Initiation a La Science Politique
Initiation a La Science Politique
Initiation a La Science Politique
POLITIQUE
2013-2014
Beandrasoa MARIO
Ce cours est destiné à apporter une culture générale sur les fondements des relations de domination entre humain.
Les problématiques générales soulevées en sont :
B - Objectif du cours
Etre capable de comprendre les pratiques politiques à partir d’un socle théorique
Développer les capacités de discernement dans la conduite de l’affaire politique dans un Etat
C - Structure du cours
Chaque cours est édifié de manière à suivre la démarche standard suivant : Problématique, question principale,
analyse du développement politique.
L’enseignant fera une présentation des cours avec des textes et bibliographie fournis à l’avance. Il conduira
l’enseignement en suscitant des débats en s’appuyant sur des cas concrets. Les apprenants peuvent avoir des discussions
sur rendez-vous et/ou par e-mail.
Plan du cours
Liste bibliographique
ARISTOTE, La Politique, Traduction nouvelle, présentée et annotée par Pierre Louis, 1995, Coll. Cultures,
Ed. Hermann, Paris
COT J.-P. et MOUNIER J.-P. 1974, Pour une sociologie politique, éd. Point Politique
DUVERGER M.
1951, Les Partis Politiques, Colin
1971, L’influence des systèmes électoraux sur la vie politique, New Haven, 2e éd.
1973, Sociologie de la politique, PUF
GRAWITZ M. Méthodes des sciences sociales, éd. Dalloz, 11e éd., 2001
SCHWARTZENBERG R.-G, 1977, Sociologie politique, Montchrestien 5e Ed., 1998
Supports :
Les apprenants doivent consulter les Sites Internet [GOOGLE] en tapant SOCIOLOGIE POLITIQUE
Questions :
Questions Guide du Cours 4 : LES CONSTANTES DANS LES CHANGEMENTS SOCIOPOLITIQUES A MADAGASCAR
La sociologie, en tant que corps de connaissances traitant du devenir de la société, prend ses sources dans le passé,
pour appréhender le présent, en vue de mieux engendrer le futur.
Les pratiques sociologiques cristallisées par la recherche et l’enseignement utilisent des méthodes et techniques
appropriées selon les différents contextes au sein desquels se déploient les investigations.
Des penseurs en sciences sociales et humaines, qui ont écrit dans des conditions historiques déterminées, ont
influencé en partie l’évolution des sociétés dans plusieurs espaces géographiques, notamment en Europe et en Afrique
On use assez indifféremment des termes de sociologie politique et de science politique. La division correspond
avant tout à des traditions universitaires mais les termes ne se recoupent pourtant pas entièrement.
La science politique, sans nier l’importance des facteurs historiques et sociologiques, retient les éléments plus
directement politiques. Par exemple : l’influence des scrutins, les rapports des gouvernants entre eux, les modes de
pouvoir, etc.
En fait, en Europe, les recherches dites du domaine de la « science politique » ont été souvent menées par des
chercheurs dont la formation de base était juridique. Ces juristes manifestaient une certaine tendance à l’étude isolée
des phénomènes politiques en limitant les contacts avec les autres sciences sociales.
Au contraire, l’expression « sociologie politique » symbolise l’intention de replacer les phénomènes politiques dans
l’ensemble des phénomènes sociaux, de supprimer les frontières entre les disciplines pour marquer l’unité profonde des
diverses sciences sociales. De plus, le substantif « sociologie » sous-entend la volonté d’utiliser une méthodologie
sociologique.
Plusieurs questions se posent concernant les tendances et les problèmes principaux de la sociologie politique, au
terme de cette évolution. La divergence d’opinion laisse cette problématique à tourner autour de la notion de l’Etat et
du Pouvoir.
De ce qui précède, la sociologie politique marque bien qu’elle constitue une branche de la sociologie, une science
sociale particulière qui étudie certains phénomènes sociaux : les phénomènes politiques.
Cette conception s’en tient à l’étymologie du mot « politique », du grec polis « cité », qui est aujourd’hui « Etat ».
Littré [Emile Littré 1801-1881, lexicographe français, disciple d’A. Comte, auteur d’un monumental Dictionnaire de
la langue française, 4 vols.] D’ailleurs définit la politique comme « la science du gouvernement de l’Etat ». La sociologie
politique aura donc l’Etat comme objet d’étude.
Malgré les efforts pour assouplir ou approfondir la thèse précédente, aujourd’hui la majorité des auteurs soutient
une conception plus moderne, plus réaliste et moins formelle. La sociologie politique est la science du pouvoir (de
l’autorité, du commandement, du gouvernement) dans quelque société humaine que ce soit, et pas seulement dans la
société étatique. Dans tout groupe humain se trouve la distinction entre « gouvernants » et « gouvernés ».
Le phénomène de l’autorité et du pouvoir n’est pas propre à l’Etat ; il se trouve dans toute « organisation sociale »,
même la plus réduite (entreprise, université, section d’un parti politique, de syndicat, etc.). Cette conception, qui fait du
pouvoir le concept central de la sociologie politique, est, désormais, la plus répandue.
Extrait de l’ouvrage d’ARISTOTE, La Politique, Traduction nouvelle, présentée et annotée par Pierre Louis, 1995,
Coll. Cultures, Ed. Hermann, Paris, pp 69-74
LIVRE III
La notion de citoyen
1. QUAND ON EXAMINE les constitutions, qu’on essaie de savoir quelle est la nature et quels sont les caractères de
chacune d’entre elles, il faut sans doute commencer par étudier la cité et se demander ce qu’elle représente. En réalité,
l’accord là-dessus est loin d’être réalisé aux yeux de certains, c’est la cité qui fait tout ; pour d’autres, ce n’est pas la cité,
mais la minorité oligarchique ou le tyran. Cependant, nous constatons que toute l’activité de l’homme d’Etat et du
législateur se rapporte à une cité. Et la constitution n’est qu’une certaine organisation des membres de la cité.
Puisque la cité est un composé, au même titre que n’importe quel ensemble formé de plusieurs parties, il est clair
qu’il faut d’abord se demander ce qu’est le citoyen, car la cité est formée d’un certain nombre de citoyens. Aussi faut-il
examiner qui a le droit de porter le nom de citoyen et ce que signifie ce mot.
Sons sens est souvent discuté, car tout le monde n’est pas d’accord pour considérer un même individu comme
citoyen. Tel qui est citoyen dans une démocratie ne l’est pas toujours dans une oligarchie. Il faut bien sûr laisser à part
ceux qui acquièrent ce titre par un moyen détourné, comme les citoyens naturalisés.
On n’est pas citoyens simplement par le fait d’être domicilié dans une cité les métèques et les esclaves y ont aussi
un domicile. On n’est pas non plus citoyen par le seul droit d’ester en justice comme défendeur ou demandeur : car ce
droit appartient également aux bénéficiaires de conventions, qui en jouissent pleinement. Tout au plus, en certains
endroits, limite-t-on cette jouissance pour les métèques, à qui on impose la désignation d’un protecteur, ce qui est une
restriction à leur participation à la communauté. Ils sont dans le même cas que les enfants qui n’ont pas encore l’âge de
l’inscription civique, ou des vieillards dégagés de toute obligation : ce sont, d’une certaine façon, des citoyens, mais pas
au sens strict. Les premiers sont des citoyens inachevés, les seconds des citoyens honoraires, ou d’un autre nom, peu
importe, car on voit bien ce que nous voulons dire. Ce que nous cherchons, c’est la définition exacte des citoyens, qui ne
pose aucun problème de ce genre et ne nécessite l’adjonction d’aucune épithète explicative. Les citoyens frappés
d’infamie ou condamnés à l’exil soulèvent des difficultés du même ordre que les précédents, mais elles se résolvent de la
même manière.
Le trait qui définit le mieux le citoyen au sens strict, c’est la participation aux fonctions de juge et de magistrat.
Parmi les magistratures, les unes sont limitées dans le temps, de sorte qu’elles ne peuvent absolument pas être exercées
deux fois par la même personne ou qu’elles ne peuvent l’être qu’après une période déterminée ; les autres ne sont
soumises à aucune limitation de durée, comme celle de juge ou de membre de l’Assemblée. Peut-être dira-t-on que ce
ne sont pas là des magistratures et que ces fonctions ne confèrent aucune participation au gouvernement. Mais il serait
ridicule de priver du titre de magistrat ceux qui possèdent la souveraineté ! Cela n’a d’ailleurs aucune importance : c’est
une question de mots. Il n’existe pas de terme unique qui désigne à la fois le juge et le membre de l’Assemblée, et qu’on
puisse appliquer aux deux. Employons, pour préciser les idées, l’expression de magistrature de durée illimitée. Et appelons
citoyens ceux qui y participent. Cette définition est celle qui s’applique le mieux, semble-t-il, à tous ceux qu’on appelle
des citoyens.
