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CONCOURS NATIONAL DE LA RESISTANCE ET DE LA DEPORTATION

(CNRD) - THEME 2024-2025

Analyse du thème « Libérer et refonder la France (1943-1945) »

Le thème du Concours national de la Résistance et de la Déportation pour l’année


scolaire 2024-2025, « Libérer et refonder la France (1943-1945) », veut souligner
la simultanéité, durant ces trois années majeures, d’engagements et de
réalisations dont la mémoire et même la référence demeurent aujourd’hui
encore : l’effort de guerre et de la victoire militaire de la France combattante avec
ses alliés sur les forces totalitaires de l’Axe ; la reconquête militaire d’un pays
occupé par l’Allemagne nazie et soumis au régime de fait de Vichy ; la
restauration de la souveraineté nationale et de la légalité comme de la légitimité
républicaines ; l’aspiration à un pays libéré de la Collaboration et de la
compromission morale, passant par de strictes mesures d’épuration ;
l’application d’un programme inédit de réformes institutionnelles, politiques,
économiques et sociales élaborée en commun par la Résistance intérieure et la
France Libre ; la recherche de libertés nouvelles afin de refonder démocratique le
pays, sa société, sa place dans le monde, sa fidélité à son histoire ; des imaginaires
individuels et collectifs qui traversent les âges et entrent dans l’histoire...

L’idée de liberté, son incarnation, son institutionnalisation, mais aussi les


sacrifices consentis pour sa survie et son avènement, réunissent ces aspirations
communes aux années 1943-1945. Cette liberté s’illustre dans des événements
emblématiques et symboliques comme la descente des Champs-Élysées à Paris, le
26 août 1944, conduite par le général de Gaulle avec des membres du
Gouvernement provisoire de la République française (GPRF), des membres du
Conseil national de la Résistance (CNR), des représentant des forces vives de la
Résistance intérieure, avec le général Leclerc et son état-major de la 2e Division
blindée (2e DB), etc. Déclenchée par l’insurrection parisienne, menée par les
troupes de la 2e DB et de la 4e division d’infanterie américaine, la libération de
Paris aboutit ce 26 août à un moment rare d’unanimité nationale, de liesse
populaire et de fièvre patriotique qu’immortalisent de nombreux de clichés
photographiques, des séries d’affiches, des peintures et dessins, des unes de
journaux, des graffitis sur les murs, des pancartes et banderoles, et maints
témoignages vécus. Ce matériel iconographique, archivistique et imprimé est
d’autant plus précieux que se multiplient ces scènes de libération au niveau local,
régional, en outre-mer, dans les colonies. De nombreuses institutions
patrimoniales conservent ces documents à disposition des élèves et de leurs
professeurs dans leur préparation du CNRD.

La libération de la France continentale lancée par le débarquement allié de


Normandie –auquel prennent part des unités de commandos français et des
Français intégrés aux forces anglo-américaines- n’en demeure pas moins très

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meurtrière et cruelle. Le prix à payer est lourd pour les civils comme pour les
combattants. Rappelons pour mémoire les représailles allemandes massives aux
actes de résistance et aux opérations des maquis, les fusillés pour l’exemple et les
otages assassinés jusqu’aux massacres extrêmes de Tulle (9 juin) et d’Oradour-
sur-Glane (10 juin) perpétrés par la division SS « Das Reich ». Ils ne sont pas les
seuls. Les efforts du IIIe Reich pour rejeter les Alliés à la mer après le 6 juin 1944
se transforment en une politique de terreur qui n’est pas sans rappeler la guerre
d’anéantissement menée sur le front de l’Est et désormais du Sud de l’Europe. Les
villes et villages martyrs sont nombreux, en Bretagne avec Gouesnou, vers la
Loire avec Maillé incendié et ses habitants assassinés le 25 août. Vassieux-en
Vercors est détruit le 21 juillet pendant l’assaut allemand sur le maquis du
Vercors. Pour s’être « totalement sacrifié pour la cause de la Résistance
française », le village est élevé au rang de compagnon de la Libération par le
général de Gaulle le 4 août 1945.

