passe pour les filles qui ont eu de nombreux partenaires, et
cette dislocation de l’être est à l’origine d’angoisses profondes qui peuvent
faire penser au suicide, tellement les souffrances sont grandes. Car où est
l’amour dans tout cela ?

1. Voir le rapport de Blandine Kriegel au ministre de la Culture : La violence à la télévision, PUF,


2003.
2. Voir questions 11 et 31.
QUESTION 13

Solange et Leila – Le plaisir sexuel chez


l’homme et chez la femme est très différent ?

C’est certain. Il est d’ailleurs très important de bien distinguer ces


deux types de plaisir. S’ils sont complémentaires, ils sont aussi
fondamentalement différents.
Je commencerai en vous expliquant le plaisir chez les garçons. Le
plaisir sexuel chez les garçons est essen-tiellement centré sur l’organe
sexuel masculin, le pénis. Comme vous le savez, la pulsion sexuelle
cérébrale ou sensitive entraîne une érection, dont le garçon n’est pas
nécessairement très fier, car vous conviendrez avec moi qu’elle n’est pas
tellement esthétique (bien qu’aujourd’hui, avec les téléphones portables qui
prennent des photos, certains garçons à courte cervelle jouent les
comparaisons…).
Elle se traduit par une tension dans tous les organes génitaux qui ne
sera soulagée que par l’éjaculation, c’est-à-dire l’émission brutale de la
semence masculine qu’est le sperme. Au moment de l’émission, il y a ce
que l’on appelle l’« orgasme », c’est-à-dire le moment où le plaisir est le
plus intense pour l’homme. Après cette émission, deux sensations
apparaissent : une sensation de soulagement avec la décongestion du sexe
masculin qui se « ratatine » sur lui-même ; une autre sensation plus
psychologique, qui se traduit, dans le cadre de ces relations sexuelles
précoces, par une impression de tristesse, de raté, de fausse virilité. Le
garçon n’est pas très fier de lui, il n’est pas brillant : il s’est amusé avec son
corps et avec le corps d’une fille dont il avait envie. En latin, on dit, dans
ces conditions de relations sexuelles rapides, à la va-vite : « Post coïtum
anima triste », c’est-à-dire : « Après le coït, l’âme est triste », expression
très utilisée au siècle dernier, mais dont la réalité reste présente encore
aujourd’hui.
Le jeune garçon a à peu près la même sensation psychologique
qu’après la masturbation. Il peut arriver aussi qu’il se moque de ce qu’il
vient de faire : après la « baise », il zappe en allant jouer au basket ou en
allant étudier ses cours pour le lendemain. Et la fille se pose des questions
quant à la réalité de l’« amour » dont elle est l’objet. Ne l’oublions pas, « on
ne peut pas vivre sans amour », c’est-à-dire sans considération, sans
délicatesse, sans tendresse… Et quand le sexe prime sur l’amour, la
délicatesse peut être vite oubliée !
Chez la femme, le plaisir est d’abord dans la délicatesse, la tendresse,
les caresses délicates. La brutalité de l’homme la trouble, la perturbe, même
si l’on essaie de lui faire croire que l’amour s’apparente plus à la « baise »
qu’à la douceur. Certaines femmes jouent la comédie avec les hommes pour
leur faire croire qu’ils sont « sexuellement bons », alors qu’elles pensent
qu’ils sont « nuls » ; et dans cette nullité, il y a très souvent éjaculation
précoce, absence de respect dans les gestes de la sexualité… D’où les ras-
le-bol de plus en plus fréquents que l’on observe chez des femmes jeunes
qui ont commencé leur vie sexuelle à 13 ou 14 ans. Le rejet des hommes est
ainsi de plus en plus fréquent aujourd’hui, et l’homosexualité féminine se
développe, chez des femmes adultes mais aussi chez des plus jeunes, après
une ou deux expériences sexuelles ratées avec des garçons.
QUESTION 14

Plusieurs garçons. – C’est vrai, le plaisir que


vous venez de décrire, où se mélangent orgasmes
et échecs, c’est celui que nous connaissons avec la
masturbation.

C’est exact, mais je vous ferai remarquer que cette sensation d’échec,
vous l’avez également dans le cadre d’une relation sexuelle avec une fille
que vous connaissez à peine, avec laquelle vous avez une relation pour le
simple plaisir. Il n’y a pas de projet, il y a bien un peu d’amour, mais c’est
avant tout un désir de plaisir ; c’est plus une amourette que de l’amour vrai,
n’est-ce pas ?
Pour que la relation sexuelle soit réussie, c’est-à-dire qu’il y ait
harmonie entre les deux partenaires, il faut qu’il y ait le « projet commun »,
et surtout une immense confiance entre l’un et l’autre. Pour qu’il y ait
confiance entre les deux partenaires, garçon et fille, c’est-à-dire pour qu’il y
ait abandon ou don complet de son corps à l’autre, sans réticence, sans
arrière-pensée, il faut que se soient élaborés, dans le corps et dans l’esprit
de chacun, des liens amoureux solides. Que chacun ait une grande
confiance dans l’autre, pas seulement pour un instant, une soirée, une
nuit… « À toi, je dis tous mes secrets, parce que j’ai confiance en toi, et en
toi seulement. » Un projet, en général, s’inscrit dans la durée et dans la
vérité des sentiments.
QUESTION 15

Delphine, Sonia, Véronique, Zoé. – Le sexe est


le sujet de blagues numéro 1 des garçons, il est
présent partout (télé, ciné, littérature,
habillement, etc.). On en parle toujours sur le ton
de la plaisanterie, tout en prétendant
qu’aujourd’hui, il faut partir à la recherche de
l’épanouissement de sa sexualité sous toutes ses
formes. Que penser ?

Nous sommes inondés de sexe et je ne crois pas que cela ira en


diminuant. Ou alors, nous aurons compris les causes de cette inondation et
nous saurons l’endiguer. Il faudra du temps, un quart de siècle, peut-être un
siècle, mais peu importe le temps !
Parce que les humains sont des êtres sexués, il est normal que la
sexualité occupe une place primordiale dans leur vie. Les fonctions
sexuelles sont à la base du renouvellement permanent des hommes sur la
planète terre. Mais pas seulement. La sexualité est aussi le moyen le plus
intime, le plus secret d’union amoureuse, dans la confiance entre deux êtres,
et elle est source d’immenses plaisirs, jouissances. Quand j’étais à votre
place, un homme de confiance m’avait dit, et je ne l’avais pas compris sur
le moment, que la sexualité était à l’origine du plus grand des plaisirs de
l’humain. Et que si l’on imaginait « l’échelle des plaisirs », boire un coca se
situait au bas de l’échelle, et les plaisirs de l’amour au barreau le plus élevé
de l’échelle.
Il est important de bien préciser les deux fonctions essentielles de la
sexualité1.
La fonction la plus fréquente de la sexualité est de donner et recevoir
du plaisir, de se reposer aussi, car notre corps est couvert de très petits
corpuscules sensitifs étalés sur toute sa surface (un mètre carré et demi de
surface corporelle chez l’adulte). Notre corps a besoin d’être touché2.
Chaque individu a besoin de recevoir des câlins sur son corps dès sa
naissance. Il est probable que notre corps a un besoin vital de câlins (peut-
être y a-t-il un seuil minimum comme un seuil maximum). On peut parler
de nourriture affective, aussi importante pour être bien dans sa peau que de
manger pour vivre, car l’être humain est un être relationnel. Nous sommes
faits pour vivre en relation, pas pour vivre sur une île déserte.
Le seul fait de caresser un enfant, de le chatouiller, est source de
plaisirs, tant pour l’enfant qui reçoit que pour l’adulte qui donne. L’enfant
en a absolument besoin pour se construire, pour être mis en confiance dans
le monde où il éclôt. Câlins de sa mère d’abord, dès la naissance, puis de
son père et de toute la famille. À partir de l’âge de la puberté, l’enfant
développe une sensibilité plus grande au niveau des zones sexuelles, où des
corpuscules sensibles spécifiques (dits de Krause3)
sont présents. Il va souvent partir à la découverte de son corps,
d’autant plus qu’on ne lui explique rien et que des camarades plus ou moins
bien intentionnés vont l’instruire de façon pas toujours claire.
L’autre fonction de la sexualité, plus rare aujourd’hui, mais qui peut
aussi être source d’immenses plaisirs, est d’avoir des enfants. Cette
deuxième fonction a été tellement développée dans les siècles passés (à la
fois pour peupler la terre et pour suivre les conseils de l’Ancien Testament :
« Multipliez vous… »), qu’elle a quasiment occulté la première. La prise de
conscience du risque de croissance exponentielle du nombre des humains
lorsque nous avons approché le chiffre de quatre milliards d’individus, et
les recommandations de Malthus, auteur du fameux Essai sur le principe de
population en 1798, ont fait considérer l’accroissement de la population
comme une menace pour l’humanité qui doit pouvoir se nourrir. D’où la
restriction volontaire des naissances (malthusianisme). La croissance zéro
qui était programmée (sans le dire explicitement) pour les pays pauvres a
atteint les pays riches.
Actuellement, le vieux continent Europe se trouve
démographiquement en danger, avec un renouvellement des populations qui
reste inférieur au taux de mortalité, ce qui incitera les flux migratoires des
pays du Sud, aspirés par l’hyperdéveloppement des pays du Nord.
Il n’en reste pas moins vrai que l’amour entre un homme et une femme
qui décident d’avoir un enfant peut être à la source d’intenses plaisirs de
toute sorte, au moment même de la procréation (notons au passage combien
il est choquant d’entendre encore une femme dire : « Je suis tombée
enceinte »), et, plus tard, au fur et à mesure de la croissance de l’enfant.
Hommes et femmes sont heureusement différents et complémentaires
sexuellement. Et que ce soit naturellement ou artificiellement (fécondation
in vivo à opposer à la fécondation in vitro, dite « fivète »), il naît sur la terre
un tout petit peu plus de garçons que de filles. Curieuse mais juste
répartition.
Différences et complémentarités vont bien au-delà des formes
anatomiques et des fonctionnements physiologiques. On peut dire que,
anatomiquement, tout sexe masculin peut s’adapter à tout sexe féminin, l’un
étant l’inverse de l’autre. Pourtant, nous le percevons très bien, s’il y a entre
les hommes et les femmes des attirances très fortes, tout homme ne va pas
avec toute femme, et inversement. Bien que, a priori, ce soit parfaitement
possible. Un cœur ne s’adapte pas à n’importe quel autre cœur. L’affectivité
humaine est encore un océan de secret, même pour les spécialistes.
L’harmonie entre deux êtres humains très différents n’est pas évidente,
elle peut demander du temps, parfois plusieurs années, pour se mettre en
place, même s’ils vivent ensemble. En plus de l’attirance sexuelle homme-
femme, qui est presque réflexe chez la plupart des humains4, se mêlent des
considérations affectives qu’il faut bien distinguer.
L’affectivité entre humains met du temps à se construire. Pour acquérir
une certaine solidité, pour durer, elle se base sur la connaissance souvent
approfondie de l’autre. Je dis souvent aux jeunes que le temps est un ami de
l’amour. Mais aujourd’hui, il faut bien le reconnaître, le sexe a pris le
dessus sur le cœur. L’amour serait-il devenu un sexe qui cherche un autre
sexe, plutôt qu’un cœur à la conquête d’un autre cœur ?
En matière de sexualité, l’homme et la femme y voient-ils clair,
individuellement et ensemble ? Même les spécialistes ne savent toujours
pas où se trouve l’équilibre. Ils se demandent où il se situe puisque tout est
possible dans le domaine de la sexualité humaine aujourd’hui. Tous les
modèles se valent, entendonsnous. En même temps, un prosélytisme
professionnel se développe pour banaliser, normaliser même, ce qui était
autrefois caché, les dérives de l’hétérosexualité, de l’homosexualité et
maintenant de la bisexualité5.
Les hommes et les femmes du siècle précédent ont eu beaucoup à faire
pour se libérer des totalitarismes, au moins en Europe. Ils avaient à penser à
autre chose qu’à la sexualité. Ils la vivaient tant bien que mal, sans trop se
poser de questions. Depuis les années soixante-dix, une forte accélération
s’est produite avec la libération sexuelle. Dix ans plus tard, le sida déferlait
et gagnait progressivement la planète entière. Un fléau gravissime en
Afrique, où près de trente millions de personnes sont touchées.
Le sida a tué plus de personnes dans le monde que les deux guerres
mondiales réunies. Curieusement, les spécialistes ne relient pas, ou ne
veulent pas trop relier sida et libération sexuelle. C’est en particulier
l’audio-visuel et le commerce de la stimulation sexuelle qui ont été libérés.
Ils ont joué un très grand rôle pour la diffusion des aspects concrets de
toutes les libertés sexuelles. Le summum a peut-être été atteint à la fin des
années quatre-vingt-dix avec l’affaire Lewinsky, où les pulsions sexuelles
(en termes choisis) du président américain ont été exposées dans tous les
médias et sont entrées dans toutes les familles du monde.
Les pacifications acquises sur le Vieux Continent et en Amérique du
Nord auraient pu être utiles aux autres peuples qui se déchirent encore en
Afrique, en Asie ou au Proche-Orient. Il faut bien reconnaître que les
comportements intimes érigés en modèles que nous voyons se répandre
chez nous, qui nous disons « civilisés » ou « développés », ne témoignent
pas toujours d’une grande maturité. Nos comportements sexuels et affectifs
posent question à ceux qui nous observent. La lecture des journaux, les
émissions dites culturelles à la télévision mettent en avant une sexualité
sans finesse, d’une manière le plus souvent grossière et voyeuriste.
Le sous-titre du film Infidèle, du même réalisateur que Liaison fatale,
est très explicite: « Jusqu’où mènent les plaisirs ? » Il y a dans ces titres
autant d’interrogations que de constats. Désormais, la tyrannie
pornographique nous est présentée sous une forme esthétique, et même – on
nous le fait croire – éthique, considérant que les libertés d’expression et de
création prévalent sur tout. C’était vrai dans les domaines de la littérature et
de l’art, ça l’est devenu dans tout l’audiovisuel.
À 10 ou 11 ans, un enfant sur deux a déjà vu un film porno6. Et on
cherche à nous persuader qu’il est urgent que tous les enfants, les 50 %
restants, aient accès à ce genre d’images, toxiques pour le cœur et le corps.
Pour les adolescents, l’amour est synonyme de mots que nous ne
connaissions pas à leur âge et qui ont plus à voir avec le sexe qu’avec
l’amour : godemiché, fellation, sodomie, partouze, violence… Et si vous
avez l’audace de demander ce qu’apportent aux jeunes toutes ces
informations et ces images de la sexualité, deux réponses opposées vous
sont données. L’une, qui se veut moderne et progressiste : « La nouvelle
éducation sexuelle ne doit plus rien cacher, il ne doit plus y avoir de
tabous. » L’autre, considérée comme rétro : « Il faut protéger les enfants de
ces images qui ne sont pas de leur âge. » En aucun cas on ne vous parlera
des risques d’abîmer l’imaginaire sexuel du jeune et de perturber
l’harmonie vécue entre l’affectif et le sexuel, autant dans la vie personnelle
que dans la vie relationnelle.
Ainsi vit-on aujourd’hui, après la « tyrannie du plaisir7 », la tyrannie
de la culture pornographique, qui se traduit par des milliards de chiffres
d’affaires8 et qui rend actuellement risible tout discours inverse en le
traitant de moralisateur. Les jeunes violeurs d’aujourd’hui, de plus en plus
nombreux, ont-ils jamais entendu parler d’amour ? Ne jouent-ils pas tout
simplement ce que les films, les BD et les autres éléments de cette
prétendue culture leur imposent ? Même leurs parents n’ont pas le choix,
puisque ces images, très calculées, arrivent à leur insu. Et aucune structure
politique ou professionnelle (CSA en France) n’est capable d’y mettre un
frein. Il y a trop d’intérêts financiers (mais pas seulement). Le plaisir de tel
ou tel jeune, très fragilisé par ce qu’il voit et enregistre comme une drogue,
peut devenir meurtrier. Les médias nous rapportent régulièrement de tels
drames. On se contente de dire que le meurtrier est fou, détraqué… Mais il
est difficile de seulement oser poser la question : qui rend fou, détraqué ? Et
les cas se multiplient dans les écoles, en Europe comme en Amérique du
Nord.
Aujourd’hui, ce n’est pas avec la morale que nous parviendrons à y
voir clair. Une démarche d’intelligence et de liberté s’impose, hors des
« sociologiquement ou sexuellement corrects ». Elle est essentielle pour
comprendre d’abord ce qui s’est passé et où sont les racines de cette
actualité. Plutôt que de dresser un inventaire des effets de la libération
sexuelle, nous pourrons alors peut-être comprendre ce qui se passe9.

1. Il ne faut pas oublier que la sexualité ne se résume pas à des gestes sexuels, mais qu’elle
correspond à une relation entre des personnes de sexe différent ou identique. Et cette relation peut se
décomposer sous trois formes relationnelles bien distinctes qui évoluent de l’une à l’autre : sensibilité
(homo ou hétéro), sensualité (homo ou hétéro) et sexualité (homo ou hétéro). Remarquons au passage
que homo- ou hétérosensibilité, homo- ou hétérosensualité, homo- ou hétérosexualité correspondent à
des formes de relations humaines, et en aucun cas à une identité de l’humain qui privilégierait telle
ou telle forme de relation. Si l’on définit la relation sexuelle comme la présence du sexe masculin
dans le sexe féminin, on ne peut pas parler de relation sexuelle dans le cadre de l’homo-sexualité,
qu’elle soit masculine ou féminine. Il y a rencontre amoureuse certes, mais pas de relation sexuelle ;
on parlera alors de « jeux sexuels ». La sodomie ou la masturbation (fussent-elles entre deux
personnes de sexe identique ou différent) n’entrent pas dans le cadre d’une relation sexuelle. Cette
précision a joué un rôle majeur dans l’affaire Lewinsky-Clinton aux États-Unis en l’an 2000, car le
fond de l’affaire juridique était de savoir si le président Clinton avait ou non menti : il disait ne pas
avoir eu de relation sexuelle avec Monica, il y avait eu jeu, mais pas rapport sexuel.
2. Quand l’enfant commence à quitter les câlins de ses parents, il cherche à la fois à se mesurer
aux autres et a besoin de contacts humains, d’être touché et de toucher. On voit ainsi les garçons se
bagarrer pour s’amuser et les filles se promener bras dessus, bras dessous.
3. Dans le livre Particules élémentaires, de Michel Houellebecq, le chercheur veut transformer
tous les corpuscules sensitifs de la peau en corpuscules de Krause, donc en corpuscules sensuels, afin
que toute caresse sur n’importe quelle partie du corps stimule la sexualité. Cette pensée romantique
n’est pas anodine, elle traduit bien un rêve insensé qui ramène toute la sensibilité humaine à la
sexualité.
4. La vision des choses du sexe agit sur les circuits nerveux commandés par une zone centrale du
cerveau qui s’appelle l’« hypothalamus », entraînant la fabrication et la sécrétion de substances qui
activent les désirs.
5. Un magazine très grand public faisait à l’ouverture du XXIe siècle l’apologie de la bisexualité
en exprimant clairement que c’était l’avenir. Un tissu de sottises ne fait pas peur aux médias qui
recherchent le sensationnel, le croustillant, même au risque de déstabiliser les plus fragiles.
6. Libération, 23 mai 2002.
7. La Tyrannie du plaisir, J.-C. Guillebaud, Seuil, 1999.
8. En 2006, l’industrie pornographique dans sa globalité représente 57 milliards de dollars de
chiffre d’affaires dans le monde, dont 12 milliards aux États-Unis.
9. The DRUG of the New Millennium, Mark B. Kastelman, Power Think Publishing, 2007.
QUESTION 16

Sophie, Marie-Hélène et Hubert. – Comment


expliquez-vous tout ce qui se passe aujourd’hui
avec la sexualité ?

La sexualité telle qu’elle est vécue aujourd’hui traduit une immense


méconnaissance des fonctionnements écologiques (au sens scientifique) de
l’amour, et en particulier des relations très étroites qui existent entre le cœur
(affectivité) et le sexe (génitalité). Je dirais volontiers que dans le domaine
de l’amour, c’està-dire de la compréhension des liens étroits qui relient le
cœur et le sexe, l’humanité sort de la petite enfance, même s’il y a des
millénaires d’expérience derrière nous. Les recherches en ces domaines
nous ont beaucoup appris, mais il faut bien reconnaître que tout ce que
l’homme sait, il ne le met pas nécessairement en application aussitôt qu’il le
sait. Le temps est un paramètre incompressible, dont l’homme a besoin pour
mûrir, se transformer, comme le chêne pour grandir.
Actuellement, en matière de sexualité, se dessinent deux tendances
opposées. Il y a d’un côté ceux qui considèrent que la liberté sexuelle est
devenue excessive et nocive ; de l’autre, les « tout-dire-tout-voir » qui
pensent que nous vivons la fin des tabous et que nous sommes parvenus à
l’état adulte de notre société. La première tendance est d’ailleurs en partie
responsable de la seconde, car à force de cacher ou de ne pas dire, on finit
par obtenir l’inverse de ce que l’on souhaite. Si l’on prive quelqu’un de
bonne nourriture, il ira chercher à manger où il pourra, et jusque dans les
poubelles, pour apaiser sa faim. Surtout sur des sujets aussi essentiels, et
même vitaux, que l’amour et la sexualité. Ainsi, le fossé qui existe entre les
deux tendances ne peut que s’accentuer. Mais n’y aurait-il pas un juste
milieu ?
Je le dis nettement, je ne suis d’accord avec aucune de ces deux
tendances. Je suis persuadé qu’il faut casser la chaîne du « non-savoir-non-
dire », qui est à l’origine du « tout-montrer puisqu’on ne sait pas dire ».
Alors, il faut trouver les mots pour dire, en respectant ceux qui reçoivent les
messages, c’est-à-dire en s’adaptant à eux, à leur tranche d’âge, à leur état,
physique et mental, normal ou handicapé…
QUESTION 17

Les jeunes. – OK pour tout dire, mais comment


le dire ? Vous ne pouvez pas dire tout à un enfant
de 10 ans ! De toute façon, les parents ne disent
pas grand-chose. Ils sont gênés. Pourquoi ?

