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The Impact of ICT and the Internet in Banking

Article · February 2011

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Jean-Michel Sahut
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L'impact des NTIC sur le secteur bancaire

Jean-Michel SAHUT

Geneva School of Business Administration - University of Applied Sciences

Publié en partie dans Les cahiers du numérique, n°3, Hermès Sciences,


septembre 2000

L'influence des NTIC, et des réseaux en particulier, sur le secteur bancaire a


commencé dans les années 70. Les NTIC ont déjà provoqué deux évolutions au sein
des banques. Dans un premier temps, elles ont été le support logistique au traitement
interne des informations et aux relations au sein de la profession (développement des
réseaux interbancaires). Dans un deuxième temps, elles sont devenues le moyen le
plus rapide pour accéder aux marchés de capitaux, et ont permis la création de
marchés électroniques globaux, ainsi que la modernisation des bourses de valeurs.
Aujourd'hui, les NTIC servent de support à l’action commerciale en agence, et au
développement de nouveaux circuits de vente à distance, surtout grâce à l'utilisation
d'Internet. Mais Internet n’est pas uniquement un nouveau canal de distribution qui
vient se greffer sur les canaux existants ; il influence l’évolution des métiers
bancaires, et favorise la séparation entre la fabrication et la distribution de produits
bancaires. Cela s'est traduit par l'émergence de concurrents non bancaires. Ces
nouveaux entrants se positionnent à un point clé de la chaîne de valeur de la banque,
au stade du contact client. Ils obligent ainsi les banques à repenser leur mode de
distribution, et plus globalement leur stratégie.
Les banques françaises ont été jusqu’à présent préservées notamment par une
législation très contraignante qui cherche avant tout à assurer la sécurité systémique
du système financier. Cela a eu pour effet de freiner les innovations (dans le
domaine des moyens de paiement sur Internet par exemple). Mais cette situation va
changer avec l’harmonisation des législations bancaires, et la mise en place de
l’euro.
L'objet de cet article est donc de montrer l'importance des NTIC sur le secteur
bancaire, qui ne fait que s'accroître avec Internet. Après avoir défini les métiers
bancaires et leur évolution, nous nous demanderons dans quel mesure Internet est un
nouveau canal qui créé des avantages compétitifs forts.

I ) Les métiers bancaires et leur évolution

I.1) Définition des métiers bancaires

Un métier peut se définir comme la capacité à gérer un système d’offre, c’est-à-dire


un ensemble de tâches permettant de proposer à une clientèle un produit ou un

Electronic copy available at: http://ssrn.com/abstract=1755577


service. Ceci implique de posséder non seulement les compétences et les ressources
nécessaires à la conduite des tâches retenues, mais également la capacité d’articuler
des contribution d’origine variée [KOE 93]. En revanche, quand les dirigeants
tentent de définir leur métier, ils se réfèrent soit au marché, soit à l’industrie, soit à
leur positionnement. Le métier se définit alors comme la rencontre d’une offre et
d’une demande avec la volonté d’intégrer l’analyse interne et externe de l’entreprise
[MAR 90].

A partir de cette définition, on a regroupé les différents métiers qu’exerce la banque


en trois catégories :
· L’intermédiation financière.
· L’intermédiation dans la gestion des moyens de paiements.
· La vente de produits. Ce terme recouvre aussi bien des produits financiers et
d’assurance que des services.

I.1.1) L’intermédiation financière


Cette activité a déjà connu un décloisonnement des marchés qui a fait perdre à la
banque une partie de ses positions privilégiées. Les entreprises recourent de plus en
plus au marché pour se financer , et par conséquent de moins en moins aux
financements intermédiés. On assiste à l’avènement des financements directs.
Mais cela ne modifie pas le rôle de la banque qui est de fournir à l’économie son
expertise en matière de gestion des risques financiers. Elle ne se contente plus de
prêter de l’argent aux agents à besoin de financement et d’emprunter auprès des
agents à capacité de financement. Son activité consiste davantage à servir
d’intermédiaire dans les opérations de marchés (achat/vente de titres, opérations de
règlement–livraison, conservation de titres), à réaliser des opérations d’ingénierie
financière (entrée en bourse, augmentation de capital…), et à gérer les risques de
marché pour son propre compte et pour le compte de tiers (gestion privée, collective,
épargne salariale).

Cette désintermédiation est peu perceptible pour les clientèles de taille


intermédiaire. La problématique des banques est d'arriver à traiter les financements
de ces sociétés à des niveaux de coûts acceptables. Pour ce faire, elles industrialisent
les fonctions de back-office et s'appuient sur les méthodologies d’analyse
automatique du risque (scoring) acquises au travers des activités de prêts à la
consommation et de crédit bail aux particuliers. Ainsi, la Société générale a sous-
traité à FranFinance (sa filiale de crédit à la consommation et aux achats
automobiles pour les particuliers) la gestion des crédits et des risques liés au
financement des professionnels. Le contact client reste donc très personnalisé et
réalisé au sein du réseau, mais tout le back-office est sous traité à Franfinance.
Dans ce dernier cas, les NTIC représentent une opportunité pour les banques
(diminution des coût), mais aussi une menace car elles ont permis la création de
places de marché virtuelles (on peut citer le marché de Gros de Titres en France, ou
encore Wit Capital aux Etats-Unis), et le développement du capital risque,

Electronic copy available at: http://ssrn.com/abstract=1755577


notamment pour les entreprises de la nouvelle économie, lesquels visent également
les clientèles intermédiaires.