Toutes les forces nazies sont mobilisées au service de cette politique de la


terreur, les services de sécurité de la SS, la Gestapo mais aussi des unités
régulières de la Wehrmacht, épaulées à de nombreuses reprises par des
supplétifs de Vichy. La résistance est contrainte de suspendre des opérations
contre les colonnes ennemies afin de ne pas exposer les populations. Le repli
allemand en août et septembre entraîne de nouveaux massacres, assassinats,
prises d’otages conduits à la mort. S’ajoute à cette violence terroriste la poursuite
accélérée de la « solution finale » alors que le IIIe Reich commence à s’effondrer
militairement. Bénéficiant de la participation active de la Milice et de sanglantes
brigades antijuives, l’arrestation des populations juives en France et leur
déportation s’amplifient. La destruction des juifs d’Europe s’impose à tout autre
objectif. A Lyon le 11 août, le chef de la Gestapo Klaus Barbie met 650 détenus des
prisons de Lyon dans un dernier train, à destination du camp de Compiègne pour
les résistants hommes, du fort de Romainville pour les résistantes, et de Drancy
pour les juifs.

Le 17 août 1944, un convoi part encore de Drancy et de Royallieu est celui du 17


août. 51 personnes, dont l’écrivain Robert Antelme, Marcel Bloch futur Marcel
Dassault, et la résistante des Pays-Bas Paula Kaufman sont déportés. La plupart
arrivent au camp de Buchenwald. Deux jours avant leur départ, un train de
déportés composés de résistants, quitte la gare de Pantin. A son bord se trouvent
d’éminents savants comme Georges Bruhat, Maurice Halbwachs, et Henri
Maspero avec sa femme Hélène, de jeunes combattants comme Dominique Corti
(réseau Marco-Polo), des dirigeants d’organisations, Emile Bollaert (CNR),
Maurice Braun (Ernest Publican), Pierre Lefaucheux (FFI), René Piketty (FFI), et
de nombreuses femmes engagées dans la Résistance, dont Jacqueline Bernard
(Combat), Denise Bloch (SOE), Catherine Dior (réseau F2), Jacqueline Fleury
(Défense de la France), Marcelle Henry (BCRA), Madeline Riffaud (qui parvient à
s’échapper) ou encore la jeune Michèle Moët-Agniel (réseaux Bourgogne et
Évasion). Ces dernières sont déportées au camp de Ravensbrück, les hommes

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étant dirigés sur Buchenwald. A Toulouse, les détenus du camp du Vernet et de la
prison Saint-Michel subissent deux mois d’un véritable enfer avant d’atteindre
l’Allemagne (2 juillet-27 août) ; les actions de la Résistance et l’aviation alliée ne
parviennent pas à stopper ce « train fantôme ». Dans le nord de la France, le
dernier convoi en direction de l’Allemagne est encore plus tardif. Le 1 er
septembre 1944, 1 250 détenus politiques de la prison de Loos sont déportés en
Allemagne alors que la région est presqu’entièrement libérée. 1 100 déportés
quittent l’Alsace-Moselle, d’août à novembre 1944, et une ultime soixantaine de
déportés, de Rouffac, en février 1945.

Les pertes françaises ou d’étrangers en France à la Libération ne sont pas tous


dues à la terreur nazie sous toutes ses formes, mais aussi aux bombardements
massifs de l’aviation anglo-américaine à laquelle se joignent les forces aériennes
libres. Celles-ci opèrent de manière plus ciblée comme le groupe Lorraine équipé
de bombardiers légers type Boston sur lesquels volent l’ancien député et
secrétaire d’État Pierre Mendès France, ainsi que l’écrivain Romain Gary et les
polytechniciens Michel Fourquet et Marcel Langer (tous trois faits compagnons
de la Libération), et Arnaud Langer, frère du précédent. Les 60 000 victimes de
bombardiers alliés ne remettent cependant pas en cause l’adhésion de la
population aux opérations alliées. Il est vrai que dans le même temps, beaucoup
de soldats américains, australiens, britanniques, canadiens, … meurent pour la
libération de la France. Les cimetières de Normandie et de l’Est de la France
portent témoignage du sang versé, de même que les nombreuses troupes
coloniales mobilisées par la France combattante -puis renvoyés dans les
territoires d’origine sans que leur sacrifice ne soit pleinement reconnu.