Maïs il ne faut pas oublier que les notions qui englobent des sujets spécifiquement différents, un premier, un
deuxième et ainsi de suite, n’ont en tant que telles aucun rapport entre elles, ou seulement des rapports lointains. Or
nous constatons que les Constitutions sont d’espèces différentes et que les unes sont postérieures, les autres antérieures
: celles qui sont manquées ou déviées sont nécessairement postérieures à celles qui sont sans défaut. La conséquence,
c’est que le citoyen lui-même est nécessairement différent d’une constitution à l’autre. Celui que nous avons défini est
surtout le citoyen d’une démocratie : on peut le rencontrer ailleurs, mais pas forcément. Dans certaines constitutions, le
peuple n’a pas de rôle à jouer : il n’y a pas d’assemblée générale, mais des commissions spécialement convoquées ; les
procès sont répartis en catégories, comme à Lacédémone où les éphores se partagent les procès civils tandis que les
gérontes ont à connaître des affaires criminelles et que d’autres causes ressortissent peut-être à une juridiction différente.
Il en va de même à Carthage : il est réservé à certains magistrats de juger tous les procès.
Mais notre définition du citoyen doit encore être amendée sur un point. Dans les constitutions autres que la
démocratie, ce n’est pas le magistrat dont le mandat est illimité qui siège à l’Assemblée et au tribunal, mais le magistrat
spécialisé dans une fonction : on peut étendre à tous ces magistrats ou restreindre à quelques-uns le pouvoir de délibérer
et de juger de toutes les affaires, ou seulement de certaines. On voit, dans ces conditions, ce qu’est le citoyen : dans la
mesure où quelqu’un a le droit de participer au Conseil et de siéger dans les tribunaux, nous lui donnons le nom de citoyen
de la cité à laquelle il appartient et nous appelons cité la réunion des hommes de ce genre, dont la collectivité s’assure,
disons tout simplement, une vie en autarcie.
2. DANS LE LANGAGE COURANT, on définit le citoyen comme celui qui est né de deux parents citoyens, et non d’un
seul, père ou mère. Il en est qui veulent remonter plus haut, par exemple jusqu’à deux ou trois générations et même
davantage. Cette définition est bonne pour la cité et a le mérite d’être rapide : mais certains se posent la question de
savoir comment ce troisième ou quatrième ancêtre peut être lui-même citoyen. En tout cas, Gorgias de Léontion, moitié
sans doute parce qu’il se posait la question, moitié par plaisanterie, déclarait : Si les ustensiles faits par les fabricants de
mortiers sont des mortiers, il en va de même pour les Larissiens faits par les magistrats appelés démiurges, car certains de
ces magistrats sont des fabricants de Larissiens. C’est pourtant bien simple : si les aïeux jouissaient des droits énoncés
dans la définition que nous avons donnée, c’étaient des citoyens. Car être né d’un citoyen ou d’une citoyenne est une
condition inapplicable aux premiers habitants ou aux fondateurs d’une cité !
Mais voici sans doute une difficulté plus sérieuse. Elle concerne ceux qui ont été faits citoyens à la suite d’un
soulèvement, comme ceux que Clisthène fit à Athènes après l’expulsion des tyrans, quand il admit des étrangers dans les
tribus et transforma des esclaves en métèques. Le problème qui se pose à leur sujet n’est pas de savoir s’ils sont des
citoyens à part entière, mais s’ils le sont légalement ou non. On pourrait d’ailleurs ajouter une question supplémentaire :
est-ce que l’on est citoyen, si on ne l’est pas légalement ? Car illégal et faux sont synonyme Or nous voyons, dans le même
ordre d’idée, des citoyens qui sont portés injustement au pouvoir et dont nous disons qu’ils sont magistrats, bien qu’ils
ne le soient pas légitimement : de même, le citoyen se définissant par l’exercice d’un certain pouvoir (nous avons dit que
c’est la participation à un pouvoir de ce genre qui fait le citoyen), il est évident que ceux qui sont devenus citoyens, même
illégalement, sont bien des citoyens.
Définition de l’État
3. QUANT A LA QUESION de savoir ce qui est légal et ce Qui ne l’est pas, elle se rattache au problème que nous
avons posé plus haut. Certains se demande, en effet, dans quel cas c’est la cité qui est responsable de ce qui se passe et
dans quel cas ce n’est pas elle, lorsque, par exemple, on passe de l’oligarchie ou de la tyrannie à la démocratie. Certains
refusent à ce moment-là de tenir leurs engagements, sous prétexte qu’ils n’ont pas été pris par la Cité mais par le tyran,
et ils tiennent bien d’autres Propos du même genre, alléguant que certains gouvernent reposent sur la force et n’ont pas
en vue l’intérêt général. Si des régimes démocratiques s’instaurent eux aussi de façon, il faut reconnaître que les actes du
gouvernement ainsi établi sont les actes de la cité, au même titre que ceux de l’oligarchie et de la tyrannie.
Ce que nous disons semble bien en liaison avec la question suivante : dans quel cas doit-on dire que la cité reste la
même ou n’est plus la même, mais a changé ? C’est une vue trop superficielle des choses que de dire que la cité est un
territoire et des hommes. Car il peut arriver que le territoire et les hommes cessent de se confondre et que les habitants
vivent les uns à un endroit, les autres à un autre. De ce point de vue, la difficulté n’est pas considérable : les acceptions
diverses du mot cité permettent, dans une certaine mesure, de la résoudre. Mais on peut se demander également, quand
les habitants restent au même endroit, à quelle condition on est en droit de considérer que la cité est une. La présence
de murailles ne suffit pas. Car on pourrait entourer le Péloponnèse d’une muraille continue ! Une telle superficie se
retrouve peut-être à Babylone et dans toute ville qui possède le périmètre d’une nation plutôt que d’une cité. Babylone,
dit-on, était prise depuis trois jours et l’un de ses quartiers ne s’en était pas aperçu ! Cependant, l’examen de ce problème
peut être utilement renvoyé à une autre occasion. Car la taille de la cité, son étendue optimale, les avantages d’une ou
plusieurs races, sont des sujets qui ne doivent pas être ignorés de l’homme d’Etat.
Mais quand la même population continue d’habiter le même territoire, doit-on dire qu’aussi longtemps que la race
des habitants reste la même, la cité est la même elle aussi, malgré la succession des morts et des naissances, de même
qu’on admet d’ordinaire l’identité des fleuves et des sources, bien que leurs eaux perpétuellement s’écoulent et se
renouvellent ? Ou bien faut-il dire que les habitants restent les mêmes pour la raison indiquée, mais que la cité change ?
S’il est exact que la cité est une sorte de communauté et que cette communauté réunit des citoyens régis par une
constitution, quand cette constitution vient à changer d’espèce ou subit quelques modifications, la conséquence
inévitable, semble-t-il, est que la cité n’est plus ce qu’elle était : c’est comme un chœur que nous appelons d’un nom
différent suivant qu’il est comique ou tragique, alors qu’il est souvent formé des mêmes personnes. La même remarque
s’applique à toute espèce d’association ou de composition, qui est autre si la forme de la composition est différente :
ainsi, nous disons qu’une harmonie qui combine les mêmes sons est autre lorsqu’elle est dorienne ou phrygienne. S’il en
est ainsi, il est évident que, pour pouvoir dire qu’une cité demeure la même, ce qu’il faut considérer avant tout, c’est sa
constitution. Elle peut changer de nom ou garder le même, que ses habitants restent les mêmes ou qu’ils soient
complètement différents.
Quant à savoir s’il convient, après un changement de régime, de tenir les engagements pris ou de se résilier, c’est
une autre question.
II. SYSTEMES POLITIQUES
Almond et Powell [in Comparative Politics, A Developmental Approach, Boston, Little, Brown and Co., 1966, p.217]
suggèrent une classification des systèmes politiques en trois groupes, selon leur degré de différenciation structurelle et
de sécularisation culturelle. Ils distinguent, en conséquence, les systèmes primitifs, traditionnels et modernes.
- Les systèmes primitifs (Primitive systems) possèdent des structures politiques intermittentes. Ils connaissent, mais
sans stabilité ni continuité, un minimum de différenciation structurelle, qui s’accompagne d’une culture à la fois diffuse
et close, fermée sur elle-même. Les membres du système politique prêtent peu d’attention à l’ensemble national. Ils sont
surtout orientés vers un sous-système politique plus limité (village, clan, ethnie).
- Les systèmes traditionnels (traditional systems) possèdent des structures politiques gouvernementales
différenciées et se caractérisent, au plan des attitudes politiques, par la diffusion de ce qu’Almond et Powell appellent
une « culture de sujétion ». Les individus sont conscients de l’existence du système politique. Mais celui-ci leur reste
extérieur, ils attendent de lui des services, ils redoutent de lui des exactions. Mais ils ne pensent pas pouvoir participer à
son action.
