Chapitre troisième
Chapitre troisième
Chapitre troisième
LE BUDGET DE L’ETAT
Le budget de l’Etat est défini comme l’acte par lequel sont prévues et autorisées
les dépenses et ressources de l’Etat ou des administrations publiques. Il s’agit d’une loi
qui trouve son fondement dans le consentement à l’impôt des contribuables. Une telle
définition est une fenêtre ouverte dans la mesure où l’on exprime ici et là « le seuil de
pression fiscale ». En effet, il s’agit de centraliser les dépenses et les ressources prévues
de l’Etat, de façon à pratiquer une gestion rigoureuse et à éliminer tous risques de
gaspillage des fonds publics.
L’apparition progressive d’une conception plus interventionniste du rôle de l’Etat
dans la société n’a pas fait disparaître pour autant l’intention initiale de présenter les
activité publiques de façon ordonnée sur le plan comptable . Mais à ce souci s’est ajouté
celui de voir le budget s’insérer dans l’économie nationale et devenir un des rouages
fondamentaux par sa participation à la réalisation des grands équilibres économiques et
financiers
Paragraphe 1 : Evolution historique du budget
La notion de budget a subi une évolution intéressante. Elle retrace en fait l’évolution des finances publiques elles-
mêmes et traduit le phénomène de l’intégration des finances publiques à l’économie. A l’origine, le budget était la notion
centrale qui dominait toutes les finances publiques et la notion de loi de finances n’était pas ignorée, mais elle n’était pas
véritablement dissociée de celle du budget.
Cette évolution de la notion de budget apparaît au travers des définitions qui en ont été proposées par les auteurs.
Etymologiquement parlant, le ‘’ budget ‘’ est un mot d’origine anglo-saxonne, ‘’Budget ‘’ venant de l’ancien français :
‘’Bougette ‘’, qui désigne une petite bourse (un petit sac)1.
Dès l’origine, le Budget est le moyen mis au service du pouvoir pour appliquer sa politique. Le sac du roi
renfermait l’argent nécessaire aux dépenses publiques. Il exprime un équilibre entre le pouvoir politique et la nation conçu
initialement presque exclusivement comme source des revenus de l’Etat. Le Budget est ensuite devenu un acte de limitation
du pouvoir royal dans la mesure où il traduisait un consentement à l’impôt. La dévolution du pouvoir budgétaire a fait l’objet
de longs combats politiques. Le développement du droit budgétaire est parallèle au développement du droit politique. Dès
lors les ressources de l’Etat n’étaient plus dévolues de droit, mais consenties. Cette caractéristique explique la procédure du
vote du Budget.
De nos jours, en fait, le budget est conçu comme un acte législatif (un texte de loi) par lequel sont prévues et
autorisées les recettes et les dépenses annuelles de l’Etat, des Entités territoriales décentralisées et des autres services
publics.
La définition ainsi formulée a le mérite de dégager les éléments caractéristiques des lois budgétaires.
La loi budgétaire a un double caractère ; il s’agit à la fois d’un acte de prévision et d’un acte d’autorisation.
L’article 2 de la Loi Financière de 1983 dispose en effet que la loi budgétaire votée par le Parlement et les décisions
budgétaires prises par les Assemblées provinciales déterminent chaque année la nature, le montant et l’affectation des
ressources et des charges prévues et autorisées de différents services de l’Etat et des ETD compte tenu d’un équilibre
économique et financier qu’elles définissent.
a) Le budget est un acte de prévision :
Le budget établit un plan d’évaluation des dépenses et des recettes à effectuer. Il diffère ainsi d’un bilan qui est
l’image passive et active d’une situation comptable à un moment donné.
b) Le budget est un acte d’autorisation :
C’est acte par lequel le Parlement donne mandat au Gouvernement d’effectuer les dépenses et de percevoir les
recettes.
1
Voir à ce sens, BIGAUT, Ch., Finances publiques, Droit budgétaire, Le budget de l’Etat, Paris, Ellipses, 1995, p.7.
Il faut noter que ce double caractère d’acte de prévision et d’autorisation est nécessaire pour qu’il y ait un budget.
En effet, le budget porte sur l’ensemble des recettes et sur l’ensemble de dépenses. Son rôle essentiel est d’assurer la
corrélation entre les recettes prévues et les dépenses à engager qui doivent à tout prix être en équilibre.
Il faut noter que le cadre juridique de la présentation budgétaire obéit, en l’absence d’une nouvelle loi relative aux
finances de l’Etat, aux règles constitutionnelles prévues dans les dispositions des articles 126 et 127 de la Constitution.