Évidemment, on ne peut ni tout dire ni tout montrer à cet âge. Mais le


malheur, c’est qu’à cet âge, d’une façon générale, les parents ne disent rien
(n’oublions pas que leurs parents ne leur ont rien dit et que, le plus souvent,
on répète ce que l’on a reçu: je n’ai rien reçu – je ne transmets rien1). Il en
résulte des non-dits qui peuvent avoir des effets catastrophiques. Car si vous
ne donnez pas l’information fondamentale dont un être humain, garçon ou
fille, a absolument besoin pour se construire, vous l’amputez. Vous créez
ainsi un besoin encore plus fort, car vous stimulez la soif de savoir (voir,
entendre, essayer…) et vous risquez de l’handicaper pour la vie en le
poussant, sans le vouloir, à déraper en allant chercher des informations
auprès de structures non fiables.
D’ailleurs, ces structures ont vite fait de se mettre en place. Issues de
ce besoin immense qu’elles perçoivent, elles vont jouer le rôle
d’informateur et tout faire pour créer, solliciter un plus grand besoin. C’est
l’objectif « fric et dépendance ». Les BD, les films, les vidéos, les émissions
racoleuses à la radio ou à la télévision sont faites pour cela : le fric et la
dépendance.
Dans un monde d’hypercommunication, l’information sur l’amour et la
sexualité n’est pas géniale. Vous êtes saturés, « overdosés » d’informations
concernant la « balistique sexuelle » : les préservatifs masculins et
féminins; à tel point que vous les utilisez moins, que la syphilis qui avait
pratiquement disparu renaît, qu’il y a une recrudescence des cas de sida plus
par hétérosexualité que par homosexualité, que les grossesses
d’adolescentes posent des problèmes complexes…

1. Cela est le plus souvent inconscient. Il y a donc urgence à faire prendre conscience aux parents
qu’ils ne peuvent faire comme leurs parents, c’est-à-dire attendre que l’enfant pose des questions, et
répondre la plupart du temps à côté quand il en pose. Une authentique formation s’impose et les
parents sont parfaitement capables de le comprendre si on leur explique pourquoi, comment, à partir
de quand et quoi répondre face aux questions les plus délicates. C’est ce qui a été initié par le
mouvement Familles de France autour de l’an 2000, à travers la formation « Être parents
aujourd’hui ».
Notre société a bien imaginé, à juste raison, organiser des formations professionnelles dans
pratiquement tous les secteurs d’activité; pourquoi ne pas l’imaginer et l’officialiser pour le « métier
de parent », qui est certainement le plus méconnu (non reconnu) et pourtant le plus essentiel pour la
construction harmonieuse à la fois des jeunes et des parents eux-mêmes ? Ces formations
conduiraient à créer ce que les familles attendent depuis longtemps : le « statut parental », qui
donnerait les mêmes droits qu’un statut professionnel.
QUESTION 18

Sophie, Fatima, Marie-Hélène. – Mais que


reflètent les vécus actuels de la sexualité ?

Ils ne datent pas d’hier. Ils ont culminé dans les années quatre-vingt.
C’est en 1982 que l’on a découvert le virus du sida. L’état de la santé liée à
la sexualité n’a fait que s’aggraver en s’étendant à la planète entière. Le
nombre total de décès liés au sida en France depuis le début de l’épidémie
est compris entre 37 500 et 40 850, dont cinq hommes pour une femme en
1990 et trois hommes pour une femme en 2002, et dans tous les cas, des
personnes jeunes. Un malade sur deux ne découvre sa séropositivité qu’au
moment où se déclare la maladie sida.

Selon les chiffres de l’Institut national de Veille Sanitaire :

6 265 découvertes de séropositivité ont été relevées en 2010. Le


nombre de découvertes est stable depuis 2008, alors qu’il avait diminué
significativement entre 2004 et 2007.
Les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes (HSH) sont
la population la plus touchée par le VIH et les IST. En 2010, 2 500 hommes
ayant des rapports sexuels avec des hommes ont découvert leur
séropositivité, représentant près de 40 % de l’ensemble des découvertes. Il
s’agit de la seule population dans laquelle le nombre de découvertes
augmente depuis 2003. Ces hommes sont le plus souvent diagnostiqués
suite à une prise de risque. Ils sont âgés de 37 ans en moyenne, mais la part
de ceux de moins de 25 ans a augmenté régulièrement depuis 2003.
La transmission des IST est également importante chez les HSH. Plus
des trois-quarts des diagnostics de syphilis (83 %) concernent cette
population. De plus, le nombre de diagnostics d’infections à gonocoque a
augmenté de plus de 50 % entre 2008 et 2010 chez les HSH.
En 2010, 3 600 personnes infectées par rapports hétérosexuels ont
découvert leur séropositivité, représentant 57 % de l’ensemble des
découvertes. Leur nombre a tendance à diminuer depuis 2007, notamment
chez les personnes nées à l’étranger. Les 2 500 personnes hétérosexuelles
nées à l’étranger représentent la majorité des découvertes chez les
hétérosexuels (69 %). Il s’agit essentiellement de personnes nées en Afrique
subsaharienne (76 %) et de femmes (60 %). […]
L’âge moyen des nouveaux diagnostics, qui mélange les découvertes
tardives et les infections récentes, était en 2010 de 37,9 ans.
Encore 15 % des personnes découvrent leur séropositivité au stade
sida. Deux autres chiffres ne diminuent plus. Celui des cas de sida, 1 500
chaque année depuis 2007. Et celui des décès liés au sida, 300 chaque
année depuis 2007 1.

Les causes de ce fléau social, qui ne semble pas prêt de disparaître, ne


sont pas celles que beaucoup imaginent et que l’on peut résumer en deux
phrases : « laxisme conduisant à un ordre immoral » pour les uns, « échec
de la prévention dû à une utilisation insuffisante des préservatifs » pour
d’autres.
Mes expériences professionnelles et mes rencontres nombreuses avec
les jeunes de toutes les tranches d’âge et beaucoup de leurs parents2
m’amènent à penser autrement. Mes réponses vont vous étonner.
Deux mots me viennent à l’esprit pour caractériser les principales
causes de la situation actuelle de la sexualité en ce début de millénaire :
ignorance et angoisse. Remarquons d’abord qu’aucune autre époque n’a
connu les capacités de communication et d’information et les moyens
audiovisuels dont nous disposons actuellement. Ce qui doit être considéré
comme un atout formidable à la disposition de l’intelligence de l’humain,
de sa liberté, laquelle est liée directement à la connaissance3.
L’ignorance est inconsciente le plus souvent. Elle crée au minimum
une soif de savoir. Cela est positif. Mais où trouver l’information qui apaise
la soif, la faim de savoir ? L’ignorance peut faire le chemin qui mène à
l’angoisse. Quel adulte aujourd’hui, ou quel pourcentage d’adultes, homme
ou femme, peut dire qu’il a reçu une information de qualité sur ces sujets
cruciaux, amour et sexualité, à l’âge de la puberté ? Quelques jeunes filles
ou femmes répondront par l’affirmative, très peu d’hommes. Les pères ont
en effet des difficultés réelles à parler de ces sujets à leur fils, et encore plus
à leur fille. Soit ils ne disent rien, soit ils bottent en touche en distribuant
(offrant) des préservatifs, se croyant moderne et l’esprit ouvert, et pensant
agir au mieux. Le plus grave est que beaucoup pensent qu’il n’y a plus
d’ignorance puisque « tout est dit, tout est montré ». Pourtant,
l’exhibitionnisme et le voyeurisme (encore présents parmi les pathologies
des livres de psychiatrie dans leurs formes évoluées) traduisent l’absence de
discours cohérent, un discours qui aiderait le jeune à se construire.
Le voyeurisme sera d’autant plus transitoire que le jeune en aura
compris les limites. Alors, il peut être structurant. Ce qui signifie qu’il ne
faut pas s’inquiéter outre mesure parce que tel jeune a vu un film porno.
L’essentiel est que cela ne devienne pas une drogue, qu’il évite la « porno-
dépendance ».
Ce sont les garçons qui peuvent devenir le plus facilement porno-
dépendants. Les filles, en général, sont plutôt dégoûtées par ces images qui
les transforment en objet de jouissance des mecs (ceux qui agissent
sexuellement, ceux qui commanditent les images, ceux qui les réalisent,
ceux qui les distribuent) et où elles sont soumises, ce qu’elles ne supportent
heureusement plus, et elles osent enfin le dire4.

1. Source : Institut de Veille Sanitaire (InVS). Vous pouvez y retrouver l’ensemble des
informations concernant les données 2010 VIH et sida.
2. Depuis 1982, je rencontre un jour par semaine, dans le cadre de la prévention dans toutes les
écoles, plus d’un millier de jeunes.
3. À 15 ans, vous pouvez comprendre que votre liberté, c’est-à-dire votre capacité de choisir
librement, est directement liée à votre connaissance. Si vous avez devant vous cinq chemins à choisir
et que l’on vous en présente seulement trois, vous n’êtes pas vraiment libre, car on vous cache deux
chemins parmi lesquels se trouve peut-être le bon. Vous avez donc tout intérêt à ne pas vous laisser
abuser par des adultes malins qui n’ont d’autres objectifs que de vous considérer comme des objets
économiques, des « consommateurs ». Ils sont nombreux dans les médias !
4. Pour les filles, « le sexe fait partie du non-visible, il est beaucoup plus en intériorité, elles
cherchent à le sentir, à l’éprouver, plus qu’à le voir ou à le maîtriser », in Défi à la pudeur, Gérard
Bonnet, Albin Michel, 2003, p. 175.
QUESTION 19

Les jeunes. – Et l’angoisse ? Comment


l’expliquer ?

L’angoisse a son origine dans des peurs profondes, souvent


inconscientes, enfouies au fond de l’être. Au maximum, c’est l’effroi,
jusqu’à la peur de la mort. Et ces peurs se relient à des « moteurs » de notre
vie. Ceuxlà fonctionnent naturellement, selon nos besoins. Nous les gérons
plus ou moins bien. Le fait que ces moteurs soient essentiels à la vie les
rend présents, actifs de façon réflexe dès que notre être est en danger. Ainsi,
quand nous sommes soumis à un ou des dérèglements qui engendrent de la
peur ou de l’angoisse, de l’effroi dirait le psychanalyste Gérard Bonnet, ces
réflexes de vie se mettent (automatiquement) en marche. Et d’autant plus
qu’ils ne sont pas connus de la personne en cause. Et, comme tous les
réflexes, ils sont alors difficiles à gérer, à maîtriser.
Nous pouvons en isoler dans trois domaines moteurs de la vie :
l’Alimentation, l’Amour, l’Argent.
Leur importance respective peut varier selon les pays ou les continents,
surtout selon l’éducation reçue. La mondialisation aidant, le troisième
moteur, l’Argent, prendra une importance plus grande. Ces trois moteurs
sont essentiels à la vie de tous les humains. Considérons-les sous le mode
de l’absence.

Sans aliments, l’organisme ne peut survivre longtemps, car nos


réserves sont limitées. Nous mangeons selon notre appétit et choisissons ce
qui nous plaît, ce qui nous fait du bien et nous procure du plaisir. Les
« plaisirs de la table » ne sont pas de menus plaisirs, quel que soit l’âge.
Nous savons « caresser » notre estomac pour nous faire plaisir et il n’y a là
aucun mal, sauf en cas d’excès. Mais l’angoisse, des peurs de toute sorte
peuvent nous rendre incapables de gérer cette fonction vitale. À un point tel
que nous risquons de nous rendre malade quand la prise alimentaire devient
incohérente, très excessive ou très insuffisante. Le surpoids et plus encore
l’obésité d’origine psychologique (excluons la génétique) s’enracinent dans
un mal-être sournois. Le réflexe de survie psychoaffective recherche des
sensations de bien-être digestif, par des « caresses » de l’estomac que l’on
se donne en mangeant de bonnes choses et de façon répétitive, pour se faire
plaisir.
Dans le cas de l’anorexie mentale (surtout féminine), le phénomène
s’inverse, mais il a la même signification. Le manque d’amour, de
considération (souvent mal identifié malgré une intelligence très fine et
perspicace), va se traduire par plusieurs types de refus : refus de devenir
femme (règles que l’on peut arrêter par la sous-nutrition), refus de la
conjugalité, refus d’être en forme… Et pour cela, on refuse de manger ou
l’on se fait systématiquement vomir. Dans tous les cas, il s’agit de réflexes
souvent non maîtrisables qui traduisent des peurs d’aimer ou d’être aimé
autant que des carences affectives. Une jeune anorexique mentale dans un
état très grave et qui s’en est bien sortie me confiait : « Le seul médecin qui
m’a aidée ne m’a pas parlé d’alimentation, de manger… Il m’a dit que cela
me passerait quand je serais amoureuse… Ça a été long, mais j’y suis
arrivée. Cette phrase ne m’a jamais quittée… » Elle est mariée et mère de
trois beaux garçons.

Sans amour (j’y inclus la considération et l’estime des autres), je veux


dire sans « aimer et être aimé », l’être humain ne peut survivre longtemps.
Il a le choix entre la déprime lente et le suicide brutal. Et ces deux dérives
peuvent surgir brutalement dans le cerveau et le cœur, faisant prendre des
décisions radicales très dange-reuses.
Malheureusement, de plus en plus d’êtres humains empruntent ces
chemins, qui fragilisent psychologiquement fortement l’individu quand il en
reste à la tentative. D’autres s’engouffrent dans une recherche effrénée de
l’amour, jamais satisfaite, car la sexualité prend le plus souvent le dessus
sur l’affectivité. Oui, le sexe peut étouffer l’amour. Le réflexe de survie face
à l’angoisse oriente l’amour vers la sexualité, d’autant plus qu’aujourd’hui
la sexualité passe très souvent avant le fonctionnement affectif. Les dérives
sexuelles possibles restent innombrables.
Sans argent, de graves difficultés apparaissent, la vie est difficile. Des
individus, des familles peuvent exploser. Les risques de gagner de l’argent
de façon malhonnête existent, on le voit avec la drogue qui enrichit très vite
de petits ou de grands délinquants. Le plus souvent, la mauvaise gestion de
son argent peut être à la source de surendettements. Selon la Banque de
France, 64 % des cas de surendettement ont pour origine un incident de la
vie : perte d’emploi et problèmes affectifs dans la famille ; donc des peurs.
Les souffrances amènent à faire n’importe quoi avec son argent. Le
surendettement traduit des dépenses excessives, qui font que l’on se fait
inconsciemment des cadeaux sans vouloir en mesurer les conséquences. Et
ces dépenses réflexes inconsidérées sont ingérables, jusqu’au jour où la
justice vient stopper le cercle infernal.
QUESTION 20

Les jeunes. – Vous repérez plusieurs moteurs


dans l’existence humaine. Le sont-ils à tous les
âges de la vie ?

Oui, certainement, mais si les deux premiers moteurs que sont


l’Alimentation et l’Amour sont premiers dans l’existence, le troisième
moteur, l’Argent, ne tarde pas à intervenir chez l’enfant, qui cherche à avoir
quelque argent de poche pour s’offrir ce dont il a envie.
Ces trois moteurs de l’existence, l’Alimentation, l’Amour, l’Argent,
sont en général plus ou moins bien gérés par chacun d’entre nous. Ils sont
destinés à nous faire vivre, mieux encore à nous faire plaisir, c’est-à-dire à
nous donner du bonheur. Nous mangeons pour être en bonne santé. Nous
passons beaucoup de temps à chercher l’amour. C’est plus difficile que de
manger, car on peut toujours manger tout seul, mais chercher l’amour, c’est
trouver un(e) autre personne qui nous plaise et à laquelle nous plaisons.
Nous savons tous que ce n’est pas facile, et même si nous trouvons ou
croyons avoir trouvé, l’équilibre reste fragile. Il suffit de peu de chose pour
le faire basculer dans le mauvais sens. Quant à l’argent, il reste essentiel
pour vivre, il est toujours limité, et on a vite fait de dépasser les limites.
C’est l’angoisse inconsciente qui est la plus dange-reuse, car elle est à
l’origine des réflexes délétères et incontrôlables qui portent vers les dérives
de l’Alimentation, de l’Amour, de l’Argent.
Le « réflexe alimentaire » est à l’origine d’excès en tout genre qui vont
de l’anorexie cachectisante 1 à la boulimie qui rend obèse. L’angoisse se
répercute dans une dérive alimentaire que l’individu ne remarque même
pas. Il en mesure seulement les conséquences : excès de poids, perte de
poids, qui fatiguent. Elles l’amèneront à voir un médecin, lequel traitera le
plus souvent les symptômes sans en chercher les causes. Ce sont tous les
régimes amaigrissants qui font florès ou les cliniques pour se refaire la
santé et reprendre du poids.
Le « réflexe amoureux » dérive le plus souvent vers la sexualité, et là,
tout est possible, depuis la drogue du voyeurisme érotico-pornographique
jusqu’au zapping sexuel avec des partenaires de toute sorte, à la recherche
de l’Amour, du grand Amour. Beaucoup d’hommes et de femmes croient
encore qu’ils trouveront cet amour qu’ils recherchent à la fois
consciemment et inconsciemment dans des ersatz de l’amour.
Le « réflexe de l’argent » fonctionne surtout chez celui ou celle qui en
a eu beaucoup et qui s’en trouve brutalement privé. Il ne peut supporter la
contrainte. D’où des dépenses inconsidérées, des abus et détournements de
toute sorte, dont la presse se fait l’écho chaque jour.
Ces trois réflexes peuvent fonctionner simultanément et en parallèle.
L’un peut aussi annihiler l’autre. L’aiguillage ferme ou privilégie une voie
particulière. Prenons l’exemple d’une femme très attentive à sa ligne, qui
fait attention à ce qu’elle mange : elle bloque le réflexe alimentaire. Son
angoisse se portera davantage vers l’affectif ou l’argent, selon ses besoins et
ses habitudes. Inversement, elle pourra se barricader psychologiquement et
affectivement, refusant pour des raisons morales ou religieuses une dérive
amoureuse plus ou moins sexuelle, et s’enfermera dans des dérives
alimentaires incontrôlables.

Ainsi les méfaits de la « bouffe », de l’argent et de la sexualité telle


qu’elle est vécue aujourd’hui traduisent à mon sens l’immense angoisse
existentielle qui règne dans notre société.
Le réflexe alimentaire ou celui de l’argent sont observés quand le
réflexe amoureux ne fonctionne pas, et inversement. Le réflexe amoureux
est devenu un réflexe de plus en plus orienté vers la sexualité. Et les
publicités ne s’y trompent pas, qui stimulent essentiellement ces trois voies
réflexes de notre inconscient. Les pubs de morceaux à déguster, de corps à
consommer sexuellement, de rêves pour gagner de l’argent ou de cadeaux
faramineux remplissent les panneaux de nos villes. Ils touchent très
astucieusement notre inconscient et nous poussent à la consommation. Ils
créent des pulsions d’autant plus difficiles à maîtriser qu’on est parvenu à
nous faire confondre bonheur à construire, qui demande du temps, et plaisir
immédiat, qui dure ce que durent les roses. L’essentiel est que le maximum
de personnes ne le sache pas.
Il nous reste à expliquer le ou les « pourquoi » de cette angoisse que
l’on retrouve dans tous les recoins de notre société en ce début de siècle et
de millénaire.
QUESTION 21

Thierry et Mehdi. – Où voyez-vous de


l’angoisse dans la société, en dehors du chômage
et du sida, qui aujourd’hui se soigne de mieux en
mieux ?

Il y a d’abord les angoisses liées à la santé.