I.1.2) L’intermédiation dans la gestion des moyens de paiements


A l’image de l’intermédiation financière, cette activité est également en passe de
connaître un décloisonnement des marchés, d’autres intermédiaires profitent de la
montée en puissance du commerce électronique, pour disputer aux banques leurs
privilèges, de droit ou de fait, dans la gestion des moyens de paiement.
L'accroissement de l'utilisation des moyens de paiement électronique sur Internet
aura un double impact sur ce métier bancaire. D’une part, il modifiera l’organisation
et le coût de la gestion des moyens de paiement traditionnels, si des effets de
substitution s’opèrent au profit de ces nouveaux moyens de paiement, entraînant une
moindre utilisation du chèque, des billets et des pièces.
D’autre part, le partage de cette activité entre les acteurs bancaires et non bancaires
dépendra de la technologie (SSL, SET, etc.…), et de la réglementation (régime de la
preuve, de la signature électronique, et du statut des institutions gérant ces moyens
de paiement) qui s’imposeront sur Internet. Sur ce dernier point, il est important de
souligner la proposition de directive européenne de juillet 1998 visant à créer un
statut particulier « d’entreprise de services de paiement » pour les entreprises
souhaitant proposer des moyens de paiement sur Internet. La barrière à l’entrée de ce
secteur va ainsi se réduire puisqu’il ne sera plus nécessaire d’avoir le statut
d’établissement de crédit pour émettre des moyens de paiement.
La réponse des banques consiste, d’une part, à mettre en exergue les risques
financiers et opérationnels pour les systèmes de paiement, engendrés par cette
directive (l’argument de la protection du consommateur dissimule en fait leur
souhait de conserver des barrières légales fortes à l’entrée du secteur bancaire),
d’autre part, à essayer de rattraper leur retard dans ce domaine par le lancement de
projets de porte-monnaie électronique, et de solutions de paiement sur Internet
(comme le projet CyberCOMM du GIE carte bancaire).

I.1.3) La vente de produits


On a vu précédemment, les changements majeurs s'opérant dans le métier
d’intermédiation financière. La baisse du taux d’intermédiation dans le financement
de l’économie a pour conséquence de modifier l’activité des banques, lesquelles
deviennent de plus en plus des vendeurs de produits financiers.
Dans ce contexte, le rôle joué par les NTIC est décisif car elles transforment la
relation de la banque avec ses clients. Après avoir servi, dans un premier temps, de
support à la gestion des comptes clients et à la vente en agence, les NTIC participent
aujourd’hui à l’enrichissement de l’offre de service des banques en permettant de
développer une diversité d’avantages :
* pour les clients, la capacité à accéder et à réaliser des transactions avec à sa
banque en tout lieu et en tout temps (24h/24 et 7j/7), et à recevoir de l’information
en temps réel qui était réservée autrefois aux institutionnels ;

3
* pour les banques, une meilleure connaissance des clients (comportement, besoins
et risques), des possibilités accrues de vente de produits et services personnalisés, et
l’accroissement de leur zone de chalandise.
Ces avantages ont permis l’émergence de nouveaux circuits de vente à distance, et
en particulier sur Internet. Mais Internet n'est pas seulement un canal de distribution
qui vient s’ajouter aux autres ; il change les bases mêmes de la compétition entre les
prestataires de services financiers. On voit apparaître de nouveaux entrants qui ont
l’avantage de ne pas supporter le poids du passé en matière de structure et de coût.
Ils prennent une place de plus en plus importante sur le marché et concourent à son
développement (exemple de la bourse en ligne avec des sociétés comme Schwab ou
E*trade). De plus, ces nouvelles sociétés se positionnent uniquement sur les marchés
les plus rentables sans subir les coûts d’une offre généraliste. On peut donc se
demander quel est encore l’avenir de la banque universelle dans cette activité de
vente de produits ?

En résumé, les NTIC jouent un rôle croissant dans l’évolution des métiers bancaires.
Elles ne se limitent plus à accompagner le changement ; maintenant, elles en
deviennent le moteur. Les NTIC changent les bases mêmes de la compétition entre
les banques, mais offrent également la possibilité à des acteurs non bancaires de les
concurrencer. Il est évident que l’avantage appartiendra à ceux qui comprendront le
potentiel de changement lié aux nouvelles technologies et qui, à partir d’une bonne
intelligence des métiers de la finance, sauront mettre en œuvre ces technologies pour
générer de réels avantages compétitifs.

I.2) Impact des NTIC au niveau fonctionnel

Après avoir montré l’impact des NTIC au niveau des métiers bancaires, nous allons
nous intéresser à la manière dont elles bouleversent le mode de fonctionnement des
banques dans les aspects de production et de distribution.

I.2.1) Au niveau de la production


Dans ce domaine, les banques utilisent les NTIC pour atteindre conjointement les
trois objectifs suivants ; la diminution des coûts de production, l’industrialisation des
processus, et le passage à une gestion de flux.

Les moyens mis en œuvre pour diminuer les coûts sont pour la plupart identiques à
ceux d’autres industrie de production, comme l’automobile par exemple où des
constructeurs s’allient pour concevoir certains modèles de voiture. PSA-Citroën et
Fiat ont conçus ensemble des monospaces qui différent très légèrement les uns des
autres (Peugeot 8O6, Citroën Evasion, et Fiat Ulysse) et que chaque constructeur
commercialise sous sa propre marque. La mutualisation des activités dans le
domaine bancaire concerne principalement les paiements, les crédits et les titres de
placement. Cela permet aux banques de mutualiser les investissements et de réaliser

4
des économies d’échelle (en répartissant les coûts fixes sur des volumes plus
importants).
En revanche, un autre argument est plus spécifique aux NTIC. Les NTIC permettent
d’augmenter les capacités de production des banques de manière importante. Ainsi
la Socram, filiale d’une dizaine de mutuelles d’assurance, en implantant le progiciel
Ifibank, a absorbé trois fois plus de volume de production que deux ans plus tôt, et a
pu développer de nouveaux produits comme « le crédit jeune ».
Cette augmentation des capacités de traitement pose le problème de leur utilisation
afin de rester compétitif en termes de coûts. La solution consiste donc à trouver de
nouveaux débouchés aux excédents de capacités mis en place par la création de
nouveaux produits ou par leur revente à des concurrents.
Selon Shane Colclouhg, directeur technique à Factor-e, « les banques ont des surplus
de capacités dans leurs réseaux de traitement de transactions qu’elles souhaitent
pouvoir revendre ».
Par exemple, Gestion / Euro-Titres, la filiale de la Caisse des Dépôts et de la Caisse
d’Epargne, a été créée pour fournir un support logistique et de services à ses deux
actionnaires. L’objectif était, dans un premier temps, d’assurer l’interopérabilité
entre les différents centres techniques régionaux afin de consolider les informations
par une chaîne de liaison technique. Ainsi, les personnels en agence peuvent
effectuer directement leurs opérations à partir d’un poste normalisé, sans
codification des informations et avoir accès aux données en temps réel. Forte de son
expérience, Gestion / Euro-Titres a décidé d’ouvrir ses services à tous ceux
proposant des services d’achat/vente de titres ; les banques comme la Société
Marseille de Crédit, American Express, la Caixa, ou les courtiers en ligne.
En fait, la mutualisation de certaines activités n’est plus considérée comme un pis
aller, mais comme un véritable choix stratégique. Cela conduit de nombreux
opérateurs (banques ou courtiers) à s’adresser à des prestataires spécialisés.