De même, les étrangers dans la Résistance et leur rôle dans la libération de la


France ont été très tardivement reconnus. Les républicains espagnols de la 9e
compagnie « Nueve » du 3e bataillon du Régiment de marche du Tchad de la 2e DB
sont parmi les premiers à entrer dans Paris le 24 août par la porte d’Italie,
atteignant la place de l’Hôtel de ville avec les half-tracks « Guadalajara »,
« Teruel », « Guernica » et « Ebro ». Officier de la « Nueve », le lieutenant Amado
Granell est reçu par les représentants du Conseil national de la résistance. Le 26
août, la « Nueve » est désignée pour assurer la protection du général de Gaulle
dans sa descente des Champs-Élysées, et ses hommes défilent en portant les
couleurs de la Seconde République espagnole. Très tardivement apposées à partir
des années 2000, des plaques, inscriptions et statues transmettent à la
postérité une brève évocation de ces actes et de ces vies héroïques.

Peu connues également sont les pertes françaises dans les combats dans l’Est de
la France et en Allemagne, pour la défaite du nazisme et la libération de l’Europe,
à l’image du jeune économiste Étienne Mantoux, ancien du Groupe Lorraine,
engagé dans la 2e DB, tué sur une autoroute près de Sarrelouis le 30 avril 1945
dans les derniers jours de la guerre. Lieutenant observateur, il avait lancé le 24
août 1944, depuis un Piper Cub que pilotait le capitaine Jean Callet, le message

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fameux du général Leclerc aux Forces françaises de l'intérieur retranchés dans la
Préfecture de Police : « Tenez bon, nous arrivons ! ».

Dans Paris libéré, le général de Gaulle affirme la continuité de la République. Elle


n’a pas à être proclamée, en décide le chef du GPRF. Il se réinstalle à son bureau
du ministère de la Guerre, rue Saint-Dominique, qu’il avait quitté en juin 1940.
Néanmoins, la libération de la France métropolitaine n’est pas achevée à la date
du 25 août 1944, pas plus que celle des territoires ultramarins et de certaines
colonies de l’Empire. Les dernières poches de l’Atlantique tenues par les
Allemands tombent dans les jours qui suivent la capitulation sans condition du
IIIe Reich. Mais le 8 mai 1945 ne scelle pas davantage la fin de la guerre pour la
France et les Français. La Seconde Guerre mondiale se poursuit en Extrême-
Orient jusqu’au 2 septembre 1945 et la capitulation du Japon. La France est co-
signataire des actes signés en baie de Tokyo sur le cuirassé américain Missouri.
L’Indochine s’extrait de l’occupation japonaise et la France envoie un corps
expéditionnaire pour s’imposer au Vietminh qui réclame l’indépendance. Une
autre guerre succède presque immédiatement, coloniale et impériale. Différée en
Afrique du Nord, elle connaît déjà un épisode sanglant avec la répression massive
des populations civiles à Sétif, Guelma et Kherrata, le 8 mai 1945, à la suite
d’émeutes succédant à une manifestation de nationalistes algériens. Au Moyen-
Orient arabe, la France bombarde Damas le 29 mai pour s’opposer au processus
d’indépendance de la Syrie (soutenu par les Britanniques).

L’issue victorieuse de la guerre a été annoncée dès le 18 juin 1940 à Londres par
le général de Gaulle qui prend la tête de la « France Libre ». Le 16 novembre, il
crée l’ordre de la Libération à Brazzaville, le Congo (ainsi qu’en Afrique française,
le Tchad, le Cameroun et l’Oubangui) s’étant rallié à la France Libre. Dans le
Pacifique Sud, la Nouvelle-Calédonie a précédé ce ralliement de colonies
africaines. Lors d’une journée mémorable le 19 septembre 1940, la population
intronise Henri Sautot, le représentant du général de Gaulle tout juste arrivé des
Nouvelles-Hébrides. Les années 1941 et 1942 sont toutefois difficiles pour la
France Libre et la Résistance intérieure, comme pour les Alliés qui peinent à
contenir les offensives de l’Axe Rome-Berlin-Tokyo. La perspective de la victoire
se renforce en 1943 avec le tournant de la bataille de Stalingrad perdue par le IIIe
Reich le 2 février 1943. Elle succède à deux autres succès de la « Grande
Alliance » qui s’élabore entre nations belligérantes, la victoire américaine de
Midway dans le Pacifique, du 4 au 7 juin 1942, et le débarquement en Afrique du
Nord le 8 novembre suivant.