Le sida, contrairement à ce que tu dis, ne se soigne pas si facilement.
Personne n’en guérit en ce début de millénaire. Il reste une maladie dont on
connaît parfaitement la cause, le virus VIH (virus de l’immunodéficience
humaine), et les mécanismes. Le virus détruit tout le système de défense de
l’organisme représenté pour partie par des lymphocytes, T4 (fabriqués par
le thymus1) en particulier, qui sont des globules blancs. Les traitements
actuels permettent de reculer l’apparition de la maladie, c’est-à-dire des
conséquences de l’affaiblissement du système immunitaire, et permettent au
patient porteur du virus de vivre plus longtemps. Le séropositif reste
contagieux, il peut donc transmettre le virus par les trois voies classiques: la
transfusion sanguine s’il donne son sang, la seringue du drogué s’il se
pique, la sexualité car le virus est concentré dans le sperme et les sécrétions
génitales. Beaucoup croient que le sida est enrayé, quasiment guéri, alors
que l’épidémie ne fait que progresser dans le monde entier. On a fait croire
aussi que le virus était sans danger dans la mesure où l’on utilisait le
préservatif, mais en oubliant de dire – en n’osant pas dire – la vérité, à
savoir que le préservatif n’est pas efficace à 100 %.
La récente apparition de la pneumonie atypique en Asie inquiète fort
l’humanité. Les mensonges du gouvernement chinois, qui a pris
tardivement la décision de limoger le maire de Pékin et le ministre de la
Santé de Chine sous la pression de l’Organisation mondiale de la santé
(OMS), démontrent que les risques d’épidémie mondiale existent. Les plus
cultivés d’entre vous se souviendront des dégâts de la grippe espagnole ou
de la peste dans les siècles passés. Et si le virus se propage et que la
médecine reste incapable de soigner les conséquences respiratoires, nous
allons vers une catastrophe mondiale. Les Canadiens de Toronto, qui
traitent plus d’une dizaine de cas, se posent les bonnes questions. Quand on
sait qu’on ne peut pas guérir, il ne reste que la prévention !
Il y a aussi toutes les angoisses liées aux risques d’une alimentation
contenant des produits toxiques et d’un air pollué, et tous les autres sujets
d’inquiétude du monde moderne : augmentation du nombre de malades
atteints de cancer, rajeunissement de la population atteinte par le cancer
(cancers du sein et de la prostate en particulier).
Les angoisses d’aujourd’hui deviennent rapidement planétaires, du fait
de la diffusion très rapide de l’information par les moyens de
communication. En quelques secondes, on est alerté de l’arrivée du moindre
virus informatique qui peut détruire toutes les données de votre ordinateur.
Si l’on essaie d’analyser ces angoisses, elles touchent au
fonctionnement même de l’individu : sa santé, ses amours, sa
communication. Ce sont les trois objectifs inconscients et conscients d’une
vie humaine : vivre en bonne santé, aimer et être aimé, communiquer pour
toutes les raisons affectives, économiques qui mettent les humains en
relation.
Chez l’adolescent, l’angoisse est entretenue par les nouvelles qui nous
parviennent chaque jour: le chômage, les retraites, les banques, les enfants
maltraités, les guerres, le terrorisme, la mondialisation, la couche d’ozone,
la déforestation de l’Amazonie, les énergies polluantes… Tout est fait pour
nous inquiéter, dans l’immédiateté du temps présent et du futur très proche,
comme pour éviter de nous mettre dans le temps réel, celui de maintenant
qui sème le temps à venir.
L’ado, le jeune est dans le temps présent et, d’une certaine façon, il ne
pense pas tellement à son avenir. Il s’en fiche. C’est trop loin. Et les
innombrables mauvaises nouvelles qu’il reçoit chaque jour ne font que le
stimuler vers l’immédiateté et ses plaisirs : « Je veux, j’ai envie, je ne peux
pas attendre… »
Parmi les plaisirs forts, l’ado a dépassé le stade des bonbons et des
surprises, il se tourne vers lui-même, vers son corps. Il part d’autant plus à
sa découverte que personne n’ose lui en parler. En dehors de quelques
adultes plus ou moins irresponsables, animateurs de radio ou de télé, qui ne
cherchent qu’une chose, augmenter l’audimat, c’est-à-dire, comme disent
les jeunes, « faire des tunes », avec des histoires scabreuses qui n’aident en
rien le jeune à se construire.
Les sociologues décrivent les sept piliers de la culture jeune2 :

1. Sans musique, je meurs.


2. La culture d’appartement : chaîne hi-fi, télé, console ou micro-
ordinateur.
3. L’image, du cinéma en salle aux BD et autres magazines.
4. Le voyage, dans le réel ou dans le virtuel.
5. Les deux-roues.
6. La curiosité intellectuelle, car les jeunes sont assoiffés de
connaissances.
7. Le refus du travail imposé, avec pour pensée que la liberté de
la jeunesse doit durer un maximum et qu’il faut savoir en profiter.

Nous ajouterions pour les étudiants, et maintenant les lycéens, le culte


du corps, avec les parfums et déodo-rants, le maquillage, les fringues, la
coupe de cheveux, etc., mais aussi les sorties en boîte du week-end, avec
l’alcool, le tabac et le hasch.
Ces sept constatations, très intéressantes, peuvent être identifiées chez
n’importe quel jeune, et encore plus quand il est en groupe.
J’ajouterai l’importance des copains ou des copines, et, de plus en
plus, du petit copain ou de la petite copine, avec son ou ses « ex », à la
recherche du grand amour et de la construction de liens amoureux solides.

1. Le thymus est une glande située derrière le sternum qui participe aux défenses
immunologiques.
2. « Les univers culturels des jeunes » de P. Mayol, in Modes de vie collégiens et lycéens, R.
Boyer et C. Coridian (coord.), INRP, 2000.
QUESTION 22

Isabelle, Sonia et Stéphane. – Qu’appelez-vous


construire des liens amoureux solides ?

On ne peut les définir en un mot ou en une phrase, car pour créer de


tels liens, il faut d’abord du temps. C’est le temps nécessaire à toute
connaissance, au-delà des premières impressions, au-delà du choc affectif,
audelà du coup de foudre, au-delà des expressions classiques que vous
utilisez toute la journée : elle est superbe, elle est chouette, il me botte, j’ai
envie d’elle, j’ai envie de lui, quelle beauté, quel mec… Toutes ces
expressions sont la traduction d’une impression première qui n’est pas
fausse en elle-même mais qui, après le premier temps d’observation rapide,
va prendre de la distance ou de la profondeur. Comme on dit, vous allez
faire connaissance.
QUESTION 23

Les jeunes. – Oui, mais aujourd’hui on est


pressé. On a envie de faire l’amour vite et bien…

C’est là qu’est votre problème, et c’est la source de beaucoup de


catastrophes physiques et sentimentales, de désillusions qui peuvent vous
marquer définitivement et être indélébiles, ineffaçables. En réalité, vous
êtes tombés dans un piège, le piège de l’amour, du faux amour. Le danger,
c’est d’évoluer de ruptures en ruptures, de partenaires en partenaires, d’ex
en ex, sans pouvoir fixer son cœur.
Et aujourd’hui, il est impossible de ne pas parler du risque de
séropositivité au virus du sida. En peu de temps, en un instant, une page
risque de se tourner, votre vie s’est transformée, votre avenir est
compromis. La mort est en face. Le plus jeune que j’ai accompagné vers la
mort, à 19 ans et demi, l’avait attrapé bêtement, à 17 ans, avec une
prostituée, parce qu’il avait fait un pari avec des copains !
Ce qui est grave, c’est que cela n’est pas dû seulement à vous-mêmes.
Cela est dû à notre société, aux adultes qui ne vous ont pas informés, qui ne
vous ont pas expliqué, qui ne vous ont pas éclairés avant de vous laisser
vous engager sur cette voie dangereuse.
En effet, l’amour humain peut être à l’origine d’immenses joies, de
créations, de moments délicieux, fabuleux. Mais il peut être aussi à
l’origine de déceptions, de catastrophes, de désirs morbides, de suicides, de
ratés, de dangers physiques pour le corps et pour l’esprit. Il faut le savoir et
ne jamais l’oublier. C’est parce que vous serez bien au courant de ces
dangers, parce que vous les aurez compris que, comme un jeune qui fait de
la haute montagne ou de la voile, vous éviterez les catastrophes, vous
« jouirez au maximum » des joies de l’amour humain.
Alors, l’expression « faire l’amour », vous pourriez déjà la changer en
disant plus simplement « donner de l’amour ». Si vous donnez, aucun
doute, vous recevrez en retour. Dites donc: « donner et recevoir de
l’amour ». Je vous assure que c’est bien meilleur que de « faire l’amour »,
acte qui diminue toujours la tension sexuelle masculine, mais ne comble pas
toujours la jeune fille, laquelle finit souvent frustrée et ne comprend pas
qu’elle n’ait pas ressenti davantage de plaisir. Tandis que le garçon part au
match ou au ciné…
QUESTION 24

Nathalie, Sylvie, Brigitte. – Vous nous avez


parlé du plaisir masculin. Et le plaisir féminin ?

Le plaisir féminin est également physique, mais il demande, à la


différence du plaisir masculin, beaucoup de conditions préalables. C’est ce
qu’on appelle les « préliminaires ».
En général, le plaisir féminin vient lentement, beaucoup plus lentement
que celui observé chez l’homme. Il faut d’abord qu’un grand état de
confiance, de tendresse, de paix et de sérénité entoure l’état d’esprit
féminin. Pourquoi tant de jeunes filles se font-elles « avoir » facilement par
des garçons ? Elles ont a priori confiance en eux, et plus particulièrement
dans tel ou tel camarade dont elles sont amoureuses. Il est certain que la
déception sera d’autant plus grande que la confiance a été trompée. Cela
peut entraîner par la suite des plaies affectives qui ne cicatriseront jamais.
Difficile d’oublier… La mémoire émotionnelle, la mémoire sexuelle a tout
enregistré et ne pourra pas oublier, effacer ce qui a été raté.
L’organisme féminin, le psychisme féminin est fait comme cela. Il a
besoin pour s’épanouir de beaucoup de confiance, d’une grande sécurité,
d’une atmosphère calme et paisible, de toutes choses qui ne sont pas
toujours nécessaires pour l’homme, avec son caractère, souvent, de « coq
dominateur ». C’est le gars qui veut se « payer » une fille. Ce sentiment-là
est exceptionnel chez les jeunes filles, même s’il commence à apparaître,
chez des filles qui ont été blessées sexuellement et affectivement par des
mecs. Leur vengeance peut être terrible.
On le voit évidemment chez celles qui ont eu de nombreuses
expériences sexuelles et qui n’ont jamais trouvé leur véritable bonheur.
Elles sont à la recherche d’un plaisir introuvable, jamais là, toujours en
attente du lendemain, et qui ne vient pas. Alors, d’une certaine façon, elles
se masculinisent ; elles cherchent à se « payer » des hommes, comme
d’autres se sont payés d’elles. Plusieurs filles m’ont demandé pourquoi elles
prennent du plaisir à « casser du mec ». Quand elles expriment leur passé,
on retrouve très vite des vécus affectifs faits de trahisons, de relations
sexuelles bâclées, où les mecs n’ont cherché qu’une chose : les exploiter
sexuellement. Des « pseudo-viols » diraient les psy. Ces filles,
inconsciemment, se vengent sur les garçons et vont avoir tendance à les
exploiter ; parfois elles cherchent vraiment à les faire souffrir. Ce qui me
frappe, c’est qu’elles ont besoin qu’on leur explique un tel comportement,
car il devient comme un réflexe incontrôlable : « J’ai été blessée, je
blesse… »
Pour expliquer le plaisir féminin, il me faut du temps et des exemples
afin que vous, les jeunes filles, vous le compreniez bien. Surtout, il est peut-
être plus important que, vous, les garçons, l’ayant bien compris, vous
sachiez mieux le donner. Car le plaisir féminin ne vient pas seulement de la
fille, il vient surtout de la façon dont l’homme sait le donner, sait se donner.
QUESTION 25

Gabriel, Mehdi, Joseph et Patrick. – Pouvons-


nous rester, si vous parlez du plaisir féminin ?
Cela ne va pas gêner les filles ?

Vous pouvez rester. Au contraire, il faut même que vous restiez : les
filles ont bien écouté ce que nous avons dit sur le plaisir masculin. Il est
important que vous compreniez, que vous puissiez discuter de tout cela
ensemble, dans la sérénité, dans l’amitié, la camaraderie, et sincèrement.
Il est d’abord indispensable de différencier, sans trop schématiser, les
meilleurs moments du plaisir féminin par rapport aux meilleurs moments du
plaisir masculin. En effet, comme vous le savez, le garçon, l’homme peut
avoir envie et peut se donner du plaisir sexuel à n’importe quel moment, et
je dirais presque avec n’importe quelle femme. La libido de l’homme, c’est-
à-dire le désir de l’union sexuelle, est en permanence stimulable, il peut être
très vite au maximum, peu de stimulations lui suffisent, cela fait partie de sa
nature.
L’être féminin est très différent, car il est d’abord rythmé par des
cycles menstruels, réguliers ou irréguliers : nous y reviendrons. Cette
rythmicité biologique fait partie de la nature féminine ; elle en fait d’ailleurs
le charme, la beauté mais aussi le mystère. Mesdemoiselles, vous avez dû
remarquer déjà, non seulement la rythmicité de ce qu’on appelle la période
menstruelle, c’est-à-dire la période des règles, de trois à six jours par mois ;
mais également ce que l’on pourrait appeler la rythmicité de votre libido,
c’est-à-dire la rythmicité de votre désir ou de votre attirance vers les
garçons, vers les hommes. En simplifiant, on peut dire que cette rythmicité
est à la base du plaisir féminin.
QUESTION 26

Jérôme, Stéphane, Mehdi, Yann et Patrick. –


C’est vrai qu’il y a une énorme différence entre
nous et les filles ! Continuez à nous expliquer.

Cela devient passionnant ! Je vois que vous suivez bien, et que vous
commencez à comprendre pourquoi il y a des moments où, les filles, vous
ne les sentez pas du tout intéressées, tandis qu’à d’autres moments dans le
mois, vous les sentez très attirées, très « chaudes » comme vous dites. Et
vous vous dites : « Elles en veulent », avec votre façon macho de raisonner.
Vous les trouvez beaucoup plus belles, plus attirantes ; elles ont soigné leur
coiffure, leurs yeux, mis leurs boucles aux oreilles ; le rouge à lèvres a été
passé avec délicatesse, parfois vous trouvez qu’il y en a trop : cela vous
crève les yeux ! Vous le sentez bien aussi, car elles aiment alors se
parfumer, et ces jours-là vous pouvez presque les suivre à la trace. Elles
sont habillées d’une façon beaucoup plus coquette, aguichante et
recherchée; bref, comme vous dites, elles sont à « croquer ».
C’est pendant ces jours qu’elles sont les plus belles. Vous vous rendrez
compte qu’ils sont au nombre de cinq à six par mois, parfois moins,
rarement plus. C’est pendant ces jours-là que ces demoiselles sont
« fécondes ». Leur nature appelle à l’amour. Sachez-le déjà, car lorsque
vous serez mariés, ou vivrez à deux (cohabitation ou union libre), c’est
pendant ces jours-là que la femme appelle le plus l’homme à l’union
amoureuse, l’union conjugale ; et c’est certainement ces jours-là que
l’homme doit être le plus disponible, prêt à l’amour, prêt à se donner, à
donner amoureusement le meilleur de lui-même.
Mais remarquons tout de suite que, s’il y a ce jourlà une véritable
union amoureuse (cœur, esprit, corps sexuel), si l’homme donne le meilleur
de lui-même, ses spermatozoïdes vont rejoindre l’ovule déjà libéré ou qui
va être libéré par l’ovaire, et qui attend d’être fécondé. Ainsi le fruit de
l’amour, le résultat de ces amours échangés que chacun exprime et perçoit
plus ou moins pendant la période de fécondité féminine, c’est l’ovule
fécondé. Or l’ovule fécondé par un seul spermatozoïde, c’est une vie
humaine nouvelle qui commence. Le fruit de l’amour peut donc être une vie
nouvelle. Dans ce cas, si l’homme a tout donné à la femme, ce doit être
avec son accord. Ensemble, ils ont profondément désiré une vie nouvelle
dans leur famille. Actuellement, en France, la moitié des familles souhaitent
s’agrandir.
QUESTION 27

Julie, Béatrice et Yann (interrompant


l’animateur). – Oui, mais s’ils ne désirent pas cette
vie nouvelle, ce qui est assez fréquent, comment
font-ils ? Ils ne peuvent pas s’aimer, ils ne peuvent
pas « faire l’amour » ?

Bonne question. Si la femme est féconde et que le couple ne désire pas


d’enfant à ce moment, alors les amoureux peuvent s’aimer, mais dans le
cadre de ce que l’on peut appeler l’« union réservée ». Dans l’union
réservée, les deux corps se réunissent sexuellement, mais l’homme réserve
sa semence, la garde pour une autre fois. Cela demande de la part de
l’homme en particulier, et de la femme qui l’aide, une grande maîtrise et
beaucoup de dialogue. Cette union réservée est source de très grands
progrès pour chacun dans la connaissance et la communication physique et
affective.
Ensuite, il est bien vrai, et c’est heureux, que chaque relation sexuelle
n’amène pas à une vie nouvelle. Cependant, s’il y a relation sexuelle à
chaque période féconde, il est presque certain qu’il y aura procréation d’une
vie nouvelle. L’enfant sera le fruit de l’amour.
Si l’on regarde statistiquement les familles actuelles, en Europe de
l’Ouest en particulier, on se rend compte qu’elles n’excèdent pas, en
général, deux enfants. On peut donc considérer sans crainte de se tromper
que, pendant la durée totale de fécondité d’une femme, deux cycles
seulement seront fécondés sur un total d’au moins douze cycles par an,
multipliés par une bonne trentaine d’années, soit un maximum de 360
cycles dans la vie de fécondité féminine. Or il est évidemment exclu de
penser que des parents puissent s’aimer, avoir des relations amoureuses,
sexuelles, deux fois seulement dans leur vie commune. Alors, vous le
comprenez, il y a heureusement dans le cycle féminin de nombreux jours
pendant lesquels la femme n’est pas fécondable, et où l’homme et la femme
peuvent avoir des relations amoureuses complètes, non réservées.
QUESTION 28

Florence et Hélène (interrompant l’animateur).


– Oui, mais alors ces relations qui ont lieu hors de
la période féconde sont beaucoup moins agréables
pour la femme, puisque à ce moment de son cycle,
son désir est moindre. Vous nous l’avez expliqué
tout à l’heure, l’homme, lui, n’a pas ce problème !

C’est vrai, on ne peut pas nier ce que vous dites. Pendant les périodes
non fécondes, la femme est moins attirée par l’amour. Son mari, par contre,
l’est toujours, et parfois d’autant plus qu’il sait qu’il n’y a pas de « risque »
de grossesse. En effet, lorsqu’il y a risque de grossesse, si les époux veulent
quand même avoir une relation complète, il faut absolument éviter que la
semence masculine rejoigne l’ovule, donc un « écran de l’amour » est
nécessaire, qu’il s’agisse d’un préservatif, d’un diaphragme, d’un ovule
spermicide ou d’un médicament comme la pilule, qui est actuellement
généralisée dès le plus jeune âge, pratiquement distribuée par les
laboratoires pharmaceutiques dès la puberté…
C’est en général l’homme qui est le plus demandeur pour la relation
sexuelle, car il est certainement le plus stimulé par les images sexuelles du
monde moderne. Il est exact que, pendant la période non féconde, la femme
n’a pas la même « soif d’amour » que pendant la période féconde. Les
hommes devraient le savoir et même savoir le repérer. La connaissance des
rythmes biologiques de la femme leur fera alors comprendre plus
facilement pourquoi, dans ce cas, elle refuse, elle ne tient pas à…, elle n’est
pas en forme, elle n’a pas envie, elle préfère son émission de télévision, lire
un livre ou dormir tout simplement !
L’homme doit savoir tout cela, s’il aime vraiment la femme avec
laquelle il vit et partage tout. Il respectera son désir et sa liberté, il ne se
froissera pas de sa réticence, il acceptera plus facilement de se réserver.
C’est une autre façon d’aimer, de faire grandir l’amour. Elle est
certainement plus difficile et très probablement plus remplie d’amour…
QUESTION 29

Patrick et Amélie. – Alors ils ne font rien ?

Non, cela ne veut pas dire qu’ils ne font rien. Cela veut dire
simplement qu’ils n’auront pas de relation sexuelle complète avec libération
de spermatozoïdes dans les voies génitales de la femme. Mais ils peuvent se
donner beaucoup de tendresse, de câlins, de caresses apaisantes et
reposantes, bref beaucoup d’amour. Il n’y a pas que le coït, que la relation
sexuelle, que la pénétration du sexe masculin dans le sexe féminin, qui soit
la caractéristique de l’amour dans un couple. L’homme et la femme peuvent
se donner beaucoup de tendresse en parlant, en discutant de tout ce qu’ils
ont vécu dans la journée, des enfants, de la famille, de tel ou tel problème…
Ils peuvent en même temps s’exprimer leur tendresse par des caresses ;
vous savez peut-être qu’il existe beaucoup de points sensibles dans le corps
féminin comme dans le corps masculin, il n’y a pas que les organes ou les
régions sexuels. Et la femme qui s’aperçoit que son partenaire s’attarde plus
tendrement sur les épaules, les cheveux, les doigts de pied que sur les
régions sexuelles, comprend vite qu’il cherche à faire plaisir plutôt qu’à se
faire plaisir. Et le désir féminin peut en dépendre.
Souvenez-vous, lorsque vous étiez enfants, vous aimiez bien les câlins
de votre mère et même de votre père. Souvenez-vous de vos parents
s’occupant de votre petit frère ou de votre petite sœur jusqu’à deux ou trois
ans : il s’agit d’une « faim d’être touché », d’un besoin réel et légitime des
parents et du tout-petit d’exprimer et de nourrir leur affectivité, de se sentir
reconnus dans leur affection. Il en va de même pour l’homme et la femme
qui s’aiment, tout leur corps peut être couvert de baisers ; il peut être source
et récepteur de la tendresse de l’autre. C’est une découverte sans cesse
renouvelée, qui doit être poursuivie, approfondie tout au long de la vie.
Ainsi l’amour est sans cesse en évolution, il ne peut pas s’éteindre.
QUESTION 30

Joseph, Amélie, Mehdi, Yann et Stéphane. –


Dans les émissions sur les questions sexuelles, on
ne nous dit pas tout cela ! Et ce qu’on nous
montre dans les films n’a rien à voir. Pourquoi
tant de différence ?

