lettre25
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meurtrière et cruelle. Le prix à payer est lourd pour les civils comme pour les
combattants. Rappelons pour mémoire les représailles allemandes massives aux
actes de résistance et aux opérations des maquis, les fusillés pour l’exemple et les
otages assassinés jusqu’aux massacres extrêmes de Tulle (9 juin) et d’Oradour-
sur-Glane (10 juin) perpétrés par la division SS « Das Reich ». Ils ne sont pas les
seuls. Les efforts du IIIe Reich pour rejeter les Alliés à la mer après le 6 juin 1944
se transforment en une politique de terreur qui n’est pas sans rappeler la guerre
d’anéantissement menée sur le front de l’Est et désormais du Sud de l’Europe. Les
villes et villages martyrs sont nombreux, en Bretagne avec Gouesnou, vers la
Loire avec Maillé incendié et ses habitants assassinés le 25 août. Vassieux-en
Vercors est détruit le 21 juillet pendant l’assaut allemand sur le maquis du
Vercors. Pour s’être « totalement sacrifié pour la cause de la Résistance
française », le village est élevé au rang de compagnon de la Libération par le
général de Gaulle le 4 août 1945.
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étant dirigés sur Buchenwald. A Toulouse, les détenus du camp du Vernet et de la
prison Saint-Michel subissent deux mois d’un véritable enfer avant d’atteindre
l’Allemagne (2 juillet-27 août) ; les actions de la Résistance et l’aviation alliée ne
parviennent pas à stopper ce « train fantôme ». Dans le nord de la France, le
dernier convoi en direction de l’Allemagne est encore plus tardif. Le 1 er
septembre 1944, 1 250 détenus politiques de la prison de Loos sont déportés en
Allemagne alors que la région est presqu’entièrement libérée. 1 100 déportés
quittent l’Alsace-Moselle, d’août à novembre 1944, et une ultime soixantaine de
déportés, de Rouffac, en février 1945.
Peu connues également sont les pertes françaises dans les combats dans l’Est de
la France et en Allemagne, pour la défaite du nazisme et la libération de l’Europe,
à l’image du jeune économiste Étienne Mantoux, ancien du Groupe Lorraine,
engagé dans la 2e DB, tué sur une autoroute près de Sarrelouis le 30 avril 1945
dans les derniers jours de la guerre. Lieutenant observateur, il avait lancé le 24
août 1944, depuis un Piper Cub que pilotait le capitaine Jean Callet, le message
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fameux du général Leclerc aux Forces françaises de l'intérieur retranchés dans la
Préfecture de Police : « Tenez bon, nous arrivons ! ».
L’issue victorieuse de la guerre a été annoncée dès le 18 juin 1940 à Londres par
le général de Gaulle qui prend la tête de la « France Libre ». Le 16 novembre, il
crée l’ordre de la Libération à Brazzaville, le Congo (ainsi qu’en Afrique française,
le Tchad, le Cameroun et l’Oubangui) s’étant rallié à la France Libre. Dans le
Pacifique Sud, la Nouvelle-Calédonie a précédé ce ralliement de colonies
africaines. Lors d’une journée mémorable le 19 septembre 1940, la population
intronise Henri Sautot, le représentant du général de Gaulle tout juste arrivé des
Nouvelles-Hébrides. Les années 1941 et 1942 sont toutefois difficiles pour la
France Libre et la Résistance intérieure, comme pour les Alliés qui peinent à
contenir les offensives de l’Axe Rome-Berlin-Tokyo. La perspective de la victoire
se renforce en 1943 avec le tournant de la bataille de Stalingrad perdue par le IIIe
Reich le 2 février 1943. Elle succède à deux autres succès de la « Grande
Alliance » qui s’élabore entre nations belligérantes, la victoire américaine de
Midway dans le Pacifique, du 4 au 7 juin 1942, et le débarquement en Afrique du
Nord le 8 novembre suivant.
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pèse sur certains mouvements de la zone sud (que le gouvernement de Vichy
dénomme « zone libre ») est levée le 11 novembre 1942 avec l’occupation
complète du territoire continental par l’Allemagne nazie et l’Italie fasciste. À
Alger, cette hypothèque disparaît pour de bon le 9 novembre 1943, lorsque le
général de Gaulle supplante le général Giraud, un temps co-président du Comité
français de la Libération nationale (CFLN) créé le 3 juin pour répondre aux
exigences américaines. De Gaulle devient alors le président unique du CFLN. Dans
l’intervalle, le 17 septembre, a été instituée, toujours à Alger, une assemblée
consultative provisoire. Elle siège à partir du 3 novembre, réunissant des
représentants de la résistance intérieure et des forces françaises libres, ainsi que
des partis et des syndicats.
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cette dernière, le polytechnicien Jean-Guy Bernard, secrétaire général et dirigeant
de l’organisation résistante NAP (Noyautage des Administrations publiques).
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Le constat de « nullité » des actes de Vichy va de pair avec des mesures
d’épuration et de répression dirigées vers les responsables du régime
collaborationniste. Le procès en haute cour de justice du maréchal Pétain s’ouvre
le 23 juillet 1945, pour s’achever le 15 août par la condamnation du prévenu à la
peine capitale (assortie du vœu de non-exécution de la peine, vœu qu’exauce le
général de Gaulle) et à l’indignité nationale. L’épuration s’accélère, « sauvage »
lors des combats de la Libération et simultanément légale dans le cadre d’une
première ordonnance du CFLN le 18 août 1943. L’ancien ministre de l’Intérieur
de Vichy Pierre Pucheu, reconnu coupable, est exécuté le 20 mars 1944 à Alger.