Mais, quel est le contenu de la loi des finances et quelle différence avec le budget de l’Etat ?
Pour répondre à cette question, disons que le législateur congolais n’a pas défini ce qu’il faut entendre par ‘’loi des
finances‘’. La Constitution emploie pourtant cette expression à l’article 126.
De manière générale, on peut retenir, sur base du droit budgétaire comparé, trois catégories de lois de finances : la
loi des finances de l’année, la loi des finances rectificative et la loi des finances de règlement.
- La loi des finances de l’année ou loi de finances initiale est la plus importante. C’est dans cette loi que l’on trouve les
principales modifications apportées chaque année à la législation fiscale ainsi que les autorisations budgétaires
accordées aux différents ministères pour l’année à venir. La loi de finances initiale constitue, chaque année, l’acte
juridique qui autorise et limite les moyens accordés aux différentes administrations de l’Etat.
- Les lois des finances rectificatives ont pour objet de modifier en cours d’année les prévisions et les autorisations
effectuées dans la loi de finances initiale.
- La loi de règlement a pour objet de constater et de contrôler l’application qui a été faite de la loi de finances de l’année
et de la loi de finances rectificative.
- Le budget quant à lui est un document comptable qui traduit un plan d’action dans le domaine financier. Son
élaboration permet de prévoir, pour l’année à venir, les dépenses et les recettes d’une personne pou d’un organisme
public.
Soulignons à ce niveau que le budget de l’Etat comporte trois catégories de comptes : le budget général, les budgets
annexes et les comptes spéciaux du Trésor.
Le budget général regroupe toutes les dépenses et recettes de l’Etat à caractère définitif, c.à.d. financé
essentiellement par l’impôt. C’est le plus important des comptes : il représente plus de 80% des ressources et des charges de
l’Etat. Les budgets annexes retracent en principe les dépenses d’organismes de l’Etat dépourvus de personnalité juridique.
Quant aux comptes spéciaux du Trésor, ils retracent les opérations à caractère temporaire comme, p.ex, les avances aux
collectivités locales.
Mais cette règle constitue un cadre très rigide par exemple pour les dépenses
d’infrastructures ou dépenses en capital physique . Il faut donc assouplir cette règle pour :
- assurer la continuité entre les budgets successifs
- autoriser certains programmes
- dépasser le cadre de strict respect de l’exercice budgétaire dans une optique de
gestion
La continuité entre budgets successifs
La règle d’annualité au sens strict signifie l’indépendance d’un budget par rapport au
précédent et que chaque année toutes les recettes et dépenses de l’année antérieure
devraient être réexaminées. Mais dans les faits, l’activité financière de l’Etat ne respecte
pas toujours l’année civile. Elle introduit une distinction entre service voté et mesures
nouvelles du coté des dépenses tout en laissant les recettes comme telles du fait que le
système fiscal n’est pas remanié toutes les années.
Les services votés sont les dépenses courantes correspondant au minimum de dotations
que le gouvernement juge indispensable pour poursuivre l’exécution des services publics dans
les conditions approuvées l’année précédente par le Parlement. Par exemple, on ne rediscute
pas du traitement des fonctionnaires chaque année.
Par conséquent seules les mesures nouvelles donnent lieu à une discussion
détaillée et un vote par ministère et par titre. Ces mesures nouvelles correspondent à
des reconductions des dépenses ou à des augmentations. Exemple : les augmentations de
personnel administratif donnent lieu à des mesures nouvelles
L’autorisation d’engagement fixe le montant maximum des dépenses qui peuvent être
déboursées pour obtenir un équipement donné, prévu par la loi de finance. Elle est valable
sans limitation de durée, c’est à dire reconductible, considérations faites des modifications
techniques et des variations de prix.
Les crédits nécessaires d’accompagnement au programme sont des crédits de
paiement annuels. Ils peuvent être considérés comme des crédits d’appoint.
L’optique de gestion
L’optique de gestion tolère un prolongement de 1 (un) ou 2 (deux) mois de l’exercice
budgétaire afin de considérer comme juridiquement effectuées au cours de l’année
observée des dépenses de fonctionnement de l’administration centrale qui sont en réalité
exécutées pendant les premiers mois de l’année suivante.
Cette optique implique aussi que certains crédits non utilisés seront reportés. Ces
reports sont souvent des subventions économiques et des aides à l’emploi.
Cependant, la version keynésienne moins radicale soutient que l’équilibre peut être
maintenu au niveau des dépenses de fonctionnement des administrations publiques mais
pas au niveau des dépenses en capital y compris le capital humain.