Les films ou les émissions de télévision ne nous montrent pas ce que


l’on peut appeler le classique, le banal, ce qui se passe le plus souvent. Vous
avez toujours droit à des situations exagérées, caricaturales, choquantes,
c’est de la comédie: l’important, pour celui qui fait le film ou l’émission,
c’est de faire le maximum d’audience. Il cherche à attirer le spectateur, et
pour cela il n’hésite pas à le choquer. Il faut pousser à la consommation.
S’il montre des choses banales, qui n’excitent personne, il n’aura pas un
bon taux d’écoute et l’émission sera supprimée. Aussi est-il important que
vous compreniez, que vous analysiez avec un bon esprit critique, avec, je
dirais, un esprit intelligent, tout ce qui vous est proposé à la télévision ou
dans les films.
Un des buts premiers de tels films ou émissions est d’ordre financier,
marketing ; il est important que vous en soyez conscients. Il est également
essentiel de souligner, comme le dit le proverbe, qu’« on n’attrape pas les
mouches avec du vinaigre ». Pour obtenir un taux d’écoute important, pour
que les journalistes, les critiques en parlent beaucoup, il faut à tout prix
choquer, mettre du croustillant, et pour cela, il n’y a pas mieux que le sexe.
C’est parce que telle émission, tel film, tel article ou tel livre pourra
choquer qu’on en parlera assidûment pendant deux ou trois jours. Une
publicité de professionnel fera courir les gens tout droit au piège pour
« consommer » le film, l’émission, le livre ou le magazine…
C’est le cas aussi pour les sites internet éroticopornographiques et les
numéros de téléphone « à sexe ».
QUESTION 31

Florence et Mathieu. – Lorsque nous voyons


une relation sexuelle à la télévision, un homme et
une femme « faire l’amour », nous voyons quand
même quelque chose de vrai ; il n’y a pas que du
cinéma. C’est bien ce que nous vivrons, nous, le
jour où nous aurons notre première ou énième
relation sexuelle ?

Non, ce n’est pas tout à fait exact. Lorsque deux artistes jouent une
scène d’amour, le réalisateur a toujours une arrière-pensée : il veut, comme
on dit en langage journalistique, faire passer un message. Ce message est
globalement celui de l’amour, mais imparfaitement exprimé, et, la plupart
du temps, plus ou moins déformé, modifié, perverti parfois. En général, le
réalisateur explore, un peu comme un voyeur, l’intimité des personnes. Il
met sur la place publique que sont nos petits écrans, et donc à domicile, des
scènes amoureuses qui ont pour but de stimuler et de se fixer dans la
mémoire, et pourquoi pas, qui donnent envie de revoir le film une deuxième
fois. Elles s’imprimeront incontestablement dans notre esprit, comme une
image se fixe dans notre mémoire1. L’objectif est d’imprimer en nous
réellement une scène, un acte, une image…
En choquant, on parvient à tenir en haleine, à maintenir le poste de télé
ou l’ordinateur allumé. Le réalisateur ne veut surtout pas que vous zappiez,
que vous changiez de chaîne. Il faut le savoir, il ne cherche pas à vous faire
grandir, mais à augmenter son taux d’audience, son audimat ! Il cherche
donc à retenir votre attention, à la capter, à la garder. Il n’hésitera donc pas
à montrer des images qui peuvent provoquer de véritables pulsions
sexuelles chez le spectateur, garçon ou fille, quels que soient votre âge,
votre éducation, votre formation intellectuelle, spirituelle, et vos
connaissances des questions de la vie et de l’amour. Et en général, l’objectif
est facilement atteint.
On n’hésitera donc pas à vous montrer des images qui feront réagir
votre corps physiquement : chez les garçons, la réaction se traduira par une
érection ; chez les filles, plus mal à l’aise, la réaction génitale sera
différente (sensation très variable, de l’envie d’uriner à une contraction du
bas-ventre). Si vous ne réagissez pas sur le moment, ne serait-ce que parce
que vous n’êtes pas seul(e), vous pouvez parfaitement réagir le soir avant de
vous endormir. Il vous sera impossible de trouver le sommeil. Touché par
l’image, le cerveau, la mémoire du jeune de 15, 16 ou 17 ans va passer par
un processus de restitution plus ou moins inconscient des scènes érotiques
observées. Ainsi, le jeune va en quelque sorte revivre, parfois comme s’il en
était l’acteur, les scènes offertes à son imagination par le film, le livre ou
l’émission qui l’ont frappé. Il va lui-même jouer ou faire partie de la scène,
dans le but de retrouver, prolonger des émotions qui l’amèneront à se
procurer un plaisir personnel solitaire.

1. C’est la « mémoire sexuelle », qui est très différente de la « mémoire intel-lectuelle ». La


première est en général immense, « un puits sans fond » où tout s’imprime, tout est enregistré.
Comme pour les ordinateurs, tout est stocké dans le disque dur et peut ressortir à la moindre
impulsion.
QUESTION 32

Les jeunes. – C’est vrai que nous sommes


imaginatifs !

Vous le savez, l’imagination humaine est extrêmement féconde et a de


grandes capacités. Tous les hommes et les femmes des médias, et en
particulier de la radio et de la télévision, le savent bien, les romanciers
aussi… Au final, la scène érotique que vous avez vue, et qui vous a quelque
part touché le regard, le cœur, le corps, va rester longtemps, parfois
définitivement dans votre esprit. Elle pourra, vous le vérifiez bien, être
ravivée à telle ou telle occasion, vous perturber dans votre réflexion, être un
obstacle, une sorte de gêne dans votre vie amoureuse en particulier.
Si j’insiste tant sur ce point, c’est que de telles pulsions sont
aujourd’hui quotidiennes, avec toutes les publicités, pour des boissons ou
des lessives par exemple. Vous savez très bien qu’il y a maintenant sur
toutes les chaînes de télévision, et pratiquement à n’importe quelle heure du
jour ou de la nuit, des émissions présentant des scènes amoureuses plus ou
moins suggestives, érotiques ou pornographiques.
Si ces scènes sont si nombreuses, c’est parce que les sondages
prouvent qu’elles sont très suivies par un grand nombre de personnes, que
ce soient des retraités, des jeunes au retour de l’école, ou ceux qui le soir
traînent devant la télévision. Il me paraît important d’insister sur ce point
car vous, les jeunes, devez être avertis pour savoir mieux maîtriser de telles
images. Personne ne pourra vous interdire de les regarder, vous le savez
bien; l’essentiel est que vous repériez les effets qu’elles peuvent produire
sur vous. Posez-vous donc quelques questions, face à de telles images.
Gardez votre autonomie, votre liberté, votre sérénité, votre paix intérieure et
extérieure. Ne vous laissez pas attirer, stimuler, agresser dans votre for
intérieur, dans votre intimité… Chacun aura sa propre réponse.
Le grand danger de telles émissions, c’est que l’on veut faire croire
que ce qui est montré ou dit, non seulement correspond à la réalité pour
quelques-uns, mais peut et doit se généraliser. Tout le monde vit ou doit
vivre comme ce qui est montré à la télévision ! Là se situe l’erreur. La
personne non avertie se croit isolée, ringarde, dépassée, à la limite
anormale. Bref, pas « dans le coup ». C’est le but recherché.
En effet, quand deux acteurs jouent des scènes amoureuses ou
érotiques à la télévision, ils jouent une comédie amoureuse ou sexuelle. Il
faut être clair sur ce point: jouer la comédie veut dire qu’ils ne s’aiment pas.
Ils jouent l’amour, ils singent l’amour, et leur relation sexuelle n’est en
vérité qu’une relation de type masturbatoire : l’un excite l’autre pour son
propre plaisir, et surtout pour le plaisir du spectateur. L’audimat monte et les
caisses des réalisateurs, producteurs, acteurs se remplissent ! Toutes ces
scènes ont leur tarif…
Il est donc fort important de réfléchir sur ces points, afin que chacun
garde sa liberté, non seulement sa liberté de penser, mais également sa
liberté d’appréciation sur ce qui lui est montré. Personnellement, je vous
conseillerais plutôt d’éviter ce type d’images, comme je le conseille aux
plus jeunes que vous, en leur disant qu’elles salissent leur regard, car elles
salissent plus l’amour qu’elles ne le rehaussent. Elles vous donnent de
l’amour une idée pervertie, faussée, en un mot « dégueulasse ». Ainsi, vous
penserez qu’un jour, lorsque vous vivrez en couple, mariés ou peut-être
avant, vous pratiquerez l’amour comme vous l’avez vu faire à la télévision,
ou expliqué dans tel ou tel magazine. Ce n’est pas cela l’amour. Vous êtes
dans les pièges de l’amour.
Ce que vous voyez, qui vous est exposé, d’une façon assez souvent
scandaleuse, c’est une caricature de l’amour. De même que l’on peut faire
de quelqu’un une belle caricature, avec les principales caractéristiques de
son visage ou de son caractère, on peut aussi en faire une caricature
négative, agressive, exagérée ; je dirais une caricature violente. Dans le mot
« violence », il y a bien le mot « viol » ; or l’amour n’est pas violent,
l’amour n’est pas un viol ; l’amour, au contraire, est doux, tendre,
affectueux, fidèle, généreux, source d’épanouissement personnel, et de
repos…
En dissociant la sexualité de l’amour, on fait un nonsens, on empêche
une véritable maturation sexuelle, physique et psychique de l’adolescent, du
jeune, de l’adulte qui risque de rester « adulescent ». N’oubliez jamais que
la maturation sexuelle, même de l’adulte, est toujours en évolution.
N’oubliez jamais que l’amour des adultes, l’amour de l’homme et de la
femme est toujours en progrès. Un amour qui ne progresse pas est un amour
en danger. Il ne s’agit pas d’un progrès technique, du coït ou de l’érotisme.
Le progrès se situe dans une meilleure connaissance de l’autre, dans un plus
grand désir de lui donner de la joie et du bonheur parce qu’on le connaît
mieux, parce qu’on l’aime plus. L’amélio-ration des gestes amoureux est
alors réelle dans cet échange d’amour et de confiance. Le bonheur est à
bâtir tous les jours.
QUESTION 33

Amélie. – J’ai 15 ans. Ma sœur aînée en a 19, et


elle est très intéressée par les émissions qui parlent
ou montrent de la sexualité. Elle veut toujours
regarder les émissions style « sexy folies » ou
autres, et n’hésite pas à se coucher très tard pour
cela. Qu’en pensez-vous ?

La question est intéressante, mais avant d’y répondre, il est


indispensable de mieux connaître ta sœur. J’imagine que, si tu as 15 ou 16
ans, elle doit bien te faire quelques confidences. Vu la société actuelle, ta
sœur a probablement déjà eu des relations sexuelles. Non ?

Amélie. – Oui, bien sûr. Elle a eu sa première


relation sexuelle à 15 ans, elle me l’a dit. Je ne sais
rien de plus que le nom du garçon, mais cela
n’avait pas l’air très emballant ; cela ne s’est pas
très bien passé.

Cela ne m’étonne pas, c’est très classique chez les jeunes. La première
relation sexuelle finit souvent par un break, une rupture. Nous en
reparlerons. Mais revenons à ta sœur. Elle a donc eu sa première relation
sexuelle à 15 ans et cela ne s’est pas bien passé, elle a été probablement
déçue. Aujourd’hui, ce qu’elle cherche en regardant les émissions sur la
sexualité, ou qui peuvent montrer du sexe ou de l’érotisme, c’est l’amour.
Le malheur, c’est qu’elle ne l’y trouvera pas, elle ne trouvera à la télé que
des succédanés de l’amour, des caricatures, ainsi que je vous l’ai déjà
expliqué. Elle trouvera souvent l’inverse de ce qu’est l’amour.
Ce peut être dangereux pour elle, car elle risque de parvenir
difficilement à rétablir sa situation psychologique, sa vision négative de
l’amour. Il va lui manquer une véritable maturation affective et sexuelle,
propre à la rendre adulte. Le danger est qu’elle reste en état d’adolescence,
adulte en âge et adolescente en esprit. Il faudrait pouvoir discuter avec ta
sœur, lui parler en confiance, pour lui permettre d’extirper toutes les
« épines » qu’elle garde en elle et qui la taraudent. Ces épines l’empêchent
d’ouvrir son esprit et son cœur aux beautés réelles de l’amour.
Elle a été trompée par celui qui l’a exploitée, qui l’a plus ou moins
utilisée pour sa ou ses première(s) relation(s) sexuelle(s). Trompée aussi
parce qu’elle pensait que c’était beau, doux, etc. En simplifiant, on peut dire
qu’elle a eu droit à du sexe, pas à de l’amour ; or, c’est de l’amour qu’elle
voulait.
Elle a suivi le chemin qu’on lui a montré, celui du sexe pour trouver
l’amour, mais au bout du chemin, c’était l’échec, le « bide ». À partir de là,
elle risque d’avoir peur, définitivement peur, tant qu’elle n’aura pas extirpé
l’écharde qui est en elle. Elle a soif d’aimer, mais elle a peur de l’amour.
Quel dommage ! Elle a besoin d’en parler avec une personne de confiance
qui la conseillera utilement. Avoir des relations sexuelles à cet âge ne peut
être conseillé, pas plus qu’une grossesse précoce.
QUESTION 34

Amélie. – Mais cela n’est pas récupérable ?

Heureusement, c’est récupérable, dans la mesure où ta sœur, le jour où


elle sera amoureuse, va vraiment discerner, reconnaître le garçon qu’elle
aime et qui l’aime. Ce sera surtout le jour où elle pourra véritablement en
parler en toute clarté avec lui. Donc, ce ne sera pas le jour de la première
rencontre, ce sera peutêtre plus tard, parfois assez tard. Quand on s’aime, il
faut aller vers la transparence, ce qui n’est pas toujours facile, car chacun a
son « jardin secret ». L’important, c’est de réduire ce jardin à son minimum,
pour que l’on puisse confier dans la vérité ce que l’on ne confiera à
personne d’autre. C’est cela, l’amour, c’est tout se dire avant de tout se
donner : les secrets de l’esprit, du cœur, et en dernier les secrets du corps.
QUESTION 35

Luc, Nicolas, Mehdi, Brigitte, Sonia, Guillaume,


Béatrice, Sarah – Nous avons entre 15 et 20 ans.
Nous n’avons pas encore eu de relations sexuelles.
La plupart de nos camarades, garçons et filles, en
ont déjà eu ; ils s’en vantent, nous ne nous en
vantons pas. À vrai dire, on s’en moque à peu près
tous, mais nous sommes un peu gênés, car on n’est
pas dans le sens du courant, pas tout à fait en
phase avec notre génération. Qu’en pensez-vous ?
Avez-vous des arguments qui aillent dans notre
sens, qui justifient notre attitude ?

Cela se voit assez vite que vous n’avez pas eu toutes ces expériences.
Vous êtes intéressés bien sûr et c’est normal. Mais ce qui vous intéresse, on
le sent bien, c’est de comprendre, c’est d’analyser, c’est de tout savoir afin
d’éviter de vous faire avoir.
Il y a des garçons ou des filles vierges qui me confient assez souvent à
la fois leur crainte de ne pas être comme tout le monde et les réactions
curieuses que suscite leur comportement. C’est fort intéressant. D’abord, la
pression de la société pousse aujourd’hui les jeunes à avoir un copain, une
copine, et donc à avoir des relations sexuelles dès qu’ils en ont envie. Et il
n’y a pas de raison que cela tarde, surtout chez le garçon ! Tout cela est en
fait absurde et dangereux, et il est déjà difficile de le dire et de se faire
entendre des jeunes, qui en général veulent tout, tout de suite :
l’immédiateté du désir, pour le plaisir tout de suite et sans conséquences.
Les réactions curieuses que suscite la virginité d’une fille ou d’un
garçon doivent être analysées en détail. Si le jeune, garçon ou fille, s’en
vante, il risque de se faire harceler par les autres, qui feront tout pour casser
sa virginité. Cela peut aller jusqu’à la tournante plus ou moins organisée,
évidemment torture imposée. À l’inverse, si le jeune reste discret, sa
virginité non exprimée est tout de même perçue par les autres comme une
certaine forme de pureté, d’originalité ou même de curiosité. Et elle joue le
rôle d’un aimant qui attire, qui interroge. La fille se rend compte qu’elle
attire des garçons sympas, délicats et respectueux. Et le garçon aussi voit
bien que des filles mignonnes et sympas lui tournent autour, rêvent de sortir
avec lui. La virginité, chez les filles comme chez les garçons, joue le rôle
d’un aimant.
Attention, de plus en plus souvent maintenant, le garçon qui n’a pas de
copine ou la fille qui n’a pas de copain sont traités d’« homosexuels » : s’ils
ne sortent pas avec quelqu’un de sexe opposé, c’est qu’ils doivent être
attirés par les personnes de même sexe… Ce raisonnement débile est très
dangereux, car il peut mener un jeune fragile de l’inquiétude au désespoir,
comme nous l’avons observé plusieurs fois.
Aujourd’hui, vous avez bien l’impression que vos copains et copines
se sont peut-être plus fait avoir qu’ils ne le pensent ; ils croyaient tout
savoir, et en réalité, ils ont d’énormes problèmes sentimentaux, sexuels…
Le moral, la « pêche », vous le constatez vous-mêmes, ils l’ont souvent
perdu. Ils ne parlent que d’amour, que de « fesses », que de mecs, que de
« c… ». Bien sûr, vous les écoutez, mais parfois, vous en avez un peu ras-
lebol: c’est toujours pareil. C’est un peu comme la télé ou la radio, les
magazines. Dans le « dégueulasse » et le trouble, vous n’avez plus grand-
chose à apprendre. Ce que vous voulez savoir, c’est le normal, le vrai : est-
ce que le véritable amour est aussi décevant que ça ? Estce que dans
l’amour, on est obligé de « sodomiser » ? Ou d’être « sodomisé » ? Les
mots sont percutants, mais il faut appeler un chat, un chat… Allons plus
loin : faut-il essayer les relations avec des personnes de même sexe pour
savoir ce que c’est ? Faire l’expérience ?
Toutes ces questions, vous ne vous les posez pas, mais il est important
que je vous en donne les réponses. Allons donc plus loin.
QUESTION 36

Les jeunes. – Bon, d’accord, vous nous


donnerez les réponses tout à l’heure, mais dites-
nous d’abord comment on peut vraiment réussir
notre première relation sexuelle. Car il est bien
vrai que pour ceux d’entre nous qui en ont
l’expérience, cela n’a pas bien marché, et pour les
copains et les copines qui nous en parlent
franchement, c’est pas terrible, c’est pas le
« pied »!

« La » première relation sexuelle est certainement un événement


capital dans la vie de l’homme, dans la vie de la femme. Je crois qu’il est
vraiment excellent que vous posiez cette question d’une façon aussi simple,
je dirais presque aussi naïve. Vous devez d’emblée savoir que, si beaucoup
de vos aînés ont eu ou ont des problèmes dans le domaine de la sexualité,
c’est en partie lié à la première ou aux premières relations sexuelles, ou du
moins à leur souvenir, à la façon dont cela s’est plus ou moins bien ou mal
passé.
Oh ! Bien sûr il ne faut pas dramatiser, il ne faut pas non plus en
exagérer l’importance, mais il faut souligner, vous le comprenez facilement,
qu’il s’agit là d’un moment de vie qui ne pourra jamais s’effacer de la
mémoire. Il est donc important et utile que le souvenir en soit agréable. Je
dirais à la limite que, dans l’intimité, celui ou celle qui a en lui un tel
souvenir devrait pouvoir en parler à l’un ou à l’autre comme un bon
conseiller.
Les jeunes. – À votre avis, lorsqu’on vit sa
première relation sexuelle dans l’amour et qu’il
arrive un échec ou une insatisfaction, comment
débloquer une gêne qui pourrait s’installer ?