- Les systèmes modernes (modem systems), enfin, marquent encore un nouveau progrès, au double plan structurel
et culturel. D’une part, ils possèdent non seulement des structures gouvernementales différenciées (organes législatifs,
exécutifs, judiciaires), mais encore des infrastructures politiques différenciées : partis politiques, groupes d’intérêts et
moyens de communication de masses. D’autre part, avec ces infrastructures, s’est développée, non plus une « culture de
sujétion », mais une «culture de participation ». Les membres du système étaient des sujets ils deviennent des
participants.
Autrefois, ils se bornaient à subir les « outputs » ; aujourd’hui, ils sont engagés, impliqués dans les structures et
processus d’ « input », dans l’articulation des demandes et la prise des décisions. Les citoyens ont conscience de leurs
moyens d’action sur le système politique, de leur capacité à l’infléchir par diverses techniques (droit de vote,
manifestations, pétitions, etc.).
La sociologie politique passe de la statique à la dynamique, pour analyser enfin les processus de transformation des
systèmes politiques. De même qu’on parlait de « développement » ou de « modernisation» économiques, on parle
désormais de « développement » ou de «modernisation » politiques, pour désigner le processus qui marque le passage
d’un système politique traditionnel à un système politique moderne. De même qu’il existe des économies en voie de
développement, il existe des systèmes politiques en voie de modernisation.
Quels sont précisément, les paramètres qui permettent d’évaluer le « degré de modernité politique » ?
Malgré des nuances sensibles d’auteur à auteur, cette définition des critères de la modernité politique est, en gros,
concordante. On peut retenir, par exemple l’analyse que Lucian W. Pye donne du concept de développement politique
dès 1965 [« The Concept of Political Development », Annals of the American Academy of Politicat and Social Science, vol.
358, mars 1965, p. 1-13], en discernant trois aspects principaux : la différenciation structurelle, la « capacité » du système,
et la tendance à l’égalité.
La différenciation structurelle
Almond fait ressortir cette dimension du développement politique, en fondant sa démonstration sur trois points :
- D’ abord, l’universalité de la structure politique. Tous les systèmes, même les plus simples, possèdent une
structure politique. Ils peuvent donc être comparés selon le degré et la forme de leur spécialisation structurelle.
- Ensuite, l’universalité des fonctions politiques. Dans tous les systèmes, les mêmes fonctions (indispensables à la
vie sociale) se trouvent nécessairement remplies ; même si elles le sont avec une fréquence variable et par des types de
structures différents.
- Enfin, la multifonctionnalité de la structure politique. Les différences entre systèmes politiques occidentaux et non
occidentaux ont été généralement exagérées. Cependant, dans les systèmes politiques modernes, chaque structure est
pour l’essentiel, spécialisée dans l’exercice d’une fonction.
Un système politique efficace requiert une forte différenciation structurelle. Il doit se doter d’une administration
moderne, de partis politiques, d’organisations syndicales, de moyens de communication, etc. Pour répondre aux
demandes nouvelles, qui lui sont adressées par son environnement externe ou interne, pour satisfaire les besoins
économiques et sociaux nouveaux (demandes de bien-être, de sécurité, d’éducation, etc.)
La « capacité » du système
Pye [p.13] écrit : «Le développement politique implique une capacité accrue du système politique à conduire les
affaires publiques, à régler les conflits, à satisfaire les demandes populaires ». Il discerne surtout trois types de capacités :
innovation, mobilisation, survie.
- La capacité d’innovation, c’est la capacité d’adaptation à des problèmes nouveaux. C’est la capacité de répondre
par des méthodes flexibles à des impulsions nouvelles, à des situations imprévues.
Cette capacité est particulièrement nécessaire, aux systèmes politiques du Tiers Monde. Car l’intensification des
communications internationales rompt leur isolement et éveille la population à des aspirations nouvelles.
C’est ce que certains sociologues appellent la « révolution des aspirations » : aspirations nouvelles à la santé, à
l’éducation, au bien-être, à la participation (surtout de la part des nouvelles élites), etc.
- La capacité de mobilisation. C’est-à-dire la capacité de mobiliser les ressources (humaines et matérielles) pour réaliser
l’entreprise collective. Le système efficace est celui qui maximise ses ressources. Cette mobilisation suppose :
Cette mobilisation requiert, en effet, une véritable autorité politique, des institutions publiques stables, un certain
« niveau » légal et administratif.
- La capacité de survie. Enfin, un système politique développé est capable d’assurer sa survie. En diffusant des
attitudes favorables à son maintien par des structures, spécialisées ou non, de socialisation politique (école, université,
église, armée, parti politique). En recrutant à la vie publique ceux qui désirent y être associés ou ceux qui, s’ils n’y étaient
pas associés, risqueraient de mettre en péril la stabilité politique du système et de former une contre-élite
révolutionnaire.
La tendance à l’égalité
La troisième dimension du développement politique, c’est la tendance à l’égalité. Elle se mesure, elle-même, à trois
traits :
- D’ abord, la participation populaire aux activités politiques. On passe, selon les termes d’Almond et Powell, d’une
« culture de sujétion» à une « culture de participation ». Il doit se produire un éveil politique des sujets qui deviennent
des citoyens actifs, « impliqués » dans l’action politique. Soit de façon « démocratique » (élargissement de suffrage). Soit
sous la forme d’une mobilisation autoritaire.
- Ensuite, le caractère universel des lois, qui deviennent générales, impersonnelles, applicables à tous sans
distinctions ni privilèges.
- Enfin, le recrutement aux postes publics, qui s’effectue, non plus par voie héréditaire ou au sein d’une classe ou
d’une caste, mais selon le mérite : c’est-à-dire en tenant surtout compte des compétences, des aptitudes, de la formation.
Ces trois variables du développement politique ne connaissent pas nécessairement une progression simultanée.
Au contraire, l’expérience historique révèle souvent des tensions entre ces trois sortes d’exigences. Ainsi, la tendance à
l’égalité peut diminuer la « capacité » du système politique.
2. Sous-développement et sur-pouvoir
On a longtemps parlé de nations « sous-développées », pour qualifier les pays sous-industrialisés et démunis de
ressources, pour les opposer aux nations « développées », à fort potentiel technique et économique.
Ce concept de sous-développement est, à la fois, contestable et opératoire. Contestable, parce que désignant une
infériorité, un retard. Opératoire, dans la mesure, où il indique bien l’interrogation fondamentale : en quoi, comment,
pourquoi certains pays diffèrent-ils du modèle de développement économique, social, politique fourni par les pays
« avancés » ?
La seule référence au revenu annuel par habitant ne saurait suffire. Le sous-développement résulte de l’imbrication
de nombreuses composantes : sociale, culturelles, politiques, etc. Un diagnostic du sous-développement et une analyse
« sémiologique », révèlent de multiples « signes » interdépendants.
Sémiologie du sous-développement
Ainsi, Yves Lacoste [in Les pays sous-développés, 2e éd., 1962] énumère quinze caractères constitutifs du sous-
développement :
L’insuffisance alimentaire;
La prédominance de l’agriculture, dans des structures archaïques et avec des rendements relativement faibles ;
La faiblesse du revenu national moyen et des niveaux de vie ;
Une industrialisation réduite ;
Une situation de dépendance économique par rapport aux pays développés ;
L’hypertrophie du secteur commercial ;
Des structures sociales arriérées ;
La faiblesse numérique des classes moyennes ;
L’insuffisance de l’intégration nationale ;
L’importance du sous-emploi ;
La faiblesse du niveau d’instruction ;
La forte natalité ;
Un état sanitaire défectueux, bien qu’en voie d’amélioration ;
La prise de conscience de ces phénomènes constitutifs du sous-développement.
Cette énumération fait ressortir l’étroite imbrication des caractères d’ordre économique, social et politique. Car
tout système politique est immergé dans un ensemble social, baigne dans un « environnement » avec lequel il entretient
de multiples échanges.
Conformément à cette étude sémiologique du sous-développement, il convient de recenser les diverses causes ou
aspects du sous-développement socio-économique, pour mieux comprendre la nature du sous-développement politique.
Etiologie du sous-développement.
- le facteur démographique (une population excédentaire par rapport aux ressources ; un taux élevé de natalité)
- le facteur géographique et ethnique (disparité, oppression, diversion politique);
- le facteur technologique (retard des techniques de production);
- le facteur économique (limitation des disponibilités en capital, sous-industrialisation liée à la colonisation)
- le facteur culturel (traditions, croyances, religions, etc.);
- le facteur social (persistance de structures sociales archaïques; absence d’une « classe d’entrepreneurs », d’une
« bourgeoisie », etc.)