Le deuxième objectif suivi par les banques est de parvenir à une automatisation puis
à une industrialisation de l’ensemble de leurs processus. Si certaines tâches ont été
automatisées, le chemin pour les banques traditionnelles sera long avant d’atteindre
ce but. La gestion physique des dossiers est un handicap majeur pour la rapidité de
traitement et la compétitivité de leurs réseaux. Environ 80 % des informations
bancaires sont encore gérées sous forme papier [LEI 2000]. Or, les traitements
automatisés de back-office et l’accès front-office client en temps réel demandent
d’avoir une vision globale, unique et immédiate de chaque client.
De même, la gestion des clientèles intermédiaires nécessite le plus souvent une
relation de face à face et un traitement manuel, mais une industrialisation des
processus est nécessaire pour le back-office, afin de traiter ces dossiers à des
niveaux de prix acceptables. Ce défi est d’autant plus important que dans le cadre
d’une désintermédiation croissante, les banques doivent élargir leur cible de
clientèle aux entreprises de taille plus modeste.
Si l’on reprend le cas de la société Gestion / Euro-Titres, l’automatisation des
processus de gestion des titres et la dématérialisation des dossiers (gérés par
worflow interne) leur permet de traiter des comptes à partir de 10 à 15 KF à des

5
coûts acceptables. La contrepartie de l’automatisation est qu’il faut être attentif à la
relation client et à la prise en compte des attentes de ce dernier. Par exemple, un
correspondant bancaire sera, par principe, très soucieux, avant tout, de respecter les
procédures, alors qu’un courtier aura essentiellement un besoin d’instantanéité ; il
souhaite, en effet, une réponse immédiate suite au dénouement d’une opération de
marché. Cela implique qu’il est nécessaire d’industrialiser aussi les processus de
relation client afin d’assurer une continuité entre le front et le back-office.
D’autre part, grâce à Internet, les banques pourraient avoir une usine centrale où
elles fabriqueraient pour leurs clients du monde entier des produits qui seraient
ensuite adaptés par leurs filiales locales en fonction de leur environnement propre.
Enfin, en interne, les NTIC modifient les traitements bancaires en permettant le
passage d’une gestion traditionnelle de stock à une gestion de flux, c’est-à-dire le
suivi et le contrôle des échanges, avec un double mouvement : une intégration des
opérations de bout en bout et leur traitement en continu. En effet, dans la plupart de
leurs opérations (comme les opérations de marché, ou encore dans les demandes
d’autorisation de paiement par carte bancaire), les banques n’ont la possibilité de
sélectionner les opérations qu’au fur et à mesure de leur survenance. Ainsi, la
gestion du risque s’inscrit dans des intervalles de plus en plus courts, et fait
apparaître la banque comme un gestionnaire d’informations ; c’est-à-dire un organe
dont la fonction et le critère de performance est de collecter, traiter et transformer de
l’information, ce qui nécessite une redéfinition des métiers.

I.2.2) Au niveau de la distribution


Mais, l’effet le plus marquant lorsqu’on s’intéresse à l’impact des NTIC sur les
banques est celui sur la distribution. Touchée par l’onde de choc Internet, les
banques s’apprêtent à vivre une métamorphose paneuropéenne et virtuelle. La
réduction du coût des opérations, la gestion de la relation client, la vente de produits
en ligne, et le risque de nouveaux entrants sont autant de défis à relever.

Tout d’abord, Internet permet une baisse radicale du coût des opérations bancaires.
Selon une étude du cabinet Booz Allen & Hamilton1, le coût unitaire d’une
opération serait de un euro dans une agence, 0,5 euro par téléphone, 0,25 euro dans
un guichet automatique de banque, et de 0,12 euro sur Internet. Cela s’explique
notamment par les très faibles coûts fixes liés à ce canal. Internet autorise également
le transfert aux clients de la gestion administrative de leur compte, service non
rentable pour les institutions.

D’autre part, les NTIC bouleversent la gestion de la relation client. Du côté des
banques, elles deviennent un vecteur de création d’offres personnalisées. Pour les
clients, c’est un moyen de comparer l’offre (diminution des coûts de recherche), et
d’y avoir accès facilement.