Indissociable des fronts internationaux, le sort de la France passe par Londres et


l’entité de la « France combattante » dont l’expression consacre, depuis le 13
juillet 1942, l’unité de la France Libre et de la Résistance intérieure sous l’égide
du général de Gaulle. L’hypothèque de la « Révolution nationale » de Vichy qui

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pèse sur certains mouvements de la zone sud (que le gouvernement de Vichy
dénomme « zone libre ») est levée le 11 novembre 1942 avec l’occupation
complète du territoire continental par l’Allemagne nazie et l’Italie fasciste. À
Alger, cette hypothèque disparaît pour de bon le 9 novembre 1943, lorsque le
général de Gaulle supplante le général Giraud, un temps co-président du Comité
français de la Libération nationale (CFLN) créé le 3 juin pour répondre aux
exigences américaines. De Gaulle devient alors le président unique du CFLN. Dans
l’intervalle, le 17 septembre, a été instituée, toujours à Alger, une assemblée
consultative provisoire. Elle siège à partir du 3 novembre, réunissant des
représentants de la résistance intérieure et des forces françaises libres, ainsi que
des partis et des syndicats.

En France occupée, le préfet Jean Moulin, délégué du général de Gaulle, voit le


Comité général d’études (CGE), l’un des services communs qu’il a créés dans le
cadre de sa Délégation générale, prendre son essor. Sa mission, toute prospective
soit-elle, n’en est pas moins ambitieuse, puis qu’il doit œuvrer aux réformes à
mettre en œuvre à la Libération. Le CGE participe de ce creuset de réflexions et de
propositions caractéristique de l’activité de la Résistance, tant à Londres et Alger
qu’en clandestinité dans la France occupée. Jean Moulin installe le Conseil
national de la Résistance qui tient sa première réunion, le 27 mai 1943, rue du
Four à Paris. Mais le 21 juin, il est arrêté par la Gestapo, après le général
Delestraint, chef de l’Armée secrète. Emile Bollaert prend sa suite. Ces institutions
se renforcent au cours de l’année 1944, avec, pour le CNR, l’adoption le 15 mars, à
l’unanimité de ses membres, du Programme d’action de la Résistance.
Rapidement dénommé « programme du CNR », également connu sous le nom de
« Les Jours heureux », il prévoit doublement les actions à mener en vue de la
Libération et les réformes à mettre en œuvre dès la victoire acquise.

L’arrestation de Jean Moulin, les tortures qu’il subit à la prison de Montluc, sa


mort officiellement constatée le 8 juillet 1943 en gare de Metz (où s’élève depuis
2014 une œuvre d’hommage due au sculpteur allemand Stephan Galkenhol)
rappelle que les combats de la Libération s’accompagnent d’une hécatombe
parmi les combattants et combattantes de la Résistance intérieure. Hauts
responsables à différents titres, Jacques Bingen, Marc Bloch, Pierre Brossolette,
Jean Cavaillès, Honoré d’Estienne d’Orves périssent, certains choisissant la
disparition volontaire comme Berty Albrecht, responsable du service social de
Combat, arrêtée le 28 mai 1943 à Mâcon en présence de Klaus Barbie, transférée
à la prison de Fresnes où elle se donne la mort.

Plus nombreuses cependant à réchapper –provisoirement- à la mort, les femmes


résistantes subissent l’enfer de la déportation, de Germaine Tillion à Geneviève
de Gaulle en passant par Madeleine Lévy. Petite-fille du capitaine Dreyfus,
résistante à Toulouse dans le mouvement Combat, dénoncée et arrêtée par la
Milice en 1943, celle-ci est déportée au camp d’Auschwitz-Birkenau, comme son
amie de lycée Yvette Baumann, elle aussi membre de Combat, ainsi que le mari de

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cette dernière, le polytechnicien Jean-Guy Bernard, secrétaire général et dirigeant
de l’organisation résistante NAP (Noyautage des Administrations publiques).

L’intensification de la répression nazie dans les pays occupés et l’accélération de


la destruction des juifs d’Europe se veulent autant de victoires aux yeux du Reich
alors que les défaites militaires s’accumulent pour lui sur les fronts extérieurs à
partir de 1943. Cette année décisive sur ce plan voit, après celle de l’Algérie, la
libération de la Tunisie le 13 mai, puis celle de la Corse le 4 octobre avec le
soulèvement de l’île, premier territoire métropolitain à rejoindre la France
combattante. Le processus d’unification de la Résistance intérieure est en marche,
comme celui, tout aussi complexe, de la reconnaissance internationale de la
France combattante. De nouvelles institutions travaillent à réaliser et organiser la
libération de toute la France, sur un plan militaire, territorial et politique même si
le retour à une pleine souveraineté n’est pas acquis à cet instant. Les plans
d’occupation alliée de l’Hexagone (ou AMGOT) se précisent en effet, avec
l’exemple de l’Italie après les armistices de Cassibile (Sicile) et de Malte (3-29
septembre 1943). S’y opposant frontalement, le général de Gaulle accélère la
transformation de la France combattante en futur gouvernement de la France
libérée.