Toutes ces causes, et bien d’autres encore, ne peuvent être analysées en détail dans le cadre limité de ce cours.
Mais il faut s’arrêter à quelques-unes d’entre elles, souvent avancées par l’explication sociologique, en prenant soin de
rappeler la pluralité et la diversité des facteurs, qui agissent conjointement.
De plus, la colonisation a laissé des séquelles, qui rendent malaisée une industrialisation complète ou diversifiée.
Au lieu de favoriser l’implantation d’activités industrielles, elle a privilégié les activités de prélèvement (manière à faire de
la colonie un débouché pour les produits manufacturés de la métropole et un réservoir de matières premières).
Or les industries extractives ne sont pas « industrialisantes » (selon l’expression de G. de Bernis), elles ne diffusent
pas la richesse en amont ou en aval. Il ne faut pas confondre croissance sectorielle et développement.
Il faut que, peu à peu, les pays sous-développés valorisent sur place les produits de base et créent leurs propres
industries de transformation, qui conduiront elles-mêmes, progressivement à l’indispensable diversification de leurs
productions.
Tous les pays « sous-développés » sont confrontés à un processus de « développement politique » (supra, Etat et
développement politique), marquant le passage d’un système politique traditionnel à un système politique moderne. Et,
précisément parce qu’il s’agit d’un processus, d’une dynamique, l’accès à la modernité politique n’est pas immédiat. Ce
qui explique l’écart entre la vie politique réelle et les modèles institutionnels primitivement inspirés des régimes
occidentaux (surtout après la décolonisation).
La dénaturation des modèles occidentaux
Les modèles institutionnels empruntés aux régimes occidentaux ont été souvent transformés, parfois même
rejetés. Car ces pays nouvellement indépendants se trouvent confrontés à des problèmes propres, qui incitent à des
solutions institutionnelles originales.
Cette originalité explique la dénaturation ou le rejet des règles constitutionnelles inspirées par les modèles
occidentaux.
Beaucoup d’Etats du Tiers Monde ont connu une forte instabilité constitutionnelle qui résulte, pour l’essentiel, de
l’inadaptation des règles constitutionnelles à l’environnement socio-économique. Plus précisément, il faut distinguer deux
cycles constitutionnels successifs : le premier correspond à l’adoption de régimes parlementaires ; le second tire la
conséquence de l’échec du premier et correspond à l’établissement de régimes présidentiels.
Les États d’Asie du Sud-Est et d’Afrique qui accèdent à l’indépendance dans les années qui suivent la seconde guerre
mondiale commencent par adopter des institutions de type parlementaire par imitation des modèles constitutionnels
fournis par les anciennes puissances coloniales (Royaume-Uni, France de la IV République, Pays-Bas). Imitation d’autant
plus naturelle que les élites locales avaient été formées dans les Universités spécialement dans les Facultés de Droit de la
puissance coloniale.
Mais l’adoption du modèle parlementaire occidental méconnaissait des différences profondes entre l’infrastructure
économique, sociale et culturelle de ces nouveaux Etats et l’infrastructure des Etats européens.
Dans de nombreux pays du Tiers Monde, les institutions parlementaires n’ont pu s’acclimater. Et leur échec s’est
longtemps traduit par l’avènement de dictatures civiles ou militaires : Syrie, Soudan, Pakistan, lrak, Algérie, Zaïre,
Indonésie, Dahomey, Centrafrique, Nigeria, Ghana, Sierra Leone, Togo, etc.
Au bout de quelques années, les Constitutions inspirées du parlementarisme occidental ont été ou bien mises en
sommeil par des dictatures, ou bien remplacées par des Constitutions de type présidentiel, souvent inspirées du modèle
fourni par la Ve République.
Le cycle présidentialiste
L’imitation du régime présidentiel en occident, qui a beaucoup plus largement atteint les Etats francophones, en
l’exagérant encore, la mutation française, procède directement aux déceptions causées par l’expérimentation
momentanée du régime parlementaire.
- En premier lieu, le régime parlementaire semble subtil (distinction du chef de l’Etat et du chef du gouvernement :
bicéphalisme) et fragile (vulnérabilité aux crises ministérielles : motion de censure). En revanche, quel que soit le système
des partis, le régime présidentiel assure à l’exécutif stabilité et autorité. Il apparaît donc plus simple, plus robuste, plus
efficace.
- En second lieu, le régime parlementaire valorise l’opposition. II suppose une opposition cohérente, prête à prendre
la relève de la majorité au pouvoir. Il tend à mettre sur le même plan le gouvernement et l’opposition. Ce qui est
parfaitement concevable dans les pays d’Occident, à fort consensus et à unité nationale ancienne. Ce qui l’est moins dans
de nouveaux Etats où l’unité nationale est souvent imparfaite et qui souhaitent surmonter les divisions au lieu de les
institutionnaliser.
- Enfin, un régime parlementaire s’adapte mal à un encadrement autoritaire du développement économique.
Le modèle présidentiel ou « présidentialiste » (car le véritable régime présidentiel comporte un contrôle très
efficace du Parlement sur l’Exécutif) est largement adopté.
C’est dire que, parmi les pays en développement, le présidentialisme l’emporte aujourd’hui très largement sur le
parlementarisme.
Mais, derrière l’unité de la façade constitutionnelle, les réalités politiques sont diverses. Ou bien le modèle
constitutionnel est respecté, et l’on se borne au présidentialisme (cas des Etats latino-américains). Ou bien le modèle
constitutionnel s’applique à une réalité différente (parti unique, rééligibilité illimitée du président, etc.), et l’on verse du
présidentialisme dans la dictature.
Pour connaître le système politique réel, il faut intégrer trois variables qui permettent de prendre une mesure plus
exacte du « développement politique ». Ces trois variables essentielles sont : l’autonomie des sous-systèmes, la
sécularisation culturelle et la différenciation structurelle.
L’autonomie des sous-systèmes (partis, groupes d’intérêts, etc.) demeure restreinte, comme le montre la fréquence
du système de parti unique, imposant son contrôle aux autres groupes et structures. La sécularisation culturelle reste
réduite, comme l’atteste la permanence de la personnalisation du pouvoir. Enfin, la différenciation structurelle est
souvent imparfaite, comme le prouvent plusieurs dictatures, pratiquant la confusion des diverses fonctions.
Dans les années 1960, 1970 et 1980, rares sont les pays en développement qui pratiquent le véritable pluripartisme.
Parfois, ils pratiquent le système de parti dominant. Quelquefois même, les partis politiques sont suspendus, interdits ou
sans existence.
Cependant, les années 1990 marquent une triple évolution : accès au multipartisme, pratiqué de manière plus au
moins loyale, moindre personnalisation du pouvoir, rejet de plusieurs dictatures.
Pour justifier l’établissement de ce système de parti unique, trois arguments principaux se trouvent invoqués.
a) Le parti unique apparaît comme un instrument d’intégration nationale, comme l’épreuve de l’unité. Dans ces
nations encore peu intégrées, les formations politiques risquent de refléter les diversités tribales ou régionales : faute
d’une véritable allégeance nationale, le pluripartisme risque de dégénérer en séparatisme.
En revanche, le parti unique permet de concilier l’unité nécessaire et la diversité réelle, en intégrant une multitude
de groupes ethniques, politiques et économiques et en fournissant un cadre à l’expression des divers intérêts et
tendances, sans péril pour l’unité nationale.
b) Le parti unique apparaît, encore, comme un instrument de modernisation économique et sociale. Encadrées par
lui, les masses acceptent mieux la discipline nécessaire au succès d’une politique de développement planifiée.
Au total, capable d’associer les divers intérêts, d’assurer la socialisation politique et le recrutement du personnel dirigeant,
de concourir à la « communication politique » (en l’absence de bons moyens de communication de masse).
c) Enfin, l’unicité partisane refléterait l’homogénéité sociale. Dans l’analyse marxiste, les partis politiques sont
l’expression des classes sociales et de leurs intérêts. Si donc il n’existe qu’une seule classe sociale, il ne peut exister qu’un
seul parti. La lutte des classes — et donc des partis — ne pourrait se concevoir dans cette population homogène.
Le présidentialisme précède le parti unique, qui n’apparaît que comme son additif. Instrument plutôt que moteur,
le parti unique sert de rouage subordonné au pouvoir présidentiel. Pour mieux imposer son autorité dans tout le pays, le
président a besoin d’un parti à son service. Ce parti consolidera d’autant mieux le leadership présidentiel qu’il sera unique,
sans rival.