Cela est encore fréquent et logique, car il faudra du temps pour que les
deux corps apprennent à se connaître dans l’intimité et la confiance. C’est
vrai aussi dans le mariage. Patience et amour font tout.
Il faut d’abord situer cette première relation sexuelle, car elle ne peut
pas résulter d’une simple envie, d’un désir subit, d’une pulsion irrésistible
qui ferait que, brutalement, Georges ou Robert ont eu envie de coucher avec
Julie, Sarah ou Nathalie, et qu’ils doivent la « consommer » sur-le-champ.
Vous le comprenez bien, ce n’est pas cette sorte de première relation
sexuelle qui va donner à celui qui la vit un souvenir éclatant. Celui qui
suivra sa pulsion en allant consommer Julie, Sylvie, Sarah ou Nathalie,
celui-là, il le sait bien, va vivre une grande déception, celle de la
masturbation pratiquée à deux. Elle sera plus grave encore – plus
importante en intensité – car la déception de la masturbation ne touche
qu’une personne, celui ou celle qui la pratique ; elle est sans témoin. Au
contraire, la déception de la première relation sexuelle a un témoin, qui est
censé(e) être le témoin d’une réussite, le témoin d’une virilité ou d’une
féminité accomplie, le témoin de l’amour: là est l’échec, avec tout ce qu’il
comporte de souvenirs.
La première relation sexuelle dont je vous parlerai, c’est donc la
« grande première ». Un peu comme le montagnard qui va faire une grande
première dans les Jorasses, ou au mont Blanc, il se prépare. Aucun détail ne
sera négligé. Il n’oubliera pas son matériel, ni la réserve de calories pour
avoir l’énergie nécessaire à la réalisation de cette grande première.
Dans le cadre de la première relation sexuelle, l’énergie, les calories, le
matériel, c’est l’amour, c’est le désir d’aimer. Ce n’est pas de la sexualité,
du sexe d’abord, c’est de l’amour d’abord. Je veux dire de l’Amour avec un
grand A, ce qui correspond aux sentiments, ce qui correspond au cœur, au
centre, au plus profond de toi-même, de vous-mêmes.
Vous devez vous poser cette question: j’aime Julie ou j’ai soif de
Julie ? Je suis prêt à lui faire plaisir ou je veux me faire plaisir ? Je l’aime
tellement que si elle me dit de ne pas la toucher, je ne la toucherai pas, ou je
l’aime tellement que si elle me dit de ne pas la toucher, je la toucherai
quand même ? Je l’aime au point de vouloir la violer, ou je l’aime au point
de vouloir la respecter comme un vase de cristal, comme une fleur
précieuse que l’on n’ose effleurer, de peur d’en abîmer les pétales ?… Je
l’aime au point d’être capable d’attendre, et d’attendre longtemps si elle/il
n’est pas prêt. Cela vous paraît du roman, c’est surtout de l’amour.
QUESTION 37

Les jeunes. – Beaucoup de réflexions sur la


« grande première » ! Nous ne sommes pas
habitués à tant d’explications… Continuez !

Attention: les questions que vous devez vous poser, ce n’est pas après
la première relation sexuelle qu’il faut vous en souvenir, comme le font le
plus souvent les jeunes. Il faut se les poser avant. On ne se pose pas ces
questions dans la boîte de nuit, un quart d’heure avant de s’allonger dans la
voiture, ou sur le chemin d’une chambre d’hôtel où l’on va retrouver la
petite amie ou le petit copain, ou avant d’enlever sa dernière chaussette !
Ces questions, il faut se les poser plusieurs semaines ou plusieurs
mois, parfois plusieurs années auparavant. Vous comprenez ce que cela
signifie : le paramètre « temps », dans le domaine de l’amour, est un
paramètre capital. Pour aimer quelqu’un, il faut le connaître. On ne peut pas
aimer quelqu’un qu’on ne connaît pas ; ce n’est pas connaître quelqu’un
que d’avoir dansé des slows ou quelques rocks, ou de partager son goût
pour le hard, ou de l’avoir eu au téléphone ou sur Internet, ou de l’avoir vu
sur une photographie, ou de l’avoir rencontré dans une boîte de nuit, dans le
métro ou au bord d’une route…
La boîte de nuit, le bord de route : c’est comme le « bordel », c’est
aller coucher avec une femme ou un homme pour soulager la tension
sexuelle qui nous pousse, nous tourmente. Pour un homme, c’est avoir la
sensation qu’il est nécessaire de se « vider » parce qu’on a l’impression
d’avoir de la semence en trop, parce que c’est « plein à ras bord ». Les
garçons, vous comprenez parfaitement ce que je veux dire. Ce type de
pensée mécanique n’est pas synonyme d’amour.
Bref, pour la grande première, il faut un assez long temps de
préparation. De plus, vous, les garçons, n’oubliez pas qu’avoir une relation
sexuelle avec une fille qui en est à sa première fois, c’est « déflorer » cette
fille; c’est supprimer en elle la marque de sa virginité. C’est, d’une certaine
façon, laisser de soi-même une marque indélébile sur une autre personne.
C’est fuir lâchement sa responsabilité que de ne pas y penser ou de s’en
moquer ! C’est, disons le clairement, exploiter l’autre.
Il est vrai que, de nos jours, on trouve beaucoup de jeunes filles qui ne
s’arrêtent pas à de telles considérations. Mais je ne suis pas certain qu’en
réalité, il n’y ait pas là quelque chose de très important pour la fille. Qu’en
dites-vous, Brigitte, Sonia, Béatrice, Sarah… ?
QUESTION 38

Julie, Sylvie, Sarah, Amélie. – Pour nous, c’est


important, c’est vrai. C’est même très important.
C’est une sorte de barrière, qui a ou n’a pas été
franchie. Puis c’est un nouvel état de vie, par
rapport à un ancien ; lorsque la virginité n’est
plus, nous nous sentons « plus » femmes ; nous
n’en avons pas honte, nous n’en avons pas peur,
mais il faut reconnaître qu’il y a là pour nous un
certain mystère.

Les filles. – Ce mystère, il est assez rare que nos parents osent nous en
parler. À propos de la disparition de la virginité, nous trouvons parfois
quelques réponses dans les livres, dans des romans, des BD, des discussions
entre camarades, filles ou garçons… C’est vrai que pour nous, la perte de la
virginité nous attire et nous effraie à la fois, comme un aimant à deux faces,
attraction et répulsion. Ce qui nous importe le plus, à nous filles, c’est la
personne avec laquelle nous déciderons de dépasser ce stade de la virginité.
C’est ce qui compte le plus, et souvent les garçons ne le savent pas, ne s’en
rendent pas compte, ce n’est pas leur problème. Ils sont pressés, ils veulent
coucher avec la fille, c’est tout ce qui les intéresse. Beaucoup sont
irresponsables !
Pour nous, il y a toujours une sorte de petit « interdit ». Nous sentons
bien que nos parents n’aimeraient pas cela à nos âges, qu’ils ne seraient pas
trop d’accord, et encore moins nos grands-parents. Cependant, aujourd’hui,
on arrive plus facilement à les convaincre. Certains parents nous poussent
en nous incitant à prendre la pilule, ou en nous donnant des préservatifs.
Tout le monde le fait, le monde a changé…
En même temps, nous sommes attirées, nous voudrions savoir
comment cela se passe, qu’est-ce que c’est, qu’est-ce que cela va nous faire,
mal ou pas mal ?

Henri Joyeux. – Et vous les garçons, qu’en pensezvous ?

Sébastien (qui a déjà eu des relations sexuelles). – Oh, pour nous,


c’est très simple. Au début, on a envie de faire ce qu’on a vu à la télévision,
sur l’ordi, ou ce que les copains racontent. C’est caricatural : c’est clair,
c’est net, c’est droit au but. Je me souviens d’un copain qui me racontait
comment il avait fait pour « violer sa première fille », il en était très fier ; je
suis certain qu’il avait inventé la moitié des choses qu’il m’a dites et qu’il
s’est retrouvé comme un imbécile, trois minutes et quatre secondes après
que cela ait commencé.
QUESTION 39

Virginie (qui n’en est plus à la première fois). –


Oui, c’est exactement ça, les garçons sont toujours
pressés, ils ne nous attendent pas. Avec eux, cela a
à peine commencé que c’est déjà fini. Pour arriver
à maîtriser un garçon, ce n’est pas évident !
Surtout la première fois.

En général, comme dit la pub, ils veulent tout, et tout de suite. Nous,
les filles, c’est exactement l’inverse que nous attendons. Nous souhaitons
douceur, tendresse, délicatesse, caresse, amour, respect… Nous n’avons
droit le plus souvent qu’à du sexe, à subir une sorte de violence. D’ailleurs,
dans le mot « violence », comme vous nous l’avez dit, il y a « viol »… Oui,
en réfléchissant, c’est un peu ça: on a un peu l’impression d’être violées.
C’est cela, la perte de notre virginité. On nous arrache, on nous prend une
partie intime de nous-mêmes.
C’est vrai qu’on est consentante, au début ; mais on ne s’attend pas à
une telle réalité. On a peut-être trop idéalisé cette première relation
sexuelle, à travers les romans, les livres, les confidences. On lit tout et son
contraire dans ce domaine ! On ne s’attend pas à ce que ce soit si vite et si
brutal. Les garçons, d’ailleurs, ont toujours leur plaisir, leur « orgasme »
comme on dit en terme technique. Quant à nous, le plaisir, l’orgasme, c’est
souvent bien difficile à avoir. D’ailleurs j’aimerais bien que vous nous
donniez quelques conseils dans ce domaine…

Henri Joyeux. – Cela me rappelle une jeune de 18 ans qui, à la sortie


d’une conférence, me disait : « Tout ce que vous avez dit, je le savais, je le
pressentais ; finalement, j’aurais dû l’entendre deux ans plus tôt ! »
QUESTION 40

Frédéric, Yann, Julien, Éric. – Revenons à la


première fois, la grande première, comme vous
dites.

Je crois que vous avez compris que la grande première se prépare.


Mais cela ne se prépare pas tout seul. Évidemment, on est deux. Mais je
dirais qu’on est même plus que deux. Non pas au moment où cette relation
va se vivre : là, vous êtes dans l’intimité, il n’y a pas de caméra invisible. Il
y a lui, elle, elle et lui, l’un pour l’autre, chacun tout entier. Mais je reviens
sur les autres, l’entourage, les amis, les parents, la famille, les frères, les
sœurs. Ils ne sont pas indifférents à votre bonheur. Ils sont indifférents au
fait que vous ayez ou non une relation sexuelle – précoce ou non (cela ne
les regarde pas) –, mais ils ne sont pas indifférents à votre joie, à votre
devenir.
Et en ce sens, il n’est pas inutile, ou « débile » comme vous dites
souvent, que vous les mettiez l’un ou l’autre dans le secret. Demander un
avis, savoir ce que pense celui ou celle en qui on a la plus grande confiance,
cela permet de mûrir son projet, de mieux se préparer à cette grande
première. Bien sûr, vous n’allez pas demander à votre voisin comment il
faut faire. Ce n’est pas de cela qu’il s’agit, évidemment. Vous allez
demander à votre confident ou confidente, père ou mère, oncle ou tante,
grand-père ou grand-mère, ce qu’il pense de votre camarade, de celui ou de
celle que vous commencez à aimer.
Est-ce que vous oserez en parler directement à votre mère ou à votre
père ? Pourquoi pas, si votre mère, comme c’est le plus souvent le cas, est
aussi votre confidente ? Bien sûr, elle craindra pour vous l’échec, la
blessure… C’est à vous de savoir. Vous allez avoir un avis extérieur, une
lumière, un éclairage extérieur à vous-même, qui rendra votre démarche
plus claire dans un sens ou dans l’autre, soit faisant apparaître une ombre au
tableau, soit au contraire éclairant d’une façon merveilleuse tel aspect de la
personne que vous n’aviez pas vu, et qui va vous la faire aimer encore plus.
Ces avis extérieurs ont une grande importance, non pas tellement pour
que vous vous décidiez, mais pour que vous mûrissiez davantage votre
amour, votre projet. Faites aussi attention à tel ou tel parent qui peut vous
donner des conseils liés directement à ses propres blessures. Au fond, des
conseils à ne pas suivre.
S’aimer, c’est bâtir quelque chose ensemble, un projet de vie. Ce n’est
pas simplement avoir le désir de passer une heure sur un canapé, ou dans un
pré, pour avoir une relation sexuelle ; bref, pour pratiquer des
« amourettes » de passage qui n’ont aucun sens et aucun avenir.
QUESTION 41

Alexandre, Simon, Sarah, Amélie, Annabelle,


Agathe, Yann et Brigitte. – Ce que vous dites est
vrai, car il nous semble que si notre première
relation, si nos premières relations sont ratées, on
risque de s’acheminer presque fatalement vers des
rencontres ultérieures plus ou moins passagères, à
la recherche de l’amour, en ayant toujours la
hantise de nous tromper, de ne pas vraiment le
trouver. C’est l’impression que nous donnent nos
camarades qui ont eu une ou des expériences
sexuelles précoces, quand ils nous en parlent.
Qu’en pensez-vous ?

Avoir des relations sexuelles très nombreuses avec plusieurs


partenaires rend très difficile, plus tard, de vivre le grand amour. Car le
grand amour est toujours fidèle, exclusif, il ne peut pas concevoir
l’infidélité; sinon ce ne serait plus le grand amour. Il se vit dans
l’exclusivité.
Au fond de nous-mêmes, garçons et filles, nous sommes très exigeants
sur l’amour. L’infidélité se pardonne très difficilement, elle fait toujours des
ravages, elle laisse des traces indélébiles. Malheureusement, les traces de
ces ravages commencent très tôt aujourd’hui, après le classique break, la
rupture sentimentale entre deux jeunes, garçon et fille, qui ont eu une ou
deux relations sexuelles qui ne marchent pas, ou qui n’ont pas marché
longtemps.
J’ai soigné une jeune femme qui a eu de nombreux partenaires
successifs et qui, à 40 ans, pensait avoir trouvé enfin le compagnon de sa
vie, sympa, délicat, tous les deux ayant beaucoup « roulé »… Et voilà que
la catastrophe l’atteint, avec un cancer du sein1 qui nécessite une grave
opération et des traitements qui font tomber sa belle chevelure.
Mais revenons à vos âges. Chacun va partir de son côté, plus ou moins
blessé, ayant plus ou moins perdu virginité et illusions. On risque alors
d’évoluer vers une sorte de course effrénée, recherche des plaisirs,
recherche d’un amour que l’on ne trouve jamais, recherche d’une certaine
pureté, fidélité… On va de déceptions en déceptions, alors on passe
d’amourettes en amourettes, de partenaires en partenaires, à la recherche
d’un plaisir uniquement physique, puisque le plaisir sentimental,
intellectuel, l’amour, le grand, paraît impossible.
Certains jeunes me disent très tôt, à 15 ou 16 ans, qu’ils ne croient plus
en l’amour, qu’ils ne peuvent plus être amoureux, que cela est impossible.
Ils l’ont été, mais ils ont perdu confiance en eux et dans les autres, ils ne
croient plus en l’Amour avec un grand A. C’est très dommage. Cela
s’explique. Pour aimer les autres, pour aimer l’autre, il faut d’abord s’aimer
soi-même, bien se connaître, « être bien dans sa peau ». Il faut aider le
jeune à comprendre ce qui s’est passé et à mettre les blessures à leur juste
place, à faire un chemin de reconstruction. Cela demande du temps, il ne
suffit pas d’un coup de baguette magique.

1. Pour vos parents et pour vous-même, je vous conseille de lire Stress et cancer du sein, éditions
du Rocher, 2012 ; et Comment enrayer l’épidémie des cancers du sein et les récidives, éditions
François-Xavier de Guibert, 2010.
QUESTION 42

Fabrice, Simon, Ahmed, Jérôme, Yann, Sarri,


Philippe. – Et la virginité chez les garçons ? Elle
existe bien, avant d’avoir eu une première relation
sexuelle ?

Bien entendu, comme pour la fille, mais elle est de nature différente.
On dit plutôt que le garçon est « puceau »29. C’est un point important à
préciser, car la question qui se pose, en clair, est de savoir s’il faut
conseiller à un garçon de rester puceau jusqu’à 24 ou 28 ans, par exemple,
ou, au contraire, de perdre sa virginité sans hésiter et d’avoir une relation
avec une fille dans n’importe quelles conditions, pour l’honneur et la fierté
de pouvoir dire qu’il n’est plus puceau. Certains, et même beaucoup de
psychologues ou psychiatres, y poussent, mais n’en mesurent pas les
conséquences, sauf quand c’est trop tard.
Rares sont les hommes qui parviennent au mariage dans cet état-là.
« Puceau », avouez que l’expression n’est pas terrible ! Pourtant, on peut
imaginer la joie de la jeune femme – et celle du jeune homme – lorsqu’elle
sait que celui qui vient à elle n’est jamais allé avec une autre femme.
Évidemment, la réciproque est encore plus vraie. Il s’est réservé, il a
attendu, il a voulu se garder pour elle. N’est-ce pas là une grande preuve
d’amour ? N’est-ce pas cela, le début du grand amour ? Ce grand amour qui
a mûri et qui a permis d’attendre cette première, cette grande première, à
laquelle nous revenons.
Être vierge pour une fille ou puceau pour un garçon ne doit pas être
une honte, mais une preuve d’auto-nomie, d’indépendance et de liberté.
Aujourd’hui, c’est une forme d’héroïsme, qu’il ne faut pas craindre
d’affirmer. Être original, c’est ne pas faire comme tout le monde !
1. Cf. le livre pour les 13-15 ans, Comment c’est la sexualité ?, éditions du Rocher, 2012.
QUESTION 43

Isabelle, Sonia, Julie, Fatima, Brigitte. – Avant


d’y revenir, pouvez-vous nous dire quelles sont
pour nous, les filles, les conditions de cette grande
première ? Finalement, nous avons compris qu’il
ne faut pas se presser, qu’il nous faut discerner,
observer, sélectionner…

C’est cela, vous exprimez bien la situation. Il faut des conditions pour
arriver à cette grande première, et je les simplifierai en une seule phrase : il
faut être sûr(e) que l’on aime et être sûr(e) que l’on est aimé(e).
Voilà déjà deux conditions.
Suis-je bien sûr(e) que je l’aime ? En général, la période de
l’adolescence, puis de la post-adolescence, nous a permis de connaître
beaucoup d’amis et amies. Or, que nous soyons garçons ou filles, nous
avons en général été attiré(e)s par plusieurs, et pas par un seul ou une seule.
C’est au fur et à mesure de l’évolution de notre adolescence, de notre post-
adolescence, que nous avons sélectionné (même inconsciemment) dans
notre esprit et dans notre cœur les détails qui vont nous attirer plus
particulièrement vers tel ou telle.
Puis un jour, sur notre route, par les hasards de la vie, on fait une
rencontre qui fait tilt, une rencontre qui nous marque profondément au fond
du cœur, une rencontre qui fait qu’on est certain, au fond de soi-même,
qu’elle est importante, essentielle pour notre vie future. Cela se sent plus
que cela ne se met en équation; cela se perçoit, et cela va progressivement
se révéler. Suis-je attiré, ou amoureux ? Qu’est-ce qui m’attire ? Est-ce son
corps, son esprit, son intelligence, son métier, sa fortune ? Toutes ces
questions d’abord embrouillées traversent la mémoire et la réflexion.
Qu’est-ce qui m’attire vers celui-ci ou celui-là ? Parfois, on ne sait pas
bien.
Je crois que la première réponse que nous ferions tous serait : elle me
plaît ou il me plaît. Certes, elle me plaît ou il me plaît physiquement, mais,
au-delà du physique, j’aime le son de sa voix, sa façon de marcher, j’aime
sa façon d’être, j’aime ses cheveux, j’aime sa nonchalance ou son activité,
son calme ou son exubérance, sa façon de me parler, de me respecter.
Bref, j’aime le voir, j’aime être avec lui ou avec elle; je l’attends
impatiemment; je pense à lui ou à elle; j’aime penser à lui ou à elle ; je me
sens bien en sa présence, je me sens bien lorsque je pense à lui ou à elle.
J’ai sa photo, elle est sur mon cœur, sur ma table de travail, de nuit, elle est
toujours avec moi. Je ne la montre qu’à ceux en qui j’ai la plus grande
confiance, elle est secrète, elle est à moi. Quand je le ou la regarde sur la
photo, je lui parle, parfois même je me surprends à lui parler tout haut, et je
m’entends… J’attends une réponse, et je la donne pour lui, pour elle. Son
visage ! Je crois voir son visage s’animer sur la photo, furtivement parfois
j’embrasse la photo, comme un enfant.
C’est vrai, amoureux, je sens que je redeviens enfant, mais je ne suis
pas un enfant. Je suis en train de devenir adulte. J’aime, j’aime, je suis
amoureux, je suis amoureuse, quelle joie, quel bonheur de se sentir fait pour
quelqu’un qui nous va si bien, je suis si heureux, heureuse !
Est-ce que je me sens à ce point « transporté(e) d’amour » que j’ai
vraiment envie de vivre avec lui, avec elle, cet amour-là toute ma vie ?
Celui ou celle qui vit tout cela peut affirmer qu’il aime ou qu’elle
aime. Mais est-il, est-elle aimé(e) en retour ? Patience !
QUESTION 44

Florence, Yann, Fatima et Julie. – Suis-je bien


certain(e) qu’il ou qu’elle m’aime ? Que je suis
aimé(e) ?