1
www.internet-banking.com

6
Initialement, les banques se fondant sur la loi de Pareto (20% des clients génèrent
80% des bénéfices) déployaient des services de banque à distance standardisés, en
priorité pour la clientèle de masse peu rentable, espérant libérer les agences pour
fournir un service personnalisé à fort valeur ajoutée à une clientèle haut de gamme, à
plus fort potentiel en termes de marge. Or, c’est justement cette clientèle qui s’est
tournée en premier vers Internet. L’offre des banques traditionnelles s’est donc
avérée insuffisante en terme de richesse et de qualité, laissant le champ libre à de
nouveaux entrants. Ces derniers se sont attaqués à ce segment de clientèle avec des
produits très ciblés de crédit ou de placement. En fait, Internet offre des outils
adaptés pour mieux cerner les clients et leurs besoins. Ainsi, la collecte de
l’information auprès des clients et son utilisation (marketing one to one) sont des
éléments clés pour vendre en ligne des produits à valeur ajoutée. Cela oblige les
banques à se réorganiser autour du client, et de manière plus générale à passer d’une
logique de production à une logique de distribution. Les questions qui se posent
alors sont : quels produits proposer ? et comment les vendre ?
Actuellement, elles vendent essentiellement des produits standards. Mais, des
initiatives se développent pour fournir du conseil en ligne, et notamment des
services de gestion de patrimoine. La problématique pour ce type de service, qui
reste encore du domaine de l’artisanat est d’arriver à les industrialiser dans de
bonnes conditions de rentabilité. Cela est d’autant plus important pour les acteurs du
secteur que la demande des consommateurs évolue. Selon une étude menée par
PricewaterhouseCoopers en 1999 [HER 99], pour la clientèle privée, un des critères
fondamentaux de différenciation va devenir la performance de gestion. Les banques
vont devoir se focaliser plus spécifiquement sur cet objectif qui les conduira à
proposer les produits les plus performants du marché, indépendamment de leur
producteur. Ainsi, les banques vont être contraintes de vendre les produits de leur
concurrents comme les SICAV si elles souhaitent garder leurs clients. Par exemple,
si un client souhaite une SICAV que la banque ne possède pas, elle aura intérêt à la
lui vendre, car sinon elle prend le risque de le perdre. Certaines banques en ont
même fait un argument commercial comme Cortal, avec sa SICAV des SICAV.

Enfin, de nouveaux concurrents non bancaires cherchent à s’imposer à des points clé
de la chaîne de valeur de la banque. Par exemple, des acteurs comme Visa ou
Eurocard se sont déjà imposés dans la gestion des flux de paiement par carte
bancaire. Ils jouent le rôle d’intermédiaire entre les commerçants et les banques. Ils
collectent les opérations de paiement en provenance des commerçants, et négocient
globalement avec les banques les conditions de remise de ces opérations pour
encaissement. Sur Internet, à l’image du courtier en ligne Schwab, les entrants ont
attaqué les banques à l’étape du contact client en jouant sur les prix, et la rapidité du
service. Les banques se croyaient fortes sur le terrain de la gestion de la relation
client, mais, en fait, si elles collectent beaucoup d’informations, celles-ci sont le plus
souvent sous exploitées. De plus, le développement de solutions techniques et de
prestataires de services d’externalisation du back-office et d’infogérence de sites
web bancaires favorisent l’émergence de nouveaux concurrents, en diminuant les
coûts d’investissement et les délais de déploiement. Des sociétés comme Factor-e

7
propose tout un éventail de services aux sites portails et aux grands de la distribution
qui souhaitent offrir des services financiers sur Internet. Ses clients ont même la
possibilité de vendre ces services sous sa marque First-e, ou sous leur propre
marque. Dans le cadre d’une externalisation complète, les banques virtuelles ne
jouent plus qu’un rôle d’assembleur dans la fonction de production, et se
concentrent sur la distribution.

En conclusion, Internet stimule la concurrence qui déconstruit la chaîne de valeur


des acteurs traditionnels. Cela force les banques à se repositionner, soit par une
intégration plus forte et moins coûteuse des services, soit au contraire en se
spécialisant dans la fabrication ou la distribution de produits bancaires. Dans ce
dernier cas, les banques abandonneraient leurs produits les moins compétitifs et se
contenteraient de distribuer ceux de leurs concurrents.

II ) Internet, un nouveau canal source d’avantages compétitifs ?

II.1) La distribution de produits financiers sur Internet

Selon les prévision du Gartner Group2, en 2003, 50% des produits financiers seront
vendus par des canaux électroniques, et 30% des consommateurs voudront
s’adresser à un établissement unique pour traiter l’ensemble de leurs besoins
financiers. Cette étude prévoit la montée en puissance très rapide des canaux de
distribution électroniques, et au premier plan d’Internet pour la vente de ce type de
produit. Cette évolution est déjà perceptible pour la négociation d’actions ou de
SICAV sur l’Internet par l’intermédiaire de courtiers, dont certains n’existaient pas
il y a encore deux ans, ou n’étaient pas présents sur le marché français.
Actuellement, on assiste à un accroissement tant quantitatif que qualitatif des sites
web bancaires. Au début, seules quelques banques possédaient un site web, et les
services offerts concernaient uniquement des services à faible valeur ajoutée,
comme la consultation de compte. Aujourd’hui, les services offerts se diversifient,
intègrent plus de valeur ajoutée, et s’orientent vers la vente en ligne. En fait, les
NTIC ont d’abord été perçues par les grandes banques comme un moyen de baisser
le coût des opérations à faible valeur ajoutée (on peut citer l’exemple des guichets
automatiques de banque), voire de faire apparaître des produits cachés et de les
vendre au client . Dans ce dernier cas, le client paye sous forme d’abonnement, ou
de communication téléphonique l’accès à certains services délivrés gratuitement en
agence (comme les relevés de compte obtenus par Minitel ou Internet).
Dans ce modèle, la répartition des tâche entre les différents canaux est fort simple.
On dégage les agences bancaires de ce type de tâche dans l’objectif de leur
permettre de se concentrer sur la relation client et les services à forte valeur ajoutée
(avec intervention humaine). Ainsi, il n’y a pas de risque de cannibalisation entre les
canaux de distribution électroniques et les agences.
2
Gartner Group, « Internet & Electronic Commerce », avril 1998, New York.

8
Mais, de nouveaux concurrents sont venus perturber ce modèle. Pour ces derniers,
Internet est une source d’opportunités car ils peuvent entrer dans ce secteur
d’activité sans investir dans un coûteux réseau d’agences (par exemple Security First
Network Bank ouvrit la première banque virtuelle aux Etats-Unis dès octobre 1995).
N’utilisant que ce canal de distribution, éventuellement couplé à un "call center", ils
proposent tout type de service en ligne avec un degré élevé de personnalisation. Les
banques, bousculés par ces nouveaux entrants et de nouveaux intermédiaires comme
les portails, ont été amenées à repenser la manière de distribuer leurs services
financiers sur l’Internet, et en particulier leur marketing afin d’acquérir une certaine
visibilité.
De plus, les banques françaises accusent un retard important par rapport à leurs
homologues européennes à cause du Minitel. Disposant déjà d’un moyen d’accès
télématique avec leurs clients, elles ne comprenaient pas l’intérêt de s'implanter sur
Internet (à l’exception du Crédit Mutuel de Bretagne), ou se contentaient de
transposer les services existants sur le Minitel, sans prendre en compte les
possibilités interactives de ce média. Enfin, elles font payer un abonnement pour
accéder à leurs services sur le Web, comme sur le Minitel, ce qui est à l’opposé du
modèle de « gratuité » (ou du moins des systèmes de rémunération indirecte)
régnant sur Internet, et freine l’usage de ce type de service.