L’accès au pluripartisme
Vers la fin des années 80 et le début des années 90, l’Afrique commence à progresser, avec prudence, vers le
multipartisme sous l’influence de plusieurs facteurs.
l’influence sur l’opinion publique des événements qui se déroulent en Europe de l’Est en 1990-1991 et
qui y aboutissent au multipartisme. La renaissance du mouvement démocratique dans les vieilles nations
d’Europe centrale et orientale a frappé les esprits.
le poids de l’opposition et de l’opinion publique qui contraignent, parfois par des émeutes ou des
soulèvements, le pouvoir établi à autoriser le pluripartisme, dans certains pays.
Enfin, les anciennes puissances coloniales (Paris, Londres, Bruxelles, Lisbonne), après être restées
longtemps indifférentes voire complaisantes envers le système de parti unique, jugé par elles presque inéluctable
pour encadrer le développement national et économique, exercent désormais des pressions en faveur de
l’accession à la démocratisation et au pluripartisme.
Ainsi, au 16e Sommet franco-africain de La Baule en juin 1990, F. Mitterrand, tout en y mettant certaines formes,
fait connaître ses exigences en ce sens. Le montant de l’aide accordée aux dirigeants du continent africain dépendrait
désormais de l’ardeur qu’ils mettraient à démocratiser leur régime et à assainir leurs finances.
Multipartisme et démocratie élective sont devenus, en fait, des facteurs de stabilité, portés à la fois au pouvoir
personnel et à la personnalisation du pouvoir.
Il importe surtout de distinguer personnalisation du pouvoir et pouvoir personnel, même si l’on passe facilement
de l’une à l’autre, même si les deux phénomènes existent souvent simultanément.
- Le pouvoir personnel désigne une réalité institutionnelle : une seule personne contrôle ou concentre tous les
pouvoirs, tous les attributs de la souveraineté. Elle maîtrise la totalité des rouages de l’appareil d’État. C’est le problème
de la confusion des pouvoirs. C’est la tyrannie antique, la monarchie absolue (Ancien Régime français), la dictature
contemporaine (en décembre 1976, le maréchal-président à vie de la République Centrafricaine s’était même proclamé
empereur sous le nom de Bokassa).
- La personnalisation du pouvoir peut exister sans qu’il y ait pouvoir personnel. Mais, souvent, les deux
phénomènes existent cumulativement, l’un produisant l’autre. Soit que le « chef historique» en vienne à concentrer tous
les pouvoirs. Soit que celui qui (par exemple, par un coup d’Etat) s’est emparé de l’appareil d’Etat et à la longue, à incarner
le groupe national aux yeux de celui-ci.
Au total, le cumul du pouvoir personnel et de la personnalisation est donc une réalité fréquente dans le Tiers
Monde.
L’autoritarisme
Les deux réalités — unicité partisane et personnalisation du pouvoir — permettent de prendre la mesure d’un
troisième phénomène : l’autoritarisme.
Peu développés économiquement, ces pays neufs luttent encore pour conquérir une identité et préserver leur unité
nationale, en surmontant toutes sortes de retards, de
diversités et de conflits actuels ou potentiels. L’idée prévaut qu’un système autoritaire est plus apte à « initier » la
modernisation, au plan socio-économique comme au plan politique. Dans le monde d’aujourd’hui, la personnalisation du
pouvoir, qui tend vers l’autoritarisme est beaucoup plus fréquente. Max Weber voyait plus juste, en discernant trois
fondements de la légitimité, et donc trois types idéaux d’autorité qui se combinent presque toujours au sein d’un même
système politique.
- L’autorité traditionnelle qui repose sur la coutume, sur la force de l’habitude. Elle s’enracine dans un passé
ancestral, c’est l’autorité qu’exerçaient autrefois le patriarche ou le seigneur terrien. Elle caractérise la féodalité et les
monarchies d’hier ou d’aujourd’hui (Arabie saoudite, par exemple).
- L’autorité charismatique (du grec charisma, qui signifie grâce) qui repose sur la croyance dans les qualités
exceptionnelles d’un individu ; le chef se fait obéir du fait de son prestige, de son ascendant, de son rayonnement
personnel ; il force l’admiration et l’adhésion.
« Elle se caractérise par le dévouement tout personnel des sujets à la cause d’un homme et par leur confiance en
sa seule personne en tant qu’elle se singularise par des qualités prodigieuses, par l’héroïsme ou par d’autres qualités
exemplaires qui en font le chef » in Le savant et le politique, M. Weber, 1959, p.102
- L’autorité légale-rationnelle incarnée par la bureaucratie, est celle des États modernes. Elle repose sur un
ensemble de règles de droit logiquement assemblées et faisant l’objet d’un consensus. Chaque titulaire d’autorité tire sa
compétence des règles constitutionnelles et légales.
Ce qui caractérise ce type d’autorité, c’est l’autonomie des fonctions par rapport aux personnes et la rationalisation
des procédures.
C’est « l’autorité qui s’impose en vertu de la « légalité », en vertu de la croyance en la validité d’un statut légal et
d’une « compétence » positive fondée sur des règles établies rationnellement, en d’autres termes l’autorité fondée sur
l’obéissance qui s’acquitte des obligations conformes au statut établi. C’est là le pouvoir tel que l’exerce le « serviteur de
l’Etat » moderne » (idem Weber, p.102)
Selon que cette gestion monocratique concerne le seul Etat ou toute la société, il s’agit d’autoritarisme ou de
totalitarisme.
Ce dernier système marque une prise en charge totale du citoyen. Toute frontière se trouve abolie entre le politique
et le social (Napoléon 1er régnait sur un Etat, Hitler sur une société tout entière).
C. J. Friedrich et Z. Brzezinski définissent le totalitarisme par la réunion de six critères : l’idéologie imposée, le parti
unique, la terreur exercée par la police secrète, le monopole des communications, le monopole des armes, et la
centralisation de l’économie (Totalitarian Dictatorship and Autocracy, Cambridge, Mass., 2 éd., 1965).
Depuis 1945, le totalitarisme constitue une forme moins répandue que le simple autoritarisme, que l’on peut tenir
pour synonyme de dictature.
Sous la République romaine, en période de crise grave, un « dictateur » était investi par les consuls, sur la décision
du Sénat, de tous les pouvoirs de l’Etat. Pendant une durée qui ne pouvait excéder six mois, ce dictateur concentrait entre
ses mains tous les pouvoirs, pour sauvegarder l’intérêt public dans cette conjoncture troublée. (Totalitarian Dictatorship
and Autocracy, Cambridge, Mass., 2 éd., 1965).
Par extension, le terme de dictature désigne aujourd’hui un pouvoir absolu quelconque : un homme (ou une équipe)
concentre tous les pouvoirs. Cette situation n’est plus temporaire, mais d’une durée indéterminée. Et elle résulte plus
souvent d’un coup d’Etat que d’une investiture constitutionnelle.
Ainsi, dans les sociétés en voie de modernisation, le pouvoir s’unifie et se concentre. Comme s’il existait une relation
entre sous-développement et sur-pouvoir.
Dans le Tiers Monde, les dictatures se multiplient dans les années 1960 et 1970 en Asie, au Proche-Orient (Soudan,
Libye, Syrie, Irak), en Amérique latine, en Afrique, où beaucoup d’États vivent sous un système de parti unique, souvent
réduit à un rôle « instrumental » ou dans un régime où les partis sont suspendus ou interdits.
En effet, la tradition présidentialiste a souvent dégénéré en dictature dans les années 1960 et 1970.
Dictatures révolutionnaires et dictatures réactionnaires. Les dictatures du Tiers Monde sont, soit «
révolutionnaires » (si elles visent à promouvoir un ordre social nouveau en s’appuyant sur les classes défavorisées), soit
« Réactionnaires », ou simplement conservatrices (si elles visent à maintenir l’ordre social établi en s’appuyant sur les
classes privilégiées).
Dictatures civiles et dictatures militaires. Un second type de distinction dissocie les dictatures civiles et les
dictatures militaires. Les dictatures civiles sont, généralement, des dictatures à parti unique : elles se dissimulent souvent
derrière la façade constitutionnelle d’un régime démocratique (parlement, élections, etc.) ; mais ce régime est vidé de
sens par l’existence d’un parti unique, dont les dirigeants concentrent nécessairement tous les pouvoirs.
En revanche, les dictatures militaires affectent rarement le respect des formes constitutionnelles : les constitutions
sont mises en sommeil ou deviennent des cadres vides, les parlements sont mis en vacance ou supprimés, les partis sont
« neutralisés» les élections n’ont plus lieu, etc.
Les dictatures militaires sont fréquentes dans le Tiers Monde des années 1960, 1970 et 1980 : l’Afrique
subsaharienne compte un grand nombre d’Etats placés sous un régime militaire Benin (ex Dahomey) Burkina Faso
(ancienne Haute Volta), Burundi Congo Ethiopie, Madagascar, Mali, Niger, Nigeria, Rwanda, Somalie, Togo, Zaïre.