À cette question, il est bien difficile de répondre. Il faut souvent plus


de temps que pour répondre à la première question : il s’agit de l’autre, il
s’agit de la personne que l’on aime, on voudrait tant être aimé(e) en retour !
Et autant que ce que l’on aime soi-même… Je ne veux pas me faire
d’illusions : suis-je bien certain(e) de ses sentiments pour moi ?
Oui, je sens bien qu’elle a besoin de moi. Elle, elle cherche une
sécurité, elle est à l’âge de vivre ensemble, peut-être rêve-t-elle du mariage,
et j’ai une bonne situation : m’aime-t-elle vraiment ?
C’est vrai que pour mon anniversaire, elle m’a offert une cravate, ou
un mouchoir brodé ; c’est vrai qu’elle a souvent des petites attentions pour
moi, mais il me semble qu’elle en a moins que je n’en ai pour elle. Parfois,
j’ai l’impression qu’elle ne comprend pas, qu’elle n’imagine pas tout
l’amour que j’ai pour elle, alors c’est cela qui me fait douter. M’aime-t-elle
vraiment ? Tient-elle à moi ? Elle m’a dit qu’elle avait déjà aimé plusieurs
garçons, mais cela ne m’intéresse pas : est-ce que moi, je l’intéresse
vraiment ? J’ai une envie folle de l’embrasser, mais j’ai peur de l’impor-
tuner, je ne suis pas certain qu’elle ait la même envie que moi, du moins
qu’elle soit aussi forte… J’ai l’impression qu’elle me craint, qu’elle a un
peu peur de moi, peut-être craint-elle que j’aie tellement envie d’aller avec
elle, que je ne veuille et ne pense qu’à coucher. Faut-il que je lui en parle,
faut-il que je lui dise ? Que dois-je faire ?
Ce que ressent la jeune fille est assez proche, mais avec des nuances.
Amélie a peur de ne pas être vraiment aimée de Patrick. Cette idée lui vient
de temps en temps, même quand il est avec elle : m’aime-t-il vraiment,
n’aime-t-il que moi ? Je l’ai bien vu, la semaine dernière, quand il m’a dit
lui-même qu’il était intéressé par d’autres filles. Il y avait une blonde, une
brune, il y avait une fille aux yeux verts, il m’a beaucoup parlé de celle aux
yeux bleus : les miens ne sont pas bleus ! Et je suis plus petite… Il adore
mes cheveux, mais…
Il y a un doute en moi. Quand il est avec moi, il est très entreprenant,
presque trop. C’est vrai que, de temps en temps, mon corps frémit, mais je
sens qu’il cherche à me faire frémir. Il est plus démonstratif en gestes qu’en
paroles : il sent, je crois, que cela me gêne assez, alors je remarque qu’il fait
attention. Mais il est comme une libellule cherchant à se poser sur la fleur,
qui tourne, tourne et retourne encore. On sent qu’il veut y arriver et si je le
laisse trop faire, il y arrivera. Je vais finir par lui céder et je sais que si je lui
cède, il faudra tout céder, et je vais perdre ma virginité. Au fait, est-ce
important pour moi ? Pour lui ? Que penser ? Que faire ?
Mais est-ce que vraiment je veux tout lui céder ? Sera-t-il mon
compagnon de vie, l’élu de mon cœur ? C’est vrai, qu’il l’est pour moi,
mais je ne veux pas qu’il le reste si je ne le suis pas, moi, pour lui. Je veux
la réciprocité, je le veux tout entier, je le veux fidèle, absolument fidèle,
exclusif, je veux qu’il soit à moi, je veux qu’il m’aime, moi, et pour
toujours… Je veux, je veux, je veux, mais suis-je sûre que lui voudra ? Il y
a tellement de jeunes qui couchent ensemble, et puis c’est le break, la
rupture ! Il y a tellement de jeunes qui se disent qu’ils s’aiment pour
toujours, et qui ne s’aiment pas réellement. Il y a tellement d’exemples
devant moi que j’ai un peu peur.
Oui je l’aime, mais j’ai peur de ne pas être aimée. Oui, je l’aime, mais
je ne suis pas sûre vraiment, je ne suis pas absolument certaine que je ne me
trompe pas. Alors ?…
QUESTION 45

Les jeunes. – Dans l’amour, il y a beaucoup de


doutes…

Oui, vous, les jeunes, exprimez bien vos doutes, et ces doutes, tous les
jeunes du monde les ont ressentis et exprimés avant vous. Tous les jeunes
du monde les vivront après vous. Dans tous ces doutes, il faut essayer de
discerner, de voir clair.
C’est l’épreuve du temps qui permettra à votre cœur d’être certain. Ce
n’est pas du jour au lendemain, d’une semaine à l’autre, que vous arriverez
à savoir que vous êtes aimé(e). Ce n’est pas parce qu’il ou elle vous aura
dit, même juré qu’il ou elle vous aime, que vous serez aimé(e).
Ce n’est même pas parce que vous aurez vous-même juré, que vous
aimerez. Non, patientez, attendez, écrivez-vous, envoyez-vous des lettres,
des e-mails. On n’imagine pas suffisamment l’importance de l’écriture,
l’importance de mettre sur le papier, de formuler ses sentiments. Ce que
l’on n’ose pas dire, exprimer avec sa voix, on peut l’exprimer avec sa
plume. Non, ce n’est pas une étude graphologique que fera celui ou celle
qui recevra la lettre, mais une étude des méandres de votre cœur, du plus
profond de vousmême, et c’est là qu’il ou elle arrivera à discerner dans
l’expression de votre phrase, dans la façon dont vous commencerez, par le
prénom simplement, ou d’entrée avec « chéri(e) »… Cela ne sonne pas de
la même façon. De même, votre façon de terminer votre lettre, sa longueur,
sa rareté, comme la date de la poste et celle de la lettre peuvent être
interprétées. Bref, il y a là tout un cadre amoureux qu’il ne faut pas
négliger.
Écrivez-vous, n’hésitez pas à chercher à exprimer vos sentiments, mais
n’écrivez pas n’importe quoi. Soyez francs, soyez droits, dites-vous la
vérité. Pas brutalement, mais pas à pas. Chacun de vos parents ou grands-
parents pourra vous raconter comment il était « amoureux » du facteur qui
allait apporter cette lettre tant attendue. Le matin, dès le lever, on guette
l’heure et les pas du facteur. Le courrier n’est pas encore là, on est suspendu
à ce petit carré de papier qui conditionne la joie de toute une journée, d’une
semaine, peut-être d’une vie entière…
Quand on reçoit la lettre, on ouvre l’enveloppe avec délicatesse, sans
l’abîmer, avec amour, le cœur battant à mesure que la feuille sort de
l’enveloppe. On reconnaît l’encre, l’écriture, on sait la forme et la couleur
du stylo, on respire l’odeur du papier, on l’embrasse avec la tendresse d’un
enfant : oui, l’amour vrai nous rend la pureté de l’enfance. Il ne peut ni
s’expliquer ni se mettre en équation, il est du domaine de l’invisible. Il est
loin, elle est loin, et pourtant cet éloignement ne fait qu’approfondir notre
amour.
En regardant le soir les étoiles dans le ciel, en essayant de compter cet
infini que tu contemples audessus de ta tête, tu penses à lui, tu penses à elle.
Tu es profondément, éperdument amoureux, amoureuse; tu es bien, tu es là,
tu lui parles et il, elle, n’est pas là ; il, elle te parle, tu l’entends au-delà de
l’absence ; c’est sa voix, ce n’est pas la tienne ; oui, l’amour, c’est une
vibration qui part de l’un, qui va vers l’autre, qui va d’un cœur à l’autre, qui
va du cœur au cœur, même à 10 000 km de distance…
QUESTION 46

Sylvie, Fatima, Amélie, Julie, Simon, Fabrice,


Sonia et Patrick. – Finalement, la relation sexuelle
ne serait que l’aboutissement de cet état
amoureux et deviendrait une « relation
amoureuse » ?

Plus encore ! Car pour que la relation sexuelle se fasse dans les
meilleures conditions, il faut qu’il y ait entre les deux partenaires une totale
confiance. J’insiste sur l’adjectif « totale » ! Il faut qu’elle soit illimitée,
cette confiance, et que chacun puisse se donner à l’autre sans la moindre
restriction, sans la moindre ambiguïté. C’est cette confiance que l’on
retrouve dans le couple qui s’aime vraiment. La femme se donne totalement
à l’homme qu’elle aime, sans la moindre réticence ; elle lui appartient et il
lui appartient. Ils se sont engagés, ils ont engagé leur vie pour construire
ensemble.
Le jour J, la grande première aura lieu dans la paix et la joie car tout
aura été préparé: les esprits, les cœurs, les corps. La relation sexuelle, je
préfère dire la « relation amoureuse », est devenue le summum de l’amour,
de cet amour mûri et préparé. Certes, elle n’en est pas le but unique, mais il
n’y a pas de peur, pas de réticence. Chacun se donne à l’autre totalement,
sans méfiance, dans la confiance, comme un enfant se jette dans les bras de
sa mère, avec une confiance entière et absolue. Je te donne tout moi, tu me
donnes tout toi.
QUESTION 47

Sylvie, Fatima et Anne. – Une de nos


camarades, 18 ans, est très amoureuse d’un
garçon qui a le sida. Elle nous en a parlé, elle
l’aime beaucoup, mais elle a peur de coucher avec
lui. Qu’en pensez-vous ?

Henri Joyeux. – Mais, est-ce son premier amour, ce garçon ?

Sylvie. – Oh, non c’est au moins son troisième, je la connais bien ! À


16 ans, elle était très amoureuse de Kevin, mais cela n’a pas duré très
longtemps, sept ou huit mois. Elle a couché avec lui, mais elle s’est aperçue
qu’il couchait avec une autre fille, elle n’a pas pu supporter.

Henri Joyeux. – Et après ?

Sylvie. – Ensuite, elle est sortie avec un autre copain dont le nom ne
m’est pas resté, mais elle ne l’aimait pas vraiment. Ils couchaient ensemble
régulièrement. Elle disait que c’était physique entre eux. Celui qui a le sida
est le troisième, ou le quatrième peut-être, mais elle a vraiment l’air de
l’aimer. Comment l’expliquezvous ?

Henri Joyeux. – Vous savez, l’amour ne s’explique pas toujours. Si


cette fille est attirée par ce garçon, c’est qu’elle partage avec lui un grand
nombre de sentiments. Certainement est-elle intéressée par sa culture, son
comportement, sa façon d’être, peut-être de chanter, comme de parler, ses
goûts musicaux et artistiques…
Voyez-vous, ce qui me frappe dans ce que vous dites, c’est que, en
même temps qu’elle est très amoureuse, elle a peur : elle a peur de coucher
avec le garçon. Pourquoi ? Évidemment parce quelle a peur d’attraper le
sida. Elle sait bien qu’il est possible qu’elle l’attrape aussi. Mais, dites-moi,
comment a-t-elle su qu’il était porteur du virus du sida ?

Sylvie. – Son copain le lui a dit, tout simplement !

Henri Joyeux. – C’est un garçon très droit et très honnête, alors ! C’est
bien qu’il l’en ait avertie ! Tous ne le font pas. Il est porteur du virus, mais
cela ne veut pas dire qu’il va mourir, ni immédiatement ni dans l’année qui
suit. Il peut être séropositif sans être atteint par lamaladie pendant plusieurs
années, un à dix ou quinze ans, peut-être plus, on ne sait pas exactement. La
maladie est trop récente encore.
Ton amie est donc très amoureuse de ce garçon et on peut comprendre
leur problème : celui de leur relation sexuelle. Si elle a une relation sexuelle
avec ce garçon sans utiliser de préservatif, elle risque d’attraper le virus du
sida et d’être alors séropositive. Sa vie sera en danger. Évidemment, ce
n’est pas ce qu’elle souhaite et ce n’est pas non plus ce que son ami
souhaite. Donc, il utilisera probablement, ou il proposera certainement une
relation sexuelle avec préservatif.
Y a-t-il ou non danger ? On ne peut pas dire qu’il n’y a aucun danger.
Vous savez qu’un tiers au moins des préservatifs sont poreux (ceux qui
n’ont pas la norme), c’est-à-dire qu’ils ne sont pas fiables, puisque la fine
membrane qui les constitue peut laisser passer le virus présent dans le
sperme lors de l’éjaculation (le virus a en effet un diamètre plus petit que
les pores de ces préservatifs). Il y a de nombreuses marques de préservatifs,
et on ne peut pas dire que toutes les marques dangereuses ont été retirées du
marché. Ceux qui portent la mention NF (Norme Française) sont les plus
fiables. Le risque de rupture serait de 2 %. Mais il faut tenir compte aussi
du manque d’expérience, de la précipitation, de la sueur comme de la
salive, qui ne sont pas « barrées » par un préservatif et dans lesquelles le
virus du sida est présent en quantité variable selon la gravité de la maladie.
QUESTION 48

Sylvie. – Alors, que conseiller à notre camarade


qui aime un garçon qui a le sida ?

Il peut y avoir relation amoureuse, sans relation sexuelle. C’est


possible. Il faut lui conseiller d’éviter les relations sexuelles avec ce garçon,
sans être obligée de le quitter et de l’abandonner. Elle peut également
essayer de lui conseiller de rencontrer des spécialistes qui pourraient l’aider
à lutter contre le virus présent dans son sang. Une alimentation raisonnable,
pas de fatigue excessive, des traitements qui stimulent son immunité…
C’est quand même atroce d’en arriver là, vous ne croyez pas ? Que des
jeunes qui s’aiment puissent avoir peur l’un de l’autre, puissent avoir peur
d’attraper une maladie mortelle dans le cadre du summum de la relation
amoureuse, quelle tristesse !
QUESTION 49

Les jeunes. – Une de nos copines de 16 ans est


enceinte. Que pouvons-nous dire ou faire, puisque
ses parents la poussent à se faire avorter ?
Aujourd’hui, l’avortement est légal.

Ce cas se présente malheureusement assez souvent. Il peut être à


l’origine de conflits très graves entre l’adolescente qui devient adulte – ne
serait-ce que parce qu’elle attend un enfant – et ses propres parents. Les
parents n’ont pas tous cette attitude, certains vont même jusqu’à adopter
l’enfant. C’est plutôt l’environnement social, amis, travail, médias, qui
considèrent comme impossible de mener à terme une grossesse à cet âge-là:
« L’adolescente est immature… », « De toute façon l’enfant ne sera pas
heureux… », etc.
En général, le père a disparu, parfois on ne le connaît même pas. Bref,
la situation est tellement inextricable que la seule solution paraît être
l’avortement. Comme, en plus, aujourd’hui il est légal, il peut se faire
simplement ! On peut même éviter une hospitalisation en utilisant un
médicament, comme le RU 486, qui entraînera un avortement chimique. Il
apporte une forte dose d’anti-progestérone, puisque la progestérone est
l’hormone de la grossesse. Bref, la société peut résoudre facilement le
problème en supprimant la vie de l’enfant du sein maternel.
Ce qu’il faut souligner, aujourd’hui, c’est le changement intervenu
dans les mentalités des jeunes qui, de plus en plus souvent, n’acceptent pas
l’autoritarisme des parents. La meilleure façon de s’affirmer, en face de
l’autorité parentale et de la pression de la société, peut être justement de
garder l’enfant. Il y a trente ans, une jeune fille dans un tel état était le plus
souvent mise au ban de la société, on la montrait du doigt, et si on n’arrivait
pas à la faire avorter en cachette, cela pouvait être une catastrophe pour
toute la famille.
Aujourd’hui, la situation a radicalement changé. Une telle jeune fille
peut être considérée comme une véritable « héroïne » dans notre société, car
elle va décider de garder l’enfant et elle ira jusqu’au bout. La loi actuelle, et
c’est une bonne chose, reconnaît aussi l’état de parent isolé et a prévu des
aides financières : allocation de parent isolé ; allocation logement ;
allocation pré- et postnatale1. Il est bien évident que cela ne suffira pas pour
l’avenir et qu’il faudra absolument aider cette jeune mère à trouver un
travail pour pouvoir nourrir son enfant. Le rôle d’accueil des parents, de
toute la famille, de l’entourage sera essentiel.
La jeune mère peut également passer par le cadre de l’adoption, ce qui
l’obligera alors à signer un procès-verbal d’accord pour confier son enfant,
ce qui correspond au « don d’enfant ». Il faut bien dire que les lois actuelles
sur l’adoption ne sont pas favorables à une telle situation. Car connaissez-
vous beaucoup de mères, même à 16 ou 17 ans, qui accepteraient de donner
leur enfant après avoir mené la grossesse à terme ? Il n’en reste pas moins
qu’une jeune femme qui a un enfant à 16 ou 17 ans se trouvera confrontée à
de grandes difficultés. La solution ne serait-elle pas pour elle de donner son
enfant dans le cadre d’une modification de la loi sur l’adoption ? C’est
probablement ce qui se fera dans l’avenir2, lorsque la mère biologique
pourra choisir la famille adoptive et reprendre contact avec son enfant
devenu majeur ; sans que la mère ou les parents biologiques n’aient de droit
sur l’enfant, et inversement. Aux États-Unis, une mère seule peut décider de
confier son enfant à l’adoption et choisir la famille qu’elle souhaite, ce don
étant évidemment « balisé » par un avocat spécialisé. Attention, il ne s’agit
pas de la « grossesse pour autrui » (GPA).

1. L’assistante sociale du quartier donnera les renseignements les plus récents.


2. Voir le livre de Catherine Bonnet, Geste d’Amour - L’accouchement sous X, éditions Odile
Jacob, 1990.
La France devrait être le premier pays du monde en matière d’adoption nationale et internationale,
avec tous les cas de figures possibles, en fonction des désirs et des possibilités de chacun des couples
concernés.
Voir le rapport au Premier ministre du Pr J.-F. Mattei, La Documentation française, 1995.
QUESTION 50

Yann, Sonia, Brigitte, Geneviève, Ahmed, Luc. –


Revenons à la grande première : expliquez-nous,
donnez-nous les détails. Maintenant, nous y
sommes, toutes les conditions sont réunies; alors,
comment ça se passe ?

Je serai clair, et d’abord, je vous ferai remarquer qu’il s’agit là de la


relation la plus intime qui existe entre deux êtres. L’intimité, je vous l’ai
déjà dit, ne se montre pas, ne se filme pas. On peut en parler, donner des
conseils, mais l’intimité, c’est l’intimité. Les notions que je vais vous
donner seront à la fois générales et spécifiques, faisant état de l’expérience
de l’humanité en ce domaine, pour des jeunes arrivés à l’âge quasiment
adulte. Donc, vous avez le temps d’y réfléchir et, vous avez raison, il n’est
pas trop tôt, face à ce que vous voyez et vivez autour de vous.
Dans cette relation d’intimité, il y a ce que l’on peut appeler le prélude.
Il peut être différent d’un couple à l’autre, dépendant des individus, des
circonstances. Le prélude peut avoir été un repas aux chandelles, une soirée
à deux au cinéma la main dans la main, l’audition d’une belle œuvre de
musique classique au coin du feu, une sortie en boîte, un long voyage
ensemble « en tête à tête », en train, en voiture ou en avion… Ils ont été
ensemble, et seuls. Tous les deux ont partagé, parlé, rêvé ensemble…
QUESTION 51

Amélie. – Que se passe-t-il pendant le prélude


quand ça marche bien ?