Dans cette partie, nous nous proposons donc de recenser ces différents acteurs, de
montrer leur rôle et leurs avantages comparatifs par rapport aux banques afin de
mieux comprendre les enjeux que représentent Internet dans la distribution de
produits financiers. En fait, on distinguent trois catégories d’acteurs dans la
distribution de produits financiers sur Internet (les agences virtuelles, les agrégateurs
et les portails), qui se positionnent soit comme vendeur, soit comme intermédiaire.

II.1.1) Les agences bancaires virtuelles


Elles sont soit le prolongement des banques traditionnelles, soit elles dépendent de
banques virtuelles (sans agence), crées par des banques traditionnelles ou des
nouveaux entrants. Dans le premier cas, elles sont également producteurs de services
financiers, mais il est envisageable qu'elles vendent dans le futur également les
produits d’autres fournisseurs afin d’avoir une offre la plus large et compétitive
possible. Dans le second cas, elles jouent plutôt un rôle "d’ensemblier", en vendant
les produits de la maison mère ou de différents producteurs.
La problématique principale de ces agences virtuelles est leur manque de visibilité
auprès des internautes étant donné l’immensité du réseau Internet. Cette situation est
d’autant plus préoccupante pour elles que le client a accès par un simple clic de
souris à une offre de produits financiers riche et variée. Cette situation les contraint à
investir en publicité pour développer leur image, et à conclure des partenariats avec
des sites générateurs d’audience ou des intermédiaires apporteurs d’affaires.
Une autre voie, peu explorée, est de devenir un portail, en fédérant les internautes
autour de services variés. On peut citer l’exemple d’UFB Locabail qui a créé une
communauté virtuelle pour l’industrie graphique, et lui propose des produits

9
financiers spécialisés pour cette industrie. Ou encore, Paribas qui devient fournisseur
d’accès à Internet (FAI). Le risque principal de ce type d’approche est de brouiller
l’image de la banque auprès des clients. Si une banque propose les mêmes service
qu’un FAI, pourquoi un FAI ne vendrait-il pas des services financiers sous son
propre nom ?

II.1.2) Les agrégateurs


Leur objectif consiste à agréger et comparer l’offre des différents distributeurs. Il
existe deux sortes d’agrégateurs ; les courtiers et les « quoters ».
Les « quoters », contrairement aux courtiers, ne réalisent pas la transaction, ce sont
des infomédiaires qui agissent uniquement dans un but informatif. Ceci est à
relativiser car on distingue dans les « quoters » ceux qui sont orientés vers les
distributeurs et ceux orientés vers les clients. La première catégorie joue le rôle
d’apporteur d’affaires, à l’image de Selectaux. L’avantage pour le client est qu’il n’a
pas besoin de saisir plusieurs demandes de crédit auprès des différents
établissements financiers. Il remplit un formulaire que Selectaux envoie à ses
partenaires moyennant une commission, et le client reçoit dans sa boîte aux lettres
électroniques plusieurs offres pour les comparer. L’inconvénient principal pour les
clients de ce type d’approche est l’indépendance de ces intermédiaires par rapports
aux distributeurs. Ils peuvent être tentés de privilégier un distributeur si ce dernier
verse une meilleure commission, et ils ne transmettent les demandes des clients qu'à
leurs partenaires (problème d’exhaustivité de l’offre).
En revanche, les « quoters » orientés vers les clients, comme les sites comparateurs
de prix ou les agents intelligents, cherchent la meilleure offre existant sur Internet
selon les préférences de son utilisateur. Ici les problèmes rencontrés sont d’une autre
nature. D’une part, les distributeurs peuvent bloquer l’accès à leur site aux agents
intelligents. En effet, certains distributeurs ne souhaitent pas de se retrouver sur le
même linéaire que leurs concurrents. Mais ce facteur de risque est peu probable, car
cela est techniquement difficile à réaliser, et par cette action, ils s’excluent
automatiquement d’un marché potentiel. D’autre part, la viabilité économique de
cette approche est loin d’être évidente car le client doit payer soit directement, soit
indirectement (publicité ou vente de produits liés) le service rendu.
Quant aux courtiers, comme Intuit ou Insweb, ils achètent aux fournisseurs ou aux
agences virtuelles des produits qu’ils revendent ensuite aux clients. Leur rôle
d’intermédiaire est plus risqué que celui des autres agrégateurs et s’apparente à celui
des banques virtuelles qui vendent les produits de différents producteurs. Leur
viabilité dépend de leur pouvoir de négociation vis à vis de leurs fournisseurs, car en
contrepartie du risque qu’ils assument, ils ont besoin d’avoir une marge
substantielle. Pour cela, ils doivent générer un volume d’affaires important.