3. Sur-développement et sous-pouvoir
Tandis que les pays en voie de développement entrent à peine dans l’ère industrielle, les nations avancées
commencent déjà à en sortir. En effet, la révolution technologique, le « choc du futur » exercent désormais une très forte
pression sur les relations sociales. Ce sont précisément cette pression du « sur-développement » sur la société et, en
contrepartie, la réaction de la société au sur-développement qu’il faut analyser, pour comprendre la politique dans les
civilisations post-industrielles.
Le sur-développement ne se définit pas seulement par la surabondance des biens économiques. Il réside dans l’essor
autonome de la technique et de l’économie, dans une croissance technico-économique qui suit sa logique propre. Cette
société n’est plus la société industrielle d’hier, où l’industrie dominait l’économie et tout le système. Elle évolue vers un
type nouveau que l’on peut qualifier de différentes manières : « société de consommation », « société d’abondance »,
« société industrielle avancée », « société post-industrielle », etc…
Dès 1958, W. W. Rostow (Les étapes de la croissance économique, tr. 1963 discerne cinq étapes de la croissance
économique, et décrit la cinquième étape comme « l’ère de la consommation de masse ». [Rostow résume ainsi sa thèse :
« à considérer le degré de développement de l’économie, on peut dire de toutes les sociétés qu’elles passent par l’une
des cinq phases suivantes : la société traditionnelle, les conditions préalables au démarrage, le démarrage, la marche vers
la maturité, et l’ère de la consommation de masse » p.16].
Ainsi, sur cette échelle de croissance, les sociétés contemporaines se situent à des niveaux différents. Cette
disparité économique se traduit par une disparité politique. Car chacun de ces « modèles » économiques successifs ne
saurait se satisfaire du même « modèle » politique. La société traditionnelle et la société de consommation de masse ne
se gouvernent pas de la même manière. A des situations socio-économiques dissemblables correspondent des systèmes
politiques différents. Cette « société de consommation » se caractérise par une forte élévation du niveau de vie. Elle
satisfait non seulement les besoins primaires (nourriture, vêtements, logement, santé), mais aussi les besoins secondaires
(confort, loisirs, culture) de ses membres. C’est la « société d’abondance » décrite par J. K. Galbraith (The Affluent Society,
tr. 1961 : L’ère de l’opulence).
Daniel Bell (Vers la société post-industrielle, tr. 1976) préfère parler de « société post-industrielle ». Il en définit
ainsi les « cinq dimensions » : 1°Développement d’une économie de services, la population active est employée pour plus
de la moitié dans les services et de moins en moins dans l’agriculture et l’industrie. 2° Prédominance de la classe des
spécialistes et des techniciens. 3° Primauté du savoir théorique, comme source d’innovation et d’élaboration politique
dans la société ; le développement de la société dépend de plus en plus de la recherche scientifique fondamentale et de
ses prolongements technologiques. 4° Possibilité d’une croissance technologique autonome. 5° Création d’une nouvelle
« technologie intellectuelle ».
- D’abord, la prédominance du secteur tertiaire. La majorité des activités économiques se déplacent des secteurs
primaire (agriculture) et secondaire (industrie) vers le secteur tertiaire (services : transports, banques, assurances,
commerce, professions libérales, etc.). Ce secteur tertiaire croît très rapidement et tend à employer la majorité de la
population active.
- Second trait important : la naissance d’une « civilisation des loisirs », avec la diminution des heures de travail et
l’abaissement de l’âge de la retraite.
- Enfin, l’expansion sans précédent du système d’enseignement (prolongation des études, éducation permanente,
formation continue, etc.).
Paradoxalement, la démocratie décline avec l’expansion économie. Au lieu de libérer l’individu, la croissance
technico-économique le soumet à une suradministration et dégrade les mécanismes traditionnels de la démocratie
libérale.
La sur-administration
Cette sur-administration profite d’une certaine dépolitisation et se fonde sur l’essor complémentaire de la «
bureaucratie » et de la « technocratie ». À l’ère postindustrielle, la politique se banalise, résorbée dans des ajustements
empiriques et ponctuels. L’administration des choses remplace le gouvernement des hommes. Le sur-développement
provoquerait naturellement un déclin des luttes idéologiques et politiques.
La société industrielle avancée « s’oriente vers une administration totale ». Cette sur-administration s’appuie sur
de vastes organisations « bureaucratiques », publiques (armées, administrations, etc.) ou privées (grandes firmes,
syndicats et partis de masses). Ces organisations encadrent et planifient l’activité économique, sociale, politique et
administrative. Le pouvoir devient impersonnel, anonyme, abstrait. Les structures locales, et intermédiaires dépérissent.
Les rapports d’autorité personnels disparaissent. L’autorité se dépersonnalise au profit d’une vaste organisation,
anonyme. Les citoyens obéissent à une machine à l’intérieur de la machine : la bureaucratie.
À l’ère technétronique, le savoir deviendrait, plus que jamais, la clé du pouvoir. L’essor de la science et de la
technique placerait naturellement le pouvoir dans les mains des savants et des techniciens. L’idée est classique : déjà
Auguste Comte avait imaginé une société régie par les savants. Aujourd’hui le choc de la technologie met la question à
l’ordre du jour.
La notion de parti politique se définit plus complètement en examinant l’origine et les fonctions des partis. Il
importe de distinguer les partis des autres organisations qui animent le jeu politique, en adoptant une définition fondée
sur des éléments précis.
La définition du parti politique selon LaPalombara et Weiner. Aux premières pages de Political Parties and Political
Development (Princeton, 1966, p. 5-7), Joseph LaPalombara et Myron Weiner donnent du parti politique moderne une
définition, qui se fonde sur la réunion de quatre critères.
1° Une organisation durable, c’est-à-dire une organisation dont l’espérance de vie politique soit supérieure à celle
de ses dirigeants en place ;
2° Une organisation locale bien établie et apparemment durable, entretenant des rapports réguliers et variés avec
l’échelon national ;
3° La volonté délibérée des dirigeants nationaux et locaux de l’organisation de prendre et d’exercer le pouvoir, seuls
ou avec d’autres, et non pas – simplement - d’influencer le pouvoir ;
4° Le souci, enfin, de rechercher un soutien populaire à travers les élections ou de tout autre manière »
Au plan de la structure et de la vie interne des partis, la distinction fondamentale est celle des partis de cadre et
des partis de masse que Maurice Duverger a formulée dès 1951.
La naissance et l’essor des partis des cadres se situent à l’époque du suffrage restreint. Dans ce monde politique
encore fermé, les partis des cadres constituent l’expression politique des classes dominantes spécialement de la
Bourgeoisie. Les partis des cadres ne visent pas à grouper un nombre d’adhérent aussi élevé que possible mais à réunir
des notables représentatifs des élites sociales.
Ces notables sont recherchés soient pour leur prestige qui leur confère de l’influence sur les électeurs, soient pour
leur fortune qui contribue à couvrir les frais des campagnes électorales. Plus que la quantité d’adhérent, c’est la qualité
qui importe et la qualité signifie ici volume du portefeuille, élévation du statut social. Ces notables se groupent en comités
locaux, pour l’activité de sectorité qui atteint son maximum en période électorale : désignation, soutien, propagande. Et
cette activité se réduit considérablement dans l’intervalle des élections.
b- Les partis de masse
Historiquement, l’apparition des partis de masse est la conséquence de la substitution du suffrage retreint au
suffrage universel accédant au droit de suffrage, les masses souhaitent voter pour des candidats n’appartenant pas à la
bourgeoisie mais issus de même des classes populaires et traduisant leurs aspirations. Alors apparaissent des partis d’un
type nouveau recrutent massivement tourné vers l’éducation politique des masses et la formation de critère nouveau
politique.
En revanche, l’irruption sur la chaîne électorale des masses populaires nécessite l’apparition des partis de masse
qui les encadrent et expriment leurs intérêts. Les conflits conservateurs libéraux ou aristocratie nationalisme opposant
des partis des cadres entre eux changent devant le conflit capitalisme socialisme opposant des partis des cadres aux partis
de masse.
Il devient possible d’établir un portrait globaux de parti adapté au comportement électoral, organisé pour et par
l’élection. Le parti attrape-tout souhaite attirer un maximum de suffrage pour devenir ou rester un parti de
gouvernement.
L’objectif c’est de recueillir la majorité absolue de suffrage, à cette fin, le parti vise à dépasser sa base pour étendre
au maximum sa superficie électorale. Il veut cesser d’être un parti de classe ou un parti de région pour devenir un parti
national en qui les électeurs puissent se prononcer. Il tente alors à devenir un parti d’électeur beaucoup préoccupé par
ses électeurs que par ses adhérents.