Oh, il semble qu’il ne se passe pas grand-chose, et pourtant ces


moments sont très importants. Les deux amoureux sont ensemble, ils se
tiennent la main, ils se parlent ou se regardent… Les uns se retrouvent dans
le silence, les autres sont plus attachés à la parole. Évidemment, ils
expriment leur tendresse par des gestes, s’embrassent, se font des « câlins »,
comme disent les enfants. Bref, en chacun d’eux monte lentement, dans ce
prélude, le désir amoureux. Progressivement, leur esprit se met en état
d’éveil amoureux, d’accueil, de don, de tendresse et de délicatesse. Chacun
essaie de donner ou de dire à l’autre quelque chose qui lui plaît, qui le fait
réagir, frémir dans son corps, quelque chose qui va stimuler plus son
affectivité, augmenter son désir d’expression et d’union, la soif d’être
ensemble et la joie de s’unir.
Dans ce prélude, il y a une sorte de relation d’ordre spirituel entre les
deux amants, leur esprit est premier par rapport à leur corps. C’est vers la
fin de ce prélude que chacun va aller à la découverte de l’autre, à la
découverte du corps de l’autre. Cette découverte implique, c’est évident, de
découvrir l’autre, qui va progressivement et lentement se révéler, dans la
douceur et la beauté de son corps, feuille après feuille. Cette découverte
peut respecter un certain cérémonial fait de délicatesse, celui du don de
l’autre, qu’il faut savoir accueillir sans gestes brutaux et instinctifs.
L’inverse des gestes que vous voyez le plus souvent au cinéma, qui
signeraient une forte excitation et conduiraient à une rapidité excessive,
cause fréquente chez l’homme de ce qu’on appelle l’« éjaculation
précoce ».
Oui, chacun va découvrir l’autre en l’aidant plus ou moins, en
l’appelant à tel ou tel geste. Chacun, chacune a son originalité et il n’est pas
nécessaire d’aller copier à la télévision ou dans tel ou tel livre, film ou
autre. L’imagination est suffisamment grande chez chacun des deux pour
qu’ils découvrent seuls l’harmonie, la beauté, le potentiel d’amour qui
réside en chaque corps prêt à se donner à l’autre avec respect, dans la
pureté, la tendresse, la douceur, la délicatesse, la joie et le bonheur, loin des
soucis du quotidien.
Il n’est pas nécessaire de vous faire des dessins. Les deux corps vont
se caresser l’un l’autre, se donner beaucoup de joie, de plaisir, dans la
tendresse. L’un à côté de l’autre, les amants font connaissance avec leurs
corps, le corps de l’un fait connaissance avec le corps de l’autre, il n’y a ni
violence ni brutalité, elles n’ont pas de raison d’être. La sensibilité de
chacun devient extrême, plus particulièrement dans les régions génitales,
naturellement. Il est très important que les amants dialoguent, que chacun
dise à l’autre ce qu’il ressent, comment il reçoit telle ou telle caresse, tel
degré de douceur. Il ne faut pas avoir peur de demander à l’autre plus ou
moins, dans ses gestes, dans l’expression de son amour.
Les corps réagissent de façons différentes chez l’amant et l’amante.
L’amant réagit très tôt dans son corps pendant la relation amoureuse, c’est
l’érection. L’amante est en général plus lente à réagir. Certes, son corps
frémit sous les caresses de son amant, mais il est plus lent à s’éveiller, selon
les périodes de son cycle et selon son besoin de sécurité. Il est important
d’arriver à lui faire dépasser toute crainte, il faut tellement qu’elle soit en
confiance ! C’est alors seulement qu’elle pourra se donner davantage et
qu’elle traduira dans son corps les signes de l’appel ou de la soif d’amour.
C’est dire que la grande première ne peut avoir lieu « à la sauvette », entre
deux portes !
Le signe essentiel est la sécrétion de ce que les anciens appelaient, à
tort, « la semence féminine », la croyant même nécessaire et suffisante pour
donner la vie en se réunissant à la semence masculine ! Certains anciens
appelaient ces sécrétions des voies génitales féminines le « sperme
féminin ». Il s’agit effectivement d’une sécrétion, qui ne vient pas tout de
suite, mais qui survient de façon normale lorsque la femme a soif d’amour,
lorsque l’amante a soif de s’unir à son amant. Cette sécrétion lubrifiante est
indispensable pour que la relation ne soit pas douloureuse, mais tendre,
délicate, pour permettre une union complète des deux corps, si différents.
En effet, l’homme doit faire preuve de douceur, et c’est lentement,
sans violence, qu’il doit pénétrer la voie génitale de celle qui l’aime, de
celle qu’il aime, en s’inquiétant à chacun de ses mouvements, de leurs effets
sur elle.
Beaucoup d’amants et d’amantes sont muets dans la relation
amoureuse ; c’est une grave erreur, qui fait qu’on l’assimile trop souvent à
ce que l’on peut observer chez l’animal. C’est vrai que les animaux ne
parlent pas ! Et nous ne sommes pas des animaux ! Une véritable réussite
de cette relation amoureuse s’exprimera par le fait qu’elle aura été
prolongée, qu’elle aura réalisé une véritable union, communion, des esprits
et des corps, dans la confiance totale de l’un pour l’autre. Il faut que
l’homme soit conscient de la nécessité qu’il a de savoir se maîtriser,
patienter, ne pas se presser, pour donner à son épouse tout le plaisir qu’elle
peut attendre. Cela évite tant de déceptions !
Ainsi, l’amante, toute donnée à son amant, sera en véritable symphonie
avec lui, parce qu’il saura l’attendre en la couvrant de tendresse. Au bout du
dialogue amoureux des esprits, des cœurs et des corps, chacun donnant à
l’autre le maximum de plaisir connaîtra la joie intense que l’on appelle
l’« orgasme ». Pour l’homme, c’est le moment ultime de la libération de la
semence, qui envahit le corps de l’épouse au moment où elle le lui
demande. Pour la femme, c’est à ce moment de l’union corporelle totale
qu’elle ressent le maximum de plaisir « à en perdre la tête », car elle est
toute donnée, totalement réceptrice. Depuis les régions génitales, ses reins,
tout son corps, de la tête aux pieds, sont envahis de bonheur.
QUESTION 52

Julie et Florence (qui ont eu des expériences


sexuelles). – C’est bien vrai. Nous avons souvent
l’impression que les hommes ne nous
comprennent pas. Est-ce qu’on peut arriver, dès la
première fois, au bonheur ?

Beaucoup d’hommes, mal habitués depuis le départ par une


masturbation « exubérante », ont eu des difficultés à se maîtriser pendant
leur jeunesse et arrivent au mariage, ou au moment des premières relations
sexuelles, incapables de savoir attendre l’épouse, d’atteindre avec elle la
symphonie de l’amour.
Ne croyez surtout pas, vous les jeunes, que la symphonie de l’amour se
trouve dès la première relation sexuelle. La symphonie de l’amour, c’est le
summum de la chronicité de l’amour. Un jour, une jeune fille demandait à
sa grand-mère: « Dis-moi, Mamie, parle-moi de l’amour ! » Et la grand-
mère de lui répondre : « Ma petite, si tu veux savoir ce que c’est que
l’amour, aime le même homme pendant au moins dix ans, et alors tu sauras,
et tu n’auras plus envie d’en changer. »
Retenez surtout que, pour la femme, les plaisirs de l’amour n’existent
que dans la confiance la plus totale. Ce qui implique de la part de l’homme
de comprendre le fonctionnement, les besoins affectifs et la délicatesse du
féminin.
Les jouissances qui envahissent les écrans de télé ou de cinéma ne sont
justement que du cinéma, destiné à créer désirs et plaisirs chez les
spectateurs transformés en voyeurs.
QUESTION 53

Emmanuel, Fatima, Fabien, Aude, Sarah et


Pauline. – Nous avons 18 ou 20 ans, vous nous
clarifiez les idées, mais au total, vous ne nous
apprenez pas grand-chose. Nous savons ce que
c’est que l’amour; et si dans le monde beaucoup
d’amour est gaspillé, c’est que, la plupart du
temps, il est mal appris…

Les gens assimilent l’amour à la sexualité, ou du moins, ils croient que


l’amour n’est que de la sexualité. Vous êtes donc des jeunes conscients de
tout cela, désireux d’aider les autres jeunes à comprendre de tels messages,
qui sont finalement des messages de joie, d’épanouissement personnel. Les
jeunes ont tous une grande soif de bonheur, d’absolu, aujourd’hui autant
que du temps de vos parents. La drogue, la recherche du plaisir, même
certaines perversions de la sexualité, ne sont-elles pas une recherche
inconsciente de l’amour ? Le mal-être normal de votre âge ne passera pas
avec les drogues, douces ou autres, ni avec les caricatures de l’amour. Elles
correspondent souvent plus à des fuites qu’à des engagements. La soif
d’absolu du jeune est souvent inconsciente, elle est aujourd’hui trop
dévoyée, vers le sexe plus que vers l’amour.
Au total, l’être humain cherche à aimer pour être aimé, et à être aimé
pour aimer. C’est une sorte de base, de socle commun à la nature humaine.
Des psycho-logues en parleraient durant des heures. L’homme et la femme
sont faits pour se choisir, s’aimer, mais pas seulement sexuellement. Le
sexe tout seul ou prioritaire ne peut combler les besoins de bonheur.
L’amour humain est une construction à multiples facettes.
QUESTION 54

Les mêmes jeunes. – Comment expliquez-vous


que certains jeunes, hommes ou femmes, ne
ressentent pas le désir de transmettre la vie au
sens physique, c’est-à-dire de fonder une famille et
d’avoir des enfants, pour des raisons
philosophiques ou spirituelles ? Est-ce qu’ils ne
réagissent pas comme nous aux pulsions sexuelles
de la société actuelle ? Ne sontils pas capables
d’aimer ? N’ont-ils aucun désir ?

Ils ont les mêmes désirs que vous. Ils ont appris très tôt à les gérer, à
travers le sport, la culture, les sciences, l’art, la spiritualité. Ce sont souvent
des passionnés, jamais blasés ou pessimistes. La puberté leur a été bien
expliquée et au bon moment dans leur pré-adolescence. C’est le plus
souvent le père qui a dit à son fils et la mère à sa fille, dans la confidence et
dans la clarté. Sans non-dits. Les parents ont su dire les « jamais-dits ».
Les jeunes ont ainsi pu comprendre ce qui se passait en eux. Ils n’ont
pas été surpris. Ils ont vite compris que les pulsions du corps pouvaient être
accompagnées autrement que par des caresses sexuelles seul(e) ou avec
un(e) autre. Ces jeunes savent, parce qu’ils ont appris par des adultes, qui
sont un peu leurs maîtres – en dehors de leurs parents –, donner, partager,
aider, attendre, se réserver et persévérer.
Quand vous dites, « ils ne sont pas capables d’aimer », vous êtes dans
l’erreur totale. Ces jeunes qui se préparent à une consécration spirituelle,
dans le bouddhisme ou le christianisme, ne sont pas « asexués », comme on
l’entend dire parfois. Ils connaissent mieux la sexualité humaine que
beaucoup d’autres jeunes, parce qu’ils ne se font pas envahir par elle. Ils
sont souvent adultes avant l’heure, tout en restant très équilibrés et en étant
conscients de leur fragilité.
Pour eux, c’est un joyeux combat intérieur et extérieur qui équilibre
toute leur personne. Celui ou celle qui fait ce choix, le plus souvent
spirituel, a un sens aigu de la vie. Il ou elle est animé(e) d’un grand désir,
celui de servir une cause au-delà de l’homme, et en même temps très
humaine. Il vit une sublimation de l’amour humain qu’il transfère au-delà
du corporel, c’est l’appel au service et au don de soi. La sexualité n’est pas
enfouie ou réprimée, elle est gérée autrement que physiquement, dans des
relations humaines de grande qualité. La sexualité des personnes consacrées
est un sujet délicat que nous traiterons ailleurs.
Ce sont ces motivations humaines et spirituelles, nourries par une vie
intérieure spirituelle intense et permanente, qui donnent la force et le
courage de maîtriser et de dépasser ses pulsions, identiques à celles de tous
les jeunes ou moins jeunes. Leur rayonnement surprend et peut être
motivant. Il justifie les nombreuses questions des jeunes qui cherchent à
comprendre.
Je n’oublie pas les catastrophes qui existent aussi chez ces religieux,
avec la pédophilie ou le viol. Il faut savoir en parler et affronter en face ces
déviations extrêmement graves. Ces personnes, heureusement peu
nombreuses, ont été mal orientées et mal choisies par les responsables
religieux, qui ne les ont pas bien formées sur les sujets délicats de l’amour
et de la sexualité humaine. Leur cursus d’étude, même s’il comprend ces
matières fondamentales, est resté souvent insuffisant ou dépassé.
QUESTION 55

Yann, Sébastien, Simon et Fabrice. – Face à des


images érotiques et pornographiques, comment
expliquez-vous les réactions corporelles ?

Personne ne peut se dire insensible, et en particulier les hommes32, à la


vision d’une scène érotique ou plus ou moins pornographique, même si
l’intelligence et la volonté sont capables de neutraliser ces images pour
qu’elles n’agissent pas sur le corps. Il n’en est pas moins vrai que l’image
enregistrée par le cerveau pourra être restituée au cours du sommeil par
l’inconscient, alors même que la mémoire consciente ne se manifeste plus.
Vous comprenez que tout adulte cohérent ne peut être promoteur de ces
images, qui ne font pas plus de bien à l’adulte qu’au jeune. Elles déforment
l’amour, on peut même dire que le porno tue l’amour.
Même une image sexuelle peut, tout anodine qu’elle soit, être intégrée
par le cerveau au niveau de l’archéo-cortex, c’est-à-dire de notre cerveau
ancestral, qui n’a pas encore été clairement identifié par les spécialistes,
mais qui est bien connu des psychologues et des psychanalystes, révélé en
particulier par Freud. C’est au niveau du cerveau, la zone de la libido, du
désir de l’amour et du désir sexuel, qui ne s’éteint jamais, même chez la
personne très âgée. Cette zone peut être considérée comme réflexe. Elle
déclenche en effet une stimulation par un influx nerveux qui descend plus
vite que la vitesse de la lumière le long de la moelle nerveuse, dite épinière.
L’influx arrive dans la zone des nerfs de la sexualité, situés autour de la
vessie, qui créent chez l’homme, le plus souvent, une érection, et chez la
femme, parfois, une envie d’uriner ou une contraction du bas-ventre.
La seule possibilité pour éteindre, maîtriser ou freiner ces réactions,
passe par les voies normales de la prise de conscience et de la volonté. On
peut arriver à neutraliser l’image dans le cerveau par une pensée volontaire
qui permet de remplacer l’image érotique par une autre image, laquelle
freine les réflexes du bas-ventre. C’est là que l’esprit joue un rôle
considérable, grâce aux zones cérébrales de l’intelligence situées dans le
néocortex.

1. Les femmes sont mal à l’aise face à ces images; elles perçoivent la femme exploitée, prise pour
un objet. Elles perçoivent bien qu’il ne s’agit pas d’amour et elles voient juste.
QUESTION 56

Christophe, Benoît, Ahmed et Laurent. – Vous


dites que nous sommes souvent agressifs avec les
filles, que nous les cherchons, que nous ne pensons
qu’à coucher, qu’à nous les « payer » ; ce n’est
quand même pas toujours vrai. Il y a de plus en
plus de jeunes sérieux, qui voient les filles d’une
autre façon.

C’est vrai, les expériences des jeunes qui vous ont précédé sont de
vivants exemples de ce que vous ne souhaitez pas vivre vous-mêmes. Vous
avez compris que courir d’une fille à l’autre n’est pas nécessairement
source de bonheur mais plus souvent de déséquilibres, de problèmes
affectifs majeurs.
Aussi, prudents, vous savez observer, attendre, vous réserver, et cela
ne vous empêche pas d’être aussi amoureux de telle ou telle fille, et
d’attendre en retour autant de sérieux, autant de fidélité que ce que vous
vivez vous-mêmes. Le problème qui vous inquiète est que vous pensez
avoir des difficultés à trouver une jeune fille qui vous comprenne, qui
partage vos sentiments, qui soit un peu différente de la superficialité
ambiante que vous acceptez de plus en plus difficilement.
La patience fait partie de la construction de l’amour. Apprenez donc à
attendre, à observer, à résister à vos pulsions d’un moment et persévérez.
Vous ne le regret-terez pas, car vous parviendrez à réserver ce que vous
avez de plus secret en vous, en votre esprit, en votre cœur et en votre corps
pour celui ou celle qui vous choisira et que vous choisirez en toute liberté.
QUESTION 57

Les jeunes. – C’est vrai que nous trouvons


certaines filles de plus en plus agressives avec
nous. Elles « chassent » exactement comme des
garçons qui cherchent à accrocher des filles. Nous
avons souvent l’impression qu’elles nous
attendent au tournant et nous tendent des pièges
pour pouvoir nous inscrire à leur « tableau de
chasse » : vanité féminine, fausse virilité, nous ne
savons pas bien qu’en penser…

Vous décrivez là des cas précis dont les garçons se font de plus en plus
l’écho, et qui traduisent parfois de très profondes déceptions amoureuses
pour ces garçons, trompés, « menés en bateau », comme ils disent. Ils
peuvent alors se réfugier soit dans un refus du féminin, soit dans une
véritable frénésie sexuelle de vengeance sur d’autres filles, soit, plus
rarement, dans une crise mystique, soit encore, parfois, dans un désespoir,
une dépression, qui peut les conduire à la catastrophe du suicide. On ne
croit plus en la vie, on ne croit plus en l’amour, c’est la déception absolue.
Ces garçons, souvent très jeunes, n’ont en général pas été suffisamment
avertis, non seulement sur leur propre évolution psychologique, mais sur
celle des filles. Ces informations sont pourtant d’une extrême importance,
d’une importance vitale.
Il faut savoir qu’une fille qui a été trompée par un garçon
(affectivement et physiquement) peut aussi chercher à se venger en
« s’amusant » avec d’autres, d’autant plus facilement qu’en général, les
filles sont plus avancées psychologiquement en âge que les garçons. Non
seulement ces garçons n’ont pas été avertis, mais en plus, ils ont idéalisé
l’amour. Ils sont un jour, à l’âge de 15, 16 ou 18 ans, tombés éperdument
amoureux d’une fille et ils n’ont jamais pensé qu’il pouvait y avoir des
impuretés, des choses très troubles et troublantes, dans l’amour. Ils ont
même idéalisé l’amour à travers ce qu’ils ont vu de leurs parents ou de leur
entourage, qui ne leur ont pas suffisamment expliqué les difficultés
quotidiennes, les problèmes de l’amour, la nécessité de le voir grandir,
mûrir, s’épanouir… Du temps est tellement nécessaire pour trouver l’amour
et le faire grandir.
QUESTION 58

Olivier et Ludovic. – Comment nous


conseillezvous de réagir en face de ces situations
extrêmement pénibles et qui nous désorientent
totalement ?

Non seulement il faut que vous en soyez avertis mais, surtout, en face
de telles situations, il faut vous aider à réagir positivement : changer d’air,
partir avec des copains et des copines, discuter avec un adulte en qui vous
avez une grande confiance, essayer de comprendre, avec votre intelligence
et votre raison, pourquoi telle fille réagit de cette façon, et pourquoi vous-
mêmes réagissez ainsi. C’est d’ailleurs, il faut le souligner, tout à votre
honneur. Vous croyez très profondément à l’amour, et d’autant plus que
vous êtes atteints et cruellement déçus.
Vous le voyez, l’amour est un phénomène éminemment humain, c’est-
à-dire par nature imparfait. On peut chercher à tendre vers la perfection, on
peut chercher à idéaliser l’amour, il n’en est pas moins vrai qu’il passera par
les joies et les souffrances, par les difficultés classiques du quotidien.
L’amour, c’est comme la construction d’une maison ou d’une grande tour.
Si vous voulez qu’elle soit solide, il faut d’abord creuser les fondations.
C’est un temps qui peut être considéré comme pénible, long et difficile,
pendant lequel on ne voit rien fleurir. C’est pourtant un temps indispensable
à la solidité de ce que vous voulez construire plus tard. Pas de construction
solide sans des fondations profondes.
QUESTION 59

Ludovic. – Nous avons bien compris que pour


aimer et être aimé, il faut du temps. Cela ne se fait
pas tout seul, il faut que chacun y mette du sien.
Mais avouez que c’est quand même extrêmement
dur lorsqu’une fille vous a fait croire qu’elle vous
aime et que vous la voyez brutalement vous
quitter pour aller avec un autre, sous prétexte
qu’il est plus malin, plus bronzé, plus riche, ou
qu’il parle mieux aux filles, ou même qu’il est bien
fringué !

Je comprends votre déception. Elle est lourde à porter, elle peut être
une épine en vous, mais il faut toujours prendre une épreuve positivement.
Elle joue le rôle d’une sélection naturelle qui doit vous aider à discerner, à
mieux connaître l’être féminin, avec ses bons et ses mauvais côtés. Ainsi, la
fille qui n’est pas digne de toi, Christophe, ou de toi, Ludovic, elle ne
tiendra pas, elle s’en ira toute seule. Il faut que tu considères que ce n’est
pas toi qui es « largué ». C’est elle qui ne tient pas la route, c’est elle qui est
emportée par le flot de la mode, de la superficialité. Sans s’en rendre
compte, elle te rend un immense service. Patience !
QUESTION 60

Christophe. – Nous sommes peut-être trop


sensibles en face de ces allumeuses, qui jouent la
comédie pour attirer notre attention. Elles se font
stars de cinéma et ne brillent pas plus longtemps
que le toc des bijoux qu’elles portent. Finalement,
comment faire la différence entre une fille sérieuse
et une allumeuse ?

Il en est de même entre un garçon qui cherche et un autre qui est


réellement amoureux. Il est indispensable que vous vous en rendiez compte,
car il faut que vous soyez très attentifs quant au choix que vous avez à
préparer. À votre âge, vous avez envie de construire l’amour, cela peut
même être très tôt dans votre vie et dans votre cœur, dès l’âge de 15 ans. Ne
gaspillez pas ces belles années, garçons ou filles, n’ayez pas peur les uns
des autres. Sachez vous apprécier, vous connaître, vous reconnaître.
Construisez des amitiés solides, cherchez des conseillers désintéressés,
mettez-vous à l’épreuve du temps et de la patience.
Et maintenant, si on parlait un peu de toi ?
Garçon ou fille, quel que soit ton âge, tu as lu ces dialogues. Peut-être
les as-tu relus, mais cela ne te suffit pas. Tu restes sur ta faim.
Tu le sais, ta sexualité est une force puissante, parfois difficile à
maîtriser. Aussi te poses-tu cette question : cette force, pourquoi ? pour
quoi ?
Tu sais bien qu’aucune machine, aucun ordinateur, aucune technique
ne sera capable de construire un homme, une femme.