Le 3 juin 1944, le CFLN se mue ainsi en Gouvernement provisoire de la


République française (GPRF) présidé par de Gaulle. La préparation de la
libération de la France s’accélère, sans oublier le sort réservé à l’Empire français
dont l’avenir est dessiné le 30 janvier 1944 à la conférence de Brazzaville. Le 31
août, le GPRF s'installe dans Paris libéré. Le 23 octobre, il est reconnu par les
Alliés, permettant à la France de co-signer l’acte final de capitulation de
l’Allemagne nazie puis celui du Japon impérial. Le vote des réformes est lancé dès
le mois de janvier 1944 à l'Assemblée consultative d'Alger, ouvrant les débats sur
la future organisation des pouvoirs publics en France à la fin du mois.

Avant même la libération de la capitale, et afin d’affirmer une pleine souveraineté


sur le « territoire national continental », qu’il soit libéré ou non, le GPRF statue
par l’ordonnance du 9 août 1944 sur le « rétablissement de la légalité
républicaine ». Celle-ci affirme que la « forme du Gouvernement de la France est
et demeure la République. En droit celle-ci n'a pas cessé d'exister », et qu’en
conséquence, sont nuls et de nul effet tous les actes constitutionnels législatifs ou
réglementaires, ainsi que les arrêtés pris pour leur exécution, sous quelque
dénomination que ce soit, promulgués sur le territoire continental
postérieurement au 16 juin 1940 et jusqu'au rétablissement du Gouvernement
provisoire de la République française. Les articles suivants visent les
organisations et les législation de « l'autorité de fait, se disant "gouvernement de
l'Etat français" », dont celles qui « établissent ou appliquent une discrimination
quelconque fondée sur la qualité de juif ».

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Le constat de « nullité » des actes de Vichy va de pair avec des mesures
d’épuration et de répression dirigées vers les responsables du régime
collaborationniste. Le procès en haute cour de justice du maréchal Pétain s’ouvre
le 23 juillet 1945, pour s’achever le 15 août par la condamnation du prévenu à la
peine capitale (assortie du vœu de non-exécution de la peine, vœu qu’exauce le
général de Gaulle) et à l’indignité nationale. L’épuration s’accélère, « sauvage »
lors des combats de la Libération et simultanément légale dans le cadre d’une
première ordonnance du CFLN le 18 août 1943. L’ancien ministre de l’Intérieur
de Vichy Pierre Pucheu, reconnu coupable, est exécuté le 20 mars 1944 à Alger.
Une nouvelle ordonnance, relative à la répression des faits de collaboration, est
prise par le Gouvernement provisoire de la République française le 26 juin 1944,
suivie de celle du 26 août qui énumère les nombreux motifs d’indignité nationale.
Une nouvelle ordonnance, celle du 28 novembre 1944, porte « modification et
codification des textes relatifs à la répression des faits de collaboration ». Des
exemples sont faits, dans le milieu littéraire notamment. Toutefois l’épuration
reste limitée, chez les patrons français nécessaires à la reconstruction, dans la
fonction publique où beaucoup de hauts fonctionnaires et de magistrats des cours
souveraines ou de la justice, ayant collaboré, ne sont pas inquiétés. Déception et
amertume traversent les rangs des résistants qui n’ont pas attendu la « vingt-
cinquième heure » pour s’engager au péril de leur vie. Ils font entendre leurs voix,
pour rappeler le sens de leur combat dans l’Armée des ombres et dans les rangs
de la France Libre.

Libérer la France ne va pas sans la refonder. Cette refondation commence avant


même la libération complète du territoire national et celle des deux millions de
Françaises et des Français détenus par le IIIe Reich sous des statuts différents
(prisonniers de guerre, STO, déportés dits politiques, déportés dits raciaux). La
découverte du camp et centre de mise à mort d’Auschwitz-Birkenau par les forces
soviétiques n’intervient que le 27 janvier 1945. Les rares survivants de la
« Solution finale » et ceux, plus nombreux, de la déportation politique sont
rapatriés à Paris à partir du mois d’avril où ils sont accueillis à l’hôtel Lutétia,
réquisitionné par le ministère des Prisonniers de guerre, Déportés et Réfugiés.