Au-delà des modèles théoriques ou des organigrammes officiels des partis, c’est la distribution réelle du pouvoir au
sein du parti qui intéresse le politologue.
Chacun des niveaux peut faire l’objet d’études qui nous renseignent à la fois sur la nature du parti et sur les divers
modes de participation.
- Les dirigeants dirigent le parti politique pendant un mandat déterminé et qui n’est pas lié à leur réussite
- Les permanents sont des militants professionnels du parti. Ils assurent l’organisation du parti
- Les adhérents ont une carte, et on peut les individualiser. Ils paient des cotisations.
- Les sympathisants ne sont pas membres du parti. Ils sont liés par des liens affectifs, amicaux, intellectuels, etc.
avec le parti
- Les électeurs varient. Ils peuvent voter ou non pour leur idéologie politique respective.
Pour un parti de cadre, il faut un petit nombre d’adhérents influant. L’adhésion au parti n’aura pas des
conséquences directes dans la vie privée.
Pour un parti de masse, l’objectif est de rassembler un plus grand nombre de personne au sein du parti pour leur
faire vivre une certaine idée. Cette vaste communauté d’adhérents est liée par une certaine façon de vivre et de penser.
L’adhésion est plus engageante, impliquant la vie personnelle du militant tenu à une discipline ferme.
Les partis contribuent à créer ou à maintenir une conscience politique, en assurant l’information et la formation de
l’opinion. Les partis alimentent le jeu électoral en thèmes précis. Les partis présentent des options franches, entre
lesquelles les électeurs peuvent exercer un véritable choix. Ils rendent possible un choix plus clair au moment des
élections. D’une manière ou d’une autre, les partis fournissent une base pour le choix électoral.
La plupart des candidats proposés aux électeurs sont désignés par les partis, qui participent ainsi activement à la
fonction de recrutement politique. Certes, cette sélection du personnel politique peut donner lieu à certains vices
oligarchiques.
- Dans les partis de cadres, le choix par des comités de notables, risque d’aboutir à la formation d’une oligarchie
cooptée.
- Dans les partis de masses, la désignation des candidats est faite par des congrès nationaux ou locaux auxquels les
adhérents du parti participent directement ou indirectement.
Les partis assurent l’encadrement des élus, et ce, de deux manières complémentaires.
D’une part, ils maintiennent un contact permanent entre les élus et les électeurs. Les militants servent de relais
entre les deux.
D’autre part, les partis assurent l’encadrement parlementaire des élus. Un « groupe parlementaire » réunit les élus
d’un même parti et assure la concertation entre eux.
On connait tout ce qui fait la distinction entre les partis politiques et les groupes de pression. Les premiers visent à
exercer le pouvoir, les seconds se limitent à l’influencer et faire pression sur lui tout en lui demeurant extérieur.
Le phénomène est difficile à appréhender, tant ces groupes sont nombreux et divers : syndicats ouvriers,
mouvements féministes, organisations patronales, associations pour la défense de la laïcité (ou de l’enseignement libre),
mouvements d’anciens combattants, clubs et sociétés de pensée, organisations paysannes, groupements religieux,
mouvements de jeunesse, associations familiales, associations de parents d’élèves, etc.
Un groupe de pression peut se définir comme une organisation constituée pour la défense d’intérêts et exerçant
une pression sur les pouvoirs publics afin d’obtenir d’eux des décisions conformes à ces intérêts.
Cette définition requiert donc la réunion de trois éléments : l’existence d’un groupe organisé, la défense d’intérêts,
et l’exercice d’une pression.
Dans certains cas, la communauté d’intérêt provoque des manifestations sporadiques et éphémères. Dans d’autres,
elle est assez vivement ressentie pour provoquer la constitution d’une organisation véritable et durable qui prend
spécialement en charge l’intérêt commun.
Ainsi s’instituent des rapports collectifs stables, sinon permanents, au lieu d’actions spontanées et brefs.
Ce critère organisationnel permet donc une distinction entre « groupes organisés » et actions « non organisées ».
Selon leur degré de spécialisation et d’organisation on peut classer 4 types de groupes d’intérêts :
- les groupes d’intérêts anomiques : formations spontanées et éphémères, souvent violentes (ex. :
manifestations, émeutes) ;
- les groupes d’intérêts non associatifs : ce sont des groupements informels, intermittents et non volontaires (sur
la base de la parenté, de la religion, etc.), caractérisés par l’absence de continuité et d’organisation ;
- les groupes d’intérêts institutionnels : ce sont des organisations formelles (assemblées, administrations, armées,
églises), remplissant d’autres fonctions que l’articulation des intérêts, mais pouvant s’y livrer, en corps ou en partie
(groupe d’officiers, états-majors de l’armée, etc.) ;
- les groupes d’intérêts associatifs : ce sont des organisations volontaires et spécialisées dans l’articulation des
intérêts : syndicats, groupements patronaux, associations ethniques ou religieuses, groupements civiques.
Ces derniers possèdent le degré d’organisation et de spécialisation, qui caractérise les groupes de pression
efficaces.
b- Défense d’intérêt
Dans la notion de groupe d’intérêts, le concept d’ « intérêt » doit s’entendre au sens large. Il n’est pas
nécessairement matériel, il peut être purement moral.
Cette acception large a l’avantage d’éviter les incertitudes de frontière et les jugements moralisateurs, qui
deviennent inéluctables si l’on adopte une sous-distinction supplémentaire (sous-distinction entre les groupes qui
défendent des intérêts et ceux qui luttent pour des idées : les premiers formulant des exigences matérielles, les seconds
soutenant des causes morales). Il ne faut pas surestimer la portée de cette distinction, fondée sur l’opposition « action
intéressée » et « action désintéressée ».
- D abord, certains groupes défendent à la fois des intérêts matériels et des causes morales. Les syndicats
d’enseignants, par exemple, se préoccupent aussi bien de questions corporatives (traitements, conditions de travail) que
de problèmes pédagogiques (améliorations des méthodes d’enseignement).
- Ensuite, certaines organisations dissimulent parfois des objectifs très concrets derrière des thèmes moralisateurs :
défense de l’enseignement libre, approbation de la « propriété familiale » (la liberté, la famille) pour préserver des
avantages matériels moins avouables.
- Enfin, cette distinction théorique omet une dure réalité : pour vivre et faire vivre ses idées, tout groupement,
même sincèrement désintéressé, même purement idéologique, doit disposer de ressources matérielles. Même une Église
ne saurait ignorer le siècle et s’abstenir de solliciter les pouvoirs publics, afin d’obtenir des subventions pour ses écoles,
sinon pour son culte.
c- Exercice d’une pression
Un « groupe d’intérêt » ne devient un « groupe d’intérêt politique » ou un « groupe de pression », que s’il tente
d’influencer les décisions des pouvoirs publics. Sinon il demeure un simple groupe d’intérêts (cas du syndicat patronal se
bornant à discipliner la profession en réglementant l’activité de ses membres), Au fond, étudier les groupes de pression,
c’est analyser les groupes d’intérêts dans leur dynamique externe et spécialement dans leur activité politique. Un groupe
de pression est un groupe d’intérêts en expansivité. Un groupe de pression est un groupe d’intérêts qui exerce une
pression.
Ce sont les groupes d’intérêt anomique (informel) qui pratique les démonstrations physiques et parfois violentes.
Au contraire, les groupes non associatifs utilisent plutôt des relations personnelles (liens familiaux, sociaux ou locaux). Les
groupes institutionnels et associatifs préfèrent les procédures de représentation (élection des membres du bureau du
groupe mandaté pour agir et parler au nom du groupe).
IV. LES CONSTANTES DANS LES CHANGEMENTS SOCIOPOLITIQUES A
MADAGASCAR
L’approche des constantes dans les changements sociopolitiques à Madagascar, nécessite au préalable la mise en
relief de quelques généralités relatives au contexte historique malgache.
L’intégration progressive de l’Ile au monde extérieur se situe entre les XVIe et XIXe siècles, période coïncidant avec
la mise en place du système colonial moderne en Afrique. S’agissant de Madagascar, les guerres intestines entre divers
royaumes, combinées avec la gestion des relations avec les européens, y compris les missionnaires chrétiens, ont favorisé
l’émergence de nouvelles classes dirigeantes dans le cadre du capitalisme naissant ; Madagascar fut devenu colonie
française par la Loi d’annexion votée par le Parlement français le 6 Août 1896 ; suite aux différentes péripéties qui ont
marqué la lutte de libération nationale, l’Ile a recouvert son Indépendance le 26 Juin 1960.