Une première évidence : les forces de ta sexualité portent en elles-


mêmes ton semblable, c’est ta capacité de transmettre la vie, ta vie.
Oui, c’est une puissance étonnante, créatrice ! Elle t’appartient.
Parfois, tu sens sa force.
Tu ne dois pas avoir peur de cette puissance, de cette capacité de dire
l’amour qui est dans ton cœur pour celui ou celle que tu aimes. Cela va
jusqu’à transmettre la vie à une autre personne, unique comme toi.
Tu comprends pourquoi le sida apparaît comme le plus grand fléau qui
puisse atteindre un jeune : cette maladie touche aux racines de notre être,
c’est-à-dire à ce qu’il y a de plus profond en nous. Elle touche à notre
capacité de transmettre la vie. En plus, elle se transmet souvent à cause du
« gâchis de l’amour ».
Consciente ou inconsciente, cette force vitale qui est en toi est fragile.
Elle est un risque. Elle peut te construire, elle peut aussi te détruire. Il
t’appartient de bien la connaître, pour que tu puisses bien l’orienter, la
maîtriser, la dominer ; pour qu’elle soit source d’harmonie dans ta vie.

Une question : as-tu bien réfléchi à ce qui fait que tu es toi ?


C’est la deuxième évidence : ton corps d’homme ou de femme est un
corps humain. Il est une merveille de physiologie, de mécanismes de toutes
sortes. Mais qu’est-ce qui fait que c’est ton corps ?
Ton regard te le dit, tes mains aussi, et ton visage. Ils expriment ta
personnalité. Quand tu es en pleine forme, ça se voit, non ? Et quand tu
galères, tes copains sont les premiers à s’en aviser, parfois même avant toi.
C’est normal. Avec ton corps, tu exprimes ton cœur, tes secrets, ton
désir, toi-même, unique, irremplaçable.

Très tôt dans ta vie, tu as su qu’on ne peut pas construire une vie tout
seul. Tu as senti l’appel de l’amour, la recherche d’un autre que toi, qui te
comprenne et sache t’aider, t’aimer.
Très tôt tu as pensé à l’avenir. Tu as même imaginé que, plus tard, avec
tes enfants, tu ne t’y prendrais pas de la même façon que tes parents avec
toi. Tu as découvert que tu es capable, comme ton père et ta mère, de
donner de l’amour à plus petit que toi.
Mais maintenant, ça y est, tu te sens prêt, tu te sens prête. Ton esprit et
ton corps sont sensibles, très sensibles à tout ce qui touche à l’amour.
C’est un véritable bouillonnement que tu perçois en toi, car tu as
remarqué que, de jour comme de nuit, chaque fibre de ton être est appelée
vers l’amour. Et parfois, tu te poses la question : « Suis-je normal(e) ? Cela
est-il arrivé à mes parents ? Mes copains, mes amis vivent-ils la même
chose ? » À cette question, nous pouvons te répondre : oui !
Réfléchis bien : d’abord, n’oublie jamais que les rêveries, les
fantasmes, ne sont rien à côté des expériences vécues. Rêver est une chose,
passer à l’acte en est une autre. Il faut que tu saches que ce que tu
accepteras de vivre sera gravé au fer rouge dans ta mémoire, dans ton cœur.
Même si tu crois que c’est seulement ton corps, ton sexe, qui a fonctionné,
il n’y a pas de frontière entre ton « jardin secret » et ton comportement
extérieur. Ta sexualité, comme ton regard, t’engage toi, et toi tout entier, toi
tout entière.
Ton corps, c’est toi qui parles. Ton sexe n’est pas un jouet. Tu ne peux
dissocier ton sexe et ton cœur. Tu briserais ton unité qui se construit. Il faut
du temps pour être « unifié ». Ne te presse pas.
Jouer avec soi-même ne satisfait pas, c’est évident. Restent les autres.
Faut-il jouer avec les autres ? En astu le droit ? Et les autres, ont-ils des
droits sur toi pour que tu les laisses jouer avec toi, simplement pour faire
comme tout le monde ?

Réfléchis encore : tu as remarqué combien tu es sensible à la publicité,


surtout quand elle est sensuelle, érotique, directe ou indirecte. Accepterais-
tu que ta sœur, ton frère, ta mère, ton père, soient ainsi exposés à tous les
regards, à tous les fantasmes ? Évidemment non. Pourquoi ? Parce que tu
les connais, parce que tu les aimes. Leurs corps parlent de leurs secrets, que
tu veux que l’on respecte.
Tu as sûrement entendu cette phrase dangereuse: « Il faut commencer
par se connaître physiquement, sexuellement, pour savoir si on pourra
s’aimer. » Sous-entendu, si cela ne marche pas physiquement, impossible de
tenter l’aventure. Cette phrase d’adulte a un but précis : favoriser les
relations précoces entre les jeunes, et même le plus tôt possible. Elle abaisse
la sexualité à un jeu d’enfants, d’adolescents, et puis évidemment d’adultes.
La sexualité a ainsi une dimension exclusive ou priori-taire: le plaisir de
jouir. L’affectif est éphémère, passager, on ne veut pas s’engager, pas de
complications ni de problèmes. L’important, c’est le moment présent, qui se
résume ainsi : profites-en, régale-toi, tu n’as pas besoin de réfléchir.
C’est comme si on te disait d’essayer une voiture sans son moteur,
sans son cœur ! Tout est en place, sauf le mouvement. Tout est attirant, mais
rien ne peut bouger !
Ou comme si on te disait de sauter du plongeoir de dix mètres pour
être sûr(e) de savoir sauter de celui de un mètre.
Ces conseils sont très dangereux, repère-les et n’hésite pas à les
contester. N’aie pas peur d’aiguiser ton esprit critique face à toutes les
attitudes qui cassent le bon sens et finissent pas perturber le plus profond de
ton être.

Réfléchissons ensemble : les relations sexuelles précoces, tu le sais par


expérience ou bien par tes copains et copines, « ça ne marche pas si bien
que ça ». Les breaks, les ruptures, les échecs sont nombreux, les
catastrophes s’accumulent avec la multiplicité des partenaires. Mais
pourquoi ? te demandes-tu. C’est qu’aimer implique toute la personne, dans
son unité psychique et physique.
Ton corps, c’est toi, tu n’es pas un jouet. Si tu veux aimer, posséder
le corps de celui ou celle que tu aimes, n’oublie jamais cela : un corps,
c’est un cœur qui parle. Et qui écoute, et qui peut souffrir.
Si tu veux découvrir ce que te dit le corps de ton ami, de ton amie,
observe son regard, regarde ses mains, son visage… Rien ne t’est
indifférent si tu aimes. Avant de t’engager, avant de l’engager sur une voie
peut-être sans issue, apprends à le connaître, à la connaître. Au lieu
d’utiliser son corps pour ton propre plaisir, apprivoise son cœur, et que vos
esprits doucement, progressivement, se mettent en harmonie. Alors, un jour,
dans une confiance totale, tu t’engageras, tu diras ton secret, celui que tu
n’as encore jamais dit à personne, tu prendras une décision pour toute ta
vie. Tu écouteras, tu parleras, ce sera avec le plus profond de toi-même, tu
donneras de la joie, tu recevras de la joie, tu transmettras du bonheur, tu
transmettras la vie qui est aussi fruit de l’amour. C’est quelque chose
d’essentiel, de beau, de grand pour tout homme et toute femme, partout
dans le monde, car il n’est pas de grandeur sans don de soi, sans
responsabilité.

Alors, ne te presse pas,


apprends donc à aimer d’abord avec ton cœur,
avec ton regard, avec ton sourire, avec tes pleurs.
Tu y gagneras la vraie joie,
celle qui se partage,
qui se donne sans réticence,
tu seras émerveillé(e) simplement,
et tu sauras aimer et être aimé(e) en retour.
Tu vas avoir 21 ans, nous nous retrouverons dans un prochain dialogue
avec les 20-30 ans, pour Faire sa vie à deux, la construction de l’Amour,
éditions François-Xavier de Guibert, 1994.
Et, plus tard encore, avec Construisez votre amour, il est si fragile.
Cohabitation et union libre, du Pacs au Mariage, François-Xavier de
Guibert, 2009.

Si vous avez des questions ou des remarques, n’hésitez pas à nous envoyer
un courriel :

questionHJ@me.com
questionCJ@me.com

Nous vous répondrons personnellement.


Table des questions

Avant-propos à l’attention des parents

Aux jeunes de 15 à 20 ans

Avertissement – Ne vous laissez pas manipuler !

Question 1
J’ai 15 ans, je suis amoureux d’Amélie, comment faire ? Je n’ose pas
le lui dire…

Question 2
C’est exactement cela. Je l’aime et je ne sais pas comment le lui dire.
J’ai tellement peur que ce ne soit pas réciproque !

Question 3
C’est quoi l’amour ?

Question 4
Pouvez-vous préciser votre pensée sur le « projet amoureux » ?

Question 5
C’est vrai qu’Amélie me plaît, c’est vrai que je suis amoureux d’elle,
mais il y a un an, même moins, j’étais presque aussi amoureux de
Sylvie… Et avant Sylvie, c’était Brigitte qui m’attirait… Et avant
Brigitte, c’était Solange… Comment expliquez-vous que je n’arrive
pas à me décider facilement ? J’étais amoureux ou attiré ?

Question 6
Oui, j’ai remarqué tout cela, mais je suis quand même très amoureux
d’Amélie. Alors comment m’y prendre avec elle ?

Question 7
Moi aussi, je suis très amoureuse. De Joseph. Je ne pense plus qu’à
lui. Il me plaît tellement ! Tous les autres garçons m’énervent.
J’aimerais tant passer seulement une heure, seule avec lui. Mais j’ai
peur qu’il ne veuille pas. J’ai peur que ma sœur lui plaise plus que
moi, ou bien même ma meilleure copine. Je ne rêve pas de coucher
avec Joseph. Je rêve seulement de parler avec lui, d’entendre le son de
sa voix, de participer à la chorale le week-end prochain où je suis sûre
qu’il viendra… Que faire ? Que dire ?

Question 8
Nous avons vraiment l’impression qu’à notre âge, la sexualité est très
puissante. Elle gêne nos études, auxquelles nous accordons moins
d’importance que nos parents. Est-ce que vous pensez que nos études
gênent l’épanouissement de notre sexualité ? Est-ce normal ?

Question 9
Alors, vous pensez que dans tous les pays du monde, la plupart des
jeunes de notre âge, garçons ou filles, ont facilement envie de coucher
les uns avec les autres pour avoir des expériences sexuelles ! C’est
vrai qu’en France, nous le sentons un peu ainsi. Les relations sont très
banalisées.

Question 10
Parlez-nous de la sexualité, et tout particulièrement des désirs très
forts que nous ressentons à notre âge.

Question 11
Est-ce que si un jeune ou une jeune a beaucoup d’expériences
sexuelles, il pourra mieux choisir et moins se tromper ? En plus, on ne
peut pas connaître la sexualité si on n’a pas vécu au moins une
expérience. Les expériences sont vitales dans la vie ! « Si tu couches
pas avant pour essayer, tu risques de te faire avoir : mec impuissant,
homosexuel ou travesti… », c’est exactement l’histoire de la pub de
Bouygues télécom de l’an 2000 !

Question 12
Vous êtes quand même un peu dur avec nous, et vous manquez de
sentiment !
Est-ce que vous pouvez distinguer les garçons qui ont eu des
expériences sexuelles et ceux qui n’en ont pas eu ?

Question 13
Le plaisir sexuel chez l’homme et chez la femme est très différent ?

Question 14
C’est vrai, le plaisir que vous venez de décrire, où se mélangent
orgasmes et échecs, c’est celui que nous connaissons avec la
masturbation.

Question 15
Le sexe est le sujet de blagues numéro un des garçons, il est présent
partout (télé, ciné, littérature, habillement, etc.). On en parle toujours
sur le ton de la plaisanterie, tout en prétendant qu’aujourd’hui il faut
partir à la recherche de l’épanouissement de sa sexualité sous toutes
ses formes. Que penser ?

Question 16
Comment expliquez-vous tout ce qui passe aujourd’hui avec la
sexualité ?

Question 17
OK pour tout dire, mais comment le dire ? Vous ne pouvez pas dire
tout à un enfant de 10 ans ! De toute façon, les parents ne disent pas
grand-chose. Ils sont gênés. Pourquoi ?

Question 18
Mais que reflètent les vécus actuels de la sexualité ?

Question 19
Et l’angoisse ? Comment l’expliquer ?
Question 20
Vous repérez plusieurs moteurs dans l’existence humaine. Le sont-ils à
tous les âges de la vie ?

Question 21
Où voyez-vous de l’angoisse dans la société, en dehors du chômage et
du sida, qui aujourd’hui se soigne de mieux en mieux ?

Question 22
Qu’appelez-vous construire des liens amoureux solides ?

Question 23
Qui, mais aujourd’hui on est pressé. On a envie de faire l’amour vite et
bien…

Question 24
Vous nous avez parlé du plaisir masculin. Et le plaisir féminin ?

Question 25
Pouvons-nous rester, si vous parlez du plaisir féminin ? Cela ne va pas
gêner les filles ?

Question 26
C’est vrai qu’il y a une énorme différence entre nous et les filles !
Continuez à nous expliquer.

Question 27
Oui, mais s’ils ne désirent pas cette vie nouvelle, ce qui est assez
fréquent, comment font-ils ? Ils ne peuvent pas s’aimer, ils ne peuvent
pas « faire l’amour » ?

Question 28
Oui, mais alors ces relations qui ont lieu hors de la période féconde
sont beaucoup moins agréables pour la femme, puisque à ce moment
de son cycle, son désir est moindre. Vous nous l’avez expliqué tout à
l’heure, l’homme, lui, n’a pas ce problème !

Question 29
Alors ils ne font rien ?

Question 30
Dans les émissions sur les questions sexuelles, on ne nous dit pas tout
cela ! Et ce qu’on nous montre dans les films n’a rien à voir. Pourquoi
tant de différence ?

Question 31
Lorsque nous voyons une relation sexuelle à la télévision, un homme et
une femme « faire l’amour », nous voyons quand même quelque chose
de vrai ; il n’y a pas que du cinéma. C’est bien ce que nous vivrons,
nous, le jour où nous aurons notre première ou énième relation
sexuelle ?

Question 32
C’est vrai que nous sommes imaginatifs !

Question 33
J’ai 15 ans. Ma sœur aînée en a 19, et elle est très intéressée par les
émissions qui parlent ou montrent de la sexualité. Elle veut toujours
regarder les émissions style « sexy folies » ou autres, et elle n’hésite
pas à se coucher très tard pour cela. Qu’en pensez-vous ?

Question 34
Mais cela n’est pas récupérable ?

Question 35
Nous avons entre 15 et 20 ans. Nous n’avons pas encore eu de
relations sexuelles. La plupart de nos camarades, garçons et filles, en
ont déjà eu; ils s’en vantent, nous ne nous en vantons pas. À vrai dire,
on s’en moque à peu près tous, mais nous sommes un peu gênés, car
on n’est pas dans le sens du courant, pas tout à fait en phase avec
notre génération. Qu’en pensez-vous ? Avez-vous des arguments qui
aillent dans notre sens, qui justifient notre attitude ?

Question 36
Bon, d’accord, vous nous donnerez les réponses tout à l’heure, mais
dites-nous d’abord comment on peut vraiment réussir notre première
relation sexuelle. Car il est bien vrai que pour ceux d’entre nous qui en
ont l’expérience, cela n’a pas bien marché, et pour les copains et les
copines qui nous en parlent franchement, c’est pas terrible, c’est pas
le « pied » ! À votre avis, lorsqu’on vit sa première relation sexuelle
dans l’amour et qu’il arrive un échec ou une insatis-faction, comment
débloquer une gêne qui pourrait s’installer ?

Question 37
Beaucoup de réflexions sur la « grande première » ! Nous ne sommes
pas habitués à tant d’explications… Continuez !

Question 38
Pour nous, c’est important, c’est vrai. C’est même très important.
C’est une sorte de barrière qui n’a pas été franchie. Puis c’est un
nouvel état de vie, par rapport à un ancien ; lorsque la virginité n’est
plus, nous nous sentons « plus » femmes ; nous n’en avons pas honte,
nous n’en avons pas peur, mais il faut reconnaître qu’il y a là pour
nous un certain mystère.

Question 39
Oui, c’est exactement ça, les garçons sont toujours pressés, ils ne nous
attendent pas. Avec eux, à peine cela a-t-il commencé que c’est déjà
fini. Pour arriver à maîtriser un garçon, ce n’est pas évident ! Surtout
la première fois.

Question 40
Revenons à la première fois, la grande première, comme vous dites.

Question 41
Ce que vous dites est vrai, car il nous semble que si notre première
relation, si nos premières relations sont ratées, on risque de
s’acheminer presque fatalement vers des rencontres ultérieures plus ou
moins passagères, à la recherche de l’amour, en ayant toujours la
hantise de nous tromper, de ne pas vraiment le trouver. C’est
l’impression que nous donnent nos camarades qui ont eu une ou des
expériences sexuelles précoces, quand ils nous en parlent. Qu’en
pensez-vous ?
Question 42
Et la virginité chez les garçons ? Elle existe bien, avant d’avoir eu une
première relation sexuelle ?

Question 43
Avant d’y revenir, pouvez-vous nous dire quelles sont pour nous, les
filles, les conditions de cette grande première ? Finalement, nous
avons compris qu’il ne faut pas se presser, qu’il nous faut discerner,
observer, sélectionner…

Question 44
Suis-je bien certain(e) qu’il ou qu’elle m’aime ? Que je suis aimé(e) ?

Question 45
Dans l’amour, il y a beaucoup de doutes…

Question 46
Finalement, la relation sexuelle ne serait que l’aboutissement de cet
état amoureux et deviendrait une « relation amoureuse » ?

Question 47
Une de nos camarades, 18 ans, est très amoureuse d’un garçon qui a
le sida. Elle nous en a parlé, elle l’aime beaucoup, mais elle a peur de
coucher avec lui. Qu’en pensez-vous ?

Question 48
Alors, que conseiller à notre camarade qui aime un garçon qui a le
sida ?

Question 49
Une de nos copines de 16 ans est enceinte. Que pouvonsnous dire ou
faire, puisque ses parents la poussent à se faire avorter ? Aujourd’hui,
l’avortement est légal.

Question 50
Revenons à la grande première : expliquez-nous, donnez-nous les
détails. Maintenant, nous y sommes, toutes les conditions sont réunies;
alors, comment ça se passe ?
Question 51
Que se passe-t-il pendant le prélude quand ça marche bien ?

Question 52
C’est bien vrai. Nous avons souvent l’impression que les hommes ne
nous comprennent pas. Est-ce qu’on peut arriver, dès la première fois,
au bonheur ?

Question 53
Nous avons 18 ou 20 ans, vous nous clarifiez les idées, mais au total,
vous ne nous apprenez pas grand-chose. Nous savons ce que c’est que
l’amour ; et si dans le monde, beaucoup d’amour est gaspillé, c’est
que, la plupart du temps, il est mal appris…

Question 54
Comment expliquez-vous que certains jeunes, hommes ou femmes, ne
ressentent pas le désir de transmettre la vie au sens physique, c’est-à-
dire de fonder une famille et d’avoir des enfants, pour des raisons
philosophiques ou spirituelles ? Est-ce qu’ils ne réagissent pas comme
nous aux pulsions sexuelles de la société actuelle ? Ne sont-ils pas
capables d’aimer ? N’ont-ils aucun désir ?

Question 55
Face à des images érotiques et pornographiques, comment expliquez-
vous les réactions corporelles ?

Question 56
Vous dites que nous sommes souvent agressifs avec les filles, que nous
les cherchons, que nous ne pensons qu’à coucher, qu’à nous les
« payer » ; ce n’est quand même pas toujours vrai. Il y a de plus en
plus de jeunes sérieux, qui voient les filles d’une autre façon.

Question 57
C’est vrai que nous trouvons certaines filles de plus en plus agressives
avec nous. Elles « chassent » exactement comme des garçons qui
cherchent à accrocher des filles. Nous avons souvent l’impression
qu’elles nous attendent au tournant et nous tendent des pièges pour
pouvoir nous inscrire à leur « tableau de chasse » : vanité féminine,
fausse virilité, nous ne savons pas bien qu’en penser…

Question 58
Comment nous conseillez-vous de réagir en face de ces situations
extrêmement pénibles et qui nous désorientent totalement ?

Question 59
Nous avons bien compris que pour aimer et être aimé, il faut du temps.
Cela ne se fait pas tout seul, il faut que chacun y mette du sien. Mais
avouez que c’est quand même extrêmement dur lorsqu’une fille vous a
fait croire qu’elle vous aime et que vous la voyez brutalement vous
quitter pour aller avec un autre, sous prétexte qu’il est plus malin, plus
bronzé, plus riche, ou qu’il parle mieux aux filles, ou même qu’il est
bien fringué !

Question 60
Nous sommes peut-être trop sensibles en face de ces allumeuses, qui
jouent la comédie pour attirer notre attention. Elles se font stars de
cinéma et ne brillent pas plus longtemps que le toc des bijoux qu’elles
portent. Finalement, comment faire la différence entre une fille
sérieuse et une allumeuse ?

Et maintenant, si on parlait un peu de toi ?

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261/2012

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