Une nouvelle ordonnance, relative à la répression des faits de collaboration, est
prise par le Gouvernement provisoire de la République française le 26 juin 1944,
suivie de celle du 26 août qui énumère les nombreux motifs d’indignité nationale.
Une nouvelle ordonnance, celle du 28 novembre 1944, porte « modification et
codification des textes relatifs à la répression des faits de collaboration ». Des
exemples sont faits, dans le milieu littéraire notamment. Toutefois l’épuration
reste limitée, chez les patrons français nécessaires à la reconstruction, dans la
fonction publique où beaucoup de hauts fonctionnaires et de magistrats des cours
souveraines ou de la justice, ayant collaboré, ne sont pas inquiétés. Déception et
amertume traversent les rangs des résistants qui n’ont pas attendu la « vingt-
cinquième heure » pour s’engager au péril de leur vie. Ils font entendre leurs voix,
pour rappeler le sens de leur combat dans l’Armée des ombres et dans les rangs
de la France Libre.
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d'entreprise sont créés le 22 février 1945, la sécurité sociale les 4 et 19 octobre
1945, le crédit est nationalisé par la loi du 2 décembre 1945.
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De nouvelles dispositions règlementent la presse et l’information (dont André
Malraux occupe brièvement le ministère à partir du 21 novembre 1945). Elles
émanent notamment de l’œuvre du résistant Pierre-Henri Teitgen, secrétaire
général à l’Information dans la clandestinité qui élabore, au début de 1944, des
instructions provisoires pour les futurs commissaires de la République de la
Libération. Celles-ci sont adoptées en avril par le Comité général d’études qui en
fait son « cahier bleu », avant qu’elles ne fassent l’objet d’ordonnances prises à
Alger. Appliquées en août 1944, elles visent à favoriser l’indépendance de la
presse à l’égard des groupes de pression notamment financiers. Mais elles
s’accompagnent aussi de mesures contraignantes de contrôle voire de
subordination dont témoignent les statuts de la nouvelle Agence France-Presse
(AFP) fixés par l’ordonnance du 30 septembre 1944, ou les dispositions de celle
du 25 novembre pour les journaux.
L’appel à une action administrative et une décision politique mieux éclairées par
les savoirs et la connaissance se concrétise avec l’organisation d’un service dirigé
vers la diffusion de l’information publique et d’un autre chargé de la publication
officielle des textes législatifs et règlementaires. Le premier voit le jour le 19
octobre 1945, avec la Direction de la documentation et de la diffusion dont le
premier inspirateur est un jeune Français libre, Jean-Louis Crémieux-Brilhac, qui
en a dessiné l’ébauche au Commissariat à l’Intérieur. La tâche d’émancipation des
esprits est attendue quant à elle d’une école elle aussi réformée, ou devant l’être.
Dès la Libération sont lancées les bases d’une réforme de l'enseignement et du
système éducatif suivant le programme du CNR. Cette réforme doit reposer sur
les travaux d’une « Commission ministérielle d'études pour la réforme de
l'enseignement » qu’institue, le 8 novembre 1944, le ministre de l’Éducation
nationale René Capitant. Elle est présidée par Paul Langevin puis par Henri
Wallon, d’où le nom de Plan Langevin-Wallon remis trop tardivement, en juin
1947, pour être réellement appliquée, dans un contexte de surcroît d’entrée dans
la guerre froide.
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« régime exclusif des partis » que réprouve le général de Gaulle, entraînant sa
démission en janvier 1946.
L’intensité des mois de la Libération, les imaginaires de liberté qui s’y révèlent, la
volonté d’un monde nouveau de justice sociale et d’horizon moral sont réels. La
ferveur qu’inspire la victoire sur le nazisme repousse la tentation de la « mémoire
courte » dont s’inquiète dès 1953 l’ancien résistant Jean Cassou. Le souvenir de
tous les êtres, souvent jeunes, tombés dans le combat ou assassinés dans les
camps, demeure. Et leur exemple est glorifié, parfois pour faire oublier les
lâchetés et compromissions des vivants. Des nombreuses associations voient le
jour, preuve d’une vitalité démocratique retrouvée mais aussi du besoin de
mémoire en attendant l’histoire et peut-être la justice. Les traces et expressions
de la « Libération », avec ses rêves et ses désillusions, s’expriment dans de
multiples sources que les professeurs d’aujourd’hui, aidés des grandes fondations
de la mémoire, des associations qui ont perduré, des institutions muséales,
documentaires, archivistiques qui ont grandi, des universités et des centres de
recherche spécialisés, pourront communiquer à leurs élèves préparant le
Concours. À moins que ceux-ci, révélant des trésors familiaux ou des héritages
transmis, décident par eux-mêmes de les exploiter.
Refonder la France commence par la défense d’un esprit de liberté qui traverse
« La Libération » et l’oblige à concevoir comme à accomplir une refondation
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démocratique. Né de la résistance et par la résistance, sous toutes ses formes
civiles, militaires, littéraires, morales…. et en tous lieux, dont l’école et les camps
nazis comme le rappellent les thèmes des Concours de 2022-2023 et 2023-20241,
cet esprit de liberté n’en possède que plus de légitimité et de visibilité, à l’image
du poème de Paul Éluard, « Liberté j’écris ton nom », composé en 1942, réédité à
la Libération et dont la renommée est immédiatement considérable. 1943-1945
présente donc une continuité pour qui souhaite comprendre et illustrer ce thème
« Libérer, refonder la France ».
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