Sans commune mesure avec le sort de ces rescapés, la situation de la population


française est néanmoins difficile. Un sévère rationnement est institué, seulement
500 grammes de sucre par mois et à 160 grammes de viande par semaine. La
mortalité infantile atteint des seuils critiques dans les régions les plus pauvres.
Conformément aux vœux du Conseil national de la Résistance (CNR), des
réformes économiques et sociales d’envergure sont aussitôt engagées par voie
d’ordonnances : nationalisations des Houillères du Nord et du Pas-de-Calais en
décembre 1944, suivies de celle des usines Renault le 16 janvier 1945 et des
transports aériens avec la naissance d’Air France (26 juin). Les comités

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d'entreprise sont créés le 22 février 1945, la sécurité sociale les 4 et 19 octobre
1945, le crédit est nationalisé par la loi du 2 décembre 1945.

Ces réformes de structure décidant d’une importante modernisation des finances


publiques, de l’économie et de la société ne vont pas sans enjeux ni débats comme
l’illustre la démission de Pierre Mendès France du ministère de l’Économie
nationale le 6 avril 1945. Elles se réalisent aussi dans le cadre d’un retour à la
souveraineté populaire et à l’extension du suffrage universel. La question du vote
des femmes est posée en mars 1944 à Alger, notamment par le délégué
communiste Fernand Grenier se référant aux déclarations du Général de Gaulle
du 23 juin 1942. L’ordonnance du CFLN du 21 avril 1944, signée de son
Président, octroie officiellement aux femmes majeures, sans restriction, le droit
d’être élues et électrices. Elles votent pour la première fois aux élections
municipales des 29 avril et 13 mai 1945, puis aux élections constituantes du 21
octobre 1945.

Comme en a décidé également l’ordonnance du 21 avril 1944, ces dernières


élections sont associées à un référendum par lequel les électrices et électeurs
choisissent ou non d’accorder à l’assemblée issue de leur suffrage une vocation
constituante. Ils se prononcent presque unanimement (96%) pour une nouvelle
constitution et chargent la nouvelle assemblée d’élaborer les nouvelles
institutions dans un délai de sept mois. La nouvelle constitution sera soumise
elle-même à référendum. Débute un temps d’intenses débats et réflexions
politiques alimentés par l’avènement de nouveaux partis politiques aux côtés des
anciens hérités de la IIIe République. L'Assemblée constituante élue contrôle le
Gouvernement et détient le pouvoir législatif. Elle confirme le général de Gaulle
dans ses fonctions de Président du Gouvernement provisoire. Toutefois les
relations se tendent rapidement avec l’ancien chef de la France Libre, jusqu’à sa
démission de son poste le 20 janvier 1946.

Cette période dénommée « La Libération » constitue un temps d’espoir et de


passion pour l’avenir comme en témoigne l’activité ardente des journaux passés
de la clandestinité au grand jour. Ceux d’avant-guerre qui n’ont pas collaboré
renaissent dans la mémoire des combats et le souvenir de l’oppression, à l’instar
du Populaire des socialistes de la SFIO qui porte sur sa manchette : « directeur
politique, Léon Blum, déporté en Allemagne ». D’autre publications, compromises,
sont remplacées. Ainsi, le quotidien Le Monde naît sur les ruines du Temps
condamné à disparaître tandis que Le Figaro survit de justesse. Des résistants
journalistes comme Albert Camus (Combat), Philippe Viannay (Défense de la
France), Emmanuel d’Astier de la Vigerie (Libération) expriment dans leurs
éditoriaux des attentes fortes pour le monde nouveau qui doit mener les sociétés
à la démocratisation, assumer l’enfer concentrationnaire comme l’entrée dans
l’âge atomique, penser le nouvel ordre mondial, entendre les aspirations à la
liberté des peuples soumis.