II.1.3) Les portails


Des sites comme Aol, Altavista, Yahoo ou Netscape ont popularisé le concept de
portail. Pour ces sites web, il s’agit de mettre en ligne un bouquet de services dans le
but d’attirer et de fédérer les usagers d’Internet. A la naissance du web, on

10
distinguait facilement les moteurs de recherche ou annuaires (Altavista, Yahoo,
Exicite, Netscape), des pages d’accueil des fournisseurs d’accès à Internet (Aol,
Wanadoo..). Suite aux regroupements des acteurs, il est de plus en plus difficile de
les distinguer. Aujourd’hui, leur offre de service est similaire. C’est pourquoi, ils
innovent sans cesse pour essayer de se différencier de leurs concurrents, et misent
sur la personnalisation des services offerts. Contrôlant la masse des internautes, ils
ont lancé dans le domaine financier des centres de finance personnel. Ces centres
proposent toute une série de services financiers comme le suivi en temps réel de leur
portefeuille boursier. Leur objectif est de capter une part des flux financiers
s’effectuant sur Internet. Ainsi, ils déploient des stratégies de partenariat dans
lesquelles ils jouent le rôle d’intermédiaire ou de distributeur.
Dans le premier cas, leurs partenaires (agences bancaires virtuelles, courtiers, ou
quoters) paient pour être présents leur site (sous forme de publicité, de loyer ou de
commission sur les ventes). Ainsi, en 1998, les moteurs de recherche de type Yahoo
étaient à la source de 61% du trafic des sites web bancaires [DES 98].
Dans le deuxième cas, ils développent des stratégies de cobranding. Ces portails
vendent directement certains produits en s’alliant avec des producteurs (carte de
crédit Visa-Yahoo, accord entre Mastercard et Excite…).
L’avantage de cette approche pour les clients est qu’ils ont facilement accès à une
offre correspondant à leurs besoins car le portail les connaît. En revanche, il se pose
le problème de l’utilisation de ces données personnelles, et des abus qui peuvent en
résulter. En outre, les portails représentent une menace pour les banques, car en
utilisant un portail pour toutes ses opérations (concept de guichet unique) le client
s’identifie davantage à la marque du portail qu’à celle de la banque dont il utilise les
services. Comme la banque ne maîtrise pas totalement la relation avec le client, le
risque principal pour la banque est que le portail décide de changer de partenaire ou
renégocie les conditions de leur accord.

Fournisseurs

Agences bancaires virtuelles

Courtiers Quoters

Portails

flux physique
flux d'informations

Figure n°1 : Les canaux de distribution sur Internet

11
La bataille pour la vente de produits financiers sur Internet ne fait que commencer. Il
est difficile de prévoir le type de modèle qui s’imposera. Cependant, l’avantage est
plutôt du côté des portails parce qu’ils génèrent une audience de masse, ils sont
capables de gérer une relation personnalisée avec les internautes et d’offrir un
service de guichet unique regroupant les offres de différentes institutions.

II.2) Les enjeux

L’étude des circuits de distribution a mis en lumière trois enjeux principaux : les
enjeux stratégiques, les enjeux marketing, et les enjeux organisationnels et sociaux,
que nous allons maintenant aborder.

II.2.1) Les enjeux stratégiques

Face à la concurrence de nouveaux acteurs, nous allons nous intéresser à la manière


dont les banques doivent repositionner leur offre dans un cadre multi-canal.

* Le repositionnement des banques par rapport aux nouveaux entrants


Nous avons montré que l’émergence de concurrents non bancaires entraînait la
déconstruction de la chaîne de valeur de la banque et les obligeait à repenser leur
stratégie. A l’image du crédit à la consommation, les banques cédant du terrain sur
Internet à des starts-up plus fortes sur certaines étapes de la chaîne de valeur se
trouvent face à un choix stratégique ; soit adopter une stratégie de niche sur un
élément de la chaîne de valeur, soit choisir une stratégie de volume sur l'ensemble de
la chaîne de valeur avec une intégration plus poussée de l'offre dans un objectif de
baisse des coût de production et en augmentant la valeur créée pour les clients à
chaque étape de la chaîne de valeur. Dans le premier cas, cela signifie pour les
banques reconnaître la supériorité des acteurs non bancaires dans la gestion de la
relation client sur Internet (notamment des portails, et des nouveaux entrants). Ces
derniers ne souffrant d’aucune structure héritée du passé, adoptent une stratégie de
domination par les coûts. Leurs arguments principaux de vente sont une
rémunération plus élevée des dépôts, et une gamme de produits financiers
sélectionnés auprès des meilleurs fournisseurs extérieurs.
Ce repositionnement des banques de réseau se traduit par la séparation des activités
de production et de distribution (je distribue que ce que je produis, et inversement je
produis que ce que je distribue), et une plus grande spécialisation des établissements
bancaires en fonction de leurs avantages comparatifs dans l’une des deux activités.
Ces deux stratégies présentent de nombreux risques pour les banques de réseau. En
se spécialisant dans l'activité de production, c'est-à-dire en fournissant des
infrastructures ou des produits aux autres les banques, elles acceptent de
concurrencer leur propre réseau de distribution. C'est notamment le cas du Groupe
Banque Populaire, qui via sa filiale Xeod Bourse dénoue les ordres du courtier en

12
ligne Consors. Ce service a permis à ce dernier de s'implanter en France, et de
concurrencer l'ensemble des courtiers de la place parisienne, dont le service bourse
de la Banque Populaire. Toutefois, si cette banque ne lui avait pas apporté ce
service, ce courtier aurait trouvé un autre fournisseur et elle aurait perdu le flux des
opérations qu'il génère. Or, les clients de ce type de courtier en ligne sont beaucoup
plus actifs que ceux des grandes banques traditionnelles.
En revanche, affronter ces nouveaux concurrents met en évidence un autre enjeu,
celui de la gestion intégrée des différents canaux de distribution.

* La gestion des différents canaux de distribution


L'intégration des différents canaux de distribution est un enjeu majeur pour les
banques, parce qu'elles doivent passer d'une logique de produit à une logique client.
Il devient alors impossible de dissocier la problématique multi-canal de la gestion de
la relation client. Cette intégration repose sur deux principes essentiels :
- la recherche de complémentarité. L'objectif doit être de concevoir un cadre global
pour gérer la relation client, et de prévenir tout risque de cannibalisation des
supports. Par exemple, un contact établi par téléphone peut être poursuivi en agence.
- l’interaction entre les canaux. Cela passe par la centralisation des informations
concernant les clients dans un système d’information "urbanisé", relié aux différents
canaux, mais également à l’ensemble des fournisseurs partenaires, dont les
fournisseurs de produits complémentaires. Dans cette configuration, l’information
délivrée est identique, quelque soit le canal utilisé.

II.2.2) Les enjeux marketing

Dans le domaine du marketing, l'impact des NTIC est perceptible au niveau de la


segmentation de la clientèle, de la communication, de l'image de marque et des
accords de partenariat.