L’histoire post-indépendance de Madagascar est jalonnée de divers changements de régimes, consécutifs à des
crises sociopolitiques. L’analyse des constantes, que l’on peut dégager à travers ces changements sociopolitiques, nous
amène à la prise en compte des trois articulations complémentaires ci-après :
les pesanteurs historiques ;
le décalage entre le pays réel et le pays légal ;
les incertitudes consécutives à l’avènement des nouveaux régimes
- La question ethnique
Nous avons évoqué préalablement l’existence d’une unité linguistique à Madagascar, par ailleurs cette unité se
prolonge également au plan culturel avec la présence de sous-cultures régionales.
Néanmoins, le devenir de la société malgache, résultant de l’évolution différentielle des différents royaumes, a
débouché sur des groupements humains, considérés comme partageant des valeurs communes débouchant sur des
intérêts spécifiques. En outre la configuration géographique de l’Ile a déterminé l’implantation des populations sur les
régions côtières et sur les Hautes terres, à telle enseigne que la question ethnique et la « cause côtière » ont souvent
meublé le débat dans le microcosme politique au moment des crises.
En effet, au cours de la première crise politique post-indépendance en 1972, la question ethnique émergeait en
surface. En fait, dans les premières années consécutives à l’Indépendance de 1960, une large partie des populations
malgaches, qui escomptait un changement qualitatif, fut déçue par la perpétuation des structures coloniales dans la
Première République, dirigée par le Président Tsiranana, d’origine côtière. Cette situation néocoloniale fut remise en
cause par plusieurs forces sociopolitiques, comportant des partis, des syndicats, des paysans et des intellectuels.
L’épicentre des mouvements de contestation d’alors se trouvait sur la « Place du 13 Mai » à Antananarivo, avec une
majorité de manifestants, originaires des Hautes Terres ; il en résulte que la chute du Président Tsiranana, remplacé par
le Général Ramanantsoa, a alimenté le débat sur la question ethnique.
Au cours du mouvement pour la démocratie en 1991-1992, qui a balayé le régime d’orientation socialiste initié par
le Président Ratsiraka, la question ethnique revenait encore en surface dans les débats. En effet, dans le contexte dominé
par la Guerre Froide, à partir de 1975, la IIe République dirigée par le Président Ratsiraka a opté pour la voie socialiste, en
faisant voter par référendum la Charte de la Révolution socialiste malgache. Cette crise de 1991-1992 résultait de la
combinaison de plusieurs facteurs endogènes et exogènes ; entre autres il convient de citer la chute du Mur de Berlin en
1989, évènement qui a réduit les espoirs pour l’émergence d’une société de type socialiste en Afrique, par ailleurs il y a
eu les échos du Discours de La Baule, prononcé par le Président Mitterrand en 1990, discours qui avait posé le principe
de la conditionnalité démocratique liée à l’aide française, et enfin force est d’évoquer la déception au niveau des
populations à la suite des promesses de changement non réalisées.
Cette situation a débouché sur une nouvelle crise politique en 1991-1992, où le mouvement de désobéissance
civile, et la grève générale cristallisée sur la « Place du 13 Mai », menés conjointement par les partis, les syndicats et les
associations regroupés au sein des « Forces Vives », se sont terminés par un changement de régime.
Si le Pasteur Andriamanjato, Merina issu des Hautes Terres, fut le véritable meneur de ce mouvement populaire, le
Président Zafy Albert, originaire du Nord, fut poussé par les événements, en vertu des non-dits de l’histoire, pour
remplacer le Président Ratsiraka. Mais il semble que les non-dits de l’histoire n’ont pas été respectés par le Président Zafy,
qui a eu deux Premiers Ministre d’origine côtière (Ravony et Rakotovahiny). Cette expérience fut sanctionnée en 1996 par
l’Assemblée Nationale à la suite d’une motion de censure contre le Premier Ministre Rakotovahiny (Mai 1996), et par une
motion d’empêchement en Juillet de la même année, qui a démis de ses fonctions le Président Zafy.
Au cours de la grève générée par la contestation des élections de 2001-2002, la question ethnique demeurait
encore comme toile de fond. La crise politique de 2001-2002 tirait ses sources de la contestation des élections
présidentielles du 16 Décembre 2001, qui ont mis en confrontation deux candidats, à saisir Didier Ratsiraka (originaire de
la Côte-Est) et Marc Ravalomanana (originaire d’Antananarivo). Sans entrer dans les péripéties de cette crise, notre sujet
appelle à noter la présence chronique de la question ethnique, avec la tentative d’installation de Ratsiraka à Toamasina
(capitale de sa région d’origine), et l’appui apporté par les gens des Hautes Terres à Ravalomanana.
Du reste dans la gestion de la crise récente (2009-2013), dont l’issue s’avère encore incertaine, la question ethnique
constitue encore un phénomène récurrent. En 2009, les espoirs déçus au niveau de la population ont été canalisés par le
mouvement TGV mené par Andry Rajoelina.
En l’occurrence, il est opportun de souligner que pour la première fois, se trouvaient en confrontation deux
personnalités politiques originaires des Hautes Terres, en l’espèce Marc Ravalomanana et Andry Rajoelina. A la suite des
échecs de règlement pacifique de la crise sous l’égide de la FFKM, et sur recommandation de la Communauté
Internationale, on a intégré dans les négociations deux anciens présidents « côtiers ». D’où les concepts de quatre
mouvances véhiculées à travers les multiples discussions.
A cet égard, les réunions de négociation, organisées en concertation avec la Communauté Internationale, ont
débouché sur une « Feuille de Route » régissant le régime transitoire. Dans cette « Feuille de Route », signée le 17
Septembre 2011 à Antananarivo par divers Acteurs politiques, et conçue pour amener vers la sortie de crise à Madagascar,
il est stipulé à l’article 5 que : « 5… Il est attendu que le Premier Ministre de consensus ne peut être originaire ni de la
même province, ni de la plateforme politique qui soutient le Président de la transition ».
- Le poids de la religion
Le poids de la religion demeure encore incontournable dans la dynamique de la société malgache. Au niveau du
paysage religieux à Madagascar, il existe un syncrétisme entre les religions traditionnelles et les religions modernes
introduites depuis le XIXe siècle par les missionnaires chrétiens. Dans la présente étude, nous parlerons surtout du rôle
des religions chrétiennes à travers les diverses crises politiques à Madagascar.
Comme point de repère historique relatif au problème religieux, il convient de noter la répartition tacite des
grandes familles malgaches entre la religion protestante (influence anglo-saxonne) et la religion catholique (influence
française).
Sans l’influence grandissante des missionnaires protestants, essentiellement issus de la L.M.S (London Missionary
Society), en 1869 la Reine Ranavalona II et le Premier Ministre Rainilaiarivony furent baptisés et mariés chrétiennement
selon les rites protestants. Ce fait historique important fut accompagné par un suivisme de la part des classes dirigeantes
des Hautes Terres, ceci explique que la plupart des grandes familles Merina sont devenues protestantes. En revanche,
sous l’influence de la politique coloniale française, mise en œuvre essentiellement par le Général Gallieni, plusieurs
représentants des populations originaires des régions côtières, sont devenus catholiques. Cette division schématique se
retrouve également dans la haute sphère politique après l’Indépendance de l’Ile.
A ce propos, il ne parait pas superflu de préciser que trois Présidents de la République d’origine côtière sont
catholiques (Tsiranana, Ratsiraka et Zafy) ; tandis que trois autres présidents issus des Hautes Terres sont protestants
(Ratsirahonana, ayant exercé les fonctions de Chef d’Etat, Ravalomanana et récemment Rajaonarimampianina).
La pesanteur de la religion est constamment prise en compte dans la distribution des postes après les différentes
crises. Du reste, la FFKM (Conseil œcuménique des Eglises) a toujours joué un rôle non négligeable sur le plan politique à
Madagascar.
Au cours de la récente crise (2009-2013), la FFKM fut très sollicitée comme autorité morale pour intervenir dans le
cadre de la réconciliation nationale. En effet dans la « Feuille de route » régissant la Transition, il est stipulé que : « 28.
Les membres de la Société civile Malgaches, dont les Raiamandreny Mijoro, le FFKM, la CNOSC et le FINONA, sont chargés
du suivi et du contrôle nationaux de l’application de cette feuille de route, jusqu’à la fin de la période de transition ».
Par ailleurs, il convient de souligner que le recours aux citations bibliques constitue un élément récurrent dans le
paysage politique malgache, notamment au cours des crises politiques les meneurs ont pris l’habitude de galvaniser les
foules en utilisant des versets de la Bible. A titre d’exemples, on peut évoquer que pendant la crise de 1991-1992, a été
lancé le slogan suivant « Ento miatraka ity firenena ity » ou « Fais monter ce peuple. » Exode 33/2 ; en outre lors de la
crise de 2001-2002, les partisans de Marc Ravalomanana ont cristallisé leurs revendications par la citation suivante : « Aza
matahotra, minoa fotsiny ihany » ou « Ne crains pas, crois seulement. » Marc 5/36.