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De nouvelles dispositions règlementent la presse et l’information (dont André
Malraux occupe brièvement le ministère à partir du 21 novembre 1945). Elles
émanent notamment de l’œuvre du résistant Pierre-Henri Teitgen, secrétaire
général à l’Information dans la clandestinité qui élabore, au début de 1944, des
instructions provisoires pour les futurs commissaires de la République de la
Libération. Celles-ci sont adoptées en avril par le Comité général d’études qui en
fait son « cahier bleu », avant qu’elles ne fassent l’objet d’ordonnances prises à
Alger. Appliquées en août 1944, elles visent à favoriser l’indépendance de la
presse à l’égard des groupes de pression notamment financiers. Mais elles
s’accompagnent aussi de mesures contraignantes de contrôle voire de
subordination dont témoignent les statuts de la nouvelle Agence France-Presse
(AFP) fixés par l’ordonnance du 30 septembre 1944, ou les dispositions de celle
du 25 novembre pour les journaux.

L’appel à une action administrative et une décision politique mieux éclairées par
les savoirs et la connaissance se concrétise avec l’organisation d’un service dirigé
vers la diffusion de l’information publique et d’un autre chargé de la publication
officielle des textes législatifs et règlementaires. Le premier voit le jour le 19
octobre 1945, avec la Direction de la documentation et de la diffusion dont le
premier inspirateur est un jeune Français libre, Jean-Louis Crémieux-Brilhac, qui
en a dessiné l’ébauche au Commissariat à l’Intérieur. La tâche d’émancipation des
esprits est attendue quant à elle d’une école elle aussi réformée, ou devant l’être.
Dès la Libération sont lancées les bases d’une réforme de l'enseignement et du
système éducatif suivant le programme du CNR. Cette réforme doit reposer sur
les travaux d’une « Commission ministérielle d'études pour la réforme de
l'enseignement » qu’institue, le 8 novembre 1944, le ministre de l’Éducation
nationale René Capitant. Elle est présidée par Paul Langevin puis par Henri
Wallon, d’où le nom de Plan Langevin-Wallon remis trop tardivement, en juin
1947, pour être réellement appliquée, dans un contexte de surcroît d’entrée dans
la guerre froide.

La libération des esprits se veut une refondation de la société française désormais


davantage ouverte sur la monde, à qui sont promis de nouveaux horizons, de
nouvelles institutions pour une connaissance plus exacte, plus critique et mieux
partagée. Les essais, la littérature, les arts se font l’expression des espoirs de la
Libération, afin que la victoire sur le nazisme et la libération de la France
n’aboutissent pas à une simple restauration d’un temps ancien largement
responsable du désastre national. Le thème de la révolution dépasse les
formations de la gauche marxiste que dominent les communistes français. Ceux-ci
capitalisent sur une mystique de la Résistance propre au « parti des soixante-
quinze mille fusillés » et sur les nombreux intellectuels « compagnons de route »
solidaire du PCF. Le socialisme recherche, avec Léon Blum à la tête de la SFIO, une
« échelle humaine ». La démocratie chrétienne tente de s’affirmer dans un pays
qui n’en a guère la tradition, tandis le gaullisme naissant doit faire face au

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« régime exclusif des partis » que réprouve le général de Gaulle, entraînant sa
démission en janvier 1946.

Même si la nouvelle constitution de la nouvelle République est laborieuse dans


son écriture et son adoption par les Françaises et les Français, le préambule qui
ouvre celle finalement consacrée par le référendum du 13 octobre 1946 (et
promulguée le 27 octobre) reflète les attentes de la Libération en matière de
refondation juridique, intellectuelle et morale. « Le peuple français proclame à
nouveau que tout être humain, sans distinction de race, de religion ni de
croyance, possède des droits inaliénables et sacrés. » Réaffirmant « les droits et
les libertés de l’homme et du citoyen consacrés par la Déclaration des Droits de
1789 et les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République », le
texte aujourd’hui constitutionnalisé dans la Constitution de la Ve République
ajoute de nouveaux droits, politiques, économiques et sociaux, comme la parfaite
égalité homme-femme, le droit d’asile de toute personne persécutée « en raison
de son action en faveur de la liberté », la liberté syndicale et le droit de grève, la
protection de la santé et la sécurité sociale, le devoir d’enseignement, d’éducation
et de culture et son accès égal pour l’enfant comme pour l’adulte. Des libertés et
droits fondamentaux sont toutefois aussitôt bafoués dans les faits, comme
l’engagement à n’entreprendre « aucune guerre dans des vues de conquête » et
n’employer « jamais ses forces contre la liberté d'aucun peuple », ou celui de
former « avec les peuples d'outre-mer une Union fondée sur l'égalité des droits et
des devoirs, sans distinction de race ni de religion ».