* La segmentation
Les NTIC donnent une nouvelle dimension au concept de segmentation. D'une
segmentation simple, fondée sur les catégories socio-professionnelles, le niveau de
revenu, le solde ou encore le nombre moyen d’opérations par mois, on assiste dans
tous les secteurs au passage à une segmentation de plus en plus fine. Mais la
segmentation n’est pas une fin en soi. C'est une technique s’inscrivant dans le
processus global de la gestion de la relation client. De nouveaux critères de
segmentation sont définis en fonction des objectifs à atteindre, comme la valeur à
vie d’un client. Toutefois, deux critères principaux se dégagent des autres : la
rentabilité et la loyauté des clients. Le placement des clients sur cette matrice
détermine ainsi la mise en œuvre d’une gestion différentiée de la relation client.
Ainsi, nous pouvons citer l’exemple de la Bank of America et de son concept "build
your own bank" qui repositionne le client comme un « consommateur

13
entrepreneur ». Dans ce cas, le client construit et personnalise sa relation avec son
banquier. En contrepartie, le banquier développe une relation autonome et spécifique
avec son client ainsi qu’une base de données importante à des fins commerciales et
marketing. Cette démarche est innovante [MIC 98] et inverse le schéma de la
relation classique (banquier/client). En effet, le client prend l’initiative de délivrer
les informations à la banque ; en retour celle-ci lui offre des services à haute valeur
ajoutée afin de le fidéliser.

* La communication
Disposant d’une masse d’informations sur leurs clients, mais prisonnières de
l’organisation de leur système d’informations (qui ne permet pas toujours de les
exploiter convenablement) et de leurs habitudes, les banques de réseau
communiquent peu avec leurs clients, oralement ou par écrit, et de manière
impersonnelle. Elles effectuent le plus souvent des mailings standards lors du
lancement d'un nouveau produit. Or, un marketing client efficace passe par la mise
en place d'une politique de communication :
- segmentée et personnalisée. Elle doit être adaptée à chaque micro-segment de
clientèle, et s'appuyer sur des modèles comportementaux afin de proposer des
produits en fonction de la personnalité du client;
- cohérente. Quel que soit le moyen d'accès à la banque, la qualité de service doit
être identique, et en particulier pour l'information délivrée (si possible en temps
réel);
- proactive et interactive. La connaissance plus fine des profils clients permettra de
lancer des campagnes marketing "one to one", répondant exactement aux besoins
des clients à un instant donné, en utilisant le bon canal, et en modifiant l'offre en
temps réel en fonction de ses réactions.
Cela montre le chemin qui reste à parcourir pour de nombreuses banques et explique
pourquoi de nouveaux entrants ou intermédiaires ont pu, grâce à l'utilisation des
NTIC, s'immiscer dans la relation client-banque, et leur prendre si facilement des
parts de marché.

* L'image de marque
Une étude de Morgan Stanley montre qu'en matière d'achat de produits financiers,
les consommateurs privilégient les marques reconnues dans la banque au détriment
de sociétés purement technologiques, mêmes reconnues [MAG 2000]. L’existence
d’une marque puissante, connue et différenciée est un enjeu majeur sur Internet afin
d’obtenir la confiance du client. A cet égard l’exemple d'Egg en Grande Bretagne est
significatif. Cette filiale du groupe Prudential a conquis 500 000 clients (soit un
dépôt total de 5 milliards de livres) en six mois d'existence.

La problématique de la banque traditionnelle est alors de choisir entre s’implanter


sur Internet sous propre nom ou par l’intermédiaire d’une filiale. Dans le premier
cas, elle profite de son image de marque mais au risque de la détruire si leurs

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services sur le web ne sont pas à la hauteur de l’attente des clients. Dans le
deuxième cas, elle doit construire cette image. En Europe, les banques testent ces
deux stratégies. D’un côté les établissements britanniques et espagnols créent des
banques virtuelles dotées d’un statut juridique propre et dissocié de leur réseau
physique, de l’autre, la Deutsche Bank a regroupé dans une nouvelle filiale son
activité de réseau et Internet. En fait, souvent la filialisation cache d’autres
problèmes. Elle est surtout une solution pratique face aux mutations imposées par
Internet dans l’organisation des systèmes d’information (gestion en temps réel
incompatible avec les systèmes d’information hérités du passé de certains
établissements), et la gestion des ressources humaines (fermeture d’agences).

* Les accords de partenariats : cobranding et cross-selling


Au delà des accords de partenariats classiques entre fournisseurs et distributeurs
(infogérance de back-office, fourniture de produits ou de services clé en main), les
acteurs de la distribution sur Internet multiplient les accords spécifiques de
cobranding et de cross-selling. Cela démontre que ce marché est en pleine
construction, et les firmes cherchent à prendre des positions dominantes, modifiant
au besoin leur modèle économique.
Les portails commencent à s’allier avec des fournisseurs pour vendre des produits
co-marketés. Les accords de cobranding portent pour l’instant sur les cartes de
crédit. Visa a sorti en février 1999, une carte de crédit Visa-Yahoo. Cette carte est
diffusée par le spécialiste américain des cartes de crédit First USA. Elle donne
également accès à des programmes de fidélisation auprès de certains
cybermarchands (comme Amazon, CD Now…).
Les accords de cross-selling concernent plutôt les courtiers qui, concurrence oblige,
cherchent à se différencier. Après une guerre des prix, ils se battent maintenant sur
le service. Un des premiers accords déclencheurs de ce mouvement a été le
partenariat Etrade – Eloan en mars 1998. Ainsi, Etrade offre des crédits immobiliers
à leurs clients et inversement Eloan renvoie sur le site de Etrade pour leurs
transactions boursières. L’objectif de ces acteurs est de devenir une sorte de
« guichet unique » où leurs clients pourraient effectuer toutes leurs opérations
financières.

II.2.3) Les enjeux organisationnels et sociaux

En termes de gestion des organisations, de gestion des ressources humaines et


d’emploi, les changements sont plus importants que ceux générés par la
désintermédiation, lesquels avaient déjà fortement ébranlés la cohésion sociale de ce
secteur.