De manière unanime, les auteurs s’accordent maintenant à dire que l’équilibre
budgétaire ne doit plus se cantonner à la conception ancienne, il a une portée
simplement psychologique et l’Etat peut donc, malgré les déficits , montrer une volonté de
rigueur dans ses dépenses. Aussi en vient-on à accepter de financement du déficit par
emprunt, par création monétaire moyennant des règles prudentielles.
Notons que lorsque les dépenses définitives sont supérieures aux recettes fiscales, on
parle de déficit.
Les dépenses définitives sont les dépenses non remboursables de l’Etat comme les
dépenses courantes de fonctionnement, les dépenses de transfert, les dépenses en
investissement civil et militaire.
Mais lorsque les dépenses totales de l’Etat (c’est à dire définitives et temporaires)
sont supérieures aux recettes fiscales on parle d’impasse budgétaire
En conclusion , le principe comptable de l’équilibre budgétaire n’ a pas la même
signification que le principe économique puisque dans la réalité, l’équilibre n’est pas
respecté au sens strict du terme.
4) Le principe d’autorisation
Le parlement vote et amande le budget, d’où le non de la loi de finance. Cette loi
donne à l’Etat le droit de percevoir des recettes conformément aux taux prévus. Mais ces
recettes sont variables du fait de l’instabilité conjoncturelle : le chômage et la récession par
exemple affectent négativement l’assiette fiscale, donc les revenus fiscaux.
La loi des finances n’est donc pas un moyen d’arrêter définitivement des recettes,
elle en donne une prévision mais elle doit scrupuleusement respecter les règles en
vigueur en matière de barème fiscal.
L’autorisation parlementaire des dépenses peut être spéciale, temporaire ou limitative.
Le principe de spécialité respecte l’affectation chapitre par chapitre des dépenses
ratifiées par le parlement. Ainsi le vote du budget s’effectue par ministère jusqu’à
l’examen de tous les ministères et par ordre de priorité .
L’autorisation est temporaire parce que les crédits doivent être consommés l’année
où ils sont autorisés.
Elle est limitative c’est à dire les crédits autorisés ne doivent pas être dépassés sauf
rectification de la loi des finances.
Les dépenses
Celles –ci font l’objet des plusieurs classifications. Elles peuvent être présentées
tout d’abord selon leur nature civile ou militaire. A cette distinction s’en superpose une
autre liée aux dépenses ordinaires et aux dépenses en capital, etc.
Ces recettes et dépenses sont à caractère définitif c’est à dire ces opérations
doivent avoir lieu et ne sont pas remboursables
- La classification par nature est utilisée pour les contrôles courants. Une classification
par nature (dépenses d'électricité, bourses, frais de transport, etc.), sert également à
la confection du TOFE et aux comptes nationaux.
- Eventuellement, une classification programmatique, qui peut être structurée en
programme, sous-programme (ou action) et activités. Un programme est défini
généralement comme "un ensemble cohérent d’actions relevant d’un même
ministère et auxquels sont associés des objectifs précis, définis en fonction de
finalités d'intérêt général, ainsi que des résultats attendus et faisant l'objet d'une
évaluation''.
La classification programmatique sert à la formulation des politiques publiques, la
responsabilisation sur les résultats et le suivi de la performance..
- Et toute autre classification jugée nécessaire. Selon les besoins, d'autres classifications
peuvent aussi être mise en place. Les plus répandues comprennent une classification
géographique, une classification par sources de financement, une classification pour
l’identification des dépenses de lutte contre la pauvreté).
La classification des sources de financement est importante pour la gestion courante et
l'analyse macroéconomique. Elle permet de distinguer, dans les états financiers, les
dépenses sur financement intérieur (y compris la contrepartie en monnaie locale des
aides budgétaires) des dépenses sur aides liées à des projets. A la demande de la part
de certains donneurs pour identifier dans le budget les dépenses liées à la politique
de réduction de la pauvreté, certains pays ajoutent au système de classification un
segment additionnel, qui identifie si oui ou non l'activité ou la ligne budgétaire
répond aux objectifs de la stratégie de réduction de la pauvreté.
De même, d’un point de vue analytique, il serait intéressant de savoir quelle partie du
territoire du pays est affectée par chacune des opérations financières de l’État. Cela
est difficile dans la plupart des cas. Mais, une approche plus réaliste et plus pratique
est de lier la classification géographique avec la localisation de la population
bénéficiaire des retombées de la transaction ou du district où se trouve le service qui
réalise la transaction. Généralement, La classification géographique est faite une fois
pour toute et fige le territoire et ses différentes parties dans une nomenclature
définitive.