L’intensité des mois de la Libération, les imaginaires de liberté qui s’y révèlent, la
volonté d’un monde nouveau de justice sociale et d’horizon moral sont réels. La
ferveur qu’inspire la victoire sur le nazisme repousse la tentation de la « mémoire
courte » dont s’inquiète dès 1953 l’ancien résistant Jean Cassou. Le souvenir de
tous les êtres, souvent jeunes, tombés dans le combat ou assassinés dans les
camps, demeure. Et leur exemple est glorifié, parfois pour faire oublier les
lâchetés et compromissions des vivants. Des nombreuses associations voient le
jour, preuve d’une vitalité démocratique retrouvée mais aussi du besoin de
mémoire en attendant l’histoire et peut-être la justice. Les traces et expressions
de la « Libération », avec ses rêves et ses désillusions, s’expriment dans de
multiples sources que les professeurs d’aujourd’hui, aidés des grandes fondations
de la mémoire, des associations qui ont perduré, des institutions muséales,
documentaires, archivistiques qui ont grandi, des universités et des centres de
recherche spécialisés, pourront communiquer à leurs élèves préparant le
Concours. À moins que ceux-ci, révélant des trésors familiaux ou des héritages
transmis, décident par eux-mêmes de les exploiter.

Refonder la France commence par la défense d’un esprit de liberté qui traverse
« La Libération » et l’oblige à concevoir comme à accomplir une refondation

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démocratique. Né de la résistance et par la résistance, sous toutes ses formes
civiles, militaires, littéraires, morales…. et en tous lieux, dont l’école et les camps
nazis comme le rappellent les thèmes des Concours de 2022-2023 et 2023-20241,
cet esprit de liberté n’en possède que plus de légitimité et de visibilité, à l’image
du poème de Paul Éluard, « Liberté j’écris ton nom », composé en 1942, réédité à
la Libération et dont la renommée est immédiatement considérable. 1943-1945
présente donc une continuité pour qui souhaite comprendre et illustrer ce thème
« Libérer, refonder la France ».

Comme on l’a écrit au début de cette analyse, l’unité de la libération et de la


refondation de la France est affirmée dès la défaite de 1940, dans la certitude
qu’en se défendant, la République renaîtra et qu’elle saura assumer sa part dans
la confrontation définitive entre les États démocratiques et les États totalitaires
selon la lecture de Raymond Aron en juin 1939 –lecture succédant au constat de
« l’ère des tyrannies » fait par le philosophe et historien Élie Halévy en novembre
1936. Si le second décède en 1937, le premier anime la réflexion sur la « France
de demain », appelant, dans les colonnes de la revue La France Libre publiée à
Londres, à un « politique de raison créatrice et non de passion déchaînée ». Il
ajoute en cette année 1943 : « Nous ne sommes encore qu’à pied d’œuvre. Mais
déjà nous avons le droit de nous réjouir que les fondations aient été posées et
qu’on ait planté le seul drapeau autour duquel les Français puissent se
rassembler : celui de la France et de la République ».

En se renforçant de façon décisive à partir de 1943, l’unité de la libération et de la


refondation de la France définit le temps de la victoire et en exige beaucoup.
Comme en attestent de nombreux messages adressés au général de Gaulle et à la
France Libre « en attendant la victoire », comme en témoignent maintes
initiatives nées dans la clandestinité, la refondation démocratique, par la liberté
retrouvée et réinventée, est déjà en marche, en pensée et en acte. De sa prison de
Riom en 1943, l’ancien ministre Jean Zay imagine le visage de « la France de
demain ». Depuis Londres à la même date, la philosophe Simone Weil rédige à la
demande du général de Gaulle un « prélude à une déclaration des devoirs envers
l’être humain ». Et dans une lettre clandestine adressée à son oncle le 6 mai 1943,
la résistante Geneviève de Gaulle rappelle au chef de la France combattante que
« les femmes ont prouvé, je pense, qu’elles pouvaient aussi servir. »

Vincent Duclert, historien, inspecteur général, président du collège national des


correcteurs du Concours national de la Résistance et de la Déportation.

1« L'École et la Résistance : des jours sombres au lendemain de la libération (1940-1945) », thème du


CNRS en 2022-2023 ; « Résister à la Déportation, en France et en Europe », thème du CNRD en 2023-2024.

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