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* Au niveau organisationnel
L’impact au niveau organisationnel des NTIC est semblable à celui observé dans la
plupart des secteurs, mais leur effet commence juste à se faire sentir sur les banques.
Il se concrétise par un raccourcissement des échelons hiérarchiques (surtout dans les
nouvelles structures, comme les agences virtuelles), et une responsabilisation des
individus. Les tâches à effectuer se mesurent de plus en plus en termes d’objectifs, et
non plus en temps de présence. Cela constitue une véritable mini-révolution dans ce
secteur très conservateur. De même, à l’image de la Deutsche Bank, des banques se
lancent dans le télétravail pour développer « les services de mobilité ». Des
opérateurs répondent aux sollicitations des clients de chez eux via le téléphone ou
Internet. Ainsi, l’ensemble des partenaires de la banque et des clients s’associent
pour former « l’entreprise étendue ». Le système d’information doit alors permettre
les échanges entre les différents intervenants au gré de leur mode de travail.
Un autre défi est la gestion des pics d’activité, souvent fonction de la saisonnalité, et
ses conséquences en termes de flexibilité. Par exemple, dans le domaine du
traitement du chèque, les écarts se situent de un à trois. Des société comme Atos
sont plus flexibles que les banques et peuvent gérer sans problème des écarts
d’activité de 1 à 26. Par conséquent, les banques se reportent sur ce type
d’établissement pour faire évoluer leur règle de gestion, grâce à la mutualisation de
ce type d’opération, difficile à mettre en œuvre uniquement avec des équipes
internes.

D’autre part, les NTIC avec l’automatisation des tâches à faible valeur ajoutée
génèrent des gains de productivité. Le guichetier n’attend plus le client en agence
mais répond au téléphone, et rentre des informations dans le système d'information.
Les centres d’appels permettent, avec 60 personnes, d'effectuer le même travail que
600 salariés dans un système administratif classique.
En France, les partenaires sociaux ne pensent pas que les NTIC entraîneront
d’importantes réductions d’effectifs à court terme [PRO 99] parce que les banques
françaises ne misent pas sur une stratégie « tout-Internet », contrairement aux
banques britanniques qui ferment des agences en grand nombre. En revanche, ils
sont inquiets en termes d’emplois par le développement de la banque par Internet à
plus long terme. Cependant, dans les banques AFB, 50% des personnes ont
commencé leur carrière dans les années 70, lors de la course à l’implantation des
guichets. Ils doivent donc partir en retraite dans les huit à dix ans qui viennent. Ces
« départs programmés » pourraient absorber les destructions attendues d’emplois,
sans licenciement.

* L’évolution des compétences


Les NTIC font également évoluer les besoins en compétences. Par exemple, on
assiste actuellement en Grande Bretagne à des licenciements massifs du personnel
d’agence dus à la fermeture de celles-ci (fermeture de 4000 agences en 10 ans), et
dans le même temps à de nouvelles embauches. De même en Allemagne, le réseau

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d’agences de la Deutsche Bank va supprimer 1800 postes d’ici 2001, et 320
embauches vont être réalisées pour l’activité Internet. Les équipes ne sont pas
redéployables car les besoins des banques changent tant du point de vue quantitatif,
que qualitatif (recherche de personnels plus diplômés et plus évolutifs, de niveau bac
+4 ou +5 spécialisés en particulier en marketing ou en gestion des systèmes
d’informations).
Pour contourner ce problème de gestion de la compétence, certaines banques
externalisent les tâches périphériques, mais aussi les tâches complexes et déplacent
ainsi ce problème sur les prestataires de service externes.
De plus, le passage d’une logique produit à une logique client renforcera la fonction
de gestionnaire de segment. Il induira une définition claire des services et des
moyens de communication pour chaque segment de clientèle. Enfin, de lourds
investissements en formation seront nécessaires afin de faire adopter une véritable
culture de service à tout le personnel en contact direct ou indirect avec la clientèle, et
de pouvoir délivrer une qualité de service homogène sur tous les canaux de
distribution.
En résumé, Internet accentue et radicalise les changements engendrés par la
révolution informatique.

En conclusion, les NTIC font évoluer les métiers bancaires, mais également les
bases mêmes de la concurrence entre les banques de réseau, les banques virtuelles et
les acteurs non bancaires. Même si les banques traditionnelles ont perdu quelques
parts de marché, la situation actuelle est loin d’être critique. Leurs avantages
distinctifs (marque, capital de confiance, et fond de commerce) leur laissent du
temps pour se transformer, à moins que des banques virtuelles américaines ne
débarquent en force sur le marché européen. Cependant ces changements sont
inéluctables pour elles. En conduisant à la séparation des activités de production et
de distribution, ils remettent ainsi en cause le modèle de banque universelle.

17
Bibliographie
[DES 98] DESIRE C., « La distribution de services financiers sur Internet aux Etats-
Unis », Banque, n°598, décembre 1998.

[HER 99] HERRMANN S., « La banque privée vue par ses clients »,
BanqueMagazine, n°606, septembre 1999.

[KOE 93].KOENIG G., Management stratégique, Nathan, Paris, 1993.

[LEI 2000] LEISNER M., « La banque sans papier », BanqueMagazine, n°610,


janvier 2000.

[MAT 99] MATHIAS G. & J.M. SAHUT, « La banque et Internet », Droit de


l’Informatique et des Télécoms, n°99/2, juillet 1999.

[MAG 2000] MAGRE E. & P. TUBIANA., « Le grand retour de la communication


de marque », BanqueMagazine, n°610, janvier 2000.

[MIC 98] MICHAUD E. & J.P DESBIOLLES, « Internet, une nouvelle approche »,
Banque et Stratégie, n°151, juillet-août 1998.

[MAR 90] MARTINET A.C., Diagnostic stratégique, Vuibert, Paris, 1990

[PRO 99] PROVOST O., « Internet révolutionne les métiers de la finance », La


Tribune, 13 septembre 1999.

[SAH 2000] SAHUT J.M, « Le paiement : enjeu du E-commerce », Banque et


Stratégie, n°168, février 2000.

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