Le budget « traditionnel » comprend essentiellement la classification par nature et la
classification administrative. La performance se limitait au respect des lois et
règlements en vigueur et au contrôle des moyens. La classification programmatique
est nécessaire seulement pour l'approche moderne. Des indicateurs de performance
sont établis par programme afin d'évaluer l'efficience et l'efficacité des programmes
et activités. Par contre, la nomenclature par nature économique est nécessaire quelle
que soit l’approche budgétaire utilisée, à la fois pour la gestion courante et l'analyse.
Le système de classification budgétaire pour la gestion courante doit être compatible avec les
standards internationaux pour la production de rapports analytiques. Ces standards ne servent
pas à la gestion budgétaire courante. Ils comprennent:
- La classification économique donnée par le manuel du FMI qui sert à la formulation de
la politique budgétaire globale, et à la préparation du tableau des opérations
financières de l'Etat (TOFE) et des comptes nationaux. Cependant, les pays n’utilisent
pas toujours intégralement les procédures de ce manuel ; ils les adaptent en fonction
de leurs capacités techniques.
- La classification des fonctions des administrations publiques (Nations Unies) qui est
une classification par objectif socio-économique et qui sert à la formulation des
politiques publiques et aux comparaisons internationales.
Le contrôle a priori
Le contrôle a priori est celui qui est antérieur à l’opération de l’exécution du budget.
Sa valeur ou sa force demeure toujours contestée. On lui reproche, en fait, d’être superficiel
pour ne pas ralentir l’action administrative et de commettre des erreurs d’appréciation compte
tenu de ses conditions mêmes d’exercice.
Par-delà ces inconvénients, le contrôle a priori permet de déceler, et par la suite de
rectifier la plus grande partie des irrégularités budgétaires avant qu’elles ne soient devenues
définitives.
Le contrôle à posteriori
Le contrôle a posteriori est exercé après la réalisation de l’opération financière. Elle
permet un examen complet et détaillé d’une gestion et permet donc de se faire une idée sur
l’efficacité de la gestion administrative.
Le contrôle parlementaire
A la fois a priori et a posteriori, le contrôle parlementaire est le principal qui soit. En
effet, les finances publiques sont une matière réservée à la compétence parlementaire. Il va
donc de soi que les Députés nationaux ou provinciaux et Sénateurs exercent fréquemment
leur contrôle sur l’exécution du budget.
L’article 138 de la Constitution dispose, en effet, que les moyens d’information et de
contrôle de l’Assemblé Nationale ou du Sénat, sur le Gouvernement, les entreprises
publiques, les établissements et services publics sont :
- la question orale ou écrite avec ou sans débat non suivi de vote ;
- la question d’actualité ;
- l’interpellation ;
- la commission d’enquête ; et
- l’audition par les commissions.
Ces moyens de contrôle s’exercent dans les conditions déterminées par le Règlement
intérieur de chacune des Chambres et donnent lieu, le cas échéant, à la motion de défiance ou
de censure (articles 138, 146 et 147 de la Constitution).
Le contrôle juridictionnel
Ce type de contrôle est a posteriori et exercé par une juridiction spéciale qu’on appelle
Cours de comptes. Dans sa gestion, elle est placée sous la responsabilité directe de
l’Assemblée Nationale (article 178, alinéa 2 de la Constitution).
La Cour des comptes est une juridiction constituée des magistrats inamovibles, càd
qu’on ne peut pas muter n’importe comment. Elle est composée d’un Président, des Vices
présidents et des Conseillers qui tous ont la même préséance que les Juges de la Cour de
Cassation (actuellement Cour Suprême de Justice).
Elle compte trois Sections qui peuvent être scindées à Chambres. La 1ère Section est
chargée des comptes et services de l’Etat et des entités territoriales décentralisées (Provinces,
Villes et Communes). La 2ème est chargée des établissements publics qui comprennent les
entreprises publiques, les organismes publics et les entreprisses mixtes, càd celles dans
lesquelles l’Etat détient une ou plusieurs participations. Quant à la troisième section, elle est
chargée des fautes en matière de discipline budgétaire et financière.
Dans l’exercice de sa mission, la Cour des comptes dispose d’un pouvoir général et
permanent de contrôle de la gestion des finances et des biens publics ainsi que de tous les
établissements publics. Elle est, à ce titre chargée notamment d’examiner le compte général
du Trésor ; d’examiner les comptes des comptables publics ; de contrôler et de vérifier la
gestion et les comptes des établissements publics (article 180 de la Constitution). Elle publie
chaque année un rapport sur l’exécution des finances, lequel est destiné au Président de la
République, au Parlement et au Gouvernement.